Language of document : ECLI:EU:C:2018:199

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

8 mars 2018 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑63/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie, Italie), par décision du 13 décembre 2017, parvenue à la Cour le 1er février 2018, dans la procédure

Vitali SpA

contre

Autostrade per l’Italia SpA,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. E. Regan, et l’avocat général, M. M. Campos Sánchez-Bordona, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 et 56 TFUE, de l’article 71 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2015/2170 de la Commission, du 24 novembre 2015 (JO 2015, L 307, p. 5) (ci-après la « directive 2014/24 »), ainsi que du principe de proportionnalité.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vitali SpA à Autostrade per l’Italia SpA au sujet d’une décision prise par cette dernière, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, excluant la première d’une procédure de passation d’un marché public.

3        Par un avis de marché public publié au mois d’août 2016, Autostrade per l’Italia a lancé une procédure d’appel d’offres restreint en vue de l’attribution, par la voie de l’adjudication, des travaux d’élargissement de la cinquième voie de l’autoroute A8 entre la barrière de péage de Milan (Italie) Nord et l’interconnexion de Lainate (Italie), pour un montant de base de 85 211 216,84 euros, hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

4        Vitali a été exclue de la procédure d’adjudication par Autostrade per l’Italia, au motif que la limite du recours à la sous-traitance par l’entreprise soumissionnaire, prévue par la réglementation italienne, était dépassée. Cette réglementation prévoit en effet que, dans le secteur des marchés publics, la part du marché que l’adjudicataire envisage de sous‑traiter ne saurait excéder 30 % du montant total du marché de travaux, de services ou de fournitures.

5        Vitali a alors introduit un recours devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie, Italie), la juridiction de renvoi, tendant, notamment, à ce qu’elle soit admise à participer à nouveau à la procédure d’adjudication.

6        Par un jugement partiel du 5 janvier 2018, la juridiction de renvoi a rejeté tous les moyens invoqués par Vitali à l’appui de ce recours, à l’exception de celui tiré de la non-conformité au droit de l’Union de la limite quantitative au recours à la sous-traitance prévue par le droit italien. Cette juridiction met en exergue le fait que la question posée en l’espèce est donc décisive pour la solution du litige au principal.

7        La juridiction de renvoi éprouve des doutes sur la compatibilité d’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, avec les articles 49 et 56 TFUE, l’article 71 de la directive 2014/24 ainsi que le principe de proportionnalité.

8        Selon la juridiction de renvoi, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a considéré que le législateur national est en droit de fixer, en matière de sous-traitance, des limites plus strictes que celles prévues par les dispositions pertinentes du droit de l’Union, dans la mesure où elles sont justifiées, d’une part, à la lumière des principes de viabilité sociale et, d’autre part, au regard des motifs exposés à l’article 36 TFUE, au nombre desquels figurent l’ordre public et la sécurité publique. Ladite juridiction fait également valoir que, selon le Consiglio di Stato (Conseil d’État), la jurisprudence de la Cour relative à l’encadrement du recours à la sous-traitance en matière de marchés publics, laquelle jurisprudence porte sur la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), ne s’applique pas dans le cadre de la directive 2014/24.

9        Toutefois, la juridiction de renvoi observe également que, tout comme la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1), et la directive 2004/18, la directive 2014/24 ne prévoit aucune interdiction ou restriction, de nature quantitative, du recours à la sous-traitance pour l’exécution de parties du marché.

10      Selon la juridiction de renvoi, le fait de limiter à 30 % du montant total du marché de travaux, de services ou de fournitures la part du marché que l’adjudicataire peut sous-traiter est de nature à rendre plus difficile l’accès aux marchés publics pour les entreprises, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, et, ainsi, à faire obstacle à l’exercice de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services. Elle relève également que cette limite est fixée de manière abstraite à un pourcentage déterminé du marché, indépendamment de la possibilité de vérifier la capacité des éventuels sous-traitants et sans mention aucune du caractère essentiel des missions concernées.

11      Par conséquent, la juridiction de renvoi se demande si la réglementation nationale en cause au principal ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire aux fins d’atteindre les objectifs poursuivis par celle-ci.

12      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel.

13      Cette juridiction demande également à la Cour de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

14      Il résulte de cette disposition que, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

15      À l’appui de sa demande de procédure accélérée, la juridiction de renvoi invoque, premièrement, le fait que la présente affaire soulève une question de principe, dès lors que la réglementation nationale sur la sous-traitance est d’application fréquente, deuxièmement, le fait que la résolution du litige au principal est subordonnée, en substance, à la décision que la Cour fournira à la question posée et, troisièmement, le fait que le marché public en cause au principal concerne l’exécution d’ouvrages qui sont urgents et d’une valeur considérable.

16      Toutefois, si la juridiction de renvoi a mis en évidence l’importance que revêt l’arrêt préjudiciel à venir pour la procédure au principal, elle n’a pas pour autant établi l’urgence à statuer dans de brefs délais sur sa demande, au titre de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.

17      En effet, tout d’abord, s’agissant du fait que la réglementation italienne sur la sous-traitance est d’application fréquente, il convient de rappeler que le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par les questions posées n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (ordonnance du président de la Cour du 27 juin 2016, S., C‑283/16, non publiée, EU:C:2016:482, point 12 et jurisprudence citée).

18      Ensuite, quant au fait que la solution du litige au principal dépendra de la réponse fournie par la Cour à la question posée, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le simple intérêt des justiciables, certes légitime, à déterminer le plus rapidement possible la portée des droits qu’ils tirent du droit de l’Union n’est pas de nature à établir l’existence d’une circonstance exceptionnelle, au sens de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure (ordonnance du président de la Cour du 28 novembre 2013, Sähköalojen ammattiliitto, C‑396/13, non publiée, EU:C:2013:811, point 16 et jurisprudence citée).

19      Enfin, en ce qui concerne, d’une part, le caractère urgent des travaux faisant l’objet du marché public en cause au principal, il y a lieu de relever que l’exigence du traitement d’un litige pendant devant la Cour dans de brefs délais ne saurait découler du seul fait que la juridiction de renvoi est tenue d’assurer un règlement rapide du litige (ordonnance du président de la Cour du 13 novembre 2014, Star Storage, C‑439/14, non publiée, EU:C:2014:2479, point 13 et jurisprudence citée) ni de la seule circonstance que le retard ou la suspension de travaux faisant l’objet d’un marché public est susceptible de produire des effets dommageables aux personnes concernées (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 18 juillet 2007, Commission/Pologne, C‑193/07, non publiée, EU:C:2007:465, point 13 et jurisprudence citée).

20      D’autre part, pour ce qui est de la valeur des travaux en cause au principal, il convient de rappeler que l’enjeu financier de l’affaire, pour important que puisse être ce dernier, n’implique pas pour autant que la solution du litige présente une telle urgence (ordonnance du président de la Cour du 13 novembre 2014, Star Storage, C‑439/14, non publiée, EU:C:2014:2479, point 12 et jurisprudence citée).

21      Dans ces conditions, la demande du Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie) tendant à ce que l’affaire C-63/18 soit soumise à une procédure accélérée ne saurait être accueillie.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande du Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie, Italie) tendant à ce que l’affaire C-63/18 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.