Language of document : ECLI:EU:T:2009:189

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

11 juin 2009 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides accordées par les autorités italiennes à certaines entreprises de services publics sous la forme d’exonérations fiscales et de prêts à taux préférentiel – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché commun – Recours en annulation – Affectation individuelle – Recevabilité – Aides existantes ou aides nouvelles – Article 87, paragraphe 3, sous c), CE »

Dans l’affaire T‑297/02,

ACEA SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes A. Giardina, L. Radicati di Brozolo et V. Puca, avocats,

partie requérante,

soutenue par

ACSM Como SpA, établie à Côme (Italie), représentée par Mes L. Radicati di Brozolo et M. Merola, avocats,

et

AEM – Azienda Energetica Metropolitana Torino SpA, établie à Turin (Italie), représentée par Mes M. Merola et L. Radicati di Brozolo, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation des articles 2 et 3 de la décision 2003/193/CE de la Commission, du 5 juin 2002, relative à une aide d’État aux exonérations fiscales et prêts à des conditions préférentielles consentis par l’Italie à des entreprises de services publics dont l’actionnariat est majoritairement public (JO 2003, L 77, p. 21),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre élargie),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. D. Šváby, S. Papasavvas, N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, ACEA SpA, est une société de capitaux détenue à 51 % par la commune de Rome (Italie). Elle a été créée en 1997 à partir de la transformation de l’entreprise municipalisée du même nom. À l’instar de cette dernière, elle est active aussi bien dans le secteur de l’électricité, en tant que fournisseur de services d’éclairage public et de production, de transport, de distribution et de vente d’énergie, que dans le secteur de l’eau, dans la mesure où elle fournit des services de captage, d’adduction et de distribution d’eau potable et de collecte et du traitement des eaux usées.

 Sur le cadre juridique national

2        La legge n° 142 ordinamento delle autonomie locali (loi n° 142 portant organisation des autonomies locales, du 8 juin 1990, GURI n° 135, du 12 juin 1990, ci-après la « loi nº 142/90 ») a introduit en Italie une réforme des instruments d’organisation légaux mis à la disposition des communes pour la gestion des services publics, notamment dans les secteurs de la distribution de l’eau, du gaz, de l’électricité et des transports. L’article 22 de ladite loi, tel que modifié, a prévu la possibilité pour les communes de créer des sociétés sous différentes formes juridiques afin de fournir des services publics. Parmi celles‑ci figure la constitution de sociétés commerciales ou de sociétés à responsabilité limitée à actionnariat majoritairement public (ci-après les « sociétés loi nº 142/90 »). La requérante est une société loi nº 142/90.

3        Dans ce contexte, en vertu de l’article 9 bis de la legge n° 488 di conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 1° luglio 1986, n° 318, recante provvedimenti urgenti per la finanza locale (loi n° 488 portant conversion en loi, avec modifications, du décret-loi n° 318, du 1er juillet 1986, introduisant des mesures urgentes en faveur des finances locales, du 9 août 1986, GURI n° 190, du 18 août 1986), des prêts à un taux d’intérêt particulier auprès de la Cassa Depositi e Prestiti (ci-après la « CDDPP ») ont été accordés entre 1994 et 1998 à des sociétés loi nº 142/90 qui étaient prestataires de services publics (ci-après les « prêts de la CDDPP »).

4        En outre, en vertu des dispositions combinées de l’article 3, paragraphes 69 et 70, de la legge nº 549 (su) misure di razionalizzazione della finanza pubblica (loi nº 549 relative à des mesures de rationalisation des finances publiques, du 28 décembre 1995, supplément ordinaire à la GURI nº 302, du 29 décembre 1995, ci-après la « loi nº 549/95 ») et du decreto-legge n° 331 (su) armonizzazione delle disposizioni in materia di imposte sugli oli minerali, sull’alcole, sulle bevande alcoliche, sui tabacchi lavorati e in materia di IVA con quelle recate da direttive CEE e modificazioni conseguenti a detta armonizzazione, nonché disposizioni concernenti la disciplina dei centri autorizzati di assistenza fiscale, le procedure dei rimborsi di imposta, l’esclusione dall’ILOR dei redditi di impresa fino all’ammontare corrispondente al contributo diretto lavorativo, l’istituzione per il 1993 di un’imposta erariale straordinaria su taluni beni ed altre disposizioni tributarie (décret-loi nº 331 sur l’harmonisation des dispositions en matière d’impôts dans divers domaines, du 30 août 1993, GURI nº 203, du 30 août 1993, ci-après le « décret-loi n° 331/93 »), les mesures suivantes ont été introduites en faveur des sociétés loi nº 142/90 :

–        l’exonération de tous les droits grevant les transferts d’actifs effectués lors de la transformation d’entreprises spéciales et d’entreprises municipalisées en sociétés loi nº 142/90 (ci-après l’« exonération des droits sur les transferts ») ;

–        l’exonération totale de l’impôt des sociétés, à savoir l’impôt sur le bénéfice des personnes morales et l’impôt local sur le revenu, pendant trois ans, et au plus tard jusqu’à l’exercice 1999 (ci-après l’« exonération triennale de l’impôt des sociétés »).

 Procédure administrative

5        À la suite d’une plainte concernant lesdites mesures, la Commission a demandé, par lettres des 12 mai, 16 juin et 21 novembre 1997, des renseignements à cet égard aux autorités italiennes.

6        Par lettre du 17 décembre 1997, les autorités italiennes ont fourni une partie des renseignements souhaités. Une réunion a par ailleurs eu lieu, à la demande des autorités italiennes, le 19 janvier 1998.

7        Par lettre du 17 mai 1999, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 220, p. 14).

8        Après avoir reçu des observations de tiers intéressés et des autorités italiennes, la Commission a demandé à plusieurs reprises à ces dernières des renseignements complémentaires. Des rencontres ont également eu lieu entre, d’une part, la Commission et, d’autre part, les autorités italiennes ainsi que les tiers intéressés intervenus.

9        Certaines sociétés loi nº 142/90, telles que la requérante, AEM SpA et Azienda Mediterranea Gas e Acqua SpA (AMGA), qui ont par ailleurs introduit un recours en annulation contre la décision faisant l’objet de la présente affaire (affaires T‑301/02 et T‑300/02), ont, notamment, fait valoir que les trois types de mesures en question ne constituaient pas des aides d’État.

10      Les autorités italiennes et la Confederazione Nazionale dei Servizi (Confservizi), confédération regroupant notamment des sociétés loi nº 142/90 et des entreprises spéciales communales en Italie, se sont ralliées, en substance, à cette position.

11      En revanche, le Bundesverband der deutschen Industrie eV (BDI), association allemande de l’industrie et des prestataires de services y afférents, a considéré que les mesures en question pourraient provoquer des distorsions de concurrence non seulement en Italie mais également en Allemagne.

12      De même, Gas-it, association italienne d’opérateurs privés du secteur de la distribution de gaz, a déclaré que les mesures en question, en particulier l’exonération triennale de l’impôt des sociétés, constituaient des aides d’État.

13      Le 5 juin 2002, la Commission a adopté la décision 2003/193/CE relative à une aide d’État aux exonérations fiscales et prêts à des conditions préférentielles consentis par l’Italie à des sociétés loi n° 142/90 (JO 2003, L 77, p. 21, ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

14      La Commission souligne tout d’abord que son examen ne porte que sur les régimes d’aides de portée générale institués par les mesures litigieuses et non sur les aides individuelles octroyées à différentes entreprises, si bien que son examen dans la décision attaquée est général et abstrait. À cet égard, elle déclare que la République italienne « n’a pas accordé d’avantages fiscaux à titre individuel et [ne lui] a notifié […] aucun cas individuel d’aide en lui communiquant tous les renseignements nécessaires à son appréciation ». La Commission indique qu’elle s’estime, en conséquence, tenue de procéder à un examen général et abstrait des régimes en cause tant sur le plan de leur qualification que sur le plan de leur compatibilité avec le marché commun (considérants 42 à 45 de la décision attaquée).

15      Selon la Commission, les prêts de la CDDPP et l’exonération triennale de l’impôt des sociétés sont des aides d’État. En effet, l’octroi, au moyen de ressources d’État, de tels avantages aux sociétés loi nº 142/90 a pour effet de renforcer leur position concurrentielle par rapport à toutes les autres entreprises désireuses de fournir les mêmes services (considérants 48 à 75 de la décision attaquée). Les mesures en cause sont incompatibles avec le marché commun dès lors qu’elles ne satisfont ni aux conditions de l’article 87, paragraphes 2 et 3, CE, ni aux conditions de l’article 86, paragraphe 2, CE et qu’elles violent, en plus, l’article 43 CE (considérants 94 à 122 de la décision attaquée).

16      En revanche, selon la Commission, l’exonération des droits sur les transferts ne constitue pas une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, étant donné que ces droits sont dus lors de la constitution d’une nouvelle entité économique ou lors du transfert d’actifs entre différentes entités économiques. Or, d’un point de vue substantiel, les entreprises municipalisées, d’une part, et les sociétés loi nº 142/90, d’autre part, incarnent la même entité économique. Dès lors, l’exonération desdits droits en leur faveur est justifiée par la nature ou l’économie du système (considérants 76 à 81 de la décision attaquée).

17      Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

L’exonération des droits sur les transferts […] ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].

Article 2

L’exonération triennale de l’impôt des sociétés […] et les avantages découlant des prêts [de la CDDPP …] constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].

Ces aides ne sont pas compatibles avec le marché commun.

Article 3

L’Italie prend toutes les mesures qui s’imposent pour exiger du bénéficiaire qu’il restitue l’aide décrite à l’article 2 qui lui a été accordée illégalement.

Le recouvrement de l’aide intervient immédiatement, conformément aux procédures nationales, dans la mesure où elles permettent l’exécution effective et immédiate de la décision [attaquée].

L’aide à recouvrer comprend les intérêts à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a perçu l’aide illégale jusqu’à la date de son remboursement effectif. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l’équivalent subvention des aides à finalité régionale.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par actes déposés respectivement au greffe du Tribunal les 29 novembre et 2 décembre 2002, ACSM Como SpA et AEM – Azienda Energetica Metropolitana Torino SpA ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 12 mai 2003, le président de la cinquième chambre élargie du Tribunal (ancienne composition) a admis ces interventions. Les intervenantes ont déposé leur mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

20      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 janvier 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

21      Le 14 mars 2003, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

22      Le 8 août 2002, la République italienne a également formé un recours en annulation devant la Cour contre la décision attaquée, qui a été enregistré sous la référence C‑290/02. La Cour a constaté que ce recours et ceux dans les affaires T‑292/02, T‑297/02, T‑300/02, T‑301/02 et T‑309/02 avaient le même objet, à savoir l’annulation de la décision attaquée, et qu’ils étaient connexes, puisque les moyens présentés dans chacune des affaires se recoupaient très largement. Par ordonnance du 10 juin 2003, la Cour a suspendu la procédure dans l’affaire C‑290/02, conformément à l’article 54, troisième alinéa, de son statut, jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans les affaires T‑292/02, T‑297/02, T‑300/02, T‑301/02 et T‑309/02.

23      Par ordonnance du 8 juin 2004, la Cour a décidé de renvoyer l’affaire C‑290/02 devant le Tribunal, qui est devenu compétent pour statuer sur les recours formés par les États membres contre la Commission, conformément aux dispositions de l’article 2 de la décision 2004/407/CE, Euratom du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5). C’est ainsi que cette affaire a été enregistrée au greffe du Tribunal sous la référence T‑222/04.

24      Par ordonnance du 5 août 2004, le Tribunal a décidé de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé, par écrit, des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans le délai imparti.

26      Par ordonnance du président de la huitième chambre élargie du Tribunal du 13 mars 2008, les affaires T‑292/02, T‑297/02, T‑300/02, T‑301/02, T‑309/02, T‑189/03 et T‑222/04 ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 16 avril 2008.

28      La requérante, soutenue par les intervenantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler les articles 2 et 3 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante et les intervenantes aux dépens.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

30      La Commission conteste, tout d’abord, l’intérêt à agir de la requérante dans la mesure où son recours vise à l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée relatif aux prêts de la CDDPP. En effet, la requérante n’aurait pas bénéficié de ces derniers.

31      La Commission conteste ensuite la qualité pour agir de la requérante. La requérante ne serait pas individuellement concernée par la décision attaquée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

32      La Commission fait valoir, en substance, que la décision attaquée doit être qualifiée d’acte de portée générale dans la mesure où elle concerne un régime d’aides et donc un nombre indéterminé et indéterminable d’entreprises définies en fonction d’un critère général, tel que leur appartenance à une catégorie d’entreprises. Selon elle, la portée générale, et donc la nature normative, d’un acte n’est pas mise en cause par la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte, en relation avec la finalité de ce dernier.

33      Selon la Commission, pour qu’un particulier soit individuellement concerné par un acte de portée générale, cet acte doit porter atteinte à ses droits spécifiques ou l’institution qui en est l’auteur doit être obligée de tenir compte des conséquences de cet acte sur la situation dudit particulier concerné. La Commission considère cependant que tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la décision attaquée aurait eu des répercussions sur la situation de toutes les entreprises qui ont bénéficié des mesures en cause. Par conséquent, il n’y aurait pas de violation des droits spécifiques de certaines entreprises qui pourraient se différencier par rapport à toute autre entreprise bénéficiaire des mesures en cause. Par ailleurs, lors de l’adoption de la décision attaquée, la Commission n’aurait ni dû ni pu tenir compte des conséquences de sa décision sur la situation d’une entreprise précise. Ni la déclaration d’incompatibilité ni l’ordre de récupération contenus dans la décision attaquée ne se référeraient à la situation de bénéficiaires individuels.

34      Selon la Commission, son analyse est confirmée par la jurisprudence dans le domaine des aides d’État, selon laquelle le fait d’être le bénéficiaire d’un régime d’aides déclaré incompatible avec le marché commun ne saurait suffire à démontrer l’affectation individuelle au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

35      Des affaires plus récentes ne remettraient pas en cause la jurisprudence établie. Selon la Commission, la solution retenue dans l’arrêt de la Cour du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission (C‑15/98 et C‑105/99, Rec. p. I‑8855, ci-après l’« arrêt Sardegna Lines »), ne peut être appliquée à tous les recours formés par les bénéficiaires d’un régime d’aides déclaré illégal et incompatible et dont la récupération a été ordonnée. Cette conclusion s’imposerait en particulier lorsque, comme en l’espèce, le régime d’aides en cause a été examiné de manière abstraite. En outre, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Sardegna Lines, précité, la requérante aurait en réalité bénéficié d’une aide individuelle, car il s’agissait d’un avantage accordé en vertu d’un acte adopté sur la base d’une loi régionale caractérisée par un large pouvoir discrétionnaire. De plus, cette situation aurait fait l’objet d’un examen attentif au cours de la procédure formelle d’examen.

36      Les faits de l’espèce différeraient également de ceux ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, ci-après l’« arrêt Alzetta »), dans la mesure où, en l’espèce, la Commission ne connaissait ni le nombre exact ni l’identité des bénéficiaires des aides en cause, ne disposait pas de tous les renseignements pertinents et ne connaissait pas le montant de l’aide octroyée dans chacun des cas. En outre, dans le cas présent, l’exonération triennale de l’impôt des sociétés s’appliquerait de façon automatique, alors que les aides en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Alzetta, précité, avaient été octroyées par le biais d’un acte ultérieur.

37      Contrairement aux affirmations de la requérante, ce ne serait pas la connaissance de l’identité d’une entreprise qui importerait aux fins de la recevabilité, mais le fait que l’attention de la Commission ait été attirée sur des caractéristiques du cas d’espèce propres à justifier un examen individuel. Or, dans la décision attaquée, la Commission aurait indiqué qu’aucune information ne lui avait été fournie démontrant que, à l’égard de la requérante, les mesures en cause ne constituaient pas des aides ou constituaient des aides existantes ou compatibles avec le marché commun.

38      En tout état de cause, ni le fait d’avoir participé à la procédure formelle prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, ni l’ordre de récupération contenu dans la décision attaquée ne suffisent, selon la Commission, à individualiser la requérante. En effet, étant donné que les recours introduits par les bénéficiaires potentiels d’un régime d’aides notifié ne sont pas recevables au sens de l’article 230 CE, il devrait en être de même pour ceux formés par les bénéficiaires d’un régime d’aides non notifié.

39      Enfin, le fait de déclarer irrecevable le recours introduit par la requérante en l’espèce ne violerait pas le principe d’une protection juridictionnelle effective, car les voies de recours prévues par les articles 241 CE et 234 CE seraient suffisantes (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677).

40      S’agissant de sa qualité à agir, la requérante affirme, en substance, être individuellement concernée en ce qu’elle est une société loi nº 142/90, donc une entreprise visée par le régime d’aides contesté dans la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

41      Conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

42      Il est de jurisprudence constante qu’une personne physique ou morale autre que le destinataire d’une décision ne saurait prétendre être concernée individuellement par celle-ci que si la décision l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C‑321/95 P, Rec. p. I‑1651, points 7 et 28).

43      La Cour a ainsi jugé qu’une entreprise ne saurait, en principe, être recevable à introduire un recours en annulation d’une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard d’un requérant, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 15, et arrêt Alzetta, point 36 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

44      Toutefois, la Cour a également jugé, aux points 34 et 35 de l’arrêt Sardegna Lines, point 35 supra, que, dès lors que l’entreprise Sardegna Lines n’était pas seulement concernée par la décision en cause dans cette affaire en tant qu’entreprise du secteur de la navigation en Sardaigne, potentiellement bénéficiaire du régime d’aides aux armateurs sardes, mais également en sa qualité de bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée au titre de ce régime et dont la Commission avait ordonné la récupération, elle était individuellement concernée par ladite décision et son recours dirigé contre celle-ci était recevable (voir également, en ce sens, arrêt Alzetta, point 36 supra, point 39).

45      Il y a dès lors lieu de vérifier si la requérante a la qualité de bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée au titre d’un régime d’aides sectoriel et dont la Commission a ordonné la récupération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, Rec. p. II‑4063, point 70).

46      À cet égard, il convient de relever que, en premier lieu, il ressort de la réponse de la requérante aux questions écrites posées à ce sujet par le Tribunal que celle-ci est bien un bénéficiaire effectif d’une aide individuelle octroyée dans le cadre du régime d’aides en cause. En effet, la requérante affirme avoir bénéficié de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés au cours des années 1998 et 1999. Cette affirmation n’a pas été contredite par la République italienne.

47      En second lieu, il ressort de l’article 3 de la décision attaquée que la Commission a ordonné la récupération de l’aide en cause.

48      Il résulte de ce qui précède que la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée dans la mesure où il s’agit de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés.

49      S’agissant de l’affectation directe de la requérante, dans la mesure où l’article 3 de la décision attaquée oblige la République italienne à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour exiger du bénéficiaire qu’il restitue l’aide décrite à l’article 2 de ladite décision qui lui a été accordée illégalement et où la requérante en a bénéficié et devra la rembourser, celle-ci doit être considérée comme directement concernée par cette décision (voir, en ce sens, arrêt Salvat père & fils e.a./Commission, point 45 supra, point 75).

50      En revanche, ainsi qu’il ressort de la requête introductive d’instance et de la réponse de la requérante aux questions posées par le Tribunal, celle-ci n’a pas bénéficié de prêts de la CDDPP pendant la période considérée.

51      Partant, il y a lieu de constater que la requérante ne peut pas être considérée comme individuellement concernée par la décision attaquée pour autant qu’il s’agit des prêts de la CDDPP.

52      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent recours est recevable dans la mesure où il vise la partie de la décision attaquée portant sur l’exonération triennale de l’impôt des sociétés.

 Sur le fond

53      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés respectivement :

–        d’une violation de l’article 88 CE, du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), et de l’obligation de motivation en raison de l’absence d’examen précis, concret et différencié ;

–        d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et d’un défaut de motivation s’agissant de la qualification d’aide d’État de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés ;

–        d’une violation de l’article 88, paragraphe 1, CE, en raison de la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle et, partant, des règles de procédure et d’un défaut de motivation ;

–        d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et d’un défaut de motivation ;

–        de l’illégalité de l’ordre de récupération et de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 88 CE, du règlement nº 659/1999 et de l’obligation de motivation en raison de l’absence d’examen précis, concret et différencié

 Arguments des parties

54      Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait notamment valoir une violation de l’article 88 CE et du règlement nº 659/1999. Elle considère que la Commission a effectué une enquête abstraite et incomplète en ce qu’elle s’est tenue à un « examen général et abstrait » de la mesure en cause sans procéder à une appréciation concrète des différentes situations. Dès lors, la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée.

55      Selon la requérante, la mesure en cause couvrait, en pratique, une gamme de situations extrêmement variées tant d’un point de vue juridique que factuel et s’appliquait à des entreprises de tailles très diverses. La requérante précise que ces dernières opéraient dans des secteurs économiques variés, étaient soumises à des réglementations différentes et étaient caractérisées par des conditions de marché différenciées du point de vue de la concurrence.

56      La requérante reconnaît que la Commission a le pouvoir d’examiner un régime d’aides sans devoir analyser les aides allouées à des cas individuels sur la base de ce régime. Cependant, la requérante estime que, à défaut d’un examen plus détaillé, la Commission ne pouvait pas conclure que la mesure en cause octroyait « un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents ». Or, la démonstration de l’existence d’un avantage serait indispensable pour qualifier une mesure d’aide d’État (arrêt de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, dit « Maribel bis/ter », C‑75/97, Rec. p. I‑3671, point 48).

57      À cet égard, la requérante estime que la Commission a procédé, dans son mémoire en défense, à une appréciation concrète des divers secteurs en cause dans le but de remédier aux graves carences affectant l’instruction de l’affaire et la motivation de la décision attaquée. Cette appréciation tardive devrait être rejetée par le Tribunal.

58      Selon la requérante, la Commission reconnaît l’insuffisance de son examen. En effet, d’une part, elle mentionnerait aux considérants 72, 85 et 126 de la décision attaquée la possibilité que des aides individuelles soient jugées compatibles avec le marché commun, en raison de la règle de minimis ou parce qu’il s’agit d’aides existantes ou encore d’aides jugées compatibles avec le marché commun pour des raisons propres au cas d’espèce. D’autre part, la Commission affirmerait que les autorités italiennes n’ont pas fourni les informations suffisantes pour procéder à un examen individuel de la situation des bénéficiaires. La requérante réfute cette dernière affirmation. Même si cette prétendue insuffisance d’informations devait être admise, la Commission aurait été tenue, selon la requérante, de procéder à de nouvelles demandes de renseignements avant d’adopter la décision attaquée, qui a d’ailleurs nécessité un long délai d’instruction, à savoir cinq ans.

59      Les intervenantes se rallient à la position et à l’argumentation de la requérante en ce qui concerne le présent moyen.

60      La Commission fait d’abord valoir que, en raison du caractère général et abstrait des mesures en cause, de l’hétérogénéité des situations couvertes par lesdites mesures et de l’absence d’informations complètes et fiables sur les bénéficiaires individuels, elle a dû se limiter à un examen des mesures en cause, laissant l’appréciation des cas individuels à la phase d’exécution de la décision attaquée. En tout état de cause, en réponse à l’argument de la requérante portant sur la longueur de l’instruction, la Commission considère qu’elle n’avait aucune raison de demander des informations additionnelles et de retarder ainsi davantage la procédure.

 Appréciation du Tribunal

61      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’est en cause, en l’espèce, un régime d’aides de portée générale et non une aide individuelle.

62      Or, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales et abstraites du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier, afin de vérifier s’il comporte des éléments d’aide (voir arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano, C‑148/04, Rec. p. I‑11137, point 67, et la jurisprudence citée).

63      En l’occurrence, il convient de constater, tout d’abord, que le régime d’aide en cause vise une catégorie spécifique d’entreprises, à savoir les sociétés loi nº 142/90. Le fait d’être une telle société est la seule condition requise afin de pouvoir bénéficier dudit régime.

64      Il convient ensuite de constater que l’application de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés n’est pas limitée à des services particuliers. En effet, comme l’a admis la requérante, les entreprises visées par ledit régime opèrent dans des secteurs économiques très divers. Or, en l’espèce, il s’agit d’un seul régime d’aides englobant une multitude de secteurs et non de divers régimes d’aides classifiés selon l’activité ou le marché concerné. De ce fait, la Commission n’était pas tenue de prendre en considération chaque type d’activité ou de marché afin d’apprécier les effets de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, point 18 ; Maribel bis/ter, point 56 supra, point 48, et du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, points 89 à 91).

65      Il découle également de la jurisprudence susmentionnée que la Commission n’est pas obligée d’examiner un régime d’aide tout en appréciant en même temps les cas individuels d’application de celui-ci, d’autant plus qu’une telle obligation pourrait diminuer l’efficacité de son pouvoir de contrôle en matière d’aides d’État. Partant, la Commission n’est pas tenue de demander des informations ex officio concernant des cas concrets d’application du régime en cause. Par conséquent, ce grief doit être rejeté.

66      Enfin, la décision attaquée est suffisamment motivée à cet égard. Il en ressort en effet que la Commission a souligné que son examen ne portait que sur les régimes d’aides institués par les mesures litigieuses et non sur les aides individuelles octroyées à différentes entreprises. De plus, il découle de ce qui précède que la Commission peut se borner à analyser les caractéristiques générales et abstraites d’un régime d’aides pour apprécier si ledit régime comporte des aides d’État et si celles-ci sont compatibles avec le marché commun.

67      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et d’un défaut de motivation s’agissant de la qualification d’aide d’État de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés

 Arguments des parties

68      Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et que la Commission a violé l’obligation de motivation à cet égard.

69      Le moyen s’articule en deux branches.

70      Dans le cadre de la première branche, la requérante rappelle que la condition préalable pour conclure qu’un régime d’aides fausse la concurrence au sens de l’article 87 CE est que les entreprises bénéficiaires de ce régime opèrent effectivement sur un marché concurrentiel.

71      En substance, elle avance que, lorsque l’exonération triennale de l’impôt des sociétés était en vigueur, et même par la suite, la fourniture des différents services publics locaux n’était pas ouverte à la concurrence. Le secteur de la vente d’énergie électrique, dans lequel toute entreprise productrice d’énergie avait une obligation de vente au titulaire du monopole, n’aurait été libéralisé qu’en 1999 du fait de la transposition de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20). La distribution du gaz n’aurait, quant à elle, été libéralisée qu’en 2000 par la transposition en Italie de la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (JO L 204, p. 1). De plus, la distribution de l’énergie électrique, le secteur du chauffage urbain ainsi que le marché des services des eaux auraient été soustraits à la concurrence. Il ressortirait donc de ces éléments que les secteurs des services publics locaux en cause n’ont été libéralisés qu’après la période d’application de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés.

72      En outre, au cours de la période d’application de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés, les possibilités de concourir pour la prestation de services publics locaux auraient été exceptionnelles.

73      La requérante fait également valoir que les entreprises bénéficiaires de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés n’ont pu participer qu’en de très rares occasions, et jamais dans le secteur de l’électricité, à des appels d’offres pour assurer la gestion de services en dehors de leur zone géographique d’origine. En effet, les marchés attribués dans le secteur de l’eau, par exemple, auraient été très peu nombreux, de montants modestes et n’auraient pas porté sur l’attribution du service en tant que tel.

74      Selon la requérante, l’exonération triennale de l’impôt des sociétés n’était pas de nature à fausser la concurrence pour les trois raisons suivantes : premièrement, les sociétés loi n° 142/90 n’auraient pas été libres de déterminer seules les prix en vertu des dispositions légales régissant les secteurs concernés ; deuxièmement, elles auraient fait l’objet de concessions ou d’attributions de longue durée qui ne sont pas venues à échéance au cours de la période de validité de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés ; troisièmement, leurs revenus auraient été pour l’essentiel destinés à alimenter les recettes des communes de référence et auraient été distribués aux actionnaires.

75      Il est dès lors, selon la requérante, impossible d’affirmer que les marchés concernés par l’exonération triennale de l’impôt des sociétés aient été concurrentiels en ce qui concerne les secteurs sur lesquels elle opère.

76      Dans le cadre de la seconde branche, la requérante soutient, en substance, que, ayant démontré l’absence de concurrence sur les marchés considérés, la question de l’existence d’une affectation des échanges entre États membres est devenue superflue.

77      Elle considère à cet égard que l’affirmation de la Commission, au considérant 68 de la décision attaquée, selon laquelle « le marché des concessions des ‘services publics locaux’ est un marché ouvert à la concurrence communautaire » est apodictique et abstraite.

78      De plus, la requérante estime que, eu égard à l’absence de preuves concernant une entrave aux échanges intracommunautaires, la Commission a manqué à son obligation de motiver de façon exhaustive la qualification de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés d’aide d’État. Dans la décision attaquée, la Commission aurait envisagé, de manière purement abstraite et hypothétique, le risque pour la concurrence découlant de l’extension des activités des sociétés loi n° 142/90 vers d’autres activités que celles des concessions publiques ou des avantages fiscaux dont elles auraient bénéficié, sans avoir accompli aucune vérification sur la réalité des faits ni procédé à une analyse correcte des différents secteurs économiques.

79      Les intervenantes se rallient à la position et à l’argumentation de la requérante.

80      La Commission conteste tous les arguments invoqués et considère que la décision attaquée est suffisamment motivée.

 Appréciation du Tribunal

81      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la qualification d’aide, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, requiert que toutes les conditions visées par cette disposition soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, il doit s’agir d’un avantage sélectif. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark », points 74 et 75, et la jurisprudence citée, et du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, Rec. p. I‑1627, point 27).

82      En l’espèce, la requérante soutient que les conditions relatives à l’affectation des échanges intracommunautaires et à l’incidence sur la concurrence ne sont pas réunies.

83      Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue non pas d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt Unicredito Italiano, point 62 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

84      Il y a également lieu de rappeler que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier dans les motifs de sa décision si, en raison des modalités que ce programme prévoit, celui-ci est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres (arrêt Italie/Commission, point 64 supra).

85      Il convient par ailleurs de rappeler que toute aide octroyée à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché communautaire est susceptible de causer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (voir arrêt du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava/Commission, T‑92/00 et T‑103/92, Rec. p. II‑1385, point 72, et la jurisprudence citée).

86      En outre, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas, a priori, l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit « Tubemeuse », C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 43 ; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 42, et arrêt Altmark, point 81 supra, point 81).

87      De plus, la Cour a indiqué qu’il n’était nullement exclu qu’une subvention publique accordée à une entreprise qui ne fournit que des services de transport local ou régional et ne fournit pas de services de transport en dehors de son État d’origine puisse néanmoins avoir une incidence sur les échanges entre États membres au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. En effet, lorsqu’un État membre accorde une subvention publique à une entreprise, la fourniture de services de transport par ladite entreprise peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de fournir leurs services de transport sur le marché de cet État en sont diminuées (arrêt Altmark, point 81 supra, points 77 et 78).

88      En l’espèce, s’agissant de la condition relative à l’affectation de la concurrence, il convient de constater que, si la requérante a certes fait valoir que les sociétés loi nº 142/90 n’opéraient pas sur des marchés concurrentiels, et cela en se référant, en particulier, à ses propres secteurs d’activités, elle n’a fourni aucune preuve valable pour étayer l’affirmation selon laquelle les secteurs des services publics locaux n’étaient pas ouverts à la concurrence à l’époque. À cet égard, il convient de rappeler qu’il s’agit, en l’espèce, d’un régime d’aides englobant une multitude de secteurs et non de divers régimes d’aides portant chacun sur un secteur spécifique.

89      Le fait que le régime d’aide en cause s’applique uniquement aux sociétés loi nº 142/90, quelles que soient leurs activités, et la circonstance que ces entreprises opèrent effectivement dans différents secteurs de l’économie, parmi ceux qui sont ouverts à la concurrence, suffisent à conclure que la mesure en cause est, en elle-même, susceptible d’influencer la concurrence et les échanges entre États membres.

90      À cet égard, il convient de signaler que, comme l’a indiqué la Commission aux considérants 73 et 84 de la décision attaquée, certains des secteurs concernés, tels que ceux des produits pharmaceutiques, des déchets, du gaz, de l’électricité et de l’eau, étaient caractérisés par un certain degré de concurrence au moment de l’entrée en vigueur des mesures en cause.

91      De surcroît, il doit être constaté que, dans les secteurs d’activité des sociétés loi n° 142/90, les entreprises concourent pour s’adjuger les concessions de services publics locaux dans les différentes communes et que le marché desdites concessions est un marché ouvert à la concurrence (considérants 67 et 68 de la décision attaquée).

92      L’argument tiré de l’absence de concurrence et donc d’incidence sur les échanges interétatiques du fait qu’en réalité les services concernés auraient directement été attribués aux sociétés loi nº 142/90 doit être rejeté. D’une part, l’attribution directe n’infirme pas la constatation faite aux points précédents selon laquelle le marché en cause était caractérisé, à tout le moins, par un certain degré de concurrence. D’autre part, l’argument tendrait plutôt à démontrer les effets restrictifs des mesures en cause sur la concurrence et non l’absence de concurrence sur le marché concerné. En effet, comme le souligne la Commission au considérant 71 de la décision attaquée, il ne peut être exclu que l’existence même de l’aide en faveur des sociétés loi n° 142/90 ait créé une incitation pour les communes à leur confier directement les services plutôt que d’accorder des concessions dans le cadre de procédures ouvertes.

93      S’agissant précisément de la question de savoir si les mesures concernées ont faussé ou ont menacé de fausser le degré de concurrence existant sur le marché, il doit être constaté que les mesures en cause ont renforcé la position concurrentielle des sociétés loi n° 142/90 par rapport à toute autre entreprise italienne ou étrangère active sur le marché concerné. Comme le relève à juste titre la Commission au considérant 62 de la décision attaquée, les entreprises dont la forme juridique n’est pas celle de la société de capitaux et dont le capital n’est pas majoritairement détenu par les collectivités locales sont désavantagées lorsqu’elles veulent participer à un appel d’offres pour l’adjudication de la prestation d’un certain service sur un certain territoire.

94      En outre, les activités des sociétés loi nº 142/90 ne sont pas limitées au secteur de services publics locaux. Dès lors, la mesure en cause peut faciliter l’expansion desdites sociétés sur d’autres marchés ouverts à la concurrence, produisant ainsi des effets de distorsion même dans d’autres secteurs que les services publics locaux. À cet égard, il ressort de la loi nº 142/90, telle qu’interprétée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), arrêt nº 4989, du 6 mai 1995, et par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), l’arrêt nº 4586, du 3 septembre 2001, que les sociétés loi nº 142/90 ont la possibilité d’agir sur d’autres territoires tant en Italie qu’à l’étranger et dans des domaines différents de ceux des services publics prévus dans leurs statuts, sauf si cela leur soustrait des ressources et des moyens dans une mesure appréciable et que cela est de nature à porter préjudice à la collectivité de référence.

95      Il résulte de ce qui précède que la mesure concernée fausse ou menace de fausser la concurrence au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

96      S’agissant de la condition relative à l’affectation des échanges interétatiques, il convient de rappeler, tout d’abord, que le fait que les sociétés loi nº 142/90 opèrent seules sur leur marché national ou sur leur territoire d’origine n’est pas déterminant. En effet, les échanges interétatiques sont affectés par la mesure concernée lorsque les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de fournir leurs services sur le marché italien sont diminuées (voir point 87 ci-dessus).

97      Ainsi, c’est à bon droit que la Commission a constaté au considérant 70 de la décision attaquée que la mesure concernée pouvait créer un obstacle pour les entreprises étrangères désireuses de s’implanter en Italie ou d’y proposer leurs services et affectait donc les échanges intracommunautaires au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

98      En effet, d’une part, la mesure en cause porte préjudice aux entreprises étrangères qui soumissionnent pour des concessions locales de services publics en Italie dès lors que les entreprises publiques bénéficiaires du régime en cause peuvent proposer des prix plus compétitifs que leurs concurrents nationaux ou communautaires, qui n’en bénéficient pas. D’autre part, la mesure concernée rend moins attractif pour les entreprises d’autres États membres l’investissement dans le secteur des services publics locaux en Italie (par exemple, par la prise d’une participation majoritaire), puisque les entreprises rachetées ne seraient pas admises au bénéfice (ou pourraient perdre le bénéfice) de la mesure concernée du fait de la nature de leurs nouveaux actionnaires (voir considérant 69 de la décision attaquée).

99      Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que les conditions tenant à l’affectation des échanges entre États membres et à la distorsion de concurrence étaient remplies en l’espèce.

100    En ce qui concerne le prétendu défaut de motivation de la décision attaquée au regard de ces deux conditions, il convient de rappeler que la Commission a explicité de manière succincte mais claire, respectivement aux considérants 62 à 64, 69, 73 et 74 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés était de nature à fausser la concurrence et à affecter les échanges interétatiques entre les États membres. En outre, comme cela a déjà été relevé, la Commission n’est pas tenue de démontrer les effet réels des aides déjà octroyées (arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, Rec. p. I‑307, point 33).

101    Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 88, paragraphe 1, CE en raison de la qualification des mesures en cause d’aides nouvelles et, partant, des règles de procédure et d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

102    Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que la mesure en cause est une aide existante et que, partant, la Commission a violé l’article 88 CE et l’article 1er, sous b), i) et v), du règlement nº 659/1999. Elle invoque également un défaut de motivation de la décision attaquée à cet égard.

103    Le moyen s’articule en deux branches.

104    Dans le cadre de la première branche, la requérante estime qu’il s’agit d’aides existantes au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement n° 659/1999, car les marchés concernés étaient fermés à la concurrence pendant la période de référence. En effet, les sociétés loi nº 142/90 n’auraient pu opérer que sur leur territoire d’appartenance et en régime d’exclusivité. Ainsi, la mesure en cause serait en tout état de cause devenue une aide d’État au plus tôt à la suite de la prétendue ouverture des secteurs concernés à la concurrence.

105    Dans le cadre de la seconde branche, fondée sur l’article 1er, sous b), i), du règlement n° 659/1999, la requérante fait valoir que l’exploitation en régime de monopole de services d’intérêt public par les communes et les entreprises municipalisées a été exonérée d’impôts depuis le début du siècle dernier.

106    Selon la requérante, il y a eu continuité entre, d’une part, le régime fiscal dont bénéficiaient les communes et les entreprises municipalisées au titre des activités d’exploitation de services publics locaux et, d’autre part, l’exonération triennale de l’impôt des sociétés pour les sociétés loi nº 142/90. En effet, les entreprises municipalisées et les sociétés loi nº 142/90 incarneraient en substance la même entité.

107    La Commission n’aurait donc pas satisfait à l’obligation de démontrer que la nouvelle mesure a affecté le « régime initial dans sa substance », ce qui constitue une condition fondamentale pour qu’une aide existante puisse être qualifiée d’aide nouvelle au sens de l’arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission (T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309). Les avantages fiscaux en cause n’auraient pas été modifiés et la catégorie des bénéficiaires n’aurait pas été étendue.

108    La césure temporelle que la Commission a introduite entre le régime des entreprises municipalisées et celui des sociétés loi n° 142/90 ne saurait être acceptée, car les entreprises municipalisées ont continué à bénéficier de l’ancien régime fiscal jusqu’à leur transformation en sociétés loi n° 142/90, laquelle a seulement été effectuée lors de la mise en place du nouveau régime fiscal. Dès lors, les sociétés loi n° 142/90 n’auraient jamais été soumises à l’impôt sur les revenus entre 1990 et 1993.

109    La requérante considère que le raisonnement de la Commission est contradictoire en ce qu’elle admet d’abord l’existence d’une identité économique et matérielle entre les sociétés loi n° 142/90 et les anciennes entreprises municipalisées aux fins de l’exonération des droits sur les transferts, puis méconnaît cette identité lors de l’analyse de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés.

110    Selon la requérante, ni le libellé de l’article 22, paragraphe 3, de la loi n° 142/90 ni la jurisprudence nationale citée par la Commission ne vont dans le sens d’une différenciation, en termes de champ matériel et territorial, entre les sociétés loi n° 142/90 et les entreprises municipalisées ou spéciales.

111    Les intervenantes se rallient à la position et à l’argumentation de la requérante.

112    La Commission estime que ce moyen doit être rejeté.

 Appréciation du Tribunal

113    Dans son arrêt du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (C‑44/93, Rec. p. I‑3829), la Cour a jugé qu’il ressort tant du contenu que des finalités des dispositions de l’article 88 CE que doivent être regardées comme des aides existantes au sens du paragraphe 1 de cet article les aides qui existaient avant la date d’entrée en vigueur du traité CE et celles qui ont pu être mises régulièrement à exécution dans les conditions prévues à l’article 88, paragraphe 3, CE, y compris celles résultant de l’interprétation de cet article donnée par la Cour dans l’arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz (120/73, Rec. p. 1471, points 4 à 6), tandis que doivent être considérées comme des aides nouvelles soumises à l’obligation de notification prévue par cette dernière disposition les mesures qui tendent à instituer ou à modifier des aides, étant précisé que les modifications peuvent porter soit sur des aides existantes, soit sur des projets initiaux notifiés à la Commission.

114    S’agissant des aides existantes, l’article 1er, sous b), du règlement nº 659/1999 a repris et consacré les règles dégagées par la jurisprudence.

115    Aux termes de cette disposition, constitue une aide existante :

i)      toute aide existante avant l’entrée en vigueur du traité CE dans l’État membre concerné ;

ii)      toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil ;

iii)      toute aide qui est réputée avoir été autorisée à défaut pour la Commission d’avoir adopté une décision dans un délai de deux mois, en principe à compter du jour suivant celui de la réception de sa notification complète et dont elle dispose pour effectuer un examen préliminaire ;

iv)      toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription de dix ans en matière de récupération a expiré ;

v)      toute aide qui est réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre. Les mesures qui deviennent une aide à la suite de la libéralisation d’une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation.

116    Ensuite, en vertu de l’article 1er, sous c), dudit règlement, toute modification d’une aide existante doit être considérée comme aide nouvelle.

117    En substance, les mesures tendant à instituer des aides ou à modifier des aides existantes constituent des aides nouvelles. En particulier, lorsque la modification affecte le régime initial dans sa substance même, ce régime se trouve transformé en un régime d’aides nouveau. Toutefois, il ne saurait être question d’une telle modification substantielle lorsque l’élément nouveau est clairement détachable du régime initial (arrêt Government of Gibraltar, point 107 supra, points 109 à 111).

118    En l’espèce, il est constant que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés ne relève pas des deuxième, troisième et quatrième situations visées par l’article 1er, sous b), du règlement n° 659/1999 permettant de considérer une mesure d’aide comme étant une aide existante. De plus, celles-ci n’ont pas été invoquées par la requérante.

119    Le Tribunal estime opportun d’examiner de prime abord la seconde branche du présent moyen.

120    En ce qui concerne la première des situations visées par l’article 1er, sous b), du règlement nº 659/1999, il convient de constater tout d’abord que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés a été instituée par le décret-loi nº 331/93 et la loi nº 549/95. En 1990, alors que la loi nº 142/90 a introduit une réforme des instruments d’organisation légaux mis à la disposition des communes pour gérer les services publics locaux, dont la possibilité d’instituer des sociétés à responsabilité limitée à participation publique majoritaire, aucune exonération de l’impôt sur les revenus n’a été prévue pour ces sociétés.

121    En effet, toute société loi nº 142/90 créée entre 1990 et l’entrée en vigueur le 30 août 1993 de l’article 66 du décret-loi nº 331/93 était assujettie à l’impôt sur les revenus.

122    Par conséquent, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission au considérant 91 de la décision attaquée, pour étendre aux sociétés loi n° 142/90 le régime fiscal applicable aux collectivités locales, le législateur italien a dû adopter une nouvelle législation plusieurs décennies après l’entrée en vigueur du traité CE.

123    En outre, même en admettant que l’exonération des impôts pour les entreprises municipalisées ait été introduite avant l’entrée en vigueur du traité CE et qu’elle soit restée en vigueur jusqu’en 1995, il n’en reste pas moins que les sociétés loi nº 142/90 se distinguent substantiellement des entreprises municipalisées. Or, l’extension des avantages fiscaux existant pour les entreprises municipalisées et spéciales à une nouvelle catégorie de bénéficiaires, telle que celle des sociétés loi nº 142/90, constitue une modification séparable du régime initial. En effet, ainsi que cela est indiqué dans l’arrêt du Consiglio di Stato nº 4586, du 3 septembre 2001, il existe des différences légales entre les sociétés loi nº 142/90 et les entreprises municipalisées du fait, notamment, que les premières ne sont pas soumises à la stricte limite territoriale imposée aux secondes et que les champs d’activité des premières sont beaucoup plus étendus. Ainsi, comme cela a déjà été souligné au point 94 ci-dessus, les sociétés loi nº 142/90 ont la possibilité d’agir en dehors du territoire de référence tant en Italie qu’à l’étranger et dans des domaines autres que celui du service public prévu dans leurs statuts, sauf si cela leur soustrait des ressources et des moyens dans une mesure appréciable et est de nature à porter préjudice à la collectivité de référence.

124    Par conséquent, ainsi que l’explique la Commission au considérant 92 de la décision attaquée, même si les sociétés loi nº 142/90 ont succédé aux entreprises municipalisées dans leurs droits et devoirs, la législation qui détermine leurs champs d’activité matériel et géographique a substantiellement changé.

125    Dès lors, force est de conclure que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés, introduite par les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 70, de la loi nº 549/95 et de l’article 66, paragraphe 14, du décret-loi nº 331/93, ne relève pas de l’article 1er, sous b), i), du règlement nº 659/1999.

126    En ce qui concerne la première branche du présent moyen, fondée sur l’article 1er, sous b), v), du règlement nº 659/1999, il convient de relever que cette disposition ne peut s’appliquer qu’à des mesures qui ne constituaient pas des aides lors de leur mise en œuvre. À cet égard, il suffit de constater, ainsi que l’explique la Commission aux considérants 83 à 85 de la décision attaquée, que la mesure en cause a été instituée à un moment où les marchés étaient, en tout état de cause, encore que très probablement à des degrés différents, ouverts à la concurrence. Dès lors, il y a lieu de considérer que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés ne relève pas de l’article 1er, sous b), v), du règlement nº 659/1999.

127    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle la production d’énergie n’aurait été libéralisée qu’en 1999. En effet, il convient de rappeler que, en l’espèce, il s’agit d’un régime d’aides visant une catégorie spécifique d’entreprises englobant plusieurs secteurs. De ce fait, il ne peut être exigé de la Commission d’effectuer un examen par secteur. Cela n’exclut pas la possibilité que certains cas particuliers soient considérés comme des aides existantes. C’est la raison pour laquelle la Commission a, dans la décision attaquée, pris en compte cette possibilité (considérant 85 de la décision attaquée).

128    Pour cette raison, il ne saurait être conclu à l’existence d’un défaut de motivation.

129    Enfin, quant à la prétendue contradiction entre l’examen de l’exonération des droits sur les transferts et celui concernant l’exonération triennale de l’impôt des sociétés selon que les entreprises municipalisées et les sociétés loi n° 142/90 sont considérées ou non comme des entités économiquement et substantiellement distinctes, il y a lieu d’observer que la Commission, dans la décision attaquée, se fondant sur l’information donnée par le gouvernement italien, a indiqué qu’elle avait estimé que la première exonération était justifiée par la nature et l’économie générale du système concerné. Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de cette appréciation, il y a lieu de relever que le fait que la Commission ait éventuellement commis une erreur en ce qui concerne l’exonération des droits sur les transferts n’implique pas qu’il faille annuler une autre partie de la décision attaquée.

130     Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

131    Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur en ce qu’elle a exclu que la mesure en cause était une aide d’État compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. La compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au titre de cette disposition découle, selon la requérante, de ce qu’elle a permis la restructuration des entreprises municipalisées et le passage à un marché concurrentiel. Dès lors, la Commission aurait erronément apprécié, dans la décision attaquée, le cas d’espèce.

132    En outre, l’analyse faite par la Commission dans la décision attaquée serait contradictoire en ce qu’elle n’a pas jugé pertinents les précédents rappelés par les entreprises intervenues lors de la procédure administrative, tels que la décision de la Commission, du 10 novembre 1999, concernant des dispositions transitoires visant à supprimer l’exemption de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises municipales de transport (JO C 379, p. 11), et la décision 2000/410/CE, du 22 décembre 1999, concernant le régime d’aide que la France envisage de mettre à exécution en faveur du secteur portuaire français (JO 2000, L 155, p. 52). Comme en l’espèce, les mesures fiscales en cause dans ces deux décisions visaient à assurer la transition d’un régime de monopole vers un régime libéralisé.

133    La requérante fait valoir que, sans l’adoption de la mesure en cause, la transformation des entreprises municipalisées en sociétés de capitaux n’aurait jamais été réalisée. Ladite mesure aurait été indispensable pour favoriser l’ouverture des services publics locaux à la concurrence, en garantissant la transparence dans les relations financières entre les autorités publiques et les fournisseurs de services. La mesure en cause aurait répondu à l’exigence fondamentale d’assurer une période de transition pour la restructuration de ces entreprises, sans pour autant mettre en péril la continuité de l’exécution du service public. La requérante soulève également un défaut de motivation à cet égard.

134    Les intervenantes se rallient à la position et à l’argumentation de la requérante.

135    La Commission considère que ce moyen est inopérant. En effet, la mesure en cause aurait été déclarée incompatible avec le marché commun, car elle viole l’article 43 CE, ce qui n’a pas été contesté par la requérante. Subsidiairement, la Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

136    Il convient tout d’abord de rappeler que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le domaine de l’article 87, paragraphe 3, CE (arrêt de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85 Rec. p. 901, point 18). Le contrôle exercé par le juge communautaire doit donc se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de l’obligation de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

137    Ensuite, il est de jurisprudence constante que, pour être déclarées compatibles avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, les aides à des entreprises en difficulté doivent être liées à un plan de restructuration cohérent qui doit être présenté à la Commission avec toutes les précisions nécessaires (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 45).

138    En l’espèce, s’agissant de la motivation de la décision attaquée, il ressort de celle-ci que la Commission a vérifié si l’aide pouvait être jugée compatible avec le marché commun sur la base de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, premièrement, au regard des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2) et, ensuite, indépendamment desdites lignes directrices. À cet égard, elle a exposé les raisons pour lesquelles elle était arrivée à une conclusion négative (considérants 97 et suivants de la décision attaquée).

139    Ensuite, il ressort clairement du dossier que les conditions requises pour que l’exonération triennale de l’impôt des sociétés bénéficie de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE n’étaient pas remplies. L’exonération triennale de l’impôt des sociétés ne visait pas à rétablir la rentabilité des bénéficiaires et n’était pas réservée à des entreprises en difficulté. À supposer même que ce fût le cas, aucun plan de restructuration ni aucune mesure visant à compenser les distorsions de concurrence inhérentes à l’octroi d’aide en cause n’ont été présentés. Or, selon la jurisprudence, pour être déclarées compatibles avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, les aides à des entreprises en difficulté doivent être liées à un plan de restructuration cohérent qui doit être présenté à la Commission avec toutes les précisions nécessaires (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 45).

140    En ce qui concerne l’argument selon lequel la mesure en cause aurait facilité le passage d’une économie de marché monopolistique à celle d’un marché concurrentiel, il convient de relever que la requérante ne démontre pas en quoi la mesure en cause aurait entraîné une intensification de la concurrence. En effet, comme cela a déjà été relevé, les marchés concernés étaient déjà caractérisés par un certain degré de concurrence et, partant, la mesure en cause pouvait fausser la concurrence.

141    En ce qui concerne la prétendue contradiction entre l’approche suivie en l’espèce et celle retenue dans d’autres décisions de la Commission, il y a lieu de relever qu’il ressort des deux décisions auxquelles la requérante fait référence que les situations en cause ne sont pas comparables à la présente espèce. S’agissant de la décision du 10 novembre 1999, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission, les bénéficiaires de l’exonération fiscale dans ladite affaire s’étaient vu interdire de participer à des appels d’offres en dehors de leur territoire de référence jusqu’à l’ouverture de leurs propres marchés domestiques. Quant à la décision 2000/410, l’octroi des aides en cause dans ce cas était subordonné à la réalisation d’investissements en vue du transfert et du remplacement d’équipements existants.

142     Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’illégalité de l’ordre de récupération et de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité

143    Dans le cadre de ce moyen, la requérante invoque l’illégalité de l’ordre adressé à la République italienne de récupérer auprès des bénéficiaires l’aide accordée en vertu des régimes déclarés incompatibles avec le marché commun ainsi que la violation des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité. Ce moyen s’articule en deux branches.

 Arguments des parties

–       Sur la première branche, tirée de l’illégalité de l’ordre de récupération eu égard à l’appréciation abstraite de la mesure en cause

144    Selon la requérante, l’article 3 de la décision attaquée enjoint à la République italienne de récupérer toutes les aides dont auraient bénéficié les sociétés loi n° 142/90, alors même que la Commission a reconnu la possibilité que certaines aides, sans pour autant les avoir identifiées, ne soient pas incompatibles avec le marché commun. Selon la requérante, la République italienne est ainsi dans l’obligation de réaliser une analyse factuelle très complexe, dont le pouvoir d’appréciation excéderait de loin ses compétences, et serait confrontée au risque de procéder à la récupération de mesures non constitutives d’aides, ou constitutives d’aides existantes, ou encore d’aides susceptibles d’être compatibles ou déclarées compatibles dans une décision ultérieure de la Commission.

145    Selon la requérante, compte tenu de l’absence de cadre procédural accompagnant l’ordre de récupération de la Commission, cette dernière devrait soit examiner elle-même de façon détaillée les différents cas auxquels l’ordre de récupération pourrait être effectivement émis, soit se borner à apprécier le régime de façon abstraite. Dans ce dernier cas, elle devrait renoncer à ordonner la récupération des aides octroyées.

146    La requérante relève une contradiction dans les arguments de la Commission entre la possibilité pour les autorités nationales de considérer des aides individuelles comme compatibles avec le marché commun (considérant 126 de la décision attaquée) et l’affirmation de la compétence exclusive de la Commission pour apprécier la compatibilité des aides d’État avec le marché commun.

147    Elle ne conteste pas la référence à l’arrêt Italie/Commission, point 64 supra, mais soutient qu’il y a lieu de déterminer le moment où l’analyse concrète des cas individuels doit être effectuée : ce moment devrait être celui de l’adoption de la décision par la Commission.

148    La requérante prétend en outre que la jurisprudence citée par la Commission ne se rapporte qu’à des cas dans lesquels il était impossible, contrairement au cas d’espèce en cause, de distinguer les aides litigieuses au regard des diverses situations individuelles des bénéficiaires. La Cour aurait ainsi expressément sanctionné la Commission dans deux arrêts pour n’avoir pas différencié les aides examinées au vu des éléments de fait (arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, Rec. p. I‑8031, et du 13 février 2003, Espagne/Commission, C‑409/00, Rec. p. I‑1487).

149    Les intervenantes se rallient à la position et à l’argumentation de la requérante.

150    La Commission conteste tous les arguments présentés par la partie requérante.

–       Sur la seconde branche du moyen, tirée de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité

151    La requérante soutient que l’ordre de récupération, figurant à l’article 3 de la décision attaquée, est entaché de nullité en raison de la violation par la Commission des principes généraux de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

152    Elle estime que de nombreux facteurs ont contribué à créer chez elle une réelle confiance dans la légalité de la mesure en cause, à savoir la conviction qu’il existait une identité entre les deux régimes fiscaux successifs, le comportement des autorités italiennes et, enfin, le comportement de la Commission, en ce qu’elle n’a ouvert la procédure formelle d’examen que quatre ans après l’adoption de la mesure en cause et qu’elle n’a, au cours de cette procédure, ni répondu aux arguments présentés par la requérante ni utilisé le pouvoir d’injonction que lui confèrent les articles 10 et 11 du règlement n° 659/1999 durant les trois années d’instruction.

153    En tout état de cause, en raison de l’adoption par le législateur italien de l’exonération triennale de l’impôt des sociétés, la requérante n’aurait pu payer l’impôt des sociétés pour la période allant de 1997 à 1999, car une entreprise n’est pas censée payer des impôts qui ne sont pas prévus par la législation nationale.

154    Enfin, la requérante avance que, en raison du changement fondamental des conditions du marché et de la situation des entreprises, la récupération des aides n’est manifestement pas en mesure de rétablir la situation quo ante et, partant, n’est pas justifiée. En outre, l’exonération triennale de l’impôt des sociétés aurait bénéficié non pas aux sociétés loi n° 142/90 mais aux communes actionnaires.

155    Les intervenantes se rallient à la position et à l’argumentation de la requérante en ce qui concerne cette branche du moyen.

156    La Commission conteste tous les arguments soulevés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

157    Ainsi que cela a été rappelé au point 62 ci-dessus, il est de jurisprudence constante que la Commission peut, dans le cas d’un régime d’aides, se borner à analyser les caractéristiques du régime.

158    Il ressort également de la jurisprudence qu’une décision négative concernant un régime d’aides ne doit pas contenir une analyse des aides octroyées dans des cas individuels sur le fondement de ce régime. Ce n’est qu’au niveau de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (arrêt Italie/Commission, point 64 supra, point 91).

159    Ensuite, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération, ainsi que des intérêts y afférents, est la conséquence logique de la constatation de son incompatibilité avec le marché commun (arrêts de la Cour Tubemeuse, point 86 supra, point 66 ; du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C‑169/95, Rec. p. I‑135, point 47, et du 29 juin 2004, Commission/Conseil, C‑110/02, Rec. p. I‑6333, point 41).

160    À cet égard, il convient également de relever que cette jurisprudence s’applique tant pour une aide individuelle que pour des aides versées dans le cadre d’un régime d’aides.

161    Toutefois, l’analyse générale et abstraite d’un régime d’aides n’exclut pas que, dans un cas individuel, le montant octroyé sur la base de ce régime échappe à l’interdiction prévue à l’article 87, paragraphe 1, CE, par exemple, du fait que l’octroi individuel d’une aide relève des règles de minimis. Cette considération explique les réserves figurant aux considérants 72, 85 et 126 de la décision attaquée.

162    Certes, le rôle des autorités nationales se limite, lorsque la Commission prend une décision déclarant une aide incompatible avec le marché commun, à exécuter cette décision et celles-ci ne disposent, à cet égard, d’aucune marge d’appréciation (arrêt de la Cour du 22 mars 1977, Steinicke & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, point 10). Cela n’empêche pas que les autorités nationales, en exécutant ladite décision, tiennent compte de ces réserves. Partant, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante, la Commission ordonne seulement la récupération des aides au sens de l’article 87 CE et non des montants qui, bien que versés au titre du régime en cause, ne constituent pas des aides, ou constituent des aides existantes ou compatibles avec le marché commun en vertu d’un règlement d’exemption par catégorie ou d’une autre décision de la Commission.

163    S’agissant de la prétendue illégalité de la décision attaquée du fait que la République italienne serait obligée de déterminer quelles mesures concrètes constituent des aides, il y a lieu de relever qu’une telle analyse, le cas échéant, serait effectuée dans le cadre d’un dialogue avec la Commission, conformément à l’article 10 CE. En outre, la notion d’aide présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. De plus, le juge national est compétent pour interpréter les notions d’aide et d’aide existante et pourra se prononcer sur les éventuelles particularités de tel ou tel cas d’application, le cas échéant en posant une question préjudicielle à la Cour.

164    De surcroît, admettre la thèse de la requérante selon laquelle l’appréciation abstraite d’un régime d’aides, sans examen détaillé des cas individuels d’application, ne peut donner lieu à un ordre de récupération, reviendrait à exclure systématiquement la possibilité de récupérer les aides indûment versées et donc à vider de leur sens les articles 87 CE et 88 CE. Dans un tel cas, la Commission, seule autorité compétente pour apprécier la compatibilité des aides avec le marché commun, serait dans l’impossibilité d’examiner les nombreux cas d’application des régimes d’aides.

165    S’agissant du grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité d’une aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE. En effet, un opérateur économique et diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (arrêt de la Cour du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, point 159 supra, point 51). Toutefois, il n’est pas exclu que, dans des circonstances exceptionnelles, le bénéficiaire d’une aide illégale puisse légitimement fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide (arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C‑5/89, Rec. p. I‑3437, point 16).

166    Or, en l’espèce, le régime d’aides en cause n’a pas été notifié à la Commission, en violation de l’article 88 CE, et la requérante n’invoque aucune circonstance exceptionnelle susceptible de justifier la confiance légitime alléguée. En particulier, l’argument relatif à la conviction qu’il existe une identité entre les deux régimes fiscaux successifs a déjà été rejeté par le Tribunal comme non fondé (voir point 123 ci-dessus) et ne constitue pas, en tout état de cause, une circonstance exceptionnelle justifiant l’absence de récupération de l’aide en cause. Ensuite, toute inaction apparente de la Commission, ce qui n’est pas établi en l’espèce, est dépourvue de signification lorsqu’un régime d’aides ne lui a pas été notifié (arrêt de la Cour du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, Rec. p. I‑10609, point 52). Enfin, quant à l’argument relatif aux articles 10 et 11 du règlement nº 659/1999, il y a lieu de constater que la Commission n’est pas tenue d’enjoindre automatiquement à l’État membre intéressé de suspendre le versement d’une aide non notifiée.

167    Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit également être rejeté.

168    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

169    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

170    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, les intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable dans la mesure où il vise les prêts de la Cassa Depositi e Prestiti.

2)      Le recours est rejeté comme non fondé pour le surplus.

3)      ACEA SpA est condamnée à supporter ses dépens ainsi que ceux de la Commission.

4)      ACSM Como SpA et AEM – Azienda Energetica Metropolitana Torino SpA supporteront leurs propres dépens.

Martins Ribeiro

Šváby

Papasavvas

Wahl

 

       Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juin 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.