Language of document : ECLI:EU:T:2018:70

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 février 2018 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un cornet à glace – Enregistrement international désignant la Bulgarie antérieur – Motifs de nullité – Usage dans le dessin ou modèle ultérieur d’un signe distinctif dont le titulaire est en droit d’interdire l’utilisation – Article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement (CE) no 6/2002 – Obligation de motivation – Article 62 du règlement no 6/2002 – Devoir de diligence – Article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑794/16,

Şölen Çikolata Gıda Sanayi ve Ticaret AŞ, établie à Şehitkamil Gaziantep (Turquie), représentée par Me T. Tsenova, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Elka Zaharieva, demeurant à Plovdiv (Bulgarie), représentée par Me A. Kostov, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 12 septembre 2016 (affaire R 1144/2015-3), relative à une procédure de nullité entre ŞölenÇikolata Gıda Sanayi ve Ticaret et Mme Zaharieva,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 décembre 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 3 décembre 2013, l’intervenante, Mme Elka Zaharieva, a obtenu auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), l’enregistrement, sous le numéro 002343244-0001, d’un dessin ou modèle communautaire reproduit ci-après :

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2        Le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué à des « cornets à glace [comestibles] (emballages pour -) », relevant de la classe 09-05 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié.

3        Le 12 février 2014, la requérante, Şölen Çikolata Gıda Sanayi ve Ticaret AŞ, a présenté une demande en nullité du dessin ou modèle contesté au titre de l’article 52 du règlement no 6/2002.

4        Les motifs invoqués au soutien de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement no 6/2002.

5        À l’appui de la demande en nullité en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, la requérante a invoqué l’enregistrement international no 1148957 désignant, entre autres États membres, la Bulgarie, de la marque figurative reproduite ci-après :

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6        La marque antérieure a été enregistrée le 10 juillet 2012 pour les produits de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, qui correspondent à la description suivante : « Cacao, gâteaux, chocolats, crèmes au chocolat, gâteaux au lait de cacao et à la crème au chocolat ».

7        À l’appui de la demande en nullité en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, la requérante a invoqué l’œuvre pour laquelle elle revendiquait une protection au titre du droit d’auteur selon le droit bulgare, reproduite ci-après (ci-après « l’œuvre alléguée ») :

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8        Par décision du 14 avril 2015, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité en considérant, s’agissant du motif de nullité fondé sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, qu’il n’existait aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent et, s’agissant du motif de nullité fondé sur l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, que l’existence et l’étendue de la protection de l’œuvre alléguée n’avaient pas été prouvées en vertu de la législation pertinente, à savoir le droit du Royaume-Uni.

9        La requérante a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 12 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En premier lieu, elle a statué sur le bien-fondé de la demande en nullité fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, au soutien de laquelle était invoquée la marque antérieure. À cette fin, elle a apprécié l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. À cet égard, elle a constaté que les produits couverts par la marque antérieure étaient destinés au grand public bulgare, tandis que le produit représenté par le dessin ou modèle contesté s’adressait à un public composé de professionnels du secteur de l’industrie de la confiserie. En ce qui concerne la comparaison des produits, elle a considéré que les produits couverts par la marque antérieure et celui représenté par le dessin ou modèle contesté étaient complémentaires et, partant, similaires. En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit, elle a constaté que la marque antérieure et le dessin ou modèle contesté étaient visuellement et phonétiquement différents, en raison du caractère non distinctif et descriptif de leur élément commun « cornet », lequel serait ignoré par les consommateurs. Elle a considéré qu’ils étaient uniquement similaires sur le plan conceptuel, dans la mesure où ils évoquaient tous les deux un cornet. Elle a ajouté qu’un éventuel caractère distinctif accru de la marque antérieure en Bulgarie n’avait pas été établi. Elle a déduit de ces considérations qu’il n’existait aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent et a rejeté la demande en nullité fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002. En second lieu, statuant sur le bien-fondé de la demande en nullité fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, au soutien de laquelle la requérante avait invoqué l’œuvre alléguée, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi l’existence d’un droit d’auteur protégeant l’œuvre alléguée et, pour cette raison, elle a rejeté ladite demande et, partant, le recours dans son ensemble.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer nul le dessin ou modèle contesté ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens relatifs à la procédure devant le Tribunal ainsi qu’aux procédures de nullité et de recours devant l’EUIPO.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

13      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, le deuxième, de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous f), de ce règlement et, le troisième, de la violation de l’article 62 et de l’article 63, paragraphe 1, du même règlement.

A.      Sur l’argument soulevé à titre liminaire par l’intervenante

14      L’intervenante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit, en ce que la chambre de recours aurait dû déclarer irrecevable le recours formé devant elle par la requérante au motif que cette dernière n’avait pas son siège sur le territoire de l’Union européenne. Elle ajoute que, pour ce motif, le recours de la requérante devant le Tribunal est également irrecevable. Toutefois, elle ne conclut pas à l’annulation de la décision attaquée, mais au rejet du recours de la requérante comme étant non fondé.

15      Il ressort de l’article 55, paragraphe 1, et de l’article 56 du règlement no 6/2002 que les décisions des divisions d’annulation sont susceptibles de recours par toute partie à la procédure ayant conduit à une telle décision pour autant que cette dernière n’ait pas fait droit à ses prétentions, dans les conditions de délai et de forme prévues à l’article 57 dudit règlement.

16      Il s’ensuit que le lieu du siège d’une partie est étranger à sa qualité pour former un recours contre une décision d’une division d’annulation.

17      En l’espèce, la requérante ayant succombé devant la division d’annulation, elle était recevable à former un recours devant la chambre de recours, indépendamment du lieu de son siège, et, en tout état de cause, devant le Tribunal.

18      Partant, l’argument de l’intervenante doit être écarté.

B.      Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

19      À l’appui du premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 en ayant, d’une part, commis une erreur dans la définition du public à l’égard duquel un risque de confusion devait être examiné et, d’autre part, en ayant apprécié de manière erronée les similitudes existant entre le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure.

20      À cet égard, la chambre de recours aurait, premièrement, considéré que l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté était destiné à un public composé de professionnels de l’industrie de la confiserie, alors qu’il est destiné aux consommateurs finaux des confiseries qu’il contient. Deuxièmement, elle aurait désigné à tort le mot « ozmo », au lieu de l’élément verbal « ozmo cornet », comme étant l’élément dominant l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure. Troisièmement, elle aurait considéré à tort que le mot « cornet », commun aux signes en conflit, était descriptif des produits représentés par le dessin ou modèle contesté et désignés par la marque antérieure. Quatrièmement, contrairement aux appréciations portées par la chambre de recours, les signes en conflit présenteraient un degré élevé de similitude sur le plan visuel et un degré moyen de similitude sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, les signes en conflit seraient similaires uniquement pour la partie du public bulgare qui comprendrait la signification du mot anglais « cornet ».

21      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle peut être déclaré nul s’il est fait usage d’un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit de l’Union ou la législation de l’État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation.

22      Le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 n’implique pas nécessairement la reproduction intégrale et détaillée d’un signe distinctif antérieur dans un dessin ou modèle communautaire ultérieur. En effet, quand bien même certains éléments du signe en question seraient absents dans le dessin ou modèle communautaire contesté ou d’autres éléments y seraient ajoutés, il pourrait s’agir d’un « usage » dudit signe, notamment lorsque les éléments omis ou ajoutés sont d’une importance secondaire [arrêts du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), T‑148/08, EU:T:2010:190, point 50, et du 9 septembre 2015, DIESEL, T‑278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 83].

23      Cela est d’autant plus vrai que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie, le public ne garde en mémoire qu’une image non parfaite des marques enregistrées dans les États membres ou des marques de l’Union européenne. Cette considération est valable pour tout type de signe distinctif. Par conséquent, en cas d’omission de certains éléments secondaires d’un signe distinctif, utilisé dans un dessin ou modèle communautaire ultérieur, ou en cas d’ajout de tels éléments à ce même signe, le public pertinent ne se rendra pas nécessairement compte de ces modifications du signe en question. Au contraire, il pourra penser qu’il est fait usage dudit signe tel qu’il l’a gardé en mémoire, dans le dessin ou modèle communautaire ultérieur (arrêts du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 51, et du 9 septembre 2015, DIESEL, T‑278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 84).

24      Il s’ensuit que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002 trouve à s’appliquer lorsqu’il est fait usage non seulement d’un signe identique à celui invoqué à l’appui de la demande en nullité, mais également d’un signe similaire (arrêts du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 52, et du 9 septembre 2015, DIESEL, T‑278/14, non publié, EU:T:2015:606, point 85).

25      À cet égard, lorsque le signe invoqué à l’appui d’une demande en nullité est un enregistrement international désignant la Bulgarie, un tel enregistrement a, en vertu de l’article 69, paragraphe 2, de la Zakon za markite i gueografskite oznachenija (loi sur les marques et les indications géographiques), la valeur d’un enregistrement effectué en Bulgarie sur la base d’une demande déposée directement dans ce pays. Aux termes de l’article 13 de cette loi, auquel la requérante s’est référée dans les motifs du recours du 14 août 2015 contre la décision de la division d’annulation, le propriétaire d’une marque a le droit d’utiliser celle-ci, d’en disposer et d’interdire aux tiers l’usage non autorisé, dans le cadre d’une activité commerciale, d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et de l’identité ou de la similitude des produits ou services auxquels s’appliquent la marque et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit des utilisateurs, notamment un risque d’association entre le signe et la marque.

26      Ainsi que la requérante le fait valoir elle-même, l’article 13 de la loi bulgare sur les marques et les indications géographiques constitue la transposition de l’article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1). L’article 13 de ladite loi doit, par conséquent, être interprété en tenant compte de la jurisprudence relative à l’article 5 de la directive 89/104 (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Instrument d’écriture, T‑148/08, EU:T:2010:190, point 96) et, le cas échéant, de la jurisprudence relative à l’article 5 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), qui a abrogé et remplacé en des termes identiques l’article 5 de la directive 89/104.

27      Selon la jurisprudence de la Cour, constitue un risque de confusion au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, points 17 et 18, et du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, EU:C:2005:594, points 26 et 27 ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 22).

28      À la lumière de ces considérations, il convient d’examiner si la chambre de recours a, à bon droit, rejeté la demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002, après avoir estimé en vertu de l’article 13 de la loi sur les marques et les indications géographiques qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

1.      Sur le public pertinent

29      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire. En outre, le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause (voir arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 mars 2003, LTJ Diffusion, C‑291/00, EU:C:2003:169, point 52).

30      La chambre de recours a relevé que les produits visés par la marque antérieure étaient destinés au grand public bulgare, dont le niveau d’attention était moyen, tandis que ceux représentés par le dessin ou modèle contesté étaient, dans la grande majorité des cas, destinés aux professionnels de l’industrie de la confiserie, qui faisaient preuve d’un niveau d’attention élevé.

31      La requérante conteste le bien-fondé de ces constatations. Elle fait valoir, à juste titre, que l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté n’est pas conçu pour être vendu ou utilisé séparément des produits, en l’espèce des glaces, destinés au grand public, qui se trouvent à l’intérieur.

32      En effet, ainsi que la chambre de recours l’a relevé elle-même, les glaces sont des produits qui sont souvent vendus aux consommateurs dans un emballage. À cet égard, il convient d’ajouter qu’il est courant de voir des glaces commercialisées dans des cônes comestibles et que, ainsi que l’admet en substance l’EUIPO, ces glaces sont fréquemment vendues aux consommateurs conditionnées dans un emballage lui aussi en forme de cône, analogue à celui représenté par le dessin ou modèle contesté.

33      Par conséquent, dans la mesure où ils verront l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté, et, le plus souvent, le manipuleront, les consommateurs des glaces conditionnées dans un tel emballage ne sauraient être écartés du public pertinent. Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que cet emballage était, dans la grande majorité des cas, destiné aux professionnels de l’industrie de la confiserie et non également au grand public, à l’instar des produits visés par la marque antérieure.

34      Il s’ensuit que l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée en tenant compte de la perception du grand public. La marque antérieure étant un enregistrement international désignant la Bulgarie, il convient de tenir compte de la perception du grand public bulgare.

35      Par ailleurs, les produits en cause étant des confiseries, le degré d’attention du public pertinent est plutôt faible [voir, par analogie, arrêts du 25 septembre 2015, August Storck/OHMI (2good), T‑366/14, non publié, EU:T:2015:697, point 20, et du 26 février 2016, Mederer/OHMI – Cadbury Netherlands International Holdings (Gummi Bear-Rings), T‑210/14, non publié, EU:T:2016:105, point 28].

2.      Sur la comparaison des produits

36      Pour apprécier la similitude entre les produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 23).

37      S’agissant plus particulièrement de la complémentarité des produits et des services, qui est un critère susceptible de fonder, à lui seul, l’existence d’une similitude entre des produits et des services (voir, par analogie, arrêt du 21 janvier 2016, Hesse/OHMI, C‑50/15 P, EU:C:2016:34, point 23), il convient de rappeler que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée]. Ainsi, aux fins de l’appréciation du caractère complémentaire de produits et de services, il convient, en fin de compte, de prendre en considération la perception par ledit public de l’importance pour l’usage d’un produit ou d’un service d’un autre produit ou service [voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 22].

38      À cet égard, la complémentarité entre des produits et des services dans le contexte d’un risque de confusion ne s’apprécie pas sur la base de l’existence pour le public pertinent d’un rapport entre les produits et les services en cause du point de vue de leur nature, de leur utilisation et de leurs canaux de distribution. En effet, un critère tiré du rapport entre l’utilisation desdits produits et services ne permet pas d’apprécier pleinement le caractère indispensable, voire important desdits produits et services l’un pour l’autre que requiert l’analyse de la complémentarité entre lesdits produits et services. En effet, le fait que l’utilisation d’un produit ou d’un service soit sans rapport avec l’utilisation d’un autre produit ou d’un autre service n’implique pas dans tous les cas que l’usage de l’un n’est pas important ou indispensable pour l’usage de l’autre (voir, par analogie, arrêt du 14 mai 2013, Représentation d’un poulet, T‑249/11, EU:T:2013:238, points 36 et 38).

39      En l’espèce, la chambre de recours a considéré à juste titre que les produits en cause étaient complémentaires et, partant, similaires. À cet égard, elle a à juste titre relevé que l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté était destiné au conditionnement de cônes comestibles garnis de glace et que la marque antérieure avait été enregistrée pour certains produits de confiserie, notamment des « crèmes au chocolat ». Elle a ajouté que la glace était un produit qui, pour diverses raisons, était souvent vendu dans un emballage.

40      Il en résulte que l’usage de l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté est, à tout le moins, important pour l’usage des produits visés par la marque antérieure, de sorte qu’il existe, au sens de la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus, un lien étroit entre eux caractérisant leur complémentarité et, partant, leur similitude.

3.      Sur la comparaison des signes

41      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des signes qu’a le consommateur moyen des produits en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque ou un autre signe distinctif comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23 ; du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 25, et du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, EU:C:2005:594, point 28).

42      L’appréciation de la similitude entre deux signes ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’un signe complexe et à le comparer avec un autre signe. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en cause, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par un signe complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, EU:C:2005:594, point 29, et du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, point 36).

43      Si l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par un signe complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants, ce n’est que si tous les autres composants du signe sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, BGW, C‑20/14, EU:C:2015:714, point 37 et jurisprudence citée).

a)      Sur les éléments distinctifs et dominants

44      La chambre de recours a décrit la marque antérieure comme étant constituée du terme « ozmo », écrit dans une typographie fantaisiste en couleurs, et du mot anglais « cornet ». Elle a ajouté que ce terme s’écrivait « корнет » en bulgare et, une fois transcrit en alphabet latin, s’écrivait « kornet », ce dont elle a déduit que le grand public comprendrait la signification du mot « cornet ». À cet égard, elle a considéré que le mot « cornet » était dénué de caractère distinctif et, partant, jouait un rôle mineur dans la comparaison des signes en conflit, tandis que le mot « ozmo » était distinctif et qu’il dominait l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure.

45      La chambre de recours a décrit le dessin ou modèle contesté comme représentant un emballage ayant la forme d’un cornet et comportant différents éléments graphiques, parmi lesquels la représentation d’un lapin, ainsi que les mots « bobo » et « cornet ». Elle a également rappelé que le mot « cornet » jouait un rôle mineur dans la comparaison des signes en conflit.

46      La requérante conteste les conclusions de la chambre de recours relatives au caractère dominant des mots « bobo » et « ozmo » dans l’impression globale respectivement produite par le dessin ou modèle contesté et par la marque antérieure. Selon elle, cette impression globale est dominée respectivement par les éléments « bobo cornet » et par les éléments « ozmo cornet ». En effet, le mot « cornet » ne serait pas dénué de tout caractère distinctif et la chambre de recours n’aurait pas démontré que le public pertinent ne remarquerait pas ou ne se souviendrait pas de ce mot commun aux signes en conflit.

47      Pour les mêmes motifs que ceux exposés par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante. L’intervenante conteste également cette argumentation et soutient que l’élément dominant l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté est le lapin qui y représenté, en raison de sa perception par le public pertinent comme un personnage tiré d’un conte folklorique bulgare.

48      En premier lieu, ainsi que la chambre de recours l’a rappelé, le dessin ou modèle contesté comporte des éléments figuratifs, dont les plus visibles représentent un lapin et des produits alimentaires en forme de cône, et un élément composé des mots « bobo » et « cornet », écrits dans des typographies fantaisistes présentant un effet de relief, le premier écrit en lettres majuscules et en différentes nuances de gris et le second en lettres minuscules dans une seule nuance de gris. Ces deux mots sont entourés d’un trait foncé fin suivant approximativement les contours des lettres et évoquant la forme d’un nuage, comme le relève la requérante, ce qui rappelle le motif dont est parsemé le dessin ou modèle contesté. L’élément composé des mots « bobo » et « cornet » figure à deux reprises sur le dessin ou modèle contesté, sur la base et sur la surface conique de celui-ci. Il est écrit en caractères de grande taille.

49      Il convient de rappeler que, lorsqu’un signe est composé d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de ce signe (voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 61 et jurisprudence citée).

50      Par conséquent, l’élément composé des mots « bobo » et « cornet » figurant sur le dessin ou modèle contesté retient davantage l’attention du public pertinent que le lapin qui y est également représenté, lequel, contrairement à ce que soutient l’intervenante, joue un rôle mineur dans l’impression globale produite par ledit dessin ou modèle.

51      En deuxième lieu, il n’est pas contesté que, d’une part, le mot « cornet », commun aux signes en conflit, peut désigner, notamment en anglais, un instrument de musique et un cône en gaufrette, ni, d’autre part, que ce mot n’existe pas en bulgare, de sorte qu’il n’a par lui-même aucune signification pour le grand public bulgare.

52      Il n’est pas davantage contesté que la langue bulgare connaît, en revanche, le mot « корнет », qui s’écrit « kornet » une fois transcrit en alphabet latin, et que ce mot désigne un instrument de musique. En revanche, ainsi que le fait valoir la requérante, sans que l’EUIPO ni l’intervenante le contestent, ce mot ne désigne pas un cône en gaufrette.

53      Ainsi, seuls les consommateurs bulgares connaissant l’anglais ou toute autre langue dans laquelle le mot « cornet » existe et a la même signification comprendront que ce mot désigne les produits conditionnés dans l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté et les produits désignés par la marque antérieure. Or, il n’est pas établi que ce mot fait partie du vocabulaire de base en anglais ou dans une autre langue qui serait comprise par une large partie du public pertinent.

54      En outre, même si, comme le fait valoir l’intervenante, le mot « cornet » peut être utilisé en Bulgarie pour désigner des produits alimentaires prenant la forme de cônes en gaufrette, il n’en demeure pas moins que ce mot, pour les consommateurs bulgares ne connaissant pas l’anglais ou une autre langue dans lequel ce mot existe et a la même signification, demeure étranger à leur langue.

55      Par ailleurs, certes, les circonstances invoquées par l’EUIPO selon lesquelles, d’une part, le mot « cornet » ressemble à la transcription en alphabet latin du mot bulgare « корнет » et, d’autre part, ce mot, entendu dans le sens d’un cône en gaufrette, pourrait tirer son nom d’une ressemblance avec l’instrument de musique du même nom, sont de nature à affaiblir le caractère distinctif de ce mot à l’égard des consommateurs bulgares. Toutefois, ces circonstances ne sauraient conduire à considérer que le mot « cornet » est totalement dénué de caractère distinctif, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré aux points 24, 26 et 31 de la décision attaquée.

56      En troisième lieu, il convient de rappeler que l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté a une fonction d’identification du produit qui est à l’intérieur et que l’élément composé des mots « bobo » et « cornet » est placé sur la base et sur la surface conique de cet emballage. Par conséquent, cet élément, tout comme la marque antérieure, est destiné à attirer l’attention des consommateurs.

57      À cet égard, même si le mot « cornet » figure respectivement sous le mot « bobo », s’agissant du dessin ou modèle contesté, et sous le mot « ozmo », s’agissant de la marque antérieure, force est de constater qu’il n’est pas écrit dans des caractères d’une taille à ce point inférieure à celle des caractères utilisés pour écrire les mots « bobo » et « ozmo » qu’il serait ignoré par le public pertinent. Au contraire, dans les signes en conflit, les mots « bobo », « ozmo » et « cornet » sont écrits en caractères gras très visibles et occupent le même espace en largeur.

58      En outre, dans le dessin ou modèle contesté, la ligne qui entoure les mots « bobo » et « cornet » contribue à les faire percevoir par le consommateur comme un ensemble dont, en application de la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, il n’examinera normalement pas les différents détails.

59      Il résulte de ce qui précède que, même si le mot « cornet » ne domine pas, à lui seul, l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit et qu’il possède en l’espèce un caractère distinctif assez faible, il ne saurait, en raison notamment de sa position dans les signes en conflit et de sa dimension, être considéré comme participant de manière négligeable à l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit. Partant, il doit être dûment pris en compte aux fins de la comparaison desdits signes.

b)      Sur la comparaison sur le plan visuel

60      La chambre de recours a considéré que, nonobstant leur élément commun non distinctif « cornet », les signes en cause étaient dissemblables dans tous leurs autres aspects et, partant, étaient différents sur le plan visuel.

61      Ainsi qu’il a été relevé au point 50 ci-dessus, l’élément du dessin ou modèle contesté composé des mots « bobo » et « cornet » est celui qui retiendra le plus l’attention du public pertinent et, partant, influencera le plus l’impression globale produite par ledit dessin ou modèle.

62      À cet égard, ainsi que le fait valoir la requérante à juste titre, l’élément composé des mots « bobo » et « cornet » et la marque antérieure présentent d’importantes similitudes. En effet, ils se composent tous deux de deux mots, à savoir, respectivement, « bobo » et « cornet » et « ozmo » et « cornet ». Le mot « cornet » leur est donc commun. Il est représenté, selon le signe en cause, sous le mot « bobo » ou sous le mot « ozmo ».

63      En outre, les mots « bobo » et « ozmo » sont de longueur identique et comportent chacun deux fois la lettre « o », dont l’une est en dernière position dans chaque mot. Ces mots sont écrits en lettres majuscules et dans des polices de caractères qui sont très semblables et présentent toutes deux un effet de relief. Les lettres qui les composent se chevauchent partiellement dans les deux signes. Le mot « cornet » est écrit dans les deux signes dans des polices de caractères que le public pertinent, qui n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des signes en conflit, percevra comme identiques. Les proportions entre, d’une part, les mots « bobo » et « cornet » dans le dessin ou modèle contesté et, d’autre part, les mots « ozmo » et « cornet » dans la marque antérieure paraissent identiques.

64      Toutefois, l’élément composé des mots « bobo » et « cornet » dans le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure présentent également des différences.

65      Dans le dessin ou modèle contesté, les mots « bobo » et « cornet » sont légèrement recourbés vers le haut et entourés d’un trait foncé fin suivant approximativement les formes des lettres composant ces mots et évoquant la forme d’un nuage. En revanche, dans la marque antérieure, les mots « ozmo » et « cornet » sont légèrement recourbés vers le bas et seul le mot « ozmo » est entouré d’un trait. Toutefois, l’angle selon lequel les mots sont recourbés et les caractéristiques du trait entourant les mots paraissent identiques dans les deux signes.

66      En outre, le dessin ou modèle contesté est représenté en noir et blanc alors que la marque antérieure est représentée en couleurs. Toutefois, d’une part, cette circonstance n’est pas significative, dans la mesure où aucune couleur n’a été revendiquée pour le dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T‑68/10, EU:T:2011:269, point 82, et du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, point 50]. D’autre part, il convient de constater que plusieurs nuances de gris apparaissent sur le dessin ou modèle contesté, en particulier sur l’élément composé des mots « bobo » et « cornet », ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’une représentation en noir et blanc d’un produit qui est réalisé en couleurs. Ainsi, les lettres du mot « bobo » sont représentées dans le dessin ou modèle contesté en quatre nuances de gris, qui pourraient correspondre à autant de couleurs, et celles du mot « ozmo » le sont en quatre couleurs dans la marque antérieure. En outre, les lettres du mot « cornet » sont représentées dans le dessin ou modèle contesté dans une seule nuance de gris, qui pourrait correspondre à une seule couleur, et le sont, dans la marque antérieure, dans une seule couleur, le rouge.

67      Enfin, il convient d’ajouter à ces éléments de différenciation ceux, absents de la marque antérieure, liés à la forme et à l’ornementation de l’emballage en forme de cône représenté par le dessin ou modèle contesté, à savoir, en particulier, les représentations de lapins, d’autres animaux, de nuages et de produits alimentaires en forme de cônes. Toutefois, étant donné que l’élément du dessin ou modèle contesté composé des mots « bobo » et « cornet » est celui qui influe le plus sur l’impression globale produite par ledit dessin ou modèle sur le public pertinent, notamment en raison du fait qu’il est courant de voir des glaces commercialisées dans des cônes comestibles, ces différences doivent être considérées comme ayant un effet mineur sur le résultat de la comparaison des signes en conflit.

68      Il en ressort que les éléments qui différencient les signes en conflit sur le plan visuel ne contrebalancent pas les importantes similitudes entre ces signes que percevront les consommateurs, lesquels, ainsi qu’il a été rappelé au point 29 ci-dessus, n’ont que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes, mais doivent se fier à l’image non parfaite qu’ils en ont gardée en mémoire. Partant, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que lesdits signes étaient différents sur le plan visuel.

c)      Sur la comparaison sur le plan phonétique

69      La chambre de recours a comparé uniquement la prononciation des mots « bobo » et « ozmo », considérant que le mot « cornet » ne serait pas prononcé par les consommateurs, qui auraient tendance à abréger les signes. À cet égard, elle a estimé que, malgré le fait qu’ils partageaient la voyelle « o », leur sonorité était totalement différente. Elle a déduit de ces considérations que les signes en conflit étaient différents sur le plan phonétique.

70      Il convient de relever que seuls les éléments verbaux du dessin ou modèle contesté peuvent donner lieu à une comparaison phonétique avec les éléments verbaux de la marque antérieure. Partant, il convient de comparer l’élément du dessin ou modèle contesté composé des mots « bobo » et « cornet » à l’élément composé des mots « ozmo » et « cornet » de la marque antérieure.

71      En premier lieu, c’est à tort que la chambre de recours a écarté le mot « cornet », commun aux signes en conflit, de la comparaison de ces signes sur le plan phonétique, car, ainsi qu’il a été rappelé au point 59 ci-dessus, en dépit de son caractère distinctif assez faible, il participe de manière non négligeable à l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit et, partant, il devait être dûment pris en compte aux fins de la comparaison des signes en conflit. À cet égard, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs ont tendance à abréger les signes constitue une justification insuffisante au fait d’écarter le mot « cornet » de la comparaison phonétique des signes en conflit.

72      En second lieu, ainsi que la requérante le fait valoir à juste titre, les éléments verbaux du dessin ou modèle contesté et de la marque antérieure sont composés du même nombre de mots, dont chacun comporte le même nombre de syllabes et le même nombre de lettres. Ils partagent le mot « cornet » qui, indépendamment de la prononciation de ce mot étranger à la langue bulgare, sera prononcé de la même manière par les consommateurs dans chacun des signes. Les mots « bobo » et « ozmo » comportent chacun deux fois la lettre « o », dont l’une est en dernière position dans chaque mot, ce dont il résulte un même rythme dans leur prononciation. Enfin, étant donné la relative brièveté des mots « bobo », « ozmo » et « cornet » et les caractéristiques graphiques des éléments comparés, l’hypothèse selon laquelle les consommateurs ignoreraient systématiquement le mot « cornet » au profit des seuls mots « bobo » et « ozmo » est peu probable. Toutefois, même à supposer que tel soit le cas, il ne saurait en résulter une absence totale de similitude phonétique entre les mots « ozmo » et « bobo ».

73      Par conséquent, il convient de considérer, contrairement à la chambre de recours, que les signes en conflit présentent sur le plan phonétique un degré moyen de similitude.

74      Les arguments avancés par l’EUIPO et l’intervenante ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion. À cet égard, la différence de prononciation invoquée par l’EUIPO résultant des consonnes présentes dans les mots « bobo » et « ozmo » et le rappel du caractère distinctif faible du mot « cornet » sont insuffisants pour écarter l’existence d’une similitude moyenne. Quant à l’argument de l’intervenante relatif à la méconnaissance de l’alphabet latin par les consommateurs bulgares, qui gênerait leur prononciation des mots « bobo » et « ozmo », il ne remet pas en cause le fait que ces mots comporteront, quelle que soit leur prononciation, deux syllabes comportant chacune le son « o ». Enfin, l’argument de l’intervenante concernant la prononciation en turc des mots « bobo » et « ozmo » est dénué de pertinence, seule devant être prise en compte leur prononciation par les consommateurs bulgares.

d)      Sur la comparaison sur le plan conceptuel

75      La chambre de recours a relevé que les signes en conflit comportaient tous deux le mot « cornet » et que le dessin ou modèle contesté avait la forme d’un cône. Elle a ajouté que les mots « ozmo » et « bobo » étaient dénués de signification pour le public pertinent et a conclu que les signes en conflit étaient similaires sur le plan conceptuel.

76      Il n’est pas contesté que les mots « ozmo » et « bobo » n’ont pas de signification pour les consommateurs bulgares. En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé que les signes en conflit étaient similaires sur le plan conceptuel en raison de leur élément commun « cornet ». Toutefois, ainsi que la requérante le fait valoir à juste titre, cette conclusion ne peut être tirée que s’agissant de la partie du public pertinent comprenant la signification du mot « cornet », lequel n’existe pas en bulgare, ainsi qu’il a été rappelé au point 54 ci-dessus. En effet, la partie du public ne comprenant pas la signification de ce mot ne peut attribuer de signification particulière à aucun des signes en conflit. Dans ces conditions, aucune comparaison conceptuelle desdits signes n’est possible [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, point 101, et du 6 septembre 2013, Leiner/OHMI – Recaro (REVARO), T‑349/12, non publié, EU:T:2013:412, point 35].

77      L’argument de l’intervenante selon lequel les signes en conflit seraient différents sur le plan conceptuel en raison du fait que le public pertinent associerait les représentations, figurant sur le dessin ou modèle contesté et absentes de la marque antérieure, d’un lapin, d’autres animaux et de produits alimentaires en forme de cônes à un conte folklorique bulgare n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, ainsi qu’il a été, en substance, relevé au point 50 ci-dessus, l’élément composé des mots « bobo » et « cornet » figurant sur le dessin ou modèle contesté retient davantage l’attention du public pertinent que les autres éléments représentés sur ledit dessin ou modèle, qui jouent un rôle mineur dans l’impression globale produite par ce dernier.

78      Il résulte de ce qui précède que les signes en conflit sont, contrairement à ce que la chambre de recours a retenu, similaires à un degré élevé sur le plan visuel et à un degré moyen sur le plan phonétique et ils sont similaires sur le plan conceptuel pour la partie du public pertinent comprenant la signification du mot « cornet ». À l’égard de la partie du public n’attribuant pas de signification à ce mot, aucune comparaison conceptuelle desdits signes ne peut être réalisée. Partant, les signes en conflit doivent être considérés comme globalement similaires.

4.      Sur le risque de confusion

79      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19).

80      Il convient de rappeler que la chambre de recours a relevé, sans que les parties le contestent devant le Tribunal, que les produits représentés par le dessin ou modèle contesté et ceux visés par la marque antérieure étaient similaires. De plus, à l’égard de ces produits, le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention faible. En outre, les signes en conflit doivent être considérés comme étant globalement similaires. Enfin, les parties n’ont pas contesté devant le Tribunal l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure présentait un caractère distinctif moyen.

81      Il en résulte qu’il existe un risque de confusion à l’égard du public pertinent, c’est-à-dire, selon la définition rappelée au point 27 ci-dessus, un risque que ledit public croie que les produits représentés par le dessin ou modèle contesté et ceux visés par la marque antérieure proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

82      Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent et qu’elle a, partant, rejeté le recours formé devant elle et la demande de nullité fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002.

83      Par conséquent, il convient d’accueillir le premier moyen, moyen et, par suite, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen du recours.

C.      Sur la demande en réformation de la décision attaquée

84      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante conclut à ce que le Tribunal déclare nul le dessin ou modèle contesté. Il convient de considérer que, par cette demande, la requérante a formulé, en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, une demande de réformation visant à ce que le Tribunal adopte la décision que la chambre de recours aurait dû prendre [voir, par analogie, arrêt du 21 mars 2012, Feng Shen Technology/OHMI – Majtczak (FS), T‑227/09, EU:T:2012:138, point 54 et jurisprudence citée].

85      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre [voir, par analogie, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72, et du 16 mai 2017, Airhole Facemasks/EUIPO – sindustrysurf (AIR HOLE FACE MASKS YOU IDIOT), T‑107/16, EU:T:2017:335, point 45 et jurisprudence citée].

86      En effet, la demande de reformation ne consiste pas à solliciter du Tribunal qu’il condamne l’EUIPO à une quelconque obligation de faire ou de ne pas faire, ce qui constituerait une injonction adressée à ce dernier. Elle vise, au contraire, à ce que le Tribunal décide, au même titre que la chambre de recours, si le dessin ou modèle contesté doit être annulé au regard de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002. Une telle décision figure parmi les mesures qui, en principe, peuvent être prises par le Tribunal au titre de son pouvoir de réformation (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2017, AIR HOLE FACE MASKS YOU IDIOT, T‑107/16, EU:T:2017:335, points 46 et 47 et jurisprudence citée).

87      En l’espèce, il convient de relever que la chambre de recours a pris position, dans la décision attaquée, sur l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, de sorte que le Tribunal dispose du pouvoir de réformer ladite décision sur ce point.

88      Or, il résulte du point 81 ci-dessus que la chambre de recours était tenue de constater, concernant les signes en conflit, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Ainsi, force est de constater, au regard de l’ensemble de ce qui précède, que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal sont réunies.

89      Partant, il y a lieu par réformation de la décision attaquée d’accueillir la demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement no 6/2002.

IV.    Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, dudit règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

91      La requérante a conclu à ce que l’EUIPO et l’intervenante soient condamnés aux dépens relatifs à la procédure devant le Tribunal ainsi qu’aux procédures de nullité et de recours devant l’EUIPO.

92      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante relatifs à la procédure devant le Tribunal.

93      S’agissant des dépens relatifs aux procédures de nullité devant la division d’annulation et de recours devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais qu’elle a exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation.

94      Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO soit condamné aux dépens relatifs aux procédures devant la division d’annulation et devant la chambre de recours ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

95      L’intervenante, ayant succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 septembre 2016 (affaire R 1144/2015-3) est annulée.

2)      La demande en nullité du dessin ou modèle enregistré sous le numéro 002343244-0001 est accueillie.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Şölen Çikolata Gıda Sanayi ve Ticaret devant le Tribunal et devant la chambre de recours de l’EUIPO.

4)      Mme Elka Zaharieva supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.