Language of document : ECLI:EU:T:2017:59

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 février 2017 (*)

« Droit institutionnel – Initiative citoyenne européenne – Protection des minorités nationales et linguistiques et renforcement de la diversité culturelle et linguistique dans l’Union – Refus d’enregistrement – Défaut manifeste d’attributions législatives de la Commission – Obligation de motivation – Article 4, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 3, du règlement (UE) n° 211/2011 »

Dans l’affaire T‑646/13,

Bürgerausschuss für die Bürgerinitiative Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe, représenté initialement par Mes E. Johansson, J. Lund et C. Lund, puis par Mes Johansson et T. Hieber, avocats,

partie requérante,

soutenu par

Hongrie, représentée par M. M. Fehér, Mme A. Pálfy et M. G. Szima, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. H. Krämer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

et par

Roumanie, représentée par M. R. Radu, Mmes R. Haţieganu, D. Bulancea et A. Wellman, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2013) 5969 final de la Commission, du 13 septembre 2013, rejetant la demande d’enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne européenne intitulée « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe »,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 septembre 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 juillet 2013, le requérant, Bürgerausschuss für die Bürgerinitiative Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe, composé de MM. Hans Heinrich Hansen, Hunor Kelemen, Karl‑Heinz Lambertz, de Mme Jannewietske Annie De Vries, de MM. Valentin Inzko, Alois Durnwalder et de Mme Anke Spoorendonk, a présenté à la Commission européenne la proposition d’initiative citoyenne européenne intitulée « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe » (ci-après la « proposition d’ICE »), dont l’objet était, aux termes des informations minimales fournies en application de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (UE) n° 211/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, relatif à l’initiative citoyenne (JO 2011, L 65, p. 1), lu en combinaison avec l’annexe II de ce même règlement (ci‑après les « informations requises »), d’inviter « l’Union européenne à améliorer la protection des personnes appartenant à des minorités nationales et linguistiques et à renforcer la diversité culturelle et linguistique dans l’Union ». Il ressort des mêmes informations fournies au titre des informations requises que les objectifs poursuivis par l’initiative citoyenne européenne (ICE) consistaient à inviter l’Union européenne « à adopter une série d’actes législatifs afin d’améliorer la protection des personnes appartenant à des minorités nationales et linguistiques et à renforcer la diversité culturelle et linguistique [sur son territoire] » et que « [c]es actes devraient inclure des mesures relatives aux langues régionales et minoritaires, à l’éducation et à la culture, à la politique régionale, à la participation, à l’égalité, au contenu des médias ainsi qu’au soutien étatique accordé par les autorités régionales ».

2        Il ressort, en outre, des informations plus détaillées qui, conformément à l’annexe II, dernier alinéa, du règlement n° 211/2011, ont été jointes en annexe aux informations fournies au titre des informations requises (ci‑après les « informations supplémentaires ») que ladite proposition a pour but l’adoption d’une série d’actes juridiques énumérés et décrits dans les sections 2 à 7 des informations supplémentaires. Dans la section 8 de celles‑ci, intitulée « clause de sauvegarde », les organisateurs observent que, pour chacune des propositions d’actes juridiques concernées, la proposition d’ICE suggère, à titre indicatif, la base juridique et le type d’acte à adopter qui leur paraissent les plus appropriés, que chacune de ces propositions devrait être examinée séparément et que l’irrecevabilité de l’une ou de plusieurs d’entre elles ne devrait pas entraîner l’irrecevabilité des autres propositions qui relèveraient du champ de compétence de la Commission.

3        Par sa décision C(2013) 5969 final, du 13 septembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a refusé d’enregistrer la proposition d’ICE au motif que celle-ci ne relevait manifestement pas des attributions permettant à la Commission de soumettre une proposition d’adoption d’un acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2013, le requérant a introduit le présent recours.

5        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

6        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

7        Par ordonnance du président de la première chambre, du 4 septembre 2014, la Hongrie a été admise à intervenir au soutien des conclusions du requérant et la République slovaque ainsi que la Roumanie ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

 En droit

8        À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens, tirés, l’un, d’une violation de l’obligation de motivation énoncée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi qu’à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 211/2011 et, l’autre, d’une méconnaissance de l’article 11 TUE, de l’article 24, premier alinéa, TFUE et de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 211/2011.

9        Le requérant, soutenu par la Hongrie, reproche à la Commission de s’être limitée, dans la décision attaquée, à énoncer, sans autre précision, que certains des thèmes sur lesquels elle était invitée, dans l’annexe de la proposition d’ICE, à soumettre des propositions d’acte juridique de l’Union relevaient du cadre de ses attributions pour en déduire ensuite que l’enregistrement de la proposition d’ICE devait être refusé en entier au motif que l’enregistrement partiel d’une proposition d’ICE n’était pas prévu par le règlement n° 211/2011. Le respect de l’obligation de motivation serait d’autant plus important que, d’une part, l’ICE serait un instrument de participation démocratique des citoyens au processus législatif, qui devrait être accessible et facile à appliquer, et que, d’autre part, les organisateurs de propositions d’ICE ne seraient pas, en règle générale, des juristes professionnels.

10      En premier lieu, la Commission aurait dû préciser les propositions qui, parmi celles énoncées dans l’annexe de la proposition d’ICE, sortiraient manifestement, selon elle, du cadre de ses attributions. En deuxième lieu, elle aurait dû énoncer les raisons pour lesquelles elle est parvenue à cette conclusion en ce qui concerne chacune des propositions en cause. En l’absence de motivation, les organisateurs ne pourraient pas savoir sur quelles parties de la proposition d’ICE devrait porter la démonstration du bien‑fondé de leur demande et ils seraient empêchés d’adapter, le cas échéant, la proposition d’ICE à la thèse défendue par la Commission afin de soumettre une nouvelle proposition à celle‑ci.Par ailleurs, l’attitude de la Commission aurait pour conséquence d’inciter les auteurs de la proposition d’ICE à présenter les onze mesures visées par celle-ci de manière distincte, ce qui serait contraire au principe d’économie de la procédure et ne contribuerait pas à encourager la participation des citoyens et à rendre l’Union plus accessible au sens du considérant 2 du règlement n° 211/2011.

11      Le requérant fait valoir dans ce contexte que, contrairement à la thèse défendue par la Commission, les informations relatives à l’objet d’une proposition d’ICE, qui figurent dans l’annexe de cette dernière, en l’occurrence les informations portant sur onze propositions concrètes d’adoption d’actes juridiques, ont la même importance que les informations fournies en application de l’annexe II, point 2, du règlement n° 211/2011. En effet, conformément à ladite annexe II, la description de l’objet figurant dans le corps de la demande d’enregistrement peut comporter « 200 caractères au maximum », alors que les organisateurs d’une proposition d’ICE ont la possibilité de « joindre en annexe » de celle-ci « des informations plus détaillées », notamment, sur son « objet ».

12      En troisième lieu, la décision attaquée aurait dû énoncer les raisons ayant amené la Commission à considérer que le règlement n° 211/2011 ne l’autoriserait pas à enregistrer une partie seulement d’une proposition d’ICE. En effet, ni le texte du règlement, ni les traités ne viendraient à l’appui de pareille interprétation. Il en irait ainsi d’autant plus que la proposition d’ICE aurait indiqué expressément que ses auteurs souhaitaient que la Commission examine individuellement chacune des onze propositions mentionnées dans l’annexe et que l’irrecevabilité d’une partie de celles-ci ne devrait pas avoir d’incidence sur la recevabilité des autres propositions. L’exercice de leurs droits par les citoyens, qui ne sont pas des juristes spécialisés, et l’importance de l’ICE en tant qu’instrument de la démocratie directe imposeraient une telle obligation de motivation à la Commission.

13      Selon la Commission, soutenue par la République slovaque et la Roumanie, la décision attaquée renferme les principales raisons du refus d’enregistrement au regard de l’objet de la proposition d’ICE, tel qu’il est formulé dans le corps de la proposition, à savoir la protection des minorités et la promotion de la diversité culturelle et linguistique. Il ressortirait de l’économie de l’annexe II du règlement n° 211/2011 que l’objet d’une proposition serait fixé de manière définitive dans le corps de celle-ci, alors que les explications données dans l’annexe de la proposition d’ICE auraient une valeur purement indicative et informative sans pouvoir élargir ou restreindre cet objet. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que, dans l’annexe de la proposition d’ICE, les auteurs de celle‑ci inviteraient la Commission à examiner au regard de chacun des thèmes mentionnés dans ladite annexe si la proposition est manifestement irrecevable.

14      Par ailleurs, la décision attaquée aurait clairement indiqué qu’une proposition d’ICE ne saurait être enregistrée dès lors qu’une partie de celle-ci serait, comme en l’espèce, en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut proposer l’adoption d’un acte juridique aux fins de l’application des traités. Dans ce contexte, cette institution ne serait pas obligée d’exposer les raisons de l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 211/2011 sur laquelle elle se fonde, sauf si, à la différence de ce qui serait le cas en l’espèce, des arguments juridiques en sens contraire avaient été soulevés au cours de la procédure d’adoption de la décision attaquée.

15      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision individuelle, posée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour but de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour déterminer si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision contrôlée. L’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 211/2011, selon lequel la Commission informe les organisateurs des motifs du refus d’enregistrement d’une proposition d’ICE, constitue l’expression spécifique de ladite obligation de motivation dans le domaine de l’ICE (arrêt du 30 septembre 2015, Anagnostakis/Commission, T‑450/12, sous pourvoi, EU:T:2015:739, points 22 et 23).

16      Conformément à une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte (arrêt du 30 septembre 2015, Anagnostakis/Commission, T‑450/12, sous pourvoi, EU:T:2015:739, point 24).

17      Le fait que, en l’espèce, la proposition d’ICE n’est pas enregistrée est de nature à affecter l’effectivité même du droit des citoyens de présenter une initiative citoyenne, consacré par l’article 24, premier alinéa, TFUE. En conséquence, une telle décision doit faire clairement apparaître les motifs justifiant ledit refus (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2015, Anagnostakis/Commission, T‑450/12, sous pourvoi, EU:T:2015:739, point 25).

18      En effet, le citoyen ayant présenté une proposition d’ICE doit être mis en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles celle‑ci n’est pas enregistrée par la Commission, de sorte qu’il appartient à la Commission, saisie d’une telle proposition, de l’apprécier, mais également de spécifier les différents motifs de la décision de refus eu égard à l’incidence de celle‑ci sur l’exercice effectif du droit consacré par le traité. Cela découle de la nature même de ce droit qui, comme il est relevé au considérant 1 du règlement n° 211/2011, est censé renforcer la citoyenneté européenne et améliorer le fonctionnement démocratique de l’Union par une participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union (arrêt du 30 septembre 2015, Anagnostakis/Commission, T‑450/12, sous pourvoi, EU:T:2015:739, point 26).

19      Dans la décision attaquée, la Commission relève que la proposition d’ICE a pour objectif principal l’adoption d’une série d’actes juridiques de l’Union en vue d’améliorer la protection des personnes appartenant à des minorités nationales et linguistiques et de renforcer la diversité culturelle et linguistique dans l’Union. La Commission relève en outre que la proposition d’ICE suggère, à cette fin, comme bases juridiques possibles les articles 19 à 20, 25, 62, 79, 107 à 109, 118, 165, 167, 173, 177 à 178 et 182 TFUE, les articles 2 et 3 TUE et les articles 21 et 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).

20      La décision attaquée indique, à cet égard, que, si le respect des droits des personnes appartenant à des minorités constitue une valeur de l’Union à laquelle il est fait référence à l’article 2 TUE, aucune disposition des traités ne fournit une base juridique pour l’adoption d’actes législatifs visant à promouvoir ces droits. Par ailleurs, si, conformément à l’article 3, paragraphe 3, TUE, les institutions de l’Union doivent respecter la diversité culturelle et linguistique et sont tenues, en application de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, d’éviter toute discrimination fondée sur l’appartenance à une minorité nationale, aucune de ces dispositions ne conférerait une base juridique en vue d’une quelconque action des institutions à ces fins.

21      La Commission ajoute que certains des actes demandés dans l’annexe de l’initiative envisagée, susceptibles de contribuer à réaliser l’objectif principal consistant à protéger les personnes appartenant à des minorités, pourraient, considérés individuellement, tomber dans le cadre des attributions en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités, mais que le règlement relatif à l’initiative citoyenne ne prévoit pas l’enregistrement d’une ou de plusieurs parties d’une proposition d’initiative. La Commission en conclut que les traités ne fournissent aucune base juridique aux fins de la présentation d’une série complète de propositions telles que définies dans la demande d’enregistrement et que, dès lors, la proposition d’ICE n’entre manifestement pas dans le cadre des attributions en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d’acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités.

22      S’il ressort ainsi clairement de la décision attaquée que la Commission rejette l’enregistrement de la proposition d’ICE en raison du non-respect de la condition prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 211/2011 et qu’elle fournit, à cette fin, une motivation, force est de constater que celle-ci est manifestement insuffisante au regard de la jurisprudence rappelée aux points 17 et 18 ci‑dessus, compte tenu, en particulier, des informations supplémentaires fournies par les organisateurs, dans l’annexe de la proposition d’ICE, aux fins de l’adoption d’actes juridiques de l’Union spécifiques dans les différents domaines énumérés dans ladite annexe en vue de réaliser l’objet de la proposition litigieuse.

23      En effet, l’annexe de la proposition d’ICE comporte des informations supplémentaires détaillées, réparties en huit sections, sur la portée concrète de ladite proposition, qui ont été soumises en application de l’annexe II, dernier alinéa, du règlement n° 211/2011, laquelle prévoit que les organisateurs peuvent joindre en annexe à leur proposition d’ICE des informations plus détaillées sur son objet, ses objectifs et son contexte et soumettre, s’ils le souhaitent, des projets d’acte juridique.

24      Ainsi, à la suite d’une première section consacrée à l’importance que l’Union accorde au respect et à la protection des minorités ainsi qu’au respect de la diversité culturelle et linguistique à travers, notamment, un certain nombre de dispositions contenues dans les traités, tels les articles 1er à 3 TUE ainsi que les articles 9 et 10 TFUE, les sections 2 à 7 de l’annexe de la proposition d’ICE exposent onze domaines dans lesquels des propositions d’actes devraient être élaborées par les institutions de l’Union et donnent, à cette fin, des indications précises sur les types d’actes à adopter, le contenu desdits actes et les bases juridiques correspondantes dans le traité FUE.

25      La proposition d’ICE vise plus particulièrement l’adoption :

–        d’une recommandation du Conseil « relative à la protection et à la promotion de la diversité culturelle et linguistique au sein de l’Union », sur le fondement de l’article 167, paragraphe 5, second tiret, TFUE et de l’article 165, paragraphe 4, second tiret, TFUE [section 2.1] ;

–        d’une proposition de décision ou de règlement du Parlement européen et du Conseil, sur la base de l’article 167, paragraphe 5, premier tiret, TFUE et de l’article 165, paragraphe 4, premier tiret, TFUE, ayant pour objet d’adapter « les programmes de financement afin d’en faciliter l’accès aux petites langues régionales et minoritaires » [section 2.2] ;

–        d’une proposition de décision ou de règlement du Parlement européen et du Conseil, en application de l’article 167, paragraphe 5, premier tiret, TFUE et de l’article 165, paragraphe 4, premier tiret, TFUE, ayant pour objet de créer un centre de la diversité linguistique qui renforcera la conscience de l’importance des langues régionales et minoritaires et promouvra la diversité à tous les niveaux et qui sera essentiellement financé par l’Union [section 2.3] ;

–        d’une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, sur la base des articles 177 et 178 TFUE, dont l’objet est d’adapter les dispositions communes relatives aux fonds régionaux de l’Union de façon à ce que la protection des minorités et la promotion de la diversité culturelle et linguistique y soient incluses en tant qu’objectifs thématiques [section 3.1] ;

–        d’une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, sur le fondement de l’article 173, paragraphe 3, TFUE et de l’article 182, paragraphe 1, TFUE, ayant pour objet de modifier le règlement relatif au programme « Horizon 2020 » aux fins d’améliorer la recherche sur la valeur ajoutée que les minorités nationales et la diversité culturelle et linguistique peuvent apporter dans le développement social et économique dans les régions de l’Union [section 3.2] ;

–        d’une proposition de directive, de règlement ou de décision du Conseil, sur la base de l’article 20, paragraphe 2, TFUE et de l’article 25 TFUE, en vue de renforcer à l’intérieur de l’Union la place des citoyens qui appartiennent à une minorité nationale dans le but de veiller à ce que leurs préoccupations légitimes soient prises en compte lors de l’élection des députés au Parlement européen [section 4] ;

–        de propositions de mesures efficaces de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité de traitement, y compris en ce qui concerne les minorités nationales, et ce, notamment, par une révision des directives existantes du Conseil en matière d’égalité de traitement, sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, TFUE [section 5.1] ;

–        de propositions d’amendement de la législation de l’Union afin de garantir une quasi-égalité de traitement entre les apatrides et les citoyens de l’Union, sur le fondement de l’article 79, paragraphe 2, TFUE [section 5.2] ;

–        d’une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, sur la base de l’article 118 TFUE, afin d’introduire un droit d’auteur uniforme qui permettrait de considérer l’ensemble de l’Union comme un marché intérieur en matière de droits d’auteur [section 6.1] ;

–        d’une proposition de modification de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (JO 2010, L 95, p. 1), en vue d’assurer la libre prestation de services et la réception de contenus audiovisuels dans les régions où résident des minorités nationales, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, TFUE et de l’article 62 TFUE [section 6.2], et

–        d’une proposition de règlement du Conseil ou de la Commission ou d’une proposition de décision du Conseil, en vue d’une exemption par catégorie des projets promouvant les minorités nationales et leur culture, sur le fondement de l’article 109 TFUE, de l’article 108, paragraphe 4, TFUE ou de l’article 107, paragraphe 3, sous e), TFUE [section 7].

26      Dans une section finale, les organisateurs précisent que l’adoption de l’ensemble des propositions d’actes juridiques visées dans les sections précédentes représenterait une amélioration significative de la protection des minorités dans l’Union et que les indications relatives au type d’acte et aux bases juridiques ne sont données qu’à titre indicatif. Les organisateurs relèvent que, même si, selon eux, toutes ces propositions relèvent du champ de compétence de la Commission, ils s’attendent à ce que chaque proposition soit examinée individuellement et à ce que l’éventuelle irrecevabilité d’une proposition décidée par la Commission n’ait pas d’effet sur les autres propositions qui seraient jugées recevables.

27      Il ressort de la décision attaquée que la Commission est restée en défaut d’identifier d’une manière quelconque lesquelles des onze propositions d’actes juridiques ne relevaient manifestement pas, selon elle, du cadre des attributions en vertu desquelles elle est habilitée à présenter une proposition d’acte juridique de l’Union ainsi que de fournir une quelconque motivation à l’appui de cette appréciation, malgré les indications précises fournies par les organisateurs sur le type d’acte proposé ainsi que les bases juridiques respectives et la teneur de ces actes.

28      En effet, même si, comme il ressort du point 19 du présent arrêt, la décision attaquée rappelle les différentes bases juridiques évoquées par les organisateurs dans les informations supplémentaires à l’appui de leur proposition d’ICE et indique, par la suite, que, pour certains des actes visés dans lesdites informations, elle pourrait être habilitée à soumettre une proposition d’acte de l’Union, ladite décision se limite à aborder l’article 2 et l’article 3, paragraphe 3, TUE ainsi que l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, mentionnés dans la section 1 de l’annexe de ladite proposition, pour conclure ensuite que, dans la mesure où elle ne saurait enregistrer que des parties d’une proposition d’ICE, la demande devait être rejetée dans sa totalité.

29      Ce faisant, et à supposer même que la thèse défendue sur le fond par la Commission, selon laquelle une proposition d’ICE ne saurait, quel que soit son contenu, être enregistrée si elle est jugée partiellement irrecevable par cette institution, soit fondée, les organisateurs n’ont, en tout état de cause, pas été mis en mesure d’identifier celles des propositions formulées dans l’annexe de la proposition d’ICE qui, selon cette institution, étaient en dehors du cadre de ses attributions, au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 211/2011, ni de connaître les motifs ayant conduit à cette appréciation et, partant, ont été empêchés de contester le bien-fondé de ladite appréciation, tout comme le Tribunal est empêché d’exercer son contrôle sur la légalité de l’appréciation de la Commission. Au demeurant, en l’absence d’une motivation complète, l’introduction éventuelle d’une nouvelle proposition d’ICE, tenant compte des objections de la Commission sur la recevabilité de certaines propositions, serait sérieusement compromise, au même titre que la réalisation des objectifs, rappelés au considérant 2 du règlement n° 211/2011, consistant à encourager la participation des citoyens à la vie démocratique et à rendre l’Union plus accessible.

30      Tel est le cas en particulier, alors que, comme la Commission l’a elle‑même admis lors de l’audience, les informations qui figurent dans le « corps » de la demande d’enregistrement, à savoir celles qui ont été fournies au titre des informations requises, ne sont pas les seules qui doivent être prises en compte par cette institution aux fins de vérifier si la proposition litigieuse remplit les conditions d’enregistrement énoncées à l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 211/2011.

31      En effet, l’annexe II du règlement n° 211/2011, intitulée « informations requises pour l’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne », à laquelle renvoie l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement et qui jouit d’une force obligatoire identique à celle dudit règlement (arrêt du 10 mai 2016, Izsák et Dabis/Commission, T‑529/13, sous pourvoi, EU:T:2016:282, point 45), dispose que les informations qui doivent être fournies en vue de l’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne au registre en ligne de la Commission portent, notamment, sur son « objet, en 200 caractères au maximum » et sur « la description des objectifs de la proposition d’initiative citoyenne pour lesquels la Commission est invitée à agir, en 500 caractères [au] maximum », tout en précisant que les organisateurs « peuvent joindre en annexe des informations plus détaillées sur l’objet, les objectifs et le contexte de la proposition d’initiative citoyenne » et qu’ils « peuvent également, s’ils le souhaitent, soumettre un projet d’acte juridique ».

32      Contrairement à la thèse défendue par la Commission dans ses écritures, les « informations décrites à l’annexe II » du règlement n° 211/2011, auxquelles renvoie l’article 4 de ce dernier, ne se limitent dès lors pas aux informations minimales qui, en vertu de cette même annexe, doivent être fournies aux fins de l’enregistrement de la demande (arrêt du 10 mai 2016, Izsák et Dabis/Commission, T‑529/13, sous pourvoi, EU:T:2016:282, point 48). En effet, le droit, reconnu à l’annexe II du règlement n° 211/2011, pour les organisateurs de la proposition d’initiative de fournir des informations supplémentaires, voire un projet d’acte juridique de l’Union, a pour corollaire l’obligation pour la Commission d’examiner lesdites informations au même titre que toute autre information fournie en application de ladite annexe, conformément au principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2016, Izsák et Dabis/Commission, T‑529/13, sous pourvoi, EU:T:2016:282, points 49, 50, 56 et 57) et, partant, de motiver, dans le respect des exigences rappelées aux points 17 et 18 ci‑dessus et sous le contrôle du juge de l’Union, sa décision à la lumière de toutes ces informations.

33      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée ne contient manifestement pas suffisamment d’éléments permettant au requérant de connaître les justifications du refus d’enregistrement de la proposition d’ICE au regard des différentes informations contenues dans ladite proposition et de réagir en conséquence et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité du refus d’enregistrement.

34      Par conséquent, sans même qu’il soit nécessaire de répondre au grief du requérant selon lequel la Commission aurait, en outre, dû exposer les motifs à l’appui de son interprétation, selon laquelle une proposition d’ICE ne saurait être enregistrée si une partie des mesures proposées n’entre pas dans les attributions de cette institution en vertu desquelles elle peut présenter un acte juridique de l’Union aux fins de l’application des traités, il convient de conclure que la Commission a manqué à son obligation de motivation en n’indiquant pas celles des mesures qui, parmi celles énoncées dans l’annexe de la proposition d’ICE, ne relevaient pas de sa compétence, ni les motifs à l’appui de cette conclusion et que, partant, pour ce seul motif, le recours doit être accueilli, sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens du requérant, conformément aux conclusions de celui‑ci. En application de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2013) 5969 final de la Commission, du 13 septembre 2013, rejetant la demande d’enregistrement de la proposition d’initiative citoyenne européenne intitulée « Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe », est annulée.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés parBürgerausschuss für die Bürgerinitiative Minority SafePack – one million signatures for diversity in Europe.

3)      La Hongrie, la République slovaque et la Roumanie supporteront leurs propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.