Language of document : ECLI:EU:C:2009:410

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA TRSTENJAK

présentées le 30 juin 2009 (1)

Affaire C‑101/08

Audiolux SA e.a.


[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Luxembourg)]

«Droit des sociétés – Principes généraux du droit communautaire – Existence, en droit communautaire, d’un principe général d’égalité des actionnaires – Champ d’application matériel et temporel – Droits des actionnaires minoritaires – Équilibre institutionnel – Sécurité juridique – Non-rétroactivité»






Table des matières


I –   Introduction

II – Cadre juridique

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

IV – Procédure devant la Cour

V –   Principaux arguments des parties

VI – Analyse juridique

A –   Recevabilité de la demande de décision préjudicielle

B –   Analyse des questions posées

1.     Sur la première question

a)     Remarques préliminaires

b)     Principes généraux du droit

i)     Notion

ii)   Sur le principe d’égalité des actionnaires en droit communautaire

–       Examen des dispositions pertinentes du droit communautaire

–       Arguments à l’encontre d’une qualification de principe général du droit

c)     Conclusion

2.     Sur la deuxième question

3.     Sur la troisième question

C –   Conclusion de l’analyse

VII – Conclusion

I –    Introduction

1.        La Cour de cassation (Luxembourg) a posé à la Cour trois questions qui visent en substance à savoir si une série de dispositions figurant dans des actes adoptés par les institutions de la Communauté européenne dans le domaine du droit des sociétés permettent de conclure à l’existence d’un principe général du droit relatif à l’égalité entre les actionnaires qui protégerait les actionnaires minoritaires d’une société en cas de prise de contrôle par une autre société en ce sens qu’ils auraient le droit de céder leurs titres à des conditions identiques à celles de tous les autres actionnaires.

2.        Cette demande de décision préjudicielle tire son origine d’un litige opposant les actionnaires minoritaires de la société anonyme RTL Group (ci-après les «demandeurs au principal») à la société de droit belge Groupe Bruxelles Lambert (GBL), à la société de droit allemand Bertelsmann AG (ci-après «Bertelsmann»), à la société anonyme RTL Group et aux membres du conseil d’administration de RTL Group (ci-après les «défendeurs au principal»). Par leur recours, les demandeurs au principal demandent l’annulation de la convention conclue entre GBL et Bertelsmann en vertu de laquelle GBL a cédé sa participation de 30 % dans le capital de RTL Group à Bertelsmann en échange de 25 % du capital de Bertelsmann et, à titre subsidiaire, la déclaration que les défendeurs au principal sont solidairement responsables du préjudice par eux subi et leur condamnation à la réparation de ce préjudice.

II – Cadre juridique

La directive 77/91/CEE

3.        Aux termes du cinquième considérant de la directive 77/91/CEE (2), «il est nécessaire, au regard des buts visés à l’article [44] paragraphe [2] sous g), que, lors des augmentations et des réductions de capital, les législations des États membres assurent le respect et harmonisent la mise en œuvre des principes garantissant un traitement égal des actionnaires qui se trouvent dans des conditions identiques et la protection des titulaires de créances antérieures à la décision de réduction».

4.        Les articles 20 et 42 de la directive 77/91 sont respectivement libellés comme suit:

«Article 20

1. Les États membres peuvent ne pas appliquer l’article 19:

[…]

d)       aux actions acquises en vertu d’une obligation légale ou résultant d’une décision judiciaire visant à protéger les actionnaires minoritaires, notamment en cas de fusion, de changement de l’objet ou de la forme de la société, de transfert du siège social à l’étranger ou d’introduction de limitations pour le transfert des actions;

[…]

f)       aux actions acquises en vue de dédommager les actionnaires minoritaires des sociétés liées;

[…]

Article 42

Pour l’application de la présente directive, les législations des États membres garantissent un traitement égal des actionnaires qui se trouvent dans des conditions identiques.»

La recommandation 77/534/CEE

5.        Selon le point 6 de la recommandation 77/534/CEE (3), «la Commission, par une consultation des milieux concernés, a […] pu constater qu’il existe dans ces milieux un large consensus sur les principes du code».

6.        Le point 11 de cette recommandation prévoit ce qui suit:

«Les principes généraux sont les dispositions essentielles du code et revêtent une importance primordiale.

Ils priment et dépassent très largement les dispositions plus détaillées qui les suivent et qui n’en sont qu’une illustration.

[…]

C. Le troisième principe général est relatif à l’égalité des actionnaires. La Commission a estimé, malgré certaines critiques, devoir maintenir le principe de l’égalité de traitement en illustrant son application par deux dispositions complémentaires, mettant notamment l’accent sur une obligation concrète de publicité.

La dix-septième disposition complémentaire fait mention de la parité de traitement à offrir aux autres actionnaires en cas de transfert d’une participation de contrôle mais admet que la protection de ces actionnaires pourrait être réalisée d’une autre manière, afin de tenir compte de l’existence, en Allemagne, d’un droit limitant les pouvoirs de l’actionnaire dominant.

[…]»

7.        Le troisième principe général du code de conduite européen qui est annexé à cette recommandation énonce ce qui suit:

«Une égalité de traitement devrait être assurée à tout détenteur de valeurs mobilières de même nature, émises par la même société; en particulier tout acte entraînant, directement ou indirectement, le transfert d’une participation permettant un contrôle de droit ou de fait d’une société dont les valeurs mobilières sont négociées sur le marché, tiendra compte du droit de tous les actionnaires à être traités de la même manière.»

8.        La dix-septième disposition complémentaire du code de conduite européen prévoit ce qui suit:

«Toute transaction entraînant le transfert d’une participation de contrôle au sens du troisième principe général ne devrait pas se faire clandestinement sans information des autres actionnaires et des autorités de contrôle du marché.

Il est souhaitable que la possibilité de céder leurs titres à des conditions identiques soit offerte à tous les actionnaires de la société dont le contrôle a été transféré, sauf s’ils bénéficient par ailleurs d’une protection qui peut être considérée comme équivalente.»

La directive 79/279/CEE

9.        En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 79/279/CEE (4), «les émetteurs de valeurs mobilières admises à la cote officielle doivent respecter les obligations énumérées dans les schémas C ou D annexés à la présente directive, selon qu’il s’agit respectivement d’actions ou d’obligations».

10.      Il est indiqué en annexe à cette directive, au point 2, sous a), du schéma C concernant les «[o]bligations de la société dont les actions sont admises à la cote officielle d’une Bourse de valeurs»: «La société doit assurer un traitement égal des actionnaires qui se trouvent dans des conditions identiques».

La directive 2001/34/CE

11.      La disposition précitée a été reprise à l’article 65, paragraphe 1, de la directive 2001/34/CE (5), qui a abrogé, en vertu de son article 111, paragraphe 1, la directive 79/279.

12.      Toutefois, l’article 65 de la directive 2001/34 a été abrogé à compter du 20 janvier 2007 par l’article 32, point 5, de la directive 2004/109/CE (6). L’article 17 de la directive 2004/109, qui est intitulé «Obligations d’information applicables aux émetteurs dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé», dispose en son paragraphe 1:

«L’émetteur d’actions admises à la négociation sur un marché réglementé assure l’égalité de traitement de tous les détenteurs d’actions qui se trouvent dans une situation identique.»

La directive 2004/25/CE

13.      Les huitième, neuvième et dixième considérants de la directive 2004/25/CE (7) sont libellés comme suit:

«(8)  Conformément aux principes généraux du droit communautaire, et notamment au droit à un procès équitable, les décisions d’une autorité de contrôle devraient pouvoir, dans des conditions appropriées, faire l’objet d’un contrôle par une juridiction indépendante. […]

(9)       Il convient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour la protection des détenteurs de titres, et en particulier ceux possédant des participations minoritaires, lorsque le contrôle de leurs sociétés a été pris. Il convient que les États membres assurent cette protection en imposant à l’acquéreur qui a pris le contrôle d’une société l’obligation de lancer une offre proposant à tous les détenteurs de titres de cette société d’acquérir la totalité de leurs participations à un prix équitable conformément à une définition commune. […]

(10)  L’obligation de faire une offre à tous les détenteurs de titres ne devrait pas s’appliquer aux participations de contrôle existant déjà à la date d’entrée en vigueur de la législation nationale de transposition de la présente directive.»

14.      L’article 3 de la directive 2004/25, qui est intitulé «Principes généraux», prévoit ce qui suit aux paragraphes 1, sous a), et 2, sous a):

«1. Aux fins de l’application de la présente directive, les États membres veillent à ce que les principes suivants soient respectés:

a)      tous les détenteurs de titres de la société visée qui appartiennent à la même catégorie doivent bénéficier d’un traitement équivalent; en outre, si une personne acquiert le contrôle d’une société, les autres détenteurs de titres doivent être protégés;

[…]

2. Aux fins d’assurer le respect des principes prévus au paragraphe 1, les États membres:

a)       veillent à ce que soient respectées les exigences minimales énoncées dans la présente directive;

[…]»

15.      L’article 5 de la directive 2004/25, qui est intitulé «Protection des actionnaires minoritaires, offre obligatoire et prix équitable», dispose aux paragraphes 1, 3 et 4:

«1. Lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société au sens de l’article 1er, paragraphe 1, qui, additionnés à toutes les participations en ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de cette société, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société. Cette offre est adressée dans les plus brefs délais à tous les détenteurs de ces titres et porte sur la totalité de leurs participations, au prix équitable défini au paragraphe 4.

[…]

3. Le pourcentage de droits de vote conférant le contrôle aux fins du paragraphe 1 et son mode de calcul sont fixés par la réglementation de l’État membre dans lequel la société a son siège social.

4. Est considéré comme le prix équitable le prix le plus élevé payé pour les mêmes titres par l’offrant, ou par des personnes agissant de concert avec lui, pendant une période, déterminée par les États membres, de six mois au minimum à douze mois au maximum précédant l’offre visée au paragraphe 1. […]

Sous réserve du respect des principes généraux énoncés à l’article 3, paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix prévu au premier alinéa dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés.

[…]»

16.      L’article 21 de la directive 2004/25 prévoit que le délai de transposition expire le 20 mai 2006.

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

17.      Audiolux SA (ci-après «Audiolux») et les autres demandeurs au principal sont des actionnaires minoritaires de la société anonyme RTL Group ayant son siège à Luxembourg, dont les actions sont négociées aux Bourses de Luxembourg, de Bruxelles et de Londres. Il ressort du dossier que GBL détenait, avant les faits qui ont donné lieu au litige, 30 % des actions de RTL Group. Bertelsmann détenait une participation de 80 % dans la société Bertelsmann Westdeutsche TV GmbH (ci-après «BWTV»), les 20 % restants étant aux mains de la société Westdeutsche Allgemeine Zeitungsverlagsgesellschaft E. Brost & J. Funke GmbH & Co. (ci‑après «WAZ»). BWTV détenait 37 % des actions de RTL Group, le groupe britannique Pearson Television en détenait 22 % et les autres actionnaires, dont Audiolux, 11 %.

18.      À la suite de plusieurs transactions qui ont eu lieu au cours du premier semestre 2001, GBL a cédé sa part de 30 % du capital de RTL en échange de 25 % du capital de Bertelsmann.

19.      Par la suite, Bertelsmann a acquis, en décembre 2001, la part de Pearson Television. RTL a ensuite demandé le retrait de son admission à la cote officielle de la Bourse de Londres. La cession de la part de GBL à Bertelsmann fait l’objet d’un recours introduit par Audiolux, BGL Investment Partners et les autres actionnaires minoritaires (les demandeurs au principal) contre GBL, Bertelsmann et RTL Group ainsi que d’autres membres du conseil d’administration de RTL Group devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg siégeant en matière commerciale, visant à l’annulation des conventions conclues entre GBL et Bertelsmann par lesquelles GBL a cédé au groupe Bertelsmann sa participation de 30 % dans le capital de RTL Group en échange de 25 % du capital de Bertelsmann. À titre subsidiaire, les demandeurs au principal ont demandé à pouvoir assigner solidairement les défendeurs en réparation du préjudice et à être autorisés à vendre leurs parts à des conditions identiques. Les demandeurs ont ajouté ultérieurement des chefs de demande supplémentaires à leurs conclusions.

20.      Dans le cadre d’un autre recours dirigé contre Bertelsmann et d’autres sociétés, les demandeurs au principal concluent à ce que les défendeurs soient contraints, en exécution des engagements figurant dans le prospectus d’introduction de RTL Group à la Bourse de Londres, publié le 30 juin 2000, entre autres à augmenter la diffusion dans le public des titres RTL Group en la portant à 15 % et à ne pas les retirer de la cote de la Bourse de Londres. Ils ont présenté à cette fin plusieurs chefs de demande dans le cadre de requêtes du 6 septembre ainsi que des 3, 14 et 18 octobre 2002.

21.      Par jugement du 8 juillet 2003, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a statué sur le premier litige relatif à la cession de la part de GBL à Bertelsmann en déclarant les demandes irrecevables au motif que les prétentions d’Audiolux ne s’appuyaient sur aucune norme ou principe de droit reconnu en droit luxembourgeois. Les demandeurs au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel par acte du 8 octobre 2003.

22.      Par jugement du 30 mars 2004 relatif au deuxième litige, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a débouté les demandeurs. Ces derniers ont également interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel dans un mémoire du 21 juin 2004.

23.      La cour d’appel a joint les deux affaires et rejeté les appels par arrêt du 12 juillet 2006. Elle a confirmé qu’il n’existait pas de principe général de traitement égalitaire des actionnaires en droit des sociétés ou en droit financier luxembourgeois et qu’il n’y avait pas lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle à ce propos.

24.      Les demandeurs au principal se sont pourvus devant la Cour de cassation contre l’arrêt de la cour d’appel par un mémoire du 22 novembre 2006 et ont soulevé sept moyens de cassation. Le premier moyen de cassation d’Audiolux est tiré de la violation ou de la fausse application du principe général d’égalité des actionnaires, spécialement dans le cas d’une société dont les actions sont cotées à une Bourse de valeurs.

25.      La Cour de cassation ayant estimé que le premier moyen de cassation soulevait une question d’interprétation du droit communautaire qui était pertinente pour l’issue du litige, elle a sursis à statuer et posé à la Cour les questions suivantes en vue d’une décision à titre préjudiciel:

«1)       Les références à l’égalité des actionnaires et plus spécifiquement à la protection des minoritaires:

a)       dans la deuxième directive ‘sociétés’ 77/91/CEE du 13 décembre 1976 en ses articles 20 et 42;

b)       dans la recommandation de la Commission du 25 juillet 1977 établissant le code de conduite européen concernant les transactions relatives aux valeurs mobilières, en son ‘Troisième Principe général’ et en sa ‘Dix-septième disposition complémentaire’;

c)       dans la directive 79/279/CEE du 5 mars 1979 portant coordination des conditions d’admission de valeurs mobilières à la cote officielle d’une Bourse de valeurs en son annexe schéma C, point 2, a), reprise dans la directive consolidée du 28 mai 2001;

d)       dans la directive 2004/25/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition en son article 3, paragraphe 1. sub a) à la lumière de son considérant (8) procèdent-elles d’un principe général de droit communautaire?

2)       En cas de réponse affirmative à la première question, ce principe général de droit communautaire doit-il trouver application seulement dans les rapports entre une société et ses actionnaires ou, au contraire, s’impose-t-il également dans les rapports entre actionnaires majoritaires exerçant ou acquérant le contrôle d’une société et les actionnaires minoritaires de cette société, spécialement dans le cas d’une société dont les actions sont cotées à une Bourse de valeurs?

3)       En cas de réponse affirmative aux deux questions précédentes, ce principe général de droit communautaire doit-il, au regard du développement dans le temps des références visées par la question 1), être considéré comme ayant existé et comme s’imposant dans les rapports entre actionnaires majoritaires et minoritaires dans le sens de la question 2), dès avant l’entrée en vigueur de la directive 2004/25 CE précitée et, en l’occurrence, dès avant les faits litigieux se situant au premier semestre de l’année 2001?

IV – Procédure devant la Cour

26.      L’ordonnance de renvoi du 4 mars 2008 est parvenue au greffe de la Cour le 5 mars 2008.

27.      Des observations écrites ont été déposées par Audiolux, GBL, Bertelsmann, l’Irlande, les gouvernements français et polonais, ainsi que par la Commission des Communautés européennes dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice.

28.      Au cours de l’audience du 30 avril 2009, les représentants d’Audiolux, de GBL, de Bertelsmann, de l’Irlande ainsi que de la Commission ont comparu afin de présenter des observations orales.

V –    Principaux arguments des parties

29.      Audiolux considère que la demande de décision préjudicielle est recevable. Elle propose de répondre par l’affirmative aux questions posées. Selon elle, les actes communautaires mentionnés dans la première question préjudicielle, ainsi que leurs dispositions, tendent à prouver l’existence d’un principe d’égalité des actionnaires. En ce qui concerne la directive 77/91, Audiolux soutient en particulier qu’il résulte déjà de son cinquième considérant que le législateur communautaire a considéré l’égalité des actionnaires comme un principe déjà existant. Audiolux invoque, en outre, les points 6 et 11 du code de conduite. Le fait que le code de conduite ne soit qu’une recommandation ne s’opposerait pas au fait qu’il constitue l’expression de principes généraux du droit communautaire. Audiolux fonde, par ailleurs, son argumentation sur le rapport du groupe de haut niveau d’experts en droit des sociétés de janvier 2002 (ci-après le «rapport Winter I»).

30.      De l’avis d’Audiolux, la genèse de la directive 2004/25 montre qu’il y avait un consensus sur la protection des actionnaires minoritaires prévue à l’article 5. Le dixième considérant de cette directive ne concernerait que l’application dans le temps de la directive et n’affecterait pas le principe d’égalité des actionnaires, comme cela résulterait de l’article 3, paragraphe 1, sous a). Comme dans l’affaire Mangold (8), il y aurait lieu de distinguer entre l’application des dispositions d’une directive, d’une part, et l’application du principe général sous-jacent, d’autre part.

31.      Pour ce qui est de la deuxième question préjudicielle, Audiolux soutient que l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE ne distingue pas entre la protection des actionnaires par la société et la protection des actionnaires les uns à l’égard des autres. Une telle distinction ne résulterait pas non plus de la directive 77/91, comme le confirmerait l’article 20 de celle-ci. En ce qui concerne le code de conduite, le troisième principe général et la dix-septième disposition complémentaire reconnaîtraient que le principe d’égalité des actionnaires s’applique également aux rapports entre les actionnaires.

32.      Audiolux soutient que l’influence qu’un actionnaire majoritaire exerce sur l’administration de la société atténue la différence entre les organes de la société et l’actionnaire majoritaire. L’égalité entre les actionnaires supposerait, par conséquent, que l’actionnaire majoritaire soit tenu par ce principe. Enfin, Audiolux se réfère à l’arrêt Mangold, qui incite, selon elle, à appliquer un principe général du droit communautaire dans la présente espèce.

33.      En ce qui concerne la troisième question préjudicielle, Audiolux est d’avis que l’application au cas d’espèce du principe d’égalité des actionnaires n’équivaut pas à appliquer rétroactivement cette directive, étant donné que ce principe est reconnu depuis déjà 30 ans dans le code de conduite et qu’il fait l’objet d’un consensus depuis une décennie, comme l’atteste l’adoption de la directive 2004/25.

34.      Les défendeurs 1 à 10 au principal (ci-après, collectivement, «GBL») indiquent en premier lieu, dans le cadre des première et deuxième questions préjudicielles, que la reconnaissance d’un principe général du droit communautaire suppose que la disposition litigieuse découle de l’un des objectifs du traité CE et ait une teneur suffisante. Ils se réfèrent à cet égard aux arrêts Jippes e.a. (9) et Portugal/Conseil (10).

35.      En ce qui concerne les actes communautaires mentionnés dans la première question préjudicielle, GBL fait valoir en substance qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que le code de conduite ne saurait produire d’effets juridiques. D’une part, il n’aurait pas été incorporé dans le droit luxembourgeois et, d’autre part, il ne renverrait qu’aux dispositions communautaires qu’il aurait pour objet de compléter. Par ailleurs, l’existence de la directive 2004/25 et la genèse de celle-ci indiqueraient qu’il n’existe pas de principe général d’égalité des actionnaires. À l’appui de sa thèse, GBL se réfère au rapport Winter I, ainsi qu’au rapport du groupe de haut niveau d’experts en droit des sociétés sur un cadre réglementaire moderne pour le droit européen des sociétés, de novembre 2002 (ci‑après le «rapport Winter II»). En outre, tant les nombreuses options qui restent ouvertes aux États membres que la définition d’exigences minimales montreraient qu’un tel principe n’existe pas.

36.      Au sujet de la troisième question préjudicielle, GBL rappelle la jurisprudence de la Cour en matière de sécurité juridique, et notamment de rétroactivité, pour démontrer l’inexistence d’un principe général d’égalité des actionnaires. En tout état de cause, un tel principe ne saurait être appliqué à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive 2004/25.

37.      De l’avis des défendeurs 11 à 18 au principal (ci-après, collectivement, «Bertelsmann»), la demande de décision préjudicielle est irrecevable. Elle n’exposerait pas les éléments de fait pertinents qui sont nécessaires pour que la Cour puisse répondre aux questions préjudicielles en pleine connaissance du cadre factuel et normatif.

38.      Les dispositions des directives 77/91 et 79/279 mentionnées dans la première question préjudicielle se rapporteraient exclusivement aux rapports entre la société et ses actionnaires et concerneraient des cas de figure très particuliers, sans rapport avec la problématique du litige au principal. Même si le code de conduite figurant dans la recommandation prévoyait une offre obligatoire, celle-ci ne serait que «souhaitable» aux termes de la dix-septième disposition complémentaire, et ce uniquement à défaut d’une autre protection «équivalente».

39.       En ce qui concerne la directive 2004/25, Bertelsmann fait valoir en particulier qu’il y a eu désaccord, dans le cadre de la genèse de cette directive, sur le point de savoir si l’offre obligatoire était le seul moyen concevable pour protéger les actionnaires minoritaires. De surcroît, l’existence de nombreuses options ouvertes aux États membres, les dispositions précises relatives à l’offre obligatoire ainsi que le champ d’application ratione temporis seraient incompatibles avec le prétendu principe général. Si l’existence d’un tel principe était confirmée, il faudrait en déduire que cette directive est nulle.

40.      De l’avis de Bertelsmann, il n’existe ni sur le plan national ni sur le plan international de conviction commune (opinio juris) corroborant l’existence d’un tel principe général du droit, ce qui est également attesté par le rapport Winter I. Les différentes mentions de l’égalité des actionnaires dans les instruments de droit dérivé ne permettraient pas de conclure à l’existence d’un principe général. Le prétendu principe se distinguerait des principes généraux du droit déjà reconnus dans la jurisprudence par son contenu fondamentalement différent. En tout état de cause, il serait bien trop imprécis pour pouvoir fonder une obligation de faire une offre.

41.      Qui plus est, la reconnaissance d’un tel principe porterait atteinte à la compétence du législateur communautaire, car cela reviendrait à établir des règles qu’il lui appartient seul d’adopter. En particulier, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, ainsi que, plus spécialement, le principe de non-rétroactivité, seraient enfreints. Cette circonstance découlerait des dispositions de la directive 2004/25 qui indiqueraient que les règles relatives à l’offre obligatoire ne sont pas applicables à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur des dispositions nationales de transposition. De plus, les principes généraux du droit communautaire ne seraient pas applicables, de manière générale, aux rapports entre des personnes privées. Les seules exceptions, et notamment celle qui résulte de l’arrêt Mangold, se distingueraient de la présente affaire par le cadre juridique tout à fait différent dans lequel ces décisions ont été rendues.

42.      Le gouvernement français ne prend position que sur la première question préjudicielle et défend la thèse selon laquelle les actes communautaires énumérés dans cette question prouvent l’existence d’un principe d’égalité des actionnaires. Toutefois, l’application de celui-ci supposerait que les intéressés se trouvent dans des situations comparables. En outre, il peut être dérogé à ce principe si la différence de traitement est objectivement justifiée.

43.      L’Irlande met en garde contre les graves conséquences qu’une réponse affirmative aux questions préjudicielles aurait en matière de droit institutionnel du point de vue de la répartition des compétences entre les institutions communautaires et de la sécurité juridique ainsi qu’en matière de droit des sociétés. Elle se prononce expressément en faveur d’une réponse négative aux questions préjudicielles.

44.      Au sujet de la première question préjudicielle, l’Irlande fait valoir, d’une part, que les dispositions communautaires qu’elle énumère ne permettent pas de conclure que celles-ci découlent d’un principe général commun d’égalité des actionnaires. Il s’agirait, au contraire, de règles spécifiques régissant des situations spécifiques. L’Irlande explique en outre que, du fait de sa spécificité, un tel principe ne saurait être considéré comme un principe général du droit communautaire. De tels principes, tels que ceux qui ont été reconnus dans la jurisprudence de la Cour, porteraient sur des aspects fondamentaux de l’ordre juridique communautaire, ce qui ne serait pas le cas du principe en cause. L’Irlande attire également l’attention sur la complexité considérable du droit des sociétés qui vise à concilier les intérêts en présence. Cela s’opposerait à une applicabilité directe de ce principe.

45.      En ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, l’Irlande déclare qu’un éventuel principe général du droit ne pourrait s’appliquer qu’aux rapports entre une société et ses actionnaires. Elle relève, en outre, que l’offre obligatoire prévue dans la directive 2004/25 constitue une exception dans le droit des sociétés et ne saurait par conséquent être considérée comme découlant d’un principe général du droit.

46.      En réponse à la troisième question préjudicielle, l’Irlande fait valoir que, du fait de la nécessité de dispositions plus précises, appliquer ce principe reviendrait en définitive à appliquer la directive 2004/25 avant la date de son entrée en vigueur. L’Irlande considère que cela serait illégal, car cela se traduirait par une application horizontale de cette directive avant même l’expiration de son délai de transposition.

47.      Le gouvernement polonais prend position sur les première et troisième questions préjudicielles et défend le point de vue selon lequel le principe d’égalité des actionnaires est un principe général du droit communautaire. Il s’agirait d’un principe fondamental du droit des sociétés européen et national qui était applicable bien avant l’entrée en vigueur de la directive 2004/25. Ce principe serait explicitement ou implicitement reconnu dans de nombreux actes communautaires.

48.      Du fait de son caractère général, ce principe ne pourrait cependant pas être directement appliqué, si bien qu’il s’adresserait principalement au législateur. Ce principe impose uniquement l’égalité de traitement des situations comparables, en autorisant un traitement différencié lorsque celui-ci est objectivement justifié. En vertu de ce principe, les actionnaires disposeraient des mêmes droits en fonction de leur quote-part dans le capital social, sans que cela exclue certains droits spéciaux dont jouissent les actionnaires minoritaires dans un but de protection. De telles règles tiendraient toutefois compte de la situation particulière des actionnaires minoritaires par rapport aux actionnaires majoritaires et devraient par conséquent être établies par le législateur.

49.      En ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, le gouvernement polonais expose que le principe d’égalité des actionnaires ne s’applique qu’aux rapports entre la société et ses actionnaires, si bien que les actionnaires ne sont en principe pas tenus de prendre en considération les intérêts des autres actionnaires.

50.      La Commission propose de répondre par la négative aux questions préjudicielles. À son avis, l’égalité des actionnaires et la protection des actionnaires minoritaires ne sauraient être considérées comme un principe général du droit communautaire. Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que seuls certains principes fondamentaux peuvent être reconnus comme étant supérieurs au droit dérivé et comme relevant des principes généraux du droit communautaire. L’égalité des actionnaires et la protection des actionnaires minoritaires constitueraient des principes beaucoup trop précis pour pouvoir être considérés comme des principes «généraux» du droit communautaire. La Commission relève en outre qu’il ne s’agit ni d’un principe commun aux droits des États membres ni encore d’un droit fondamental inscrit dans le traité.

51.      De l’avis de la Commission, les dispositions du droit dérivé mentionnées dans la première question préjudicielle visent des situations bien précises et ne sauraient par conséquent être considérées comme découlant d’un principe général du droit. L’adoption de la directive 2004/25 confirmerait que le législateur communautaire a jugé nécessaire d’adopter des règles visant à protéger les actionnaires minoritaires après un changement de contrôle au sein d’une société.

52.      En ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, la Commission fait valoir, d’une part, que les obligations mises à la charge des actionnaires majoritaires par rapport aux actionnaires minoritaires dans la directive 2004/25 ne sauraient être considérées comme procédant d’un principe général du droit communautaire. D’autre part, les instruments de droit dérivé énumérés dans la première question préjudicielle ne définissent pas d’obligations dans les rapports entre les différents actionnaires. Enfin, la Commission rappelle qu’un principe général du droit communautaire ne saurait produire d’effet direct dans les relations entre personnes privées.

53.      Dans le contexte de la troisième question préjudicielle, la Commission fait valoir que la directive 2004/25 ne mentionne pas l’existence d’un éventuel principe général d’égalité des actionnaires, et plus spécifiquement de protection des actionnaires minoritaires, qui aurait précédé son adoption.

VI – Analyse juridique

A –    Recevabilité de la demande de décision préjudicielle

54.      La première question juridique qui se pose a trait à l’exception d’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle soulevée par Bertelsmann.

55.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (11).

56.      Ainsi, les informations fournies dans la décision de renvoi ne doivent pas seulement permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais elles doivent également donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de la disposition précitée, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées (12).

57.      En l’espèce, la décision de renvoi expose, de manière brève mais avec la précision nécessaire, le cadre juridique national et communautaire pertinent ainsi que l’origine et la nature du litige. Il s’ensuit que la juridiction de renvoi a défini de façon suffisante le cadre tant factuel que juridique dans lequel elle formule sa demande d’interprétation du droit communautaire et qu’elle a fourni à la Cour toutes les informations nécessaires pour mettre celle-ci en mesure de répondre utilement à ladite demande.

58.      Dès lors, l’argument de Bertelsmann visant à voir déclarer comme irrecevable la demande de décision préjudicielle dans son ensemble doit être rejeté.

B –    Analyse des questions posées

59.      Le cœur de la présente affaire est constitué par la première question préjudicielle qui porte en substance sur le point de savoir si le principe d’égalité des actionnaires fait partie des principes généraux du droit communautaire. Il est expressément indiqué que les deuxième et troisième questions préjudicielles ne sont posées que pour le cas où la Cour répondrait par l’affirmative à la première question préjudicielle. Il y a, par conséquent, lieu de les examiner dans l’ordre dans lequel elles ont été posées.

1.      Sur la première question

a)      Remarques préliminaires

60.      Il y a, tout d’abord, lieu d’indiquer que la première question préjudicielle demande à être précisée.

61.      Selon une jurisprudence constante, indépendamment de la répartition des fonctions entre la juridiction nationale et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle de l’article 234 CE, il reste réservé à la Cour, en présence de questions éventuellement formulées de manière impropre, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de l’acte portant renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (13).

62.      Il découle d’une analyse objective de la demande de décision préjudicielle et de la prise en compte des intérêts des parties au litige au principal que la première question préjudicielle doit être comprise comme visant en substance à savoir s’il existe en droit communautaire un principe général du droit qui prescrit l’égalité de traitement entre les actionnaires et si ce principe protège également les actionnaires minoritaires d’une société en ce sens que ceux-ci ont le droit, en cas de prise du contrôle de la société, de céder leurs parts à des conditions identiques à celles des autres actionnaires.

63.      L’examen de la question additionnelle visant à savoir si le principe général du droit litigieux a une conséquence juridique suffisamment précise qui est favorable aux demandeurs au principal permet d’éviter que la réponse de la Cour reste abstraite (14). Il y a, par conséquent, lieu de prendre pour point de départ la question principale telle que nous avons proposé de la préciser.

64.      La juridiction de renvoi se réfère, dans sa première question préjudicielle, à un certain nombre d’actes pris par des institutions de la Communauté au sens de l’article 249 CE, qui n’ont certes pas tous la même nature juridique, mais qui font tous allusion, de façon plus ou moins explicite, à un principe non défini d’égalité des actionnaires. Étant donné qu’elles relèvent du droit positif, ces dispositions constituent un fondement important pour l’analyse juridique qui suit.

65.      Il convient, pour des raisons systématiques, d’aborder tout d’abord les principes généraux du droit communautaire d’un point de vue conceptuel, pour examiner ensuite la question de savoir si les conditions d’une reconnaissance par la Cour de l’égalité des actionnaires en tant que principe général du droit sont réunies.

b)      Principes généraux du droit

i)      Notion

66.      Les principes généraux du droit communautaire occupent une position particulière dans la jurisprudence de la Cour.

67.      Il est vrai que la notion de principes généraux du droit fait encore débat (15). La terminologie n’est pas uniforme, que ce soit dans la doctrine ou dans la jurisprudence. En partie, les différences ne portent que sur les termes retenus, lorsque la Cour et les avocats généraux parlent d’une règle de droit généralement admise (16), de principe généralement admis (17), de principe élémentaire du droit (18), de principe fondamental (19), de simple principe (20), de règle (21) ou de principe général d’égalité qui appartient aux principes fondamentaux du droit communautaire (22).

68.      Tous s’accordent cependant à considérer que les principes généraux du droit revêtent une grande importance dans la jurisprudence pour combler des lacunes ou à titre d’outil d’interprétation (23). Cela résulte en particulier du fait que le droit communautaire constitue un ordre juridique en développement qui, parce qu’il accompagne l’évolution de l’intégration, doit nécessairement être lacunaire et soumis à interprétation. Sur le fondement de cette constatation, la Cour semble, elle aussi, avoir renoncé à classer de manière précise les principes généraux du droit pour ne pas se priver de la flexibilité nécessaire pour pouvoir statuer sur les questions de fait qui se posent indépendamment des différences de terminologie (24).

69.      Selon une définition proposée dans la doctrine, les principes généraux du droit sont les dispositions fondamentales du droit communautaire primaire non écrit qui sont inhérentes à l’ordre juridique des Communautés européennes lui-même ou qui sont communes aux ordres juridiques des États membres (25). Il est en principe possible de distinguer entre les principes généraux du droit communautaire au sens étroit, à savoir ceux qui sont exclusivement dégagés de l’esprit et de l’économie du traité et qui se rapportent à des problèmes spécifiques du droit communautaire, et les principes généraux du droit qui sont communs aux ordres juridiques et constitutionnels des États membres (26). Tandis que la première catégorie de principes généraux du droit peut être tirée directement du droit communautaire primaire, la Cour se livre essentiellement, pour dégager les principes relevant de la deuxième catégorie, à un exercice critique de droit comparé (27), sans toutefois appliquer la méthode du plus petit dénominateur commun. Il n’est pas non plus jugé nécessaire à cet égard que les principes ainsi dégagés, tels qu’ils sont formulés concrètement sur le plan communautaire, apparaissent toujours simultanément dans tous les ordres juridiques comparés.

70.      Les principes généraux du droit se caractérisent par le fait qu’ils traduisent des principes fondamentaux de la Communauté et de ses États membres, ce qui explique leur rang de droit primaire au sein de la hiérarchie des normes de l’ordre juridique communautaire (28). La protection des droits fondamentaux au sens étroit, développée et assurée par la juridiction communautaire sous cette dénomination générique, revêt une importance toute particulière, tout comme la formulation des droits procéduraux assimilés à des droits fondamentaux qui ont été élevés au rang de droit constitutionnel de la Communauté au titre des principes généraux de l’État de droit (29). Relèvent par conséquent également des principes généraux du droit les principes qui sont étroitement liés aux principes structurels de l’Union européenne et qui découlent de ces derniers, tels que la liberté, la démocratie, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’État de droit au sens de l’article 6, paragraphe 1, UE. La violation de ces principes par un État membre peut déclencher le mécanisme de sanction spécial de l’article 7 UE.

71.      Des principes importants de l’État de droit ont notamment été reconnus à titre de principes généraux du droit communautaire, tels que le principe de proportionnalité (30), la clarté juridique (31) ou le droit du justiciable à une protection juridictionnelle effective (32). Dans ce contexte, on peut également citer différents principes généraux de bonne administration tels que le principe de la protection de la confiance légitime (33), le principe ne bis in idem (34), le droit d’être entendu (35), qui revêt également la forme de la possibilité de s’exprimer pour le destinataire de mesures affectant ses intérêts (36), l’obligation de motivation des actes juridiques (37) ou le principe de l’enquête d’office (38). L’invocation de la «force majeure» (39) en fait également partie. Toutefois, on peut également citer des principes qui ne sont pas étrangers au droit des contrats, tels que le principe général du droit pacta sunt servanda (40) ou le principe clausula rebus sic stantibus (41).

72.      La reconnaissance du principe de solidarité (42) ou le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents (43), notamment, ont une orientation sociale. Le rappel fréquent du principe de coopération entre les États membres et les obligations de collaboration de ceux-ci à l’égard de la Communauté relèvent de la reconnaissance des liens fédéraux au sein de la Communauté européenne. En invoquant l’article 10 CE, la Cour a ainsi développé le principe de la loyauté communautaire réciproque (44). La Cour a proclamé en outre le principe démocratique, par exemple lorsqu’elle a rappelé la nécessité de la participation effective du Parlement européen au processus législatif de la Communauté, selon les procédures prévues par le traité (45).

73.      Les droits fondamentaux et les droits de l’homme qui caractérisent les sociétés libérales et démocratiques, tels que la liberté d’expression (46) et la liberté d’association (47), figurent au nombre des droits fondamentaux de la Communauté que la Cour a reconnus au moyen de l’analyse critique de droit comparé déjà évoquée et de la prise en compte des conventions internationales et européennes en matière de droits de l’homme. Ceux-ci comprennent également les principes fondamentaux qui découlent directement du traité, tels que le principe de non-discrimination en raison de la nationalité (48) et l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe (49) .

ii)    Sur le principe d’égalité des actionnaires en droit communautaire

74.      La question qui se pose est de savoir si un principe général d’égalité des actionnaires peut être tiré de l’ordre juridique communautaire lui-même. Un tel principe juridique devrait pour cela revêtir en droit communautaire des sociétés, tout comme les autres exemples mentionnés ci-dessus, une importance si fondamentale qu’il a trouvé une expression dans le droit primaire ou dans de nombreuses normes du droit communautaire dérivé.

–       Examen des dispositions pertinentes du droit communautaire

Droit primaire

75.      Un tel principe général du droit ne peut être tiré du droit primaire écrit lui‑même faute de dispositions claires dans les traités de base. Ni les objectifs de la Communauté énumérés à l’article 3 CE ni les dispositions relatives aux capitaux et aux paiements qui figurent aux articles 56 CE et suivants n’autorisent des conclusions précises à cet égard.

76.      Le principe général d’égalité pourrait entrer en ligne de compte à titre de fondement d’un droit des demandeurs au principal à l’égalité de traitement des actionnaires. Le principe général d’égalité interdisant de traiter de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée, fait partie des fondements de la Communauté (50). Les dispositions relatives à l’égalité devant la loi font également partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres.

77.      En principe, les droits fondamentaux, dont le principe d’égalité fait partie, sont des droits que les particuliers peuvent opposer aux pouvoirs publics. Il nous semble par conséquent douteux de transposer directement, comme le propose manifestement Audiolux, le principe général d’égalité reconnu dans la jurisprudence de la Cour à un domaine qui relève du droit privé au sein des États membres. Le principe d’égalité ou le principe de non-discrimination ne font pas partie des principes directeurs traditionnels du droit privé (51). Indépendamment de cela, une application par analogie du principe général d’égalité dans sa généralité est difficilement praticable pour trancher le litige au principal, étant donné que l’on ne saurait déduire de ce principe ni les conditions matérielles de son application ni une conséquence juridique suffisamment précise qui découlerait de sa violation.

78.      Le principe général d’égalité aurait cependant pu servir de fondement à un principe spécifique d’égalité de traitement dans le droit des sociétés de la Communauté. Il faut, par conséquent, examiner le point de savoir s’il existe une obligation d’égalité de traitement des actionnaires en tant qu’expression particulière du principe général d’égalité.

Orientations internationales

79.      Les principes de gouvernement d’entreprise de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui ont été adoptés en 1999 et révisés en 2004, fournissent une image précise des principes reflétant les valeurs applicables dans le monde entier aux sociétés cotées en Bourse. C’est donc d’abord à eux qu’il faut se référer pour répondre à la question de savoir si l’on peut considérer qu’il existe en droit international public une obligation d’égalité de traitement entre les actionnaires assortie d’un rachat obligatoire en cas d’acquisition d’une participation majoritaire. Les recommandations de l’OCDE tiennent compte des principales normes nationales et internationales en matière de stabilité des marchés financiers. D’importantes organisations internationales et un large éventail d’organisations professionnelles ont été consultés lors de leur élaboration.

80.      Le document de 1999 ne prévoyait pas de règles relatives à l’égalité des actionnaires. Ce n’est qu’en 2004 que la version révisée des principes mentionne pour la première fois le principe d’égalité dans la section intitulée «Première partie III. Traitement équitable des actionnaires» (52). Il est indiqué au point 2: «Les actionnaires minoritaires doivent être protégés contre les actes abusifs commis directement ou indirectement par les actionnaires de contrôle ou dans leur intérêt, et disposer de voies de recours efficaces» (53). Dans les notes explicatives y afférentes, il est précisé à la section III que le risque existe que les actionnaires de contrôle se livrent à des activités susceptibles de servir leurs propres intérêts au détriment des actionnaires minoritaires (54). De nombreuses méthodes sont citées pour remédier à cela, telles que l’amélioration du respect des droits des actionnaires, une meilleure diffusion des informations, les majorités qualifiées requises pour certaines décisions prises par les actionnaires, etc. Le rachat obligatoire n’est pas explicitement mentionné. Il est uniquement indiqué que, dans certaines conditions, «certaines juridictions» imposent ou permettent aux actionnaires de contrôle de racheter aux autres actionnaires leurs titres à un cours fixé par une expertise indépendante. Il apparaît ainsi clairement qu’il n’existe pas de principe d’égalité en droit des sociétés dans le droit international public.

Actes des institutions communautaires

81.      Des conclusions quant à un tel principe général du droit pourraient éventuellement être tirées du droit dérivé ou d’autres actes des institutions communautaires. En effet, de nombreuses dispositions communautaires font allusion à une obligation d’égalité de traitement des actionnaires dès lors que ceux-ci se trouvent dans la même situation (55).

82.      La juridiction de renvoi mentionne ainsi les dispositions suivantes dans son ordonnance: l’article 42 de la directive 77/91, le schéma C, point 2, sous a), de la directive 79/279, qui a été repris à l’article 65 de la directive 2001/34, et l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/25. Des références à cette obligation figurent également dans d’autres directives en matière de droit des sociétés, telles que la directive 2004/109, dont l’article 17, paragraphe 1, dispose que «[l]’émetteur d’actions admises à la négociation sur un marché réglementé assure l’égalité de traitement de tous les détenteurs d’actions qui se trouvent dans une situation identique». L’article 18, paragraphe 1, de cette directive prévoit en outre que «[l]’émetteur de titres de créance admis à la négociation sur un marché réglementé assure l’égalité de traitement de tous les détenteurs de titres de créance de même rang en ce qui concerne tous les droits attachés à ces titres». Il en est de même de la directive 2007/36/CE concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées (56), dont l’article 4 énonce que «[l]a société veille à assurer l’égalité de traitement de tous les actionnaires qui se trouvent dans une situation identique en ce qui concerne la participation et l’exercice des droits de vote à l’assemblée générale».

83.      L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25 prévoit une obligation spécifique visant à protéger les détenteurs de participations minoritaires afin d’assurer effectivement l’égalité de traitement de tous les actionnaires lorsque le contrôle de leurs sociétés a été pris. Cette disposition, qui est expliquée au neuvième considérant de cette directive, indique plus précisément que l’acquéreur qui a pris le contrôle d’une société doit avoir l’obligation de lancer une offre proposant à tous les détenteurs de titres de cette société d’acquérir la totalité de leurs participations, et ce à un prix équitable conformément à une définition commune.

–       Arguments à l’encontre d’une qualification de principe général du droit

Absence de rang constitutionnel

84.      Un examen attentif des dispositions citées ci-dessus fait cependant apparaître qu’elles se limitent en substance à réglementer des cas de figure très précis du droit des sociétés en mettant certaines obligations à la charge de la société pour protéger tous les actionnaires. Elles sont donc dépourvues du caractère général qui est inhérent par nature aux principes généraux du droit.

85.      De plus, toutes les dispositions citées ne sont pas juridiquement contraignantes, comme le montre la recommandation 77/534. Conformément à l’article 249, cinquième alinéa, CE, les recommandations, tout comme les avis, sont des actes non obligatoires des institutions communautaires qui peuvent certes jouer un rôle à titre d’outil d’interprétation, mais qui ne peuvent créer de droits ou de devoirs pour les particuliers (57). Le caractère non obligatoire des dispositions de cet acte est démontré en outre par le fait que la possibilité, pour tous les actionnaires d’une société dont le contrôle a été transféré, de céder leurs titres à des conditions identiques, mentionnée dans la dix-septième disposition complémentaire du code de conduite européen, est uniquement qualifiée de «souhaitable». Cela ne suffit en aucun cas à instaurer sur le plan communautaire un rachat obligatoire des titres des actionnaires minoritaires par les actionnaires de contrôle. Il y a, par conséquent, lieu de se ranger à l’argument de la Commission et de Bertelsmann selon lequel la Cour ne saurait admettre la possibilité de se prévaloir directement du contenu de cette recommandation à l’appui de positions juridiques individuelles.

86.      Les dispositions en question traduisent manifestement l’intention du législateur communautaire d’empêcher des inégalités de traitement arbitraires, c’est-à-dire non justifiées objectivement, entre les actionnaires. Elles n’autorisent cependant pas directement la conclusion qu’il existe un principe général d’égalité des actionnaires au sens du droit communautaire.

87.      En effet, comme nous l’avons déjà exposé, les principes généraux du droit se caractérisent essentiellement par leur rang constitutionnel dans l’ordre juridique communautaire. Les principes généraux du droit concrétisent généralement des notions et des valeurs fondamentales qui sont propres à un ordre juridique. En outre, ils se distinguent des règles de droit spécifiques en ce qu’ils ont un certain caractère absolu et ne se limitent pas à un domaine du droit donné (58).

88.      La notion d’égalité des actionnaires apparaît en filigrane dans l’ensemble du droit des sociétés de la Communauté et de ses États membres et constitue manifestement un idéal important dans ce domaine (59). Elle ne peut cependant pas encore prétendre avoir acquis rang de droit constitutionnel dans l’un de ces ordres juridiques. Sur le plan du droit national, tout comme en droit communautaire, la codification se limite à certaines règles figurant dans des lois ordinaires.

Absence de conviction commune dans la doctrine

89.      De surcroît, l’analyse de la doctrine fait apparaître de profondes divergences quant à l’appréciation de la nature juridique exacte de la notion d’égalité des actionnaires et quant à sa place dans les systèmes juridiques des États membres. Tandis que certains auteurs parlent de «principe juridique fondamental du droit des sociétés» (60), d’autres qualifient la notion d’égalité des actionnaires de simple «idée de base» (61) ou «idéal simplifié destiné à prévenir et à combattre l’arbitraire des organes de la société anonyme» (62). Pour certains auteurs, il s’agit même d’une «émanation du principe général d’équité, qui ne tire pas son origine de la loi, mais qui est extra-juridique, suprapositif» (63).

90.       Indépendamment de la qualification exacte, les auteurs semblent cependant s’accorder à considérer que le principe d’égalité des actionnaires n’a pas de définition précise, qu’il est par conséquent «insaisissable» et qu’il constitue un «instrument souple et flexible permettant d’atteindre d’autres objectifs» (64). Étant donné le caractère imprécis de ce principe en ce qui concerne son fondement, son champ d’application, son contenu et les conséquences juridiques d’éventuelles violations, la majorité des auteurs conclut que ce principe doit nécessairement être concrétisé d’un point de vue conceptuel par le législateur ou la jurisprudence pour pouvoir être mis en œuvre (65).

91.      Les rapports Winter I et Winter II (66) ne peuvent pas non plus être cités à titre de preuve d’une conviction commune dans la doctrine ou dans les ordres juridiques des États membres en ce qui concerne l’existence d’un tel principe général du droit.

92.      Ainsi, il ressort clairement du rapport Winter I que, avant l’adoption de la directive 2004/25, il existait entre les États membres de nombreuses différences dans la réglementation des offres publiques d’achat (OPA), si bien qu’une OPA n’avait pas les mêmes chances de succès dans tous les États membres et que les actionnaires ne jouissaient pas partout de la même possibilité de céder leurs actions. Le groupe a par conséquent préconisé un mécanisme facilitant les OPA (67). De même, les dispositions des États membres relatives à la contrepartie à payer divergeaient fortement, les différences portant aussi bien sur le niveau que sur la nature de la contrepartie à proposer (68). Dans l’intérêt d’une prévisibilité suffisante de cette contrepartie, qui s’impose, de l’avis du groupe, afin de permettre le bon fonctionnement des marchés financiers dans l’Union européenne, le groupe a expressément recommandé d’instaurer des critères harmonisés au niveau communautaire.

93.      S’il avait existé un principe général d’égalité des actionnaires qui aurait réglé de manière suffisamment précise les modalités d’une OPA, comme le laisse entendre Audiolux par exemple (69), il n’aurait pas été nécessaire d’adopter au niveau communautaire des règles d’harmonisation en vue de remédier aux divergences entre les législations des États membres. Or, ces rapports mettent en lumière qu’il existait un besoin pressant d’adopter des règles sur le plan communautaire.

Absence de caractère absolu

94.       À cela s’ajoute que la notion d’égalité entre actionnaires se limite dans son application au droit des sociétés de la Communauté et de ses États membres, c’est‑à-dire à un domaine du droit donné, avec pour conséquence qu’elle n’a pas de caractère absolu. Cela fait un critère de plus caractérisant généralement les principes généraux du droit qui n’est pas rempli (70).

95.      Cette constatation distingue clairement la notion d’égalité entre actionnaires des principes généraux ayant rang constitutionnel effectivement reconnus comme tels par la Cour, tels que le principe de l’État de droit, qui est commun à tous les États membres de l’Union et sur lequel l’Union est fondée aux termes de l’article 6, paragraphe 1, UE, qui est reconnu dans la jurisprudence de la Cour et qui se décline de multiples façons sur le plan du droit dérivé, sous la forme de la sécurité juridique, du droit d’être entendu et de la protection juridictionnelle effective.

96.      De ce point de vue, tant l’absence de rang constitutionnel que l’absence de caractère absolu de cette notion militent contre son classement parmi les principes généraux du droit communautaire.

Absence de précision en ce qui concerne la conséquence juridique

97.      Il n’est donc en principe pas nécessaire d’examiner la question additionnelle consistant à savoir s’il existe un principe général du droit protégeant les actionnaires minoritaires d’une société en ce sens que les actionnaires minoritaires d’une société ont le droit, en cas de prise de contrôle de la société, de céder leurs titres à des conditions identiques à celles de tous les autres actionnaires.

98.      Néanmoins et même si, contrairement à la solution que je préconise, la Cour devait conclure à l’existence d’un principe général d’égalité des actionnaires, il existerait selon moi des doutes sérieux sur le point de savoir si un tel principe général du droit pourrait lui-même être suffisamment précis pour produire la conséquence juridique recherchée par les demandeurs au principal. Comme l’explique à juste raison la Commission, un tel principe général du droit serait bien trop précis pour pouvoir encore être considéré comme «général».

Interdiction de tourner la volonté du législateur

99.      Les dispositions citées par la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle ne comportent pas une seule règle prévoyant expressément la conséquence juridique recherchée par les demandeurs au principal.

100. L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25, qui régit l’obligation, pour une personne physique ou morale prenant le contrôle d’une société, de faire une offre, y fait peut-être exception. Cette disposition impose aux États membres de veiller à ce qu’une offre soit adressée à tous les détenteurs de titres et porte sur la totalité de leurs participations, à un prix équitable. Cette disposition concrétise dans une certaine mesure l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la même directive, qui consacre le principe général d’égalité de traitement entre tous les détenteurs de titres de la société visée. Cette dernière disposition prévoit en outre que, si une personne acquiert le contrôle d’une société, les autres détenteurs de titres doivent être protégés.

101. Toutefois, une application directe de la directive ne saurait être envisagée en l’espèce. D’une part, les faits qui ont donné lieu au litige au principal sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive ou à l’expiration du délai de transposition, de sorte que le Grand-Duché de Luxembourg n’était pas encore tenu d’appliquer la directive à la date litigieuse (71). Cela a deux conséquences. En premier lieu, les demandeurs au principal ne peuvent pas invoquer directement cette disposition. En deuxième lieu, il faut tenir compte du fait que la reconnaissance d’un principe général d’égalité des actionnaires qui produirait en substance la même conséquence juridique que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25 impliquerait nécessairement un effet rétroactif de ladite directive; or, cela ne peut manifestement pas avoir été l’intention du législateur communautaire, étant donné que l’adoption d’une réglementation spécifique aurait dans ce cas été inutile.

102. En effet, il ressort du premier considérant de la directive 2004/25 que, conformément à l’article 44, paragraphe 2, sous g), CE, il était nécessaire de coordonner, en vue de les rendre équivalentes dans toute la Communauté, certaines garanties existant dans les États membres. La nécessité qu’il y avait à faire intervenir le législateur communautaire en la matière afin de fixer des obligations précises devant être respectées par les opérateurs et de définir les modalités selon lesquelles le traitement égal des actionnaires devait être réalisé montre qu’il n’existait ni avant ni après l’entrée en vigueur de la directive 2004/25 de principe général d’égalité des actionnaires se suffisant à lui-même d’un point de vue juridique.

Respect de l’équilibre institutionnel

103. De surcroît, la reconnaissance par la Cour d’un principe général d’égalité des actionnaires qui, eu égard à son caractère précis du point de vue du droit matériel, correspond plutôt à une règle de droit, risquerait d’aller à l’encontre de l’équilibre institutionnel voulu par le traité, dans la mesure où la compétence législative de la Communauté est exercée en commun par le Conseil de l’Union européenne et par le Parlement.

104. L’équilibre institutionnel au sein de la Communauté repose non sur le principe de la séparation des pouvoirs au sens du droit constitutionnel (72), mais sur le principe de la séparation des fonctions, en vertu duquel les fonctions de la Communauté doivent être exercées par les institutions auxquelles le traité a confié les moyens les plus appropriés à cet égard. À la différence du principe de la séparation des pouvoirs, qui vise notamment à protéger l’individu en atténuant le pouvoir de l’État, le principe de la séparation des fonctions a pour objet de garantir que les objectifs de la Communauté soient effectivement atteints (73).

105. En tenant compte de cette considération, la Cour a, dès 1958 dans le cadre de ses arrêts Meroni/Haute Autorité (74) puis dans une jurisprudence constante, dégagé la notion d’«équilibre institutionnel» d’une analyse globale des principes d’organisation et des habilitations figurant dans les traités fondateurs des Communautés européennes, notamment le traité CE, et lui a conféré le rôle d’un principe normatif susceptible d’être invoqué en justice (75).

106.  Comme la Cour l’a constaté dans l’arrêt Parlement/Conseil (76), le traité a mis en place un système de répartition des compétences entre les différentes institutions de la Communauté, qui attribue à chacune sa propre mission dans la structure institutionnelle de la Communauté et dans la réalisation des tâches confiées à celle-ci. Le respect de l’équilibre institutionnel implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres. Il exige aussi que tout manquement à cette règle, s’il vient à se produire, puisse être sanctionné. La Cour a constaté en outre dans le même arrêt que, chargée, en vertu des traités, de veiller au respect du droit dans leur interprétation et dans leur application, elle doit ainsi pouvoir assurer le maintien de l’équilibre institutionnel et, par conséquent, le contrôle juridictionnel du respect des prérogatives des institutions communautaires (77).

107. En tant qu’institution de la Communauté au sens de l’article 7, paragraphe 1, CE, la Cour est également partie à cet équilibre institutionnel. Il en découle que, en sa qualité d’organe juridictionnel de la Communauté qui est appelé, conformément à l’article 220, premier alinéa, CE, à assurer, dans le cadre de ses compétences, le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité, elle respecte les compétences législatives du Conseil et du Parlement (78). Cela implique nécessairement, d’une part, qu’elle laisse au législateur communautaire la tâche de légiférer dans le domaine du droit des sociétés qui a été confiée à celui-ci par le traité et, d’autre part, qu’elle continue à faire preuve de la réserve nécessaire dans le cadre du développement de principes généraux du droit communautaire qui peuvent, dans certains cas, être contraires aux objectifs du législateur. La Cour peut certes faire appel aux principes généraux du droit pour trouver des solutions adaptées aux problèmes d’interprétation qui lui sont soumis en tenant compte des objectifs du traité; elle ne saurait cependant se substituer au législateur communautaire si une lacune peut être comblée par celui‑ci (79).

108.  La législation procède en général d’une pondération entre les différents intérêts politiques et sociaux en présence, lesquels sont défendus par les organes et groupes qui participent au processus législatif. Outre la légitimité démocratique nécessaire, ils disposent de l’expertise requise pour s’acquitter de la responsabilité politique qui leur a été confiée. Il y a lieu de rappeler dans ce contexte que les juges communautaires ont expressément reconnu dans leur jurisprudence les prérogatives du législateur communautaire en matière de pondération et de décision dans certains domaines du droit (80).

109. Les doutes émis par l’Irlande (81) méritent également d’être pris en considération. Elle a raison de souligner que, eu égard à la complexité du droit des sociétés et à la diversité des régimes juridiques en vigueur dans les États membres, lesquels sont souvent liés à la situation économique de l’État en question, la prudence s’impose. C’est à juste titre qu’elle indique qu’il convient de modifier le droit des sociétés de manière mûrement réfléchie, que ce soit par voie législative ou par l’évolution de la jurisprudence. C’est le législateur qui serait le mieux placé à cet égard pour harmoniser les positions de chaque État membre. Les conséquences d’une reconnaissance par la Cour d’un principe général d’égalité des actionnaires tel que le réclament les demandeurs au principal seraient imprévisibles.

110. Enfin, en ce qui concerne la fonction des principes généraux du droit consistant à combler des lacunes (82), il faut tenir compte du fait que le recours à ceux-ci s’impose moins dans des domaines à forte densité de réglementation tels que le droit des sociétés que cela n’est le cas dans des domaines moins strictement réglementés.

Exigences de la sécurité juridique

111. Des raisons de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique devraient également inciter le juge à faire preuve d’une certaine réserve. Les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique font partie de l’ordre juridique communautaire. À ce titre, ils doivent être respectés par les institutions communautaires, mais également par les États membres dans l’exercice des pouvoirs que leur confèrent les directives communautaires (83).

112. Le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (84). Or, la reconnaissance d’un principe général d’égalité des actionnaires soulèverait de nombreuses questions relatives à son champ d’application exact d’un point de vue matériel, personnel et temporel. La Cour devrait dans ce cas indiquer les conditions qui devraient être remplies dans le cas concret pour que ce principe général du droit puisse être appliqué.

113. La détermination du moment précis à partir duquel ce principe général du droit pourrait trouver application en droit communautaire poserait également des problèmes. Comme nous l’avons déjà exposé, la reconnaissance d’un tel principe se traduirait en définitive par l’application rétroactive de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25, ce qui enfreindrait le principe de non-rétroactivité étant donné la décision claire du législateur en ce qui concerne la date exacte de l’entrée en vigueur de cette disposition. En règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication. Il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (85). Dans le cas d’espèce, on ne voit cependant pas pourquoi il serait dans l’intérêt général d’enfreindre le principe de non‑rétroactivité.

c)      Conclusion

114. Les considérations qui précèdent m’amènent à conclure qu’il n’existe pas en droit communautaire de principe général d’égalité des actionnaires protégeant les actionnaires minoritaires d’une société en cas de prise de contrôle par une autre société, en leur conférant le droit de céder leurs titres à des conditions identiques à celles de tous les autres actionnaires.

115. Eu égard à cette conclusion, il ne me semble pas nécessaire d’examiner l’arrêt Mangold. Cette jurisprudence ne serait transposable au cas d’espèce que s’il existait indubitablement un principe général du droit communautaire, ce qui permettrait d’appliquer précisément ce principe général du droit dès avant l’entrée en vigueur d’une réglementation spécifique de droit dérivé ayant en substance le même contenu normatif. La Cour a ainsi constaté dans l’arrêt Mangold que la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), ne consacrait pas elle‑même le principe de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, mais qu’il s’agissait d’un principe général du droit communautaire. La Cour a fondé cette conclusion sur la constatation selon laquelle le principe de non-discrimination en fonction de l’âge trouvait sa source dans divers instruments internationaux et dans les traditions constitutionnelles communes aux États membres (86). Or, comme nous l’avons déjà constaté, cette condition n’est pas remplie en l’espèce.

2.      Sur la deuxième question

116. Il n’est donc en principe pas nécessaire de répondre à la deuxième question préjudicielle. Les développements qui suivent ne sont présentés que pour le cas où, contrairement à l’opinion défendue ici, la Cour devrait répondre par l’affirmative à la première question.

117. Il y a lieu de constater, tout d’abord, que les dispositions citées par la juridiction de renvoi dans sa première question mettent uniquement des obligations à la charge de l’émetteur d’actions et de la société, et non des actionnaires entre eux.

118. Tandis que les articles 17 et 18 de la directive 2004/109 définissent les obligations de l’émetteur d’actions, l’article 4 de la directive 2007/36 impose à la société une obligation d’égalité de traitement. En revanche, l’article 42 de la directive 77/91 ne précise pas à qui les législations des États membres qui sont adoptées pour mettre en œuvre cette directive et garantir un traitement égal des actionnaires doivent s’adresser (87). Néanmoins, les dispositions de cette directive portent toutes sur des actes de la société elle-même, tels que la constitution d’une société anonyme, le maintien, l’augmentation et la réduction de son capital ou le retrait forcé d’actions. Si une décision de l’assemblée générale est prévue, comme c’est le cas pour l’augmentation du capital en application de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 77/91, elle doit être prise dans le respect du principe d’égalité de traitement. Il en découle que ce sont les organes de la société et non les actionnaires eux-mêmes qui sont liés par le principe d’égalité de traitement.

119. Cette constatation correspond d’ailleurs à l’opinion majoritaire dans la doctrine. Selon cette dernière, la société est la seule destinataire directe du principe d’égalité de traitement existant en droit des sociétés (88). En revanche, en ce qui concerne les rapports entre les associés, il y a tout au plus une obligation de loyauté (89), en vertu de laquelle l’associé est tenu, dans l’exercice de ses droits sociaux, de tenir compte des intérêts de ses coassociés. Il n’est pas possible de dégager d’autres obligations de l’actionnaire envers ses coactionnaires.

120. La possibilité pour les demandeurs au principal de se prévaloir directement d’un principe général d’égalité des actionnaires est contredite en outre par le fait que les principes généraux du droit ne lient en principe que les institutions communautaires et les États membres, ainsi que leurs émanations, mais non les particuliers dans leurs relations entre eux (90). Cela s’explique tant par l’origine que par l’objet des principes généraux du droit qui consiste à protéger le particulier contre toute atteinte illicite à ses droits fondamentaux par les autorités (91).

121.  D’un autre côté, il faut également tenir compte du fait que le droit communautaire crée également, dans certains cas, des droits subjectifs dans le cadre des rapports entre personnes privées. Il en est notamment ainsi en ce qui concerne des dispositions de droit dérivé (92). Toutefois, ce n’est généralement qu’après leur transposition en droit national ou dans le cadre de l’interprétation conforme que ces normes mettent des obligations à la charge des particuliers, étant donné que les directives elles-mêmes ne produisent pas d’effet horizontal (93). Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît que certaines dispositions du droit primaire, telles que les principes de non-discrimination énoncés aux articles 12 CE, 39 CE, 49 CE et 141 CE, peuvent produire un effet horizontal (94) .

122. L’arrêt Mangold ne saurait en tout cas être invoqué à l’appui d’une possibilité de se prévaloir directement de principes généraux du droit dans les rapports entre personnes privées, la Cour n’ayant pas tranché dans cette affaire la question de savoir si l’interdiction des discriminations en raison de l’âge avait également un effet horizontal (95). Indépendamment du fait que la procédure à l’origine de cette affaire était un litige de droit civil, la Cour était appelée en substance à statuer à titre préjudiciel sur le point de savoir si le droit communautaire s’opposait à une réglementation nationale qui autorisait, sans restrictions, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée lorsque le travailleur avait atteint l’âge de 52 ans. La principale question qui se posait était donc celle de la compatibilité du droit national avec le cadre fourni par le droit communautaire.

123. Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la deuxième question préjudicielle qu’un principe général d’égalité des actionnaires, si tant est qu’il existe en droit communautaire, ne pourrait s’appliquer qu’aux rapports entre une société et ses actionnaires.

3.      Sur la troisième question

124. La troisième question n’a été posée que pour le cas où il serait répondu par l’affirmative aux deux questions précédentes. Étant donné que je suis partie de la prémisse de la non-existence d’un principe général d’égalité des actionnaires et que je me suis déjà exprimée, dans le cadre des première et deuxième questions, sur les questions juridiques sous-jacentes, je considère qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la troisième question préjudicielle.

C –    Conclusion de l’analyse

125. En résumé, le premier élément qui plaide contre la reconnaissance d’un tel principe général du droit est le fait que l’égalité des actionnaires n’a rang constitutionnel ni dans l’ordre juridique communautaire ni dans les ordres juridiques des États membres (96). De plus, l’absence d’une conviction solidement établie dans la doctrine en ce qui concerne l’existence d’un tel principe général du droit a été constatée dans le cadre de l’analyse (97). Étant donné qu’il est limité au domaine spécifique du droit des sociétés, ce principe n’a d’ailleurs pas le caractère absolu, dans le cadre d’un ordre juridique, qui caractérise les principes généraux du droit (98).

126. D’un autre côté et même s’il existait selon la Cour, contrairement à l’opinion défendue ici, un tel principe général du droit, il y aurait des doutes sur le point de savoir si celui-ci pourrait être assorti d’une conséquence juridique si précise qu’il ferait naître un droit des actionnaires minoritaires au rachat obligatoire (99). Eu égard à la séparation des fonctions entre les institutions de la Communauté existant en droit communautaire, il appartient au seul législateur communautaire de prescrire cette conséquence juridique; il devrait alors en préciser les conditions juridiques en adoptant une réglementation à cet égard (100). La reconnaissance par voie prétorienne d’un droit des actionnaires minoritaires au rachat obligatoire sous la forme d’un principe général du droit ne serait pas conforme à la volonté du législateur communautaire. Elle aboutirait en définitive à une application rétroactive de la directive 2004/25, ce qui serait également contraire aux exigences de la sécurité juridique (101).

127. L’analyse qui précède m’amène à conclure qu’il n’existe pas de principe général d’égalité de traitement des actionnaires en tant qu’expression spécifique du principe général d’égalité, principe qui protégerait les actionnaires minoritaires d’une société en cas de prise de contrôle par une autre société en leur conférant le droit de céder leurs titres à des conditions identiques à celles de tous les autres actionnaires.

128. Indépendamment de la qualification juridique de l’égalité de traitement des actionnaires, il y a lieu de constater que celle-ci ne peut créer des droits et des obligations que dans les rapports entre la société et les actionnaires et non dans les rapports entre actionnaires (102).

VII –  Conclusion

129. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions de la Cour de cassation:

«1)       Il n’existe pas en droit communautaire de principe général du droit imposant l’égalité de traitement entre actionnaires et protégeant les actionnaires minoritaires d’une société en ce sens que ceux-ci ont droit, en cas de prise de contrôle de la société, de céder leurs parts à des conditions identiques à celles des autres actionnaires.

2)       Un principe général d’égalité de traitement des actionnaires pourrait tout au plus s’appliquer aux rapports entre une société et ses actionnaires.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Deuxième directive du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article [48] deuxième alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO L 26, p. 1).


3 – Recommandation de la Commission, du 25 juillet 1977, portant sur un code de conduite européen concernant les transactions relatives aux valeurs mobilières (JO L 212, p. 37).


4 – Directive du Conseil, du 5 mars 1979, portant coordination des conditions d’admission de valeurs mobilières à la cote officielle d’une Bourse de valeurs (JO L 66, p. 21).


5 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 28 mai 2001, concernant l’admission de valeurs mobilières à la cote officielle et l’information à publier sur ces valeurs (JO L 184, p. 1).


6 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34 (JO L 390, p. 38).


7 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition (JO L 142, p. 12).


8 – Arrêt du 22 novembre 2005 (C‑144/04, Rec. p. I‑9981).


9 – Arrêt du 12 juillet 2001 (C‑189/01, Rec. p. I‑5689).


10 – Arrêt du 23 novembre 1999 (C‑149/96, Rec. p. I‑8395).


11 – Voir, notamment, arrêts du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90 à C‑322/90, Rec. p. I-393, points 6 et 7); du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech (C‑284/95, Rec. p. I‑4301, points 69 et 70) et Bettati (C‑341/95, Rec. p. I‑4355, points 67 et 68); du 21 septembre 1999, Brentjens’ (C‑115/97 à C‑117/97, Rec. p. I‑6025, point 37); du 11 septembre 2003, Altair Chimica (C‑207/01, Rec. p. I‑8875, point 24); du 9 septembre 2004, Carbonati Apuani (C‑72/03, Rec. p. I‑8027, point 10), et du 23 mars 2006, Enirisorse (C‑237/04, Rec. p. I‑2843, point 17).


12 – Voir, notamment, ordonnances du 30 avril 1998, Testa et Modesti (C-128/97 et C‑137/97, Rec. p. I-2181, point 6), et du 11 mai 1999, Anssens (C-325/98, Rec. p. I-2969, point 8), et arrêts Altair Chimica (précité note 11, point 25) et Enirisorse (précité note 11, point 18).


13 – Voir, sur le pouvoir procédural dont la Cour dispose afin de préciser ou de reformuler des questions préjudicielles dans le cadre de la procédure de l’article 234 CE, arrêt du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board (83/78, Rec. p. 2347, point 26).


14 – De l’avis de Middecke, A., dans Handbuch des Rechtsschutzes der Europäischen Union, 2édition, Munich, 2003, article 10, point 38, p. 225, il ne saurait être répondu à la question posée de manière si abstraite que cela n’aide pas la juridiction nationale à résoudre le litige dont elle est saisie. Toutefois, pour préserver le domaine de compétence de la juridiction nationale, il ne doit pas non plus être répondu à la question de manière si concrète que cela anticipe sur l’application du droit communautaire.


15 – Voir Schwarze, J., European Administrative Law, Luxembourg, 2006, p. 65, et Sariyiannidou, E., Institutional balance and democratic legitimacy in the decision‑making process of the EU, Bristol, 2006, p. 145.


16 – Arrêt du 29 novembre 1956, Fédération charbonnière de Belgique/Haute Autorité (8/55, Rec. p. 291, 304).


17 – Arrêt du 21 juin 1958, Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie e.a./Haute Autorité (13/57, Rec. p. 261, 292).


18 – Arrêt du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité (42/59 et 49/59, Rec. p. 101, 156).


19 – Arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, point 9).


20 – Arrêt du 15 juillet 1960, Von Lachmüller e.a./Commission (43/59, 45/59 et 48/59, Rec. p. 933, 956).


21 – Arrêt du 12 juillet 1962, Koninklijke Nederlandsche Hoogovens en Staalfabrieken/Haute Autorité (14/61, Rec. p. 485, 520).


22 – Arrêt du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a. (117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7).


23 – Tridimas, T., The General Principles of EU Law, 2e édition, Londres, 2006, p. 17 et suiv., et 29 et suiv., mentionne d’une part la fonction des principes généraux du droit communautaire qui consiste à combler les lacunes, ce qui résulterait de la circonstance que le droit communautaire est un ordre juridique nouveau et récent qui demande à être développé. En outre, le traité constituerait un traité-cadre comportant de nombreuses dispositions rédigées en termes généraux et des notions juridiques non définies, qui laissent à la Cour un large pouvoir pour faire évoluer le droit. D’autre part, l’auteur mentionne la fonction d’outil d’interprétation du droit dérivé. Lenaerts, K., et Van Nuffel, P., Constitutional Law of the European Union, 2e édition, Londres, 2005, point 17-066, p. 711, indiquent que l’administration a généralement recours, dans le cadre de l’interprétation du droit communautaire, aux principes généraux du droit, en particulier lorsque la réglementation à interpréter n’est pas claire ou en cas de lacunes dans la législation.


24 – En ce sens, Schwarze, J., op. cit. (note 15), p. 65.


25 – Voir Schweitzer, M., Hummer, W., et Obwexer., W., Europarecht, p. 65, points 240 et suiv.


26 – En ce sens, Lengauer, A.-M., Kommentar zum EU- und EG-Vertrag (sous la direction de Heinz Mayer), Vienne, 2004, article 220, point 27, p. 65.


27 – En ce sens, Schweitzer, M., Hummer, W., et Obwexer, op. cit. (note 25), point 244, p. 66, et Oppermann, T., Europarecht, 3e édition, Munich, 2005, point 21, p. 144.


28 – De l’avis général, les principes généraux du droit ont rang de droit primaire [voir Schroeder, W., EUV/EGV-Kommentar (sous la direction de Rudolf Streinz), article 249, p. 2159, point 15]. La Cour a itérativement indiqué que les actes juridiques des institutions communautaires devaient être appréciés au regard des principes généraux du droit. Voir arrêts du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 7), et du 13 décembre 1979, Hauer (44/79, Rec. p. 3727, points 14 et suiv.).


29 – Voir également, en ce sens, Wegener, B., dans Calliess et Ruffert (sous la direction de), Kommentar zum EUV/EGV, 3e édition, Munich, 2007, article 220, point 37, p. 1956, et Tridimas, T., op. cit. (note 23), p. 2 et suiv.


30 – Voir arrêt du 9 août 1994, Allemagne/Conseil (C‑359/92, Rec. p. I‑3681). Déjà avant que ce principe ne devienne du droit positif à l’article 5, troisième alinéa, CE, la jurisprudence et la doctrine considéraient de manière unanime que l’utilisation de compétences communautaires était soumise à la condition de proportionnalité [voir Lienbacher, G., EU-Kommentar (sous la direction de Jürgen Schwarze), 1re édition, Baden-Baden, 2000, article 5 CE, point 36, p. 270].


31 – Voir arrêt du 10 juillet 1980, Commission/Royaume-Uni (32/79, Rec. p. 2403).


32 – Voir arrêt du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI (T‑192/99, Rec. p. II‑813).


33 – Voir arrêt du 6 juillet 2000, ATB e.a. (C‑402/98, Rec. p. I‑5501).


34 – Voir arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, Rec.  p. 1).


35 – Voir arrêt du 4 juillet 1963, Alvis/Conseil (32/62, Rec. p. 101).


36 – Voir arrêts du 14 juillet 1972, Cassella Farbwerke Mainkur/Commission (55/69, Rec. p. 887); du 28 mai 1980, Kuhner/Commission (33/79 et 75/79, Rec. p. 1677); du 29 juin 1994, Fiskano/Commission (C‑135/92, Rec. p. I‑2885); du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C‑32/95 P, Rec. p. I‑5373, point 21); du 21 septembre 2000, Mediocurso/Commission (C‑462/98 P, Rec. p. I‑7183, point 36); du 12 décembre 2002, Cipriani (C‑395/00, Rec. p. I‑11877, point 51); du 13 septembre 2007, Land Oberösterreich et Autriche/Commission (C‑439/05 P et C‑454/05 P, Rec. p. I‑7141), et du 18 décembre 2008, Sopropé (C‑349/07, non encore publié au Recueil, points 36 et 37).


37 – Voir arrêt du 25 octobre 1978, Koninklijke Scholten-Honig et De Bijenkorf (125/77, Rec. p. 1991).


38 – Voir arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, Rec. p. I‑5469).


39 – Voir arrêt du 14 février 1978, IFG/Commission (68/77, Rec. p. 353).


40 – Voir arrêt du 25 mai 2004, Distilleria Palma/Commission (T‑154/01, Rec. p. II‑1493, point 45).


41 – Voir arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (T‑306/01, Rec. p. II‑3533, point 277).


42 – Voir arrêt du 18 mars 1980, Valsabbia e.a./Commission (154/78, 205/78, 206/78, 226/78 à 228/78, 263/78, 264/78, 31/79, 39/79, 83/79 et 85/79, Rec. p. 907).


43 – Voir arrêt Kuhner/Commission (précité note 36).


44 – Voir arrêt du 5 mai 1981, Commission/Royaume-Uni (804/79, Rec. p. 1045).


45 – Voir arrêt du 30 mars 1995, Parlement/Conseil (C‑65/93, Rec. p. I‑643, point 21).


46 – Voir arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission (43/82 et 63/82, Rec. p. 19).


47 – Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, Rec. p. I‑4921).


48 – Voir arrêt du 12 juillet 1984, Prodest (237/83, Rec. 1984 p. 3153).


49 – Voir arrêt du 15 juin 1978, Defrenne (149/77, Rec. p. 1365).


50 – Voir arrêts du 26 juin 2001, Brunnhofer (C-381/99, Rec. p. I-4961, point 28), du 17 septembre 2002, Lawrence e.a. (C‑320/00, Rec. p. I‑7325, point 12) et du 3 octobre 2006, Cadman (C‑17/05, Rec. p. I‑9583, point 28). Cet énoncé est utilisé, avec des variantes mineures, dans toute la jurisprudence de la Cour et l’a été, apparemment, pour la première fois dans l’arrêt Rückdeschel e.a. (précité note 22, point 7).


51 – En ce sens, Basedow, J., «Der Grundsatz der Nichtdiskriminierung im europäischen Privatrecht», Zeitschrift für Europäisches Privatrecht, 2008, p. 230, p. 244. À son avis, le principe général de non-discrimination (ou le principe général d’égalité) ne saurait se voir conférer une portée opérationnelle propre en droit privé européen. Son rôle serait celui d’un principe herméneutique qui faciliterait la compréhension du droit positif en nous permettant de considérer les actes juridiques dans leur contexte et de vérifier leur cohérence systématique. L’auteur estime qu’il n’a pas de contenu normatif propre. Mazière, P., Le principe d’égalité en droit privé, Aix-en-Provence, 2003, p. 429 et suiv., met en doute l’existence d’un principe général d’égalité en droit privé. L’auteur s’exprime en des termes très critiques sur la tentative d’introduire le principe d’égalité en droit privé.


52 – OCDE – Principes de gouvernement d’entreprise – 2004, Paris, 2004, p. 20.


53 – Ibidem.


54 – Ibidem., p. 44.


55 – Cela ne découle pas du règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294, p. 1), entré en vigueur le 8 octobre 2004. Ce règlement ne prévoit certes pas expressément l’égalité des actionnaires, mais il ouvre aux États membres la possibilité d’adopter des dispositions protectrices des actionnaires minoritaires.


56 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007 (JO L 184, p. 17).


57 – Le caractère non obligatoire des recommandations et des avis ne signifie certes pas qu’ils soient dépourvus de toute pertinence sur le plan juridique (en ce sens, Ruffert, M., dans Calliess et Ruffert, op. cit., point 126, p. 2165). En vertu de la jurisprudence de la Cour, bien que les recommandations ne lient pas et ne puissent pas faire naître, dans le chef des justiciables, des droits dont ceux-ci pourraient se prévaloir devant les juges nationaux, ces derniers sont cependant tenus de les prendre en considération en vue de la solution des litiges qui leur sont soumis. Il en est ainsi dans le cadre de l’interprétation de dispositions nationales mettant en œuvre le droit communautaire ou lorsqu’il s’agit de compléter des dispositions contraignantes de droit communautaire (voir arrêts du 15 juin 1976, Frecassetti, 113/75, Rec. p. 983; du 9 juin 1977, van Ameyde, 90/76, Rec. p. 1091; du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, Rec. p. 4407, point 9, et du 21 janvier 1993, Deutsche Shell, C‑188/91, Rec. p. I‑363, point 18).


58 – Tridimas, T., op. cit. (note 23), p. 1, soulève la question de la distinction entre un principe général du droit et une règle spécifique. À son avis, un premier critère de distinction est l’application générale du principe, «générale» signifiant que le principe doit présenter un certain degré d’abstraction. Un second critère est la pertinence de ce principe dans le cadre d’un ordre juridique.


59 – Voir également, en ce sens, Verse, D., Der Gleichbehandlungsgrundsatz im Recht der Kapitalgesellschaften, Tübingen, 2006, qui parle de principe central du droit des sociétés.


60 – En ce sens, Verse, D., op. cit. (note 59), p. 557. Mehringer, C., Der allgemeine kapitalmarktrechtliche Gleichbehandlungsgrundsatz, Baden-Baden, 2007, p. 239, considère également qu’il existe, dans le droit des marchés de capitaux, un principe général d’égalité de traitement qui bénéficie aux investisseurs.


61 – Grundmann, S., Europäisches Gesellschaftsrecht, Heidelberg, 2004, p. 145.


62 – De Cordt, Y., L’égalité entre actionnaires, Bruxelles, 2004, p. 937.


63 – Voir Hütte, A., Der Gleichbehandlungsgrundsatz im deutschen und französischen Recht der Personengesellschaften, Aix-la-Chapelle, 2003, p. 180. De l’avis de Mehringer, C., op. cit. (note 60), p. 241, le principe d’égalité du droit des marchés de capitaux est fondé, du point de vue de la théorie du droit, sur la notion d’équité.


64 – De Cordt, Y., op. cit. (note 62), p. 937.


65 – En ce sens, De Cordt, Y., op. cit. (note 62), p. 937; Mehringer, C., op. cit. (note 60), p. 18, rappelle pour sa part que les principes ne sont pas des normes et ne sont donc en principe pas directement applicables. Il faut toujours invoquer une norme légale, susceptible d’être interprétée, ou une notion en tant que point de départ; Verse, D., op. cit. (note 59), p. 96, attend de la Cour qu’elle fournisse à l’avenir des orientations générales, allant au-delà du cas particulier, en vue de concrétiser l’obligation d’égalité de traitement.


66 – Ils peuvent être consultés sur le site de la direction générale «Marché intérieur» de la Commission 


(http://ec.europa.eu/internal_market/company/modern/index_fr.htm).


67 – Voir rapport Winter I, chapitre I («Égalité des conditions de jeu en matière d’offres publiques d’acquisition»), p. 19, 20.


68 – Voir rapport Winter I, chapitre II («Le prix équitable à payer en cas d’offre obligatoire»), p. 49.


69 – Voir p. 33 et suiv. des observations d’Audiolux.


70 – Voir point 87 des présentes conclusions.


71 – En effet, il ressort de l’article 22 de la directive 2004/25 que cette directive est entrée en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 22 mai 2004. En outre, l’article 21, paragraphe 1, indique que les États membres devaient avoir mis en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 20 mai 2006.


72 – La séparation des pouvoirs est un principe d’organisation fondamental de la plupart des Constitutions démocratiques modernes qui remonte aux enseignements de Thomas Locke (1632-1704), de Charles de Montesquieu (1689-1755) et d’Emmanuel Kant (1724-1804), et qui constitue un critère constitutif d’un État de droit. En vertu de la séparation des pouvoirs, le pouvoir politique de l’État est réparti en différentes fonctions. Les contrôles réciproques exercés par les différents pouvoirs visent à tempérer la puissance étatique. Traditionnellement, il s’agit des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Montesquieu constatait ainsi dans son ouvrage De l’esprit des lois paru en 1748: «Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire: car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs: celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers».


73 – En ce sens, Schweitzer, M., Hummer, W., et Obwexer, W., op. cit. (note 25), p. 178, point 653; Sariyiannidou, E., op. cit. (note 15), p. 122, parle également de «séparation des fonctions». Selon Oppermann, T., op. cit. (note 27), article 5, point 5, p. 80, dans la Communauté européenne, la séparation des pouvoirs étatiques entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire a pris la forme d’un équilibre institutionnel spécifique entre les institutions communautaires. La répartition des tâches entre le Parlement, le Conseil et la Commission, en particulier, différerait de celle qui s’opère sur le plan étatique. Il existerait également des contrôles réciproques et un équilibre des pouvoirs («checks and balances») dans la Communauté européenne. L’équilibre institutionnel refléterait un principe fondamental de l’État de droit. Il impliquerait que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres et que tout manquement à cette règle puisse être sanctionné par la Cour.


74 – Arrêts du 13 juin 1958 (9/56, Rec. p. 9, et 11/56, Rec. p. 51).


75 – Voir arrêts du 17 décembre 1970, Köster (25/70, Rec. p. 1161, point 9), et Parlement/Conseil (précité note 45, point 21).


76 – Arrêt du 22 mai 1990 (C‑70/88, Rec. p. I‑2041, points 21 et 22).


77 – Ibidem, point 23.


78 – Sariyiannidou, E., op. cit. (note 15), p. 137, estime que l’article 220 CE confère en définitive à la Cour la compétence de déterminer ce qui est le «droit», sans que sa compétence à cet égard soit clairement limitée. Dans le cadre du développement des principes généraux du droit, la Cour aurait largement fait usage de sa compétence pour faire évoluer le droit par voie prétorienne. L’auteur craint que cela ne risque d’estomper les frontières entre l’activité judiciaire et l’activité politique.


79 – En ce sens, Louis, J.-V., L’ordre juridique communautaire, 6e édition, Bruxelles/Luxembourg, 1993, p. 119, 120. Selon l’auteur, la Cour ne peut s’autoriser d’une lacune du droit communautaire pour se substituer au législateur communautaire. Elle doit au contraire faire preuve de la réserve («judicial self‑restraint») nécessaire.


80 – Voir arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission (T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, points 82 et suiv.). Le Tribunal y a reconnu la compétence du législateur communautaire pour fixer des délais de prescription. De l’avis du Tribunal, la mesure dans laquelle il est fait recours à la prescription résulte d’un arbitrage entre les exigences de la sécurité juridique et celles de la légalité en fonction des circonstances historiques et sociales qui prévalent dans la société à une époque donnée. Elle relève pour cette raison du choix du seul législateur. Voir arrêt du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil (C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319, points 37 et suiv.). La Cour y a constaté que le juge communautaire ne peut pas interpréter le statut des fonctionnaires des Communautés européennes de telle sorte que soient assimilées au mariage des situations légales, telles que le partenariat enregistré, qui en sont distinctes. Il ne peut appartenir qu’au législateur d’adopter, le cas échéant, des mesures susceptibles d’affecter cette situation, par exemple en modifiant les termes du statut. Voir aussi arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 139); du 2 octobre 2003, International Power e.a./NALOO (C‑172/01 P, C‑175/01 P, C‑176/01 P et C‑180/01 P, Rec. p. I‑11421, point 106), et du 7 janvier 2004, K. B. (C‑117/01, Rec. p. I‑541, point 28).


81 – Voir points 39 à 45 des observations de l’Irlande.


82 – Voir point 68 des présentes conclusions.


83 – Arrêt du 26 avril 2005, «Goed Wonen» (C‑376/02, Rec. p. I‑3445, point 32).


84 – Arrêts du 15 février 1996, Duff e.a. (C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20), et du Tribunal du 31 janvier 2002, Hult/Commission (T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 38).


85 – Voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1991, Crispoltoni (C-368/89, Rec. p. I-3695, point 17); du 29 avril 2004, Gemeente Leusden et Holin Groep (C-487/01 et C‑7/02, Rec. p. I-5337, point 59), et «Goed Wonen» (précité note 83, point 33); voir également Cour eur. D. H., arrêt National & Provincial Building Society c. Royaume‑Uni du 23 octobre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VII, § 80.


86 – Arrêt précité note 8, points 74 et 75.


87 – J’ai déjà évoqué le contenu normatif assez vague de l’article 42 de la directive 77/91 au point 60 de mes conclusions du 4 septembre 2008 dans l’affaire Commission/Espagne (arrêt du 18 décembre 2008, C‑338/06, non encore publié au Recueil).


88 – Hütte, A., op. cit. (note 63), p. 71, 82; De Cordt, Y., op. cit. (note 62), p. 255, 259; Verse, D., op. cit. (note 59), p. 562. Hüffer, U., Kommentar zum Aktiengesetz, 5e édition, Munich, 2002, article 53a, point 4, p. 250.


89 – Hütte, A., op. cit. (note 63), p. 72.


90 – En ce sens, Tridimas, T., op. cit. (note 23), p. 36, 44.


91 – Ibidem, p. 47.


92 – Voir, par exemple, directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22); directive 2000/78 et directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31).


93 – La Cour a déclaré, dans une jurisprudence constante, que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que les directives puissent créer des obligations pour les particuliers. Une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle par un particulier (voir arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, point 48; du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C‑91/92, Rec. p. I‑3325, point 20, et du 7 janvier 2004, Wells, C‑201/02, Rec. p. I‑723, point 56).


94 – Il en est notamment ainsi de l’article 141 CE en ce qui concerne le principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. La Cour a établi dans sa jurisprudence que l’interdiction de la discrimination sur le fondement de la nationalité, énoncée aux articles 12 CE, 39 CE et 49 CE, s’applique également aux rapports entre personnes privées (voir arrêts du 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 36/74, Rec. p. 1405; du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75, Rec. p. 455; Bosman, précité note 47, et du 6 juin 2000, Angonese, C‑281/98, Rec. p. I‑4139, point 36).


95 – En ce sens, Preis, U., «Verbot der Altersdiskriminierung als Gemeinschaftsgrundrecht», Neue Zeitschrift für Arbeitsrecht, n° 8, 2006, p. 402.


96 – Voir points 87 et 88 des présentes conclusions.


97 – Voir points 89 à 93 des présentes conclusions.


98 – Voir point 94 des présentes conclusions.


99 – Voir point 98 des présentes conclusions.


100 – Voir points 103 à 109 des présentes conclusions.


101 – Voir points 111 à 112 des présentes conclusions.


102 – Voir points 117 à 123 des présentes conclusions.