Language of document : ECLI:EU:C:2018:66

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 février 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) 2015/751 – Commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte – Article 1er, paragraphe 5 – Assimilation d’un schéma de cartes de paiement tripartite à un schéma de cartes de paiement quadripartite – Conditions – Émission par un schéma de cartes de paiement tripartite des instruments de paiement liés à une carte “avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent” – Article 2, point 18 – Notion de “schéma de cartes de paiement tripartite” – Validité »

Dans l’affaire C‑304/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], par décision du 11 avril 2016, parvenue à la Cour le 30 mai 2016, dans la procédure

The Queen, à la demande de :

American Express Company,

contre

The Lords Commissioners of Her Majesty’s Treasury,

en présence de :

Diners Club International Limited,

MasterCard Europe SA,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, J.‑C. Bonichot, S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2017,

considérant les observations présentées :

–        pour American Express Company, par M. J. Turner, QC, M. J. Holmes, QC, Mme L. John, barrister, ainsi que par Mmes I. Taylor et H. Ware et M. J. Slade, solicitors,

–        pour MasterCard Europe SA, par MM. P. Harrison, S. Kinsella et K. Le Croy, solicitors, ainsi que par MM. S. Pitt et J. Bedford, advocates,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. M. Holt et D. Robertson ainsi que par Mmes J. Kraehling et C. Crane, en qualité d’agents, assistés de M. G. Facenna et de Mme M. Hall, QC,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mmes M. Rebelo et G. Fonseca, en qualité d’agents,

–        pour le Parlement européen, par MM. P. Schonard et A. Tamás, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par MM. J. Bauerschmidt et I. Gurov ainsi que par Mme E. Moro, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes H. Tserepa-Lacombe et J. Samnadda ainsi que par M. T. Scharf, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation et la validité de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, ainsi que sur l’interprétation de l’article 2, point 2, du règlement (UE) 2015/751 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015, relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte (JO 2015, L 123, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant American Express Company aux Lords Commissioners of Her Majesty’s Treasury (Lords commissaires du Trésor, Royaume-Uni, ci‑après l’« autorité nationale »), au sujet des circonstances dans lesquelles les schémas de cartes de paiement tripartites doivent être considérés comme étant des schémas de cartes de paiement quadripartites, en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement.

 Le cadre juridique

 Le règlement 2015/751

3        Les considérants 10, 28, 29 et 43 du règlement 2015/751 disposent :

« (10)      [...] Outre l’application cohérente des règles de concurrence aux commissions d’interchange, la réglementation de ces commissions améliorerait le fonctionnement du marché intérieur et contribuerait à diminuer le coût des opérations pour les consommateurs.

[...]

(28)      Les opérations de paiement liées à une carte sont généralement réalisées sur la base de deux grands modèles économiques : les schémas de cartes de paiement tripartites (titulaire de la carte –schéma acquéreur et émetteur – commerçant) et les schémas de cartes de paiement quadripartites (titulaire de la carte – banque émettrice – banque acquéreuse – commerçant). De nombreux schémas de cartes de paiement quadripartites utilisent une commission d’interchange explicite, la plupart du temps multilatérale. Pour tenir compte de l’existence de commissions d’interchange implicites et contribuer à l’établissement de conditions de concurrence égales, les schémas de cartes de paiement tripartites utilisant des prestataires de services de paiement comme émetteurs ou acquéreurs devraient être considérés comme des schémas de cartes de paiement quadripartites et devraient suivre les mêmes règles, tandis que les mesures de transparence et autres mesures liées aux règles commerciales devraient s’appliquer à tous les prestataires. Toutefois, compte tenu des spécificités existant pour ce type de schémas tripartites, il convient de prévoir une période transitoire durant laquelle les États membres peuvent décider de ne pas appliquer les règles relatives au plafonnement des commissions d’interchange si ces schémas ne représentent qu’une très faible part de marché dans l’État membre concerné.

(29)      Le service émetteur est fondé sur une relation contractuelle entre l’émetteur de l’instrument de paiement et le payeur, indépendamment du fait que l’émetteur détient les fonds au nom du payeur. L’émetteur met des cartes de paiement à la disposition du payeur, autorise les opérations aux terminaux ou aux dispositifs équivalents et peut garantir le paiement à l’acquéreur pour les opérations qui sont conformes aux règles du schéma en question. Par conséquent, la simple distribution de cartes de paiement ou la simple prestation de services techniques, tels que le simple traitement et stockage de données, ne constituent pas une émission.

[...]

(43)      Étant donné que les objectifs du présent règlement, à savoir instaurer des règles uniformes pour les opérations de paiement liées à une carte et pour les paiements par internet et par appareil mobile liés à une carte, ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent, en raison de leur dimension, l’être mieux au niveau de l’Union [européenne], celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité sur l’Union européenne. […] »

4        L’article 1er du règlement 2015/751, intitulé « Champ d’application », qui figure au chapitre I de ce règlement, lui-même intitulé « Dispositions générales », prévoit :

« [...]

3.      Le chapitre II ne s’applique pas :

[...]

c)      aux opérations effectuées au moyen de cartes de paiement émises par des schémas de cartes de paiement tripartites.

4.      L’article 7 ne s’applique pas aux schémas de cartes de paiement tripartites.

5.      Lorsqu’un schéma de cartes de paiement tripartite accorde une licence à d’autres prestataires de services de paiement pour l’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte, ou émet des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent, il doit être considéré comme un schéma de cartes de paiement quadripartite. Toutefois, jusqu’au 9 décembre 2018 en ce qui concerne les opérations de paiement nationales, ce type de schéma de cartes de paiement tripartite peut être exempté des obligations prévues au chapitre II, pour autant que les opérations de paiement liées à une carte effectuées dans un État membre dans le cadre de ce schéma de cartes de paiement tripartite ne représentent pas, en base annuelle, plus de 3 % de la valeur de l’ensemble des opérations de paiement liées à une carte effectuées dans cet État membre. »

5        L’article 2 dudit règlement, intitulé « Définitions », est ainsi libellé :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

2)      “émetteur”, un prestataire de services de paiement qui s’engage par contrat à mettre à la disposition d’un payeur un instrument de paiement afin d’initier et de traiter les opérations de paiement liées à une carte effectuées par ce dernier ;

[...]

10)      “commission d’interchange”, une commission payée directement ou indirectement (à savoir par un tiers) pour chaque opération effectuée entre l’émetteur et l’acquéreur qui sont parties à une opération de paiement liée à une carte. La compensation nette ou les autres rémunérations convenues sont considérées comme faisant partie de la commission d’interchange ;

11)      “compensation nette”, le montant net total des paiements, des rabais ou des incitations reçus par un émetteur en provenance du schéma de cartes de paiement, de l’acquéreur ou de tout autre intermédiaire, en rapport avec des opérations de paiement ou des activités connexes liées à une carte ;

[...]

17)      “schéma de cartes de paiement quadripartite”, un schéma de cartes de paiement dans lequel les opérations de paiement liées à une carte sont effectuées du compte de paiement d’un payeur sur le compte de paiement d’un bénéficiaire par l’intermédiaire du schéma, d’un émetteur (pour le payeur) et d’un acquéreur (pour le bénéficiaire) ;

18)      “schéma de cartes de paiement tripartite”, un schéma de cartes de paiement dans lequel les services acquéreurs et émetteurs sont fournis par le schéma lui-même et les opérations de paiement liées à une carte sont effectuées à partir du compte de paiement d’un payeur sur le compte de paiement d’un bénéficiaire au sein du schéma. Lorsqu’un schéma de cartes de paiement tripartite accorde une licence à d’autres prestataires de services de paiement pour l’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte, ou émet des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent, il est considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite ;

[...]

24)      “prestataire de services de paiement”, toute personne physique ou morale autorisée à fournir les services de paiement énumérés à l’annexe de la directive 2007/64/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1)] ou considérée comme émetteur de monnaie électronique conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2009/110/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7)]. Un prestataire de services de paiement peut être un émetteur, un acquéreur ou les deux ;

[...]

28)      “entité de traitement”, toute personne physique ou morale qui fournit des services de traitement d’opérations de paiement ;

[...]

30)      “marque de paiement”, tout nom, terme, signe, symbole matériel ou numérique ou la combinaison de ces éléments, susceptible de désigner le schéma de cartes de paiement dans lequel des opérations de paiement liées à une carte sont effectuées ;

[…]

32)      “comarquage”, l’inclusion d’une marque de paiement au moins et d’une marque autre qu’une marque de paiement au moins sur le même instrument de paiement lié à une carte ;

[...] »

6        Les articles 3 et 4 du règlement 2015/751, qui figurent au chapitre II de celui-ci, intitulé « Commissions d’interchange », concernent, respectivement, les commissions d’interchange applicables aux opérations par carte de débit des consommateurs et les commissions d’interchange applicables à des opérations par carte de crédit des consommateurs.

7        L’article 5 dudit règlement, intitulé « Interdiction de contournement », qui figure également à ce chapitre II, prévoit :

« Aux fins de l’application des plafonds mentionnés aux articles 3 et 4, toute rémunération convenue, y compris la compensation nette, ayant un objet ou un effet équivalent à la commission d’interchange, reçue par un émetteur de la part d’un schéma de cartes de paiement, d’un acquéreur ou de tout autre intermédiaire en rapport avec des opérations de paiement ou des activités connexes est considérée comme faisant partie de la commission d’interchange. »

8        Les articles 6 à 12 du règlement 2015/751, qui figurent au chapitre III de celui‑ci, intitulé « Règles commerciales », prévoient des obligations relatives aux opérations de paiement liées à une carte.

9        L’article 7 de ce règlement, intitulé « Séparation du schéma de cartes de paiement et des entités de traitement », est libellé comme suit :

« 1.      Les schémas de cartes de paiement et les entités de traitement :

a)      sont des entités indépendantes du point de vue de la comptabilité, de l’organisation et des processus décisionnels ;

b)      ne présentent pas les prix de manière groupée pour les activités liées au schéma de cartes de paiement et au traitement et n’octroient pas de subventions croisées à ces activités ;

c)      ne pratiquent aucune discrimination entre leurs filiales ou leurs actionnaires, d’une part, et les utilisateurs des schémas de cartes de paiement et d’autres partenaires contractuels, d’autre part, et notamment ne subordonnent aucunement la prestation de services à l’acceptation, par l’autre partenaire contractuel, d’un autre service qu’ils proposent, quel qu’il soit.

2.      L’autorité compétente de l’État membre dans lequel le siège statutaire du schéma est situé peut exiger qu’un schéma de cartes de paiement fournisse un rapport indépendant confirmant qu’il respecte le paragraphe 1.

3.      Les schémas de cartes de paiement prévoient la possibilité que les messages d’autorisation et de compensation d’opérations de paiement isolées liées à une carte soient distincts et traités par des entités de traitement différentes.

4.      Sont interdites toutes les discriminations territoriales dans les règles de traitement appliquées par les schémas de cartes de paiement.

5.      Les entités de traitement au sein de l’Union veillent à ce que leur système soit techniquement interopérable avec les systèmes d’autres entités de traitement au sein de l’Union en utilisant des normes élaborées par des organismes de normalisation internationaux ou européens. En outre, les schémas de cartes de paiement n’adoptent pas ou n’appliquent pas de règles commerciales qui restreignent l’interopérabilité avec d’autres entités de traitement au sein de l’Union.

[...] »

10      Le chapitre IV du règlement 2015/751, intitulé « Dispositions finales », comprend les articles 13 à 18 de celui-ci. Selon l’article 13, intitulé « Autorités compétentes » :

« 1.      Les États membres désignent les autorités compétentes habilitées à faire appliquer le présent règlement et investies de pouvoirs d’enquête et d’exécution.

[...]

6.      Les États membres exigent des autorités compétentes qu’elles contrôlent efficacement le respect du présent règlement, notamment afin d’empêcher que les prestataires de services de paiement ne tentent de le contourner, et qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires pour en assurer le respect. »

11      L’article 14 de ce règlement, intitulé « Sanctions », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres établissent des règles relatives aux sanctions applicables aux violations du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour garantir qu’elles soient appliquées. »

12      Aux termes de l’article 18 dudit règlement, intitulé « Entrée en vigueur » :

« 1.      Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

2.      Il est applicable à partir du 8 juin 2015 à l’exception des articles 3, 4, 6 et 12 qui sont applicables à partir du 9 décembre 2015 et des articles 7, 8, 9 et 10 qui sont applicables à partir du 9 juin 2016. »

 La directive (UE) 2015/2366

13      Les considérants 2 et 6 de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (JO 2015, L 337, p. 35), sont libellés comme suit :

« (2)      Le réexamen du cadre juridique de l’Union concernant les services de paiement est complété par le règlement [2015/751]. [...]

[...]

(6)      Il y a lieu d’établir de nouvelles règles, qui comblent les lacunes réglementaires tout en garantissant une plus grande clarté juridique et une application cohérente du cadre législatif dans l’ensemble de l’Union. [...] »

14      L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », qui figure sous le titre I de celle-ci, lui-même intitulé « Objet, champ d’application et définitions », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La présente directive fixe les règles selon lesquelles les États membres distinguent les six catégories suivantes de prestataires de services de paiement :

[...]

d)      les établissements de paiement ;

[...] »

15      L’article 4 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3)      “service de paiement”, une ou plusieurs des activités visées à l’annexe I exercées à titre professionnel ;

4)      “établissement de paiement”, une personne morale qui, conformément à l’article 11, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute l’Union ;

[...]

38)      “agent”, une personne physique ou morale qui agit pour le compte d’un établissement de paiement pour la fourniture des services de paiement ;

[...] »

16      Il ressort de l’annexe I de la directive 2015/2366, intitulée « Services de paiement », que « [l]’émission d’instruments de paiement et/ou l’acquisition d’opérations de paiement » figurent au nombre des services de paiement visés à l’article 4, point 3, de cette directive.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      Il ressort de la décision de renvoi qu’American Express est une société de services internationale qui fournit, avec ses filiales consolidées, des services de paiement, de voyages, de change et de plateforme de fidélisation aux consommateurs et aux entreprises. Elle exerce également des activités d’émission de cartes et d’acquisition dans le monde entier, y compris dans l’Union. American Express exploite, avec ses filiales, le schéma de cartes de paiement American Express (ci‑après « Amex »), qui est un schéma de cartes de paiement tripartite. Ce schéma a conclu des accords de comarquage et de fourniture de services dans l’Union, ce qui pourrait avoir pour conséquence, en fonction de la réponse que la Cour apportera à la question portant sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751, qu’un grand nombre des opérations effectuées par ledit schéma pourrait relever de ce règlement en vertu de l’extension de comarquage et de l’extension d’agence, prévues à l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement.

18      L’autorité nationale dirige le Her Majesty’s Treasury (Trésor public, Royaume-Uni). Ce dernier assume la responsabilité ultime de l’exécution des obligations imposées au Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord en ce qui concerne l’application, l’exécution et toute autre forme de mise en œuvre du règlement 2015/751, y compris l’établissement d’un régime de sanctions applicable aux violations des dispositions de ce règlement, conformément aux articles 13 et 14 de celui-ci.

19      American Express a demandé à la juridiction de renvoi l’autorisation d’introduire un recours tendant au contrôle de la légalité (judicial review) de « l’intention et/ou [de] l’obligation de l’[autorité nationale] d’appliquer, d’exécuter ou de mettre en œuvre sous toute autre forme l’extension de comarquage et/ou l’extension d’agence ». Cette juridiction a accordé l’autorisation sollicitée.

20      La juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si un schéma de cartes de paiement tripartite doit être regardé comme émettant des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent, au sens de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751, en raison du seul fait qu’il a conclu un accord avec un partenaire de comarquage ou un agent, indépendamment de la question de savoir si ce partenaire ou cet agent est un prestataire de services de paiement distinct qui émet des cartes de paiement, ou si, au contraire, un schéma de cartes de paiement tripartite doit être regardé comme agissant ainsi uniquement lorsque ledit partenaire ou ledit agent est lui-même un prestataire de services de paiement et qu’il intervient dans le schéma de cartes de paiement tripartite en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, de ce règlement.

21      En outre, selon cette juridiction, dans le cas où l’article 1er, paragraphe 5, et l’article 2, point 18, du règlement 2015/751 devraient être interprétés en ce sens qu’un schéma de cartes de paiement tripartite doit être regardé comme émettant des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent, au sens de ces dispositions, même lorsque le schéma de cartes de paiement tripartite concerné reste l’émetteur et fait appel à un tiers pour exercer une ou plusieurs fonctions accessoires à l’appui de son activité d’émission, il serait alors nécessaire de se prononcer sur l’argument avancé par American Express selon lequel lesdites dispositions sont invalides en raison d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité.

22      Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’obligation de considérer un schéma de cartes de paiement tripartite qui émet des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent comme un schéma de cartes de paiement quadripartite, prévue à [l’article 1er], paragraphe 5, et à [l’article] 2, point 18, du règlement [2015/751], s’applique-t-elle uniquement lorsque le partenaire de comarquage ou l’agent agit en tant qu’“émetteur” au sens de l’article 2, point 2, et du considérant 29 [de ce règlement] (c’est-à-dire lorsque ce partenaire ou agent a une relation contractuelle avec le payeur, en vertu de laquelle il s’engage à mettre à la disposition du payeur un instrument de paiement afin d’initier et de traiter les opérations de paiement liées à une carte effectuées par ce dernier) ?

2)      En cas de réponse négative à la première question, et dans la mesure où ils prévoient que de telles structures doivent être considérées comme des schémas de cartes de paiement quadripartites, [l’article 1er], paragraphe 5, et [l’article] 2, point 18, du [règlement 2015/751] sont-ils invalides pour les motifs suivants :

a)      défaut de motivation conformément à l’article 296 TFUE ;

b)      erreur manifeste d’appréciation ; et/ou

c)      violation du principe de proportionnalité ? »

 Sur la demande de réouverture de la procédure orale

23      Par acte déposé au greffe de la Cour le 27 juillet 2017, American Express a demandé que soit ordonnée la réouverture de la procédure orale.

24      Au soutien de sa demande, elle fait valoir que l’analyse à laquelle s’est livré M. l’avocat général dans ses conclusions est erronée en ce qu’elle ignore certaines définitions pertinentes figurant tant dans le règlement 2015/751 que dans la directive 2015/2366, alors que ces deux actes législatifs, comme en conviennent d’ailleurs les parties ayant participé à la présente procédure, se complètent et relèvent du même paquet législatif. Cette analyse serait également révélatrice d’une compréhension inexacte de la portée de l’article 5 de ce règlement, en particulier de celle de la notion d’« intermédiaire » qui y figure. En outre, s’agissant du point 98 des conclusions, ou bien le texte y figurant serait incomplet, ou bien les motifs qui y sont exposés se contrediraient. Enfin, l’interprétation dudit règlement telle que proposée par M. l’avocat général aurait pour conséquence d’élargir le champ d’application de ce même règlement de manière plus importante que toute autre interprétation soutenue par les parties ayant participé à la procédure devant la Cour.

25      Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que celle-ci peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 83 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties. En revanche, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 41 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, à l’appui de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la réouverture de la procédure orale, American Express se borne, pour l’essentiel, à critiquer l’interprétation du règlement 2015/751 retenue par M. l’avocat général dans ses conclusions. Or, un tel motif ne figure pas au nombre de ceux susceptibles, au regard de la jurisprudence citée au point précédent, de justifier la réouverture de la procédure orale.

27      De surcroît, la portée des dispositions du règlement 2015/751 dont l’interprétation fait l’objet de la première question préjudicielle a été débattue tant dans le cadre de la phase écrite de la procédure que lors de l’audience.

28      Dans ces conditions, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi et que tous les arguments pertinents pour trancher la présente affaire ont été débattus entre les parties.

29      Par conséquent, il convient de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

30      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne soutiennent que la demande de décision préjudicielle est irrecevable dans son intégralité aux motifs, premièrement, qu’il n’existe pas de litige réel entre les parties au principal, deuxièmement, que la juridiction nationale ne fournit pas le minimum d’éléments nécessaires dans sa décision de renvoi, puisqu’elle n’expose pas les éléments de fait pertinents ni les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation et la validité des dispositions en cause au principal, et, troisièmement, que l’introduction du recours au principal tendant au contrôle de la légalité de l’« intention et/ou [de] l’obligation » de l’autorité nationale d’appliquer ou de mettre en œuvre ces dispositions constitue un moyen de contourner le système des voies de recours institué par le traité FUE.

31      Il convient de rappeler d’emblée qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 24).

32      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25).

33      S’agissant, premièrement, du caractère réel du litige au principal, il y a lieu de faire observer que, par son recours, American Express demande à la juridiction de renvoi de contrôler la légalité de « l’intention et/ou de l’obligation » de l’autorité nationale d’appliquer ou de mettre en œuvre les dispositions litigieuses. À cet égard, il découle de la décision de renvoi que les parties au principal s’opposent sur le bien‑fondé du recours. La juridiction de renvoi étant appelée à trancher ce désaccord et estimant qu’il existe une véritable contestation entre les parties au principal quant à l’interprétation et à la validité des dispositions concernées de ce règlement, il n’apparaît pas de façon manifeste que le litige au principal n’est pas réel [voir, par analogie, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, points 36 et 38, ainsi que du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 17].

34      Pour le surplus, les arguments visant à démontrer le caractère artificiel du litige au principal et fondés sur le fait qu’il n’existerait aucun acte ni aucune omission d’une administration nationale susceptible de donner lieu à un recours en contrôle de la légalité reposent sur une critique de la recevabilité du recours en cause au principal et de l’appréciation des faits opérée par la juridiction de renvoi en vue de l’application des critères établis par le droit national. Or, il n’appartient à la Cour ni de remettre en cause cette appréciation, qui relève, dans le cadre de la présente procédure, de la compétence du juge national, ni de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires. Ces arguments ne sauraient donc pas non plus suffire à renverser la présomption de pertinence évoquée au point 32 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 26).

35      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la juridiction de renvoi n’a exposé ni les faits pertinents ni les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation et la validité des dispositions en cause au principal, il convient, d’une part, de faire observer que, selon l’article 94, sous a), du règlement de procédure, toute demande de décision préjudicielle doit contenir « un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ».

36      À cet égard, il est suffisant que l’objet du litige au principal ainsi que ses enjeux principaux pour l’ordre juridique de l’Union ressortent de la demande de décision préjudicielle afin de permettre aux États membres et aux autres intéressés de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière (arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il découle de la décision de renvoi qu’Amex est un schéma de cartes de paiement tripartite, au sens de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751, et qu’il a conclu des accords de comarquage et de fourniture de services dans l’Union. Or, du fait de ces accords, un grand nombre des opérations effectuées par ce dernier pourraient relever, en fonction des réponses que la Cour apportera aux questions préjudicielles, du règlement 2015/751 en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, de celui‑ci.

38      Ainsi, la décision de renvoi expose, de manière brève mais précise, l’origine et la nature du litige au principal, dont elle estime que l’issue dépend de l’interprétation et de la validité de ces dispositions. Il s’ensuit que la juridiction de renvoi a défini de façon suffisante le cadre factuel et juridique dans lequel s’inscrit sa demande d’interprétation du droit de l’Union pour permettre à la Cour de répondre utilement à ladite demande (voir, par analogie, arrêt du 7 juillet 2016, Genentech, C‑567/14, EU:C:2016:526, point 27).

39      S’agissant, d’autre part, de la question de savoir si la juridiction de renvoi a suffisamment exposé les raisons l’ayant conduite à s’interroger sur l’interprétation et la validité des dispositions en cause au principal, il découle effectivement de l’esprit de coopération qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel qu’il est indispensable que la juridiction nationale expose, dans sa décision de renvoi, les raisons précises pour lesquelles elle considère qu’une réponse à ses questions concernant l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union est nécessaire à la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 24 et jurisprudence citée).

40      Il est, dès lors, important que la juridiction nationale indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus. Une telle exigence ressort également de l’article 94, sous c), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 25 et jurisprudence citée).

41      En l’occurrence, dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a indiqué, en reproduisant une partie des arguments avancés par les parties au litige au principal à cet égard, que l’interprétation de certaines dispositions du règlement 2015/751 était incertaine. De même, elle a fait observer que la Cour pourrait être amenée, en fonction de l’interprétation qu’elle retiendra de ces dispositions, à se prononcer sur les motifs d’invalidité invoqués par American Express.

42      Il en résulte que la juridiction de renvoi considère non seulement que les arguments présentés par les parties au litige au principal soulèvent une question d’interprétation dont la réponse est incertaine, mais aussi que les motifs d’invalidité invoqués par American Express et repris dans la décision de renvoi sont susceptibles d’être retenus.

43      En ce qui concerne, troisièmement, l’argument selon lequel l’introduction du recours au principal, tendant au contrôle de la légalité de l’« intention et/ou [de] l’obligation » de l’autorité nationale d’appliquer ou de mettre en œuvre le règlement 2015/751, constitue un moyen de contourner le système des voies de recours instauré par le traité FUE et, plus particulièrement, l’observation du Parlement selon laquelle, en l’espèce, aucune mesure n’a été prise par cette autorité contre Amex, il convient de rappeler que la Cour a déjà déclaré recevables plusieurs demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation et/ou la validité d’actes de droit dérivé formulées dans le cadre de tels recours tendant au contrôle de la légalité, notamment dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, EU:C:2002:741), du 3 juin 2008, Intertanko e.a. (C‑308/06, EU:C:2008:312), du 8 juillet 2010, Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419), du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324), ainsi que du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C‑547/14, EU:C:2016:325).

44      Par ailleurs, la possibilité, pour les particuliers, de faire valoir devant les juridictions nationales l’invalidité d’un acte de l’Union de portée générale n’est pas subordonnée à la condition que ledit acte ait effectivement déjà fait l’objet de mesures d’application adoptées en vertu du droit national. Il suffit, à cet égard, que la juridiction nationale soit saisie d’un litige réel dans lequel se pose, à titre incident, la question de la validité d’un tel acte. Or, cette condition est satisfaite dans le cas du litige au principal, ainsi qu’il ressort des points 21, 33, 34, 41 et 42 du présent arrêt [voir, par analogie, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 40 ; du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 29 ; du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 19, ainsi que du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 35].

45      Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le recours au principal ait été introduit aux fins de contourner les voies de recours instaurées par le traité FUE.

46      Enfin, les constatations qui précèdent ne sauraient être remises en cause par l’argument, avancé par le Parlement et la Commission, selon lequel la présente affaire, qui concerne l’interprétation et la validité d’un règlement, doit être distinguée des affaires qui sont relatives à l’interprétation et à la validité d’une directive, étant donné qu’un règlement, contrairement à une directive, est directement applicable en vertu de l’article 288 TFUE et que, en outre, dans le cas d’espèce, les dispositions en cause au principal n’impliquent aucune intervention de la part des États membres.

47      En effet, ainsi qu’il découle du point 37 du présent arrêt, les réponses de la Cour aux questions posées détermineront dans quelle mesure des schémas de cartes de paiement tripartites, tels qu’Amex, doivent être considérés comme étant soumis aux obligations découlant des articles 3 à 5 et 7 du règlement 2015/751, lesquels supposent une certaine intervention de la part des États membres. À cet égard, il convient en particulier de rappeler que, en vertu des articles 13 et 14 de ce règlement, les États membres, d’une part, désignent les autorités compétentes habilitées à faire appliquer ledit règlement et investies de pouvoirs d’enquête et d’exécution et, d’autre part, établissent des règles relatives aux sanctions applicables aux violations du même règlement et prennent toute mesure nécessaire pour garantir qu’elles soient appliquées. Il découle d’ailleurs de la décision de renvoi que l’autorité nationale dirige le ministère des Finances, lequel assume la responsabilité ultime de l’exécution des obligations imposées au Royaume-Uni en ce qui concerne toute forme d’application du règlement 2015/751, conformément aux articles 13 et 14 de celui‑ci.

48      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur la première question

49      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un accord entre un partenaire de comarquage ou un agent, d’une part, et un schéma de cartes de paiement tripartite, d’autre part, il est nécessaire que ce partenaire de comarquage ou cet agent agisse en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, de ce règlement, pour que ledit schéma soit regardé comme émettant des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent et soit donc considéré comme un schéma de cartes de paiement quadripartite, au sens de la première de ces dispositions.

50      Il y a lieu de faire observer d’emblée que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous c), du règlement 2015/751, le chapitre II de celui‑ci, dont les articles 3 à 5 fixent les règles relatives au plafonnement des commissions d’interchange pour les opérations par carte des consommateurs, ne s’applique pas « aux opérations effectuées au moyen de cartes de paiement émises par des schémas de cartes de paiement tripartites ». De même, l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement prévoit que l’article 7 de ce dernier, qui impose une obligation de séparation du schéma de cartes de paiement et des entités de traitement, ne s’applique pas « aux schémas de cartes de paiement tripartites ».

51      Toutefois, l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751 prévoit, comme l’article 2, point 18, de ce règlement, lequel définit ce qu’il convient d’entendre par schéma de cartes de paiement tripartite, que, lorsqu’un tel schéma « accorde une licence à d’autres prestataires de services de paiement pour l’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte, ou émet des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent, il doit être considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite ».

52      Il en résulte que, en principe, un schéma de cartes de paiement tripartite n’est pas soumis aux obligations découlant des articles 3 à 5 et 7 du règlement 2015/751, à moins qu’il ne se trouve dans l’une des trois hypothèses visées à l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement, à savoir qu’il ait accordé une licence à un autre prestataire de services de paiement pour l’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte (première hypothèse), qu’il ait émis des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage (deuxième hypothèse), ou qu’il ait émis des instruments de paiement par l’intermédiaire d’un agent (troisième hypothèse). En effet, dans chacune de ces trois hypothèses, le schéma de cartes de paiement tripartite est considéré, en vertu de cette dernière disposition, comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite.

53      En l’occurrence, American Express soutient que l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751 doit être interprété en ce sens qu’un schéma de cartes de paiement tripartite ne peut être considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite qu’à la condition qu’au moins un tiers prestataire de services de paiement agisse en tant qu’émetteur ou acquéreur dans le cadre de l’opération de paiement, que ce soit en qualité de licencié émetteur, de licencié acquéreur, de partenaire de comarquage effectuant l’activité d’émission à la place du schéma de cartes de paiement tripartite, ou d’agent effectuant l’activité d’émission à la place de ce schéma.

54      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 21 septembre 2017, Commission/Allemagne, C‑616/15, EU:C:2017:721, point 43 et jurisprudence citée).

55      En ce qui concerne, en premier lieu, les termes utilisés à l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751 pour désigner les deuxième et troisième hypothèses qu’il prévoit et qui font l’objet de la première question préjudicielle, il convient de faire observer que l’« émetteur » est défini à l’article 2, point 2, du règlement 2015/751 comme étant « un prestataire de services de paiement qui s’engage par contrat à mettre à la disposition d’un payeur un instrument de paiement afin d’initier et de traiter les opérations de paiement liées à une carte effectuées par ce dernier ». Le considérant 29 de ce règlement précise, quant à lui, que « [l]e service émetteur est fondé sur une relation contractuelle entre l’émetteur de l’instrument de paiement et le payeur, indépendamment du fait que l’émetteur détient les fonds au nom du payeur », que « [l]’émetteur met des cartes de paiement à la disposition du payeur, autorise les opérations aux terminaux ou aux dispositifs équivalents et peut garantir le paiement à l’acquéreur pour les opérations qui sont conformes aux règles du schéma en question », et que, « [p]ar conséquent, la simple distribution de cartes de paiement ou la simple prestation de services techniques, tels que le simple traitement et stockage de données, ne constituent pas une émission ».

56      S’agissant de la deuxième hypothèse prévue à l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751, à savoir la conclusion d’un accord entre un schéma de cartes de paiement tripartite et un partenaire de comarquage, il y a lieu de rappeler que le « comarquage » est défini à l’article 2, point 32, de ce règlement comme étant « l’inclusion d’une marque de paiement au moins et d’une marque autre qu’une marque de paiement au moins sur le même instrument de paiement lié à une carte ». Les termes « marque de paiement » sont eux-mêmes définis à l’article 2, point 30, dudit règlement comme étant « tout nom, terme, signe, symbole matériel ou numérique, ou la combinaison de ces éléments, susceptible de désigner le schéma de cartes de paiement dans lequel des opérations de paiement liées à une carte sont effectuées ».

57      En ce qui concerne la troisième hypothèse prévue à l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751, à savoir la conclusion d’un accord entre un schéma de cartes de paiement tripartite et un agent, il est vrai que ce règlement ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par « agent ». Toutefois, il découle du considérant 2 de la directive 2015/2366, laquelle s’inscrit également dans le cadre juridique de l’Union concernant les services de paiement, que le réexamen de ce cadre juridique est complété par le règlement 2015/751. Il ressort en outre du considérant 6 de cette directive que le législateur de l’Union a entendu que soit garantie une application cohérente du cadre législatif concernant les services de paiement dans l’ensemble de l’Union.

58      Or, ainsi que l’a fait observer American Express, l’article 4, point 38, de la directive 2015/2366 définit l’« agent » comme étant « une personne physique ou morale qui agit pour le compte d’un établissement de paiement pour la fourniture des services de paiement », étant précisé que, aux termes de l’article 4, point 3, et de l’annexe I de cette directive, l’émission d’instruments de paiement et/ou l’acquisition d’opérations de paiement figurent au nombre de ces services de paiement.

59      Ainsi, il ne saurait être déduit des définitions pertinentes des termes « comarquage » et « agent » qu’un partenaire de comarquage ou un agent ayant conclu un accord avec un schéma de cartes de paiement tripartite intervient nécessairement dans ce schéma en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, du règlement 2015/751.

60      Force est donc de constater, comme l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 87 et 90 de ses conclusions, qu’il ne ressort expressément ni du libellé de l’article 1er, paragraphe 5, ni de celui de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751 que le partenaire de comarquage ou l’agent doit lui‑même être impliqué dans l’activité d’émission. Or, si le législateur de l’Union avait voulu restreindre le champ d’application de cet l’article 1er, paragraphe 5, pour que tel soit le cas, il aurait pu le prévoir expressément (voir, par analogie, arrêt du 19 mars 2009, Commission/Italie, C‑275/07, EU:C:2009:169, point 99).

61      Par ailleurs, s’il est vrai que le considérant 28 du règlement 2015/751 énonce que « les schémas de cartes de paiement tripartites utilisant des prestataires de services de paiement comme émetteurs ou acquéreurs devraient être considérés comme des schémas de cartes de paiement quadripartites », il ne saurait en être déduit que seule cette situation relève du champ d’application de l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement. À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 52 du présent arrêt, cette disposition couvre également, notamment, l’hypothèse dans laquelle un schéma de cartes de paiement tripartite « accorde une licence à d’autres prestataires de services de paiement pour l’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte ».

62      En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 90 de ses conclusions, il semble découler du libellé de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751, en particulier du membre de phrase « lorsqu’un schéma de cartes de paiement tripartite [...] émet des instruments de paiement liés à une carte », que ce schéma est lui‑même impliqué dans l’activité d’émission.

63      En deuxième lieu, s’agissant de l’économie de cette disposition, il est constant qu’un schéma de cartes de paiement tripartite doit être considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite notamment dans la première hypothèse visée à cette disposition, à savoir lorsque ce schéma « accorde une licence à d’autres prestataires de services de paiement pour l’émission et/ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte ».

64      Il s’ensuit, comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 77 et 78 de ses conclusions, que la situation dans laquelle un tiers conclut un accord avec un schéma de cartes de paiement tripartite prévoyant que ce tiers émet ou acquiert des instruments de paiement liés à une carte pour ce schéma correspond à cette première hypothèse.

65      Force est donc de constater que l’interprétation avancée par American Express des deuxième et troisième hypothèses visées à l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751, selon laquelle un accord avec un tiers ne relèverait de ces hypothèses que lorsque ce tiers émet des instruments de paiement liés à une carte pour ce schéma, risquerait de priver ces hypothèses largement de leur portée.

66      Par ailleurs, si la première hypothèse fait expressément référence au fait que le tiers auquel la licence est octroyée est également un « prestataire de services de paiement », les deuxième et troisième hypothèses ne prévoient pas expressément que le partenaire de comarquage ou l’agent soit nécessairement un tel prestataire. Il ne saurait donc être exclu que le partenaire de comarquage puisse être impliqué dans des activités autres que les services de paiement et donc autres que celles consistant en l’émission ou l’acquisition d’instruments de paiement liés à une carte.

67      En troisième lieu, en ce qui concerne les objectifs poursuivis par le règlement 2015/751, dont font partie les dispositions en cause au principal, il ressort du considérant 43 de ce règlement que les objectifs de celui-ci consistent à instaurer des règles uniformes pour les opérations de paiement liées à une carte et pour les paiements par Internet et par appareil mobile liés à une carte. Plus spécifiquement, selon le considérant 10 dudit règlement, la réglementation des commissions d’interchange vise à améliorer le fonctionnement du marché intérieur et à contribuer à diminuer le coût des opérations pour les consommateurs.

68      S’agissant de l’applicabilité de cette réglementation aux schémas de cartes de paiement tripartites, il ressort du considérant 28 du règlement 2015/751 que c’est afin de tenir compte de l’existence de « commissions d’interchange implicites » et de contribuer à l’établissement de « conditions de concurrence égales » que le législateur de l’Union a estimé nécessaire que, dans certaines circonstances, ces schémas soient considérés comme étant des schémas de cartes de paiement quadripartites et soient soumis aux mêmes règles que ces derniers.

69      De surcroît, il découle de nombreuses dispositions du règlement 2015/751, en particulier du considérant 31, de l’article 5 et de l’article 13, paragraphe 6, de ce règlement, que ce dernier vise également à éviter le contournement des règles qui y figurent, notamment celles relatives au plafonnement des commissions d’interchange.

70      S’agissant de la commission d’interchange, celle-ci est définie à l’article 2, point 10, du règlement 2015/751, de façon large, comme étant « une commission payée directement ou indirectement (à savoir par un tiers) pour chaque opération effectuée entre l’émetteur et l’acquéreur qui sont parties à une opération de paiement liée à une carte », cette disposition précisant que « [l]a compensation nette ou les autres rémunérations convenues sont considérées comme faisant partie de la commission d’interchange ». La « compensation nette » est, elle‑même, définie à l’article 2, point 11, dudit règlement comme étant « le montant net total des paiements, des rabais ou des incitations reçus par un émetteur en provenance du schéma de cartes de paiement, de l’acquéreur ou de tout autre intermédiaire, en rapport avec des opérations de paiement ou des activités connexes liées à une carte ».

71      Dans ces conditions, comme le fait valoir en substance la Commission, il ne saurait être exclu qu’un certain type de contrepartie ou d’avantage puisse être identifié comme constituant une commission d’interchange implicite, au sens du considérant 28 du règlement 2015/751, sans que le partenaire de comarquage ou l’agent avec lequel le schéma de cartes de paiement tripartite a conclu un accord soit nécessairement impliqué dans l’activité d’émission de ce schéma. Il pourrait, dès lors, s’avérer difficile d’atteindre les objectifs du règlement 2015/751, en particulier celui de l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement, consistant à assurer des conditions de concurrence égales sur le marché, si les situations dans lesquelles le partenaire de comarquage ou l’agent n’agit pas en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, dudit règlement, devaient, de ce fait, échapper aux règles prévues aux articles 3 à 5 et 7 de ce même règlement.

72      Par conséquent, lorsqu’un schéma de cartes de paiement tripartite conclut un accord de comarquage au sens de l’article 2, point 32, du règlement 2015/751, ou un accord avec un agent au sens de l’article 4, point 38, de la directive 2015/2366, ce schéma doit être considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite, en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement, de sorte que les obligations découlant des articles 3 à 5 et 7 dudit règlement lui sont applicables.

73      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 5, du règlement 2015/751 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un accord entre un partenaire de comarquage ou un agent, d’une part, et un schéma de cartes de paiement tripartite, d’autre part, il n’est pas nécessaire que ce partenaire de comarquage ou cet agent agisse en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, de ce règlement, pour que ledit schéma soit regardé comme émettant des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent et soit donc considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite, au sens de la première de ces dispositions.

 Sur la seconde question

74      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 1er, paragraphe 5, et l’article 2, point 18, du règlement 2015/751 sont invalides en tant qu’ils prévoient qu’un schéma de cartes de paiement tripartite doit être considéré comme un schéma de cartes de paiement quadripartite en raison du seul fait qu’il a conclu un accord avec un partenaire de comarquage ou un agent, alors même que ce partenaire de comarquage ou cet agent n’agit pas, dans le cadre de cet accord, en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, de ce règlement.

 Sur l’existence d’une violation de l’obligation de motivation

75      S’agissant de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, si la motivation d’un acte de l’Union, exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte en cause de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. Le respect de l’obligation de motivation doit, par ailleurs, être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70 ainsi que jurisprudence citée).

76      De surcroît, la Cour a itérativement jugé que, si un acte de portée générale fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés (arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, C‑26/15 P, non publié, EU:C:2016:132, point 31 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, le considérant 28 du règlement 2015/751 énonce avec suffisamment de clarté la logique qui sous-tend l’assimilation, dans certaines hypothèses, des schémas de cartes de paiement tripartites aux schémas de cartes de paiement quadripartites. En effet, ainsi qu’il a été dit au point 68 du présent arrêt, ce considérant prévoit que c’est afin de « tenir compte de l’existence de commissions d’interchange implicites » et de « contribuer à l’établissement de conditions de concurrence égales » que les schémas de cartes de paiement tripartites doivent être considérés comme étant des schémas de cartes de paiement quadripartites et suivre les mêmes règles, tandis que « les mesures de transparence et autres mesures liées aux règles commerciales devraient s’appliquer à tous les prestataires ».

78      En outre, le considérant 28, l’article 1er, paragraphe 5, seconde phrase, et l’article 2, points 17 et 18, du règlement 2015/751 font ressortir les différences qui existent entre les schémas de cartes de paiement tripartites et les schémas de cartes de paiement quadripartites, et qui justifient que l’assimilation des premiers aux seconds, aux fins de l’application des règles relatives au plafonnement des commissions d’interchange et à la séparation du schéma de cartes de paiement et des entités de traitement, ne soit que partielle.

79      Il s’ensuit, ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 117 de ses conclusions, que, en exposant la situation d’ensemble ayant conduit à l’assimilation partielle des schémas de cartes de paiement tripartites aux schémas de cartes de paiement quadripartites ainsi que les objectifs généraux visés par cette assimilation, lesdites dispositions permettent aux intéressés de connaître les justifications d’une telle assimilation et à la Cour d’exercer son contrôle, conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 du présent arrêt.

80      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence exposée aux points 75 et 76 du présent arrêt, le législateur de l’Union n’était pas tenu de prévoir, dans le règlement 2015/751, une motivation pour chacun des choix techniques qu’il a opérés et qui sous‑tendent les trois hypothèses visées à l’article 1er, paragraphe 5, de ce règlement.

81      Il ne saurait, dès lors, être considéré que le règlement 2015/751 est entaché d’un défaut de motivation à cet égard, de nature à entraîner l’invalidité de son article 1er, paragraphe 5, et de son article 2, point 18.

 Sur l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation

82      Il ressort de la décision de renvoi que la validité de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751 est contestée dans le litige au principal au motif que ces dispositions seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, celles-ci prévoiraient que, dans le cadre d’un accord entre un partenaire de comarquage ou un agent, d’une part, et un schéma de cartes de paiement tripartite, d’autre part, il n’est pas nécessaire que ce partenaire de comarquage ou cet agent soit impliqué dans l’activité d’émission du schéma de cartes de paiement tripartite pour que ce schéma soit considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite.

83      Toutefois, il ne ressort pas des éléments transmis à la Cour dans le cadre de la présente procédure que le législateur de l’Union ait, pour cette raison, entaché d’une erreur manifeste d’appréciation l’article 1er, paragraphe 5, et l’article 2, point 18, du règlement 2015/751.

84      En particulier, comme l’a relevé en substance M. l’avocat général aux points 121 à 124 de ses conclusions, aucun élément soumis à la Cour n’est de nature à démontrer qu’une erreur a été commise par le législateur de l’Union lorsque celui-ci a décidé du degré d’assimilation qu’il convenait d’opérer entre les schémas de cartes de paiement tripartites et les schémas de cartes de paiement quadripartites, s’agissant des règles prévues aux articles 3 à 5 et 7 de ce règlement, afin que puissent être atteints les objectifs rappelés aux points 67 à 69 du présent arrêt.

 Sur l’existence d’une violation du principe de proportionnalité

85      Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 67 ainsi que jurisprudence citée).

86      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

87      En l’espèce, étant donné qu’aucun élément soumis à la Cour n’est de nature à démontrer que l’article 1er, paragraphe 5, et l’article 2, point 18, du règlement 2015/751 ne seraient pas aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par celui-ci, tels que rappelés aux points 67 à 69 du présent arrêt, doit être écarté l’argument selon lequel ces dispositions, en ce qu’elles ne subordonnent pas l’assimilation d’un schéma de cartes de paiement tripartite à un schéma de cartes de paiement quadripartite à la condition que le partenaire de comarquage ou l’agent concerné agisse en tant qu’émetteur, méconnaissent le principe de proportionnalité. En particulier, dès lors que, ainsi qu’il a été dit au point 71 du présent arrêt, il ne saurait être exclu qu’un certain type de contrepartie ou d’avantage puisse être identifié dans le cas de contrats de comarquage ou d’agence, sans que le partenaire de comarquage ou l’agent soit nécessairement impliqué dans l’activité d’émission du schéma de cartes de paiement tripartite concerné, il n’était pas manifestement inapproprié, au regard de tels objectifs, de soumettre également une telle rémunération aux plafonds des commissions d’interchange fixés par ce règlement.

88      Il résulte de tout ce qui précède que l’examen de la seconde question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751.

 Sur les dépens

89      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 1er, paragraphe 5, du règlement (UE) 2015/751 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2015, relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un accord entre un partenaire de comarquage ou un agent, d’une part, et un schéma de cartes de paiement tripartite, d’autre part, il n’est pas nécessaire que ce partenaire de comarquage ou cet agent agisse en tant qu’émetteur, au sens de l’article 2, point 2, de ce règlement, pour que ledit schéma soit regardé comme émettant des instruments de paiement liés à une carte avec un partenaire de comarquage ou par l’intermédiaire d’un agent et soit donc considéré comme étant un schéma de cartes de paiement quadripartite, au sens de la première de ces dispositions.

2)      L’examen de la seconde question préjudicielle n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 1er, paragraphe 5, et de l’article 2, point 18, du règlement 2015/751.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.