Language of document : ECLI:EU:C:2018:67

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 février 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive (UE) 2015/2366 – Services de paiement dans le marché intérieur – Article 35, paragraphe 1 – Exigences en matière d’accès des prestataires de services de paiement agréés ou enregistrés aux systèmes de paiement – Article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b) – Inapplicabilité de ces exigences aux systèmes de paiement exclusivement composés de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe – Applicabilité desdites exigences aux schémas de cartes de paiement tripartites ayant conclu des accords de comarquage ou d’agence – Validité »

Dans l’affaire C‑643/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], par décision du 19 octobre 2016, parvenue à la Cour le 12 décembre 2016, dans la procédure

The Queen, à la demande de :

American Express Company,

contre

The Lords Commissioners of Her Majesty’s Treasury,

en présence de :

Diners Club International Limited,

MasterCard Europe SA,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, J.‑C. Bonichot, S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour American Express Company, par M. J. Turner, QC, M. J. Holmes, QC, Mme L. John, barrister, ainsi que par Mmes I. Taylor et H. Ware, solicitors,

–        pour MasterCard Europe SA, par MM. P. Harrison et S. Kinsella, solicitors, ainsi que par MM. S. Pitt et J. Bedford, advocates,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. D. Robertson, en qualité d’agent, assisté de M. G. Facenna, QC,

–        pour le Parlement européen, par MM. R. van de Westelaken et A. Tamás, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par MM. J. Bauerschmidt et I. Gurov ainsi que par Mme E. Moro, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes H. Tserepa-Lacombe et J. Samnadda, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation et la validité de l’article 35 de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (JO 2015, L 337, p. 35).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant American Express Company aux Lords Commissioners of Her Majesty’s Treasury (Lords commissaires du Trésor, Royaume-Uni, ci‑après l’« autorité nationale »), au sujet des conditions d’application aux schémas de cartes de paiement tripartites des règles régissant l’accès des prestataires de services de paiement agréés ou enregistrés aux systèmes de paiement.

 Le cadre juridique

 Le règlement (UE) 2015/751

3        L’article 2 du règlement (UE) 2015/751 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015, relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte (JO 2015, L 123, p. 1), intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

17)      “schéma de cartes de paiement quadripartite”, un schéma de cartes de paiement dans lequel les opérations de paiement liées à une carte sont effectuées du compte de paiement d’un payeur sur le compte de paiement d’un bénéficiaire par l’intermédiaire du schéma, d’un émetteur (pour le payeur) et d’un acquéreur (pour le bénéficiaire) ; 

[...]

30)      “marque de paiement”, tout nom, terme, signe, symbole matériel ou numérique ou la combinaison de ces éléments, susceptible de désigner le schéma de cartes de paiement dans lequel des opérations de paiement liées à une carte sont effectuées ; 

[...]

32)      “comarquage”, l’inclusion d’une marque de paiement au moins et d’une marque autre qu’une marque de paiement au moins sur le même instrument de paiement lié à une carte ;

[...] »

 La directive 2015/2366

4        Les considérants 2, 6, 49, 50 et 52 de la directive 2015/2366 sont libellés comme suit :

« (2)      Le réexamen du cadre juridique de l’Union concernant les services de paiement est complété par le [règlement 2015/751]. [...]

[...]

(6)      Il y a lieu d’établir de nouvelles règles, qui comblent les lacunes réglementaires tout en garantissant une plus grande clarté juridique et une application cohérente du cadre législatif dans l’ensemble de l’Union. [...]

[...]

(49)      Il est essentiel que tout prestataire de services de paiement puisse avoir accès aux services des infrastructures techniques des systèmes de paiement. Toutefois, cet accès devrait être soumis à des règles appropriées de manière à garantir l’intégrité et la stabilité de ces systèmes. Chaque prestataire de services de paiement candidat à une participation à un système de paiement devrait supporter le risque lié à son propre choix de système et apporter la preuve au système de paiement que son organisation interne est suffisamment solide pour faire face à tous les types de risques. En général, ces systèmes de paiement comprennent les schémas de cartes faisant intervenir quatre parties, ainsi que les principaux systèmes permettant de traiter des virements et des prélèvements. Afin de garantir, dans toute l’Union, l’égalité de traitement des différentes catégories de prestataires de services de paiement agréés, selon les termes de leur agrément, il convient de clarifier les règles régissant l’accès aux systèmes de paiement.      

(50)       Il convient de prévoir un traitement non discriminatoire des établissements de paiement et des établissements de crédit agréés afin que tout prestataire de services de paiement en concurrence sur le marché intérieur puisse recourir aux services des infrastructures techniques de ces systèmes de paiement aux mêmes conditions. Il y a lieu de prévoir un traitement différent pour les prestataires de services de paiement agréés et pour les prestataires bénéficiant d’une dérogation au titre de la présente directive et d’une dérogation au titre de l’article 3 de la directive [2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7)], au vu des différences que présente leur cadre prudentiel. En tout état de cause, des différences dans les conditions de prix ne devraient être autorisées que lorsqu’elles sont justifiées par des différences dans les coûts encourus par les prestataires de services de paiement. [...]

[...]

(52)      Les dispositions relatives à l’accès aux systèmes de paiement ne devraient pas s’appliquer aux systèmes dont un seul prestataire de services de paiement assure la mise en œuvre et le fonctionnement. Ces systèmes de paiement peuvent fonctionner soit en concurrence directe avec les systèmes de paiement, soit, de manière plus courante, dans une niche du marché qui n’est pas suffisamment couverte par ces systèmes. Ils couvrent les schémas faisant intervenir trois parties, tels que les schémas de cartes faisant intervenir trois parties, dans la mesure où ils ne fonctionnent jamais comme des schémas de cartes faisant intervenir de facto quatre parties, par exemple en faisant appel à des titulaires de licence, des agents ou des partenaires de comarquage. Ces systèmes couvrent aussi en général les services de paiement proposés par des opérateurs de télécommunications, pour lesquels le gestionnaire du système est à la fois le prestataire de services de paiement du payeur et du bénéficiaire, ainsi que les systèmes internes des groupes bancaires. Pour stimuler la concurrence que ces systèmes de paiement fermés peuvent apporter par rapport aux systèmes de paiement ordinaires en place, il ne serait pas approprié d’accorder à des tiers l’accès à ces systèmes de paiement fermés exclusifs. [...] »

5        L’article 1er de la directive 2015/2366, intitulé « Objet », qui figure sous le titre I de cette directive, lui-même intitulé « Objet, champ d’application et définitions », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La présente directive fixe les règles selon lesquelles les États membres distinguent les six catégories suivantes de prestataires de services de paiement :

a)      les établissements de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil[, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)], y compris leurs succursales au sens du point 17) dudit article 4, paragraphe 1, lorsque ces succursales sont situées dans l’Union, qu’il s’agisse de succursales d’établissements de crédit ayant leur siège dans l’Union ou, conformément à l’article 47 de la directive 2013/36/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338)] et au droit national, hors de l’Union ;

b)      les établissements de monnaie électronique au sens de l’article 2, point 1), de la directive [2009/110], y compris, conformément à l’article 8 de ladite directive et au droit national, une succursale d’un tel établissement, lorsque celle-ci est située dans l’Union et son siège hors de l’Union, dans la mesure où les services de paiement fournis par ladite succursale sont liés à l’émission de monnaie électronique ;

c)      les offices de chèques postaux qui sont habilités en droit national à fournir des services de paiement ;

d)      les établissements de paiement ;

e)      la [Banque centrale européenne (BCE)] et les banques centrales nationales lorsqu’elles n’agissent pas en qualité d’autorités monétaires ou d’autres autorités publiques ;

f)      les États membres ou leurs autorités régionales ou locales lorsqu’ils n’agissent pas en qualité d’autorités publiques. »

6        L’article 4 de la directive 2015/2366, intitulé « Définitions », est ainsi libellé :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3)      “service de paiement”, une ou plusieurs des activités visées à l’annexe I exercées à titre professionnel ;

4)      “établissement de paiement”, une personne morale qui, conformément à l’article 11, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute l’Union ;

[...]

7)      “système de paiement”, un système permettant de transférer des fonds régi par des procédures formelles standardisées et des règles communes pour le traitement, la compensation et/ou le règlement d’opérations de paiement ;

[...]

11)      “prestataire de services de paiement”, une entité visée à l’article 1er, paragraphe 1, ou une personne physique ou morale bénéficiant d’une dérogation au titre des articles 32 ou 33 ;

[...]

38)      “agent”, une personne physique ou morale qui agit pour le compte d’un établissement de paiement pour la fourniture des services de paiement ;

[...]

40)      “groupe”, un groupe d’entreprises qui sont liées entre elles par une relation au sens de l’article 22, paragraphes 1, 2 ou 7, de la directive [2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil (JO 2013, L 182, p. 19)] ou d’établissements au sens des articles 4, 5, 6 et 7 du règlement délégué (UE) n241/2014 de la Commission[, du 7 janvier 2014, complétant le règlement n575/2013 par des normes techniques de réglementation concernant les exigences de fonds propres applicables aux établissements (JO 2014, L 74, p. 8)] qui sont liés entre eux par une relation au sens de l’article 10, paragraphe 1, ou de l’article 113, paragraphe 6 ou 7, du règlement [n575/2013] ;

[...]

47)      “marque de paiement”, tout nom, terme, signe, symbole matériel ou numérique, ou la combinaison de ces éléments, susceptible de désigner le schéma de cartes de paiement dans lequel des opérations de paiement liées à une carte sont effectuées ; 

[...] »

7        L’article 11 de la directive 2015/2366, intitulé « Octroi de l’agrément », figure au chapitre 1, intitulé « Établissements de paiement », du titre II de la directive 2015/2366, lui-même intitulé « Prestataires de services de paiement ». Cet article dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres exigent des entreprises autres que celles visées à l’article 1er, paragraphe 1, points a), b), c), e) et f), et autres que des personnes physiques ou morales bénéficiant d’une dérogation conformément aux articles 32 ou 33, qui ont l’intention de fournir des services de paiement, qu’elles obtiennent l’agrément en tant qu’établissement de paiement avant de commencer à fournir des services de paiement. [...] »

8        L’article 35 de cette directive, intitulé « Accès aux systèmes de paiement », figure au chapitre 2 de ce titre II, lui‑même intitulé « Dispositions communes ». Cet article dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les règles régissant l’accès des prestataires de services de paiement agréés ou enregistrés, qui sont des personnes morales, aux systèmes de paiement soient objectives, non discriminatoires et proportionnées et n’entravent pas cet accès dans une mesure excédant ce qui est nécessaire pour prévenir certains risques spécifiques, tels que le risque de règlement, le risque opérationnel et le risque d’entreprise, et pour protéger la stabilité financière et opérationnelle des systèmes de paiement.

Les systèmes de paiement n’imposent aux prestataires de services de paiement, aux utilisateurs de services de paiement ou aux autres systèmes de paiement aucune des exigences suivantes :

a)      des règles restrictives en ce qui concerne la participation effective à d’autres systèmes de paiement ;

b)      des règles établissant des discriminations entre les prestataires de services de paiement agréés ou entre les prestataires de services de paiement enregistrés en ce qui concerne les droits, obligations et avantages des participants ;

c)      des restrictions fondées sur la forme sociale.

2.      Le paragraphe 1 ne s’applique pas :

[...]

b)      aux systèmes de paiement exclusivement composés de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe.

[...] »

9        L’annexe I de la directive 2015/2366, intitulée « Services de paiement », énumère les activités visées à l’article 4, point 3, de cette directive et considérés à ce titre comme étant des « services de paiement » au sens de ladite directive.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Il ressort de la décision de renvoi qu’American Express est une société de services internationale qui fournit, avec ses filiales consolidées, des services de paiement, de voyages, de change et de plateforme de fidélisation aux consommateurs et aux entreprises. Elle exerce également des activités d’émission de cartes et d’acquisition dans le monde entier, y compris dans l’Union européenne. American Express exploite, avec ses filiales, le schéma de cartes de paiement American Express (ci-après « Amex »), qui est un schéma de cartes de paiement tripartite. Ce schéma a conclu des accords de comarquage et de fourniture de services dans l’Union, ce qui pourrait avoir pour conséquence, en fonction de la réponse que la Cour apportera à la question portant sur l’interprétation de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366, de le soumettre aux obligations en matière d’accès, prévues à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive.

11      L’autorité nationale dirige le Her Majesty’s Treasury (Trésor public, Royaume-Uni). Ce dernier assume la responsabilité ultime de l’exécution des obligations imposées au Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord en ce qui concerne l’application, l’exécution et toute autre forme de mise en œuvre de la directive 2015/2366.

12      American Express a demandé à la juridiction de renvoi l’autorisation d’introduire un recours tendant au contrôle de la légalité (judicial review) de « l’intention et/ou [de] l’obligation de l’[autorité nationale] d’appliquer, d’exécuter ou de mettre en œuvre sous toute autre forme l’article 35, paragraphe 1, [de la directive 2015/2366] en ce qu’il prévoit la condition de comarquage et/ou d’agence » . Cette juridiction a accordé l’autorisation sollicitée.

13      La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366 doit être interprété en ce sens qu’un schéma de cartes de paiement tripartite ayant conclu des accords de comarquage ou d’agence est exonéré des exigences en matière d’accès prévues à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive. En particulier, selon cette juridiction, le considérant 52 de ladite directive ne permet pas de fournir une réponse claire à cette question.

14      En outre, selon ladite juridiction, si la Cour devait juger que ces exigences sont applicables aux schémas de cartes de paiement tripartites ayant conclu des accords de comarquage ou d’agence, il serait nécessaire de se prononcer sur l’argument avancé par American Express selon lequel l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2015/2366 est invalide en raison d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité.

15      Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Un système de paiement auquel l’obligation en matière d’accès prévue à l’article 35, paragraphe 1er, de la directive [2015/2366] ne s’applique normalement pas, en vertu de l’article 35, paragraphe 2, sous b), de [cette] directive, se soumet‑il à [ladite obligation] i) lorsqu’il conclut des accords de comarquage avec des partenaires de comarquage, qui eux-mêmes ne fournissent pas de services de paiement dans ce système en ce qui concerne les produits comarqués et/ou ii) en faisant appel à un agent agissant pour son compte aux fins de la fourniture de services de paiement ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 35, paragraphe 1er, de la directive précitée est-il invalide, en ce qu’il prévoit que les systèmes ayant conclu de tels accords doivent être soumis à l’obligation en matière d’accès, du fait :

a)      de la violation de l’obligation de motivation, eu égard à l’article 296 TFUE ;

b)      d’une erreur manifeste d’appréciation, et/ou

c)      d’une violation du principe de proportionnalité ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

16      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne soutiennent que la demande de décision préjudicielle est irrecevable dans son intégralité aux motifs, premièrement, qu’il n’existe pas de litige réel entre les parties, deuxièmement, que la juridiction nationale ne fournit pas le minimum d’éléments nécessaires dans sa décision de renvoi en ce qu’elle n’expose pas les éléments de fait pertinents ni les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation et la validité des dispositions en cause au principal et, troisièmement, que l’introduction du recours au principal tendant au contrôle de la légalité de l’« intention et/ou de l’obligation » de l’autorité nationale d’appliquer ou de mettre en œuvre ces dispositions constitue un moyen de contourner le système des voies de recours institué par le traité FUE, dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

17      Il convient de rappeler d’emblée qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 24).

18      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25).

19      S’agissant, premièrement, du caractère réel du litige au principal, il y a lieu de faire observer que, par son recours, American Express demande à la juridiction de renvoi de contrôler la légalité de « l’intention et/ou de l’obligation » de l’autorité nationale d’appliquer ou de mettre en œuvre les dispositions litigieuses. À cet égard, il découle de la décision de renvoi que les parties au principal s’opposent sur le bien‑fondé du recours. La juridiction de renvoi étant appelée à trancher ce désaccord et estimant qu’il existe une véritable contestation entre les parties au principal quant à l’interprétation et à la validité des dispositions concernées de cette directive, il n’apparaît pas de façon manifeste que le litige au principal n’est pas réel [voir, par analogie, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, points 36 et 38, ainsi que du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 17].

20      Pour le surplus, les arguments visant à démontrer le caractère artificiel du litige au principal et fondés sur le fait qu’il n’existerait aucun acte ni aucune omission d’une administration nationale susceptible de donner lieu à un recours en contrôle de la légalité reposent sur une critique de la recevabilité du recours en cause au principal et de l’appréciation des faits opérée par la juridiction de renvoi en vue de l’application des critères établis par le droit national. Or, il n’appartient à la Cour ni de remettre en cause cette appréciation, qui relève, dans le cadre de la présente procédure, de la compétence du juge national, ni de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires. Ces arguments ne sauraient donc pas non plus suffire à renverser la présomption de pertinence évoquée au point 18 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 26).

21      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la juridiction de renvoi n’a exposé ni les faits pertinents ni les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation et la validité des dispositions en cause au principal, il convient de faire observer que, selon l’article 94, sous a), du règlement de procédure de la Cour, toute demande de décision préjudicielle doit contenir « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ».

22      À cet égard, il est suffisant que l’objet du litige au principal ainsi que ses enjeux principaux pour l’ordre juridique de l’Union ressortent de la demande de décision préjudicielle afin de permettre aux États membres et aux autres intéressés de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière (arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 41 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, il découle de la décision de renvoi qu’Amex est exclusivement composé de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe, au sens de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366, et est donc susceptible de relever de l’exclusion prévue à cette disposition. Or, il découle également de cette décision qu’Amex a conclu un certain nombre d’accords de comarquage et de fourniture de services dans l’Union qui, sous réserve de la question d’interprétation posée par la juridiction de renvoi, pourraient le priver du bénéfice de ladite disposition, auquel cas il serait soumis aux exigences en matière d’accès, prévues à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive.

24      Ainsi, la décision de renvoi expose, de manière brève mais précise, l’origine et la nature du litige au principal, dont elle estime que l’issue dépend de l’interprétation et de la validité de ces dispositions. Il s’ensuit que la juridiction de renvoi a défini de façon suffisante le cadre factuel et juridique dans lequel s’inscrit sa demande d’interprétation du droit de l’Union pour permettre à la Cour de répondre utilement à ladite demande (voir, par analogie, arrêt du 7 juillet 2016, Genentech, C‑567/14, EU:C:2016:526, point 27).

25      S’agissant, d’autre part, de la question de savoir si la juridiction de renvoi a suffisamment exposé les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation et la validité des dispositions en cause au principal, il découle effectivement de l’esprit de coopération qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel qu’il est indispensable que la juridiction nationale expose, dans sa décision de renvoi, les raisons précises pour lesquelles elle considère qu’une réponse à ses questions concernant l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union est nécessaire à la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 24 et jurisprudence citée).

26      Il est, dès lors, important que la juridiction nationale indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus. Une telle exigence ressort également de l’article 94, sous c), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 25 et jurisprudence citée).

27      En l’occurrence, dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a indiqué, en reproduisant une partie des arguments avancés par American Express et MasterCard Europe SA à cet égard, que l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2015/2366 était incertaine. De même, elle a fait observer que la Cour pourrait être amenée, en fonction de l’interprétation qu’elle retiendra de ces dispositions, à se prononcer sur les motifs d’invalidité invoqués par American Express.

28      Il en résulte que la juridiction de renvoi considère non seulement que les arguments présentés par les parties au litige au principal soulèvent une question d’interprétation dont la réponse est incertaine, mais aussi que les motifs d’invalidité invoqués par American Express et repris dans la décision de renvoi sont susceptibles d’être retenus.

29      En ce qui concerne, troisièmement, l’argument selon lequel l’introduction du recours au principal, tendant au contrôle de la légalité de l’« intention et/ou [de] l’obligation » de l’autorité nationale d’appliquer ou de mettre en œuvre la directive 2015/2366, constitue un moyen de contourner le système des voies de recours instauré par le traité FUE dans des circonstances telles que celles en cause au principal, où aucune mesure n’a été prise par cette autorité contre Amex et où ladite autorité s’est limitée à soutenir qu’elle ne s’oppose pas à l’introduction du recours au principal, il convient de rappeler que la Cour a déjà déclaré recevables plusieurs demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation et/ou la validité d’actes de droit dérivé formulées dans le cadre de tels recours tendant au contrôle de la légalité, notamment dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, EU:C:2002:741), du 3 juin 2008, Intertanko e.a. (C‑308/06, EU:C:2008:312), du 8 juillet 2010, Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419), du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324), ainsi que du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2016:325).

30      Par ailleurs, la possibilité, pour les particuliers, de faire valoir devant les juridictions nationales l’invalidité d’un acte de l’Union de portée générale n’est pas subordonnée à la condition que ledit acte ait effectivement déjà fait l’objet de mesures d’application adoptées en vertu du droit national. Il suffit, à cet égard, que la juridiction nationale soit saisie d’un litige réel dans lequel se pose, à titre incident, la question de la validité d’un tel acte. Or, cette condition est satisfaite dans le cas du litige au principal, ainsi qu’il ressort des points 14, 19, 20, 27 et 28 du présent arrêt [voir, par analogie, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 40 ; du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 29 ; du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 19, ainsi que du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 35].

31      Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le recours au principal ait été introduit aux fins de contourner les voies de recours instaurées par le traité FUE.

32      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur la première question

33      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366 doit être interprété en ce sens qu’un schéma de cartes de paiement tripartite ayant conclu un accord de comarquage avec un partenaire de comarquage, qui lui‑même ne fournit pas de services de paiement dans ledit schéma en ce qui concerne les produits comarqués, ou ayant fait appel à un agent aux fins de la fourniture de services de paiement, est privé du bénéfice de l’exclusion prévue à cette disposition et, partant, est soumis aux exigences énoncées à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive.

34      Il y a lieu de rappeler d’emblée que, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2015/2366, « [l]es États membres veillent à ce que les règles régissant l’accès des prestataires de services de paiement agréés ou enregistrés, qui sont des personnes morales, aux systèmes de paiement soient objectives, non discriminatoires et proportionnées et n’entravent pas cet accès dans une mesure excédant ce qui est nécessaire pour prévenir certains risques spécifiques, tels que le risque de règlement, le risque opérationnel et le risque d’entreprise, et pour protéger la stabilité financière et opérationnelle des systèmes de paiement ». L’article 35, paragraphe 1, second alinéa, de cette directive énonce par ailleurs les exigences que les systèmes de paiement ne peuvent en aucun cas imposer aux prestataires de services de paiement, aux utilisateurs de services de paiement ou aux autres systèmes de paiement.

35      Quant à l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366, il dispose que l’article 35, paragraphe 1, de celle-ci ne s’applique pas « aux systèmes de paiement exclusivement composés de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe ». La notion de « groupe » est définie à l’article 4, point 40, de cette directive comme visant « un groupe d’entreprises qui sont liées entre elles par une relation au sens de l’article 22, paragraphes 1, 2 ou 7, de la directive [2013/34] ou d’établissements au sens des articles 4, 5, 6 et 7 du règlement délégué [n241/2014], qui sont liés entre eux par une relation au sens de l’article 10, paragraphe 1, ou de l’article 113, paragraphe 6 ou 7, du règlement [n575/2013] ».

36      Ainsi qu’il a été rappelé au point 23 du présent arrêt, il est constant qu’un schéma de cartes de paiement tripartite tel qu’Amex est exclusivement composé de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe, au sens du point précédent.

37      Il en résulte que, en principe, un tel schéma de cartes de paiement tripartite n’est pas soumis aux exigences en matière d’accès prévues à l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2015/2366, à moins qu’il ne fasse intervenir un tiers dans son fonctionnement de sorte qu’il ne peut plus être considéré comme étant exclusivement composé de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe, au sens de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de cette directive.

38      En l’occurrence, American Express soutient que l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366 doit être interprété en ce sens que la seule circonstance qu’un schéma de cartes de paiement tripartite a conclu des accords de comarquage et d’agence n’a pas pour effet de le soumettre aux exigences en matière d’accès. En effet, s’agissant des accords de comarquage dans le cadre desquels le partenaire de comarquage ne fournit aucun service de paiement, le schéma demeurerait le seul émetteur de cartes et le seul acquéreur d’opérations effectuées en utilisant ces cartes. De même, le recours à un agent pour la fourniture de services de paiement ne modifierait pas l’identité du prestataire de services de paiement dans un schéma de cartes de paiement. Par conséquent, ce serait uniquement dans le cas où un système de cartes de paiement tripartite accorde une licence à un prestataire de services de paiement supplémentaire au sein de ce système que les exigences en matière d’accès seraient applicables audit système.

39      À l’inverse, MasterCard Europe fait valoir que le seul fait pour un schéma de cartes de paiement tripartite de faire appel à un partenaire de comarquage ou à un agent a pour effet de le soumettre aux exigences en matière d’accès, puisque, dans ce cas, ce système ne peut plus être considéré comme relevant de l’exclusion prévue à l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 21 septembre 2017, Commission/Allemagne, C‑616/15, EU:C:2017:721, point 43 et jurisprudence citée).

41      En premier lieu, il découle du libellé de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366 que la participation, à un même système de paiement, de prestataires de services de paiement n’appartenant pas à un même groupe a pour conséquence de priver ce système du bénéfice de l’exclusion prévue à cette disposition et, partant, de le soumettre aux exigences en matière d’accès, énoncées à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive.

42      Il ressort de l’article 4, point 11, de la directive 2015/2366 qu’un prestataire de services de paiement est défini comme étant « une entité visée à l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive ou une personne physique ou morale bénéficiant d’une dérogation au titre des articles 32 ou 33 [de celle‑ci] ». Ledit article 1er, paragraphe 1, distingue six catégories de prestataires de services de paiement, à savoir certains établissements de crédit, les établissements de monnaie électronique au sens de l’article 2, point 1, de la directive 2009/110, les offices de chèques postaux habilités en droit national à fournir des services de paiement, les établissements de paiement, la BCE et les banques centrales nationales lorsqu’elles n’agissent pas en qualité d’autorités monétaires ou d’autres autorités publiques, ainsi que les États membres ou leurs autorités régionales ou locales lorsqu’ils n’agissent pas en qualité d’autorités publiques. Quant auxdits articles 32 et 33, ils prévoient des exemptions pour les personnes physiques et morales fournissant certains services de paiement.

43      En ce qui concerne la question de savoir si un partenaire de comarquage ou un agent relève de la notion de « prestataire de services de paiement » telle que rappelée au point précédent, il est vrai, s’agissant, premièrement, du terme « comarquage », que celui‑ci n’est pas défini dans la directive 2015/2366. Toutefois, il découle du considérant 2 de cette directive que le réexamen du cadre juridique de l’Union concernant les services de paiement, qui a donné lieu à l’adoption de ladite directive, a été complété par le règlement 2015/751. Il ressort en outre du considérant 6 de cette même directive que le législateur de l’Union a entendu que soit garantie une application cohérente du cadre législatif concernant les services de paiement dans l’ensemble de l’Union.

44      Or, selon l’article 2, point 32, du règlement 2015/751, le comarquage est défini comme étant « l’inclusion d’une marque de paiement au moins et d’une marque autre qu’une marque de paiement au moins sur le même instrument de paiement lié à une carte ». Quant aux termes « marque de paiement », ils sont eux-mêmes définis tant à l’article 2, point 30, de ce règlement qu’à l’article 4, point 47, de la directive 2015/2366 comme étant « tout nom, terme, signe, symbole matériel ou numérique, ou la combinaison de ces éléments, susceptible de désigner le schéma de cartes de paiement dans lequel des opérations de paiement liées à une carte sont effectuées ». 

45      S’agissant, deuxièmement, du terme « agent », celui‑ci est défini à l’article 4, point 38, de la directive 2015/2366 comme étant « une personne physique ou morale qui agit pour le compte d’un établissement de paiement pour la fourniture des services de paiement ». Ainsi qu’il découle du point 42 du présent arrêt, les établissements de paiement constituent l’une des six catégories de prestataires de services de paiement énumérées à l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive.

46      Ainsi, il ne saurait être déduit des définitions pertinentes des termes « comarquage » et « agent » qu’un partenaire de comarquage ou un agent est nécessairement un prestataire de services de paiement, au sens de l’article 4, point 11, de la directive 2015/2366.

47      Force est donc de constater qu’il ne ressort pas expressément du libellé de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366 que le fait pour un système de paiement exclusivement composé de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe de faire appel à un partenaire de comarquage ou à un agent a nécessairement pour conséquence de priver ledit système du bénéfice de l’exclusion prévue à cette disposition. Or, si le législateur de l’Union avait voulu restreindre le champ d’application de ladite disposition pour que tel en soit le cas, il aurait pu le prévoir expressément (voir, par analogie, arrêt du 19 mars 2009, Commission/Italie, C‑275/07, EU:C:2009:169, point 99).

48      En deuxième lieu, en ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366, il convient de rappeler que l’article 35 de cette directive a pour objet, ainsi qu’il ressort de son paragraphe 1, premier alinéa, de réglementer, notamment, les conditions d’accès des prestataires de services de paiement agréés ou enregistrés aux systèmes de paiement. Or, se concilie avec un tel objet l’interprétation dudit article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), selon laquelle un schéma de cartes de paiement tripartite qui choisit de s’ouvrir en faisant intervenir dans son fonctionnement un prestataire de services de paiement qui n’appartient pas au groupe est soumis aux exigences en matière d’accès énoncées à l’article 35, paragraphe 1, de ladite directive.

49      Certes, le considérant 52 de la directive 2015/2366 prévoit que les systèmes dont un seul prestataire de services de paiement assure la mise en œuvre et le fonctionnement « couvrent les schémas faisant intervenir trois parties, tels que les schémas de cartes faisant intervenir trois parties, dans la mesure où ils ne fonctionnent jamais comme des schémas de cartes faisant intervenir de facto quatre parties, par exemple en faisant appel à des titulaires de licence, des agents ou des partenaires de comarquage ».

50      Toutefois, contrairement à ce que soutient MasterCard Europe, ce considérant ne saurait justifier l’interprétation selon laquelle tout contrat de comarquage ou d’agence conclu par un schéma de cartes de paiement tripartite a nécessairement pour conséquence de faire sortir ce schéma du champ d’application de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366.

51      À cet égard, il convient de rappeler qu’un considérant d’un acte de droit dérivé de l’Union, s’il peut permettre d’éclairer l’interprétation à donner à une règle de droit, ne saurait constituer par lui-même une telle règle (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1989, Casa Fleischhandel, 215/88, EU:C:1989:331, point 31).

52      En tout état de cause, ainsi que le soutient, en substance, la Commission, rien dans le considérant 52 de la directive 2015/2366, ni d’ailleurs dans les autres dispositions de cette directive, ne s’oppose à ce que l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de celle‑ci soit interprété en ce sens que, dans le cas où un schéma de cartes de paiement fait appel à un partenaire de comarquage ou à un agent, il est nécessaire que le partenaire de comarquage ou l’agent soit un prestataire de services de paiement ou bien que son rôle au sein de ce schéma puisse être assimilé à l’activité d’un tel prestataire, pour que ledit schéma ne soit plus considéré comme étant exclusivement composé de prestataires de services de paiement appartenant à un groupe, au sens de cette dernière disposition.

53      En effet, il convient de faire observer, d’une part, que le considérant 52 de cette directive prévoit, dans sa première phrase, que les dispositions relatives à l’accès aux systèmes de paiement ne devraient pas s’appliquer aux systèmes de paiement « dont un seul prestataire de services de paiement assure la mise en œuvre et le fonctionnement », mettant ainsi l’accent sur le nombre de prestataires de services de paiement impliqués dans le fonctionnement du système concerné.

54      D’autre part, s’il ressort dudit considérant que des schémas de cartes faisant appel à des partenaires de comarquage ou à des agents sont susceptibles d’être considérés comme fonctionnant comme des schémas de cartes de paiement faisant intervenir de facto quatre parties, il y a lieu également de rappeler qu’un schéma de cartes de paiement quadripartite est défini à l’article 2, point 17, du règlement 2015/751 comme étant un schéma « dans lequel les opérations de paiement liées à une carte sont effectuées du compte de paiement d’un payeur sur le compte de paiement d’un bénéficiaire par l’intermédiaire du schéma, d’un émetteur (pour le payeur) et d’un acquéreur (pour le bénéficiaire) ».

55      Par conséquent, et eu égard aux considérations exposées au point 43 du présent arrêt, un schéma de cartes de paiement quadripartite classique au sens de la directive 2015/2366 est caractérisé par la présence de différents prestataires de services de paiement, lesquels effectuent les services « acquéreur » et « émetteur » dans le cadre d’opérations de paiement liées à une carte.

56      Force est donc de constater que, comme le soutient la Commission, les exemples, exposés au considérant 52 de la directive 2015/2366, de situations dans lesquelles des schémas de cartes de paiement tripartites concluent des accords avec des agents ou des partenaires de comarquage ne font qu’illustrer la façon dont ces schémas peuvent organiser leurs relations opérationnelles de telle sorte qu’ils soient susceptibles de se comporter, dans la pratique, comme des schémas de cartes de paiement quadripartites aux fins de l’application des exigences en matière d’accès prévues par cette directive.

57      En troisième lieu, en ce qui concerne les objectifs poursuivis par la directive 2015/2366, dont font partie les dispositions en cause au principal, il convient de rappeler que, aux termes du considérant 49 de cette directive, « [i]l est essentiel que tout prestataire de services de paiement puisse avoir accès aux services des infrastructures techniques des systèmes de paiement », et que, « [a]fin de garantir, dans toute l’Union, l’égalité de traitement des différentes catégories de prestataires de services de paiement agréés, selon les termes de leur agrément, il convient de clarifier les règles régissant l’accès aux systèmes de paiement ».

58      De même, le considérant 50 de la directive 2015/2366 souligne qu’« il convient de prévoir un traitement non discriminatoire des établissements de paiement et des établissements de crédit agréés afin que tout prestataire de services de paiement en concurrence sur le marché intérieur puisse recourir aux services des infrastructures techniques de ces systèmes de paiement aux mêmes conditions ». Ce considérant ajoute qu’« il y a lieu de prévoir un traitement différent pour les prestataires de services de paiement agréés et pour les prestataires bénéficiant d’une dérogation au titre de [cette directive] et d’une dérogation au titre de l’article 3 de la directive [2009/110], au vu des différences que présente leur cadre prudentiel ».

59      Enfin, le considérant 52 de la directive 2015/2366 énonce notamment que, afin de stimuler la concurrence que les systèmes de paiement fermés, tels que les schémas de cartes de paiement tripartites qui ne fonctionnement jamais comme des schémas de cartes faisant intervenir de facto quatre parties, peuvent apporter par rapport aux systèmes de paiement ordinaires en place, il ne serait pas approprié d’accorder à des tiers l’accès à ces systèmes de paiement fermés exclusifs.

60      Il ressort des considérations exposées aux points 57 à 59 du présent arrêt que l’article 35 de la directive 2015/2366 vise à garantir que, en principe, tout prestataire de services de paiement puisse avoir accès aux services des infrastructures techniques des systèmes de paiement afin que soit assurée, dans toute l’Union, l’égalité de traitement des différentes catégories de prestataires de services de paiement. En effet, ainsi qu’il découle également de ces considérations, le législateur de l’Union a entendu garantir que tout prestataire de services de paiement puisse recourir à de tels services aux mêmes conditions afin de maintenir une concurrence effective sur les marchés de paiement.

61      Or, il ressort des mêmes considérations, en particulier de celles exposées aux points 58 et 59 du présent arrêt, que, si, en principe, les exigences en matière d’accès, prévues à l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2015/2366, doivent permettre à tout prestataire de services de paiement d’avoir accès, dans les conditions qu’il fixe, aux systèmes de paiement, le législateur de l’Union a également entendu prévoir un traitement différent entre les prestataires de services de paiement lorsque des différences entre ceux‑ci le justifient.

62      Plus particulièrement, s’agissant des systèmes de paiement tripartites fermés, il ressort du point 59 du présent arrêt que le législateur de l’Union a estimé approprié d’exempter ceux-ci des exigences en matière d’accès afin de stimuler la concurrence entre systèmes de paiement. Toutefois, ainsi qu’il ressort, en particulier, des points 54 à 56 du présent arrêt, lorsqu’un schéma de cartes de paiement tripartite décide de s’ouvrir, en faisant intervenir un prestataire de services de paiement externe au groupe, son fonctionnement se rapproche de celui d’un système de paiement quadripartite classique, de telle sorte que la nécessité de stimuler la concurrence qu’il crée sur le marché ne justifie plus qu’il soit exempté des exigences en matière d’accès.

63      En effet, il pourrait être difficile de réaliser les objectifs de la directive 2015/2366, en particulier celui de l’article 35, paragraphe 1, de cette dernière consistant à assurer des conditions de concurrence égales dans la prestation des services de paiement, si un schéma de cartes de paiement tripartite faisant appel à un tiers qui a la qualité de prestataire de services de paiement, au sens de l’article 4, point 11, de cette directive, ou dont le rôle peut être assimilé à un tel prestataire, n’était pas soumis aux exigences en matière d’accès des prestataires de services de paiement aux systèmes de paiement, prévues à l’article 35, paragraphe 1, de ladite directive.

64      Par conséquent, force est de constater que de telles exigences sont applicables à un schéma de cartes de paiement tripartite ayant conclu un accord de comarquage, au sens de l’article 2, point 32, du règlement 2015/751, lorsque le partenaire de comarquage concerné est un prestataire de services de paiement, au sens de l’article 4, point 11, de la directive 2015/2366, et ce alors même que ledit partenaire ne fournit lui‑même, dans le cadre de cet accord, aucun service de paiement en ce qui concerne les produits comarqués.

65      De même, lorsqu’un schéma de cartes de paiement tripartite a conclu un accord avec un agent, au sens de l’article 4, point 38, de la directive 2015/2366, les exigences en matière d’accès sont nécessairement applicables à ce schéma. En effet, dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 45 du présent arrêt, un agent est défini à l’article 4, point 38, de cette directive comme étant « une personne physique ou morale qui agit pour le compte d’un établissement de paiement pour la fourniture des services de paiement », et alors même qu’un agent n’est donc pas nécessairement lui‑même un prestataire de services de paiement, son rôle doit être assimilé dans tous les cas, eu égard à sa nature, à celui d’un prestataire de services de paiement.

66      Cette interprétation n’est pas remise en cause par l’argument avancé par MasterCard Europe, selon lequel les situations dans lesquelles un schéma de cartes de paiement tripartite est soumis aux exigences en matière d’accès devraient être les mêmes que celles dans lesquelles un tel système est soumis aux obligations relatives aux commissions d’interchange en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751, dont la portée et la validité ont fait l’objet de questions préjudicielles dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt de ce jour, American Express (C-304/16).

67      À cet égard, il suffit de faire observer, d’une part, que le libellé tant de l’article 1er, paragraphe 5, que de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751, lesquels portent, notamment, sur les situations dans lesquelles les schémas de cartes de paiement tripartites, doivent être considérés comme étant des schémas de cartes de paiement quadripartites aux fins de l’application des obligations prévues par ce règlement, y compris de celles relatives aux plafonds des commissions d’interchange, diffère, à plusieurs égards, du libellé de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366.

68      D’autre part, s’il est vrai que les objectifs visés par les deux catégories d’exigences auxquelles il est fait référence au point 66 du présent arrêt se recoupent en ce qu’elles visent toutes deux, notamment, à garantir l’égalité de traitement entre concurrents et une concurrence effective sur les marchés de paiement, il n’en reste pas moins que tant la nature de ces deux catégories d’exigences que l’acte législatif dans lequel chacune d’elles s’inscrit sont différents.

69      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366 doit être interprété en ce sens qu’un schéma de cartes de paiement tripartite ayant conclu un accord de comarquage avec un partenaire de comarquage n’est pas privé du bénéfice de l’exclusion prévue à cette disposition et, partant, n’est pas soumis aux exigences énoncées à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive dans le cas où ce partenaire de comarquage n’est pas un prestataire de services de paiement et ne fournit pas de services de paiement dans ce schéma en ce qui concerne les produits comarqués. En revanche, un schéma de cartes de paiement tripartite ayant fait appel à un agent aux fins de la fourniture de services de paiement est privé du bénéfice de cette exclusion et, partant, est soumis aux exigences énoncées audit article 35, paragraphe 1.

 Sur la seconde question

70      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 35 de la directive 2015/2366 est invalide, en tant qu’il prévoit des exigences en matière d’accès applicables à un schéma de cartes de paiement tripartite ayant conclu un accord de comarquage avec un partenaire de comarquage qui, lui‑même, ne fournit pas de services de paiement dans ledit schéma en ce qui concerne les produits comarqués, ou ayant fait appel à un agent aux fins de la fourniture de services de paiement.

71      Il convient d’emblée de faire observer que l’interprétation de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2015/2366, telle qu’exposée au point 69 du présent arrêt, ne correspond pas entièrement, s’agissant des contrats de comarquage, à celle sur la base de laquelle la juridiction de renvoi pose la seconde question préjudicielle.

72      Ainsi, au regard de la réponse apportée à la première question préjudicielle, il y a lieu de ne répondre à la seconde que dans la mesure où elle vise à déterminer si l’article 35 de la directive 2015/2366 est invalide en raison du fait que les exigences prévues au paragraphe 1 de cet article sont applicables à un schéma de cartes de paiement tripartite ayant fait appel à un agent aux fins de la fourniture de services de paiement.

 Sur l’existence d’une violation de l’obligation de motivation

73      S’agissant de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, si la motivation d’un acte de l’Union, exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte en cause de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. Le respect de l’obligation de motivation doit, par ailleurs, être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70 ainsi que jurisprudence citée).

74      De surcroît, la Cour a itérativement jugé que, si un acte de portée générale fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, C‑26/15 P, non publié, EU:C:2016:132, point 31 et jurisprudence citée).

75      En l’espèce, les considérants 49, 50 et 52 de la directive 2015/2366 font ressortir avec suffisamment de clarté la logique qui sous‑tend l’application des exigences prévues à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive aux schémas de cartes de paiement tripartites faisant intervenir un prestataire de services de paiement externe au groupe dans le fonctionnement du schéma ou une partie tierce dont le rôle peut être assimilé à un tel prestataire. En particulier, ainsi qu’il découle du point 60 du présent arrêt, ces considérants font ressortir que ledit article 35 vise à garantir que, en principe, tout prestataire de services de paiement puisse avoir accès aux services des infrastructures techniques des systèmes de paiement afin d’assurer, dans toute l’Union, l’égalité de traitement des différentes catégories de prestataires de services de paiement et, ainsi, de maintenir une concurrence effective sur les marchés de paiement.

76      De plus, il ressort des mêmes considérants que, si, en principe, les exigences en matière d’accès doivent permettre à tout prestataire de services de paiement d’avoir accès, dans les conditions fixées par la directive 2015/2366, aux services des infrastructures techniques des systèmes de paiement, le législateur de l’Union a également entendu prévoir un traitement différent entre les prestataires de services de paiement lorsque des différences entre ceux‑ci le justifient. Ainsi, si le législateur de l’Union a estimé approprié d’exempter les schémas de cartes de paiement tripartites fermés de ces exigences en matière d’accès afin de stimuler la concurrence entre systèmes de paiement, il a en revanche considéré que, dans le cas où un schéma de cartes de paiement tripartite décide de s’ouvrir, en faisant intervenir un prestataire de services de paiement externe au groupe ou une partie tierce, tel un agent, dont le rôle peut être assimilé à celui d’un tel prestataire, le fonctionnement de ce système se rapproche de celui d’un système quadripartite classique, de telle sorte que la nécessité de stimuler ladite concurrence ne justifie plus qu’il soit exempté desdites exigences en matière d’accès.

77      En outre, le considérant 52 de la directive 2015/2366 fait ressortir les différences qui existent entre les schémas de cartes de paiement tripartites fermés exclusifs et les systèmes de paiement ordinaires en place, différences qui expliquent que l’application aux schémas de cartes de paiement tripartites des exigences en matière d’accès ne se justifie que lorsque le fonctionnement de ces schémas a pour conséquence de les soustraire du champ d’application de l’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de cette directive.

78      Il s’ensuit que les dispositions de la directive 2015/2366 auxquelles fait référence le point 75 du présent arrêt exposent la situation d’ensemble qui a conduit le législateur de l’Union à décider de soumettre les schémas de cartes de paiement tripartites ayant conclu des contrats d’agence aux exigences en matière d’accès prévues à l’article 35, paragraphe 1, de cette directive, ainsi que les objectifs généraux que cette décision vise à atteindre, et permettent ainsi tant aux intéressés de connaître les justifications de ladite décision qu’à la Cour d’exercer son contrôle, conformément à la jurisprudence rappelée au point 73 du présent arrêt.

79      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence exposée aux points 73 et 74 du présent arrêt, le législateur de l’Union n’était pas tenu d’exposer dans la directive 2015/2366, de manière spécifique, les raisons pour lesquelles, dans chacune des situations concernées, un système de cartes de paiement tripartite doit être soumis aux exigences en matière d’accès.

80      Il ne saurait, dès lors, être considéré que la directive 2015/2366 est entachée d’un défaut de motivation à cet égard, de nature à entraîner l’invalidité de son article 35.

 Sur l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation

81      Il ressort de la décision de renvoi que la validité de l’article 35 de la directive 2015/2366 est contestée dans le litige au principal au motif qu’il serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que les exigences en matière d’accès prévues au paragraphe 1 de cet article s’appliquent aux schémas de cartes de paiement tripartites ayant conclu des accords d’agence, dès lors que le législateur de l’Union ne pouvait raisonnablement adopter une disposition d’une telle portée.

82      Toutefois, il ne ressort pas des éléments transmis à la Cour dans le cadre de la présente procédure que le législateur de l’Union a, pour cette raison, entaché d’une erreur manifeste d’appréciation l’article 35 de la directive 2015/2366.

83      En particulier, aucun élément soumis à la Cour n’est de nature à démontrer qu’une erreur a été commise par le législateur de l’Union lorsque celui‑ci a considéré que le fait d’inclure un tel système dans le champ d’application de l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2015/2366 contribuerait à ce que puissent être atteints les objectifs rappelés aux points 57 à 63 du présent arrêt.

 Sur l’existence d’une violation du principe de proportionnalité

84      Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 67 ainsi que jurisprudence citée).

85      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

86      En l’espèce, aucun élément soumis à la Cour n’est de nature à démontrer que l’article 35 de la directive 2015/2366 ne serait pas apte à réaliser les objectifs légitimes poursuivis, tels qu’exposés aux points 57 à 62 du présent arrêt.

87      Au contraire, étant donné que, ainsi qu’il ressort des points 63 et 65 du présent arrêt, il pourrait être difficile de réaliser les objectifs de la directive 2015/2366, en particulier celui de l’article 35 de cette dernière consistant à assurer des conditions de concurrence égales dans la prestation des services de paiement, si un schéma de cartes de paiement tripartite faisant appel à un agent n’était pas soumis aux exigences en matière d’accès, il n’était pas manifestement inapproprié, au regard de tels objectifs, de soumettre également un tel schéma à ces exigences.

88      Il résulte de tout ce qui précède que l’examen de la seconde question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 35 de la directive 2015/2366.

 Sur les dépens

89      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 35, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE, doit être interprété en ce sens qu’un schéma de cartes de paiement tripartite ayant conclu un accord de comarquage avec un partenaire de comarquage n’est pas privé du bénéfice de l’exclusion prévue à cette disposition et, partant, n’est pas soumis aux exigences énoncées à l’article 35, paragraphe 1, de cette directivedans le cas où ce partenaire de comarquage n’est pas un prestataire de services de paiement et ne fournit pas de services de paiement dans ce schéma en ce qui concerne les produits comarqués. En revanche, un schéma de cartes de paiement tripartite ayant fait appel à un agent aux fins de la fourniture de services de paiement est privé du bénéfice de cette exclusion et, partant, est soumis aux exigences énoncées audit article 35, paragraphe 1.

2)      L’examen de la seconde question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 35 de la directive 2015/2366.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.