Language of document : ECLI:EU:C:2012:259

Affaire C-406/10

SAS Institute Inc.

contre

World Programming Ltd

[demande de décision préjudicielle,
introduite par la High Court of Justice (England & Wales) (Chancery Division)]

«Propriété intellectuelle — Directive 91/250/CEE — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3 — Portée de la protection — Création directe ou par un autre processus — Programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur — Reprise des fonctions par un second programme sans accès au code source du premier — Décompilation du code objet du premier programme d’ordinateur — Directive 2001/29/CE — Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information — Article 2, sous a) — Manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur — Reproduction dans un autre programme d’ordinateur — Violation du droit d’auteur — Condition — Expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation»

Sommaire de l’arrêt

1.        Rapprochement des législations — Droit d’auteur et droits voisins — Directive 91/250 — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Champ d’application — Forme d’expression d’un programme d’ordinateur — Notion

(Directive du Conseil 91/250, art. 1er, § 2)

2.        Rapprochement des législations — Droit d’auteur et droits voisins — Directive 91/250 — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Exceptions aux actes soumis à restrictions — Personne habilitée à utiliser une copie d’un programme d’ordinateur

(Directive du Conseil 91/250, art. 5, § 3)

3.        Rapprochement des législations — Droit d’auteur et droits voisins — Directive 2001/29 — Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information — Droit de reproduction — Manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur

[Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/29, art. 2, a)]

1.        L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/250, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doit être interprété en ce sens que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive.

En effet, admettre que la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur puisse être protégée par le droit d’auteur reviendrait à offrir la possibilité de monopoliser les idées, au détriment du progrès technique et du développement industriel.

Quant au langage de programmation et au format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour interpréter et exécuter des programmes d’application écrits par les utilisateurs ainsi que pour lire et écrire des données dans un format de fichiers de données spécifique, il s’agit des éléments de ce programme au moyen desquels les utilisateurs exploitent certaines fonctions dudit programme.

Toutefois, si un tiers se procurait la partie du code source ou du code objet relative au langage de programmation ou au format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur et qu’il créait, à l’aide de ce code, des éléments similaires dans son propre programme d’ordinateur, ce comportement serait susceptible de constituer une reproduction partielle, au sens de l’article 4, sous a), de la directive 91/250.

Enfin, le langage de programmation et le format de fichiers de données peuvent bénéficier, en tant qu’œuvres, de la protection par le droit d’auteur, en vertu de la directive 2001/29, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, s’ils sont une création intellectuelle propre à leur auteur.

(cf. points 40, 42, 43, 45, 46, disp. 1)

2.        L’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/250, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, doit être interprété en ce sens que la personne ayant obtenu une copie sous licence d’un programme d’ordinateur peut, sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n’importe quel élément dudit programme, lorsqu’elle effectue des opérations couvertes par cette licence ainsi que des opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du programme d’ordinateur et à condition qu’elle ne porte pas atteinte aux droits exclusifs du titulaire du droit d’auteur sur ce programme.

Il ne saurait être porté atteinte au droit d’auteur du programme d’ordinateur lorsque l’acquéreur légitime de la licence n’a pas eu accès au code source du programme d’ordinateur sur lequel porte cette licence, mais s’est limité à étudier, à observer et à tester ce programme afin de reproduire sa fonctionnalité dans un second programme.

(cf. points 61, 62, disp. 2)

3.        L’article 2, sous a), de la directive 2001/29, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que la reproduction, dans un programme d’ordinateur ou dans un manuel d’utilisation de ce programme, de certains éléments décrits dans le manuel d’utilisation d’un autre programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur est susceptible de constituer une violation du droit d’auteur sur ce dernier manuel si — ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier — cette reproduction constitue l’expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation du programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur.

(cf. point 70, disp. 3)