Language of document : ECLI:EU:T:2018:68

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 février 2018 (*)

« Recherche et développement technologique – Appels à propositions et activités connexes au titre du programme de travail du CER 2015 – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation (2014-2020) – Horizon 2020 – Décision de l’ERCEA déclarant non éligible la proposition présentée par le requérant – Projet concernant l’identification des algorithmes mathématiques facilitant la lecture et l’analyse de certains manuscrits anciens – Détournement de pouvoir – Erreur de fait – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑208/16,

Graziano Ranocchia, demeurant à Rome (Italie), représenté par Me C. Intino, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive du Conseil européen de la recherche (ERCEA), représentée initialement par Mmes M. E. Chacon Mohedano, R. Maggio Panizza et L. Moreau, puis par Mmes Chacon Mohedano, Maggio Panizza et F. Sgritta, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision Ares(2016) 1020667 de l’ERCEA, du 26 février 2016, ayant rejeté la demande du requérant de révision de la décision refusant la subvention de la proposition de recherche no 682937, intitulée « PHercSchools2 – The Hellenistic Philosophical Schools in the Herculaneum Papyri », deuxièmement, de la décision Ares(2015) 5922529 de l’ERCEA, du 17 décembre 2015, ayant refusé la subvention de cette proposition de recherche et, troisièmement, de tout acte préalable, consécutif et connexe à ces actes, notamment la liste des projets approuvés pour le programme de subvention « ERC-Consolidator Grant », rendue publique par le communiqué de presse de l’ERCEA du 12 février 2016,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg et B. Berke (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon 2020

1        Le programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 a été établi, sur le fondement des articles 173 et 182 TFUE, par le règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision no 1982/2006/CE (JO 2013, L 347, p. 104), et par le règlement (UE) no 1290/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, définissant les règles de participation au programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et les règles de diffusion des résultats et abrogeant le règlement (CE) no 1906/2006 (JO 2013, L 347, p. 81).

2        Ce programme prévoit, notamment, que le Conseil européen de la recherche (CER) coordonne et finance des projets de recherche par l’intermédiaire d’appels à propositions.

3        L’article 11 du règlement no 1290/2013, intitulé « Appels à propositions », énonce en son paragraphe 1 ce qui suit :

« Les appels à propositions sont lancés […] en tenant compte, en particulier, de la nécessité d’être transparents et non discriminatoires, et suffisamment souples compte tenu de la nature diversifiée des secteurs de la recherche et de l’innovation. »

4        L’article 15 du règlement no 1290/2013, intitulé « Critères de sélection et d’attribution », est ainsi rédigé :

« 1.      Les propositions soumises sont évaluées sur la base des critères d’attribution suivants :

a)      excellence ;

b)      incidence ;

c)      qualité et efficacité de la mise en œuvre.

2.      Seul le critère visé au paragraphe 1, [sous] a), s’applique aux propositions relatives à des actions de recherche exploratoire du CER.

[…]

6.      Les propositions sont classées en fonction des résultats de l’évaluation. La sélection se fait sur la base de ce classement.

7.      L’évaluation est effectuée par des experts indépendants.

[…] »

5        L’article 16 du règlement no 1290/2013 est relatif à la procédure de révision de l’évaluation. Il se lit comme suit :

« 1.      La Commission ou l’organisme de financement compétent prévoit une procédure transparente de révision de l’évaluation pour les candidats qui estiment que l’évaluation de leur proposition n’a pas été réalisée conformément aux procédures énoncées dans le présent règlement, le programme de travail, le plan de travail ou l’appel à propositions correspondants.

2.      Une demande de révision de l’évaluation porte sur une proposition spécifique et est soumise par le coordonnateur de la proposition dans les trente jours à compter de la date à laquelle la Commission ou l’organisme de financement compétent informe le coordonnateur des résultats de l’évaluation.

3.      La Commission ou l’organisme de financement compétent se charge de l’examen de la demande visée au paragraphe 2. L’examen porte uniquement sur les aspects procéduraux de l’évaluation et non sur la pertinence de la proposition.

4.      Un comité de révision de l’évaluation, composé d’agents de la Commission ou de l’organisme de financement compétent, émet un avis sur les aspects procéduraux du processus d’évaluation. Il est présidé par un fonctionnaire de la Commission ou de l’organisme de financement compétent affecté à un autre service que celui qui est responsable de l’appel à propositions. Le comité peut recommander l’une des actions suivantes :

a)      une réévaluation de la proposition, principalement par des évaluateurs qui n’ont pas pris part à l’évaluation précédente ;

b)      la confirmation de l’évaluation initiale.

5.      Sur la base de la recommandation visée au paragraphe 4, une décision est prise par la Commission ou l’organisme de financement compétent et notifiée au coordonnateur de la proposition. La Commission ou l’organisme de financement compétent prend cette décision sans délai indu.

6.      La procédure de révision ne retarde pas le processus de sélection des propositions ne faisant pas l’objet de demandes de révision.

7.      La procédure de révision ne fait pas obstacle à toute autre action que le participant est susceptible d’engager conformément au droit de l’Union. »

6        L’article 17 du règlement no 1290/2013, intitulé « Demandes de renseignements et plaintes », énonce ce qui suit :

« 1.      La Commission veille à ce qu’il existe une procédure permettant aux participants de demander des renseignements ou d’introduire une plainte au sujet de leur participation à Horizon 2020.

2.      La Commission veille à ce que tous les participants disposent des informations nécessaires sur la manière de faire part de leurs difficultés, de demander des renseignements ou d’introduire une plainte, et à ce que ces informations soient publiées en ligne. »

7        L’article 20 du règlement no 1290/2013, intitulé « Délais d’engagement », prévoit en son paragraphe 2, sous a), que les candidats doivent être informés du résultat de l’évaluation scientifique de leur candidature dans un délai maximal de cinq mois à compter de la date limite de soumission des propositions complètes.

8        La Commission européenne a confié des tâches de gestion du programme-cadre Horizon 2020 à l’Agence exécutive du CER (ERCEA).

9        Le cadre juridique de la gestion par les agences exécutives est fixé par le règlement (CE) no 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO 2003, L 11, p. 1).

10      L’article 22 du règlement no 58/2003 prévoit la possibilité d’un recours administratif pour obtenir un contrôle de légalité exercé par la Commission.

 Critères de sélection et procédure d’évaluation pour les appels à propositions de 2015

11      Pour les appels à propositions de 2015, les critères de sélection et les procédures d’évaluation ont été définis dans le programme de travail de 2015 du CER et dans les règles pour la soumission de propositions et les procédures connexes d’évaluation, de sélection et d’attribution applicables au programme spécifique Horizon 2020 (ci-après les « règles du CER ») approuvées par la décision C(2014) 2454 final de la Commission, du 15 avril 2014, relative aux règles du CER.

12      En outre, les appels à propositions sont accompagnés par des informations destinées aux candidats qui répondent aux appels à propositions pour l’obtention de subventions (ci-après les « informations aux candidats »).

13      Le programme de travail du CER indique que, pour toutes les subventions destinées à la recherche exploratoire du CER, l’excellence constitue le seul critère qui sera observé pour l’évaluation de la nature innovante, de l’ambition et de la faisabilité du projet de recherche, mais aussi pour la compétence, la créativité et l’engagement du chercheur principal.

14      La procédure d’évaluation est détaillée aux points 3.6 à 3.8 des règles du CER et comprend deux étapes. Seules les candidatures qui franchissent avec succès la première étape sont admises à la seconde. Lors de la première étape, le projet est évalué dans sa version résumée, comprenant une description du projet (extended synopsis) ainsi que l’expertise et le curriculum vitae du chercheur principal. Ce n’est que lors de la seconde étape que la candidature complète, c’est-à-dire le projet de recherche détaillé (scientific proposal), est examinée et évaluée. Ces informations sont, par ailleurs, résumées dans les informations aux candidats et sont également jointes à l’appel à propositions.

15      En outre, en vertu du point 3.6.1, douzième alinéa, des règles du CER :

« Le jugement d’un panel d’experts sur une proposition et son rang dans le classement est fondé sur les évaluations individuelles et la discussion au sein du panel d’experts, et est adopté par un vote à la majorité. Le résultat de la phase d’évaluation du panel est un classement. Lors de la dernière étape de l’évaluation par les pairs, le panel détermine les propositions qui sont recommandées en vue d’un financement si des fonds suffisants sont disponibles. ».

16      Il ressort également du point 3.6.2 des règles du CER que, si le programme de travail du CER le prévoit, l’évaluation par le panel peut inclure des entretiens avec le chercheur principal.

17      Par ailleurs, le point 1.2.5 des informations aux candidats précise ce qui suit :

« […] Veuillez noter que les commentaires des évaluateurs individuels peuvent ne pas être nécessairement convergents – la controverse et les divergences d’opinion sur la valeur d’une proposition font partie de la “méthode scientifique” et sont légitimes.

En outre, le panel d’experts du CER peut adopter une position différente de celle qui peut être déduite des observations de chaque évaluateur individuel. Tel est le cas, par exemple, lorsque la discussion du panel révèle une faiblesse importante dans une proposition qui n’avait pas été identifiée par les évaluateurs individuels. Les observations du panel reflètent la décision adoptée par consensus par le panel dans son ensemble sur la base des évaluations individuelles précédentes effectuées à distance par des évaluateurs indépendants, qui peuvent être des experts non rémunérés ou des membres du panel, et sur la base d’une discussion approfondie et du classement établi en fonction des autres propositions durant la réunion du panel. ».

18      À la suite de l’évaluation par les pairs, l’ERCEA fournit aux candidats, conformément au point 3.8 des règles du CER, le résultat de l’évaluation dans une « lettre d’information » adressée au chercheur principal et à l’entité juridique candidate.

 Procédure de révision de l’évaluation

19      En vertu du point 3.9 des règles du CER, un comité interne de révision peut être saisi d’une demande de révision de l’évaluation.

20      Aux termes du point 3.9, cinquième alinéa, des règles du CER :

« […] Le rôle du comité de révision est de garantir l’interprétation juridique cohérente de ce type de demandes et l’égalité de traitement des candidats. Il fournit une opinion spécialisée sur la mise en œuvre du processus d’évaluation sur la base de l’ensemble des informations disponibles relatives à la proposition et à son évaluation. Il travaille de manière indépendante. Cependant, le comité ne procède pas lui-même à l’évaluation de la proposition. S’il considère qu’il y a eu une défaillance dans le processus d’évaluation qui a pu influencer la décision de ne pas financer la proposition, il peut proposer une évaluation supplémentaire de tout ou partie de la proposition par des experts indépendants. En fonction de la nature de la demande de révision, le comité peut examiner les curriculum vitae des experts indépendants, leurs observations individuelles et le rapport d’évaluation. Le comité ne remet pas en cause le jugement scientifique des panels d’experts dûment qualifiés.

À la lumière de cette révision, le comité indique à l’ordonnateur responsable de l’appel à propositions une ligne de conduite. Si le comité de révision considère qu’il existe des preuves au soutien du recours, il peut suggérer que la proposition soit réévaluée intégralement ou en partie par des experts indépendants ou de maintenir le résultat initial. Le comité de révision peut formuler d’autres commentaires ou recommandations […] ».

21      À cet égard, le point 1.2.5.1, deuxième alinéa, des informations aux candidats indique que la procédure de révision de l’évaluation concerne les lacunes dans la procédure d’évaluation et, dans de rares cas, les erreurs factuelles.

22      Enfin, le point 3.9, huitième alinéa, des règles du CER précise que la procédure de révision de l’évaluation n’empêche pas les candidats de faire appel à tout autre moyen de recours, dont l’introduction d’un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne.

 Procédure administrative

23      Le 30 juillet 2014, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’appel à propositions et activités connexes au titre du programme de travail du CER 2015 relevant du programme-cadre de travail pour la recherche et l’innovation (2014-2020) Horizon 2020 (JO 2014, C 248, p. 6), à la suite de l’adoption de sa décision C(2014) 5008, du 22 juillet 2014.

24      Le 12 mars 2015, le requérant, M. Graziano Ranocchia, a déposé une demande de subvention du type « ERC Consolidator Grants » à l’ERCEA dans le cadre de l’appel à propositions pour le programme de subvention ERC Consolidator Grant 2015 devant le panel SH5 Culture et production culturelle (ci-après le « panel SH5 ») pour un projet concernant l’application à des papyrus d’Herculanum de la tomographie à rayons X à contraste de phase. La subvention demandée s’élevait à 2 millions d’euros, correspondant au montant maximal susceptible d’être accordé, majoré d’un montant supplémentaire de 749 226 euros pour l’achat d’équipement majeur.

25      Pour la proposition de recherche du requérant, le panel SH5 a exprimé un jugement favorable à la première phase d’évaluation. Cette opinion a été communiquée au requérant par lettres des 3 et 22 juillet 2015 et il a été invité à participer à un entretien.

26      Le 5 octobre 2015, l’ERCEA a reçu une plainte contenant des allégations d’une possible inconduite scientifique concernant la proposition de recherche déposée par le requérant, selon laquelle ce dernier aurait utilisé dans sa proposition une recherche non publiée réalisée dans un autre institut par un autre groupe de recherche, notamment avec l’aide de l’un de ses collaborateurs, qui travaillait pour l’institut de recherche concerné.

27      À la suite de l’analyse de la plainte par le comité interne compétent de l’ERCEA, le requérant a été invité, par courrier électronique du 30 octobre 2015, à présenter ses observations sur ces accusations.

28      Le 5 novembre 2015, le requérant a fourni les éclaircissements demandés et précisé que son collaborateur n’avait jamais été informé de la prétendue recherche non publiée de la part du groupe concurrent.

29      Au regard de l’examen relatif à l’allégation d’inconduite scientifique, l’ordonnateur responsable de l’ERCEA a, sur recommandation du comité du conseil scientifique chargé des conflits d’intérêts, fautes professionnelles et questions éthiques, décidé d’écarter l’évaluation présentée par l’un des experts évaluateurs à distance, celui-ci se trouvant potentiellement dans une situation de conflit d’intérêts en raison de son étroite collaboration avec l’auteur de la plainte pour inconduite scientifique.

30      À l’issue de la première phase d’évaluation, le requérant a, en qualité de chercheur principal, passé l’entretien final le 12 novembre 2015 avec le panel SH5.

31      Par lettre du 17 décembre 2015, l’ERCEA a communiqué au requérant sa décision Ares(2015) 5922529 de ne pas admettre sa proposition de recherche dans la liste des propositions approuvées (ci-après la « décision refusant la subvention »), car le panel SH5 avait décidé, sur la base des évaluations des évaluateurs individuels jointes à la lettre, qu’elle ne satisfaisait pas à tous les critères d’évaluation du CER, mais uniquement à certains d’entre eux. Dans cette lettre, l’ERCEA a précisé que le panel SH5 avait fondé son jugement sur les évaluations à distance ainsi que sur une discussion entre ses membres.

32      Ainsi, sur la base des évaluations individuelles de six examinateurs externes ainsi que de l’entretien final avec le requérant et de la comparaison avec les autres propositions de recherche, le panel SH5 a décidé de ne pas recommander la proposition de recherche du requérant.

33      Les reproches soulevés par le panel SH5 à l’encontre du requérant et de sa proposition de recherche concernaient, en substance, sa compétence en matière de suivi des aspects technologiques du projet et des aspects financiers ainsi que le rôle relativement mineur attribué aux chercheurs postdoctoraux.

34      Le 21 décembre 2015, le requérant a été informé du rejet de la plainte relative à sa présumée inconduite scientifique par le comité interne compétent en consultation avec le comité du conseil scientifique chargé des conflits d’intérêts, fautes professionnelles et questions éthiques.

35      Le 22 décembre 2015, le requérant a introduit, par l’intermédiaire du portail électronique mis à disposition des participants dans le cadre du programme Horizon 2020, une demande de révision de l’évaluation en vertu du point 3.9 des règles du CER.

36      Dans sa demande de révision, en premier lieu, il a indiqué que les recommandations que l’ERCEA lui avait communiquées lors de sa candidature précédente en 2014 avaient été suivies dans la proposition de 2015.

37      En deuxième lieu, il a contesté le reproche concernant sa capacité de suivre les aspects technologiques du projet en affirmant qu’il se fondait non pas sur sa proposition écrite, mais sur les questions posées à l’entretien, dont une à laquelle il avait refusé de répondre. Dans la mesure où cette question concernait la physique alors qu’il est historien et philosophe, elle n’aurait pas dû lui être posée. Par ailleurs, exiger d’un chercheur principal qu’il connaisse tous les aspects techniques d’un projet, dont ceux qui ne relèvent pas de sa spécialité, irait à l’encontre de la politique du CER consistant à encourager les projets transdisciplinaires. Il a également souligné qu’il avait parfaitement répondu aux deux autres questions.

38      En troisième lieu, il contestait la critique relative au rôle mineur des chercheurs postdoctoraux en soulignant que le rôle attribué à ces jeunes chercheurs représentait le cœur du projet.

39      En quatrième lieu, il a fait valoir que l’appréciation du panel SH5 était disproportionnée et accordait une part trop importante à l’évaluation individuelle la plus négative, qu’il contestait, alors que les cinq autres étaient positives. Il a allégué à cet égard que l’évaluation négative émanait sans doute d’un chercheur concurrent en situation de conflit d’intérêts et que, de ce fait, elle ne pouvait être prise en compte.

40      En cinquième lieu, il a avancé, en substance, que la décision du panel SH5 avait sans doute été influencée par la procédure pour inconduite scientifique menée contre lui et n’ayant pas abouti et qu’il pensait qu’elle avait été portée à la connaissance des membres du panel SH5.

41      Le 12 février 2016, l’ERCEA a publié un communiqué de presse établissant la liste des projets approuvés par le panel SH5 pour 2015 (ci–après la « liste des projets approuvés »).

42      Par lettre du 26 février 2016, l’ERCEA a informé le requérant de l’adoption de la décision Ares(2016) 1020667, relative à l’issue de la révision de l’évaluation (ci-après la « décision du 26 février 2016 »).

43      Par cette lettre, le requérant a été informé que le comité de révision avait examiné sa requête et vérifié que la procédure d’évaluation du CER avait été pleinement respectée, conformément aux règles du CER et à son programme de travail.

44      L’ERCEA a exposé, dans ladite lettre, les conclusions finales du comité de révision. Il en ressort que le comité de révision a considéré que sa proposition avait été évaluée par des experts indépendants qui étaient tous spécialistes du domaine d’expertise concerné.

45      Il a également précisé que la décision refusant la subvention avait été prise non seulement sur la base des observations des évaluateurs individuels, mais aussi sur la base de la discussion ayant eu lieu au sein du panel SH5 et en fonction du classement de sa proposition par rapport aux autres propositions.

46      En outre, il a souligné que les résultats de l’évaluation finale de sa proposition de recherche reflétaient une décision du panel SH5 adoptée par consensus, sans nécessairement souscrire à chaque opinion des évaluateurs individuels.

47      Par ailleurs, le comité de révision a considéré que les observations du requérant visaient à remettre en cause l’évaluation scientifique des évaluateurs ou du panel SH5 alors que cette évaluation ne relevait pas de sa compétence.

48      Enfin, le comité de révision a constaté que les règles du CER relatives aux conflits d’intérêts avaient été respectées et qu’il n’y avait aucune indication d’une situation de conflit d’intérêts à l’égard des évaluateurs.

49      Il en a déduit qu’aucune erreur de procédure n’avait été commise dans le processus d’évaluation.

50      Sur la base de ces conclusions du comité de révision, l’ERCEA a informé le requérant que la décision refusant la subvention était maintenue.

 Procédure et conclusions des parties

51      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2016, le requérant a introduit le présent recours.

52      L’ERCEA a déposé le mémoire en défense le 19 juillet 2016.

53      Le requérant a déposé la réplique le 6 septembre 2016. L’ERCEA a déposé la duplique le 28 octobre 2016.

54      Le 13 juillet 2017, le Tribunal a interrogé les parties sur la recevabilité ratione temporis du recours en ce qui concerne certains actes faisant l’objet du litige. L’ERCEA et le requérant ont, le 19 et le 28 juillet 2017 respectivement, répondu à la question du Tribunal.

55      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 26 février 2016 ;

–        annuler la décision refusant la subvention ;

–        annuler tout acte préalable, consécutif et connexe à ces actes, notamment la liste des projets approuvés ;

–        ordonner l’admission de sa proposition de recherche au classement des projets approuvés et financés dans le cadre de l’appel à propositions de 2015 ;

–        ordonner la production de certains documents ;

–        condamner l’ERCEA aux dépens.

56      L’ERCEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        rejeter la demande de production de documents comme dénuée de pertinence ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

57      Dans un souci d’économie de procédure et dans le respect du principe de bonne administration de la justice, le juge peut statuer sur un recours, sans devoir nécessairement se prononcer sur l’ensemble des moyens et des arguments formulés par les parties (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52). En l’espèce, le Tribunal estime que le recours peut être examiné au fond sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

 Sur les demandes d’annulation de la décision refusant la subvention et de la décision du 26 février 2016

58      À l’appui de son recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, le premier, d’un détournement de pouvoir lié au caractère manifestement irrationnel de l’appréciation de sa proposition de recherche, le deuxième, d’un détournement de pouvoir lié à la dénaturation des faits et, le troisième, d’un détournement de pouvoir lié à la violation des règles de l’ERCEA relatives à l’évaluation des propositions de recherche.

 Sur le premier moyen, tiré d’un détournement de pouvoir lié au caractère manifestement irrationnel de l’appréciation de la proposition de recherche

59      En premier lieu, le requérant considère, en substance, que la décision refusant la subvention est entachée de détournement de pouvoir. Il affirme que les motifs qui ont conduit le panel SH5 à rejeter sa proposition de recherche sont démentis par la documentation fournie et ne relèvent pas de la procédure d’évaluation scientifique. Il ajoute qu’il maîtrisait la proposition et les domaines concernés et qu’il a répondu à toutes les questions, sauf une.

60      En deuxième lieu, le détournement de pouvoir ne se limiterait pas au seul objet de l’évaluation, mais concernerait également la transposition correcte des appréciations individuelles des examinateurs à distance dans le cadre de l’évaluation finale globale du panel SH5.

61      Cette évaluation finale serait irrationnelle et disproportionnée en raison du fait que la synthèse de cinq évaluations extrêmement positives et d’une évaluation partiellement négative aurait dû produire une appréciation globale optimale et conduire à l’approbation de sa proposition de recherche.

62      Les règles du CER auraient été violées, dès lors que l’appréciation du panel SH5 aurait consisté en la simple présentation de l’évaluation individuelle la plus négative, ce qu’il déduit de la coïncidence déterminante entre le motif principal de la décision de rejet du panel SH5 et l’argumentation du cinquième examinateur.

63      En troisième lieu, le requérant reproche au comité de révision d’avoir « ignoré la distorsion manifeste du critère de l’excellence scientifique » et d’avoir nié l’existence d’un conflit d’intérêts en ce qui concerne le cinquième examinateur, qui n’a pas été exclu.

64      Selon lui, les griefs soulevés se rapportent, contrairement à ce que le comité de révision a considéré, à des questions procédurales et méthodologiques relevant de la compétence de ce comité et non à l’appréciation scientifique du projet.

65      L’ERCEA conteste cette argumentation.

66      Dans le cadre de ce moyen, le requérant reproche à l’ERCEA, en substance, d’avoir commis un détournement de pouvoir lié au caractère manifestement irrationnel de l’appréciation de sa proposition et de ne pas avoir respecté les règles du CER sur les modalités d’évaluation.

67      Au soutien de cet argument, le requérant fait valoir, en substance, que le panel SH5 a commis une erreur, dès lors que les motifs de la décision refusant la subvention seraient démentis par la documentation fournie et qu’il n’aurait pas fait une transposition correcte des appréciations des évaluateurs individuels, ainsi que le démontrerait la divergence entre ces appréciations et l’évaluation finale du panel. Il en résulterait que le panel SH5 a poursuivi un but différent de celui d’une évaluation scientifique.

68      En outre, le requérant affirme que le comité de révision a ignoré à tort la « distorsion manifeste du critère de l’excellence scientifique », tirée de la prise en compte exclusive de la seule évaluation individuelle négative par le panel SH5, et nié l’existence d’un conflit d’intérêts.

69      En vertu de la jurisprudence, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêt du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, EU:C:2005:151, point 64).

70      En outre, il est de jurisprudence constante que, en cas d’appréciations complexes, les autorités de l’Union européenne disposent, dans certains domaines du droit de l’Union, d’un large pouvoir d’appréciation, de telle sorte que le contrôle du juge de l’Union à l’égard de ces appréciations doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté et de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 97, et du 28 janvier 2016, Heli-Flight/AESA, C‑61/15 P, non publié, EU:C:2016:59, point 101).

71      Or, l’appréciation de l’excellence scientifique d’une proposition de recherche par un panel d’experts et par des évaluateurs individuels des disciplines concernées appartient à la catégorie des appréciations complexes au sens de la jurisprudence mentionnée au point 70 ci-dessus.

72      Il appartient donc au Tribunal de déterminer si des indices objectifs, pertinents et concordants démontrent que la décision refusant la subvention a été prise dans un objectif autre que le financement de propositions de recherche d’excellente qualité scientifique, de sorte qu’un détournement de pouvoir serait établi, et de vérifier si, comme l’allègue, en substance, le requérant, l’ERCEA a commis des erreurs matérielles, des erreurs manifestes d’appréciation ou si elle a violé les règles du CER.

73      À cet égard, premièrement, il ressort du point 3.6, douzième alinéa, des règles du CER que les décisions du panel ne sont pas seulement fondées sur les opinions des évaluateurs individuels, lesquelles sont fournies avant l’entretien avec les candidats, mais également sur les discussions du panel.

74      En outre, le point 1.2.5 des informations aux candidats précise, d’une part, que le panel d’experts du CER peut adopter une position différente de celle qui peut être déduite des observations de chaque évaluateur individuel, en particulier si ses discussions révèlent une faiblesse dans une proposition qui n’aurait pas été identifiée par les autres évaluateurs individuels, et, d’autre part, que la décision du panel se fonde non seulement sur les évaluations individuelles, mais aussi sur une discussion approfondie et qu’elle dépend du classement des autres propositions.

75      Ainsi, s’il appartient à un panel de prendre en compte, lors de sa discussion sur une proposition de recherche, l’ensemble des évaluations individuelles, son évaluation finale peut, en raison de sa marge d’appréciation, ne pas refléter la position qui semble pouvoir être déduite des observations de chaque évaluateur individuel.

76      À cet égard, la divergence éventuelle entre la majorité des opinions des évaluateurs individuels et la décision du panel relève du déroulement normal de la procédure d’évaluation de l’intérêt et de la valeur scientifique d’une proposition de recherche.

77      Ainsi, sauf à démontrer des erreurs factuelles ou une erreur manifeste d’appréciation, la possibilité qu’un élément soulevé dans une seule évaluation individuelle emporte la conviction du panel lors de sa discussion relève du déroulement normal de la procédure d’évaluation scientifique et n’est pas contraire aux règles du CER. Au demeurant, elle est explicitement envisagée dans les informations aux candidats.

78      Par ailleurs, l’évaluation des propositions repose également sur la discussion du panel et sur la comparaison des différentes propositions de recherche.

79      Or, le requérant ne démontre pas que le panel SH5 aurait commis une erreur sur la matérialité des faits ou une erreur manifeste d’appréciation, mais se contente de contester les critères d’appréciation que celui-ci a appliqués ou l’appréciation de sa proposition dont il allègue, sans apporter d’éléments de preuve au soutien de cette allégation, qu’elle serait démentie par la documentation fournie.

80      Dès lors, la divergence éventuelle entre la somme des évaluations individuelles et la décision finale du panel SH5 n’est pas susceptible de démontrer la poursuite d’un objectif différent de la recherche de l’excellence scientifique, une violation des règles du CER ou une erreur manifeste d’appréciation de la part du panel SH5.

81      Pour les mêmes raisons, l’adoption d’une décision coïncidant avec l’une des évaluations individuelles, à la supposer établie, ne serait pas de nature à caractériser, en elle-même, un détournement de pouvoir, une erreur manifeste d’appréciation ou une violation des règles du CER.

82      Deuxièmement, l’appréciation de la documentation fournie dans le cadre de la proposition de recherche, de même que l’appréciation de la pertinence des questions posées par le panel SH5 au chercheur principal lors de son entretien et des réponses à ces questions, relèvent de la marge d’appréciation du panel SH5.

83      En l’absence d’erreur sur la matérialité des faits ou d’erreur manifeste d’appréciation, la contestation de ces éléments sur le plan scientifique ne saurait donc caractériser une illégalité.

84      Troisièmement, à défaut d’indices objectifs, pertinents et concordants à même de démontrer que les critères d’évaluation appliqués et l’évaluation de la proposition et de l’entretien du requérant poursuivaient un but autre que l’évaluation de la qualité scientifique de sa proposition, les éléments avancés par le requérant ne sont pas non plus de nature à caractériser un détournement de pouvoir.

85      La décision refusant la subvention n’est donc pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur matérielle, d’une violation des règles du CER ou d’un détournement de pouvoir.

86      Dans ces conditions, la décision du 26 février 2016, en ce qu’elle a constaté que les règles du CER avaient été respectées, n’est pas entachée des illégalités alléguées.

87      En ce qui concerne la contestation du constat, par le comité de révision, de l’absence de conflit d’intérêts, force est de constater que le requérant n’apporte pas de preuves démontrant l’existence d’un conflit d’intérêts concernant le cinquième évaluateur.

88      En effet, il souligne qu’il existe une coïncidence entre, d’une part, les motifs de la procédure pour inconduite scientifique menée contre lui – laquelle a entraîné l’exclusion d’un évaluateur individuel pour des raisons liées à un conflit d’intérêts – et, d’autre part, les observations du cinquième évaluateur. Il estime pouvoir déduire l’existence d’un conflit d’intérêts de cette prétendue coïncidence.

89      Toutefois, une telle coïncidence, même à la supposer établie, ne saurait constituer, en soi et à défaut d’autres éléments probants, un motif suffisant pour conclure à l’existence d’une situation de conflit d’intérêts.

90      En outre, à défaut d’autres éléments, une situation de conflit d’intérêts ne peut pas être simplement déduite de l’expression d’une appréciation scientifique critiquant la proposition de recherche du requérant.

91      Dès lors, les éléments avancés par le requérant ne démontrent pas que la décision du 26 février 2016, en ce qu’elle a constaté qu’aucun des évaluateurs n’était en situation de conflit d’intérêts, serait entachée d’illégalité.

92      Pour le surplus, les autres arguments du requérant, en particulier ceux tirés de la comparaison avec les propositions de recherches approuvées, visent uniquement à remettre en cause l’appréciation scientifique de sa proposition et ne sont pas de nature à établir une erreur sur la matérialité des faits ou une erreur manifeste d’appréciation, de sorte qu’ils doivent être rejetés.

93      Le premier moyen n’est donc pas fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits

94      Le requérant allègue que le détournement de pouvoir est établi par l’appréciation contestable du cinquième évaluateur, qui aurait conditionné le choix final du panel SH5.

95      Il conteste, en substance, l’évaluation de sa proposition de recherche et de son expérience personnelle par cet évaluateur et en déduit que la décision du panel SH5 est illégale en ce qu’elle aurait accordé un poids trop important à la cinquième évaluation, dont il affirme qu’elle est fondée sur des faits inexacts.

96      Selon lui, une évaluation qui ne correspondrait pas aux faits équivaudrait à un détournement de pouvoir.

97      Dans la réplique, le requérant fait également valoir que la décision refusant la subvention est entachée d’un détournement de pouvoir dans la mesure où elle aurait été prise dans un autre but que l’évaluation de l’excellence scientifique de sa proposition de recherche.

98      Au soutien de cet argument, il affirme, en substance, que l’évaluation du cinquième évaluateur, qui ne reposerait sur aucun fondement scientifique, démontre que le critère éthique a prévalu sur le critère de l’excellence et que la procédure pour inconduite scientifique a influencé l’évaluation de sa proposition de recherche. À cet égard, il souligne la coïncidence entre la plainte pour inconduite scientifique qui a été déposée contre lui, puis rejetée, et l’évaluation du cinquième évaluateur ainsi que la présence de deux membres du comité d’éthique lors de son entretien avec le panel SH5. Il relève également que cette influence est démontrée par l’acharnement d’un membre du panel SH5 et son ton inquisitorial.

99      Enfin, il affirme que la reconnaissance de l’excellence de son projet en 2014 démontre que son projet amélioré en 2015 n’aurait pas dû être rejeté.

100    L’ERCEA conteste cette argumentation.

101    Dans le cadre du deuxième moyen, le requérant reproche, en substance, à l’ERCEA un détournement de pouvoir qui résulterait de la prise en compte trop importante, lors de l’adoption de la décision du panel SH5, de l’appréciation du cinquième évaluateur, une erreur manifeste d’appréciation du panel SH5 en ce que l’appréciation de cet évaluateur serait fondée sur des faits inexacts, la prise en compte d’éléments liés à l’éthique au lieu de la seule prise en compte d’éléments scientifiques et la violation des règles du CER.

102    Il conteste également l’évaluation de sa proposition de recherche et de sa capacité d’en contrôler les aspects techniques par le cinquième évaluateur et affirme qu’elle est fondée sur des faits inexacts.

103    En premier lieu, ainsi qu’il ressort des points 73 à 78 du présent arrêt, la prise en compte de l’évaluation du cinquième évaluateur, celle-ci dans une proportion aussi importante soit-elle, n’est pas de nature à démontrer, en tant que telle, et à défaut d’avoir établi l’existence d’un détournement de pouvoir, d’une erreur factuelle ou manifeste d’appréciation, ou d’une violation des règles du CER, que la décision refusant la subvention est entachée d’illégalité.

104    En deuxième lieu, le panel SH5 a indiqué dans la motivation de la décision refusant la subvention que, au regard de l’objectif ambitieux de la proposition de recherche, découlant de la technologie d’imagerie envisagée pour déchiffrer les papyrus, des doutes sur la capacité du chercheur principal de maîtriser les aspects techniques et financiers du projet étaient apparus au cours de son entretien avec le panel SH5.

105    Premièrement, force est donc de constater que certains des éléments factuels soulignés par le cinquième évaluateur et que le requérant conteste ne figurent pas parmi les motifs de la décision du panel SH5. Il en est ainsi, en particulier, de l’observation selon laquelle la technologie de la tomographie à rayons X à contraste de phase aurait déjà été appliquée par des universitaires non accrédités dans le cadre de la proposition, de celle concernant l’impossibilité de transporter les manuscrits de l’Italie vers la France et de l’affirmation selon laquelle la reconstitution des textes envisagés grâce à l’utilisation de cette technologie prendrait des décennies.

106    En outre, le rapport d’évaluation du cinquième évaluateur n’est qu’un élément parmi d’autres ayant été pris en compte par le panel SH5.

107    Dès lors, la contestation de ces éléments factuels n’est pas de nature à démontrer une erreur manifeste d’appréciation du panel SH5.

108    Deuxièmement, le requérant allègue que l’affirmation du cinquième évaluateur selon laquelle il ne présenterait pas suffisamment d’expérience relative à l’application de la tomographie à rayons X à contraste de phase sur les papyrus d’Herculanum pour maîtriser pleinement la partie technologique de la proposition de recherche est erronée, dès lors que la publication d’un article scientifique collectif par le requérant et son équipe établirait cette maîtrise et que son équipe disposerait de la capacité de gérer et de contrôler la partie technologique de cette proposition.

109    Or, l’évaluation de la maîtrise de la partie technologique de la proposition de recherche par le requérant, du degré de maîtrise requis et du degré d’importance des aspects technologiques relèvent de l’appréciation scientifique du panel SH5.

110    À cet égard, la publication d’un article scientifique collectif et la présence dans l’équipe de recherche de spécialistes de cette technologie ne sont pas de nature à démontrer une erreur manifeste d’appréciation du panel SH5.

111    En effet, ainsi qu’il ressort du point 104 ci-dessus, le panel SH5 n’a pas émis de doutes sur la compétence scientifique des membres de l’équipe de recherche, mais seulement sur la capacité du requérant de maîtriser la partie technologique du projet en tant que chercheur principal.

112    Au demeurant, le requérant reconnaît qu’il a refusé de répondre à une question sur les éléments de la table de laboratoire portative pour tomographie à rayons X à contraste de phase prévue pour le projet, car elle ne relevait pas de sa spécialité. Il affirme également que les détails technologiques sont secondaires dans le cadre du projet et qu’ils sont gérés, dans tous les cas, par d’autres membres du groupe de recherche.

113    En outre, aucun des éléments avancés par le requérant, en lui-même ou pris conjointement avec les autres, n’est de nature à démontrer que le panel SH5 aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

114    En troisième lieu, dès lors que les panels d’experts adoptent une décision indépendante à chaque appel à propositions, l’admission du projet du requérant en 2014 ne garantit pas l’admission d’un projet postérieur similaire.

115    Dans ces conditions, le panel SH5 n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il existait des doutes sur la maîtrise par le requérant de la partie technologique de la proposition de recherche.

116    En quatrième lieu, le requérant allègue que la décision refusant la subvention a été influencée par la procédure concomitante d’inconduite scientifique menée contre lui et que le critère éthique aurait été pris en compte par le panel SH5 au détriment du critère de l’excellence scientifique, ce qu’il déduit de l’évaluation du cinquième évaluateur, de la présence de deux membres du comité d’éthique lors de son entretien avec le panel SH5 et du ton prétendument inquisitorial d’un expert de ce panel ainsi que de ce qu’il estime être de l’acharnement.

117    À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 73 à 78 du présent arrêt, l’évaluation du cinquième évaluateur n’est qu’un élément parmi d’autres ayant été pris en compte par le panel SH5.

118    Au demeurant, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il ne ressort pas de la motivation de la décision refusant la subvention que le panel SH5 a repris sans condition l’évaluation du cinquième évaluateur.

119    En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le panel SH5 aurait adopté la décision refusant la subvention en étant influencé par la procédure pour inconduite scientifique introduite contre le requérant puis rejetée, le requérant n’apporte pas de preuves susceptibles d’établir une telle influence.

120    Premièrement, l’influence de la procédure pour inconduite scientifique menée contre le requérant ne saurait être simplement déduite de l’analogie alléguée entre les critiques formulées par le cinquième évaluateur et les reproches adressés au requérant dans le cadre de cette procédure. Elle ne saurait non plus être déduite du ton prétendument inquisitorial de cet évaluateur lors de l’entretien avec le requérant.

121    En effet, d’une part, l’évaluation du cinquième évaluateur n’est qu’un élément parmi d’autres ayant été pris en compte par le panel SH5 et, d’autre part, il ne ressort pas des motifs de la décision refusant la subvention que le panel SH5 a fondé sa décision sur les reproches tirés de l’utilisation de travaux d’autres chercheurs.

122    Deuxièmement, la présence alléguée de membres du comité d’éthique lors de l’entretien du requérant, même à la supposer établie, ne serait pas de nature à démontrer, à elle seule et en l’absence d’autres éléments probants, que le panel SH5 aurait sélectionné les propositions sur la base d’un critère différent de celui de l’excellence scientifique. Au demeurant, l’ERCEA conteste que des membres du comité d’éthique aient été présents lors de l’entretien avec le requérant. Ce dernier n’a présenté aucun élément probant à cet égard.

123    Troisièmement, le fait que le président du panel SH5 a été informé de l’existence de la procédure pour inconduite scientifique à l’encontre du requérant n’est pas non plus de nature, en l’absence d’autres éléments probants, à démontrer que cette procédure aurait influencé ledit panel.

124    Par conséquent, le requérant n’a pas démontré que le panel SH5 aurait commis une erreur concernant la matérialité des faits ou une erreur manifeste d’appréciation en adoptant la décision refusant la subvention.

125    En outre, à défaut d’indices objectifs, pertinents et concordants à même de démontrer que les critères d’évaluation appliqués et l’évaluation de la proposition et de l’entretien du requérant poursuivaient un but autre que l’évaluation de la qualité scientifique de sa proposition, les éléments avancés par le requérant ne sont pas non plus de nature à caractériser un détournement de pouvoir.

126    Le requérant n’est donc pas parvenu à démontrer que la décision refusant la subvention était entachée d’illégalité.

127    Dès lors, la décision du 26 février 2016, en ce qu’elle a constaté que les règles du CER avaient été respectées, n’est pas entachée des illégalités alléguées.

128    Le deuxième moyen n’est donc pas fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir résultant d’une violation des règles du CER relatives à l’évaluation des propositions de recherche

129    Tout d’abord, le requérant fait valoir, en substance, que sa proposition de recherche n’a pas été évaluée sur la base du critère de l’excellence scientifique et conteste l’appréciation des mérites de sa proposition, du degré de maîtrise de son aspect technologique requis par le panel SH5 et de son curriculum vitae.

130    Ensuite, il reproche au panel SH5 d’avoir procédé à un examen superficiel en se fondant sur des faits démentis.

131    En outre, il affirme que le panel SH5 a fait une mauvaise évaluation du caractère innovant de sa proposition de recherche et qu’il ne pouvait fonder son évaluation sur la connaissance d’un élément technique secondaire par le chercheur principal.

132    Enfin, la transformation de cinq évaluations extrêmement positives en un jugement unitaire négatif serait contraire à toute logique reposant sur le mérite et contradictoire.

133    L’ERCEA conteste cette argumentation.

134    Dans le cadre du troisième moyen, le requérant conteste, en substance, l’appréciation scientifique de sa proposition de recherche, du degré de maîtrise de son aspect technologique requis par le panel SH5, notamment la prise en compte d’une question technique qu’il estime accessoire, et de son curriculum vitae. Il reproche également au panel SH5 d’avoir procédé à des examens superficiels en se fondant sur des faits démentis et affirme que la transformation de cinq évaluations positives en un jugement négatif est contraire aux règles du CER et constitutive d’un détournement de pouvoir.

135    À cet égard, ainsi qu’il ressort de l’analyse des deux premiers moyens, les arguments du requérant relatifs à l’appréciation scientifique de sa proposition de recherche, au degré de maîtrise de son aspect technologique requis par le panel SH5, notamment la prise en compte d’une question technique qu’il estime accessoire, ainsi que ceux relatifs à une erreur concernant la matérialité des faits et la divergence alléguée entre les résultats des évaluations individuelles et la décision refusant la subvention ne sont pas susceptibles de caractériser une erreur sur les faits, une erreur manifeste d’appréciation, un détournement de pouvoir ou une violation des règles du CER.

136    Le requérant n’est donc pas parvenu à démontrer que la décision refusant la subvention était entachée d’illégalité.

137    Dès lors, la décision du 26 février 2016 n’est pas entachée des illégalités alléguées en ce qu’elle a constaté que les règles du CER avaient été respectées.

138    Le troisième moyen n’est donc pas fondé.

139    Il résulte de ce qui précède que les demandes d’annulation de la décision refusant la subvention et de la décision du 26 février 2016, figurant aux premier et deuxième chefs de conclusions, doivent être rejetées.

140    Le requérant s’appuie sur l’illégalité alléguée de la décision refusant la subvention et de la décision du 26 février 2016 pour obtenir l’annulation des actes préalables, connexes et consécutifs à ceux visés par le recours, dont celle de la liste des projets approuvés, et pour obtenir que le Tribunal impose à l’ERCEA l’admission de sa proposition de recherche parmi les projets financés.

141    Eu égard au rejet des moyens en ce qui concerne la décision refusant la subvention et la décision du 26 février 2016, la demande tendant à l’annulation des actes préalables, connexes et consécutifs à ceux visés par le recours, la demande d’annulation de la liste des projets approuvés et la demande tendant à ce que le Tribunal impose à l’ERCEA l’admission de sa proposition de recherche parmi les projets financés doivent également être rejetées.

 Sur les demandes de production de documents

142    Le requérant demande au Tribunal d’ordonner la production, premièrement, du classement des projets approuvés financés par le panel SH5, deuxièmement, des appréciations finales, des évaluations individuelles et des notes relatives aux projets approuvés et financés par le panel SH5, troisièmement, de la plainte pour inconduite scientifique présentée à l’encontre de sa proposition de recherche, quatrièmement, du nom du cinquième examinateur anonyme de sa proposition de recherche et, cinquièmement, de l’enregistrement de son entretien avec le panel SH5 du 12 novembre 2015.

143    Il ressort de la jurisprudence que, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 93, et du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, EU:T:2008:419, point 152).

144    Tout d’abord, le classement des projets approuvés financés par le panel SH5, de même que les appréciations finales, les évaluations individuelles et les notes relatives à ces projets, n’auraient d’utilité que si la comparaison entre la proposition de recherche du requérant et ces projets était susceptible de démontrer une erreur manifeste d’appréciation ou une violation des règles du CER par le panel SH5.

145    Néanmoins, cette comparaison relève de l’appréciation scientifique des propositions de recherche.

146    Or, en l’absence de toute preuve d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la proposition de recherche du candidat, ladite comparaison n’est pas susceptible de démontrer, en elle–même, une erreur manifeste d’appréciation ou une violation des règles du CER.

147    Dès lors, le classement des projets approuvés, les appréciations finales, les évaluations individuelles et les notes relatives à ces projets ne sont pas utiles pour les besoins de l’instance.

148    Ensuite, ainsi qu’il découle des points 87 à 90 et 121 à 123 du présent arrêt, la plainte pour inconduite scientifique présentée à l’encontre de la proposition de recherche du requérant n’est pas utile pour les besoins de l’instance dans la mesure où elle n’est pas susceptible, à défaut d’autres éléments probants et de la preuve que le panel SH5 aurait évalué sa proposition en étant influencé par cette plainte, de démontrer un détournement de pouvoir, une erreur manifeste d’appréciation ou une violation des règles du CER.

149    Il en va de même du nom du cinquième évaluateur anonyme.

150    Enfin, dès lors que la teneur de l’entretien du requérant n’est pas contestée par les parties et n’est pas de nature à démontrer un détournement de pouvoir, une erreur manifeste d’appréciation ou une violation des règles du CER, son enregistrement n’est pas utile pour les besoins de l’instance.

151    Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la production de ces documents.

152    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

153    Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’ERCEA, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Graziano Ranocchia est condamné aux dépens.

Prek

Buttigieg

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.