Language of document : ECLI:EU:C:2017:225

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 21 mars 2017 (1)

Affaire C190/16

Werner Fries

contre

Lufthansa CityLine GmbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne)]

« Politique des transports – Transports aériens – Règlement (UE) no 1178/2011 de la Commission – Validité du paragraphe FCL.065, sous b), de l’annexe I du règlement no 1178/2011 – Article 15, paragraphe 1, et article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Liberté professionnelle et droit de travailler – Discrimination fondée sur l’âge – Limite d’âge de 65 ans pour les pilotes opérant dans le transport aérien commercial – Sécurité aérienne – Définition de la notion de “transport aérien commercial” – Vols de convoyage et activités de formation et d’organisation d’examens »






I.      Introduction

1.        M. Werner Fries travaillait en qualité de pilote de Lufthansa CityLine GmbH. Lorsqu’il a eu 65 ans, la compagnie a refusé de continuer à l’employer bien que, en vertu de la convention collective applicable, le contrat n’expirerait pas avant deux mois. La compagnie aérienne a estimé que la relation de travail ne pouvait pas se poursuivre puisque, en vertu du droit de l’Union, les titulaires d’une licence de pilote ne doivent plus exercer leurs activités comme pilote dans le transport aérien commercial à compter de l’âge de 65 ans. M. Fries soutient néanmoins que sa relation de travail avec Lufthansa CityLine aurait pu se poursuivre durant les deux mois précédant l’âge de son départ à la retraite. Durant cette période, il aurait pu exercer ses activités en qualité d’instructeur, d’examinateur ou de pilote de vols de convoyage.

2.        C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi, premièrement, s’interroge sur la validité de la disposition du droit de l’Union établissant une limite d’âge – le paragraphe FCL.065, sous b), de l’annexe I du règlement (UE) no 1178/2011 de la Commission [ci-après le « paragraphe FCL.065, sous b) »] (2) – à la lumière de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge [article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »)] ainsi que du droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée (article 15, paragraphe 1, de la Charte). Deuxièmement, si cette disposition devait être considérée comme valide, la juridiction de renvoi souhaite connaître l’interprétation de la notion de « transport aérien commercial ». De manière plus spécifique, elle souhaite savoir si cette notion inclut les vols opérés aux fins de formation et de l’organisation d’examens ainsi que les vols de convoyage.

II.    Le cadre juridique

A.      Le règlement no 216/2008

3.        Le règlement no 1178/2011, en cause dans la présente affaire, met en œuvre le règlement no 216/2008 (3). Les considérants 1, 3, 4, 7 et 8 de ce second règlement sont libellés comme suit :

« (1)      Un niveau élevé et uniforme de protection des citoyens européens devrait être assuré à tout moment dans l’aviation civile, en adoptant des règles de sécurité communes et en veillant à ce que les produits, les personnes et les organismes dans la Communauté satisfassent à ces règles et à celles adoptées en vue de protéger l’environnement. Cela devrait contribuer à faciliter la libre circulation des marchandises, des personnes et des organismes dans le marché intérieur.

[…]

(3)      La convention de Chicago prévoit déjà des normes minimales visant à assurer la sécurité de l’aviation civile ainsi que la protection de l’environnement y afférente. Les exigences essentielles de la Communauté et les règles adoptées pour leur mise en œuvre devraient être conçues de telle manière que les États membres respectent les obligations contractées au titre de la convention de Chicago, y compris à l’égard des pays tiers.

(4)      Conformément aux normes et aux pratiques recommandées définies par la convention de Chicago, la Communauté devrait définir des exigences essentielles applicables aux produits, pièces et équipements aéronautiques, aux personnes et organismes intervenant dans l’exploitation des aéronefs, et aux personnes et produits intervenant dans la formation et l’examen médical des pilotes. La Commission devrait être habilitée à élaborer les règles de mise en œuvre nécessaires.

[…]

(7)      Les produits, pièces et équipements aéronautiques, les exploitants exerçant des activités de transport aérien commercial, ainsi que les pilotes et les personnes, produits et organismes jouant un rôle dans leur formation et dans leur examen médical, devraient être certifiés ou dotés de licences dès lors qu’il aura été constaté qu’ils satisfont aux exigences essentielles que la Communauté définira en conformité avec les normes énoncées et les pratiques recommandées par la convention de Chicago. La Commission devrait être habilitée à élaborer les règles de mise en œuvre requises pour la mise en place des conditions de délivrance du certificat ou de son remplacement par une déclaration d’aptitude, en tenant compte des risques liés aux différents types d’exploitation, y compris certains types de travail aérien et les vols locaux effectués avec de petits aéronefs.

(8)      Pour les activités non commerciales, les règles d’exploitation et celles d’octroi des licences devraient être adaptées à la complexité de l’aéronef et une définition devrait être prévue en la matière. »

4.        L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 216/2008 dispose que « [l]’objectif principal du présent règlement est d’établir et de maintenir un niveau uniforme élevé de sécurité de l’aviation civile en Europe ».

B.      Le règlement no 1178/2011

5.        Le considérant 11 du règlement no 1178/2011 est rédigé comme suit :

« Afin d’assurer une transition harmonieuse et de garantir un niveau élevé et uniforme de sécurité de l’aviation civile dans l’Union, les mesures de mise en œuvre devraient refléter l’état de l’art, y compris les meilleures pratiques et le progrès scientifique et technique, en matière de formation des pilotes et d’aptitude aéromédicale du personnel navigant. Il convient donc de tenir compte des exigences techniques et des procédures administratives arrêtées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et les autorités conjointes de l’aviation (JAA – “Joint Aviation Authorities”) jusqu’au 30 juin 2009 ainsi que de la législation en vigueur relative à certaines spécificités nationales. »

6.        L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1178/2011 dispose que le règlement fixe des règles détaillées concernant notamment « les différentes qualifications pour les licences de pilote, les conditions de délivrance, de maintien, de modification, de limitation, de suspension ou de retrait des licences, les privilèges et responsabilités des titulaires de licences, les conditions dans lesquelles les licences nationales de pilote et les licences de mécanicien navigant existantes peuvent être converties en licences de pilote, ainsi que les conditions d’acceptation des licences délivrées par les pays tiers ».

7.        L’article 3 du règlement no 1178/2011, dans la version applicable aux faits, dispose ce qui suit : « Sans préjudice de l’article 7, les pilotes d’aéronefs visés à l’article 4, paragraphe 1, points b) et c), et à l’article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) no 216/2008 respectent les exigences techniques et les procédures administratives énoncées dans les annexes I et IV du présent règlement. »

8.        Le paragraphe FCL.010 de l’annexe I du règlement no 1178/2011 (ci‑après le « paragraphe FCL.010 ») comporte les définitions applicables à la partie FCL (octroi de licences aux membres d’équipage de conduite). Il dispose que « le “transport aérien commercial” désigne le transport de passagers, de fret ou de courrier contre rémunération ou effectué en vertu d’un contrat de location ».

9.        Le paragraphe FCL.065, intitulé « Restrictions des privilèges des titulaires d’une licence âgés de 60 ans ou plus pour le transport aérien commercial », dans la version applicable à la procédure pendante devant la juridiction de renvoi (4), dispose ce qui suit :

« a) 60-64 ans. Avions et hélicoptères. Le titulaire d’une licence de pilote qui a atteint l’âge de 60 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial que s’il :

1)      fait partie d’un équipage multipilote, et

2)      pour autant qu’il soit le seul pilote de l’équipage de conduite de vol qui ait atteint l’âge de 60 ans.

b)      65 ans. Le titulaire d’une licence de pilote qui a atteint l’âge de 65 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial. »

III. Les faits au principal, la procédure et les questions préjudicielles

10.      M. Fries était employé par Lufthansa CityLine depuis 1986. Il était commandant de bord d’un aéronef de type Embraer. Il était également chargé de former d’autres pilotes.

11.      En octobre 2013, M. Fries a eu 65 ans. Lufthansa CityLine lui a demandé de rendre, au plus tard le 31 octobre 2013, le matériel qui lui avait été fourni pour assurer son travail. À compter de cette date, il n’était plus employé par Lufthansa CityLine. Selon la compagnie aérienne, à compter de l’âge de 65 ans, M. Fries ne pouvait plus être employé comme pilote en raison de la limite d’âge prévue au paragraphe FCL.065, sous b).

12.      Toutefois, le contrat de travail passé entre Lufthansa CityLine et M. Fries était supposé arriver à terme le 31 décembre 2013, et ce en raison de la règle contenue dans la convention collective applicable et prévoyant la résiliation des contrats une fois atteint l’âge de la retraite ordinaire dans le cadre du régime légal de retraite. M. Fries devait atteindre cet âge à 65 ans et 2 mois.

13.      Il existe donc une différence de deux mois entre la date à laquelle Lufthansa CityLine a cessé d’employer M. Fries et la date à laquelle le contrat de travail devait arriver à son terme en vertu de la convention collective.

14.      M. Fries soutient qu’il lui était possible d’exécuter le contrat de travail durant les deux mois restants suivant son 65ème anniversaire jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite. Il pouvait encore piloter des vols de convoyage et agir en tant qu’instructeur et examinateur conformément aux licences qu’il détenait. Au cours de la période litigieuse, M. Fries disposait toujours de la licence de pilote de ligne (ATPL) y compris la qualification pour les avions de type Embraer, de la qualification d’instructeur de qualification de type (TRI) pour la formation de pilotes d’avion de type Embraer sur aéronef et sur simulateur, de la qualification d’examinateur de qualification de type (TRE) pour l’organisation d’examens sur aéronef et sur simulateur en vue de l’obtention ou de la prorogation des licences pour les avions de type Embraer et de la reconnaissance de la qualité d’examinateur principal (SEN) pour l’organisation d’examens d’examinateur de qualification de type (TREs), quel que soit le modèle d’avion.

15.      M. Fries a intenté une action en justice visant à obtenir la rémunération des mois de novembre et décembre 2013. Il ressort des observations écrites produites devant la Cour que cette action a été accueillie, pour l’essentiel, en première instance et en appel.

16.      Les deux parties se sont pourvues en cassation devant le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne). Lufthansa CityLine conclut au rejet de ce recours alors que M. Fries demande le paiement de l’intégralité du montant réclamé.

17.      La juridiction de renvoi explique que, selon le droit national (5), en cas de contrat de travail susceptible d’être exécuté, l’employeur commet un manquement s’il refuse la prestation dûment offerte à lui par l’employé. Dans ce cas, l’employé peut réclamer la rémunération convenue pour les prestations non réalisées du fait de ce manquement. Néanmoins, si l’employé n’est pas en situation d’exécuter son obligation, le manquement de l’employeur du fait de son refus d’acceptation est exclu. S’il est impossible pour l’employé d’effectuer en tout ou partie les tâches convenues dans le contrat de travail, l’employeur est tenu d’examiner les droits et intérêts de l’employé en vertu du droit national : ce qui signifie lui confier d’autres tâches qu’il ou elle est en mesure d’effectuer. Si l’employeur méconnaît son obligation, sa responsabilité peut être mise en cause et il peut lui être demandé des dommages et intérêts.

18.      C’est dans ces conditions que le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le [paragraphe FCL.065, sous b)] […] est-il conforme à l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge prévue à l’article 21, paragraphe 1, de la [Charte] ?

2)      Le [paragraphe FCL.065, sous b)] […] est-il conforme à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, selon lequel toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée ?

3)      En cas de réponses affirmatives aux [première et deuxième questions préjudicielles] :

a)      les vols à vide (vols de convoyage), effectués dans le cadre de l’activité commerciale d’un transporteur aérien et qui ne transportent ni passagers, ni fret, ni courrier, relèvent-ils également de la notion de “transport aérien commercial” au sens du [point] FCL.065, sous b), ou bien de la définition de cette notion au [point] FCL.010 […] ?

b)      La formation et l’organisation d’examens, au cours desquels le pilote âgé de plus de 65 ans se trouve dans le cockpit de l’avion en tant que membre non navigant de l’équipage, relèvent-elles de la notion de “transport aérien commercial” au sens du [point] FCL.065, sous b), ou bien de la définition de cette notion au [point] FCL.010 […] ? »

19.      M. Fries, Lufthansa CityLine, le gouvernement italien et la Commission européenne ont présenté des observations écrites dans la présente affaire.

IV.    Appréciation

20.      Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante. Je commencerai par examiner la conformité du paragraphe FCL.065, sous b), à l’article 21, paragraphe 1, et à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte (sous A). Ensuite, puisque je conclus que, selon moi, cette disposition est conforme aux droits précités tirés de la Charte, je proposerai une interprétation de la notion de « transport aérien commercial » au sens des points FCL.010 et FCL.065, sous b) (sous B).

A.      Sur la conformité du paragraphe FCL.065, sous b), à la Charte

21.      Le paragraphe FCL.065, sous b), fixe une limite d’âge pour agir en qualité de pilote : il prévoit que le titulaire d’une licence de pilote qui a atteint l’âge de 65 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial. Dans ses première et deuxième questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande si cette limite d’âge est conforme à la Charte : premièrement, à l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge conformément à l’article 21, paragraphe 1, et, deuxièmement, au droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée conformément à l’article 15, paragraphe 1. J’examinerai successivement la conformité de la disposition en cause avec ces deux droits.

1.      Sur l’article 21, paragraphe 1, de la Charte

22.      Aux termes de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, toute discrimination fondée sur l’âge est interdite. En tant qu’expression du principe général du droit de l’Union de l’égalité de traitement inscrit à l’article 20 de la Charte (6), l’interdiction de la discrimination exige que a) des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, b) au détriment du groupe protégé, c) sur la base d’un motif de protection, d) à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié par un objectif d’intérêt général reconnu par le droit de l’Union et qu’il respecte le principe de proportionnalité.

a)      Sur le traitement différencié de situations comparables

23.      Le paragraphe FCL.065, sous b), exige un traitement différent de personnes placées dans des situations comparables. Le titulaire d’une licence soumis à la limite d’âge de 65 ans pour pouvoir travailler comme pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial présente certainement plus de similitudes que de différences avec un pilote plus jeune qui dispose d’une licence pour exercer la même activité (7). Ils sont tous deux soumis au même régime dans le cadre duquel ils sont essentiellement en concurrence pour les mêmes emplois.

b)      Au détriment du groupe protégé

24.      Les pilotes qui ont atteint l’âge de 65 ans, et qui ne sont pas autorisés à exercer l’activité de pilotage d’aéronefs exploités pour le transport aérien commercial, sont traités de manière moins favorable en raison de leur âge (8). Ils n’ont pas le droit d’exercer un certain type d’activité.

c)      Sur la base d’un motif de protection

25.      Le seul critère sur lequel repose la limitation prévue par le paragraphe FCL.065, sous b), est l’âge, qui constitue l’un des « motifs suspects » expressément énumérés à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.

d)      Sur les motifs de justification

26.      Toutefois, l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge prévue à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte n’est pas absolue. Des restrictions sont licites conformément aux exigences prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

27.      Au titre de motifs susceptibles de justifier la différence de traitement dans la présente affaire, la Commission a soutenu qu’il y a lieu de faire appel, par analogie, aux exceptions permises au principe d’égalité de traitement conformément à la directive 2000/78/CE (9). La Commission estime que la condition de l’âge en cause est « nécessair[e] à la sécurité publique » aux termes de l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2000/78. La Commission soutient, en outre, que la limite d’âge en cause relève de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive puisqu’elle porte sur une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » pour les pilotes professionnels et qu’elle est proportionnée à l’objectif légitime poursuivi.

28.      Il est incontesté que la directive 2000/78 ne s’applique pas à la présente affaire. Ce qui est en cause, c’est la validité d’une règle de droit dérivé de l’Union à la lumière d’une disposition du droit primaire, la Charte.

29.      La directive 2000/78 constitue une expression concrète du principe de non-discrimination dans le domaine de l’emploi et du travail. Par conséquent, le cadre analytique en vertu de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte est nécessairement similaire. Pour cette raison, les catégories et l’interprétation élaborées dans le cadre de la directive peuvent être une source d’inspiration pour préciser le contenu de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte. Les deux dispositions de la directive invoquées par la Commission attestent en particulier de la tentative du législateur de l’Union européenne de parvenir à un compromis entre des intérêts concurrents en autorisant des justifications aux mesures nationales permettant des inégalités de traitement directement fondées sur l’âge (10). Enfin, la prise en compte, en bonne et due forme, de la directive est également justifiée par la nécessité d’une approche cohérente du contrôle juridictionnel du droit de l’Union et du droit national dans le domaine de la non-discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi.

30.      Dans ce contexte, la notion d’« exigence professionnelle essentielle » avancée par la Commission sur la base de la directive 2000/78 représente une voie propre pour justifier une inégalité de traitement dans le domaine de l’emploi qui s’applique également dans le cadre de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte. La Cour a constaté qu’une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée, notamment, à l’âge ou au handicap ne constitue pas une violation de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte « lorsque, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée » (11). L’exigence professionnelle essentielle et déterminante constitue en soi non pas le motif « suspect » sur lequel repose l’inégalité de traitement – l’âge –, mais une caractéristique y afférente (12). Dans la présente affaire, la caractéristique liée à l’âge est constituée par des capacités physiques qui diminuent avec l’âge (13). La Cour l’a déjà considérée comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » pour agir en tant que pilote (14). Cette exigence doit être proportionnée aux fins poursuivies pour constituer une restriction autorisée au principe de non-discrimination inscrit à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte (15).

31.      L’appréciation du point de savoir si la mesure en cause peut se justifier en tant qu’exigence professionnelle essentielle et déterminante coïncide de manière effective avec les conditions de limitation prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte qui formule, en définitive, l’examen des restrictions autorisées aux droits inscrits à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.

32.      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte autorise des restrictions à condition que celles-ci soient prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel des droits concernés ainsi que le principe de proportionnalité, et qu’elles soient nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (16).

33.      Il est constant que la limite d’âge en cause dans la présente affaire est prévue par le droit : elle figure expressément au paragraphe FCL.065, sous b). En outre, on ne peut affirmer que cette restriction porte atteinte au contenu essentiel du principe de non-discrimination puisqu’elle a une portée limitée (17).

34.      Par conséquent, je vais examiner à présent si la limite d’âge 1) poursuit un objectif légitime et 2) satisfait à l’exigence de proportionnalité.

1)      Sur l’objectif légitime

35.      Dans la présente affaire, la Commission, le gouvernement italien et Lufthansa CityLine font valoir que la mesure en cause poursuit l’objectif d’atteindre et de maintenir un niveau élevé et uniforme de sécurité de l’aviation civile en Europe. Comme le soutient Lufthansa CityLine, cet objectif est également lié à la protection de la vie et de la santé des personnes.

36.      L’objectif d’établir et de maintenir un niveau élevé et uniforme de sécurité de l’aviation civile au sein de l’Union est expressément prévu au considérant 1 et à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 216/2008, qui constitue la base juridique du règlement no 1178/2011. Ce dernier règlement fait également écho à cet objectif dans ses considérants 1 et 11.

37.      Il ne fait aucun doute selon moi que, à l’instar de la sécurité dans les autres secteurs du transport (18), la sécurité du trafic aérien constitue un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (19).

2)      Sur la proportionnalité

38.      Il convient maintenant d’apprécier si la mesure en cause satisfait effectivement à l’objectif de parvenir à la sécurité du transport aérien, si elle est nécessaire pour atteindre cet objectif et si les inconvénients qu’elle entraîne ne sont pas disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

39.      Le gouvernement italien et Lufthansa CityLine estiment que le critère d’âge de 65 ans est approprié et nécessaire à l’objectif poursuivi. M. Fries reconnaît qu’une limite d’âge est appropriée pour atteindre l’objectif d’un niveau élevé et uniforme de sécurité, puisque l’expérience montre que les capacités physiques et intellectuelles tendent à diminuer avec l’âge. Il estime néanmoins que la limite d’âge de 65 ans n’est pas nécessaire.

i)      Sur le caractère approprié

40.      Selon moi, il fait peu de doute que, en principe, la limite d’âge en cause est adaptée à l’objectif poursuivi. Comme l’a constaté la Cour dans l’arrêt Prigge e.a., il est essentiel que les pilotes de ligne possèdent des capacités physiques particulières (20). Certaines de ces capacités diminuent inévitablement avec l’âge.

41.      Une limite d’âge de 65 ans apparaît donc comme une mesure adaptée pour atteindre un niveau élevé de sécurité dans le transport aérien (21).

42.      Néanmoins, M. Fries met en doute la cohérence interne de la règle en cause dans la présente affaire en se fondant sur l’arrêt Petersen (22) de la Cour. Il allègue que la limite d’âge de 65 ans ne poursuit pas l’objectif de la sécurité du transport aérien de manière cohérente parce qu’elle ne s’applique pas au transport aérien non commercial pour lequel les risques en matière de sécurité sont également préoccupants.

43.      Je ne partage pas cet avis. Loin d’affecter la cohérence de la règle dans la poursuite de l’objectif légitime allégué, le fait que la restriction d’âge en cause s’applique uniquement aux pilotes d’aéronefs employés dans le transport aérien commercial renforce en fait le caractère proportionné de la mesure.

44.      Il est évident que, dans le domaine de l’aviation, différentes règles s’appliquent à différents types d’opérations s’agissant des divers niveaux de sécurité requis, sur la base d’une hiérarchie des risques dans laquelle le transport aérien commercial est de rang supérieur.

45.      En imposant la limite d’âge au seul transport aérien commercial, le règlement no 1178/2022 instaure une solution de compromis en appliquant des normes plus strictes tenant compte des risques plus importants associés au nombre de personnes concernées et de l’importance des intérêts de la sécurité aérienne affectés (23).

ii)    Sur la nécessité

46.      M. Fries soutient toutefois que la limite d’âge à laquelle il était soumis va au-delà de ce qui est nécessaire. Il avance deux arguments.

47.      À titre de premier argument, M. Fries soutient qu’il n’existe aucune preuve scientifique que les pilotes âgés de 65 ans ne satisfont pas aux exigences du transport aérien commercial. Il indique comme exemple que certains États hors de l’Union ne connaissent pas de telles limites d’âge.

48.      En tant que second argument, M. Fries indique que, par nature, la santé et les capacités sont personnelles et spécifiques à chaque pilote. Par conséquent, il y a lieu d’adopter une approche personnalisée de leur appréciation. La présomption de détérioration des capacités physiques ne saurait s’appliquer de manière générale à l’ensemble des individus. L’âge ne doit donc pas constituer un critère autonome. Des mesures moins contraignantes pourraient tenir compte des capacités d’une personne sur une base individuelle. M. Fries souligne qu’il existe une possibilité de déterminer ces capacités par un système de contrôles médicaux. Il indique que, pour les titulaires de licence âgés de 60 ans ou plus, la durée de validité des certificats médicaux obligatoires est réduite à six mois conformément au paragraphe MED.A.045, sous a), 2, ii), de l’annexe IV du règlement no 1178/2011. Il relève également que les pilotes continuent de faire l’objet d’une formation de maintien des compétences et d’un contrôle, comme le prévoit le paragraphe ORO.FC.230 du règlement (UE) no 965/2012 (24).

49.      Selon moi, les arguments avancés par M. Fries ne sauraient être accueillis. Je vais analyser ces arguments successivement.

–       Sur la limite d’âge de 65 ans

50.      Le fait que les capacités physiques diminuent généralement avec l’âge est un fait difficilement contestable. Néanmoins, le point discutable est celui de savoir où exactement placer la limite. Il est donc exact, comme le soutient M. Fries, qu’il peut exister des incertitudes médicales quant à la détermination de l’âge précis au‑delà duquel on ne peut plus présumer de l’aptitude médicale (25).

51.      Toutefois, la décision d’instaurer une limite d’âge et la détermination précise de cette limite impliquent des appréciations complexes de nature médicale et technique. Cela se traduit par l’attribution au législateur de l’Union d’une large marge d’appréciation dans la fixation de telles limites (26).

52.      Même dans ce cas, les choix du législateur de l’Union doivent reposer sur des critères objectifs et garantir le respect des droits fondamentaux (27). On peut considérer que les normes fixées au niveau international constituent un élément crucial de tels critères objectifs.

53.      La limite d’âge de 65 ans est conforme aux normes élaborées par l’OACI dans le cadre de la convention relative à l’aviation civile, signée à Chicago le 7 décembre 1944, et ses modifications postérieures (ci-après la « convention de Chicago ») auxquelles le règlement no 216/2008 et le règlement no 1178/2011 accordent un poids significatif (28).

54.      En particulier, le paragraphe 2.1.10 de l’annexe I à la convention de Chicago prévoit la limitation des privilèges des pilotes qui ont eu 60 ans et la restriction des privilèges des pilotes qui atteignent l’âge de 65 ans. Le paragraphe 2.1.10.1 de cette annexe indique que les États contractants ne doivent pas autoriser les titulaires de licences de pilote à agir comme commandants de bord d’un aéronef exploité pour des opérations de transport aérien commercial international si les titulaires de licence ont atteint l’âge de 60 ans ou, s’il y a au moins deux pilotes et que l’autre pilote a moins de 60 ans, s’ils ont atteint l’âge de 65 ans (29). Le paragraphe 2.1.10.2 de cette annexe comporte en outre une recommandation selon laquelle un État membre qui a délivré des licences de pilotes ne doit pas permettre à leurs titulaires d’agir en tant que copilotes d’un aéronef exploité pour des opérations de transport aérien commercial international si les titulaires de licence ont atteint l’âge de 65 ans.

55.      Les limites d’âge actuelles dans le cadre de la convention de Chicago résultent d’un amendement qui, au terme d’un intense débat dans le cadre de l’OACI, a repoussé l’âge limite de 60 à 65 ans (30). L’âge limite de 65 ans reflète également la règle instaurée dans le cadre des Joint Aviation Authorities (31).

56.      De telles normes internationales constituent un élément précieux dans l’appréciation de la proportionnalité de la disposition en cause dans la présente affaire. Comme elles reposent sur un débat et une expertise professionnels approfondis, elles posent les bases solides d’une justification de la limite d’âge, agissant en tant que références objectives et raisonnables pour les décideurs (32). Elles montrent le consensus et les bonnes pratiques dans un domaine technique qui, par nature, est international (33).

57.      Le fait que les limites d’âge aient changé dans les différentes versions du règlement no 1178/2011 (34), ainsi que dans le cadre de normes internationales, ne rend pas la règle disproportionnée ou arbitraire. Au contraire, l’effort louable des décideurs pour adapter les règles à l’évolution des connaissances, des développements sociaux et des meilleures pratiques internationales ne saurait être utilisé comme argument pour minimiser la nécessité d’une limite d’âge.

58.      En résumé, la décision du législateur de l’Union de fixer l’âge limite à 65 ans semble être pleinement conforme aux normes internationales dans ce domaine ; elle semble en outre raisonnablement adaptée et évoluer au cours des années. Remettre en cause une telle norme exigerait une solide argumentation étayée par des preuves patentes qui n’ont pas été produites dans la présente affaire.

–       Sur le critère unique de l’âge

59.      M. Fries a également soutenu que la disposition en question repose sur le seul critère de l’âge. Une personne ne peut plus agir en tant que pilote d’avions exploités pour le transport aérien commercial du simple fait qu’elle atteint l’âge de 65 ans. Toutefois, dans une affaire comme celle de l’espèce, l’absence d’une approche individuelle ne méconnaît pas, selon moi, le critère de nécessité.

60.      En instaurant une limite d’âge supérieure dans un domaine spécifique du transport aérien commercial, le législateur de l’Union, suivant les pratiques internationales, a adopté une approche réglementaire qui combine une approche individualisée fondée sur des contrôles de compétences et des contrôles médicaux (jusqu’à l’âge de 60 ans) ainsi qu’une restriction progressive des privilèges des titulaires de licences dans l’aviation commerciale au-delà de cet âge.

61.      Selon moi, un tel régime reflète un choix réglementaire légitime. Au‑delà d’un certain âge, lorsque l’on considère que les risques médicaux sont accrus, le législateur ajoute à l’approche individualisée, en vertu de contrôles médicaux et des compétences, certaines conditions supplémentaires pour le groupe d’âge des 60-64 ans et, finalement, il exclut la possibilité d’agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial pour ceux qui ont atteint l’âge de 65 ans. Ce faisant, il intègre la proportionnalité dans la règle, adaptant les limites de manière progressive à mesure de l’âge. Il le fait en fixant une règle générale qui fonctionne de manière uniforme, sur la base d’une évaluation générale des risques par le législateur de l’Union en vertu de son pouvoir d’appréciation, garantissant sa prévisibilité, son caractère opérationnel et sa maniabilité, à la fois par les opérateurs privés et par les pouvoirs publics.

62.      Il convient de souligner ici les derniers éléments cités de prévisibilité et de caractère opérationnel de la règle. Le second argument avancé par M. Fries visant à l’interaction entre une règle générale et un cas individuel pourrait en fait être utilisé pour mettre en doute toute règle d’application générale impliquant l’âge. Toutefois, comme leur nom l’indique, les règles générales sont créées en procédant à une généralisation. Elles se justifient aussi longtemps que l’on peut soutenir que, en règle générale, elles s’appliquent de manière correcte dans une majorité raisonnable de cas. Évidemment, cela signifie également qu’il peut exister des exceptions individuelles. Cela ne signifie pas, néanmoins, qu’il y ait lieu de réexaminer et de remplacer la règle générale par une appréciation individuelle au cas par cas. Si tel était le cas, il ne pourrait pas y avoir de règles générales.

–       Sur la proportionnalité stricto sensu

63.      Enfin, en tenant dûment compte de l’importance de l’objectif d’un niveau élevé de sécurité du trafic aérien et de son impact sur les droits de tierces personnes ainsi que des risques liés au transport aérien commercial, il apparaît que la disposition en cause a mis en balance les droits des pilotes atteignant l’âge de 65 ans et les exigences spécifiques de la sécurité du transport aérien. On ne saurait donc considérer que la disposition dont la validité est contestée dans la présente affaire impose aux personnes ayant atteint la limite d’âge des inconvénients disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

e)      Conclusion intermédiaire

64.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose de répondre à la première question préjudicielle du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) que l’examen de cette question n’a révélé aucune raison susceptible d’affecter la validité du paragraphe FCL.065, sous b), à la lumière de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.

2.      Sur l’article 15, paragraphe 1, de la Charte

a)      Analyse

65.      La juridiction de renvoi cherche également à établir la validité du paragraphe FCL.065, sous b), au regard de l’article 15, paragraphe 1, de la Charte.

66.      Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, « [t]oute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée ». Ce droit renforce l’autonomie et le développement personnels, et repose sur la dignité humaine (35).

67.      Il est incontesté que la limite d’âge en cause constitue une restriction à l’exercice de la profession de pilote. Elle limite la possibilité d’agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial. Toutefois, l’article 15, paragraphe 1, de la Charte ne comporte pas de droits absolus. Des restrictions sont permises conformément aux paramètres définis à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, rappelés au point 32 des présentes conclusions(36).

68.      M. Fries a fait valoir que la limite d’âge imposée par la règle en cause est contraire à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte puisqu’elle affecte l’essence de ce droit.

69.      Je considère que cette position ne saurait être accueillie. Comme je l’ai déjà indiqué au point 33 des présentes conclusions, on ne peut pas considérer, en raison de sa portée limitée, que la limite d’âge actuelle pour voler en tant que pilote dans le secteur spécifique du transport aérien commercial altère l’essence même du droit d’exercer une profession librement choisie. Elle affecte la possibilité d’exercer une activité professionnelle dans un secteur donné s’agissant d’une activité spécifique à un stade limite : elle opère au cours des dernières années d’une carrière professionnelle qui sont (plus) proches de la retraite, même si celles-ci ne coïncident pas avec elle. Elle ne porte pas, et cela préfigure ma réponse à la troisième question préjudicielle, sur toutes les tâches potentiellement associées à la profession de pilote. Elle s’applique uniquement à la possibilité de piloter un aéronef commercial comme le prévoit le paragraphe FCL.010.

70.      En se fondant sur l’importance capitale de l’objectif de sécurité du transport aérien et en gardant à l’esprit le pouvoir d’appréciation du décideur dans ce domaine, les considérations sur la légitimité de l’objectif et la proportionnalité de la disposition dont la validité est contestée au regard de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte s’appliquent également amplement dans le contexte de l’article 15, paragraphe 1, de la Charte (37).

71.      C’est toutefois un argument distinct qui a été avancé s’agissant de la proportionnalité de la mesure : le fait que la limite d’âge s’applique indépendamment de l’âge de la retraite. La juridiction de renvoi a donc fait part de ses craintes que le paragraphe FCL.065, sous b), s’applique indépendamment du fait que les pilotes affectés remplissent ou non les conditions pour percevoir une pension de vieillesse. En Allemagne, comme dans d’autres États membres de l’Union, l’âge de la retraite n’est pas toujours été fixé à 65 ans et il a été et continue d’être repoussé pour les générations à venir. M. Fries a également mis en avant ces craintes.

72.      Le gouvernement italien soutient que cet argument est sans pertinence. Les problèmes soulevés par l’écart entre l’âge limite pour agir en tant que pilote et l’âge de la retraite est une question de droit national. Les intérêts spécifiques de nature économique des individus ne doivent pas prévaloir sur les intérêts légitimes tels que la sûreté et la sécurité.

73.      Selon moi, une attention appropriée devrait être accordée aux effets de la règle en cause sur le droit d’exercer une profession librement choisie, en gardant à l’esprit l’élément lié à l’accès aux droits à la retraite. J’estime que cette appréciation relève de la mise en balance des intérêts individuels et généraux en cause. Il s’agit précisément d’une fonction de contrôle des droits fondamentaux.

74.      Les limites d’âge à l’exercice d’une profession ou au départ obligatoire à la retraite portent atteinte aux droits protégés conformément à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte (38). De plus, l’interférence avec le droit d’exercer une profession librement choisie devient plus grave lorsque l’exercice d’une profession est interrompu de manière obligatoire, indépendamment du point de savoir si la vie professionnelle d’une personne est arrivée à son terme conformément aux dispositions nationales applicables régissant la retraite et l’accès aux droits à pension.

75.      Dans la présente affaire, toutefois, le fait que, premièrement, le paragraphe FCL.065, sous b), exclut expressément un seul type d’activité – le pilotage des aéronefs commerciaux – et que, deuxièmement, il le fait seulement pour une durée relativement limitée, comparée à la durée globale d’une carrière professionnelle, m’amène à conclure que la mesure en cause n’impose pas aux personnes concernées un désavantage disproportionné.

76.      Pour finir, il convient d’ajouter que, outre le fait qu’il constitue le paramètre du contrôle de validité, l’article 15, paragraphe 1, de la Charte joue également le rôle de guide interprétatif pour la troisième question préjudicielle posée par la juridiction nationale, à savoir la définition de la notion de « transport aérien commercial ».

b)      Conclusion intermédiaire

77.      En conclusion, je considère que l’examen de la deuxième question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi n’a révélé aucune raison susceptible d’affecter la validité du paragraphe FCL.065, sous b), à la lumière de l’article 15 de la Charte.

B.      Sur l’interprétation de la notion de « transport aérien commercial »

78.      La juridiction de renvoi sollicite en outre l’interprétation de la notion de « transport aérien commercial » au paragraphe FCL.065, sous b). Selon cette juridiction, si la validité de la disposition est confirmée, comme je l’ai proposé, le recours de M. Fries en vertu du droit national dépendra, entre autres, du point de savoir s’il continuait à être autorisé à effectuer des vols de convoyage et/ou s’il pouvait encore travailleur en tant qu’instructeur et examinateur à bord d’un aéronef bien qu’il ait atteint l’âge de 65 ans.

79.      Lufthansa CityLine fait valoir que, eu égard aux objectifs majeurs de la sécurité du transport aérien et de la protection de la vie et de la santé humaines, les personnes ayant atteint l’âge de 65 ans ne doivent pas être autorisées à agir en tant que pilotes de compagnies aériennes. Selon cette position, la possibilité de piloter des vols de convoyage et d’exercer des activités de formation et d’organisation d’examens dans le cockpit au cours d’un vol doit être exclue à compter de l’âge de 65 ans.

80.      M. Fries, le gouvernement italien et la Commission soutiennent la position contraire : les vols de convoyage, qui ne transportent pas de passagers, de fret ou de courrier, ainsi que les activités de formation et d’organisation d’examens, au cours desquelles un pilote âgé de plus de 65 ans est assis dans le cockpit de l’aéronef en tant que membre d’équipage non navigant, ne relèvent pas de la notion de « transport aérien commercial » au sens du paragraphe FCL.065, sous b), en tenant dûment compte de la définition de cette notion figurant au paragraphe FCL.010.

81.      Je partage cette position. Selon moi, les interprétations littérale, contextuelle et téléologique confirment cette lecture de la notion de « transport aérien commercial ».

1.      Sur l’interprétation littérale

82.      Premièrement, le paragraphe FCL.065, sous b), dispose que « [l]e titulaire d’une licence de pilote qui a atteint l’âge de 65 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial ».

83.      Pour interpréter la notion de « transport aérien commercial » figurant au paragraphe FCL.065, sous b), il est nécessaire de se référer à la définition de cette notion donnée au paragraphe FCL.010. Cette dernière disposition prévoit des définitions applicables à l’intégralité de la « partie FCL » dont relèvent les deux dispositions.

84.      Le paragraphe FCL.010 dispose que la notion de « “transport aérien commercial” désigne le transport de passagers, de fret ou de courrier contre rémunération ou effectué en vertu d’un contrat de location ».

85.      Trois éléments cumulatifs sont donc requis pour qu’une activité relève du « transport aérien commercial ». Premièrement, il doit y avoir un « transport ». Deuxièmement, ce transport doit avoir pour objet des passagers, du fret ou du courrier. Troisièmement, il doit y avoir rémunération ou location.

86.      S’agissant des vols de convoyage (39), même si l’on pouvait peut-être dire qu’il existe un « transport » parce que l’aéronef est déplacé, le deuxième élément, c’est-à-dire la présence de passagers, de fret ou de courrier, fait défaut. Il peut y avoir transport de l’avion mais pas de passagers, de fret ou de courrier. Au sens naturel de ces termes, suggérer que l’avion vide constitue lui-même le fret de vols de convoyage me semble s’éloigner, de manière significative, du libellé de la disposition (40).

87.      Dans le cas des activités de formation et d’organisation d’examens, il manque les premier et deuxième éléments. Dans ces activités, même s’il est possible de « déplacer » des personnes, il ne s’agit pas d’un transport au sens où le déplacement de personnes d’un point A à un point B constitue l’objet principal de l’activité (41).

88.      Seul l’élément de rémunération peut être présent dans les deux cas, selon les dispositions contractuelles ou autres du cas d’espèce. Cela ne suffit pas néanmoins pour faire entrer ces activités dans la sphère de la définition de la notion de « transport aérien commercial ».

2.      Sur l’interprétation contextuelle

89.      D’un point de vue contextuel, en tenant compte des autres dispositions du règlement no 1178/2011, il convient de noter que la validité des licences n’est pas affectée en vertu du paragraphe FCL.065, sous b). Cette disposition ne fait que réduire les privilèges attachés aux licences dans la mesure où ils sont couverts par la limitation spécifique d’agir en tant que pilote d’un aéronef exploité dans le secteur du transport aérien commercial. Comme l’a indiqué M. Fries, la révocation et la suspension des licences sont réglementées séparément, au point FCL.070 du règlement. Il est également notable, comme l’a souligné le gouvernement italien, que le point MED.B.010 de l’annexe IV du règlement no 1178/2011 comporte une règle spécifique concernant les exigences médicales pour délivrer des certificats médicaux de classe 1, selon laquelle « une évaluation cardiovasculaire approfondie est effectuée lors du premier examen de prorogation ou de renouvellement après l’âge de 65 ans, puis tous les quatre ans ».

90.      Il est donc clair que le paragraphe FCL.065, sous b), n’est pas supposé avoir un impact plus grand et des répercussions plus importantes, à l’exception de l’exclusion qu’il prévoit lui-même expressément.

91.      De plus, une interprétation contextuelle plus large, à la lumière du règlement no 965/2012, étaye également les conclusions qui précèdent.

92.      Les arguments présentés par Lufthansa CityLine semblent reposer sur la supposition que toutes les activités de pilote exercées dans le cadre d’une compagnie commerciale constituent un « transport aérien commercial ». Toutefois, cet argument peut être facilement écarté, comme le soutient à bon droit le gouvernement italien, en référence au règlement no 965/2012, également adopté sur la base du règlement no 216/2008.

93.      L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 965/2012 définit la notion de « transport aérien commercial » dans des termes essentiellement identiques à ceux du paragraphe FCL.010. Aux termes du paragraphe ORO.AOC.125 de l’annexe III du règlement no 965/2012 (42), les titulaires d’un certificat de transporteur aérien (CTA) peuvent effectuer des opérations à des fins non commerciales avec des aéronefs utilisés autrement à des fins de transport aérien commercial sous certaines conditions énumérées dans cette disposition.

94.      Ce dernier point est important. Il confirme la possibilité que des opérateurs, engagés normalement dans le transport aérien commercial, effectuent d’autres opérations auxquelles la limite d’âge en cause ne s’applique pas.

3.      Sur l’interprétation téléologique

95.      Comme l’a indiqué Lufthansa CityLine, l’objectif de la règle en cause est d’atteindre un niveau élevé et uniforme de sécurité dans le secteur du transport aérien. Les règlements n° 1178/2011 et 216/2008 poursuivent cet objectif conformément au principe de proportionnalité.

96.      Toutefois, est précisément conforme au principe de proportionnalité le fait que seules les opérations de transport aérien commercial, qui entraînent des risques plus élevés et sont susceptibles d’avoir des conséquences plus graves, aient été soumises à la limite d’âge. Le législateur de l’Union ne s’est pas écarté de l’objectif de sécurité en n’appliquant pas cette limite d’âge aux autres activités que le pilotage d’un aéronef dans le domaine du transport aérien commercial. Pour les autres activités qui ne sont pas soumises au risque élevé qu’implique le transport aérien commercial, les règles concernant l’obligation de renouveler les certificats médicaux tous les six mois au-delà de l’âge de 60 ans (43) ont été considérées comme une garantie suffisante.

97.      À cet égard, comme l’a soutenu M. Fries et comme le note la juridiction de renvoi dans sa troisième question préjudicielle, le pilote ne conduit pas activement l’aéronef lorsqu’il agit en tant qu’instructeur et/ou examinateur âgé de plus de 65 ans. Il est seulement présent dans le cockpit en tant que membre d’équipage non navigant. Par conséquent, il n’exerce aucun contrôle sur l’aéronef et ses activités n’affectent pas directement la sécurité du vol.

98.      Enfin, comme M. Fries l’a fait valoir à bon droit, la limite d’âge comporte à la fois une restriction par rapport au principe de non–discrimination et au droit d’exercer une profession librement. Puisqu’elle comporte en soi une exception concernant l’activité de pilotage ainsi qu’une restriction au droit reconnu à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, elle ne doit pas être interprétée de manière extensive. En dépit de ses caractéristiques littérales et contextuelles, il n’existe donc aucune raison valable d’étendre cette règle au‑delà de l’activité qu’elle prévoit expressément.

4.      Conclusion intermédiaire

99.      En résumé, je considère qu’il y a lieu de répondre à la troisième question préjudicielle que la notion de « transport aérien commercial », au sens du paragraphe FCL.065, sous b), doit être interprétée conformément à la définition donnée au paragraphe FCL.010, en ce sens qu’elle ne couvre ni les vols de convoyage exploités par un transporteur aérien qui ne transporte pas de passagers, de fret ou de courrier, ni les activités de formation ni la conduite d’examens au cours desquelles un pilote âgé de plus de 65 ans demeure dans le cockpit de l’aéronef en tant que membre d’équipage non navigant.

V.      Conclusion

100. Eu égard à l’ensemble des raisons qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) de la manière suivante :

–        L’examen des première et deuxième questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi n’a révélé aucune raison susceptible d’affecter la validité du paragraphe FCL.065, sous b), de l’annexe I du règlement (UE) no 1178/2011, du 3 novembre 2011, déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel naviguant de l’aviation civile conformément au règlement (CE) no 216/2008 du Parlement et du Conseil, à la lumière de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

–        La notion de « transport aérien commercial » au sens du paragraphe FCL.065, sous b), de l’annexe I du règlement no 1178/2011 doit être interprétée conformément à la définition donnée au paragraphe FCL.010 de ladite annexe, en ce sens qu’elle ne couvre ni les vols de convoyage exploités par un transporteur aérien qui ne transporte pas de passagers, de fret ou de courrier, ni les activités de formation ni la conduite d’examens au cours desquelles un pilote âgé de plus de 65 ans demeure dans le cockpit de l’aéronef en tant que membre d’équipage non navigant.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Règlement du 3 novembre 2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel naviguant de l’aviation civile conformément au règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 311, p. 1)).


3      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 février 2008 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne, et abrogeant la directive 91/670/CEE du Conseil, le règlement (CE) no 1592/2002 et la directive 2004/36/CE (JO 2008, L 79, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 6/2013 de la Commission, du 8 janvier 2013 (JO 2013, L 4, p. 34).


4      Cette disposition a été amendée par le règlement (UE) 2015/445 de la Commission, du 17 mars 2015 (JO 2015, L 74, p. 1). Voir annexe I, paragraphe 1, de ce règlement : « 1) […] a) 60-64 ans. Avions et hélicoptères. Le titulaire d’une licence de pilote qui a atteint l’âge de 60 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial que s’il fait partie d’un équipage multipilote. b) 65 ans. Le titulaire d’une licence de pilote, sauf s’il s’agit du titulaire d’une licence de pilote de ballon ou de planeur, qui a atteint l’âge de 65 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un aéronef exploité pour le transport aérien commercial. c) 70 ans. Le titulaire d’une licence de pilote de ballon ou de planeur qui a atteint l’âge de 70 ans ne pourra agir en tant que pilote d’un ballon ou d’un planeur exploité pour le transport aérien commercial. »


5      Article 241, paragraphe 2, et articles 293, 297 et 615 du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil).


6      Voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, point 43), et du 29 avril 2015, Léger (C‑528/13, EU:C:2015:288, point 48 ainsi que jurisprudence citée).


7      Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 44).


8      Voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 44).


9      Directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).


10      Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 55).


11      Arrêt du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, point 49).


12      Voir en ce sens, s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/78, arrêts du 12 janvier 2010, Wolf (C‑229/08, EU:C:2010:3, point 35) ; du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 66), ainsi que du 13 novembre 2014, Vital Pérez (C‑416/13, EU:C:2014:2371, point 36).


13      Voir arrêts du 12 janvier 2010, Wolf (C‑229/08, EU:C:2010:3, point 41) ; du 13 novembre 2014, Vital Pérez (C‑416/13, EU:C:2014:2371, point 37), et du 15 novembre 2016, Salaberria Sorondo (C‑258/15, EU:C:2016:873, point 34).


14      Voir arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 67).


15      Arrêt du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, point 49).


16      Voir, notamment, arrêts du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, point 42) ; du 29 avril 2015, Léger (C‑528/13, EU:C:2015:288, points 51 et 52), ainsi que du 15 février 2016, N. (C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 50).


17      Voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Léger (C‑528/13, EU:C:2015:288, point 54).


18      Voir, notamment, concernant la sécurité routière, arrêt du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, point 51 et abondante jurisprudence citée).


19      Voir arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, points 68 et 69).


20      Voir arrêt du 13 septembre 2011 (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 67).


21      À cet égard, la Cour a constaté dans son arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 67), que le fait de posséder des capacités physiques particulières peut être considéré comme « une exigence professionnelle essentielle et déterminante » puisque « [p]our ce qui est des pilotes de ligne, il est essentiel qu’ils possèdent, notamment, des capacités physiques particulières dans la mesure où les défaillances physiques pour cette profession sont susceptibles d’avoir des conséquences importantes. Il est indéniable également que ces capacités diminuent avec l’âge. »


22      Arrêt du 12 janvier 2010 (C‑341/08, EU:C:2010:4).


23      On trouve différentes règles pour les opérations commerciales et non commerciales, notamment dans les règlements no 216/2008, no 1178/2011 et (UE) no 695/2012 de la Commission, du 24 juillet 2012, interdisant la pêche de la sole commune dans les zones VIII a et VIII b par les navires battant pavillon de l’Espagne (JO 2012, L 203, p. 28). Voir considérants 7 et 8 du règlement no 216/2008 cités au point 3 des présentes conclusions. Voir, également, explication des différentes opérations aériennes donnée par l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) sur http ://www.easa.europa.eu/easa-and-you/general-aviation/operations-general-aviation#group-easa-related-contend.


24      Règlement de la Commission du 5 octobre 2012 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes conformément au règlement no 216/2008 (JO 2012, L 296, p. 1).


25      L’instauration de limites d’âges fixes a été et continue de faire l’objet d’un intense débat. Voir, notamment, document AN–WP/7982 de l’International Civil Aviation Organization (ICAO), « Appendix C – Upper age limits for flight crew members », ICAO, 2006, qui compile les diverses positions des États et de différentes associations sur la règle de 60 ans avant que l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) repousse la limite d’âge à 65 ans. Voir, également, Aerospace Medical Association, Aviation Safety Committee, Civil Aviation Safety Subcommittee, « The age 60 rule », Aviation, Space, and Environmental Medicine, vol. 75, no 8, 2004, p. 708 à 715. Voir, de plus, concernant le débat aux États-Unis, « Report to the Federal Aviation Administration » of the Age 60 Aviation Rulemaking Committee, 29 novembre 2006.


26      Voir, en particulier, arrêt du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, points 52 et 64 ainsi que jurisprudence citée).


27      Voir, en particulier, arrêt du 22 mai 2014, Glatzel (C‑356/12, EU:C:2014:350, point 53 et jurisprudence citée).


28      Voir, notamment, considérants 3, 4 et 7, et article 2, sous d), du règlement no 216/2008, et considérant 11 du règlement no 1178/2011.


29      Aux termes de l’article 38 de la convention de Chicago, tout État qui estime ne pouvoir se conformer en tous points à l’une quelconque de ces normes ou procédures internationales, ou mettre ses propres règlements ou pratiques en complet accord avec une norme ou procédure internationale amendée, ou qui juge nécessaire d’adopter des règles ou des pratiques différant sur un point quelconque de celles qui sont établies par une norme internationale, notifie immédiatement à l’OACI les différences entre ses propres pratiques et celles qui sont établies par la norme internationale. Voir, notamment, rapport présenté par le Japon, « Relaxation of age limit of pilots engaged in air transport and ensurement of the health management system in airlines », qui explique la décision de porter l’âge limite à 68 ans, Document A 39–WP277, Working Paper, ICAO, 29 août 2016.


30      Amendement 167 à l’annexe I de la convention de Chicago adopté par le conseil de l’OACI le 10 mars 2006. Voir, concernant les discussions autour de cet amendement, document AN‑WP/7982, cité à la note 25.


31      Voir réglementation Joint Aviation Requirements (JAR) – Flight Crew Licensing 1, établi par la Joint Aviation Authorities, tel que modifié le 1er décembre 2006.


32      Voir, en ce sens, Comité des droits de l’homme, communication no 983/2001 du 25 mars 2003 [CCPR/C/77/D/983/2001, point 8(3)]. Dans cette affaire qui concernait l’article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, le comité a déclaré qu’il ne pouvait conclure que la différence de traitement ne reposait pas sur des considérations objectives et raisonnables, tout en gardant à l’esprit que, pour justifier la limite obligatoire de l’âge de 60 ans à l’époque, l’État s’était prévalu de la norme OACI alors applicable.


33      Voir, concernant la valeur de ces normes internationales, arrêt du 13 septembre 2011, Prigge e.a. (C‑447/09, EU:C:2011:573, point 73), et conclusions que l’avocat général Cruz Villalón a présentées dans cette affaire (EU:C:2011:321, point 66).


34      Le paragraphe FCL.065 a été amendé en 2015, voir note en bas de page 4.


35      Voir, en ce sens, conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Lidl (C‑134/15, EU:C:2016:169, point 26).


36      Arrêts du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281, point 58), ainsi que du 7 juillet 2016, Muladi (C‑447/15, EU:C:2016:533, point 51).


37      Le principe de non-discrimination sur le fondement de l’âge dans l’emploi et le droit d’exercer une profession sont étroitement liés. Cela résulte du fait que le Comité européen des droits sociaux examine les questions liées à la discrimination au titre de l’article 1er, paragraphe 2, de la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, aux termes duquel les parties contractantes veillent « à protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris ». Selon les explications de la charte des droits fondamentaux, cette disposition a inspiré l’article 15, paragraphe 1, de la Charte. Voir, sur le bien-fondé de la réclamation, décision du 2 juillet 2013, Fellesforbundet for Sjøfolk (FFFS) c. Norvège, no 74/2011, points 104 et 105.


38      La Cour a jugé, en lien avec la directive 2000/78, dans des affaires concernant des âges de départ obligatoire à la retraite ou des cessations de plein droit de la relation de travail, que l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge doit être lue à la lumière du droit de travailler reconnu à l’article 15, paragraphe 1, de la Charte. Voir, notamment, arrêts du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler (C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 62), et du 5 juillet 2012, Hörnfeldt (C‑141/11, EU:C:2012:421, point 37).


39      La juridiction de renvoi pose sa question en référence aux « Leerflüge » (littéralement « vols à vide »). Les observations des parties au principal se réfèrent aux « Leer- und Überführungsflüge » qui correspondent aux « vol de convoyage ». Un vol de convoyage peut être compris comme « un vol effectué aux fins de ramener l’aéronef à sa base, de livrer un aéronef d’un endroit à un autre ou de déplacer un aéronef vers et depuis une base d’entretien ». Crane, D., Dictionary of Aeronautical Terms, 5e éd., Aviation Supplies & Academics, Newcastle, Washington, 2015, p. 210.


40      Un aéronef (entier ou en pièces détachées) ou des parties de celui-ci peuvent bien entendu être transportés comme du fret normal à l’intérieur d’un autre aéronef.


41      Voir, par analogie, arrêt du 28 juillet 2016, Robert Fuchs (C‑80/15, EU:C:2016:615, point 36), et point 42 des conclusions que j’ai présentées dans cette affaire (C‑80/15, EU:C:2016:104).


42      Paragraphe ORO.AOC.125 : « Exploitation à des fins non commerciales d’aéronefs figurant dans les spécifications techniques par le titulaire d’un CTA – a) Le titulaire d’un CTA peut exploiter à des fins non commerciales un aéronef habituellement utilisé à des fins commerciales et qui figure dans les spécifications techniques de son CTA, pour autant que l’exploitant : 1) décrive cette exploitation en détail dans le manuel d’exploitation, ce qui implique notamment : i) l’identification des exigences applicables ; ii) l’indication claire de toute différence existant entre les procédures opérationnelles utilisées dans le cadre d’une exploitation à des fins commerciales et celles d’une exploitation à des fins non commerciales ; iii) un moyen d’assurer que tout le personnel participant à l’exploitation est tout à fait familiarisé avec les procédures associées ; 2) soumette à l’autorité compétente, pour approbation préalable, les différences identifiées entre les procédures opérationnelles mentionnées au point a) 1) ii). b) Les titulaires d’un CTA effectuant des exploitations visées au point a) ne sont pas tenus de soumettre une déclaration conformément à la présente partie. »


43      Le point MED.A.045, sous a), 2, ii), de l’annexe IV du règlement no 1178/2011 réduit la période de validité des certificats médicaux de classe 1 à six mois dans le cas des titulaires de licence qui ont atteint l’âge de 60 ans. Aux termes du point MED.A.030, sous f), de ladite annexe, « [l]es demandeurs et les titulaires d’une licence de pilote professionnel (CPL), d’une licence de pilote en équipage multiple (MPL) ou d’une licence de pilote de ligne (ATPL) sont en possession d’un certificat médical de classe 1 ».