Language of document : ECLI:EU:T:2018:74

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 février 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative représentant une écrevisse – Enregistrement international antérieur de la marque figurative РАКОВЫЕ ШЕЙКИ – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑775/16,

Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen », établie à Kiev (Ukraine), représentée par Mes R. Žabolienė et I. Lukauskienė, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes A. Lukošiūtė et D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Moscow Confectionery Factory « Krasnyiy oktyabr » OAO, établie à Moscou (Russie), représentée par Mes O. Spuhler, M. Geitz et J. Stock, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 11 août 2016 (affaire R 2419/2015-1), relative à une procédure d’opposition entre Moscow Confectionery Factory « Krasnyiy oktyabr » et Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen »,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, I. S. Forrester et E. Perillo, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2017,

à la suite de l’audience du 21 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 octobre 2013, la requérante, Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen », a présenté une demande de protection dans l’Union européenne de l’enregistrement international n° 1191921 à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        L’enregistrement international pour lequel la protection a été demandée est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels la protection a été demandée relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « confiseries, caramels [bonbons] ».

4        Les couleurs rouge, jaune et blanc étaient revendiquées.

5        Les indications de l’enregistrement international prévues à l’article 152, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 (devenu article 190, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) ont été publiées au Bulletin des marques communautaires n° 30/2014, du 14 février 2014.

6        Le 26 mai 2014, l’intervenante, Joint-Stock Company « Krasnyiy oktyabr », a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à la demande de protection de l’enregistrement international pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], sur la base de l’enregistrement international n° 1102599 produisant ses effets en Bulgarie, au Benelux, en Allemagne, en Grèce, en Espagne, en France, en Croatie, en Italie, à Chypre, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, au Portugal, en Roumanie, en Slovaquie et au Royaume-Uni du signe figuratif suivant enregistré pour des produits relevant de la classe 30, à savoir des « bonbons » :

Image not found

8        Les couleurs rouge, blanc et noir étaient revendiquées.

9        L’opposition était fondée sur tous les produits désignés par le droit antérieur et dirigée contre tous les produits couverts par l’enregistrement international de la requérante.

10      Le 7 octobre 2015, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a conclu que, indépendamment de l’identité des produits et de la similitude conceptuelle des images d’écrevisses, les différences visuelles et phonétiques entre les signes étaient suffisantes pour compenser les similitudes et que, dès lors, il n’existait pas de risque de confusion.

11      Le 3 décembre 2015, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 11 août 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition et refusé la protection de l’enregistrement international contesté dans l’Union européenne.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

19      S’agissant de la détermination du public pertinent, il ressort du point 20 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que le public pertinent se composait du grand public et que son niveau d’attention variait de faible, dans le cas de confiseries à bas prix s’adressant à la grande consommation, à moyen, dans le cas de confiseries de luxe. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, que les territoires pertinents pour l’appréciation globale du risque de confusion étaient la Bulgarie, le Benelux, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, la France, la Croatie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et le Royaume-Uni.

20      Eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu d’entériner cette définition du public pertinent, qui, au demeurant, n’est pas contestée par les parties.

 Sur la comparaison des produits

21      S’agissant de la comparaison des produits, il ressort du point 23 de la décision attaquée que la chambre de recours a relevé que ceux-ci étaient identiques, dès lors, d’une part, que les « confiseries » du droit contesté étaient identiques aux « bonbons » du droit antérieur et, d’autre part, que les « caramels [bonbons] » du droit contesté étaient inclus dans les « bonbons » du droit antérieur et étaient donc également identiques.

22      Eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu d’entériner cette appréciation de la comparaison des produits, qui, au demeurant, n’est pas contestée par les parties.

 Sur la comparaison des signes

23      Sur le plan visuel, la requérante fait valoir, premièrement, que l’appréciation selon laquelle les éléments figuratifs seraient, compte tenu de leur position centrale et de leur taille, ceux qui attireraient en premier l’attention du consommateur est contraire au principe suivant lequel les éléments verbaux seraient plus distinctifs que les éléments figuratifs. Par ailleurs, la chambre de recours aurait omis de considérer le rôle joué par la différence de couleur utilisée pour les éléments verbaux. L’élément verbal « crabs » et l’expression « раковЫе шейки  » devraient être considérés comme des éléments dominants dans les signes en conflit, ou au moins, comme ayant une importance équivalente aux éléments figuratifs.

24      Deuxièmement, le fait que les signes en conflit contiendraient une ligne verticale de plusieurs représentations graphiques d’écrevisses au centre du signe serait dénué de pertinence. Il s’agirait de la composition classique des papiers d’emballage des bonbons.

25      Troisièmement, la comparaison des éléments figuratifs serait également erronée. D’une part, les marques ne seraient pas destinées à conférer un monopole sur l’utilisation de certains éléments visuels généraux, telle la représentation d’une écrevisse. D’autre part, les représentations d’écrevisses produiraient une impression globale différente compte tenu de leurs différences. La représentation serait plus stylisée et simplifiée dans le signe contesté que dans le signe antérieur où l’écrevisse serait présentée de manière plus réaliste et naturelle. Dans le signe antérieur, les quatre écrevisses seraient tournées vers la gauche, tandis que dans le signe contesté, les six têtes et demie d’écrevisses seraient disposées en alternance vers la gauche et la droite. Les signes différeraient également par les couleurs de l’écrevisse, représentée en rouge foncé pour le signe antérieur et en rouge clair pour le signe demandé.

26      En ce qui concerne la comparaison phonétique, la requérante relève que la chambre de recours a indiqué à juste titre que la partie du public pertinent ayant une connaissance du russe prononcera les éléments verbaux du signe antérieur et que les signes en conflit seraient donc différents sur le plan phonétique. Par ailleurs, pour les consommateurs qui percevraient l’expression « раковЫе шейки » comme un élément figuratif plutôt que comme un élément verbal, cet élément ne ferait alors que renforcer les différences visuelles entre les signes.

27      Sur le plan conceptuel, la requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas similaires en raison des significations différentes des éléments verbaux présents dans les deux signes : l’expression « раковЫе шейки » du signe antérieur serait compris par les consommateurs qui comprendraient le russe comme signifiant « cous d’écrevisses », alors que l’élément verbal « crabs » du signe contesté serait compris par les consommateurs anglophones comme signifiant « crabe ». Il ne ferait aucun doute que les mots « crabe » et « écrevisse » désigneraient des animaux différents. Même si ces deux animaux sont des crustacés, une telle association serait insuffisante aux fins de la comparaison conceptuelle.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

29      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

30      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

31      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, au terme de son analyse de la comparaison des signes, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient « un degré moyen de similitude sur le plan visuel », qu’ils ne pouvaient pas être comparés sur le plan phonétique « pour la partie du public pertinent qui ne savait pas lire l’alphabet cyrillique » ou qu’ils étaient « différents sur le plan phonétique pour les consommateurs parlant le bulgare et les consommateurs ayant une connaissance du russe » et « similaires sur le plan conceptuel » (voir points 31 à 34 de la décision attaquée).

32      À titre liminaire, il convient de rappeler à cet égard que les signes en conflit ont été décrits de la manière suivante dans la décision attaquée.

33      D’une part, au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le signe contesté était constitué d’une étiquette rectangulaire composée d’un carré blanc avec des lignes ondulées jaunes et rouges sur les côtés, qu’il comportait de chaque côté, entre ces lignes ondulées, l’élément verbal « crabs » écrit six fois en rouge, en lettres majuscules stylisées, et qu’en son milieu se trouvaient six représentations figuratives et demie d’une écrevisse rouge, alignées verticalement, dont la tête alternait de droite à gauche.

34      D’autre part, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a également indiqué que le signe antérieur se composait d’une étiquette rectangulaire contenant quatre représentations graphiques stylisées d’écrevisses tournées vers la gauche, alignées verticalement au centre du signe, qu’il comportait l’expression « раковЫе шейки » et l’élément verbal « карамель », écrits en caractères cyrilliques en noir et répétés deux fois (leur translittération étant « rakovye šejki » et « karameľ »), qu’un sceau arrondi contenant différents éléments illisibles était représenté, des deux côtés du signe, deux fois sur la gauche et trois fois sur la droite, et que, du côté gauche du signe, certains mots étaient écrits à la verticale en lettres cyrilliques, dont la transcription était « kond », « f-ka » et « krasnyj octyabr » selon la description du signe figurant dans le certificat d’enregistrement.

35      Dans ce contexte, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas correctement évalué l’importance relative des éléments verbaux et des éléments figuratifs des signes en conflit.

36      En premier lieu, la requérante se prévaut de la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en en citant le nom qu’en en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 15 décembre 2009, Trubion Pharmaceuticals/OHMI – Merck (TRUBION), T–412/08, non publié, EU:T:2009:507, point 45 et jurisprudence citée].

37      Cependant, ainsi qu’il a été rappelé au point 26 de la décision attaquée, il ressort également de la jurisprudence que, dans certains cas, les éléments figuratifs peuvent avoir la même importance, voire plus d’importance que les éléments verbaux [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT), T–449/13, non publié, EU:T:2015:839, points 81 à 84, et du 30 novembre 2015, Hong Kong Group/OHMI – WE Brand (W E), T‑718/14, non publié, EU:T:2015:916, point 45]. De tels cas dépendent des circonstances de l’espèce et ne sauraient être limités, comme le laisse entendre la requérante, aux seules hypothèses évoquées à titre d’exemples par la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, où il est fait référence au cas où « l’importance de l’élément verbal est affaiblie par sa position insignifiante et par sa taille relativement petite » ou au cas où « l’élément figuratif est lié sur le plan conceptuel avec l’élément verbal » [voir arrêt du 26 avril 2016, Franmax/EUIPO – Ehrmann (Dino), T‑21/15, non publié, EU:T:2016:241, point 72 et jurisprudence citée].

38      En second lieu, au titre précisément de son appréciation des circonstances de l’espèce de la comparaison des signes en conflit dans la présente affaire, la chambre de recours est arrivée à la conclusion que lesdits signes présentaient un « degré moyen de similitude sur le plan visuel » pour les raisons suivantes (voir décision attaquée, point 32).

39      Premièrement, la chambre de recours a considéré à juste titre, aux points 27 à 30 de la décision attaquée, que les représentations figuratives des écrevisses étaient les éléments qui attiraient en premier l’attention du consommateur dans les deux signes en cause. En effet, dans le signe contesté, ces éléments figuratifs se détachaient par leur position centrale et la taille des éléments verbaux. La représentation qui y était faite des écrevisses, qui était placée au centre de ce signe, était sensiblement plus grande que celle qui y était faite de l’élément verbal « crabs », qui était placé sur les bords du signe et qui était dissimulé entre des lignes ondulées jaunes et rouges.

40      De même, dans le signe antérieur, les représentations figuratives des écrevisses étaient les éléments les plus distinctifs du signe antérieur, dans la mesure où ses éléments verbaux consistaient en des mots russes écrits en caractères cyrilliques incompréhensibles et illisibles pour le public qui ne parlait ni le russe ni le bulgare. Pour les consommateurs qui connaissaient le russe (comme certains consommateurs en Lettonie, en Estonie et en Lituanie) ou le bulgare, la chambre de recours a relevé que ceux-ci comprendraient l’expression « раковЫе шейки » comme signifiant « cous d’écrevisses » ou « d’une écrevisse » et que, par voie de conséquence, les représentations figuratives de l’écrevisse seraient conceptuellement liées à cet élément verbal et conserveraient son pouvoir attractif sur le plan visuel. En outre, pour la partie du public qui en comprenait la signification, l’élément verbal « карамель » ne serait pas distinctif, parce qu’il était descriptif pour les produits en cause. En conséquence, les parties russophone et bulgarophone du public pertinent établissant un lien entre les éléments verbaux et figuratifs dans la marque antérieure, la chambre de recours était en droit de considérer que ces consommateurs se souviendraient de ces deux types d’éléments et que, pour elles, les représentations de l’écrevisse avaient une importance considérable dans l’impression visuelle globale du signe contesté (voir arrêt du 26 avril 2016, Dino, T‑21/15, non publié, EU:T:2016:241, point 72 et jurisprudence citée).

41      Tout comme pour le signe contesté, l’importance des éléments figuratifs présents dans le signe antérieur était renforcée par la taille des représentations des écrevisses qui étaient bien plus grandes que les éléments verbaux et par le fait qu’elles étaient disposées sur une ligne verticale.

42      En considération de telles observations, la chambre de recours était en droit de constater que les représentations figuratives des écrevisses avaient une incidence considérable sur l’impression visuelle globale des signes en conflit (voir décision attaquée, points 27 et 30).

43      Deuxièmement, après avoir dûment indiqué que les signes en conflit étaient similaires dans la mesure où ils contenaient des représentations graphiques d’écrevisses disposées sur une ligne verticale au centre du signe, la chambre de recours a correctement relevé les différences qui existaient entre ces signes au titre de l’appréciation de leur similitude.

44      Ainsi, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, dans le signe contesté, les représentations étaient plus stylisées et simplifiées que dans le signe antérieur où l’écrevisse était présentée de manière plus réaliste et naturelle. Elle a également indiqué que, dans le signe antérieur, les quatre écrevisses étaient toutes tournées vers la gauche, tandis que dans le signe contesté, les six têtes et demie d’écrevisses étaient disposées en alternance vers la gauche et vers la droite. La chambre de recours a considéré, tout aussi correctement, que les signes en conflit différaient au niveau des éléments verbaux et des éléments graphiques supplémentaires : les lignes ondulées dans le signe contesté et les sceaux dans le signe antérieur.

45      Par ailleurs, comme cela a été relevé par la chambre de recours au même point de la décision attaquée, même si les écrevisses étaient tournées vers des côtés différents, affichaient des degrés de stylisation différents et différaient par leur nombre total, la comparaison visuelle des signes en conflit donnait bien l’impression d’une certaine symétrie, qui était un facteur de similitude entre les deux signes (voir arrêt du 26 avril 2016, Dino, T‑21/15, non publié, EU:T:2016:241, point 70 et jurisprudence citée).

46      Contrairement donc à ce que laisse entendre la requérante, qui se contente dans son argumentation de mettre l’accent sur les différences plutôt que sur les ressemblances, il ne peut être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte dans son appréciation d’ensemble de la similitude sur le plan visuel des différences précitées.

47      Troisièmement, la chambre de recours était aussi en mesure de relever, au point 31 de la décision attaquée, que les représentations des écrevisses avaient une importance considérable dans les deux signes en conflit en raison de leur structure similaire. En effet, les deux signes contenaient une ligne verticale constituée de plusieurs représentations d’une écrevisse au centre du signe. De même, les représentations des écrevisses y étaient les éléments les plus grands et étaient sensiblement plus grandes que les éléments verbaux et les éléments figuratifs supplémentaires. Enfin, les éléments verbaux et les éléments figuratifs supplémentaires placés sur les côtés des signes formaient également une ligne verticale.

48      L’analyse de la chambre de recours n’est nullement remise en cause par les autres arguments présentés par la requérante à son égard.

49      Tout d’abord, la requérante soutient que la chambre de recours aurait omis de considérer l’importance du rôle joué par la différence de couleur utilisée pour les éléments verbaux. De fait, comme l’évoque la requérante, l’élément verbal du signe antérieur était écrit en noir alors que l’élément verbal du signe contesté était écrit en rouge. Cependant, une telle différence ne saurait suffire pour considérer que l’élément verbal « crabs » et l’expression « раковЫе шейки » constituaient les éléments dominants dans les signes en conflit, ou tout au moins, comme s’ils avaient une importance équivalente aux éléments figuratifs. En effet, cette différence de couleurs ne modifie pas l’analyse de la comparaison des signes sur le plan visuel effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée.

50      De même, l’affirmation selon laquelle il serait usuel pour les papiers d’emballage de bonbons de disposer les principaux éléments au centre ou aux bords en position verticale afin d’être visibles lorsque les bonbons sont emballés ne saurait suffire à remettre en cause le fait que les signes en conflit contenaient une ligne verticale de plusieurs représentations graphiques d’écrevisses au centre du signe. Au demeurant, la protection conférée par le droit en cause n’est pas limitée aux seuls papiers d’emballage pour des bonbons.

51      Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel les marques n’ont pas pour but d’accorder un monopole pour l’utilisation d’éléments visuels généraux donnés, en l’espèce l’image d’une écrevisse, il y a lieu de rappeler que l’intérêt du régime juridique de la marque de l’Union européenne réside dans le fait qu’il permet aux détenteurs d’une marque antérieure de s’opposer à l’enregistrement de marques ultérieures tirant indûment profit du caractère distinctif de la marque originale. Ainsi, loin d’accorder un monopole injustifié aux détenteurs d’une marque antérieure, ledit régime permet à ces détenteurs de protéger et de valoriser les investissements substantiels entrepris pour promouvoir leur marque (voir arrêt du 26 avril 2016, Dino, T‑21/15, non publié, EU:T:2016:241, point 87 et jurisprudence citée).

52      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan visuel, il y a donc lieu de conclure que la chambre a correctement considéré que, du fait de l’importance de leurs ressemblances et du faible rôle joué par leurs différences, les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel

53      En ce qui concerne la comparaison des signes sur le plan phonétique, il n’est pas contesté que les signes en conflit soit ne donnaient pas lieu à une telle comparaison parce que leurs éléments verbaux étaient incompréhensibles et illisibles pour les consommateurs pertinents, tels ceux qui ne pouvaient pas prononcer les éléments verbaux du signe antérieur écrits en caractères cyrilliques, soit ne pouvaient être reconnus que par les consommateurs qui parlaient le bulgare ou qui avaient une connaissance du russe, auquel cas les signes en conflit étaient différents sur le plan phonétique (voir décision attaquée, points 32 et 33).

54      Eu égard aux éléments du dossier, il y a lieu d’entériner ces appréciations de la comparaison des signes sur le plan phonétique, qui, au demeurant, ne sont pas contestées par les parties.

55      Pour ce qui est de la comparaison des signes sur le plan conceptuel, c’est également à juste titre que la chambre de recours a considéré au point 34 de la décision attaquée que les signes étaient similaires sur le plan conceptuel, dans la mesure où ils contenaient tous les deux des représentations d’écrevisses qui avaient une importance significative dans l’impression globale et que leurs éléments verbaux étaient dépourvus de signification pour les parties du public pertinent qui ne comprenaient pas le russe ou le bulgare afin de pouvoir saisir la signification de l’expression « раковЫе шейки » ou ne comprenaient pas l’anglais ou le français afin de pouvoir saisir la signification de l’élément verbal « crabs ».

56      À cet égard, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il importe peu de relever que, pour la partie du public pertinent qui comprendrait l’expression « раковЫе шейки » du signe antérieur ou l’élément verbal « crabs » du signe contesté, il existerait une différence entre les signes sur le plan conceptuel.

57      En effet, en tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de l’Union. Ainsi, la chambre de recours était en droit de ne retenir que la perception du public néerlandais, allemand, grec, espagnol, croate, italien, chypriote, polonais, portugais, roumain ou slovaque pour la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2014, DTL Corporación/OHMI – Vallejo Rosell (Generia), T–176/13, non publié, EU:T:2014:1028, point 97 et jurisprudence citée].

58      En conclusion, la chambre de recours était en droit de conclure que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et qu’ils étaient similaires sur le plan conceptuel.

 Sur le caractère distinctif du droit antérieur

59      En substance, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas examiné ses arguments et les éléments de preuves concernant le faible caractère distinctif du droit antérieur. En effet, l’expression « раковЫе шейки » et l’image d’une écrevisse seraient dépourvus de caractère distinctif pour les produits compris dans la classe 30, car ils seraient utilisés depuis le XIXe siècle pour commercialiser ces produits. En l’espèce, les éléments de preuves relatifs à la Russie, à la Biélorussie et à l’Ukraine du temps de l’Union soviétique auraient dû être pris en compte pour apprécier le caractère distinctif du droit antérieur en Lituanie, en Lettonie et même en Bulgarie.

60      L’EUIPO fait valoir que, comme la requérante et l’intervenante se sont fondées sur les mêmes éléments de preuve à l’appui de leurs arguments, les conclusions tirées par la chambre de recours sont tout aussi valables pour l’allégation de caractère distinctif accru de l’autre partie que pour l’allégation de caractère distinctif faible de la requérante. En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les preuves fournies ne couvraient aucun des territoires pertinents étant donné qu’elles concernaient la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Il ne pourrait également être soutenu que ces territoires sont pertinents dans la mesure où ils faisaient partie, il y a plus de 25 ans, de l’Union soviétique, à l’instar de la Lituanie et de la Lettonie. Aucune preuve n’aurait été fournie pour permettre d’établir que cette relation historique aurait toujours une influence sur la perception de la marque et de son caractère distinctif un quart de siècle plus tard. En effet, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure devrait être apprécié au moment de la décision et rien ne prouverait que, au moment où la décision attaquée a été rendue, la marque antérieure aurait eu un caractère distinctif moindre dans tous les territoires pertinents. De fait, il conviendrait de garder à l’esprit que la marque antérieure est un enregistrement international désignant plusieurs États membres individuels et que chacun d’eux constitue donc une base distincte de l’opposition. Par conséquent, la chambre de recours aurait correctement apprécié le degré de caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure en concluant que celle-ci n’est ni descriptive ni allusive au regard des produits en cause et que, par conséquent, elle possède un caractère distinctif intrinsèque normal.

61      En substance, l’intervenante est d’avis que la chambre de recours a considéré à juste titre que le droit antérieur possédait un degré au moins normal de caractère distinctif. À cet égard, par lettre du 11 septembre 2017, sur laquelle les autres parties ont pu présenter leurs observations, respectivement le 6 octobre 2017 pour l’EUIPO et les 9 octobre et 14 novembre 2017 pour la requérante, l’intervenante a indiqué au Tribunal que la marque de l’Union européenne figurative enregistrée le 7 juillet 2017 sous le numéro 15948185, dont elle était titulaire et qui désignait des produits compris dans la classe 30, confirmait que l’élément constitué d’une écrevisse dans le droit antérieur était en soi distinctif aux yeux des milieux commerciaux visés.

62      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement n° 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre [voir arrêt du 24 novembre 2016, CG/EUIPO – Perry Ellis International Group (P PRO PLAYER), T‑349/15, non publié, EU:T:2016:677, point 66 et jurisprudence citée].

63      En l’espèce, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les preuves déposées au cours de la procédure d’opposition en ce qui concernait le prétendu caractère distinctif faible de l’expression « раковЫе шейки » ne concernaient pas les territoires pertinents pour l’appréciation du risque de confusion (à savoir la Bulgarie, le Benelux, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, la France, la Croatie, l’Italie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et le Royaume-Uni), mais des territoires extérieurs à l’Union européenne (à savoir la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine). De telles preuves n’avaient donc pas à être prises en considération au titre de l’appréciation du caractère distinctif acquis par le droit antérieur au sein des territoires des États membres désignés par cet enregistrement international, à supposer même qu’une différence puisse être faite entre certains de ces États membres en considération de leur histoire au cours du XXe siècle.

64      En conséquence, en l’absence de tout élément pertinent dans le dossier à même d’établir le faible caractère distinctif du droit antérieur, la chambre de recours était en droit de conclure au point 39 de la décision attaquée, que cette appréciation reposerait sur son caractère distinctif intrinsèque. En effet, le signe antérieur n’étant ni descriptif ni allusif des produits en cause, il possédait un degré normal de caractère distinctif intrinsèque.

65      Les arguments de la requérante visant à remettre en cause cette appréciation doivent donc être rejetés.

66      Il n’y a pas lieu à cet égard de se prononcer sur les éléments communiqués en cours d’instance dans la lettre de l’intervenante du 11 septembre 2017, qui concernent une marque de l’Union européenne enregistrée après l’adoption de la décision attaquée. En effet, outre le fait que ladite marque, dont l’intervenante est titulaire, fait actuellement l’objet d’une procédure d’annulation introduite par la requérante comme celle-ci a pu l’indiquer au Tribunal dans ses observations du 14 novembre 2017, il y a lieu de rappeler que, si le Tribunal apprécie la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celle-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 54 et jurisprudence citée).

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

67      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu, à tort, à l’existence d’un risque de confusion. Elle aurait dû tenir compte des différences entre les signes et du caractère distinctif faible du droit antérieur.

68      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

69      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

70      En l’espèce, ainsi qu’il est exposé à juste titre aux points 44 et 45 de la décision attaquée, compte tenu de l’identité des produits en conflit et du souvenir imparfait du consommateur, mais aussi de l’importance considérable des représentations graphiques des écrevisses dans l’impression visuelle globale des deux signes et de la disposition identique des écrevisses sur une ligne verticale au centre des signes, où les similitudes l’emportent sur les différences, la chambre de recours était bien en mesure de considérer que le degré de similitude entre les signes en cause n’était pas à ce point faible qu’il permette d’exclure l’existence d’un risque de confusion.

71      Dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen pris de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 comme non fondé.

72      Le recours doit donc être rejeté.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dochirnie pidpryiemstvo Kondyterska korporatsiia « Roshen » est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Forrester

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.