Language of document : ECLI:EU:T:2018:71

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 février 2018 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016 – Mise en œuvre par l’Union européenne ou par les États membres des mesures prévues – Documents établis ou reçus par le service juridique d’une institution – Avis juridiques – Analyses portant sur la légalité des mesures prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales – Article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles – Exception relative à la protection des avis juridiques »

Dans l’affaire T‑852/16,

Access Info Europe, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes O. Brouwer, E. Raedts et J. Wolfhagen, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Buchet et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2016) 6030 final de la Commission, du 19 septembre 2016, confirmant le refus d’accès opposé par celle-ci à la requérante s’agissant de documents émanant du service juridique de cette institution et portant prétendument sur la légalité des mesures adoptées par l’Union européenne et ses États membres en vue de mettre en œuvre les actions décrites dans la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union, du 18 mars 2016, adoptée à la suite de leur rencontre du même jour avec le Premier ministre turc,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur les déclarations UE-Turquie

1        Le 15 octobre 2015, la République de Turquie et l’Union européenne sont convenues d’un plan d’action commun intitulé « EU-Turkey joint action plan » (ci-après le « plan d’action commun ») tendant à renforcer leur coopération, en matière de soutien aux ressortissants syriens bénéficiant d’une protection internationale temporaire et en matière de gestion migratoire, pour répondre à la crise créée par la situation en Syrie.

2        Le plan d’action commun ambitionnait de répondre à la situation de crise en Syrie de trois manières, à savoir, premièrement, en traitant à la racine les causes conduisant à un exode massif de Syriens, deuxièmement, en apportant un soutien aux Syriens bénéficiant d’une protection internationale temporaire et à leurs communautés d’accueil en Turquie et, troisièmement, en renforçant la coopération en matière de prévention des flux de migration illégaux en direction de l’Union.

3        Le 29 novembre 2015, les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de l’Union se sont réunis avec leur homologue turc. À l’issue de cette rencontre, ils ont décidé d’activer le plan d’action commun et, notamment, d’intensifier leur coopération active concernant les migrants qui n’avaient pas besoin d’une protection internationale, en les empêchant de se rendre en Turquie et dans l’Union, en assurant l’application des dispositions bilatérales qui avaient été établies en matière de réadmission et en renvoyant rapidement dans leurs pays d’origine les migrants qui n’avaient pas besoin d’une protection internationale.

4        Le 8 mars 2016, une déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union, publiée par les services conjoints du Conseil européen et du Conseil de l’Union européenne, indiquait que les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union s’étaient entretenus avec le Premier ministre turc en ce qui concernait les relations entre l’Union et la République de Turquie et que des progrès avaient été réalisés dans la mise en œuvre du plan d’action commun (ci-après la « déclaration UE-Turquie du 8 mars 2016 »). Cette rencontre avait eu lieu le 7 mars 2016.

5        Le 18 mars 2016, sous la forme du communiqué de presse no 144/16, a été publiée sur le site Internet du Conseil une déclaration tendant à rendre compte des résultats de « la troisième réunion tenue depuis novembre 2015 en vue d’approfondir les relations Turquie-UE et de remédier à la crise migratoire » entre « [l]es membres du Conseil européen » et « leur homologue turc » (ci-après la « déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 »). Aux termes de cette déclaration, tous les nouveaux migrants en situation irrégulière qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques à partir du 20 mars 2016 seront renvoyés en Turquie et, pour chaque Syrien renvoyé en Turquie au départ des îles grecques, un autre Syrien sera réinstallé de la Turquie vers l’Union en tenant compte des critères de vulnérabilité des Nations unies.

 Sur la demande d’accès aux documents

 Sur la précédente demande d’accès aux documents

6        Par courriel du 17 mars 2016, la requérante, l’association Access Info Europe, a, au titre de l’article 6 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), demandé à la direction générale (DG) « Migration et affaires intérieures » de la Commission européenne (ci-après la « DG “Affaires intérieures” ») l’accès à « [t]ous les documents générés ou reçus par la Commission contenant les avis juridiques et/ou analyses de la légalité [au regard du droit de l’Union] et du droit international de l’accord entre l’Union européenne et la République de Turquie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (JO [2014,] L 134[, p. 3]) » ainsi qu’à « tous les documents générés ou reçus par la Commission contenant des avis juridiques et/ou analyses de la légalité des actions entreprises par l’U[nion] et ses États membres dans le cadre de la mise en œuvre des actions décrites dans la déclaration sur l’accord conclu avec la Turquie lors de la réunion du 7 mars 2016[,] […] documents rédigés à la fois avant et depuis la tenue de cette réunion, jusqu’à ce jour ».

7        Par décision du 3 juin 2016, le directeur général du service juridique de la Commission (ci-après le « service juridique ») a refusé l’accès aux huit séries de documents, composées de notes et de courriels échangés entre le service juridique et la DG « Affaires intérieures » entre les 7 et 31 mars 2016, qu’il avait identifiées comme relevant de la demande d’accès aux documents en lien avec la déclaration UE-Turquie du 8 mars 2016.

8        À la suite de l’introduction par la requérante d’une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, la Commission a, par la décision C(2016) 6029 final, du 19 septembre 2016, confirmé, pour l’essentiel, la décision du 3 juin 2016 de refus d’accès aux documents en lien avec la déclaration UE-Turquie du 8 mars 2016 et les motifs sous-tendant ce refus tels qu’exposés dans la décision du 3 juin 2016. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2016, la requérante a, au titre de l’article 263 TFUE, introduit un recours contre la décision C(2016) 6029 final, lequel a été enregistré sous la référence T‑851/16.

 Sur la demande d’accès aux documents en cause en l’espèce

9        Par courriel du 26 avril 2016, la requérante a, au titre de l’article 6 du règlement no 1049/2001, demandé au service juridique de la Commission l’accès à « [t]ous les documents générés ou reçus par la Commission contenant des avis juridiques et/ou des analyses de la légalité des actions entreprises par l’U[nion] et ses États membres dans le cadre de la mise en œuvre des actions décrites dans la déclaration sur l’accord conclu avec la [République de] Turquie lors de la réunion du 18 mars 2016[,] […] documents rédigés avant et depuis la tenue de cette réunion, jusqu’à ce jour » (ci-après la « demande d’accès »).

10      Par décision du 16 juin 2016, le directeur général du service juridique a indiqué à la requérante avoir identifié trois séries de documents, soit huit documents au total dont sept courriels, auxquels il a refusé l’accès (ci-après les « documents litigieux »).

11      À l’appui du refus d’accès aux documents litigieux étaient invoquées, premièrement, une atteinte à la protection des avis juridiques et des procédures juridictionnelles au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 et, deuxièmement, une atteinte au processus décisionnel interne à la Commission au sens de l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement. Troisièmement, la protection des relations internationales au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 était invoquée comme justifiant, en tout état de cause, le refus d’accès opposé à la requérante.

12      Par lettre du 14 juillet 2016, la requérante a, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, introduit une demande confirmative tendant à ce que la Commission révise sa position.

13      Par la décision C(2016) 6030 final, du 19 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée»), la Commission a, pour l’essentiel, confirmé la décision initiale de refus d’accès et les motifs sous-tendant ce refus tels qu’exposés dans la décision initiale. Par ailleurs, la Commission a indiqué que la partie de la demande d’accès aux documents concernant ceux détenus par la DG « Affaires intérieures » avait été transmise à celle-ci, laquelle, par décision du 30 novembre 2016, a donné à la requérante accès à trois documents en sa possession, mais a refusé l’accès à un quatrième document, à savoir une lettre du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en invoquant l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001.

14      Les documents litigieux en l’espèce sont les suivants :

–        une série de quatre courriels envoyés le 8 avril 2016 par le service juridique à la DG « Voisinage et négociations d’élargissement » (ci-après la « DG “Élargissement” »), qui contiennent les observations du service juridique sur une lettre, annexée à ces courriels, relative aux assurances concernant le traitement devant être accordé par la République de Turquie aux ressortissants syriens et portant la référence Ares(2016) 2655082 (ci-après le « premier document litigieux ») ;

–        un courriel du 11 avril 2016 du service juridique adressé en réponse au cabinet de M. Timmermans, premier vice-président de la Commission, ainsi qu’à la DG « Affaires intérieures » et à la DG « Élargissement » sur la question des commissions de recours grecques, portant la référence Ares(2016) 2655468 et faisant suite à une question posée par la présidence néerlandaise de l’Union par courriel du 9 avril 2016 (ci-après le « deuxième document litigieux ») ;

–        une série de deux courriels, du 12 avril 2016, du service juridique adressés à la DG « Affaires intérieures » sur la question relative aux pratiques des commissions de recours grecques et portant la référence Ares(2016) 2655140 (ci-après le « troisième document litigieux »).

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

16      Dans la réplique, la requérante a demandé au Tribunal d’envisager de demander à la défenderesse la production des documents litigieux par la voie d’une mesure d’instruction. Conformément à l’article 88, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission a pu prendre position sur cette demande dans le cadre de la duplique.

17      Étant donné que la requérante mettait en cause la légalité d’une décision lui refusant l’accès à des documents en application de plusieurs des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, et ce en alléguant que les exceptions invoquées par l’institution concernée n’étaient pas applicables aux documents sollicités, le Tribunal, tenu dans ce cas d’ordonner la production de ces documents et d’examiner ceux-ci (arrêt du 28 novembre 2013, Jurašinović/Conseil, C‑576/12 P, EU:C:2013:777, point 27), a, par ordonnance du 4 juillet 2017, ordonné à la Commission, au titre de l’article 91, sous c), et de l’article 92 du règlement de procédure, de produire les documents litigieux, tout en précisant que, conformément à l’article 104 du règlement de procédure, ceux-ci ne seraient pas communiqués à la requérante.

18      À l’issue d’un double échange de mémoires, la phase écrite de la procédure a été clôturée et le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

19      Le 13 juillet 2017, la Commission a produit les documents litigieux.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 novembre 2017, pour laquelle la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑851/16, Access Info Europe/Commission. Dans le cadre de sa plaidoirie, la requérante a notamment confirmé qu’elle n’entendait pas contester l’affirmation de la Commission selon laquelle elle n’avait pas été récipiendaire de documents des États membres comportant des avis juridiques du type de ceux établis par son service juridique.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      À l’appui de son recours, la requérante soulève en substance quatre moyens, tirés, respectivement, premièrement, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 ; deuxièmement, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement ; troisièmement, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier et second alinéas, dudit règlement et, quatrièmement et à titre subsidiaire, de la violation de l’article 4, paragraphe 6, de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001

24      À l’appui du premier moyen, la requérante soutient que, en refusant l’accès aux documents litigieux au motif hypothétique que la divulgation de ces documents porterait atteinte aux relations internationales, la Commission a méconnu l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, en application de la jurisprudence résultant du point 64 de l’arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld (C‑350/12 P, EU:C:2014:2039), elle aurait été tenue de démontrer, ce qu’elle n’aurait pas fait en l’espèce, de quelle manière la divulgation des documents litigieux aurait porté concrètement et effectivement atteinte à la position de l’Union vis-à-vis de la République de Turquie.

25      Affirmant que les documents litigieux contenaient des informations sur des points particuliers de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 et sur l’interprétation du champ d’application des dispositions de divers actes de l’Union pertinents par rapport à l’objet de cette déclaration, la requérante estime que la Commission ne saurait justifier un refus d’accès aux documents litigieux par la crainte que la divulgation de ceux-ci ne révèle des opinions divergentes quant aux choix et à la légalité de certaines mesures de mise en œuvre de ladite déclaration. Par ailleurs, elle affirme que les documents litigieux avaient nécessairement dû contenir des analyses sur les compétences de l’Union ou l’acquis de l’Union en matière d’asile, puisque la Commission avait invoqué, au soutien du refus de leur divulgation, l’exception liée à la protection des procédures juridictionnelles en lien avec les affaires ayant donné lieu aux ordonnances du 28 février 2017, NF/Conseil européen (T‑192/16, EU:T:2017:128), du 28 février 2017, NG/Conseil européen (T‑193/16, EU:T:2017:129), et du 28 février 2017, NM/Conseil européen (T‑257/16, EU:T:2017:130) (ci-après les « affaires d’asile »). Or, au regard des questions tranchées par le Tribunal dans ces ordonnances, il serait clair que les mémoires en intervention, que la Commission aurait pu déposer si elle avait été admise en intervention dans lesdites affaires, auraient nécessairement porté sur la question de la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres.

26      Ainsi, la Commission ne pourrait pas, sans apporter d’autres éléments, soutenir que les relations internationales de l’Union seraient affectées par la divulgation des documents litigieux. D’ailleurs, elle ne préciserait pas de quelle manière le prétendu dialogue constant entre l’Union et la République de Turquie pourrait concrètement être affecté par la révélation du contenu de ces documents.

27      Par ailleurs, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374), la Cour aurait souligné, dans le sens d’un accès à de tels documents, que la divulgation de ce type de documents par les institutions contribuait à conférer à celles-ci une plus grande légitimité aux yeux des citoyens de l’Union et à augmenter la confiance de ces derniers dans un système démocratique. Or, selon la requérante, un débat transparent sur la mise en œuvre des déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016 devrait consolider la confiance de la République de Turquie dans les mesures adoptées par l’Union et, partant, renforcer la relation de l’Union avec ce pays tiers plutôt que de la compromettre. À cet égard, elle fait valoir qu’une affectation des relations internationales ne saurait être constatée au seul motif que l’homologue de l’Union, en l’espèce la République de Turquie, n’appliquerait pas un principe de transparence et, par conséquent, ne serait pas contraint de révéler le contenu des avis juridiques émis par ses services dans le cadre des discussions avec l’Union. En tout état de cause, il serait dans l’intérêt de cet État tiers que les mesures de mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 aient un fondement juridique valable permettant d’éviter leur contestation judiciaire ultérieure, notamment pour un motif tiré d’un défaut de compétence des auteurs de ces actes.

28      La requérante estime, au demeurant, que maintenir le secret sur le fait qu’il existe des doutes quant à la base juridique et quant au recours à certaines mesures de mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 pourrait finalement porter gravement atteinte aux relations internationales de l’Union. D’ailleurs, s’agissant de ces mesures, elle note que, à la date d’adoption de la décision attaquée, le processus d’adoption des modifications de la décision (UE) 2015/1601 du Conseil, du 22 septembre 2015, instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce (JO 2015, L 248, p. 80), et du règlement (CE) no 539/2001 du Conseil, du 15 mars 2001, fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (JO 2001, L 81, p. 1), était à un stade avancé. En effet, le 4 mai 2016, la Commission avait déjà adopté la proposition COM(2016) 279 final de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement no 539/2001, tandis que, le 29 septembre 2016, le Conseil a adopté la décision (UE) 2016/1754, modifiant la décision 2015/1601 (JO 2016, L 268, p. 82).

29      La Commission conclut au rejet du premier moyen comme étant non fondé.

30      À cet égard, elle rappelle tout d’abord que, dans la décision attaquée, elle a indiqué à la requérante que « la déclaration UE-Turquie et sa mise en œuvre par les différents acteurs concernés [étaie]nt de la plus haute importance pour les relations extérieures de l’Union avec la [République de] Turquie » et que, précisément, « [l]a divulgation de l’analyse juridique figurant dans les documents [refusés], contenant un avis juridique donné au sein de la Commission, présenterait un risque concret de compliquer la position de l’U[nion] dans le dialogue avec la [République de] Turquie, et, partant, de porter atteinte aux relations internationales de l’U[nion] ».

31      Ensuite, rappelant qu’il existe un dialogue permanent entre l’Union et la République de Turquie sur la question très sensible et importante de la mise en œuvre des déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016 portant sur la crise migratoire, la Commission estime qu’il est impératif que ce dialogue se déroule dans un climat de confiance mutuelle et dans le cadre duquel l’Union et la République de Turquie doivent se trouver sur un pied d’égalité. Or, la divulgation des documents litigieux, contenant des avis juridiques internes devant être utilisés par les représentants de la Commission dans le cadre des relations de l’Union avec cet État tiers, bouleverserait cet équilibre, d’une part, en permettant audit État d’entrer en possession des avis juridiques internes de l’Union et, d’autre part, en créant un malentendu aux yeux des citoyens de l’Union. Le caractère sensible de la question migratoire et la fragilité de la situation devraient à cet égard être pris en compte. Par ailleurs, lors de l’audience, la Commission a expliqué qu’elle avait déjà fait preuve de transparence en acceptant de révéler à la requérante ce sur quoi portaient les documents litigieux identifiés comme entrant dans le champ de sa demande d’accès.

32      Enfin, la Commission rappelle que, contrairement à ce qu’évoque la requérante, elle a, dans la décision attaquée, clairement expliqué que les documents litigieux ne contenaient pas d’avis juridiques sur la question de la délimitation des compétences entre l’Union et ses États membres dans le domaine concerné par les déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016, lesquelles, de l’avis de cette institution, ne constituent pas des accords internationaux au sens de l’article 218 TFUE, indépendamment de la forme et de la nature qu’ont revêtu ces actes. Sur cet aspect, les ordonnances du 28 février 2017, NF/Conseil européen (T‑192/16, EU:T:2017:128), du 28 février 2017, NG/Conseil européen (T‑193/16, EU:T:2017:129), et du 28 février 2017, NM/Conseil européen (T‑257/16, EU:T:2017:130), rendues dans les affaires d’asile, ne seraient pas pertinentes aux fins d’apprécier la légalité de la décision attaquée, puisqu’elles sont intervenues postérieurement à l’adoption de ladite décision.

 Considérations générales sur le règlement no 1049/2001

33      À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté, exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, du traité UE, de « marque[r] une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens ». Ainsi que le rappelle le considérant 2 dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 34, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 27).

34      À cette fin, le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 61 ; du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 69, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 28).

35      Ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêts publics ou privés (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 62). Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement no 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 71, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 29).

36      Dès lors que de telles exceptions dérogent au principe d’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 63 ; du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 36, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 30) de sorte que la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64 ; du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 69, et du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, EU:T:2011:252, point 29).

37      En effet, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant au point de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 que cette institution invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 31 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52).

 Sur le régime spécifique de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 et son application au cas d’espèce

38      S’agissant des intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001, la Cour a estimé qu’il convenait d’admettre que la nature particulièrement sensible et essentielle de ces intérêts, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porterait atteinte auxdits intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier et que, en l’occurrence, une telle décision requiert dès lors une marge d’appréciation (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 35). Cela est corroboré par le fait que les exceptions énoncées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 sont rédigées en des termes impératifs en ce que les institutions sont obligées de refuser l’accès aux documents relevant de ces exceptions obligatoires lorsque la preuve des circonstances visées par lesdites exceptions est rapportée, sans qu’il soit nécessaire de mettre en balance la protection de l’intérêt public avec un intérêt général supérieur (voir, en ce sens, arrêts du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, EU:T:2007:114, points 44 et 45, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 44).

39      Dans ce contexte, la Cour a souligné que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 sont très généraux, un refus d’accès devant en effet être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait « atteinte » à la protection de l’« intérêt public » en ce qui concerne notamment la « sécurité publique » ou les « relations internationales » et non uniquement, tel que cela avait été proposé au cours de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de ce règlement, lorsqu’une atteinte « significative » à cette protection est effectivement constatée (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 36 à 38).

40      Ainsi, le principe d’interprétation stricte des exceptions visées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne s’oppose pas à ce que, s’agissant des exceptions relatives à l’intérêt public visées au paragraphe 1, sous a), de cet article, l’institution concernée dispose d’une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation au public d’un document porterait atteinte aux intérêts protégés par cette disposition et, corrélativement, le contrôle de légalité exercé par le Tribunal en ce qui concerne une décision de refus d’accès à un document, opposée par l’institution au titre de l’une desdites exceptions, doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 64, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 34).

41      Par conséquent, il convient de déterminer en l’espèce si, dans la décision attaquée, la Commission a fourni des explications plausibles quant au point de savoir de quelle manière l’accès aux documents litigieux pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection des relations internationales de l’Union et si, dans les limites du large pouvoir d’appréciation de la Commission au titre des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, l’atteinte alléguée peut être considérée comme raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

42      À cet égard, l’explication fournie par la Commission pour refuser l’accès aux documents litigieux au titre de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 tenait au fait que, selon elle, rendre ces documents accessibles au public aurait sérieusement porté atteinte aux relations cruciales entre l’Union et la République de Turquie dans une situation hautement sensible, à savoir la gestion de la crise migratoire.

43      S’agissant du premier document litigieux, celui-ci contient les observations du service juridique sur une lettre, annexée à ces courriels, relative aux assurances apportées par la République de Turquie concernant le traitement devant être accordé par elle aux ressortissants syriens.

44      À cet égard, il a déjà été jugé, en substance, que la divulgation d’éléments présentant un lien avec les objectifs poursuivis par l’Union et ses États membres dans des décisions, en particulier lorsqu’ils abordent le contenu spécifique d’un accord envisagé ou les objectifs stratégiques poursuivis par l’Union dans les négociations, nuirait au climat de confiance dans les négociations en cours au moment de la décision de refus d’accès aux documents contenant ces éléments (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2012, In ’t Veld/Conseil, T‑529/09, EU:T:2012:215, points 35, 36 et 39).

45      Par ailleurs, il convient de rappeler que, en particulier, dans le contexte des négociations internationales, les positions prises par l’Union sont, par hypothèse, susceptibles d’évoluer en fonction du cours de ces négociations, des concessions et des compromis consentis dans ce cadre par les différentes parties prenantes. Ainsi, la formulation de positions de négociation peut impliquer un certain nombre de considérations tactiques de la part des négociateurs, parmi lesquels l’Union elle-même, de sorte que la divulgation des positions de l’Union dans des négociations internationales pourrait porter atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales (arrêt du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, points 70et 72).

46      Dans ces conditions, le Tribunal considère en l’espèce que, compte tenu, d’une part, du caractère provisoire des suggestions d’amendement proposées par les membres du service juridique, lesquelles n’étaient pas, à ce stade, reprises à son compte par la Commission en tant qu’institution, et, d’autre part, de la teneur de cette lettre destinée à être endossée et signée par la République de Turquie à l’issue des discussions et des négociations avec la République hellénique et l’Union, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a invoqué, à l’égard du premier document litigieux, l’exception relative à la protection des relations internationales visée à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001.

47      S’agissant du deuxième document litigieux, il contient l’avis du service juridique adressé au cabinet de M. Timmermans, premier vice-président de la Commission, ainsi qu’à la DG « Affaires intérieures » et à la DG « Élargissement », en réponse à une question posée de façon informelle par la présidence néerlandaise de l’Union par courriel du 9 avril 2016. Cet avis porte exclusivement sur le point de savoir si les commissions de recours grecques mises en place par la nouvelle législation grecque en matière d’asile pouvaient être considérées comme des juridictions au sens de l’article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).

48      En tant que telle et contrairement à ce qu’a soutenu la Commission, la divulgation de ce deuxième document litigieux n’aurait pas porté atteinte à la protection de l’intérêt public relatif aux relations internationales, dans la mesure où les appréciations contenues dans ledit document concernent exclusivement la législation d’un État membre de l’Union et, partant, ne contiennent pas de prise de position en lien avec la République de Turquie et où, par ailleurs, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, invoqué une atteinte aux relations internationales de la République hellénique avec cet État tiers qui aurait découlé d’une révélation d’appréciations juridiques sur l’ordre juridique de cet État membre dans le contexte de négociations bilatérales entre ces deux États sur la définition des modalités de mise en œuvre des déclarations UE-Turquie.

49      S’agissant du troisième document litigieux, il porte, également et essentiellement, sur les commissions de recours grecques, à l’exception du courriel figurant à la dernière page de ce document, lequel fait référence à des négociations avec les autorités turques. Comme dans le cas du deuxième document litigieux, le Tribunal estime que, nonobstant son large pouvoir d’appréciation à cet égard, la Commission est restée en défaut de démontrer en quoi la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales de l’Union aurait pu être affectée par la divulgation du troisième document litigieux expurgé du dernier courriel figurant dans ce document, alors même que ledit document ne contient pas de prise de position en lien avec la République de Turquie et que, par ailleurs, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, invoqué une atteinte aux relations internationales de la République hellénique avec cet État tiers qui aurait découlé d’une révélation d’appréciations juridiques sur l’ordre juridique de cet État membre dans le contexte de négociations bilatérales entre ces deux États sur la définition des modalités de mise en œuvre des déclarations UE-Turquie.

50      Partant, en refusant l’accès aux deuxième et troisième documents litigieux sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, la Commission a entaché son appréciation d’une erreur manifeste.

51      Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté en ce qui concerne le refus d’accès opposé par la Commission s’agissant du premier document litigieux, puisque, d’une part, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’elle a pu justifier ce refus par le fait que la divulgation de tels documents présenterait un risque concret de compliquer la position de l’Union dans le dialogue avec la République de Turquie et, par conséquent, de porter atteinte aux relations de l’Union et que, d’autre part, la Commission était en droit de se limiter à exposer un tel motif de manière sommaire lorsque, tel que cela était le cas en l’espèce, la fourniture de plus amples explications aurait impliqué de révéler, en méconnaissance de la portée de la protection impérative prévue par le législateur dans le libellé de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, le contenu des documents relevant de la protection prévue par cette disposition.

52      En revanche, le premier moyen doit être partiellement accueilli en ce qui concerne le refus d’accès opposé par la Commission, au titre de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, s’agissant du deuxième et du troisième document litigieux, expurgé, pour ce dernier, du courriel qu’il contient en dernière page.

53      Cependant, dans la mesure où le refus d’accès aux documents litigieux a été également justifié au titre de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001, il convient encore de déterminer si ces autres motifs de refus étaient applicables en l’espèce, justifiant, en tout état de cause, le sens de la décision attaquée.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001

54      Par son deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission a, dans la décision attaquée, méconnu l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Ce moyen se décompose en trois branches qu’il convient d’examiner successivement.

 Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la protection des procédures juridictionnelles

55      À l’appui de la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que, par la décision attaquée, la Commission a méconnu l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, dans la mesure où, en l’espèce, elle aurait appliqué une présomption générale de refus d’accès aux documents litigieux. En effet, d’une part, la jurisprudence ne reconnaîtrait la possibilité d’appliquer une telle présomption qu’en ce qui concerne les procédures juridictionnelles en cours. Or, à la date d’adoption de la décision attaquée, aucune procédure juridictionnelle n’était en cours. D’autre part, toujours selon la jurisprudence, la présomption générale d’atteinte à la protection des procédures juridictionnelles ne concernerait que les mémoires déposés dans le cadre de telles procédures, ce qui ne serait pas le cas des documents litigieux.

56      Par ailleurs, la requérante considère que, en l’espèce, la Commission n’a pas démontré comment la divulgation des documents litigieux aurait porté concrètement et effectivement atteinte à la protection des procédures juridictionnelles. Or, à cet égard, elle souligne que les documents litigieux n’ont pas été rédigés pour les besoins d’une procédure juridictionnelle. En effet, nonobstant l’introduction, postérieurement à la date d’introduction de la demande d’accès, des recours ayant donné lieu aux ordonnances dans les affaires d’asile, la requérante fait valoir que les documents litigieux ont été établis pour examiner l’acquis pertinent de l’Union, ce qui dépasserait largement l’objet de ces recours.

57      En tout état de cause, d’une part, la requérante note que la Commission n’était pas partie défenderesse dans les affaires d’asile et que, par conséquent, elle ne pourrait pas invoquer le principe d’égalité des armes ni, plus généralement, invoquer la protection des procédures juridictionnelles en rapport avec tous les documents ayant un lien avec l’objet de ces procédures judiciaires qui étaient alors pendantes. D’autre part, la requérante considère que la Commission se contredit lorsqu’elle invoque cette protection en l’espèce en prétendant que les documents litigieux ont un lien avec lesdites affaires, tout en affirmant que ces documents concernaient essentiellement la modification de la décision 2015/1601 et celle du règlement no 539/2001. En réalité, lesdits documents ne contiendraient que des éléments objectifs dont la divulgation ne pouvait pas, selon la requérante, affecter la position de la Commission dans les procédures juridictionnelles évoquées.

58      La Commission conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen, en relevant d’emblée que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle n’a pas, dans la décision attaquée, invoqué une présomption générale de non-divulgation, fondée sur l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles ou sur une autre exception prévue par le règlement no 1049/2001. En effet, le refus d’accès aurait été décidé après un examen individuel du contenu des documents litigieux et, s’agissant de la circonstance que les documents litigieux ne constituent pas des mémoires déposés dans le cadre de procédures juridictionnelles, la Commission invoque les arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission (T‑796/14, EU:T:2016:483, point 88), et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission (T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 64), que la requérante estime contraires à la jurisprudence de la Cour, dans lesquels le Tribunal a jugé que l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles visait également des documents qui n’étaient pas rédigés aux seules fins d’une procédure juridictionnelle.

59      Or, selon la Commission, à la date d’adoption de la décision attaquée, seule pertinente en l’espèce, la divulgation des documents litigieux aurait inévitablement entraîné la divulgation du contenu de ses futurs mémoires en intervention dans le cadre des affaires d’asile, expressément mentionnées dans la décision attaquée, car les documents litigieux avaient, à l’époque, un lien pertinent avec ces affaires. Ainsi, au nom du principe d’égalité des armes et même si elle n’était pas partie défenderesse dans lesdites affaires, n’a finalement pas été admise en intervention en raison de la résolution de ces affaires par la voie d’ordonnances et, partant, n’a pas pu déposer de mémoires en intervention, il était nécessaire et justifié de refuser l’accès aux documents litigieux au titre de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Dans ce contexte, la Commission conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle ses futurs mémoires en intervention auraient nécessairement porté sur la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres, tout en soulignant que, dans ces affaires, elle s’est bornée à répondre à des questions posées par le Tribunal au titre de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

60      À cet égard, il convient de rappeler que, d’une part, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant aux questions de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 que cette institution invoque, étant souligné qu’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 31 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52).

61      D’autre part, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 32 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 53).

62      S’agissant de l’exception relative à la protection des « procédures juridictionnelles », visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, elle implique que la protection de l’intérêt public s’oppose à la divulgation du contenu non seulement des documents rédigés aux seules fins d’une procédure juridictionnelle particulière (voir arrêts du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, points 88 et 89 et jurisprudence citée, et du 3 octobre 2012, Jurašinović/Conseil, T‑63/10, EU:T:2012:516, point 66 et jurisprudence citée), c’est-à-dire les mémoires ou les actes déposés, mais également des documents internes à l’institution concernant l’instruction de l’affaire en cours ainsi que des communications relatives à l’affaire entre la DG concernée et le service juridique de l’institution ou un cabinet d’avocats, cette délimitation du champ d’application de l’exception dans ladite affaire ayant pour but de garantir, d’une part, la protection du travail interne à la Commission et, d’autre part, la confidentialité et la sauvegarde du principe du secret professionnel des avocats (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 76, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 52).

63      Dans ce contexte, a été reconnue l’existence d’une présomption générale de non-divulgation pour les mémoires relevant d’une procédure juridictionnelle, prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, tant que ladite procédure était pendante (arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 94 ; du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 77, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 53), même si cette présomption était uniquement applicable en présence d’une procédure spécifique pendante et ne pouvait en principe plus être invoquée par l’institution concernée lorsque la procédure en question avait été close par une décision juridictionnelle (arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 130).

64      Par ailleurs, la Cour a considéré que l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles impliquait que fussent assurés le respect du principe d’égalité des armes ainsi que la bonne administration de la justice. En effet, l’accès aux documents par une partie serait susceptible de fausser l’équilibre indispensable entre les parties à un litige, équilibre qui est à la base du principe d’égalité des armes, dans la mesure où seule l’institution concernée par une demande d’accès à des documents, et non l’ensemble des parties à la procédure, serait soumise à l’obligation de divulgation (arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 85 à 87).

65      C’est notamment pour cette raison que, dans le cadre d’affaires portant sur l’accès à des avis préliminaires établis par une institution en lien avec l’élaboration d’une proposition législative, le Tribunal a estimé que, nonobstant ce qu’il avait jugé dans l’arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission (T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, points 88 à 91 et jurisprudence citée), la jurisprudence mentionnée au point précédent du présent arrêt n’excluait pas que d’autres documents que ceux constitués par les mémoires et les documents échangés avec le service juridique d’une institution spécifiquement en lien avec une affaire pendante puissent relever du champ d’application de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles. À cet égard, soulignant que le principe d’égalité des armes ainsi que la bonne administration de la justice étaient au cœur de la protection prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, le Tribunal a estimé que le besoin d’assurer l’égalité des armes devant le juge justifiait la protection non seulement des documents rédigés pour les seuls besoins d’un litige particulier, tels les mémoires, mais aussi des documents dont la divulgation était susceptible de compromettre, dans le cadre d’un litige particulier, l’égalité en question, laquelle constituait un corollaire de la notion même de procès équitable (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 88, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 64).

66      En effet, dans ces deux cas, bien que lesdits documents n’aient pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle particulière, l’intégrité de la procédure juridictionnelle concernée et l’égalité des armes entre les parties auraient pu être sérieusement mises à mal si des parties bénéficiaient d’un accès privilégié à des informations internes d’une autre partie ayant un rapport étroit avec les aspects juridiques d’un litige pendant ou potentiel, mais imminent (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 90, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 65).

67      Toutefois, pour que cette exception puisse s’appliquer, il faut que les documents demandés aient, au moment de la prise de la décision refusant leur accès, un lien pertinent soit avec une procédure juridictionnelle pendante devant le juge de l’Union et pour laquelle l’institution concernée invoque cette exception, soit avec une procédure pendante devant une juridiction nationale, à condition qu’elle soulève une question d’interprétation ou de validité d’un acte de droit de l’Union, de sorte que, eu égard au contexte de l’affaire, un renvoi préjudiciel paraît particulièrement plausible (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, points 88 et 89, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 64).

68      C’est à l’aune de ces considérations jurisprudentielles du Tribunal qu’il convient de traiter la première branche du deuxième moyen, étant relevé que, contrairement à ce que soutient la requérante, la jurisprudence circonstanciée relative à l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, telle que rappelée précédemment et résultant des arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission (T‑796/14, EU:T:2016:483), et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission (T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487), ne procède pas d’une interprétation large de cette exception qui entrerait en conflit avec la jurisprudence de la Cour, qui, au demeurant, n’a pas eu, à ce jour, à connaître directement d’une telle question.

69      En l’espèce, force est de constater que les documents litigieux n’ont pas été spécifiquement établis en lien avec une procédure juridictionnelle en cours.

70      Cependant, d’une part, il y a lieu de relever que, à la date du 19 septembre 2016, à laquelle a été adoptée la décision attaquée et seule pertinente en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 54), trois procédures juridictionnelles, à savoir les affaires d’asile, étaient en cours d’instance et portaient spécifiquement sur la légalité de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016, laquelle avait succédé à la déclaration UE-Turquie du 8 mars 2016. Par ailleurs, dans ces affaires, la Commission, qui n’était pas partie défenderesse, avait, à cette date, déjà présenté une demande en intervention au titre de l’article 143 du règlement de procédure.

71      D’autre part, le Tribunal relève que les documents litigieux ont été établis par le service juridique, lui-même en charge de la représentation de la Commission dans ces procédures juridictionnelles, et présentent un rapport étroit avec les aspects juridiques du litige au cœur de ces procédures juridictionnelles. En effet, ces documents concernent les modalités de renvoi des migrants en séjour irrégulier dans le respect des procédures d’asile mises en place par le droit de l’Union et, notamment, les procédures prévues après que leurs demandes d’asile ont été déclarées irrecevables ou non fondées, décisions qui, en Grèce, sont adoptées par les commissions de recours.

72      Dans ces conditions, il doit être admis que la Commission pouvait invoquer, dans la décision attaquée, l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles telle que visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, s’agissant de l’ensemble des documents litigieux.

73      À cet égard, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas appliqué une présomption de non-divulgation au titre de la protection des procédures juridictionnelles, mais a procédé à un examen individualisé de chacun des documents litigieux.

74      Par conséquent, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à la protection des avis juridiques

75      Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que les avis et les analyses juridiques faisant l’objet de la demande d’accès concernent l’adoption des instruments juridiques qui ont été ou seront adoptés en vue de mettre en œuvre les déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016, de sorte que, de son point de vue, ils se rapportaient à un processus législatif, en l’occurrence celui de modification de la décision 2015/1601 et du règlement no 539/2001, impliquant que la Commission ne pouvait pas refuser de les divulguer.

76      Nonobstant cet aspect et même en supposant que « le contexte des positions préliminaires contenues dans les documents demandés ne concernait pas les procédures législatives susmentionnées », la requérante estime que, dans la décision attaquée, la Commission n’aurait de toute façon pas précisé en quoi la divulgation des documents litigieux la priverait de la possibilité de recevoir des avis francs, objectifs et complets au sens de la jurisprudence. En effet, elle se serait bornée à cet égard à affirmer péremptoirement que leur divulgation « la priverait d’un élément essentiel […] sur la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie ». Or, dans l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 57 à 64), la Cour aurait posé le principe selon lequel les avis juridiques se rapportant au domaine législatif devaient être divulgués. En tout état de cause, dans la mesure où, selon la requérante, les documents litigieux étaient censés informer la Commission sur la compétence de l’Union à adopter les déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016 et sur l’acquis de l’Union en matière d’asile, cette institution ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que ces avis juridiques restent confidentiels. Elle aurait dû, au contraire, s’attendre à ce qu’ils soient un jour rendus publics et, à cet égard, la requérante ne perçoit pas en quoi, d’une manière générale, la divulgation de documents tels que les documents litigieux empêcherait cette institution de demander des avis juridiques.

77      Dans la réplique, la requérante indique que, même si la protection des avis juridiques pouvait justifier la décision attaquée, cette dernière décision devrait toutefois être annulée pour un « manque de raisonnement » (« lack of reasoning ») en raison de la description incohérente et de l’argumentation confuse de la Commission en ce qui concerne la nature, le contenu et le contexte d’élaboration des documents litigieux.

78      La Commission conclut au rejet de la deuxième branche du deuxième moyen comme étant non fondée, en précisant d’emblée que, contrairement à ce que soutient la requérante, les documents litigieux n’ont pas été établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci au sens du point 68 de l’arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374). En effet, ceux-ci ne constitueraient que des avis préliminaires se rapportant à des questions en cours de discussion au sujet des propositions de modification de la décision 2015/1601 et du règlement no 539/2001. Ainsi, ils ne pourraient pas être considérés comme des documents établis aux fins des procédures législatives se rapportant à ces deux actes du droit de l’Union actuellement en vigueur. Du fait qu’ils ne constituent que des avis juridiques préliminaires internes à l’institution, ils pourraient, selon la Commission, être mal interprétés ou mal compris s’ils étaient divulgués en dehors du contexte dans lequel ils ont été élaborés.

79      Dans la décision attaquée, la Commission aurait expliqué à la requérante l’existence de travaux en cours en liaison avec les autorités nationales compétentes sur la question sensible de la crise des réfugiés. Or, la divulgation des documents litigieux, portant sur l’interprétation de l’acquis de l’Union en matière d’asile, aurait une incidence grave sur l’intérêt de la Commission à chercher à obtenir des avis, francs, objectifs et complets, et ce dans un contexte dans lequel cette institution était, depuis mars 2016, en contact permanent et intensif avec les autorités des États membres concernés, notamment la République hellénique, au sujet des mesures nécessaires à prendre pour garantir la mise en œuvre des déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016 ainsi que le contrôle de la crise migratoire.

80      À cet égard, la circonstance, évoquée par la requérante, que les documents litigieux contiendraient une interprétation prétendument objective et que les questions ainsi abordées dans ces documents auraient fait l’objet de débats entre spécialistes ne serait pas de nature à empêcher la Commission de protéger sa capacité à recevoir des avis francs, objectifs et complets dans un domaine sensible et pendant une période très délicate pour la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016, étant rappelé que la Commission aurait veillé à mettre régulièrement à la disposition du public des informations sur la mise en œuvre de ladite déclaration.

81      Enfin, la Commission estime que le moyen d’annulation tiré d’un prétendu « manque de raisonnement » de sa part n’a été invoqué que dans la réplique et, en l’absence de motifs valables invoqués par la requérante pour justifier la tardiveté de celui-ci, il devrait être rejeté comme irrecevable. En tout état de cause, la requérante n’aurait nullement étayé cette prétention, au demeurant manifestement non fondée.

82      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’exception relative aux avis juridiques prévue à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 vise à protéger l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets et que, pour que cette exception puisse être invoquée par une institution, encore faut-il que le risque d’atteinte à cet intérêt ait été raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 42 et 43).

83      À cet égard, quant au fait que la divulgation d’un avis du service juridique relatif à une proposition législative soit susceptible d’induire un doute sur la légalité de l’acte législatif concerné, il a déjà été jugé que c’est précisément la transparence à cet égard qui, en permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, contribue à conférer aux institutions une plus grande légitimité aux yeux des citoyens européens et à augmenter la confiance de ceux-ci. En effet, c’est plutôt l’absence d’information et de débat qui est susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d’un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 59).

84      En l’espèce, force est toutefois de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante en évoquant la référence, dans la décision attaquée et en lien avec l’exception visée à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, aux propositions de modification de la décision 2015/1601 et du règlement no 539/2001, les documents litigieux ne constituent pas des avis juridiques relatifs à une proposition législative spécifique. En effet, ils constituent des prises de position, préliminaires, du service juridique sur plusieurs aspects du droit de l’Union en matière d’asile, tel que mis en œuvre dans l’ordre juridique grec et en lien avec les engagements politiques négociés et conclus, sous l’appellation de « déclarations UE-Turquie », entre les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union et leur homologue turc.

85      Pour autant, l’activité non législative des institutions n’échappe pas au champ d’application du règlement no 1049/2001. Il suffit de rappeler, à cet égard, que l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement précise que celui-ci « s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union » (voir, en ce sens, arrêt Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, points 87, 88 et 109, et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 107 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, les documents litigieux comportent des consultations juridiques adressées notamment aux cabinets du président de la Commission, du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et du membre de la Commission chargé des affaires intérieures, lesquelles ont été sollicitées à brève échéance afin d’assister les représentants de la Commission dans leurs réunions avec les représentants de la République hellénique et de la République de Turquie, en vue de définir les mesures que ces dernières devaient adopter dans le cadre de la mise en œuvre des engagements pris au titre des déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016.

87      À cet égard, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, la divulgation de tels avis juridiques, préparatoires et internes, élaborés aux fins d’un dialogue politique entre l’institution et des représentants d’un État membre et d’un État tiers aurait effectivement porté atteinte, de manière prévisible, à l’intérêt de la Commission de solliciter et de recevoir des avis juridiques francs, objectifs et complets de ses différents services afin de préparer sa position finale en tant qu’institution, de surcroît dans un domaine présentant une sensibilité politique certaine et dans un contexte d’urgence pour remédier à une situation migratoire délicate.

88      En effet, les consultations interservices, matérialisées en l’espèce par les documents litigieux, mais qui avaient été accompagnées d’échanges téléphoniques, constituent un travail préparatoire indispensable au bon fonctionnement de cette institution. Or, la franchise, l’objectivité, la complétude de même que la célérité de ces consultations juridiques, données dans l’urgence, comme l’attestent notamment les heures parfois tardives auxquelles ont été envoyés les courriels en cause, par les membres du service juridique à la présidence de la Commission et à la DG placée sous l’autorité du membre de la Commission chargé des affaires intérieures, auraient été affectées, en l’espèce, si les auteurs de telles consultations, rédigées à la hâte en vue de préparer des rencontres entre les responsables de cette institution et ceux d’un État membre et d’un État tiers, avaient dû anticiper que de tels courriels puissent être mis à la disposition du public.

89      Enfin, s’agissant du grief formulé dans la réplique par la requérante et tiré d’un « manque de raisonnement » de la part de la Commission dans la décision attaquée ou d’une insuffisance de motivation, il suffit de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la description de la nature et du contenu des documents demandés ainsi que les motifs de refus exposés par la Commission dans la décision attaquée, y compris l’exposé du contexte dans lequel ils ont été élaborés, ne sont pas contradictoires et répondent aux exigences de l’article 296 TFUE. En conséquence, ce grief doit, en tout état de cause, être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la Commission dans la duplique.

90      Eu égard à ce qui précède, la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’existence d’un intérêt public supérieur en faveur d’une divulgation des documents litigieux

91      À supposer que puisse être reconnue en l’espèce l’existence d’une présomption générale d’atteinte ou d’une atteinte concrète à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, la requérante fait valoir à titre subsidiaire, au titre de la troisième branche du deuxième moyen, qu’il existait un intérêt public supérieur en faveur d’une divulgation des documents litigieux au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001. En effet, les institutions de l’Union ne pourraient rendre des comptes et démontrer la légitimité des décisions qu’elles prennent au nom de ses citoyens que si ces derniers sont en mesure de comprendre le cadre juridique dans lequel ces décisions sont prises. Ainsi, l’accès aux documents litigieux devrait être accordé aux citoyens, même si cette divulgation devait potentiellement porter atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques.

92      En tout état de cause, la requérante soutient que la décision attaquée méconnaît l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, dans la mesure où la Commission a omis d’examiner l’existence d’un intérêt public en faveur d’une divulgation et, plus généralement, de procéder à la mise en balance des intérêts servis par la divulgation avec ceux s’opposant à une telle divulgation. À cet égard, la requérante conteste l’affirmation de cette institution selon laquelle elle n’aurait avancé que des considérations générales qui n’étaient pas de nature à établir que le principe de transparence présentait en l’espèce une acuité particulière. En effet, l’évocation de la nature particulière de la crise migratoire et des mesures adoptées pour y remédier aurait été suffisante pour justifier, en l’espèce, l’existence d’un intérêt public particulier en faveur d’une divulgation au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

93      La Commission conclut au rejet de la troisième branche du deuxième moyen comme non fondée, en soulignant que, dans la décision attaquée, elle a indiqué à la requérante que cette dernière s’était contentée d’invoquer le principe de transparence sans démontrer en quoi ce principe présentait, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait pu primer les raisons légitimes justifiant la non-divulgation des documents litigieux.

94      En l’espèce, la Commission aurait examiné l’existence d’un intérêt public supérieur, mais, selon cette institution, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à la requérante d’établir l’existence d’un tel intérêt public. Or, sur cet aspect, cette dernière se serait bornée à évoquer des considérations générales, relatives au droit de la société d’être informée et à celui des citoyens de comprendre le contexte juridique en cause, lesquelles, de son point de vue, n’étaient nullement de nature à démontrer que le principe de transparence aurait présenté, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait primé les raisons justifiant la non-divulgation des documents litigieux, d’autant que la Commission aurait précisément veillé à informer les citoyens par la diffusion d’informations actualisées, telles que la communication du 16 mars 2016 intitulée « Prochaines étapes opérationnelles de la coopération UE-Turquie dans le domaine de la migration ». Par ailleurs, l’existence de discussions académiques ne saurait constituer la preuve de l’existence d’un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001.

95      En tout état de cause, la Commission fait valoir que, pour certains des documents litigieux, l’exception relative à la protection des relations internationales était applicable. Or, s’agissant de cette exception, régie par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, aucune mise en balance avec un intérêt public supérieur en faveur d’une divulgation n’aurait été prévue par le législateur de l’Union.

96      À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 32 et jurisprudence citée).

97      Il incombe toutefois au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un tel intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents concernés (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94 ; du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 90, et du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 49).

98      Cela étant, l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001 (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 92, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 92).

99      À cet égard, le principe de transparence, sous-tendant le règlement no 1049/2001 et invoqué par la requérante, contribue à renforcer la démocratie en permettant aux citoyens de contrôler l’ensemble des informations qui ont constitué le fondement d’un acte législatif. En effet, la possibilité, pour les citoyens, de connaître les fondements des actions législatives est une condition de l’exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 46).

100    En l’espèce, force est de rappeler que les documents litigieux n’ont pas été établis dans le cadre d’une procédure législative au sens du traité FUE.

101    Cependant, la requérante a invoqué des considérations générales relatives au principe de transparence, lesquelles impliquent, dans l’intérêt général, une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grand légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 45).

102    À cet égard, tout d’abord, dans la mesure où il a été constaté que le refus de divulgation du premier document litigieux relevait des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme étant inopérante s’agissant de ce document. En effet, dans le cadre de cette disposition, les institutions sont obligées de refuser l’accès aux documents relevant de ces exceptions obligatoires lorsque la preuve des circonstances visées par ces exceptions est rapportée, sans qu’il soit nécessaire de mettre en balance la protection de l’intérêt public avec un intérêt général supérieur (arrêts du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, EU:T:2007:114, points 44 et 45, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 44).

103    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, les considérations générales relatives au principe de transparence, invoquées par elle dans la demande confirmative, ont été prises en compte par la Commission dans la décision attaquée, mais cette dernière a estimé qu’elles n’étaient pas de nature à établir que le principe de transparence présentait, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait pu primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents litigieux.

104    À cet égard, il convient encore de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, les auteurs des documents litigieux n’ont pas, dans ceux-ci, porté d’appréciation sur la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres en vue de l’adoption des déclarations UE-Turquie des 8 et 18 mars 2016.

105    Dans ces conditions, au regard des arguments avancés par la requérante, il doit être constaté que celle-ci est restée en défaut d’établir en quoi le principe de transparence aurait en l’espèce eu une acuité particulière justifiant, à tout le moins en ce qui concerne les documents non couverts par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, la divulgation des documents litigieux relevant de la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques. À titre surabondant, le Tribunal constate que cela vaut également pour les documents couverts par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001.

106    Il convient donc de rejeter la troisième branche et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001

107    Au titre du quatrième moyen, présenté à titre subsidiaire et qu’il convient d’examiner avant le troisième, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle un accès partiel aux documents litigieux n’était pas possible. En effet, compte tenu de la nature de ces documents, il serait inconcevable que l’intégralité du texte contenu dans ceux-ci fût couverte par les exceptions invoquées par la Commission. Par conséquent, en refusant d’octroyer à la requérante un accès partiel dans la décision attaquée, la Commission aurait méconnu l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001.

108    La Commission conclut au rejet du moyen, en soulignant qu’elle avait expliqué, dans la décision attaquée, avoir envisagé la possibilité d’accorder un accès partiel aux documents litigieux, mais l’a rejetée au motif que l’intégralité de ces documents relevait des exceptions justifiant la non-divulgation au titre du règlement no 1049/2001.

109    À cet égard, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, « [s]i une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées ».

110    Selon une jurisprudence constante, l’examen de l’accès partiel à un document des institutions de l’Union doit être réalisé à l’aune du principe de proportionnalité (arrêt du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 83 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, EU:C:2001:661, points 27 et 28).

111    Il résulte des termes mêmes de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 qu’une institution est tenue d’examiner s’il convient d’accorder un accès partiel aux documents visés par une demande d’accès en limitant un refus éventuel aux seules données couvertes par les exceptions visées. L’institution doit accorder un tel accès partiel si le but poursuivi par cette institution, lorsqu’elle refuse l’accès au document, peut être atteint dans l’hypothèse où ladite institution se limiterait à occulter les passages qui peuvent porter atteinte à l’intérêt public protégé (arrêts du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, EU:T:2007:114, point 50, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 84 ; voir également arrêt du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, EU:C:2001:661, point 29).

112    En l’espèce, force est de constater que, dans la décision attaquée et ainsi qu’elle l’a indiqué dans cette décision, la Commission a apprécié la possibilité de donner à la requérante un accès partiel aux documents litigieux.

113    Pour autant, il ne ressort pas des documents litigieux produits par la Commission devant le Tribunal qu’il eût été possible de donner un accès partiel auxdits documents sans que cette démarche implique de révéler la teneur des parties des documents auxquelles le refus d’accès était justifié et, notamment, les objectifs stratégiques sous-tendant les discussions sur la mise en œuvre, sous l’impulsion de l’Union, des déclarations UE-Turquie par la République hellénique et la République de Turquie.

114    Or, à cet égard, le juge de l’Union a déjà reconnu que, dans un tel cas, l’institution défenderesse, en l’espèce la Commission, n’est pas tenue, dans les motifs de l’acte attaqué, d’identifier le contenu sensible des documents litigieux ne pouvant être révélé par la divulgation, lorsqu’une telle démarche impliquerait de dévoiler des informations dont la protection est visée par l’exception invoquée, relative à la protection de l’intérêt public en matière de relations internationales (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 82, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 106), ce qui était le cas s’agissant du premier document litigieux.

115    Il en va de même des deuxième et troisième documents litigieux, dont le contenu ne pouvait être partiellement révélé sans porter atteinte à la protection conférée aux procédures juridictionnelles et aux avis juridiques.

116    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001

117    Dans la mesure où le rejet des premier, deuxième et quatrième moyens implique que la Commission était en droit de refuser l’accès aux documents litigieux en invoquant les exceptions prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1049/2001, il n’est plus nécessaire d’examiner le bien-fondé du troisième moyen.

118    Partant, il convient de rejeter le recours, sans qu’il soit besoin de statuer sur le troisième moyen.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

120    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.







Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Access Info Europe est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.