Language of document : ECLI:EU:T:2008:574

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 décembre 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demandes de marques communautaires verbale et figurative BUD – Appellations ‘bud’ – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans les affaires jointes T‑225/06, T‑255/06, T‑257/06 et T‑309/06,

Budějovický Budvar, národní podnik, établie à Česke Budějovice (République tchèque), représentée par Mes F. Fajgenbaum et C. Petsch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Anheuser-Busch, Inc., établie à Saint Louis, Missouri (États-Unis), représentée initialement par Mes V. von Bomhard, A. Renck, B. Goebel et A. Pohlmann, puis par Mes von Bomhard, Renck et Goebel, avocats,

ayant pour objet des recours formés contre les décisions de la deuxième chambre de recours de l’OHMI, rendues les 14 juin (affaire R 234/2005-2), 28 juin (affaires R 241/2005-2 et R 802/2004-2) et 1er septembre 2006 (affaire R 305/2005-2), relatives à des procédures d’opposition entre Budějovický Budvar, národní podnik et Anheuser-Busch, Inc.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, M. F. Dehousse (rapporteur) et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 26 août (affaire T‑225/06), 15 septembre (affaires T‑255/06 et T‑257/06) et 14 novembre 2006 (affaire T‑309/06),

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal les 30 janvier (affaire T‑225/06), 20 février (affaire T‑257/06), 26 avril (affaire T‑255/06) et 27 avril 2007 (affaire T‑309/06),

vu les mémoires en réponse d’Anheuser-Busch, Inc. déposés au greffe du Tribunal les 30 janvier (affaire T‑225/06), 28 février (affaire T‑257/06), 7 mai (affaire T‑255/06) et 24 mai 2007 (affaire T‑309/06),

vu l’ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 25 février 2008, portant jonction des présentes affaires aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal,

à la suite de l’audience du 1er avril 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

A –  Droit international

1        Les articles 1er à 5 de l’arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international (ci-après l’« arrangement de Lisbonne »), adopté le 31 octobre 1958, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967, et modifié le 28 septembre 1979, disposent ce qui suit :

« Article premier

1)      Les pays auxquels s’applique le présent arrangement sont constitués à l’état d’Union particulière dans le cadre de l’Union pour la protection de la propriété industrielle.

2)      Ils s’engagent à protéger, sur leurs territoires, selon les termes du présent arrangement, les appellations d’origine des produits des autres pays de l’Union particulière, reconnues et protégées à ce titre dans le pays d’origine et enregistrées au Bureau international de la propriété intellectuelle […] visé dans la convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle […]

Article 2

1)      On entend par appellation d’origine, au sens du présent arrangement, la dénomination géographique d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains.

2)      Le pays d’origine est celui dont le nom, ou dans lequel est située la région ou la localité dont le nom, constitue l’appellation d’origine qui a donné au produit sa notoriété.

Article 3

La protection sera assurée contre toute usurpation ou imitation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si l’appellation est employée en traduction ou accompagnée d’expressions telles que ‘genre’, ‘type’, ‘façon’, ‘imitation’ ou similaires.

Article 4

Les dispositions du présent arrangement n’excluent en rien la protection existant déjà en faveur des appellations d’origine dans chacun des pays de l’Union particulière, en vertu d’autres instruments internationaux, tels que la convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle et ses révisions subséquentes, et l’arrangement de Madrid du 14 avril 1891 concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits et ses révisions subséquentes, ou en vertu de la législation nationale ou de la jurisprudence.

Article 5

1)      L’enregistrement des appellations d’origine sera effectué auprès du Bureau international, à la requête des administrations des pays de l’Union particulière, au nom des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, titulaires du droit d’user de ces appellations selon leur législation nationale.

2)      Le Bureau international notifiera sans retard les enregistrements aux administrations des divers pays de l’Union particulière et les publiera dans un recueil périodique.

3)      Les administrations des pays pourront déclarer qu’elles ne peuvent assurer la protection d’une appellation d’origine, dont l’enregistrement leur aura été notifié, mais pour autant seulement que leur déclaration soit notifiée au Bureau international, avec l’indication des motifs, dans un délai d’une année à compter de la réception de la notification de l’enregistrement, et sans que cette déclaration puisse porter préjudice, dans le pays en cause, aux autres formes de protection de l’appellation auxquelles le titulaire de celle-ci pourrait prétendre, conformément à l’article 4 ci-dessus.

[…] »

2        Les règles 9 et 16 du règlement d’exécution de l’arrangement de Lisbonne, tel qu’entré en vigueur le 1er avril 2002, prévoient ce qui suit :

« Règle 9

Déclaration de refus

1)      Toute déclaration de refus est notifiée au Bureau international par l’administration compétente du pays contractant pour lequel le refus est émis et doit être signée par cette administration.

[…]

Règle 16

Invalidation

1)      Lorsque les effets d’un enregistrement international sont invalidés dans un pays contractant et que l’invalidation ne peut plus faire l’objet d’aucun recours, ladite invalidation doit être notifiée au Bureau international par l’administration compétente de ce pays contractant.

[…] »

3        Les articles 1er et 2 du traité relatif à la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et des autres appellations indiquant la provenance de produits agricoles et industriels signé le 11 juin 1976 entre l’Autriche et la République socialiste tchécoslovaque, et intégré depuis lors dans l’ordre juridique de la République tchèque (ci-après la « convention bilatérale ») disposent ce qui suit :

« Article premier

Chacun des États contractants s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger efficacement contre la concurrence déloyale dans la vie des affaires les indications de provenance, appellations d’origine et autres appellations indiquant la provenance de produits agricoles et industriels relevant des catégories visées à l’article 5 et précisées dans l’accord prévu à l’article 6, ainsi que les noms et illustrations mentionnés aux articles 3, 4 et 8, paragraphe 2.

Article 2

On entend par indications de provenance, appellations d’origine et autres appellations indiquant la provenance au sens du présent traité toutes les indications qui se rapportent directement ou indirectement à la provenance d’un produit. Une telle indication est en général constituée d’une appellation géographique. Toutefois, elle peut également être constituée d’autres mentions si les milieux intéressés du pays d’origine y voient, en liaison avec le produit ainsi appelé, une indication du pays de production. Lesdites appellations peuvent contenir, outre l’indication d’un territoire de provenance géographiquement déterminé, des mentions relatives à la qualité du produit concerné. Ces propriétés particulières des produits sont exclusivement ou principalement la conséquence d’influences géographiques ou humaines. »

4        L’article 5, paragraphe 1, point B 2, de la convention bilatérale mentionne les bières parmi les catégories de produits tchèques concernés par la protection instaurée par cette convention.

5        Aux termes de l’article 6 de la convention bilatérale, « les appellations relatives à des produits, pour lesquelles les conditions des articles 2 et 5 s’appliquent, qui bénéficient de la protection du traité et qui ne sont dès lors pas des dénominations génériques seront énumérées dans un accord qui devra être conclu entre les gouvernements des deux États contractants ».

6        L’article 16, paragraphe 3, de la convention bilatérale dispose que les deux parties contractantes peuvent la dénoncer moyennant un préavis d’au moins un an, formulé par écrit et selon la voie diplomatique.

7        Conformément à l’article 6 de la convention bilatérale, un accord sur l’application de celle-ci (ci-après l’« accord bilatéral ») a été conclu le 7 juin 1979. L’annexe B de l’accord bilatéral vise, pour les « appellations tchécoslovaques pour des produits agricoles et industriels », dans la catégorie « bière », l’appellation « Bud ».

B –  Droit communautaire

8        Les articles 8 et 43 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, sont ainsi rédigés :

« Article 8

Motifs relatifs de refus

[…]

4. Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe :

a)      des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire ;

b)      ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

[…]

Article 43

Examen de l’opposition

1. Au cours de l’examen de l’opposition, l’Office invite les parties, aussi souvent que cela est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’il leur impartit, des observations sur les communications émanant des autres parties ou de lui-même.

2. Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3. Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, [sous] a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

[…] »

 Antécédents du litige

A –  Demandes de marque communautaire déposées par Anheuser-Busch

9        Anheuser-Busch, Inc. a déposé les 1er avril 1996, 28 juillet 1999, 11 avril et 4 juillet 2000, quatre demandes d’enregistrement de marque communautaire auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) (respectivement nos 24711, 1257849, 1603539 et 1737121), en vertu du règlement n° 40/94.

10      Une demande d’enregistrement, n° 1257849 (ci-après la « demande d’enregistrement n° 1 »), avait pour objet la marque figurative suivante :

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11      Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque figurative est demandé relèvent des classes 16, 21, 25 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières (compris dans la classe 16) ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (comprises dans la classe 16) ; cartes à jouer ; caractères d’imprimerie ; clichés » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux ni en plaqué) ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; matériel de nettoyage ; paille de fer ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence (comprises dans la classe 21) » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ».

12      La demande d’enregistrement de la marque figurative a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 34/00, du 2 mai 2000.

13      Trois demandes d’enregistrement, nos 24711, 1603539 et 1737121, avaient pour objet la marque verbale BUD (ci-après, respectivement, la « demande d’enregistrement n° 2 », la « demande d’enregistrement n° 3 » et la « demande d’enregistrement n° 4 »).

14      Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque verbale est demandé relèvent des classes 32 (pour la demande d’enregistrement n° 2), 32 et 33 (pour la demande d’enregistrement n° 3), 35, 38, 41 et 42 (pour la demande d’enregistrement n° 4) au sens de l’arrangement de Nice et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bière, ale, porter, boissons maltées alcooliques et non alcooliques » (pour la demande d’enregistrement n° 2) et « Bières » (pour la demande d’enregistrement n° 3) ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques » ;

–        classe 35 : « Création de bases de données, collecte de données et d’informations dans des bases de données » ;

–        classe 38 : « Télécommunications, à savoir mise à disposition et offre de données et d’informations, offre et diffusion d’informations stockées dans des bases de données » ;

–        classe 41 : « Éducation, divertissement » ;

–        classe 42 : « Services de restaurants, bars et tavernes ; exploitation de bases de données ».

15      Les demandes d’enregistrement de la marque verbale BUD ont été publiées au Bulletin des marques communautaires n° 93/98, du 7 décembre 1998 (pour la demande d’enregistrement n° 2), n° 19/01, du 26 février 2001 (pour la demande d’enregistrement n° 3), et n° 22/01, du 5 mars 2001 (pour la demande d’enregistrement n° 4).

B –  Oppositions formées à l’encontre des demandes de marque communautaire

16      Les 1er août 2000 (pour la demande d’enregistrement n° 1), 5 mars 1999 (pour la demande d’enregistrement n° 2), 22 mai 2001 (pour la demande d’enregistrement n° 3) et 5 juin 2001 (pour la demande d’enregistrement n° 4), la société Budějovický Budvar, národní podnik, établie en République tchèque (ci-après « Budvar »), a formé des oppositions au titre de l’article 42 du règlement nº 40/94, et ce pour l’ensemble des produits spécifiés dans les demandes d’enregistrement.

17      À l’appui de ses oppositions, Budvar invoquait, tout d’abord, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une marque figurative internationale n° 361 566 enregistrée pour « toute sorte de bière blonde et brune », avec effet en Autriche, au Benelux et en Italie, et représentée comme suit :

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18      Budvar invoquait, ensuite, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, une appellation d’origine « bud » (appellation d’origine n° 598), enregistrée le 10 mars 1975, pour de la bière, auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), avec effet en France, en Italie et au Portugal, au titre de l’arrangement de Lisbonne.

19      Par ailleurs, dans le cadre des demandes d’enregistrement nos 1, 2 et 3, Budvar invoquait également une appellation d’origine « bud » protégée en Autriche, pour de la bière, au titre de la convention bilatérale.

C –  Décisions de la division d’opposition

20      Par décision du 16 juillet 2004 (n° 2326/2004), rendue dans le cadre de la demande d’enregistrement n° 4, la division d’opposition a accepté partiellement l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

21      La division d’opposition a considéré, premièrement, que Budvar avait démontré qu’elle possédait un droit sur la dénomination d’origine « bud » en France, en Italie et au Portugal.

22      Deuxièmement, pour ce qui est de l’Italie et du Portugal, la division d’opposition a estimé que les arguments avancés par Budvar n’étaient pas assez précis pour déterminer le champ de la protection invoquée au titre des droits nationaux de ces deux États membres.

23      Troisièmement, considérant que les « services de restaurants, bars et tavernes », visés par la demande d’enregistrement n° 4 (classe 42), étaient semblables à la « bière », couverte par l’appellation d’origine « bud », la division d’opposition a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans la mesure où les signes en cause étaient identiques.

24      Quatrièmement, pour les autres produits, et dans le cadre du droit français applicable en l’espèce, la division d’opposition a indiqué que Budvar n’avait pas réussi à démontrer comment l’utilisation de la marque demandée était susceptible d’affaiblir ou de détourner la notoriété de l’appellation d’origine en cause, s’agissant de produits différents.

25      En conséquence, la division d’opposition a accueilli l’opposition formée par Budvar s’agissant des « services de restaurants, bars et tavernes » (classe 42), visés par la demande d’enregistrement n° 4.

26      Par décisions des 23 décembre 2004 (n°s 4474/2004 et 4475/2004) et 26 janvier 2005 (n° 117/2005), la division d’opposition a rejeté les oppositions formées à l’encontre de l’enregistrement des marques faisant l’objet, respectivement, des demandes d’enregistrement nos 1, 3 et 2.

27      La division d’opposition a considéré, en substance, que la preuve n’avait pas été apportée que l’appellation d’origine « bud », s’agissant de l’Autriche, de la France, de l’Italie et du Portugal, était un signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale. Pour arriver à cette conclusion, la division d’opposition a considéré qu’il convenait d’appliquer les mêmes critères que ceux prévus à l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, lu à la lumière de la règle 22, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), relatifs à la preuve de l’« usage sérieux » des marques antérieures fondant une opposition.

D –  Décisions de la deuxième chambre de recours de l’OHMI

28      Les 21 février et 18 mars 2005, Budvar a formé trois recours contre les décisions de la division d’opposition rejetant les oppositions formées dans le cadre des demandes d’enregistrement nos 1, 2 et 3 (respectivement décisions nos 4474/2004, 117/2005 et 4475/2004 de la division d’opposition).

29      Le 8 septembre 2004, Anheuser-Busch a formé un recours contre la décision de la division d’opposition accueillant partiellement, s’agissant des « services de restaurants, bars et tavernes » (classe 42), l’opposition formée dans le cadre de la demande d’enregistrement n° 4 (décision n° 2326/2004 de la division d’opposition). Budvar concluait pour sa part à l’annulation de la décision de la division d’opposition, en ce qu’elle rejetait l’opposition s’agissant des autres services compris dans les classes 35, 38, 41 et 42.

30      Par trois décisions rendues les 14 juin (affaire R 234/2005-2), 28 juin (affaire R 241/2005-2) et 1er septembre 2006 (affaire R 305/2005-2), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours formés par Budvar dans le cadre des demandes d’enregistrement nos 1, 2 et 3.

31      Par une décision rendue le 28 juin 2006 (affaire R 802/2004-2), la chambre de recours a fait droit au recours formé par Anheuser-Busch dans le cadre de la demande d’enregistrement n° 4 et a rejeté l’opposition formée par Budvar dans son ensemble.

32      Les décisions rendues les 28 juin (affaires R 241/2005-2 et R 802/2004-2) et 1er septembre 2006 (affaire R 305/2005-2) ont opéré un renvoi aux motifs contenus dans la décision du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2).

33      Dans les quatre décisions (ci-après les « décisions attaquées »), la chambre de recours a tout d’abord relevé que Budvar ne semblait plus se référer à la marque figurative internationale n° 361 566 pour fonder ses oppositions, mais seulement à l’appellation d’origine « bud ».

34      Ensuite, la chambre de recours a considéré, en substance, premièrement, qu’il était difficile de concevoir que le signe BUD puisse être considéré comme étant une appellation d’origine, voire même comme une indication indirecte de provenance géographique. La chambre de recours en a conclu qu’une opposition ne pouvait aboutir, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, sur la base d’un droit présenté comme une appellation d’origine, mais qui, en fait, n’en était pas une.

35      Deuxièmement, la chambre de recours, appliquant par analogie les dispositions de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, et de la règle 22 du règlement n° 2868/95, a estimé que les preuves fournies par Budvar, quant à l’usage de l’appellation d’origine « bud » en Autriche, en France, en Italie et au Portugal, étaient insuffisantes.

36      Troisièmement, la chambre de recours a considéré que l’opposition devait également être rejetée au motif que Budvar n’avait pas démontré que l’appellation d’origine en cause lui donnait le droit d’interdire l’utilisation du terme « bud », en tant que marque, en Autriche ou en France.

 Procédure et conclusions des parties

37      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées à l’audience du 1er avril 2008.

39      Budvar conclut, dans les affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        lui donner acte que l’OHMI n’aurait pas dû procéder à la publication des demandes d’enregistrement concernées, du fait de l’existence de motifs absolus de refus.

40      Par ailleurs, dans chacune des affaires, Budvar conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dire que la chambre de recours était incompétente pour apprécier la validité « substantielle » des droits antérieurs invoqués dans le cadre d’une opposition ;

–        constater que la décision attaquée est entachée d’illégalité et porte atteinte au principe d’égalité de traitement devant l’OHMI, du fait de l’interprétation erronée de la notion d’« autre signe utilisé dans la vie des affaires », telle que reprise à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ;

–        en conséquence, constater que les pièces versées aux débats établissent l’usage du signe BUD en qualité d’appellation d’origine et, en tant que de besoin, que l’appellation d’origine « bud » constitue bien un signe utilisé dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ;

–        constater que les conditions de mise en oeuvre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 sont réunies ;

–        prononcer :

–        l’annulation de la décision attaquée ;

–        le rejet de la demande d’enregistrement de la marque communautaire concernée ;

–        la transmission de l’arrêt du Tribunal à l’OHMI ;

–        la condamnation d’Anheuser-Busch aux dépens.

41      Lors de l’audience, Budvar a complété ses conclusions en demandant que l’OHMI et Anheuser-Busch soient condamnés aux dépens.

42      Dans chacune des affaires, l’OHMI et Anheuser-Busch concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner Budvar aux dépens.

43      Les parties ayant été entendues, lors de l’audience, sur la jonction éventuelle des présentes affaires aux fins de l’arrêt, le Tribunal estime qu’il y a lieu de procéder à une telle jonction, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

 En droit

A –  Sur la recevabilité et sur le caractère opérant de certains chefs de conclusions de Budvar

44      Tout d’abord, comme le relève l’OHMI dans ses écritures, Budvar demande au Tribunal, dans les affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, de lui donner acte que l’OHMI n’aurait pas dû procéder à la publication des demandes d’enregistrement concernées, du fait de l’existence de motifs absolus de refus. Or, il y a lieu de rappeler que les motifs absolus de refus visés à l’article 7 du règlement n° 40/94 n’ont pas à être examinés dans le cadre d’une procédure d’opposition et que cet article ne figure pas parmi les dispositions par rapport auxquelles la légalité de la décision attaquée doit être appréciée [arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Durferrit/OHMI – Kolene (NU-TRIDE), T‑224/01, Rec. p. II‑1589, points 72 et 75]. Il en résulte que le chef de conclusions de Budvar à cet égard est irrecevable.

45      Ensuite, par ses premier, deuxième, troisième et quatrième chefs de conclusions dans toutes les affaires, Budvar vise, en réalité, à faire reconnaître par le juge communautaire le bien-fondé de certains moyens à l’appui de son recours. Or, il est de jurisprudence constante que de telles conclusions sont irrecevables (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, Rec. p. II‑2109, point 32, et ordonnance du Tribunal du 14 mai 2008, Lactalis Gestion Lait et Lactalis Investissements/Conseil, T‑29/07, non publiée au Recueil, point 16). Il en résulte que les chefs de conclusions de Budvar à cet égard sont irrecevables.

46      Par ailleurs, comme le soutient l’OHMI dans ses écritures, il y a lieu de constater que, par son sixième chef de conclusions dans toutes les affaires, visant au « rejet de la demande d’enregistrement de la marque communautaire concernée », Budvar demande, en substance, au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Toutefois, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser à l’OHMI une injonction [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33 ; du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12, et du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 19]. Il en résulte que le chef de conclusions de Budvar à cet égard est irrecevable.

47      Enfin, par son septième chef de conclusions dans toutes les affaires, Budvar demande au Tribunal de transmettre l’arrêt à intervenir à l’OHMI. Or, il résulte de l’article 55 du statut de la Cour, et cela quel que soit le chef de conclusions présenté par les parties à cet égard, que « [l]es décisions du Tribunal mettant fin à l’instance, tranchant partiellement le litige au fond ou mettant fin à un incident de procédure portant sur une exception d’incompétence ou d’irrecevabilité sont notifiées par le greffier du Tribunal à toutes les parties ». Par ailleurs, l’article 82, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal précise que « [l]a minute de l’arrêt, signée par le président, les juges ayant pris part au délibéré et le greffier, est scellée et déposée au greffe ; copie certifiée conforme en est signifiée à chacune des parties ». Il en résulte que le chef de conclusions de Budvar à cet égard est inopérant.

B –  Sur le fond

48      Après avoir rappelé l’historique du conflit qui oppose les parties au litige, Budvar invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

49      Le moyen unique de Budvar repose sur deux branches. Dans la première branche, Budvar remet en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe BUD ne pourrait pas être considéré comme constituant une appellation d’origine. Dans la seconde branche, Budvar conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne seraient pas, en l’espèce, réunies.

1.     Sur la première branche relative à la validité de l’appellation d’origine « bud »

a)     Arguments des parties

50      Rappelant les termes des points 19 à 22 de la décision rendue dans l’affaire R 234/2005-2, Budvar indique que la chambre de recours a procédé à un prétendu examen du signe BUD pour déclarer qu’il ne constituait « en fait pas du tout une appellation d’origine ».

51      Sur cette base, la chambre de recours aurait rejeté l’opposition, sans même avoir examiné si les conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 étaient réunies.

52      Cette pratique, qui serait contraire au règlement n° 40/94, entacherait d’illégalité les décisions attaquées qui devraient, à ce titre, être annulées.

53      En outre, Budvar soutient que l’appellation d’origine « bud » est non seulement valable, mais également en vigueur.

54      À cet égard, Budvar considère, premièrement, que la chambre de recours était incompétente pour statuer sur la validité de l’appellation d’origine en cause. Les compétences de la chambre de recours seraient limitées à déterminer si une demande d’enregistrement de marque communautaire est susceptible de porter atteinte à des droits antérieurs, suivant les conditions prévues à l’article 8 du règlement n° 40/94. La réglementation sur la marque communautaire ne prévoirait pas l’appréciation par l’OHMI de la validité substantielle du droit antérieur invoqué dans le cadre d’une procédure d’opposition. Dans le cadre d’une telle procédure, conformément à l’article 20 du règlement n° 2868/95, l’opposant devrait prouver « l’existence, la validité et l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur ». Cette disposition prévoirait donc que l’opposant est seulement tenu d’apporter la preuve de la régularité formelle du titre opposé à la demande d’enregistrement. En procédant à un examen du signe BUD, pour établir s’il est susceptible ou non d’être qualifié d’appellation d’origine, la chambre de recours aurait dès lors violé les dispositions communautaires pertinentes. Budvar ajoute que, en l’espèce, elle a fourni tous les documents nécessaires de nature à établir l’existence et la validité de l’appellation d’origine « bud ».

55      Deuxièmement, en tout état de cause, Budvar indique que le signe BUD constitue bien une appellation d’origine. Se référant au point 20 de la décision rendue par la chambre de recours dans l’affaire R 234/2005-2, Budvar précise qu’aucune disposition ne prévoit que le signe constituant une appellation d’origine doit nécessairement reprendre intégralement un nom géographique. En l’espèce, il serait tout d’abord incontestable que le terme « Budweis » (qui serait le nom allemand de Česke Budějovice) corresponde au nom de la ville dans laquelle la bière en cause est brassée, c’est-à-dire l’aire de production. Le certificat d’enregistrement national définirait l’appellation d’origine « bud » comme désignant, notamment, une « bière blonde », dont les qualités et caractéristiques consisteraient à être « faiblement amère, au goût douceâtre et avec un parfum spécifique », en provenance de Česke Budějovice. Par ailleurs, Budvar met en avant qu’une appellation d’origine peut parfaitement être une abréviation d’une dénomination géographique, voire même un terme de fantaisie ou du langage courant, dès lors que son aire de production correspond à une aire géographique déterminée. Budvar renvoie, à cet égard, à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208, p. 1), tel qu’applicable au moment des faits, à l’arrêt de la Cour du 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark/Commission (C‑465/02 et C‑466/02, Rec. p. I‑9115), et à certaines appellations d’origine enregistrées en France ou au niveau communautaire. Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que le signe BUD ne constitue pas une appellation d’origine valable, au motif que le terme « bud » ne correspondrait pas strictement à un lieu géographique.

56      Troisièmement, Budvar souligne que l’appellation d’origine en cause est en vigueur en France et, dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, également en Autriche. Budvar rappelle à cet égard que, le 27 janvier 1975, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation tchèque a accordé à la bière BUD la qualification d’appellation d’origine. En vertu des engagements internationaux conclus par la République tchèque, la protection attachée à la qualification d’appellation d’origine a notamment été accordée au signe BUD en France (en vertu de l’arrangement de Lisbonne) et en Autriche (en vertu de la convention bilatérale). Bien que cette appellation d’origine soit contestée par Anheuser-Busch, elle serait toujours protégée en France et en Autriche et continuerait d’y produire ses effets.

57      S’agissant de la France, Budvar souligne que, aussi longtemps qu’une appellation d’origine est reconnue et protégée en tant que telle dans son pays d’origine, les parties contractantes à l’arrangement de Lisbonne sont tenues, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, dudit arrangement, de protéger l’appellation d’origine en cause sur leur territoire. La France n’aurait notifié aucune déclaration de refus de protection de l’appellation d’origine « bud », au titre de l’article 5, paragraphe 3, de l’arrangement de Lisbonne. Par ailleurs, concernant le fait que le tribunal de grande instance de Strasbourg (France) a prononcé, le 30 juin 2004, l’invalidation sur le territoire français des effets de l’enregistrement de l’appellation d’origine « bud » au titre de l’arrangement de Lisbonne, Budvar précise que ce jugement fait actuellement l’objet d’une procédure en appel devant la cour d’appel de Colmar (France). Le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg ne serait donc pas définitif. L’appellation d’origine « bud » continuerait toujours de produire ses effets en France. Budvar soutient, dans ce contexte, que l’action en invalidation d’une appellation d’origine n’existerait pas en droit français et fournit, sur ce point, l’avis d’un professeur de droit. De plus, Budvar met en avant que, postérieurement au jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg, l’Institut national de la propriété industrielle en France (INPI) a refusé à l’enregistrement, le 19 mai 2005, la demande de marque verbale BUD, déposée le 30 septembre 2004 par Anheuser-Busch, pour désigner des bières. Cette décision n’aurait pas été contestée par Anheuser-Busch.

58      S’agissant de l’Autriche, et pour ce qui est des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, Budvar précise que le litige en cours dans cet État membre n’est sanctionné par aucune décision judiciaire passée en force de chose jugée. Budvar fournit à ce titre trois décisions judiciaires récentes, dont la dernière a été rendue le 10 juillet 2006 par l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche). Cette dernière décision aurait ordonné la désignation d’un expert aux fins de déterminer, en substance, si les consommateurs tchèques associent l’indication du terme « bud » à de la bière et, en cas de réponse affirmative, si cette indication est susceptible d’être perçue comme faisant référence à un lieu, à une région ou à un pays en particulier, en rapport avec l’origine de la bière. Il ne serait donc pas contestable que, contrairement aux allégations de la chambre de recours, l’appellation d’origine « bud » serait toujours protégée en Autriche.

59      À titre liminaire, l’OHMI relève que Budvar a renoncé, au cours de la procédure devant la chambre de recours, à fonder son opposition sur la marque figurative internationale n° 361 566, initialement invoquée. Par ailleurs, s’agissant de l’appellation d’origine « bud », Budvar maintiendrait son opposition uniquement par rapport à la protection qui est conférée à ladite appellation en France et en Autriche. Les droits initialement invoqués, s’agissant de l’Italie et du Portugal, seraient désormais abandonnés aux fins de l’opposition.

60      Ensuite, l’OHMI indique, premièrement, qu’il n’a effectivement pas compétence pour se prononcer sur la validité d’un droit antérieur invoqué au soutien d’une opposition.

61      Toutefois, en l’espèce, la chambre de recours n’aurait pas statué sur la validité de l’appellation d’origine antérieure. Elle aurait seulement apprécié l’étendue de sa protection. Il s’agirait d’une question de droit qui devait être tranchée d’office par l’OHMI, même si les parties n’ont pas avancé d’arguments à cet égard [arrêts du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II‑287, point 21, et du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec. p. II‑1677, point 40].

62      La distinction entre la validité et l’opposabilité d’un droit antérieur serait d’ailleurs envisagée par les textes communautaires (l’OHMI vise plus particulièrement l’article 53, paragraphe 1, l’article 43, paragraphes 2 et 3, l’article 78, paragraphe 6, et l’article 107, paragraphe 3, du règlement n° 40/94). Il pourrait dès lors exister des situations dans lesquelles un droit antérieur, même valide, ne pourrait pas être mis en œuvre. Dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’OHMI devrait interpréter et appliquer le droit national comme le ferait une juridiction nationale.

63      Deuxièmement, s’agissant de la protection de l’appellation d’origine « bud » en France, au titre de l’arrangement de Lisbonne, se référant au point 20 de la décision rendue par la chambre de recours dans l’affaire R 234/2005-2, l’OHMI relève que l’article 2, paragraphe 1, dudit arrangement ainsi que l’article L. 641-2 du code rural français (ci-après le « code rural ») requièrent que l’appellation d’origine en cause soit constituée d’un « nom géographique ». Or, Budvar reconnaîtrait que le terme « bud » n’est pas un nom géographique, même si ce terme dérive d’un nom géographique. Pour ce qui est de la référence faite par Budvar à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92, remplacé depuis lors par le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12), l’OHMI souligne que ce règlement n’a pas été invoqué au soutien des oppositions. L’OHMI en conclut qu’une juridiction française considérerait que l’abréviation d’un nom géographique comme le terme « bud » ne peut pas être invoquée pour s’opposer à l’utilisation d’une marque identique, indépendamment du fait que ce terme est protégé au titre de l’arrangement de Lisbonne.

64      L’OHMI ajoute que, même si l’arrangement de Lisbonne prévaut normalement sur les droits nationaux, son article 8 dispose que les poursuites nécessaires pour assurer la protection des appellations d’origine pourront être exercées « suivant la législation nationale ». Par ailleurs, la distinction entre la validité et l’opposabilité d’une appellation d’origine qui n’est pas constituée d’un nom géographique serait pleinement justifiée. Tout d’abord, cette distinction serait envisagée par la règle 16, paragraphe 1, du règlement d’exécution de l’arrangement de Lisbonne, qui prévoit que les « effets » d’un enregistrement international (et non l’enregistrement en tant que tel) peuvent être invalidés dans un pays contractant. Ensuite, cette distinction serait justifiée pour éviter toute distorsion de concurrence si, comme le soutient Budvar, le droit français ne prévoyait pas la possibilité d’invalider les effets de l’appellation d’origine « bud » en France.

65      Troisièmement, s’agissant de la protection de l’appellation d’origine « bud » en Autriche, au titre de la convention bilatérale invoquée dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, l’OHMI soutient que l’article 2 de ladite convention suggère que l’indication protégée doit être géographique, même si elle peut également « contenir » d’autres informations (comme des éléments non géographiques). Une indication non géographique, seule, ne pourrait pas faire l’objet d’une protection. L’OHMI relève toutefois que, dans son arrêt du 18 novembre 2003, Budejovický Budvar (C‑216/01, Rec. p. I‑13617), la Cour a retenu une traduction de l’article 2 légèrement différente. En particulier, la traduction retenue par la Cour indiquerait que l’indication concernée peut être « constituée » d’autres informations.

66      En tout état de cause, l’OHMI considère qu’une juridiction autrichienne exigerait qu’il soit prouvé que, dans le pays d’origine (c’est-à-dire en République tchèque), le signe BUD, lorsqu’il est apposé sur des bières, est perçu par les consommateurs comme faisant référence à la ville de Česke Budějovice. Cela rejoindrait, par ailleurs, la position de la Cour dans son arrêt Budejovický Budvar, point 65 supra, qui a considéré que « s’il ressort des vérifications de la juridiction de renvoi que, selon les conditions de fait et les conceptions prévalant en République tchèque, la dénomination ‘bud’ désigne une région ou un endroit du territoire de cet État et que sa protection y est justifiée au regard des critères de l’article 30 CE, celui-ci ne s’oppose pas non plus à ce que cette protection soit étendue au territoire d’un État membre tel que, en l’espèce, la République d’Autriche » (point 101 de l’arrêt). Or, comme l’aurait relevé à juste titre la chambre de recours, il n’y aurait pas de preuve, en l’espèce, que le nom de la ville de Česke Budějovice aurait été abrégé en « Bud ». Il serait dès lors difficile d’imaginer que les consommateurs de bière en République tchèque verront le terme « bud » comme une indication du fait que la bière a été brassée dans une zone géographique spécifique de ce pays.

67      Quatrièmement, renvoyant aux points 21 et 29 de la décision rendue dans l’affaire R 234/2005-2, l’OHMI souligne que la chambre de recours a considéré que Budvar avait démontré l’utilisation du terme « bud » en tant que marque, mais non en tant qu’appellation d’origine. À cet égard, s’agissant de l’argument de Budvar selon lequel elle aurait utilisé le terme « bud » à la fois comme marque et comme appellation d’origine, l’OHMI rappelle que chaque droit de propriété intellectuelle poursuit une fonction essentielle qui lui est propre. Dans certains cas, les fonctions essentielles de certains droits ne sont pas conciliables. La fonction essentielle de l’appellation d’origine serait de garantir que le produit provenant d’un pays, d’une région ou d’une localité, possède des qualités et des caractéristiques qui sont dues exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et humains. La fonction essentielle de la marque serait de garantir l’origine commerciale du produit. Dès lors que Budvar ne conteste pas que le terme « bud » est utilisé en tant que marque, il ne remplirait pas la fonction essentielle de l’appellation d’origine et ne pourrait pas bénéficier de la protection qui lui est attachée. La chambre de recours aurait considéré, dans ce contexte, que les juridictions françaises et autrichiennes seraient arrivées à la même conclusion et n’auraient pas accordé une protection à Budvar à l’encontre de l’utilisation d’une marque identique au droit antérieur revendiqué.

68      Cinquièmement, l’OHMI évoque les décisions de justice rendues en Autriche et en France.

69      Concernant l’Autriche, dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, l’OHMI souligne que la Cour aurait indiqué dans son arrêt Budejovický Budvar, point 65 supra, qu’une « indication de provenance géographique simple ou indirecte » (comme « bud » selon l’OHMI) pourrait être protégée au titre de la convention bilatérale en cause sauf si cette indication est constituée d’une « dénomination ne se référant ni directement ni indirectement dans ce pays à la provenance géographique du produit qu’elle désigne » (points 107 et 111 de l’arrêt). Le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) et l’Oberlandesgericht Wien, en appel, n’auraient pas accordé de protection à l’appellation d’origine antérieure contre l’usage, par Anheuser-Busch, du signe en cause pour des bières. Le fait que, par jugement du 10 juillet 2006, l’Oberlandesgericht Wien ait mandaté un expert pour déterminer si le terme « bud » pouvait être considéré comme se référant directement ou indirectement à une source géographique de la bière, ne modifierait pas la solution du présent litige devant le Tribunal. Tout d’abord, une réponse positive de l’Oberlandesgericht Wien à cette question n’affecterait pas la légalité des décisions attaquées dans la mesure où elle interviendrait après leur adoption. Ensuite, la charge de prouver que le droit autrichien protège le droit antérieur invoqué pèserait sur Budvar. Elle aurait dès lors dû prouver, devant les instances de l’OHMI, que les conditions posées par la Cour dans son arrêt étaient réunies. À défaut d’une telle preuve, la conclusion de la chambre de recours serait fondée. Enfin, le jugement du Handelsgericht Wien du 22 mars 2006 fourni par Budvar devant le Tribunal retiendrait que, sur la base des pièces versées aux débats, le terme « bud » ne serait pas associé à un nom géographique spécifique en République tchèque.

70      Concernant la France, l’OHMI indique tout d’abord que le fait que le jugement du 30 juin 2004 du tribunal de grande instance de Strasbourg fasse l’objet d’un appel ne modifierait pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle Budvar « n’a pas été capable à ce jour d’empêcher le distributeur [d’Anheuser-Busch] de vendre de la bière en France sous la marque BUD » (point 34 de la décision rendue dans l’affaire R 234/2005-2). Ce jugement confirmerait, par ailleurs, la conclusion selon laquelle le terme « bud » serait une indication simple et indirecte de l’origine géographique du produit, c’est-à-dire un nom auquel n’est pas attachée une qualité, une réputation ou une caractéristique particulière en fonction de l’origine géographique. Le tribunal de grande instance de Strasbourg aurait considéré, pour cette raison, que le terme « bud » n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 2, paragraphe 1, de l’arrangement de Lisbonne, sans qu’il y ait lieu de déterminer si le terme « bud » pouvait désigner un lieu géographique spécifique. Si la cour d’appel devait annuler ce jugement, cela n’affecterait pas la légalité des décisions attaquées dans la mesure où cet arrêt interviendrait après leur adoption. Pour ce qui est des décisions de l’INPI, invoquées par Budvar, elles n’affecteraient pas les décisions attaquées dans la mesure où, tout d’abord, elles se prononcent sur l’enregistrement et non sur l’usage d’une marque, où, ensuite, il n’y a aucune indication selon laquelle ces décisions seraient définitives et où, enfin, ces décisions administratives ont moins de valeur qu’un jugement rendu par une juridiction civile.

71      À titre liminaire, Anheuser-Busch émet certaines observations dans le cadre de l’affaire T‑257/06 qui porte sur la demande d’enregistrement n° 4. Tout d’abord, Anheuser-Busch souligne que Budvar n’a pas invoqué, au soutien de son opposition, d’appellation d’origine « bud » protégée en Autriche, contrairement à ce qui a été indiqué par la chambre de recours dans sa décision du 28 juin 2006 (affaire R 802/2004-2). Ensuite, s’agissant des services visés par la demande d’enregistrement n° 4, Anheuser-Busch indique que l’enregistrement aurait déjà été accordé, à titre définitif, pour les produits relevant des classes 35, 38 et 41, ainsi que pour les services d’« exploitation de bases de données » relevant de la classe 42. La procédure devant la chambre de recours n’aurait porté que sur les « services de restaurants, bars et tavernes » relevant de la classe 42, la division d’opposition n’ayant accueilli l’opposition qu’à cet égard et l’intervenante ayant été la seule partie à introduire un recours contre cette décision. Dès lors, la décision de la division d’opposition serait devenue définitive en ce qu’elle rejette l’opposition pour les services relevant des classes 35, 38 et 41, ainsi que pour les services d’« exploitation de bases de données » relevant de la classe 42.

72      À titre liminaire également, dans toutes les affaires, Anheuser-Busch indique que Budvar se référait, devant la chambre de recours, à des appellations d’origine « bud » au Portugal et en Italie, alors que ces droits auraient été invalidés dans ces pays et que la division d’opposition aurait conclu que l’existence de ces droits n’avait pas été prouvée. Anheuser-Busch relève que, devant le Tribunal, Budvar se limite à invoquer des appellations d’origine « bud » en France et, dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, en Autriche. Anheuser-Busch en déduit que le fondement de l’opposition serait effectivement limité à ces droits.

73      Ensuite, Anheuser-Busch donne son interprétation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. En particulier, elle considère que cette disposition concernerait essentiellement les droits non enregistrés, droits qui naîtraient et subsisteraient grâce à leur utilisation effective sur le marché. Il en irait différemment des marques enregistrées, dont l’existence et la validité naîtraient de l’acte même d’enregistrement. Dans ce cadre, le législateur communautaire aurait choisi de ne pas se référer uniquement au droit national pour ce qui concerne les signes utilisés dans la vie des affaires, mais de ne s’y référer que pour ce qui est de l’existence et de la portée des droits résultant de l’« usage » desdits signes. Ces principes auraient été suivis par la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles)] dans une affaire dite « COMPASS » (24 mars 2004). Conformément à ces principes, l’OHMI aurait non seulement la possibilité, mais aussi le devoir de statuer sur la validité des droits antérieurs au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Anheuser-Busch renvoie également aux directives relatives aux procédures devant l’OHMI (partie C, chapitre 4, section 5.3.4). Bien que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne fixe pas de conditions substantielles à l’étendue d’un tel « usage », il apparaîtrait clairement, au vu du fonctionnement et de la structure de cet article, que l’intention du législateur communautaire était d’appliquer des conditions plus strictes à la protection des droits non enregistrés par rapport aux marques enregistrées. À cet égard, l’usage sérieux requis par les articles 15 et 43 du règlement n° 40/94 devrait être considéré comme le seuil minimal absolu d’utilisation requis dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

74      Sur le fond, Anheuser-Busch indique, premièrement, que la chambre de recours n’a pas statué sur la validité des appellations d’origine en cause. La chambre de recours aurait considéré qu’il n’existait pas, en l’espèce, d’appellation d’origine.

75      Anheuser-Busch soutient, deuxièmement, que le terme « bud » n’est pas un nom de lieu et renvoie, en particulier, à certains documents qu’elle a présentés devant l’OHMI. En particulier, Anheuser-Busch précise que l’enregistrement d’une appellation d’origine ne peut donner une connotation géographique à un terme qui n’en a pas. Par ailleurs, à supposer même que le nom allemand « Budweis » puisse être associé à la ville de Česke Budějovice – ce qui n’aurait pas été prouvé par Budvar – le consommateur devrait se livrer à une gymnastique mentale supplémentaire. Il ne serait dès lors pas évident que le terme « bud » soit compris comme signifiant « Budweis » et soit associé à la ville de Česke Budějovice. De plus, même s’il était exact que les abréviations de termes géographiques peuvent hériter du caractère géographique du terme complet, cela ne pourrait fonctionner que pour des abréviations vraiment communes. Or, aucun argument ni même aucune preuve n’auraient été avancés pour démontrer que le terme « bud » serait utilisé et compris comme étant une abréviation de Česke Budějovice. Le même raisonnement devrait trouver à s’appliquer pour des termes de fantaisie qui, de toute façon, ne rempliraient pas les conditions de l’arrangement de Lisbonne, celui-ci visant, selon l’article 2, paragraphe 1, dudit arrangement, des lieux existants. En tout état de cause, les termes de fantaisie ne pourraient être protégés que s’ils étaient compris dans un sens géographique, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

76      Troisièmement, Anheuser-Busch estime que la chambre de recours avait compétence pour constater si le terme « bud » était – ou non – une appellation d’origine. À cet égard, la chambre de recours ne serait pas liée par l’arrangement de Lisbonne ni par la convention bilatérale. Dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’OHMI devrait établir que toutes les conditions sont réunies pour accepter un motif relatif de refus. À la différence de ce qui se passe avec des marques enregistrées, l’OHMI ne serait lié par aucune décision administrative nationale antérieure, telle que l’enregistrement d’un titre. L’OHMI serait compétent pour statuer sur l’existence et la validité du droit qui fait l’objet du titre en question et aurait, dans ce contexte, la même compétence que les tribunaux nationaux. En déclarant que la protection au titre d’une dénomination géographique est invalide, la chambre de recours n’éteint pas ce droit, elle constate simplement que le droit revendiqué ne peut constituer un obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire.

77      Quatrièmement, les tribunaux français et autrichiens auraient considéré que le terme « bud » ne bénéficiait d’aucune protection en tant qu’appellation d’origine. Bien que ces décisions de justice ne soient pas encore définitives et obligatoires, elles confirmeraient que l’appréciation des faits à laquelle a procédé la chambre de recours dans la décision attaquée était correcte.

78      Anheuser-Busch ajoute, dans le cadre des affaires T‑255/06, T‑257/06 et T‑309/06, que la décision de l’INPI, notifiée le 19 mai 2005, et invoquée par Budvar dans ses recours, n’aurait pas été portée à la connaissance de l’OHMI et devrait dès lors être considérée comme irrecevable. En tout état de cause, la décision de l’INPI visée par Budvar n’aurait été que provisoire, et le refus définitif d’enregistrement reposerait sur une question procédurale et non de fond. Anheuser-Busch renvoie, à cet égard, à son mémoire du 6 avril 2006 déposé devant la chambre de recours dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’affaire T‑257/06.

b)     Appréciation du Tribunal

79      Il y a lieu de rappeler que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 permet de former une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire sur la base d’un signe autre qu’une marque antérieure, cette dernière situation étant envisagée par l’article 8, paragraphes 1 à 3 et 5 [arrêt du Tribunal du 12 juin 2007, Budějovický Budvar et Anheuser-Busch/OHMI (AB GENUINE Budweiser KING OF BEERS), T‑57/04 et T‑71/04, Rec. p. II‑1829, point 85]. Aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre applicable à ce signe, les droits en découlant doivent avoir été acquis antérieurement à la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou à la date de priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire. Toujours selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre applicable à ce signe, ce dernier doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

80      Dans ce cadre, l’acte d’opposition devait notamment comporter, au titre de la règle 15, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, telle qu’applicable au moment du dépôt de l’acte d’opposition de Budvar, une mention du droit antérieur et le nom de l’État membre ou des États membres dans lesquels ce droit existe, ainsi qu’une représentation et, le cas échéant, une description du droit antérieur. Par ailleurs, au titre de la règle 16, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, telle qu’applicable au moment du dépôt de l’acte d’opposition de Budvar, l’acte d’opposition devait de préférence être accompagné des preuves de l’acquisition et de l’étendue de la protection de ce droit.

81      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, qu’il convenait avant tout de déterminer si le signe BUD était effectivement une appellation d’origine. À cet égard, la chambre de recours a tout d’abord indiqué qu’une appellation d’origine est une indication géographique qui informe les consommateurs qu’un produit est originaire d’un lieu, d’une région ou d’un territoire spécifique et qu’il possède certaines caractéristiques attribuables à l’environnement géographique dans lequel il a été produit, tels les facteurs naturels et humains. Ensuite, elle a retenu qu’il était difficile de concevoir que le signe BUD puisse être considéré comme étant une appellation d’origine, voire même comme une indication indirecte de provenance géographique. En particulier, la chambre de recours a estimé que le terme « bud » ne correspondait pas au nom d’un lieu situé en République tchèque. Rien ne prouverait que le nom de la ville où est établie Budvar (à savoir České Budějovice, dont le nom allemand est « Budweis ») ait été abrégé en « Bud ». Il serait difficile dès lors d’imaginer que les consommateurs en France, en Italie, au Portugal et en Autriche, pourront percevoir le terme « bud » comme étant une appellation d’origine, c’est-à-dire une bière brassée dans un lieu géographique spécifique de la République tchèque et ayant certaines caractéristiques attribuables à son environnement géographique. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé que Budvar aurait fait usage du signe BUD comme une marque et non comme une appellation d’origine. De plus, il ne semblerait pas qu’une autre entreprise de České Budějovice (lieu d’établissement de Budvar) soit autorisée à brasser de la bière sous l’appellation d’origine « bud ». Enfin, au vu de ces considérations, la chambre de recours a estimé que la question de savoir si le signe BUD était traité comme une appellation d’origine protégée en Autriche, en vertu d’un traité bilatéral conclu entre cet État membre et la République tchèque, ou en France, en Italie et au Portugal, en vertu de l’arrangement de Lisbonne, revêt une importance secondaire. Même si le signe BUD était traité comme une appellation d’origine dans l’un de ces pays, il serait évident qu’une opposition ne pourrait aboutir, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, sur la base d’un droit présenté comme une appellation d’origine, mais qui, en fait, n’en serait pas une [décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), points 19 à 22 et, par renvoi, dans les autres décisions attaquées].

82      Il convient de faire une distinction, aux fins de l’examen des décisions attaquées, entre l’appellation d’origine « bud » enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne et l’appellation « bud » protégée au titre de la convention bilatérale. Il y a lieu de souligner que la Communauté européenne n’est pas partie auxdits arrangement ou convention.

 Sur l’appellation d’origine « bud » enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne

83      Il y a lieu de relever que la chambre de recours a analysé, selon les termes des décisions attaquées, si le signe BUD « est […] effectivement une appellation d’origine ». Dans ce cadre, la chambre de recours a estimé que l’opposition en cause ne pouvait pas aboutir, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, sur la base d’un droit « présenté comme une appellation d’origine », mais qui, en fait, « n’en est pas une ». En outre, la chambre de recours a considéré que la question de savoir si le signe BUD était traité comme une appellation d’origine protégée, notamment en France en vertu de l’arrangement de Lisbonne, « revêt une importance secondaire ». Il en résulte que la chambre de recours s’est prononcée sur la qualification même d’« appellation d’origine », sans examiner l’étendue de la protection de l’appellation d’origine en cause au regard des droits nationaux invoqués.

84      Premièrement, sans qu’il y ait lieu de s’interroger, dans le cadre de la première branche, sur les effets de l’arrangement de Lisbonne quant à la protection du droit antérieur invoqué au titre du droit français, il convient de relever que l’enregistrement des appellations d’origine au titre dudit arrangement est effectué à la requête des administrations des pays contractants, au nom des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, titulaires du droit d’user de ces appellations selon leur législation nationale. Dans ce cadre, les administrations des pays contractants peuvent déclarer, en indiquant les motifs, dans un délai d’un an à compter de la réception de la notification de l’enregistrement, qu’elles ne peuvent assurer la protection d’une appellation d’origine (article 5, paragraphes 1 et 3, de l’arrangement de Lisbonne).

85      Deuxièmement, il y a lieu de constater que l’appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ne peut pas être considérée comme devenue générique, aussi longtemps qu’elle se trouve protégée comme appellation d’origine dans le pays d’origine. Dans ce cadre, la protection conférée à l’appellation d’origine est assurée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un renouvellement (article 6 et article 7, paragraphe 1, de l’arrangement de Lisbonne).

86      Troisièmement, au titre de la règle 16 du règlement d’exécution de l’arrangement de Lisbonne, lorsque les effets d’un enregistrement international sont invalidés dans un pays contractant et que l’invalidation ne peut plus faire l’objet d’aucun recours, ladite invalidation doit être notifiée au Bureau international par l’administration compétente de ce pays contractant. Dans ce cas, la notification indique l’autorité qui a prononcé l’invalidation. Il en résulte que, au titre de l’arrangement de Lisbonne, les effets d’une appellation d’origine enregistrée ne peuvent être invalidés que par une autorité d’un des pays contractants audit arrangement.

87      En l’espèce, l’appellation d’origine « bud » (n° 598) a été enregistrée le 10 mars 1975. La France n’a pas déclaré, dans le délai d’un an à compter de la réception de la notification de l’enregistrement, qu’elle ne pouvait pas assurer la protection de ladite appellation d’origine. Par ailleurs, au moment de l’adoption des décisions attaquées, les effets de l’appellation d’origine en cause avaient été invalidés par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 30 juin 2004. Toutefois, comme il ressort des pièces versées aux débats, Budvar a interjeté appel de ce jugement, cet appel ayant un effet suspensif. Il en résulte que, au moment de l’adoption des décisions attaquées, les effets de l’appellation d’origine en cause n’avaient pas été invalidés, en France, par une décision non susceptible de recours.

88      Or, ainsi qu’il découle du cinquième considérant du règlement n° 40/94, le droit communautaire des marques ne se substitue pas aux droits des marques des États membres [arrêt du Tribunal du 20 avril 2005, Atomic Austria/OHMI – Fabricas Agrupadas de Muñecas de Onil (ATOMIC BLITZ), T‑318/03, Rec. p. II‑1319, point 31]. Sur cette base, le Tribunal a considéré que la validité d’une marque nationale ne pouvait pas être remise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 55 ; du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 71 ; du 21 avril 2005, PepsiCo/OHMI – Intersnack Knabber-Gebäck (RUFFLES), T‑269/02, Rec. p. II‑1341, point 26, et du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, Rec. p. II‑757, point 88].

89      Il en résulte que le système créé par le règlement n° 40/94 présuppose la prise en compte, par l’OHMI, de l’existence de droits antérieurs protégés au niveau national. Ainsi, l’article 8, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, dispose que le titulaire d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, et ayant effet dans un État membre, peut s’opposer, dans les conditions qu’il détermine, à l’enregistrement d’une marque communautaire (voir, par analogie, arrêt ATOMIC BLITZ, point 88 supra, points 31 et 32). Pour assurer cette protection, l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 vise précisément « le droit de l’État membre qui est applicable » au droit antérieur invoqué.

90      Dès lors que, en France, les effets de l’appellation d’origine « bud » n’ont pas été définitivement invalidés, la chambre de recours devait tenir compte, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, du droit national pertinent et de l’enregistrement effectué au titre de l’arrangement de Lisbonne, sans pouvoir remettre en cause le fait que le droit antérieur invoqué constituait une « appellation d’origine ».

91      Il y a lieu d’ajouter que si la chambre de recours avait des doutes sérieux quant à la qualification d’ « appellation d’origine » du droit antérieur, et donc quant à la protection qu’il convenait de lui accorder au titre du droit national invoqué, alors que cette question faisait justement l’objet d’une procédure juridictionnelle en France, elle avait la possibilité, au titre de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, de suspendre la procédure d’opposition dans l’attente d’un jugement définitif à cet égard.

92      Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en considérant, tout d’abord, que le droit antérieur invoqué, enregistré au titre de l’arrangement de Lisbonne, n’était pas une « appellation d’origine », ensuite, que la question de savoir si le signe BUD était traité comme une appellation d’origine protégée, notamment en France, revêtait une « importance secondaire » et en concluant qu’une opposition ne pourrait aboutir sur cette base.

 Sur l’appellation « bud » protégée au titre de la convention bilatérale

93      Il résulte des termes de l’annexe B de l’accord bilatéral que le terme « bud » a été désigné comme étant une « indication ». Il ne résulte pas dudit accord que l’indication « bud » ait été désignée spécifiquement comme étant une « appellation d’origine ». Par ailleurs, il ne résulte pas dudit accord que le terme « bud » ait été considéré comme constituant une dénomination géographique ou faisant référence à des qualités particulières du produit concerné.

94      Il convient de souligner, à cet égard, que, au sens de l’article 2 de la convention bilatérale, il suffit que les indications ou appellations concernées se rapportent directement ou indirectement à la provenance d’un produit pour pouvoir être énumérées dans l’accord bilatéral et bénéficier, à ce titre, de la protection conférée par la convention bilatérale. Cette définition est, à cet égard, plus large que celle retenue par la chambre de recours. Celle-ci a en effet considéré qu’une « appellation d’origine » était une « indication géographique qui informe les consommateurs qu’un produit est originaire d’un lieu, d’une région ou d’un territoire spécifique et qu’il possède certaines caractéristiques attribuables à l’environnement géographique dans lequel il a été produit, tels les facteurs naturels et humains » [décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), point 19 et, par renvoi, dans les autres décisions attaquées].

95      Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a commis deux erreurs. Tout d’abord, elle a considéré, à tort, que la dénomination « bud » était spécifiquement protégée en tant qu’ « appellation d’origine » au titre de la convention bilatérale. Ensuite, et en tout état de cause, elle a appliqué une définition de l’« appellation d’origine » qui ne correspond pas à la définition des indications protégées au titre de ladite convention.

96      Le fait que Budvar ait pu présenter le droit invoqué comme étant une « appellation d’origine » n’empêchait pas la chambre de recours de se livrer à une appréciation complète des faits et pièces présentés (voir, en ce sens, arrêt ATOMIC BLITZ, point 88 supra, point 38). Cela est particulièrement important lorsque la qualification qu’il convient de donner à un droit antérieur peut avoir une incidence sur les effets dudit droit dans le cadre d’une procédure d’opposition. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’OHMI peut être appelé à tenir compte, notamment, du droit national de l’État membre dans lequel la marque antérieure sur laquelle est fondée l’opposition jouit d’une protection. Dans ce cas, il doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné si de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées. En effet, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par l’OHMI n’exclut pas que celui-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [arrêts du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 29, et ATOMIC BLITZ, point 88 supra, point 35]. Ces principes sont applicables au cas d’espèce. La chambre de recours disposait des éléments nécessaires pour se livrer à une appréciation complète des faits.

97      Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en considérant, tout d’abord, que le droit antérieur invoqué, protégé au titre de la convention bilatérale, n’était pas une « appellation d’origine », selon la définition retenue par la chambre de recours, ensuite, que la question de savoir si le signe BUD était traité comme une appellation d’origine protégée, notamment en Autriche, revêtait une « importance secondaire » et en concluant qu’une opposition ne pourrait aboutir sur cette base.

98      Au surplus, il y a lieu de relever que la convention bilatérale produit encore ses effets en Autriche aux fins de protéger l’appellation « bud ». En particulier, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que les juridictions autrichiennes ont considéré que l’Autriche ou la République tchèque n’ont pas voulu appliquer le principe de la continuité des traités à la convention bilatérale, à la suite du démembrement de la République socialiste tchécoslovaque. Par ailleurs, rien n’indique que l’Autriche ou la République tchèque auraient dénoncé ladite convention. De plus, les litiges en cours en Autriche n’ont pas abouti à l’adoption d’une décision judiciaire définitive. Dans ces conditions, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 88 et 89 ci-dessus, la chambre de recours devait tenir compte, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, du droit antérieur invoqué par Budvar sans pouvoir remettre en cause la qualification même dudit droit.

99      Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen unique doit être accueillie comme étant fondée.

100    Dans la mesure où les décisions attaquées reposent sur d’autres considérations complémentaires, qui font l’objet de la seconde branche, il y a lieu de les analyser ci-après.

2.     Sur la seconde branche relative à l’application des conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94

a)     Arguments des parties

 Arguments de Budvar

101    Premièrement, Budvar indique qu’elle est titulaire du droit antérieur invoqué. Deuxièmement, elle conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe BUD n’aurait pas été utilisé dans la vie des affaires. Troisièmement, elle considère que la chambre de recours a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas été démontré que l’appellation en cause lui donnait le droit d’interdire l’utilisation du terme « bud », en tant que marque, en Autriche ou en France.

–       Sur la condition tenant à ce que l’opposant soit titulaire du droit antérieur invoqué

102    Budvar soutient que, au regard de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, elle est titulaire du droit antérieur invoqué. Contrairement à ce que semblerait suggérer la chambre de recours au point 21 de la décision rendue dans l’affaire R 234/2005-2, Budvar souligne que le fait qu’elle soit l’unique titulaire du droit d’utiliser l’appellation d’origine « bud » n’est pas contraire à la qualification d’appellation d’origine de ce signe, l’usage collectif d’une telle appellation n’étant pas obligatoire. En l’espèce, l’appellation d’origine en cause serait enregistrée au nom de Budvar auprès du ministère de l’Agriculture tchèque et auprès de l’OMPI, lui permettant de l’invoquer dans le cadre de la présente procédure.

–       Sur la condition tenant à l’utilisation dans la vie des affaires du droit antérieur invoqué

103    Rappelant les termes des points 23 et 24 de la décision rendue dans l’affaire R 234/2005-2, Budvar soutient que la chambre de recours ne pouvait pas appliquer, par analogie, les dispositions de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et de la règle 22 du règlement n° 2868/95, pour déterminer si l’appellation d’origine « bud » avait été utilisée « dans la vie des affaires ».

104    Premièrement, Budvar souligne que, au titre de l’article 8 du règlement n° 40/94, seuls les titulaires de marques antérieures enregistrées peuvent être amenés à justifier de l’usage de leur droit, dans le cadre d’une opposition. Les modalités d’une telle preuve seraient alors prévues par la règle 22 du règlement n° 2868/95. Aucun autre droit antérieur invoqué ne pourrait être soumis à l’exigence préalable de la preuve de son usage, selon les critères de l’article 43 du règlement n° 40/94.

105    Deuxièmement, se référant aux sixième et neuvième considérants du règlement n° 40/94, Budvar indique qu’une marque communautaire est refusée à l’enregistrement lorsqu’elle est susceptible de porter atteinte à un « droit antérieur ». Toutefois, lorsque le droit antérieur est constitué d’une marque, celle-ci devrait faire l’objet d’un usage effectif pour constituer un droit opposable à une demande d’enregistrement de marque communautaire. Si le droit antérieur opposé n’est pas une marque, aucune disposition du règlement n° 40/94 n’imposerait la démonstration de l’« usage » dans la vie des affaires de ce signe. Au surplus, le règlement n° 40/94 ne contiendrait aucune autre disposition dérogatoire au principe de protection des droits antérieurs, tendant à imposer la démonstration de l’importance de l’usage dans la vie des affaires. Dans le cadre de l’affaire T‑225/06, Budvar indique que la preuve de l’usage réel et sérieux dans la vie des affaires suffirait. Dans le cadre des autres affaires, Budvar indique que la preuve de l’usage dans la vie des affaires suffirait.

106    Troisièmement, analysant les termes de l’article 43 du règlement n° 40/94, Budvar précise que l’opposant peut être invité par l’OHMI à apporter la preuve de l’exploitation réelle et sérieuse de la marque qu’il invoque, à la requête du demandeur de la marque communautaire. En l’espèce, Anheuser-Busch aurait mis en œuvre cette faculté uniquement s’agissant d’une marque internationale initialement invoquée par Budvar au soutien de son opposition (marque internationale n° 361 566). L’OHMI n’aurait donc pas le pouvoir d’exiger, de sa propre initiative, la preuve de l’exploitation de la marque antérieure, ce droit appartenant au seul demandeur de la marque communautaire. À fortiori, l’OHMI n’aurait pas le droit de faire de la preuve de l’exploitation de l’appellation d’origine invoquée une condition qui, non remplie selon elle, a justifié le rejet de l’opposition. Par ailleurs, Budvar souligne que la faculté de demander, dans le cadre d’une opposition, à ce que la preuve de l’usage de la marque antérieure invoquée soit apportée, est le corollaire logique et nécessaire des règles de déchéance des marques prévues à l’article 10 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), et de l’article 50 du règlement n° 40/94.

107    Quatrièmement, Budvar soutient que le raisonnement de la chambre de recours serait contraire à la jurisprudence communautaire relative à la notion d’« usage dans la vie des affaires », telle que reprise par les articles 4 et 5 de la directive 89/104 et par l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Budvar renvoie en particulier au point 40 de l’arrêt de la Cour du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C‑206/01, Rec. p. I‑10273), et au point 114 de l’arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission (T‑279/03, Rec. p. II‑1291). Pour Budvar, le critère « qualitatif » de l’usage est le seul critère retenu par la jurisprudence, indépendamment de tout critère « quantitatif ». Dès lors, seule la nature commerciale de l’usage serait déterminante, et non une utilisation quantitativement importante.

108    Cinquièmement, Budvar considère que le raisonnement de la chambre de recours serait en contradiction avec la pratique décisionnelle de l’OHMI. Budvar renvoie à cet égard à plusieurs décisions de l’OHMI dans lesquelles il n’aurait pas été exigé un usage quantitativement important du droit antérieur. Par ailleurs, dans les affaires jointes T‑60/04 à T‑64/04, qui portaient sur le signe verbal BUD, et qui ont donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUD) (T‑60/04 à T‑64/04, non publié au Recueil), l’OHMI aurait eu pleinement connaissance de la valeur juridique d’une appellation d’origine. Budvar renvoie à cet égard à plusieurs pièces de procédure dans ces affaires, qu’elle joint en annexe à la requête. Il ressortirait de ces éléments que la pratique décisionnelle de l’OHMI donne une interprétation qualitative de la notion de « signe utilisé dans la vie des affaires », et non quantitative. Le Tribunal, en plus de déclarer que les décisions attaquées sont entachées d’illégalité, devrait également considérer qu’elles sont attentatoires au principe d’égalité de traitement. Budvar renvoie, à cet égard, au point 70 de l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Cargo Partner/OHMI (CARGO PARTNER) (T‑123/04, Rec. p. II‑3979).

109    Tenant compte de l’ensemble de ces éléments et du fait que l’exigence de la chambre de recours en matière de preuve de l’usage du signe antérieur est contraire aux textes communautaires, Budvar soutient que, en l’espèce, des preuves ont été fournies à la chambre de recours pour démontrer qu’elle a exploité l’appellation d’origine « bud » dans le cadre de son activité commerciale et non dans le domaine privé. Budvar communique à nouveau ces documents dans le cadre de la présente procédure, qui sont constitués, pour la France, de plusieurs factures, et pour l’Autriche, dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, de plusieurs attestations, factures et coupures de presse.

110    S’agissant de l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les documents fournis durant la procédure administrative ne permettraient pas d’établir l’usage de l’appellation d’origine « bud », mais seulement celui de la marque BUD, Budvar souligne que la notion d’« usage » ne s’applique pas à une appellation d’origine, dès lors qu’un tel droit n’a pas vocation à individualiser un produit. Budvar ajoute que, en l’espèce, la simple apposition du signe BUD constituerait à la fois l’exploitation de la marque et de l’appellation d’origine. Budvar précise enfin que, dans les affaires jointes T‑60/04 à T‑64/04, relatives à l’appellation d’origine « bud », qui ont donné lieu à l’arrêt BUD, point 108 supra, l’OHMI aurait reconnu que l’usage de cette appellation d’origine était satisfaisant.

–       Sur la condition tenant au droit découlant de l’appellation en cause

111    Budvar soutient qu’elle dispose du droit d’interdire l’usage de la marque demandée en France et également, dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, en Autriche.

112    S’agissant de la France, Budvar invoque plusieurs dispositions du droit français selon que les produits et services demandés sont identiques ou similaires ou différents de la bière.

113    Lorsque les produits en cause sont identiques ou similaires à la bière (c’est-à-dire, selon Budvar, les produits concernés dans le cadre de l’affaire T‑225/06 et de l’affaire T‑309/06 et les produits relevant de la classe 32 dans le cadre de l’affaire T‑255/06), Budvar invoque l’article L. 115‑8, paragraphe 1, et l’article L. 115‑16, paragraphes 1 et 4, du code de la consommation français (ci-après le « code de la consommation ») qui prévoient, en substance, que l’utilisation illégale d’une appellation d’origine peut être interdite et est passible de sanctions. En l’espèce, dès lors que la marque demandée (affaires T‑225/06 et T‑309/06) ou que le signe dominant de la marque demandée (affaire T‑255/06) seraient identiques à l’appellation d’origine concernée et que les produits concernés seraient identiques ou similaires, l’exploitation par Anheuser-Busch du signe BUD porterait atteinte à ladite appellation d’origine.

114    Lorsque les services en cause sont identiques ou semblables à la bière (c’est-à-dire, selon Budvar, les « services de restaurants, bars et tavernes » relevant de la classe 42 dans le cadre de l’affaire T‑257/06), Budvar invoque l’article L. 641‑2 du code rural, repris à l’article L. 115‑5 du code de la consommation, qui prévoit que « [l]e nom géographique qui constitue l’appellation d’origine ou toute autre mention l’évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire […], ni pour aucun autre produit ou service lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d’affaiblir la notoriété de l’appellation d’origine ». Budvar relève à cet égard que les brasseurs, pour promouvoir leurs produits et diversifier leurs activités, ouvrent des restaurants, bars ou pubs à l’enseigne de leur marque. Il semblerait au demeurant que l’intention d’Anheuser-Busch soit d’ouvrir un lieu de consommation de ses propres produits, puisqu’elle a déposé, pour des produits relevant de la classe 32, la demande d’enregistrement contestée BUD, mais également la demande de marque communautaire BAR BUD. En outre, les services de restaurants auraient pour objet principal la préparation et la fourniture de repas, le plus souvent accompagnés de boissons, telles que le vin ou la bière. Ainsi, l’enregistrement de la marque BUD pour les « services de restaurants, bars et tavernes » relevant de la classe 42 permettrait à la société Anheuser-Busch d’ouvrir de tels établissements, induisant en erreur les consommateurs venus y consommer de la bière tchèque BUD et consommant en fait une bière différente.

115    Lorsque les produits ou services en cause sont différents de la bière (c’est-à-dire, selon Budvar, les produits relevant des classes 16, 21 et 25 dans le cadre de l’affaire T‑255/06 et les services autres que les « services de restaurants, bars et tavernes » relevant de la classe 42 dans le cadre de l’affaire T‑257/06), Budvar invoque l’article L. 641‑2 du code rural, précité, et soutient que la reproduction du nom géographique constituant l’appellation d’origine, sans autre adjonction verbale, est interdite pour les produits identiques, similaires et différents. En l’espèce, tant la notoriété de l’appellation d’origine « bud » que le risque d’affaiblissement ou de détournement de cette notoriété devraient être considérés comme acquis. En premier lieu, se référant à l’article 2 de l’arrangement de Lisbonne, Budvar indique que la notoriété de la bière brassée à Budweis a nécessairement été démontrée en République tchèque pour obtenir l’appellation d’origine « bud » concernée. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de l’arrangement de Lisbonne, une appellation d’origine enregistrée au titre dudit arrangement serait protégée sur le territoire français de la même manière que les appellations nationales, sans qu’il soit exigé de démontrer qu’elle bénéficie effectivement d’une quelconque notoriété. En conséquence, la notoriété intrinsèque de l’appellation d’origine dont est titulaire la société Budvar serait susceptible d’être détournée ou affaiblie par l’enregistrement des marques concernées. Aucun texte français n’exigerait que cette notoriété intrinsèque présente un degré particulièrement élevé pour que sa protection s’étende à des produits différents. Une telle exigence serait au demeurant contraire à l’article 3 de l’arrangement de Lisbonne qui prévoirait une protection absolue des appellations d’origine, sans condition liée à la notoriété de l’appellation ni à l’identité ou à la similarité des supports sur lesquels est apposé le signe litigieux, avec le produit protégé par l’appellation d’origine. Le principe de la hiérarchie des normes imposerait que l’article L. 641-2 du code rural soit interprété à la lumière de l’article 3 de l’arrangement de Lisbonne. En second lieu, Budvar souligne que le risque de détournement ou d’affaiblissement de la notoriété de l’appellation d’origine peut être apprécié au regard de l’attitude adoptée par le demandeur de la marque contestée. À cet égard, les marques demandées émaneraient d’un concurrent direct de Budvar, qui avait nécessairement connaissance de la notoriété de l’appellation d’origine en cause, tout au moins sur le territoire tchèque. Les conditions de dépôt des demandes d’enregistrement concernées révéleraient donc, sans ambiguïté de la part du demandeur, une volonté évidente de porter atteinte à la notoriété de l’appellation d’origine en cause, en l’affaiblissant et en détruisant son unicité par la banalisation de la dénomination « bud », mais également une tentative d’appropriation privative de cette appellation d’origine par l’obtention d’une marque BUD.

116    Budvar invoque également, dans toutes les affaires, les articles L. 711‑3 et L. 711‑4 du code de la propriété intellectuelle français (ci-après le « code de la propriété intellectuelle »).

117    Pour ce qui est de l’article L. 711‑3 du code de la propriété intellectuelle, Budvar souligne que cette disposition prévoit, en substance, qu’un signe ne peut être adopté comme marque lorsqu’il est contraire à l’ordre public ou lorsque son utilisation est légalement interdite. Dès lors, sur le fondement de l’article L. 714‑3 dudit code, Budvar pourrait obtenir l’invalidation et l’interdiction d’utiliser la marque verbale BUD. Budvar renvoie, en outre, dans les affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, à plusieurs décisions de justice rendues en France suivant lesquelles la protection accordée aux appellations d’origine serait d’ordre public. Dès lors, conformément à l’article L. 711‑3, sous b), du code de la propriété intellectuelle, une demande d’enregistrement de marque portant sur un signe qui reproduit ou imite une appellation d’origine, devrait être considérée comme contraire à l’ordre public, car contraire au statut des appellations d’origine. Suivant l’article L. 714‑3 du code de la propriété intellectuelle, Budvar pourrait obtenir l’invalidation et l’interdiction d’utilisation de la marque verbale BUD. À cet égard, l’INPI aurait informé Anheuser-Busch que la demande d’enregistrement de la marque BUD, qu’elle avait déposée le 10 septembre 1987 pour désigner des produits de la classe 32 (bières), était susceptible de « tomber sous le coup » de la loi française, car elle serait « contraire à l’ordre public ». De plus, l’article L. 711‑3, sous b), du code de la propriété intellectuelle prohiberait également l’enregistrement d’une marque dont l’utilisation serait légalement interdite. Or, en application de l’article L. 115‑8 du code de la consommation, mentionné précédemment, Budvar serait en droit, en France, de faire sanctionner tout usage par Anheuser-Busch du signe BUD pour désigner des bières et d’autres boissons semblables à la bière. Une telle marque devrait dès lors être considérée comme légalement interdite (y compris pour désigner des produits différents de la bière) au sens de l’article L. 711‑3, sous b), du code de la propriété intellectuelle. À cet égard, Budvar souligne que l’INPI a informé Anheuser-Busch que sa demande d’enregistrement de la marque BUD, déposée en 2001 pour désigner de la bière, était susceptible de « tomber sous le coup » des dispositions de l’article L. 711‑3, sous b), du code de la propriété intellectuelle. En réponse à cette objection, Anheuser-Busch aurait procédé au retrait de sa demande d’enregistrement de marque. Une autre demande d’enregistrement de marque d’Anheuser-Busch portant sur le signe verbal BUD pour désigner de la bière aurait été refusée par l’INPI sur ce même fondement, par notification du 19 mai 2005. Le droit français offrirait ainsi plusieurs moyens juridiques à Budvar pour faire interdire l’usage de la marque BUD par Anheuser-Busch.

118    Pour ce qui est de l’article L. 711‑4 du code de la propriété intellectuelle, Budvar indique que l’enregistrement d’une marque n’est pas possible lorsque celui-ci est susceptible de porter atteinte à une appellation d’origine protégée en France, peu importe que cette demande crée ou non un risque de confusion avec l’appellation d’origine antérieure considérée. Budvar renvoie également à plusieurs décisions de justice, en France, qui auraient annulé des marques antérieures ou postérieures à des appellations d’origine. Budvar serait donc fondée à demander la nullité d’une marque verbale BUD et l’interdiction de son utilisation, quels que soient les produits ou services concernés.

119    En outre, Budvar tient à souligner l’inexactitude de l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le tribunal de grande instance de Strasbourg aurait condamné la requérante pour concurrence déloyale pour avoir tenté d’empêcher le distributeur français de la société Anheuser-Busch de vendre de la bière BUD. La condamnation de Budvar pour concurrence déloyale, à hauteur d’un euro symbolique, porterait sur le fait que la requérante aurait attendu l’année 2002 pour opposer au distributeur de la société Anheuser-Busch ses droits sur l’appellation d’origine « bud ». Par ailleurs, le jugement en cause ferait aujourd’hui l’objet d’une procédure d’appel et ne serait donc pas définitif.

120    S’agissant de l’Autriche, dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, Budvar rappelle que l’appellation d’origine « bud » serait protégée en vertu de la convention bilatérale. Cette appellation d’origine continuerait d’y produire ses effets, malgré l’existence d’un litige actuellement pendant devant l’Oberlandesgericht Wien, relatif à la validité de ce droit. Toutefois, en l’absence de décision définitive dans ce différend, l’appellation d’origine « bud » serait toujours en vigueur en Autriche. Dès lors, sur le fondement de l’article 7 et de l’article 9, paragraphe 1, de la convention bilatérale, l’usage par Anheuser-Busch de la marque verbale BUD, pour désigner des produits identiques ou semblables à la bière, pourrait être sanctionné.

 Arguments de l’OHMI

121    Contrairement à ce que soutiendrait Budvar, l’OHMI n’aurait pas pris position, dans le cadre des affaires jointes T‑60/04 à T‑64/04, qui ont donné lieu à l’arrêt BUD, point 108 supra, sur l’utilisation du terme « bud » comme appellation d’origine. Dans ces affaires, ni la chambre de recours ni les parties n’auraient mis en cause le fait que l’appellation d’origine « bud » était un droit antérieur fondé sur une utilisation dont la portée n’était pas seulement locale. L’OHMI aurait seulement marqué son accord avec cette délimitation du litige.

122    En l’espèce, la protection conférée par l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 devrait être refusée s’il n’est pas prouvé que le droit antérieur a fait l’objet d’une « utilisation dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale ». Cette question, qui relèverait du droit communautaire, serait indépendante du fait de savoir si le droit national requiert, ou non, une utilisation du droit antérieur. En l’espèce, la chambre de recours, en accord avec la division d’opposition, aurait appliqué par analogie les dispositions de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 sur l’usage sérieux des marques antérieures, en soulignant que la preuve qu’imposent ces dispositions est une norme minimale (l’OHMI renvoie, à cet égard, à l’arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 39, et à l’ordonnance de la Cour du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec. p. I‑1159, point 21). L’application d’une telle norme ne serait dès lors pas injuste pour Budvar.

123    Budvar soutiendrait que la notion d’usage dans la vie des affaires serait purement qualitative et non quantitative et qu’il lui suffisait de prouver que l’usage était de nature commerciale. L’OHMI ne voit pas à cet égard de contradiction entre la position de la chambre de recours et celle de Budvar. Budvar reconnaîtrait d’ailleurs, au point 27 de la requête dans l’affaire T‑225/06, que la preuve d’un usage réel et sérieux dans la vie des affaires suffirait pour démontrer l’existence d’un droit dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

124    En se référant dans la même phrase à un « signe utilisé dans la vie des affaires » et au « droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 prévoirait clairement que l’usage dans la vie des affaires doit être démontré pour le territoire de l’État membre concerné, à savoir, en l’espèce, la France et l’Autriche. Compte tenu de la référence faite par la chambre de recours à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, la démonstration d’une telle preuve devrait s’apprécier à la lumière des conditions posées par la règle 22 du règlement n° 2868/95. À cet égard, le lieu, la durée et l’importance de l’usage seraient des facteurs interdépendants qu’il conviendrait de prendre en compte ensemble. La faiblesse d’un des facteurs pourrait être contrebalancée par un autre (l’OHMI renvoie, à cet égard, à l’arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 76).

125    En l’espèce, pour les raisons exposées dans les décisions attaquées, Budvar n’aurait pas apporté la preuve que l’appellation d’origine « bud » aurait fait l’objet d’une utilisation dont la portée n’était pas seulement locale, en France et, s’agissant des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, en Autriche.

126    Par ailleurs, Budvar ne contesterait la conclusion de la chambre de recours que dans la mesure où elle résulte d’une appréciation de l’« usage sérieux », au sens du droit des marques. Budvar n’aurait apporté aucun élément qui permettrait de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours, s’il devait être accepté que l’application, par analogie, de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 était fondée.

127    Dès lors que la condition « communautaire » posée par l’article 8, paragraphe 4, n’est pas remplie, l’opposition pourrait être rejetée, même si la condition « nationale » (à savoir le fait que le droit de l’État membre applicable au signe en cause donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente) est satisfaite.

128    Enfin, comme relevé par la chambre de recours, l’OHMI indique qu’il est regrettable que la division d’opposition ait suivi, dans des affaires précédentes, une approche différente s’agissant de l’utilisation de l’appellation d’origine « bud » en France. Toutefois, la légalité des décisions attaquées ne pourrait s’apprécier que sur le fondement du règlement n° 40/94 et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci. Ensuite, si l’argument de Budvar devait être compris comme mettant en avant une violation du principe d’égalité de traitement, il devrait être rejeté. En effet, les circonstances des différentes affaires ne seraient pas identiques. Par ailleurs, partant du principe que les décisions antérieures étaient entachées d’illégalité, l’OHMI indique que nul ne pourrait invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui.

 Arguments d’Anheuser-Busch

129    À titre liminaire, Anheuser-Busch considère qu’il est difficile de savoir si Budvar prône l’inexistence de la condition d’usage ou bien le fait que cette condition serait simplement soumise à des exigences moins rigoureuses que celles appliquées par la chambre de recours.

130    À titre liminaire également, Anheuser-Busch indique que la condition d’usage formulée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 constitue une norme autonome de droit communautaire, s’appliquant indépendamment des conditions fixées par le droit national pertinent. À cet égard, il ressortirait clairement de cette disposition que la condition d’une utilisation effective dans la vie des affaires serait requise. De plus, cette utilisation effective devrait avoir conféré au signe une portée qui n’est pas seulement locale. Anheuser-Busch ajoute, dans le cadre de l’affaire T‑309/06, que l’utilisation effective du droit en cause devrait être antérieure à la demande d’enregistrement de la marque communautaire.

131    Sur le fond, Anheuser-Busch estime, premièrement, que la règle 22 du règlement n° 2868/95 doit s’appliquer, mutatis mutandis, à la condition d’usage énoncée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. À cet égard, Anheuser-Busch soutient que si l’usage d’un signe doit être prouvé pour qu’il fasse naître des droits sur un territoire spécifique vis-à-vis d’une marque postérieure, les indications à fournir devront faire la preuve que le signe était utilisé sur ce territoire (lieu) pendant le temps exigé (temps), qu’un usage était fait du signe conformément à ce qui était affirmé (nature) et qu’enfin cela se produisait dans le commerce (importance). En d’autres termes, rien ne s’opposerait à l’application, par analogie, de la règle 22 du règlement n° 2868/95 dans le contexte de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

132    Deuxièmement, concernant les critères quantitatifs d’usage, Anheuser-Busch souligne que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne reprend pas le terme « sérieux » contenu à l’article 43, paragraphe 2, du même règlement. Toutefois, la référence à « un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale » impliquerait que l’usage doit être visible dans le commerce. Les preuves concernant un droit basé sur l’usage ne devraient dès lors pas être moindres que celles concernant une marque enregistrée. Anheuser-Busch renvoie, à cet égard, à une application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 par la High Court of Justice (England & Wales) dans une affaire dite « COMPASS » (24 mars 2004). L’OHMI aurait dès lors conclu, à juste titre, que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 contient des critères quantitatifs qui seraient, de surcroît, plus stricts que ceux concernant les marques enregistrées.

133    S’agissant du fait, avancé par Budvar, que la partie intervenante n’aurait pas formellement demandé d’apporter la preuve de l’usage de l’appellation d’origine en cause, Anheuser-Busch soutient qu’elle a déclaré, dans chacun de ses écrits, que Budvar devait fournir une telle preuve. En outre, une demande « formelle » en ce sens, tel que requis par l’article 22, paragraphe 5, du règlement n° 2868/95, ne s’appliquerait pas dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Cette disposition mentionnerait en effet, comme condition légale pour accueillir l’opposition, l’utilisation dans la vie des affaires. En revanche, s’agissant des marques enregistrées, leur usage ne devrait être démontré que si une telle preuve était formellement demandée. L’analogie faite par Budvar avec l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 serait donc absurde.

134    S’agissant de la référence faite par Budvar aux articles 4 et 5 de la directive 89/104 et à l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, Anheuser-Busch indique que ces dispositions visent un usage « illicite ». L’interprétation de la notion d’« usage dans la vie des affaires » différerait donc par rapport aux dispositions applicables dans la présente affaire. Les renvois opérés par Budvar à cet égard seraient, dès lors, inopérants.

135    Par ailleurs, la condition d’usage concernant les marques, telle qu’interprétée par la Cour (en particulier le fait qu’il n’existe pas de seuil « minimal » pour l’usage sérieux d’une marque), ne saurait être appliquée aux droits fondés sur l’usage qui sont visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Dès lors que la base de l’opposition serait uniquement fondée sur l’usage, il serait tout à fait correct d’appliquer des critères plus stricts et d’exiger un usage plus visible du signe sur le marché que dans le cadre des marques enregistrées. En l’espèce, la division d’opposition et la chambre de recours n’auraient même pas appliqué des critères plus stricts, mais auraient appliqué, par analogie, les conditions reprises à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94.

136    Troisièmement, Anheuser-Busch soutient que, en l’espèce, Budvar n’aurait pas apporté la preuve d’un usage dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

137    Dans le cadre de l’affaire T‑225/06, et concernant la France, les preuves fournies seraient insuffisantes pour démontrer une quelconque utilisation dans la vie des affaires. Pour ce qui est de l’Autriche, Anheuser-Busch souligne que l’usage faible ne concerne qu’un produit sur lequel sont apposés les termes « bud super strong », qui n’était fourni qu’à un seul distributeur. Il n’existerait aucune preuve du fait que ce distributeur ait vendu un produit sur lequel sont apposés les termes « bud » au consommateur. Anheuser-Busch ajoute, à cet égard, que le terme « bud » était, de toute évidence, utilisé comme marque. Par ailleurs, et en dehors du fait que le terme « bud » ne serait pas une dénomination géographique, ce dernier, associé aux termes anglais « super strong », pourrait faire référence à une bière originaire des États-Unis ou d’un pays anglophone, mais certainement pas à une ville tchèque.

138    Dans le cadre de l’affaire T‑255/06, Anheuser-Busch indique tout d’abord que, s’agissant de l’Autriche, Budvar aurait soumis des éléments de preuve de l’usage en dehors des délais requis par l’OHMI. Suivant la règle 19, paragraphe 4, du règlement n° 2868/95 et la pratique de l’OHMI, ces éléments de preuve devraient dès lors être écartés. En tout état de cause, les preuves fournies, y compris pour la France, seraient insuffisantes pour démontrer une quelconque utilisation dans la vie des affaires. À cet égard, Anheuser-Busch relève que les preuves de l’usage ne concernent qu’un produit sur lequel sont apposés les termes « bud super strong » et avance des arguments semblables à ceux développés dans le cadre de l’affaire T‑225/06, point 137 ci-dessus. Par ailleurs, s’agissant spécifiquement de la France, Anheuser-Busch relève que les quatre « factures » présentées par Budvar seraient, à l’évidence, des bons de livraison pour des expéditions gratuites, comme le démontrerait l’indication « Free of charge ». De plus, deux des factures en cause seulement seraient antérieures à la demande de marque communautaire et l’une d’entre elles ne mentionnerait pas de destinataire. Prises ensemble, ces factures ne couvriraient que 70 litres du produit sur lequel sont apposés les termes « bud super strong », c’est-à-dire environ la consommation moyenne de deux consommateurs moyens français par an. S’agissant de l’Autriche, les documents fournis montreraient des livraisons d’un produit sur lequel sont apposés les termes « bud super strong » à un seul distributeur, et cela pour seulement 35 hectolitres.

139    Dans le cadre de l’affaire T‑257/06, et s’agissant de la France, Anheuser-Busch relève également que les quatre « factures » présentées par Budvar seraient, à l’évidence, des bons de livraison pour des expéditions gratuites, comme le démontrerait l’indication « Free of charge ». Par ailleurs, une des quatre factures en cause serait postérieure à la demande de marque communautaire. En outre, Anheuser-Busch relève que les preuves de l’usage ne concernent qu’un produit sur lequel sont apposés les termes « bud super strong » et avance des arguments semblables à ceux développés dans le cadre de l’affaire T‑225/06, point 137 ci-dessus.

140    Dans le cadre de l’affaire T‑309/06, Anheuser-Busch relève que les preuves de l’usage ne concernent qu’un produit sur lequel sont apposés les termes « bud super strong » et avance des arguments semblables à ceux développés dans le cadre de l’affaire T‑225/06, point 137 ci-dessus.

141    Quant au fait allégué par Budvar selon lequel l’OHMI aurait reconnu, dans le cadre de l’affaire T‑62/04 devant le Tribunal, qu’un usage suffisant du signe BUD en France aurait été démontré, il serait inexact. L’OHMI aurait simplement voulu confirmer, dans cette affaire qui, au demeurant, était différente quant aux produits demandés, que les appellations d’origine étaient en principe considérées comme des signes au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

142    Quatrièmement, Anheuser-Busch considère que Budvar n’aurait pas suffisamment démontré qu’elle avait le droit d’interdire la marque demandée.

143    S’agissant du droit français, Anheuser-Busch indique, de manière générale, que Budvar aurait cité un grand nombre de dispositions du droit français de façon très vague, ce qui serait contraire à la charge de la preuve qui pèserait sur l’opposant au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.

144    Plus spécifiquement, pour ce qui est des dispositions du code de la propriété intellectuelle invoquées par Budvar, Anheuser-Busch précise qu’elles visent l’enregistrement des marques en France. Elles ne seraient dès lors pas pertinentes dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 qui vise l’interdiction d’utiliser une marque.

145    Pour ce qui est des dispositions du code de la consommation invoquées, Anheuser-Busch indique tout d’abord que Budvar viserait pour la première fois, dans les affaires T‑225/06 et T‑309/06, l’article L. 115‑8 dudit code. Anheuser-Busch ajoute, dans l’affaire T‑225/06, que dans la mesure où les questions de droit national seraient des questions de fait, l’invocation de cette disposition constituerait un fait nouveau et, partant, ne devrait pas être prise en compte par le Tribunal.

146    S’agissant de l’article L. 641-2 du code rural, repris à l’article L. 115-5 du code de la consommation, Anheuser-Busch précise, en premier lieu, dans les affaires T‑255/06, T‑257/06 et T‑309/06, qui concernent en tout ou partie des produits ou des services différents, que Budvar n’aurait pas apporté la preuve de l’existence d’une quelconque notoriété de l’appellation d’origine en cause sur le territoire français. Anheuser-Busch renvoie, à cet égard, au mémoire qu’elle a déposé devant le Tribunal dans l’affaire T‑60/04 et qu’elle joint en annexe. Anheuser-Busch estime, en deuxième lieu, dans l’affaire T‑257/06 qui concernerait notamment, selon Budvar, des services « semblables » à la bière, que les allégations de l’opposant seraient infondées. En particulier, Anheuser-Busch soutient que des « services » (tels que les « services de restaurants, bars et tavernes » relevant de la classe 42 visés par Budvar) ne pourraient pas être des « produits similaires » au sens de l’article L. 641-2 du code rural. Cela serait en conformité avec l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les droits de propriété intellectuelle appliqués au commerce (ADPIC) qui ne vise que la protection d’indications géographiques en relation avec des produits. Le terme « similaires », employé à l’article L. 641-2 du code rural, viserait des produits qui appartiennent à la même catégorie de produits, mais qui ne respectent pas les mêmes critères qualitatifs que ceux de l’appellation d’origine. Il s’agirait d’un concept plus étroit que celui de la similarité dans le cadre du risque de confusion en droit des marques. Dans ce dernier cadre, une similarité faible des produits ou des services concernés pourrait également aboutir à un risque de confusion. En tout état de cause, les « services de restaurants, bars et tavernes » relevant de la classe 42 ne seraient pas semblables à la bière. Anheuser-Busch renvoie, à cet égard, en particulier, à l’arrêt du Tribunal du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai) (T‑33/03, Rec. p. II‑763).

147    S’agissant du droit autrichien, et dans le cadre des affaires T‑225/06, T‑255/06 et T‑309/06, Anheuser-Busch avance que Budvar n’aurait pas exposé les dispositions pertinentes sur lesquelles elle s’appuie. L’article 7, paragraphe 1, de la convention bilatérale, à laquelle Budvar s’est référée à plusieurs reprises, exposerait clairement qu’« il est fait application de toutes les mesures judiciaires et administratives qui, selon la législation de l’État contractant dans lequel la protection est demandée, sont prévues […] dans les conditions fixées par cette législation ». Le seul fait que l’article 9, paragraphe 1, de ladite convention permette d’introduire directement une action en justice ne pourrait à l’évidence remplacer le fondement légal de l’action.

b)     Appréciation du Tribunal

148    À titre liminaire, il y a lieu de relever que les arguments de Budvar visant à démontrer qu’elle serait titulaire du droit invoqué concernent, en fait, une constatation factuelle qui a permis à la chambre de recours de conclure que l’appellation « bud » n’était pas une appellation d’origine. Cette conclusion de la chambre de recours ayant fait l’objet de la première branche du moyen unique, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments de Budvar dans le cadre de la deuxième branche.

149    Pour le reste, Budvar soulève deux griefs qui visent l’application, par la chambre de recours, des conditions posées par l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Par son premier grief, Budvar remet en cause l’application faite par la chambre de recours des conditions tenant à l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale. Par son second grief, Budvar remet en cause l’application faite par la chambre de recours de la condition tenant au droit découlant du signe invoqué au soutien de l’opposition.

 Sur le premier grief, relatif à l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale

150    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans le cadre de l’affaire T‑255/06, Anheuser-Busch indique, s’agissant de l’Autriche, que Budvar aurait soumis des éléments de preuve de l’usage du droit invoqué en dehors des délais requis par l’OHMI. Anheuser-Busch soutient que, suivant la règle 19, paragraphe 4, du règlement n° 2868/95 et la pratique de l’OHMI, ces éléments de preuve devraient être écartés.

151    Toutefois, à supposer que les arguments d’Anheuser-Busch doivent être compris comme un moyen autonome fondé sur l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, il convient de relever que ce moyen est incompatible avec les propres conclusions de l’intervenante et devra, dès lors, être rejeté [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Jabones Pardo/OHMI – Quimi Romar (YUKI), T‑278/04, non publié au Recueil, points 44 et 45, et AB GENUINE Budweiser KING OF BEERS, point 79 supra, point 220]. En effet, les arguments avancés par Anheuser-Busch visent à contester, en substance, un aspect de la décision attaquée, puisque la chambre de recours n’a pas considéré, à la différence de la division d’opposition, qu’il fallait écarter les documents en cause. Or, Anheuser-Busch n’a pas conclu à l’annulation ou à la réformation de ladite décision en vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure.

152    En tout état de cause, à supposer que la règle 19 du règlement n° 2868/95, et en particulier son paragraphe 4, dans sa version invoquée par Anheuser-Busch au soutien de ses prétentions, puisse s’appliquer dans le contexte de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il y a lieu de relever que cette règle a été introduite par le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005, modifiant le [règlement n° 2868/95] (JO L 172, p. 4), entré en vigueur le 25 juillet 2005, c’est-à-dire après le dépôt, par Budvar, de son acte d’opposition et des preuves relatives à l’usage du droit invoqué en Autriche. Or, il convient de rappeler que, en règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication. Il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 20, et du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 10). Une telle jurisprudence, ainsi que la Cour l’a précisé, est également applicable dans le cas où la rétroactivité n’est pas prévue expressément par l’acte lui-même, mais résulte de son contenu (arrêts de la Cour du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C‑368/89, Rec. p. I‑3695, point 17 ; du 29 avril 2004, Gemeente Leusden et Holin Groep, C‑487/01 et C‑7/02, Rec. p. I‑5337, point 59, et du 26 avril 2005, « Goed Wonen », C‑376/02, Rec. p. I‑3445, point 33 ; arrêt du Tribunal du 3 mai 2007, Freistaat Sachsen/Commission, T‑357/02, Rec. p. II‑1261, point 95). En l’espèce, rien dans les termes ni dans l’économie générale du règlement n° 1041/2005 ne permet de considérer que les dispositions introduites par ledit règlement devraient s’appliquer de façon rétroactive.

153    En outre, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits qui n’auraient pas été invoqués ou des preuves qui n’auraient pas été produites en temps utile par les parties. Il découle d’un tel libellé que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement n° 40/94 et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, points 41 et 42). En l’espèce, Anheuser-Busch n’invoque pas, au soutien de ses prétentions, la violation par la chambre de recours de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Anheuser-Busch n’invoque pas non plus, en dehors de la règle 19 du règlement n° 2868/95, telle qu’introduite par le règlement n° 1041/2005, d’autres dispositions réglementaires qui amèneraient à considérer que la chambre de recours était tenue d’écarter les documents produits par Budvar, s’agissant de l’Autriche.

154    Il résulte de ce qui précède que les arguments d’Anheuser-Busch visant à faire constater, s’agissant de l’Autriche, que Budvar aurait soumis des éléments de preuve de l’usage du droit invoqué en dehors des délais requis par l’OHMI doivent être rejetés.

155    Sur le fond, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’opposition repose sur un « signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale ».

156    Deux conditions cumulatives ressortent de cette disposition. Tout d’abord, le signe en cause doit être utilisé « dans la vie des affaires ». Ensuite, le signe en cause doit avoir une « portée » qui n’est pas seulement locale.

157    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le libellé de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 impliquait que le signe en cause doit être « effectivement » utilisé dans le commerce.

158    À cet égard, la chambre de recours a considéré qu’il n’était pas déraisonnable d’appliquer, par analogie, les dispositions de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, et de la règle 22 du règlement n° 2868/95. En particulier, la chambre de recours a avalisé l’approche retenue par la division d’opposition visant à exiger la preuve d’un usage « sérieux » du droit antérieur. Sur cette base, la chambre de recours a estimé, en substance, que les preuves fournies par Budvar quant à l’usage de l’appellation d’origine « bud », en Autriche, en France, en Italie et au Portugal étaient insuffisantes [décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), points 24 à 31, et, par renvoi, dans les autres décisions attaquées].

159    Il convient de faire une distinction, aux fins de l’examen des décisions attaquées, entre la condition relative à l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires et celle relative à sa portée.

–       Sur la condition tenant à l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires

160    La chambre de recours ayant fait application, par analogie, des dispositions communautaires relatives à l’usage sérieux de la marque antérieure, il y a lieu de rappeler que l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition. En vertu de la règle 22 du règlement n° 2868/95, les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée.

161    Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par l’enregistrement (voir arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 72, et la jurisprudence citée). Il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Cet usage doit, en revanche, être quantitativement suffisant (voir, en ce sens, ordonnance La Mer Technology, point 122 supra, points 21 et 22, et arrêt Il Ponte Finanziaria/OHMI, précité, point 73).

162    L’exigence tenant à l’usage sérieux de la marque antérieure tient au fait que, à défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou des services (article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94). Il y a lieu de relever également que l’absence d’usage sérieux, sans juste motif, de la marque communautaire pendant une période ininterrompue de cinq ans dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, peut entraîner sa déchéance [article 15, paragraphe 1, et article 50, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94]. L’article 12 de la directive 89/104 contient des dispositions similaires, s’agissant des marques nationales.

163    Or, les finalités et les conditions liées à la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure diffèrent de celles relatives à la preuve de l’utilisation, dans la vie des affaires, du signe visé par l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, en particulier lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ou d’une appellation protégée au titre de la convention bilatérale.

164    À cet égard, il y a lieu de constater, premièrement, que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne vise pas l’utilisation « sérieuse » du signe invoqué au soutien de l’opposition.

165    Deuxièmement, dans le cadre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 89/104, la Cour et le Tribunal ont considéré de façon constante que l’usage d’un signe a lieu dans la « vie des affaires » dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé (arrêts de la Cour Arsenal Football Club, point 107 supra, point 40 ; du 25 janvier 2007, Adam Opel, C‑48/05, Rec. p. I‑1017, point 18 ; ordonnance de la Cour du 20 mars 2007, Galileo International Technology e.a./Commission, C‑325/06 P, Rec. p. I‑44, point 32, et arrêt de la Cour du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, Rec. p. I‑7041, point 17 ; arrêts du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, Rec. p. II‑1677, point 93, et Galileo International Technology e.a./Commission, point 107 supra, point 114). Il s’agit, en fait, de déterminer si le signe en cause fait l’objet d’une utilisation commerciale (conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt Arsenal Football Club, point 107 supra, Rec. p. I‑10275, point 62).

166    Troisièmement, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, certains signes peuvent ne pas perdre les droits qui y sont attachés, et cela malgré le fait qu’ils ne font pas l’objet d’un usage « sérieux ». Il y a lieu de relever, à cet égard, qu’une appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ne pourra être considérée comme devenue générique, aussi longtemps qu’elle se trouve protégée comme appellation d’origine dans le pays d’origine. Par ailleurs, la protection conférée à l’appellation d’origine est assurée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un renouvellement (article 6 et article 7, paragraphe 1, de l’arrangement de Lisbonne). Cela ne signifie pas pour autant que le signe invoqué au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 peut ne pas être utilisé. Toutefois, l’opposant peut se limiter à démontrer que l’utilisation du signe en cause a été faite dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique, sans pour autant prouver, au sens et selon les conditions posées par l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et par la règle 22 du règlement n° 2868/95, un usage sérieux dudit signe. Une interprétation contraire reviendrait à faire peser sur les signes visés par l’article 8, paragraphe 4, des conditions spécifiquement liées aux marques et à l’étendue de leur protection. Il y a lieu d’ajouter que, à la différence de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, l’opposant doit encore démontrer, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, que le signe en cause lui donne le droit, selon le droit de l’État membre concerné, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

167    Quatrièmement, et surtout, en appliquant par analogie l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et la règle 22 du règlement n° 2868/95 au cas d’espèce, la chambre de recours a notamment analysé l’usage du signe en cause en Autriche, en France, en Italie et au Portugal, de façon séparée, c’est-à-dire sur chacun des territoires dont relève, selon Budvar, la protection de l’appellation « bud ». Cela a également conduit la chambre de recours à ne pas tenir compte d’éléments de preuve produits par Budvar dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la décision de la chambre de recours, du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), qui a servi de base aux autres décisions attaquées, concernant l’utilisation des appellations en cause au Benelux, en Espagne et au Royaume-Uni. Or, il ne ressort pas des termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 que le signe en cause doive faire l’objet d’une utilisation sur le territoire dont le droit est invoqué au soutien de la protection dudit signe. Il y a lieu de considérer, à cet égard, que les signes visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, en particulier les appellations en cause dans la présente affaire, peuvent faire l’objet d’une protection sur un territoire spécifique, alors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une utilisation sur ledit territoire spécifique, mais seulement sur un autre territoire.

168    Au vu de ces éléments, la chambre de recours a commis une erreur de droit en décidant d’appliquer, par analogie, les dispositions communautaires relatives à l’usage « sérieux » de la marque antérieure, en particulier pour déterminer si les signes en cause avaient fait l’objet d’une utilisation « dans la vie des affaires », et cela de façon séparée, en Autriche, en France, en Italie et au Portugal. La chambre de recours aurait dû vérifier si les éléments fournis par Budvar durant la procédure administrative reflétaient l’utilisation des signes en cause dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique, et non dans le domaine privé, et cela quel que soit le territoire concerné par cette utilisation. Pour autant, l’erreur de méthodologie commise par la chambre de recours ne pourrait justifier l’annulation des décisions attaquées que si Budvar avait établi que les signes en cause étaient utilisés dans la vie des affaires.

169    À cet égard, il importe de souligner que, aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’opposition repose sur un signe « utilisé » dans la vie des affaires. Il ne résulte pas de cette disposition, contrairement à ce que soutient Anheuser-Busch, que l’opposant doive démontrer que le signe en cause a été utilisé antérieurement à la demande de marque communautaire. Tout au plus peut-il être exigé, à l’instar de ce qui est demandé pour les marques antérieures, et cela pour éviter des utilisations du droit antérieur provoquées uniquement par une procédure d’opposition, que le signe en cause ait été utilisé avant la publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires.

170    En l’espèce, les demandes de marque communautaire ont été publiées les 7 décembre 1998 (demande d’enregistrement n° 2), 2 mai 2000 (demande d’enregistrement n° 1), 26 février 2001 (demande d’enregistrement n° 3) et 5 mars 2001 (demande d’enregistrement n° 4).

171    Les documents présentés par Budvar, visés par la décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), sont constitués de coupures de presse en Autriche (1997), de factures émises en Autriche, en France et en Italie (de 1997 à 2000) accompagnées, le cas échéant, de déclarations écrites solennelles émanant d’employés ou de clients de Budvar.

172    Il y a lieu d’ajouter que, en dehors de ces documents, Budvar a fourni à l’OHMI, le 31 janvier 2002, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), qui a servi de base aux autres décisions attaquées, des factures émises en Espagne (2000) et au Royaume-Uni (1998), ainsi que des récompenses accordées par « Monde Sélection – Institut international pour les sélections de la qualité », établi à Bruxelles (de 1999 à 2001).

173    Les documents fournis par Budvar couvrent, ainsi, des périodes allant de 1997 à 2001. Les documents relatifs aux années 1997 et 1998 peuvent être utilisés dans le cadre de la demande d’enregistrement n° 2. Les documents relatifs à l’année 1999 peuvent être employés, en plus, pour la demande d’enregistrement n° 1. Le reste des documents peut être employé, en plus, pour les autres demandes d’enregistrement. Il en résulte que ces documents sont susceptibles de démontrer, sous réserve de leur valeur probante, que le signe en cause est « utilisé » dans la vie des affaires.

174    Sur le fond, il y a lieu de constater, tout d’abord, que ces documents font référence à un produit sur lequel sont apposés les termes « bud strong » ou « bud super strong » et pas seulement « bud », comme cela a été relevé à juste titre par la chambre de recours. Toutefois, les termes « strong » ou « super strong », utilisés en association avec le terme « bud », peuvent être facilement compris du consommateur – anglophone ou non – comme signifiant « fort » ou « super fort ». Le consommateur percevra ces mentions comme étant descriptives de certaines qualités que le producteur souhaite associer aux produits en cause, à savoir les bières. En outre, les étiquettes des bouteilles de bière qui ont été produites montrent clairement que le terme « bud » est inscrit en caractères de grande taille et de façon centrale alors que les termes « super » et « strong » sont inscrits sous le terme « bud » et en petits caractères. Compte tenu de ces éléments, l’adjonction des termes « super » et « strong » ne peut avoir pour effet d’altérer la fonction du terme « bud » dans le cadre des appellations concernées, à savoir l’indication de la provenance géographique des produits en cause, telle qu’alléguée par Budvar.

175    Ensuite, une indication visant à indiquer la provenance géographique d’un produit peut être utilisée, à l’instar d’une marque, dans la vie des affaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Gerolsteiner Brunnen, C‑100/02, Rec. p. I‑691). Cela ne signifie pas pour autant, comme le soutient la chambre de recours dans les décisions attaquées, que l’appellation concernée serait utilisée « comme une marque » et perdrait, dès lors, sa fonction première. Cette conclusion est indépendante du fait, relevé par la chambre de recours, que Budvar serait également titulaire d’une marque BUD, laquelle, au demeurant, ne fait pas partie du cadre juridique ou factuel du présent litige. Au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il suffit de constater que le signe invoqué au soutien de l’opposition est utilisé dans la vie des affaires. Le fait que ce signe soit identique à une marque ne signifie pas pour autant qu’il n’est pas utilisé dans la vie des affaires. Au surplus, il convient de constater que l’OHMI et Anheuser-Busch ne précisent pas clairement en quoi le signe BUD aurait été utilisé « comme une marque ». En particulier, rien n’indique que la mention « bud », apposée sur les produits en cause, renverrait plus à l’origine commerciale qu’à l’origine géographique du produit, telle qu’alléguée par Budvar. Il y a lieu de relever, au demeurant, que les étiquettes des produits en cause, telles qu’elles ressortent du dossier de l’OHMI et comme cela a été confirmé lors de l’audience, reprennent également, sous la mention « bud », le nom de l’entreprise productrice, en l’occurrence Budějovický Budvar.

176    Enfin, s’agissant de l’argument d’Anheuser-Busch selon lequel certaines factures porteraient la mention « Free of charge », il suffit de constater que cette mention ne concerne qu’une partie des documents présentés par Budvar. Cela laisse intacte la valeur probante des autres documents produits. En tout état de cause, à supposer même que les livraisons en cause aient été faites à titre gratuit, cela ne signifie pas pour autant qu’elles relèvent du domaine privé. En effet, dès lors que les livraisons en cause ont été effectuées à des commerçants, comme il ressort des en-têtes des factures concernées, ce qui n’a pas été contesté par Anheuser-Busch, ces livraisons ont pu être réalisées dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique, à savoir conquérir de nouveaux débouchés.

177    Au vu de ce qui précède, et compte tenu de l’ensemble des documents présentés par Budvar devant l’OHMI, il y a lieu de considérer que Budvar a apporté la preuve que les signes en cause sont utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, contrairement à la conclusion de la chambre de recours.

178    Il y a dès lors lieu d’accueillir le grief de Budvar à cet égard.

–       Sur la condition tenant à la portée du signe en cause

179    Bien que la chambre de recours n’ait pas explicitement traité de la portée du signe en cause, elle a établi un lien entre cette condition et celle tenant à la preuve de l’utilisation dudit signe. En particulier, dans le cadre de l’analyse de l’utilisation, en France, de l’appellation d’origine « bud » enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne, la chambre de recours a conclu que « la preuve de l’usage en France est insuffisante pour démontrer l’existence d’un droit dont la portée n’est pas seulement locale » [décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), point 30, et, par renvoi, dans les autres décisions attaquées].

180    Or, la lecture des termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 amène à considérer que cette disposition vise la portée du signe en cause et non la portée de son utilisation. La portée du signe en cause recouvre, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’étendue géographique de sa protection. Celle-ci ne doit pas être seulement locale. Dans pareil cas, une opposition à une demande de marque communautaire ne saurait prospérer. L’article 107 du règlement n° 40/94, qui s’intitule « Droits antérieurs de portée locale », précise d’ailleurs que « [l]e titulaire d’un droit antérieur de portée locale peut s’opposer à l’usage de la marque communautaire sur le territoire où ce droit est protégé dans la mesure où le droit de l’État membre concerné le permet ». La portée du droit est donc étroitement liée au territoire où ce droit est protégé.

181    Dans ces conditions, la chambre de recours a également commis une erreur de droit lorsque, s’agissant de la France, elle a fait un lien entre la preuve de l’utilisation du signe concerné et la condition tenant au fait que le droit en cause doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale. Il suffit de constater, à cet égard, que les droits antérieurs invoqués ont une portée qui n’est pas seulement locale dans la mesure où leur protection, au titre de l’article 1er, paragraphe 2, de l’arrangement de Lisbonne et de l’article 1er de la convention bilatérale, s’étend au-delà de leur territoire d’origine.

182    Pour les raisons qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier grief de la seconde branche du moyen unique comme étant fondé.

183    Dans la mesure où la chambre de recours a également considéré que Budvar n’avait pas apporté la preuve que les signes en cause lui donnaient le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, et dès lors que cette conclusion de la chambre de recours pourrait suffire à fonder le rejet de l’opposition, il y a lieu d’analyser, ci-après, le second grief de la seconde branche du moyen unique.

 Sur le second grief, relatif au droit découlant du signe invoqué au soutien de l’opposition

184    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre applicable au signe invoqué, ce signe doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

185    L’article 8 du règlement n° 40/94 étant consacré aux motifs relatifs de refus, et compte tenu de l’article 74 du même règlement, la charge de prouver que le signe en cause donne le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente pèse sur l’opposant devant l’OHMI.

186    En l’espèce, Budvar a invoqué certains droits nationaux au soutien de son opposition. Budvar n’a invoqué aucune législation communautaire.

187    Dans ce contexte, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale invoquée et des décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Il y a lieu de souligner que, dans le contexte de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, la démonstration de l’opposant doit se placer dans la perspective de la marque communautaire demandée à l’enregistrement (arrêt AB GENUINE Budweiser KING OF BEERS, point 79 supra, points 85 à 89).

188    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que l’opposition devait également être rejetée au motif que Budvar n’avait pas démontré que les signes en cause lui donnaient le droit d’interdire l’utilisation du terme « bud », en tant que marque, en Autriche ou en France.

189    Plus précisément, s’agissant de l’Autriche, la chambre de recours relève que, par son arrêt du 8 décembre 2004, le Handelsgericht Wien a rejeté une demande d’injonction interdisant l’utilisation du terme « bud » en rapport avec la bière commercialisée par Anheuser-Busch. Cet arrêt aurait été confirmé par l’Oberlandesgericht Wien le 21 avril 2005. Les arrêts se fonderaient sur la conclusion que le terme « bud » n’est pas un nom de lieu et n’est pas compris par les consommateurs de la République tchèque comme désignant une bière de České Budějovice. Bien que l’arrêt de l’Oberlandesgericht Wien fasse l’objet d’un recours devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), la chambre de recours relève qu’il repose sur l’arrêt Budejovický Budvar, point 65 supra, rendu dans le cadre d’une question préjudicielle, et sur des constatations factuelles dont la révision par une juridiction de dernière instance serait peu probable. La chambre de recours en conclut que Budvar n’a pas le droit d’interdire à Anheuser-Busch d’utiliser la marque BUD en Autriche [décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), point 32, et, par renvoi, dans les autres décisions attaquées].

190    S’agissant de la France, la chambre de recours relève que l’appellation d’origine « bud » aurait été déclarée invalide par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 30 juin 2004, au motif que la bière est un produit industriel qui peut être fabriqué dans le monde entier. Bien que cet arrêt fasse l’objet d’une procédure d’appel, la chambre de recours en conclut que Budvar n’a pas été capable, à ce jour, d’empêcher le distributeur d’Anheuser-Busch de vendre de la bière en France sous la marque BUD [décision de la chambre de recours du 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2), points 33 et 34, et, par renvoi, dans les autres décisions attaquées].

191    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que les motifs qui suivent concernant l’Autriche sont valables pour toutes les affaires, sauf pour l’affaire T‑257/06 qui ne met pas en œuvre la convention bilatérale.

192    Premièrement, il convient de constater que la chambre de recours a uniquement fait référence aux décisions de justice rendues en Autriche et en France pour conclure que Budvar n’avait pas apporté la preuve que le signe en cause lui donnait le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Or, si les décisions de justice rendues dans les pays concernés ont, comme il a été rappelé précédemment, une importance particulière, il y a lieu de tenir compte du fait que, en l’espèce, aucune décision de justice, rendue en Autriche ou en France, n’a acquis l’autorité de la force jugée. Dans ces conditions, la chambre de recours ne pouvait se fonder uniquement sur ces décisions pour asseoir sa conclusion. La chambre de recours aurait dû également tenir compte des dispositions du droit national invoquées par Budvar, y inclus l’arrangement de Lisbonne et la convention bilatérale. Il convient de relever, à cet égard, que, s’agissant de la France, Budvar a invoqué devant l’OHMI plusieurs dispositions du code rural, du code de la consommation et du code de la propriété intellectuelle. S’agissant de l’Autriche, l’OHMI disposait des décisions de justice rendues jusqu’alors dans cet État membre et donc, en conséquence, et contrairement à ce que soutient Anheuser-Busch, du fondement juridique des recours introduits par Budvar au titre du droit national invoqué. Au demeurant, Budvar a précisé, au cours de la procédure devant l’OHMI, que, au titre de l’article 9 de la convention bilatérale, elle disposait du droit d’introduire directement un recours devant les juridictions autrichiennes. De plus, Budvar a mentionné, dans le cadre de son opposition, les dispositions de la réglementation autrichienne relative aux marques et à la concurrence déloyale.

193    Deuxièmement, s’agissant de l’Autriche, la chambre de recours a indiqué que l’arrêt de l’Oberlandesgericht Wien du 21 avril 2005 retenait que le terme « bud » n’était pas un nom de lieu et n’était pas compris par les consommateurs de la République tchèque comme désignant une bière de České Budějovice. Selon la chambre de recours, cet arrêt repose sur des constatations factuelles dont la révision par une juridiction de dernière instance serait peu probable. Or, ainsi qu’il résulte des pièces versées aux débats, l’arrêt de l’Oberlandesgericht Wien a précisément été cassé par l’Oberster Gerichtshof dans un arrêt rendu le 29 novembre 2005, soit avant l’adoption des décisions attaquées. Dans son arrêt, l’Oberster Gerichtshof a considéré que les juridictions de première instance et d’appel n’avaient pas vérifié si les consommateurs tchèques interprètent le terme « bud », se rapportant à la bière, comme indiquant un lieu ou une région, et avaient uniquement constaté que la dénomination « bud » n’était associée en République tchèque à aucune région ou localité spécifique. Il en résulte que les considérations de la chambre de recours reposent sur des constatations de l’Oberlandesgericht Wien qui ont été remises en cause par l’Oberster Gerichtshof. Certes, l’arrêt de l’Oberster Gerichtshof n’a pas été transmis à la chambre de recours dans la mesure où le dernier écrit de procédure de Budvar devant la chambre de recours, à savoir la réplique, date du 14 novembre 2005. Budvar a toutefois fourni à la chambre de recours, comme il ressort du dossier de l’OHMI, une copie de son recours devant l’Oberster Gerichtshof. Il convient de rappeler à cet égard que l’OHMI doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné si de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées. En effet, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par l’OHMI n’exclut pas que celui-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles (arrêts PICARO, point 96 supra, point 29, et ATOMIC BLITZ, point 88 supra, point 35). Il était dès lors loisible à la chambre de recours de s’informer auprès des parties, ou par tout autre moyen, sur l’issue de la procédure engagée devant l’Oberster Gerichtshof.

194    Il y a lieu d’ajouter que l’Oberster Gerichtshof a renvoyé l’affaire en cause devant la juridiction de première instance qui a, de nouveau, rejeté la demande de Budvar par un jugement du 22 mars 2006, soit encore avant l’adoption des décisions attaquées. Toutefois, en appel et par arrêt du 10 juillet 2006, soit antérieurement à la dernière des décisions attaquées, l’Oberlandesgericht Wien a considéré que la juridiction de première instance avait commis une erreur en rejetant une demande d’expertise présentée par Budvar. Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Wien a renvoyé l’affaire devant la juridiction de première instance en précisant qu’un expert devait être mandaté aux fins de déterminer, en substance, si les consommateurs tchèques associent l’indication « bud » avec de la bière et, en cas de réponse affirmative, si cette indication est susceptible d’être perçue comme faisant référence à un lieu, à une région ou à un pays en particulier, en rapport avec l’origine de la bière.

195    Troisièmement, s’agissant de la France, la chambre de recours s’est appuyée sur le fait que Budvar n’aurait pas été capable, à ce jour, d’empêcher le distributeur d’Anheuser-Busch de vendre de la bière en France sous la marque BUD. Toutefois, il ne résulte pas des termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 que l’opposant doive démontrer qu’il a déjà pu effectivement interdire l’utilisation d’une marque plus récente. L’opposant doit seulement démontrer qu’il dispose d’un tel droit.

196    Par ailleurs, contrairement à ce qu’indique la chambre de recours, l’appellation d’origine « bud », enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne, n’a pas été invalidée par le tribunal de grande instance de Strasbourg. Comme il ressort clairement du jugement de ce tribunal, seuls les « effets » sur le territoire français de l’appellation d’origine « bud » ont été invalidés, conformément aux dispositions pertinentes de l’arrangement de Lisbonne. Il y a lieu également de rappeler que le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg fait l’objet d’un appel et que cet appel a un effet suspensif.

197    De plus, dans le cadre des affaires ayant donné lieu à l’arrêt BUD, point 108 supra, la deuxième chambre de recours de l’OHMI s’était déjà prononcée sur les dispositions pertinentes du droit français qui permettaient de protéger, le cas échéant, l’appellation d’origine « bud » en France.

198    Enfin, ainsi qu’il ressort des pièces versées devant les instances de l’OHMI, l’INPI a émis au moins deux objections (notifiées les 3 décembre 1987 et 30 avril 2001), en France, à l’encontre de deux demandes d’enregistrement de la marque BUD par Anheuser-Busch pour de la bière. Dans ce contexte, Anheuser-Busch a retiré ses demandes d’enregistrement, s’agissant de la bière. Ces objections, même si elles ont été formulées par des instances administratives et même si elles ne concernaient pas spécifiquement une procédure visant à interdire l’utilisation d’une marque plus récente, n’apparaissent pas dénuées de pertinence pour appréhender le droit national en cause.

199    Pour l’ensemble de ces raisons, il convient de considérer que la chambre de recours a commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments factuels et juridiques pertinents, pour déterminer si, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, le droit de l’État membre concerné donne le droit à Budvar d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

200    Il y a lieu d’ajouter que, si la chambre de recours a procédé à une analyse des droits autrichien et français, bien qu’elle ait considéré que les appellations en cause n’avaient pas fait l’objet d’un usage « sérieux » en Autriche et en France, elle n’en a pas fait de même s’agissant de l’Italie et du Portugal. Il convient de souligner, à cet égard, que, contrairement à ce que soutiennent l’OHMI et Anheuser-Busch dans leurs écritures, rien ne permet de considérer que Budvar aurait abandonné devant le Tribunal, aux fins de l’opposition, les droits initialement invoqués s’agissant de l’Italie et du Portugal. Budvar a uniquement contesté la légalité des décisions attaquées, ces dernières se limitant à analyser les droits autrichien et français.

201    Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu d’accueillir la seconde branche du moyen unique comme fondée et, partant, le moyen unique et le recours dans son ensemble.

202    Dès lors, il convient d’annuler les décisions attaquées.

 Sur les dépens

203    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes du même article, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

204    En l’espèce, l’OHMI et Anheuser-Busch ont succombé, dans la mesure où il y a lieu d’annuler les décisions attaquées, conformément aux conclusions de Budvar.

205    Budvar n’a pas conclu, dans ses écritures devant le Tribunal, à ce que l’OHMI soit condamné aux dépens. Budvar a néanmoins indiqué, lors de l’audience, qu’elle demandait la condamnation de l’OHMI et d’Anheuser-Busch aux entiers dépens.

206    Il ressort d’une jurisprudence constante que le fait que la partie qui a obtenu gain de cause n’ait conclu en ce sens qu’à l’audience ne s’oppose pas à ce que sa demande soit accueillie [arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185 ; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, point 79 ; YUKI, point 151 supra, point 75, et du 12 septembre 2007, Consorzio per la tutela del formaggio Grana Padano/OHMI – Biraghi (GRANA BIRAGHI), T‑291/03, non encore publié au Recueil, point 92].

207    Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner l’OHMI à supporter, outre ses dépens, deux tiers des dépens de Budvar et de condamner Anheuser-Busch à supporter, outre ses dépens, un tiers des dépens de Budvar.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑225/06, T‑255/06, T‑257/06 et T‑309/06 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), rendues les 14 juin (affaire R 234/2005-2), 28 juin (affaires R 241/2005-2 et R 802/2004-2) et 1er septembre 2006 (affaire R 305/2005-2), relatives à des procédures d’opposition entre Budějovický Budvar, národní podnik et Anheuser-Busch, Inc., sont annulées.

3)      L’OHMI est condamné à supporter, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens de Budějovický Budvar, národní podnik.

4)      Anheuser-Busch est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de Budějovický Budvar, národní podnik.

Tiili

Dehousse       

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2008.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

A – Droit international

B – Droit communautaire

Antécédents du litige

A – Demandes de marque communautaire déposées par Anheuser-Busch

B – Oppositions formées à l’encontre des demandes de marque communautaire

C – Décisions de la division d’opposition

D – Décisions de la deuxième chambre de recours de l’OHMI

Procédure et conclusions des parties

En droit

A – Sur la recevabilité et sur le caractère opérant de certains chefs de conclusions de Budvar

B – Sur le fond

1. Sur la première branche relative à la validité de l’appellation d’origine « bud »

a) Arguments des parties

b) Appréciation du Tribunal

Sur l’appellation d’origine « bud » enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne

Sur l’appellation « bud » protégée au titre de la convention bilatérale

2. Sur la seconde branche relative à l’application des conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94

a) Arguments des parties

Arguments de Budvar

– Sur la condition tenant à ce que l’opposant soit titulaire du droit antérieur invoqué

– Sur la condition tenant à l’utilisation dans la vie des affaires du droit antérieur invoqué

– Sur la condition tenant au droit découlant de l’appellation en cause

Arguments de l’OHMI

Arguments d’Anheuser-Busch

b) Appréciation du Tribunal

Sur le premier grief, relatif à l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale

– Sur la condition tenant à l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires

– Sur la condition tenant à la portée du signe en cause

Sur le second grief, relatif au droit découlant du signe invoqué au soutien de l’opposition

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.