Language of document : ECLI:EU:T:2018:54

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

1er février 2018 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Programme de développement rural hexagonal – Mesures de soutien au développement rural – Zones de handicaps naturels – Correction financière forfaitaire – Dépenses effectuées par la France – Contrôles sur place – Critère de chargement – Comptage des animaux – Majoration du taux de correction forfaitaire en raison de la récurrence du manquement – Garanties procédurales »

Dans l’affaire T‑518/15,

République française, représentée initialement par MM. G. de Bergues, D. Colas, R. Coesme et Mme A. Daly, puis par MM. Colas, Coesme et Mme Daly et enfin par MM. Colas, Coesme, S. Horrenberger et Mme E. de Moustier, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. M. Sampol Pucurull, puis par Mme V. Ester Casas, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet, A. Lewis et Mme J. Aquilina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2015/1119 de la Commission, du 22 juin 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 182, p. 39),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 29 juin 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En vertu de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), les autorités françaises ont adopté le programme de développement rural hexagonal 2007-2013 (ci-après le « PDRH 2007-2013 »), qui prévoit, notamment, l’octroi aux agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels des indemnités compensatoires des handicaps naturels (ci-après les « ICHN »).

2        Par décision C(2007) 3446, du 19 juillet 2007, la Commission européenne a approuvé le PDRH 2007-2013, lequel contient, notamment, des mesures au sens de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement no 1698/2005, à savoir les mesures 211 et 212. Ces mesures permettent d’assurer que les agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels, respectivement en zones de montagne et en zones hors montagne, respectent des pratiques favorables à la bonne utilisation des terres en subordonnant le versement d’une indemnité pour des surfaces fourragères au respect d’un critère de chargement. Ce critère de chargement, exprimé en unité de gros bétail (UGB) par hectare, permet d’encadrer la densité de bétail présent sur des surfaces fourragères afin d’éviter les phénomènes de sous-pâturage ou de surpâturage. Conformément à l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, le PDRH 2007-2013 fixe une série de conditions d’éligibilité pour ces mesures parmi lesquelles figure notamment celle du respect du taux de chargement défini à l’échelle départementale et compris entre des seuils définis par zone ou par sous-zone.

3        La correction financière faisant l’objet du présent recours a été établie par la Commission à la suite de l’enquête identifiée sous la référence RD 2/2012/005/FR relative aux mesures spécifiques de l’axe 2 du PDRH 2007-2013 au titre de l’année de campagne 2011, à savoir les mesures 211 et 212 relatives aux ICHN et la sous-mesure 214‑A de la prime herbagère agroenvironnementale (ci-après la « PHAE »).

4        L’enquête a été conduite conformément à l’article 31, paragraphes 1 à 3, du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), qui était applicable à l’époque de l’ouverture de l’enquête.

5        Par courrier en date du 11 décembre 2012, la Commission a communiqué aux autorités françaises, sur le fondement de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), ses observations résultant de l’enquête et leur a demandé des informations complémentaires (ci-après la « communication de résultats »).

6        Au point 4.3 de la communication de résultats, intitulé « Non-contrôle du taux de chargement », la Commission a notamment considéré que les modalités de contrôle sur place des mesures relatives aux ICHN et de la sous-mesure relative à la PHAE étaient contraires à l’article 4, paragraphe 1, à l’article 10, paragraphe 1, et à l’article 14, paragraphe 2, du règlement (UE) no 65/2011 de la Commission, du 27 janvier 2011, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2011, L 25, p. 8), en ce que les bovins et les ovins-caprins faisant l’objet d’une demande d’aide spécifique n’avaient été ni vérifiés, ni comptés, ni sujets à un calcul de plausibilité lors des contrôles sur place. La Commission a souligné qu’un constat identique avait déjà été fait sur ce point dans les deux précédentes enquêtes RD 2/2008/10/FR et RD 2/2011/03/FR et a demandé aux autorités françaises de bien vouloir adapter leurs procédures de contrôles sur place.

7        Par lettre du 2 avril 2013, les autorités françaises ont fait part à la Commission de leurs observations sur la communication de résultats.

8        Au point 4.3 de ces observations, les autorités françaises ont :

–        réfuté l’emploi de la plausibilité comme moyen de preuve du bien-fondé d’une aide ;

–        fait valoir que le calcul du taux de chargement concernant les bovins était effectué par le biais de l’utilisation d’une base de données nationale informatisée et contrôlée en suivant les modalités prévues par les différents règlements de l’Union européenne la concernant ;

–        rappelé que la vérification du taux de chargement pour les ICHN était effectuée à l’occasion des contrôles sur place réalisés soit au titre de l’éligibilité aux différentes aides animales soit au titre de la conditionnalité-identification, le comptage des bovins hors de la base de données nationale informatisée et des ovins-caprins qui n’ont pas fait l’objet d’une demande d’aide animale intervenant de façon systématique lors des contrôles sur place au titre des ICHN.

9        Par courrier en date du 24 juin 2013, la Commission, conformément à l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 885/2006, a invité les autorités françaises à une réunion bilatérale, qui s’est tenue le 28 novembre 2013.

10      Le 11 décembre 2013, la Commission a, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 885/2006, communiqué aux autorités françaises le compte rendu de la réunion en leur demandant des informations complémentaires. Les autorités françaises ont répondu le 27 février 2014.

11      Par courrier du 27 mai 2014 (ci-après la « communication officielle »), la Commission a communiqué officiellement aux autorités françaises qu’elle maintenait sa position. Elle a considéré que la défaillance relevée était une faiblesse d’un contrôle clé, créant un risque « pour le Fonds » entraînant normalement une correction financière de 5 %. Toutefois, elle a précisé que, cette défaillance ayant déjà été soulignée lors des deux précédentes enquêtes, elle était considérée comme récurrente, de sorte qu’il convenait de proposer de ce fait l’application d’une correction forfaitaire de 10 %, pour un montant net à exclure du financement des dépenses déclarées au Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) de 115 971 211,03 euros. La Commission a également précisé que la correction forfaitaire portait sur les dépenses relatives aux années de demande 2011 à 2013 effectuées pendant les exercices financiers 2011 à 2013, car aucune mesure correctrice n’avait été mise en place pour ces années.

12      Le 3 juillet 2014, les autorités françaises ont saisi l’organe de conciliation, qui a rendu son rapport no 14/FR/635 le 15 janvier 2015.

13      Par courrier en date du 16 mars 2015, à la suite de l’échec de la procédure de conciliation, la Commission a communiqué aux autorités françaises sa position finale (ci-après la « position finale »), dans laquelle elle a maintenu partiellement la position développée dans la communication officielle et proposé d’exclure du financement des dépenses déclarées au FEAGA et au Feader un montant net de 98 276 677,07 euros, couvrant les dépenses relatives à l’année de demande 2011 ainsi que celles relatives aux années de demande 2012 et 2013 effectuées depuis le 11 décembre 2010, pour les exercices financiers 2011 à 2013 au titre des mesures relatives aux ICHN et de la sous-mesure relative à la PHAE.

14      Par courrier en date du 18 juin 2015, la Commission a proposé, au regard de la solution dégagée par le Tribunal dans son arrêt du 30 avril 2015, France/Commission (T‑259/13, non publié, EU:T:2015:250), d’exclure de l’assiette de la correction financière de la décision à intervenir les dépenses afférentes aux ovins-caprins n’ayant pas fait l’objet d’une demande d’aide animale. Cette exclusion n’ayant pu être effectuée par la Commission avant la publication de ladite décision, la Commission a proposé d’effectuer les ajustements nécessaires à la suite de la publication de celle-ci et, à cette fin, a demandé aux autorités françaises de lui communiquer les montants bruts à exclure de l’assiette de la correction financière.

15      Le 22 juin 2015, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2015/1119, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (JO 2015, L 182, p. 39) (ci-après la « décision attaquée »).

16      Par la décision attaquée, la Commission a, dans le cadre d’une procédure d’apurement de conformité des comptes agricoles, écarté du financement de l’Union un montant net de 98 276 627,35 euros. Cette correction forfaitaire correspond à certaines dépenses effectuées par la République française au titre des mesures 211 et 212 relatives aux ICHN et de la sous-mesure 214‑A relative à la PHAE, afférentes à l’axe 2 du PDRH 2007-2013. Lesdites dépenses correspondent aux aides versées par les autorités françaises au titre des demandes effectuées pour les années 2011 à 2013.

17      La décision attaquée a été adoptée conformément à l’article 52, paragraphes 1 à 3, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), qui a abrogé le règlement no 1290/2005 à partir du 1er janvier 2014. La procédure d’apurement de conformité introduite par l’article 52 du règlement no 1306/2013 correspond, en substance, à celle qui était prévue par l’article 31 du règlement no 1290/2005.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2015, la République française a introduit le présent recours.

19      Le 30 novembre 2015, la Commission a produit son mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées dans les délais impartis.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2015, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la République française. Par décision du 11 janvier 2016, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

21      La composition du Tribunal ayant été modifiée, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, qui a été affecté à la deuxième chambre. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, l’affaire a été réattribuée à la sixième chambre, à laquelle ce même juge rapporteur a été affecté.

22      Par mesure d’organisation de la procédure du 4 mai 2017, adoptée en vertu de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, les parties ont été invitées à se prononcer sur les conséquences à tirer, dans la présente affaire, des arrêts du 26 janvier 2017, Espagne/Commission (C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42), et du 26 janvier 2017, France/Commission (C‑373/15 P, EU:C:2017:55). Les parties ont répondu à cette demande dans le délai imparti. La Commission a été également invitée à déposer au greffe du Tribunal certains documents, ce qu’elle a fait dans le même délai.

23      La République française, soutenue par le Royaume d’Espagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler partiellement la décision attaquée pour autant qu’elle écarte du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader, en tant qu’elle exclut du financement de l’Union les dépenses effectuées par la République française dans le cadre des ICHN et de la PHAE relatives à l’axe 2 du PDRH 2007-2013 au titre des exercices financiers 2011 à 2013 pour le montant des aides versées pour les demandes formulées lors des campagnes de 2011 à 2013 ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée en tant qu’elle inclut dans l’assiette de la correction forfaitaire les dépenses afférentes aux ovins-caprins qui n’ont pas fait l’objet d’une demande d’aide animale ;

–        à titre très subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée en tant qu’elle applique une correction forfaitaire majorée de 10 % au motif que la défaillance reprochée aux autorités françaises en matière de comptage des animaux était récurrente ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        déclarer qu’il n’y a pas lieu à statuer sur le deuxième moyen ;

–        condamner la République française aux dépens.

 En droit

25      À l’appui du recours, la République française invoquait trois moyens, cependant, lors de l’audience, elle a renoncé au deuxième moyen.

26      Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 10, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 ainsi que de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, en ce que la Commission a considéré que le gouvernement français avait manqué à ses obligations en matière de contrôle du taux de chargement.

27      Le troisième moyen, soulevé à titre très subsidiaire, est tiré de ce que la Commission a violé les règles fixées par le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »), et par le document AGRI/60637/2006 intitulé « Communication de la Commission – Sur le traitement par la Commission, dans le cadre de l’apurement des comptes de la section garantie du FEOGA, des cas de récurrence d’insuffisance de systèmes de contrôle » (ci-après le « document AGRI/60637/2006 »), en appliquant une correction forfaitaire majorée de 10 % au motif que la défaillance reprochée aux autorités françaises en matière de comptage des animaux était récurrente, car elle portait sur un contrôle clé déjà corrigé lors de deux précédentes enquêtes et qui n’avait pas fait l’objet d’améliorations de la part des autorités françaises.

 Observations liminaires

28      À titre liminaire, il convient de rappeler que le FEAGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 64), et que, en vertu des règles du droit de l’Union relatives notamment au FEAGA, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance (voir arrêt du 17 mai 2013, Bulgarie/Commission, T‑335/11, non publié, EU:T:2013:262, point 29 et jurisprudence citée).

29      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles. Par conséquent, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné. Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par celles-ci, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 65 et jurisprudence citée).

30      Enfin, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 66 et jurisprudence citée). En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du fonds, la Commission ne jouissant pas de la proximité requise pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑245/13, EU:T:2015:595, point 67 et jurisprudence citée).

31      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la République française.

 Sur la recevabilité et le caractère opérant des moyens du recours en ce qu’ils visent mutatis mutandis la sous-mesure relative à la PHAE

32      LaRépublique française fait valoir, à titre liminaire, que la Commission, tout au long de la procédure administrative, a considéré que l’absence de contrôle du taux de chargement concernait non seulement les mesures relatives aux ICHN, mais également la sous-mesure relative à la PHAE, ce malgré leur finalité et leurs critères d’attribution différents. Par conséquent, laRépublique française fait valoir que les moyens qu’elle développe quant aux mesures 211 et 212 relatives aux ICHN « valent également, mutatis mutandis, pour la sous-mesure 214‑A [relative à la] PHAE » et que sa contestation porte ainsi sur le montant global de la correction forfaitaire retenue dans la décision attaquée, soit un montant net de 98 276 677,07 euros. Dans la réplique, elle confirme sa volonté de transposer à la sous-mesure relative à la PHAE les moyens soulevés.

33      La Commission conteste les arguments de la République française.

34      À cet égard, il convient de relever que, par ses arguments, la Commission vise à contester à la fois la recevabilité et le caractère opérant des moyens invoqués par la République française, dans la mesure où ils sont transposés à la sous-mesure relative à la PHAE.

35      Pour autant que, par ses arguments, la Commission vise à contester la recevabilité des moyens de recours dans la mesure où ces derniers sont transposés à la sous-mesure relative à la PHAE, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal aux termes de l’article 53 dudit statut, ainsi que de l’article 76 du règlement de procédure, que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige, les conclusions ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle, le cas échéant, sans avoir à solliciter d’autres informations (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, GGP Italy/Commission, T‑474/15, EU:T:2017:36, points 31 et 32 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, il convient de relever que la République française indique de manière claire et précise l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués. Elle explique également les raisons pour lesquelles elle estime que ses moyens invoqués au regard des mesures relatives aux ICHN seraient transposables à la sous-mesure relative à la PHAE. En effet, il ressort clairement de la requête que ladite transposition se fonde sur la prétendue assimilation opérée par la Commission entre les deux types de mesures en cause dans le cadre du grief tiré du non-contrôle du taux de chargement.

37      Il en découle que la République française est recevable à transposer ses moyens à la sous-mesure relative à la PHAE.

38      Pour autant que, par ses arguments, la Commission vise à contester le caractère opérant des moyens du recours, dans la mesure où ils sont transposés à la sous-mesure relative à la PHAE, en premier lieu, il convient de relever que les normes applicables aux mesures relatives aux ICHN sont les mêmes que celles applicables aux mesures agroenvironnementales, telles que les mesures relatives à la PHAE. En effet, il ressort du titre IV du règlement no 1698/2005 que tant les mesures relatives aux ICHN que les mesures agroenvironnementales font partie des aides au développement rural, visant à l’amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier.

39      En deuxième lieu, il ressort de la circulaire DGPAAT/SDEA/C2011-3030, du 22 avril 2011, concernant les mesures agroenvironnementales, que le taux de chargement de ces types de mesures est calculé de la même manière que le taux de chargement des mesures relatives aux ICHN. En effet, le taux de chargement des mesures relatives à la PHAE est calculé comme « le rapport entre les animaux herbivores de l’exploitation, convertis en UGB, et les surfaces fourragères de l’exploitation déclarées », tandis que la circulaire DGPAAT/SDEA/C2011-3071, du 29 août 2011, exposant les conditions réglementaires des ICHN au titre des années 2011 à 2013, précise que le taux de chargement de ces mesures est calculé comme « le rapport du nombre des UGB retenues sur le nombre d’hectares de surfaces fourragères ».

40      En troisième lieu, il ressort clairement de la position finale, adoptée par la Commission, que l’exclusion d’une partie des dépenses déclarées au Feader est fondée sur l’absence de contrôle sur place du taux de chargement pour les mesures relatives aux ICHN et pour la sous-mesure relative à la PHAE et que la correction financière est appliquée aux deux types de mesures.

41      En quatrième lieu, ainsi que cela est relevé par la République française, la Commission, tout au long de la procédure d’apurement ayant abouti à la décision attaquée, n’a jamais développé, pour la sous-mesure relative à la PHAE, une argumentation distincte de celle développée pour les mesures relatives aux ICHN.

42      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la République française a utilement fait valoir ses moyens tant pour les mesures relatives aux ICHN que pour la sous-mesure relative à la PHAE.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 10, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 ainsi que de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006

43      Par son premier moyen, la République française, soutenue par le Royaume d’Espagne, fait valoir que la Commission a violé l’article 4, paragraphe 1, l’article 10, paragraphe 1, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 ainsi que l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, en considérant qu’elle avait manqué à ses obligations en matière de contrôle du taux de chargement.

44      La République française articule ce moyen en deux branches.

45      Par la première branche, la République française fait valoir, en substance, qu’elle n’était pas obligée de procéder à un comptage des animaux lors des contrôles sur place afin de vérifier le critère relatif aux taux de chargement, une telle obligation ne découlant pas de l’article 4, paragraphe 1, ni de l’article 10, paragraphe 1, ni de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011. Les contrôles mis en place par les autorités françaises au regard de la base de données nationale d’identification (ci-après la « BDNI ») répondraient aux exigences posées par l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 65/2011, en ce qu’ils permettraient une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des ICHN.

46      Par la seconde branche, la République française fait valoir, en substance, que les animaux ne doivent pas, au cours des contrôles sur place, être sujets à un calcul de plausibilité, une telle obligation ne résultant pas de l’article 4, paragraphe 1, ni de l’article 10, paragraphe 1, ni de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011. La Commission aurait utilisé cette notion de « plausibilité » sans préciser ni son fondement juridique, ni sa signification, ni les moyens pratiques de sa mise en œuvre.

47      La Commission conteste les arguments de la requérante.

48      Les deux branches du premier moyen étant strictement liées, il convient de les analyser conjointement.

49      À titre liminaire, s’agissant des principes en matière de contrôles concernant les mesures relatives aux ICHN et la sous-mesure relative à la PHAE, il convient de rappeler que, selon l’article 4 du règlement no 65/2011 :

« 1.      Les États membres établissent un système de contrôle garantissant que tous les contrôles nécessaires sont effectués aux fins d’une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides.

[…]

4.      Dans la mesure du possible, les contrôles sur place prévus aux articles 12, 20 et 25 du présent règlement et les autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union européenne relative aux subventions agricoles sont effectués en même temps.

[…] »

50      L’article 10 du règlement no 65/2011 stipule ce qui suit :

« 1.      Les États membres utilisent le système intégré de gestion et de contrôle […] prévu au titre II, chapitre 4, du règlement (CE) no 73/2009.

2.      La vérification du respect des critères d’admissibilité est effectuée au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place.

3.      Le respect des exigences de conditionnalité est vérifié au moyen de contrôles sur place et, le cas échéant, de contrôles administratifs.

4.      Pendant la période d’exécution d’un engagement, les parcelles auxquelles l’aide se réfère ne peuvent être échangées, à l’exception de cas spécifiquement prévus dans le programme de développement rural. »

51      En ce qui concerne plus particulièrement les contrôles sur place, l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 stipule que les contrôles sur places « portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite ».

52      En premier lieu, il convient de rappeler que, même si la réglementation de l’Union relative à l’octroi des aides et des primes n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle spécifiques, il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011, il incombe aux États membres d’effectuer des contrôles sur place qui portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire, y incluses celles découlant du droit national, qu’il est possible de contrôler au moment de la visite (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2017, Espagne/Commission, C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42, point 69, et du 26 janvier 2017, France/Commission, C‑373/15 P, EU:C:2017:55, point 71).

53      En l’occurrence, le PDRH 2007-2013, tel qu’il a été approuvé par la Commission, prévoyait, aux fins de l’admissibilité aux ICHN, un critère de chargement exprimé en UGB et visant à encadrer la densité du bétail présent sur des surfaces fourragères afin d’éviter des phénomènes de sous-pâturage et de surpâturage. Les autorités françaises étaient donc tenues, lors des contrôles sur place, de déterminer le critère de chargement au moyen d’un comptage des animaux présents sur l’exploitation au moment de la visite d’inspection, comptage d’ailleurs prévu au point 7.2 de la circulaire DGPAAT/SDEA/C2011-3071, du 29 août 2011, citée au point 39 ci-dessus, afin de vérifier si, ponctuellement, ce critère était respecté et, ainsi, de corroborer les données ressortant des contrôles administratifs (voir, par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, France/Commission, C‑373/15 P, EU:C:2017:55, point 72).

54      En second lieu, il convient de relever que la Commission a évoqué le calcul de plausibilité comme une possibilité alternative au calcul ponctuel des animaux en cas de gros cheptels, permettant d’effectuer le contrôle du taux de chargement. Dans sa communication officielle, la Commission a reproché aux autorités françaises que « le taux de chargement n’était pas vérifié sur place […] en ce que les animaux n’étaient ni vérifiés, ni comptés, ni sujets à un calcul de plausibilité ». Elle a également relevé que « le contrôle du cheptel animal ou de sa plausibilité [devait] faire partie intégrante des contrôles sur place ». Les même reproches se retrouvent dans la communication de résultats ainsi que dans l’invitation à la réunion bilatérale. De même, dans sa position finale, la Commission a reproché aux autorités françaises que « les contrôles sur place effectués pour les mesures du développement rural n’[intégraient] pas le comptage ou le calcul de plausibilité du cheptel animal », en précisant que « ces animaux n[’étaient] ni comptés ni sujets à un calcul de plausibilité » et que « le taux de chargement n’[était] pas établi [à la] suite [du] contrôle sur place ».

55      Par ailleurs, tout au long de la procédure administrative, la Commission a réitéré que le contrôle du cheptel animal ou de sa plausibilité devait faire partie intégrante des contrôles sur place des mesures de l’axe 2, pour lesquelles les engagements des bénéficiaires précisaient un taux de chargement. Elle a, dès lors, invité à maintes reprises les autorités françaises à adapter leur procédure de contrôle. Si, lors de la procédure administrative, les autorités françaises avaient des doutes concernant la signification et les moyens pratiques de la mise en œuvre du calcul de plausibilité, elles auraient pu demander des explications à la Commission, alors qu’elles se sont limitées à contester l’absence de fondement juridique dudit calcul de plausibilité.

56      Il y a donc lieu de rejeter l’argument selon lequel la Commission a violé l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 885/2006, celle-ci n’ayant, à aucun moment de la procédure administrative, précisé les mesures correctives que la République française aurait dû prendre pour se conformer à l’obligation de soumettre les animaux au calcul de plausibilité.

57      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a jugé à bon droit que les autorités françaises étaient tenues de procéder, lors des contrôles sur place, au comptage des animaux ou au calcul de plausibilité pour déterminer le critère du taux de chargement présent sur l’exploitation bénéficiant des ICHN. Il en va de même pour ce qui est de la conclusion tirée par la Commission au regard de l’obligation de comptage des animaux ou du calcul de plausibilité visant à déterminer le critère du taux de chargement concernant la sous-mesure relative à la PHAE.

58      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’arrêt du 26 janvier 2017, France/Commission (C‑373/15 P, EU:C:2017:55), dans la mesure où il annule l’arrêt du 30 avril 2015, France/Commission (T‑259/13, non publié, EU:T:2015:250).

59      À cet égard, il convient de rappeler que dans son arrêt du 26 janvier 2017, France/Commission (C‑373/15 P, EU:C:2017:55, point 97), la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en ayant considéré, au point 74 de l’arrêt du 30 avril 2015, France/Commission (T‑259/13, non publié, EU:T:2015:250), que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement (CE) no 1975/2006 de la Commission, du 7 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement n o 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2006, L 368, p. 74), dont le libellé correspond à celui des articles 12 et suivants du règlement no 65/2011, était autonome et indépendant des contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines, sans avoir déterminé, d’une part, si ces derniers contrôles constituaient des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, dont le libellé correspond à celui de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 65/2011, et, d’autre part, s’ils pouvaient être effectués en même temps que les contrôles prévus aux articles 12 et suivants de ce règlement.

60      Il est donc permis, en principe, aux États membres de conduire les contrôles sur place effectués au titre des articles 12 et suivants du règlement no 65/2011, tels que les contrôles sur place au titre des ICHN, en même temps que les contrôles sur place effectués au titre de l’identification animale ou des primes bovines, dans la mesure où deux conditions sont remplies, à savoir, premièrement, que ces derniers constituent des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 65/2011, et, deuxièmement, qu’ils peuvent être effectués en même temps que les contrôles prévus aux articles 12 et suivants de ce règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, France/Commission, C‑373/15 P, EU:C:2017:55, points 95 et 96).

61      S’agissant de la première condition, les parties s’opposent sur la question de savoir si les contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine constituent des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles. En revanche, elles s’accordent pour considérer les contrôles sur la gestion des primes bovines comme des contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles.

62      À cet égard, il convient de relever que les contrôles au titre de l’identification bovine sont des contrôles effectués en vertu du règlement (CE) no 1082/2003 de la Commission, du 23 juin 2003, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer dans le cadre du système d’identification et d’enregistrement des bovins (JO 2003, L 156, p. 9). Ce règlement, adopté en application du règlement (CE) no 1760/2000du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) no 820/97 du Conseil (JO 2000, L 204, p. 1), fait partie de la réglementation vétérinaire et zootechnique de l’Union, visant à protéger la santé publique et la santé des animaux. Cependant, ainsi que cela a été relevé par la République française, les contrôles au titre de l’identification bovine sont également prévus par le règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65). En particulier, il s’agit des contrôles effectués en vue d’assurer les exigences de conditionnalité prévues par l’article 4 du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16).

63      Il en découle que les contrôles au titre de l’identification bovine constituent des contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, de sorte que la première des deux conditions mentionnées au point 60 ci-dessus est remplie.

64      Par ailleurs, dans sa réponse aux questions du Tribunal, la Commission reconnaît, elle-même, que le système d’enregistrement et d’identification des animaux constitue un support aux systèmes de subventions agricoles.

65      S’agissant de la seconde condition mentionnée au point 60 ci-dessus, la République française fait valoir, en substance, que les comptages effectués par les autorités françaises lors des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines permettent de tenir compte des spécificités du régime des ICHN et de déterminer le critère de chargement dans le cadre de ce régime. Un seul et même comptage des animaux peut valoir au titre de chacun de ces contrôles.

66      Selon la République française, le système de contrôle français est efficace au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 65/2011 étant donné que les comptages des animaux effectués lors des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines font l’objet d’un traitement en continu par les bases de données qui contrôlent le paiement des aides surfaciques telles que les ICHN.

67      En particulier, la République française souligne que les deux paramètres permettant de vérifier le critère du taux de chargement pour l’octroi des ICHN, à savoir l’âge des bovins et le temps de présence moyen annuel des animaux sur l’exploitation, sont pris en compte par la BDNI. En effet, la BDNI des bovins contiendrait le numéro d’identification de toutes les exploitations où chaque animal a été détenu, les dates de chaque mouvement de chaque animal ainsi que la date de naissance de chaque animal, ce qui permettrait de déterminer l’âge de chaque animal, et par conséquent le taux de chargement, de disposer à tout moment du numéro d’identification de tous les animaux de l’espèce bovine présents dans une exploitation et de connaître le nombre de ces animaux présents sur chaque exploitation. Partant, les données nécessaires au calcul du chargement et relatives au bétail seraient bien récoltées lors des contrôles sur place de l’identification animale ou des primes bovines dès lors que, à cette occasion, il est procédé au comptage des animaux ainsi qu’à la vérification de leur âge et de leur temps de présence sur la surface agricole.

68      La Commission conteste, en substance, que les contrôles au titre de l’identification bovine ou des primes bovines invoqués par la République française dans la présente affaire puissent servir au contrôle du respect de la condition de chargement en bétail prévue au titre des ICHN.

69      En premier lieu, il convient de rappeler qu’il a déjà été jugé qu’aucune disposition du règlement no 65/2011 ne saurait être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où des contrôles administratifs sont effectués en utilisant des informations issues d’une base de données fiable, les contrôles sur place au titre de ce même règlement ne sont plus nécessaires. En effet, une telle interprétation méconnaît l’objectif des contrôles sur place, consistant notamment à vérifier la conformité des informations contenues dans les bases de données établies par les États membres, conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 65/2011 et à l’article 42 du règlement no 1122/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2017, France/Commission, C‑373/15 P, EU:C:2017:55, points 27, 60 et 74, et du 30 avril 2015, France/Commission, T‑259/13, non publié, EU:T:2015:250, point 70).

70      Dès lors, le fait que les contrôles mis en œuvre par les autorités nationales répondent aux exigences posées par l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 65/2011 en ce que la BDNI prend en compte les deux paramètres permettant de vérifier le critère du taux de chargement, à savoir le paramètre relatif à l’âge des bovins et celui relatif à leur temps de présence moyen annuel sur l’exploitation, ne saurait exempter les autorités françaises de l’obligation du comptage des animaux lors du contrôle sur place pour effectuer les vérifications exigées au titre du règlement no 65/2011 et pour s’assurer de la conformité des bases de données utilisées pour calculer le taux de chargement.

71      En deuxième lieu, ainsi que la Commission le relève dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal, il convient de souligner qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, dont le libellé correspond à celui de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 65/2011, que les contrôles sur place au titre des ICHN seront effectués en même temps que d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles « dans la mesure du possible ». Il s’ensuit que, en principe, il peut exister des cas dans lesquels il n’est pas possible d’effectuer les contrôles sur place au titre des ICHN en même temps que d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, les contrôles conjoints n’étant pas une règle absolue, mais une simple possibilité susceptible de connaître des exceptions.

72      En troisième lieu, il convient de relever que, en l’espèce, la République française ne démontre pas que les comptages effectués par les autorités françaises lors des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines tiennent pleinement compte des spécificités du régime des ICHN, et notamment de l’hétérogénéité des animaux faisant l’objet des contrôles au titre des ICHN.

73      En effet, la Commission observe, sans être contredite sur ce point par la République française, que les contrôles au titre de l’identification animale ou des primes bovines répondent à des critères différents de ceux des contrôles au titre des ICHN, en ce qui concerne notamment les installations qui font l’objet d’un contrôle, les animaux comptés ou identifiés et la périodicité des contrôles.

74      Par exemple, les animaux faisant l’objet du comptage dans le cadre des ICHN ne correspondent pas forcément à ceux faisant l’objet du comptage dans le cadre de l’identification animale ou des primes bovines. En effet, si ce dernier comptage porte sur tous les bovins, ovins, caprins et porcins aux fins de leur enregistrement dans les bases des données animales et de la constitution d’un échantillon représentatif pour les marques auriculaires, les contrôles sur place au titre des mesures relatives aux ICHN ont pour objet toutes les espèces d’herbivores.

75      Or, force est de constater que, par ses arguments, la République française n’a pas démontré que, en l’espèce, tous les animaux faisant l’objet de vérifications au titre de mesures relatives aux ICHN avaient été contrôlés lors des contrôles sur place au titre de l’identification animale ou des primes bovines. À cet égard, les notes adressées par les autorités françaises à la Commission, produites en annexe à la requête et ayant pour objet le rapport sur les contrôles relatifs à l’identification des bovins et des petits ruminants réalisés en France de 2011 à 2013, conformément à l’article 5 du règlement no 1082/2003 et à l’article 7 du règlement (CE) no 1505/2006 de la Commission, du 11 octobre 2006, portant application du règlement (CE) n o 21/2004 du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer en rapport avec l’identification et l’enregistrement des animaux des espèces ovine et caprine (JO 2006, L 280, p. 3), sont dépourvues de toute pertinence, étant donné qu’elles ne concernent que les bovins, les ovins et les caprins et qu’elles ne prouvent pas que les contrôles qui constituent l’objet de ces rapports incluent également toutes les espèces d’animaux faisant l’objet de vérifications au titre des ICHN.

76      Dans ces circonstances, l’argument de la République française selon lequel un seul et même comptage des animaux peut valoir au titre des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines ainsi qu’au titre des ICHN ne saurait prospérer.

77      De même, la simple déclaration relative à l’existence de contrôles ayant des objets différents et, ainsi que la République française l’a admis lors de l’audience, effectués à des années différentes ne saurait être considérée suffisante à prouver que la Commission a commis une erreur en estimant que les autorités françaises avaient manqué à leurs obligations de comptage des animaux lors des contrôles sur place au titre des mesures relatives aux ICHN afin de vérifier le taux de chargement.

78      Dès lors, la seconde condition mentionnée au point 60 ci-dessus n’étant pas remplie, le premier moyen du recours doit être rejeté.

79      La conclusion tirée au point 57 ci-dessus ne saurait davantage être remise en question par l’argument de la République française et du Royaume d’Espagne selon lequel le comptage des animaux lors des contrôles sur place ne permettrait pas de vérifier le respect du critère du taux de chargement en ce que ce dernier serait un taux moyen annuel. En effet, la République française ne précise pas, dans ses écritures, la base légale tirée du droit de l’Union selon laquelle le taux de chargement devrait être considéré comme un taux moyen annuel. Elle n’a, d’ailleurs, invoqué aucune jurisprudence de la Cour ou du Tribunal à l’appui de son argument. En outre, il convient de rappeler que, comme la Commission l’a observé, le PDRH 2007-2013, qui a été élaboré par la République française elle-même, n’établit pas que le taux de chargement est un taux moyen annuel.

80      En effet, le PDRH 2007-2013 se limite à imposer que le chargement soit compris entre un seuil minimal et un plafond maximal définis par le préfet pour chaque zone ou sous-zone du département, en fonction de ses caractéristiques agro-climatiques, sans préciser qu’il s’agit d’une valeur annuelle. Par ailleurs, même à supposer que la période concernée soit une année, les bénéficiaires doivent respecter les valeurs de la fourchette fixée. Des variations entre les valeurs maximales et minimales peuvent se produire tout au long de la période concernée et, en raison de l’impossibilité de contrôler quotidiennement ces valeurs, une moyenne pour l’année peut être acceptée. Cependant, afin d’assurer le respect de la condition relative au taux de chargement, cette moyenne doit être calculée sur la base des valeurs qui se trouvent entre les valeurs maximales et minimales de la fourchette (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, Espagne/Commission, T‑561/13, non publié, EU:T:2015:496, point 55).

81      Accepter l’interprétation de la République française, selon laquelle le respect du critère du taux de chargement doit se fonder sur le calcul d’une moyenne sur l’année, permettrait aux bénéficiaires de dépasser, pendant certains moments de l’année, les valeurs maximales et minimales de la fourchette prévues dans le PDRH 2007-2013, dans la mesure où de tels dépassements n’auraient pas d’incidence sur la valeur moyenne finale pour l’ensemble de l’année. Cette façon de procéder favoriserait ainsi des comportements stratégiques de la part des bénéficiaires, qui pourraient être peu compatibles avec les objectifs visés par les aides en question, notamment la sauvegarde et la promotion des modes d’exploitation durables (voir considérant 33 du règlement no 1698/2005). En effet, le dépassement des valeurs maximales à certains moments de l’année pourrait donner lieu à des situations de surexploitation des surfaces concernées et la non-atteinte des valeurs minimales à des situations de sous-exploitation desdites surfaces (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, Espagne/Commission, T‑561/13, non publié, EU:T:2015:496, point 56).

82      Les autorités nationales sont donc tenues, lors des contrôles sur place, de déterminer le critère du taux de chargement au moment de la visite d’inspection, au moyen, notamment, d’un comptage des animaux, afin de vérifier si les valeurs maximales et minimales fixées par le PDRH 2007-2013 sont ponctuellement respectées et, ainsi, de corroborer les données ressortant des contrôles administratifs (voir, par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, Espagne/Commission, C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42, point 70).

83      Par conséquent, l’argument de la République française selon lequel la circonstance qu’une exploitation ait, un jour donné, un taux de chargement inférieur au seuil ou supérieur au plafond de chargement prévu dans le cadre des ICHN ne constitue pas une violation des conditions d’éligibilité de l’aide ne saurait prospérer. En effet, conformément à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 65/2011, les contrôles sur place portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite.

84      Par ailleurs, la circonstance que, comme le prétend la République française, certains facteurs influant sur la détermination du taux de chargement, tel l’âge des animaux, puissent ne pas être déterminés avec une extrême précision ne saurait soustraire les autorités nationales à leur obligation de contrôle à cet égard. En outre, il ne peut être exclu que, comme le soutient la Commission, les inspecteurs effectuant les contrôles sur place soient en mesure de déterminer avec suffisamment de précision l’âge des animaux (arrêt du 26 janvier 2017, Espagne/Commission, C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42, point 71).

85      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le troisième moyen, soulevé à titre très subsidiaire, tiré de ce que la Commission aurait violé les règles fixées par les documents VI/5330/97 et AGRI/60637/2006

86      Par le troisième moyen, soulevé à titre très subsidiaire, la République française fait valoir que la Commission a violé les règles fixées par les documents VI/5330/97 et AGRI/60637/2006, en appliquant une correction forfaitaire majorée de 10 % au motif que la défaillance reprochée aux autorités françaises en matière de comptage des animaux était récurrente, car elle portait sur un contrôle clé déjà corrigé lors de deux précédentes enquêtes et qui n’avait pas fait l’objet d’améliorations.

87      La République française fait valoir que, selon le document AGRI/60637/2006, lu conjointement avec le document VI/5330/97, deux conditions devraient être remplies afin qu’une telle majoration puisse être appliquée par la Commission, à savoir, d’une part, que cette dernière notifie à l’État membre concerné les améliorations qu’il devrait mettre en œuvre afin de remédier aux irrégularités qui lui ont été contestées dans le cadre de procédures d’apurement antérieures et, d’autre part, que l’État membre n’ait pas remédié aux irrégularités alors qu’il était en mesure de le faire.

88      Selon la République française, la seconde condition n’est pas remplie en l’espèce, étant donné que les autorités françaises étaient dans l’impossibilité de remédier aux irrégularités constatées par la Commission lors de la première enquête avant l’ouverture des deux enquêtes successives. En effet, les contrôles sur place n’auraient pu intégrer les améliorations que la Commission a prescrites à la suite de la première procédure administrative que postérieurement à l’adoption de la décision d’exécution 2013/123 de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du FEAGA et du Feader (JO 2013, L 67, p. 20), adoptée à la suite de la première procédure administrative, c’est-à-dire alors que les campagnes faisant l’objet des deux enquêtes successives étaient déjà passées. Dès lors, les irrégularités constatées lors de la procédure ayant abouti à la décision attaquée ne sauraient être qualifiées de récurrentes au sens du document AGRI/60637/2006.

89      Premièrement, la Commission fait valoir que la République française était au courant des carences identifiées dans son système de contrôle dès le 23 février 2009, date de la communication des résultats dans la première enquête qui détaillait les irrégularités constatées et les recommandations, et que les trois enquêtes concernaient la même problématique. La République française savait donc que la procédure en cause portait sur des défaillances qui duraient depuis plusieurs années. Deuxièmement, laCommission soutient que le raisonnement suivi par la République française s’applique seulement aux cas de « récidive », notion qui aurait été explicitement écartée par le Tribunal en matière de correction financière dans son arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission (T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, points 98 et 100). En revanche, l’adoption d’une décision établissant de manière solennelle l’existence d’une telle défaillance ne serait pas nécessaire s’agissant de « récurrence », notion qui s’applique alors qu’une répétition de défaillances comportant un risque pour le système de contrôle dans son ensemble est constatée.

90      À titre liminaire, il convient de rappeler que les orientations en matière de corrections financières forfaitaires ont été définies dans le document VI/5330/97. L’annexe II de ce document, intitulée « Orientations pour l’application de corrections forfaitaires », prévoit les différents taux de correction financière forfaitaire suivants :

« Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction.

[…] »

91      Le document AGRI/60637/2006 précise les conditions dans lesquelles la Commission entend appliquer le principe, figurant dans le document VI/5330/97, selon lequel le manquement devient plus grave si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires.

92      Le paragraphe 1, second alinéa, du document AGRI/60637/2006 énonce le principe selon lequel la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.

93      Le paragraphe 2 du document AGRI/60637/2006 prévoit :

« Au cas où l’absence ou l’insuffisance d’un système de contrôle, ou d’un élément de ce système, a fait l’objet d’une ou de plusieurs décisions de corrections financières dans le cadre de l’apurement des comptes de la section garantie du FEOGA ;

et

il est constaté pour une période postérieure à la période déjà corrigée, que les mêmes faiblesses persistent ;

la Commission considère […] qu’il est normalement justifié d’appliquer une majoration du taux de correction financière forfaitaire appliqué lors de la précédente correction, en raison du risque accru de perte financière pour le FEOGA. »

94      Dès lors, il ressort du paragraphe 2 du document AGRI/60637/2006 que, en substance, deux conditions doivent être remplies pour que la Commission considère qu’il est normalement justifié d’appliquer une majoration du taux de correction financière forfaitaire appliqué lors d’une précédente correction, à savoir :

–        l’absence ou l’insuffisance d’un système de contrôle, ou d’un élément de ce système, ayant fait l’objet d’une ou de plusieurs décisions de corrections financières dans le cadre de l’apurement des comptes ;

–        la constatation, pour une période postérieure à la période déjà corrigée, que les mêmes faiblesses persistent.

95      Il s’agit, en l’espèce, d’interpréter ces deux conditions.

96      S’agissant de la première condition, il convient de relever qu’il ressort du libellé du document AGRI/60637/2006 que, afin qu’une majoration due à la récurrence soit appliquée, l’absence ou l’insuffisance d’un système de contrôle, ou d’un élément de ce système, doit faire l’objet d’une « décision de corrections financières » adoptée dans le cadre de l’apurement des comptes, à savoir une décision adoptée par la Commission au titre de l’article 31 du règlement no 1290/2005.

97      Dès lors, une communication officielle établie conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, étant un acte dont l’objectif est celui de préparer la décision finale, ne peut pas être considérée en tant que décision de corrections financières dans le cadre de l’apurement des comptes au sens de ladite condition.

98      En outre, il est de jurisprudence constante que les décisions en matière d’apurement des comptes du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) sont prises à l’issue d’une procédure contradictoire, de sorte que les résultats des vérifications figurant dans la première communication ne sont pas définitifs et sont susceptibles d’être précisés et revus à la lumière des réponses fournies par l’État membre lors de la procédure administrative ultérieure (arrêts du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, non publié, EU:T:2009:206, points 34 et 37, et du 12 novembre 2010, Espagne/Commission, T‑113/08, non publié, EU:T:2010:465, point 132 ; voir, également, arrêt du 24 mars 2011, Grèce/Commission, T‑184/09, non publié, EU:T:2011:120, point 45 et jurisprudence citée).

99      En l’espèce, la Commission fait valoir, en substance, que la République française était en mesure de connaître les irrégularités contestées et les améliorations à apporter à son système de contrôle sur place depuis la transmission de la lettre du 23 février 2009.

100    À cet égard, il convient de relever que, par ladite lettre, la Commission a envoyé à la République française une communication officielle établie conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. Cette lettre s’inscrivait dans le cadre de la procédure prévue par l’article 11 du règlement no 885/2006, ayant mené à l’adoption par la Commission de la décision d’exécution 2013/123, qui écarte certaines dépenses du financement de l’Union, conformément à l’article 31 du règlement no 1290/2005. Ainsi, la décision définitive de la Commission d’écarter du financement de l’Union des montants n’avait pas encore été arrêtée au moment de l’envoi de la lettre du 23 février 2009, cette dernière étant un acte préparatoire dont l’objectif était de préparer la décision d’exécution 2013/123.

101    Il en découle que la lettre du 23 février 2009 ne suffit pas à ce que la première des deux conditions mentionnées au point 94 ci-dessus soit remplie. Dès lors, l’argument de la Commission selon lequel il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’attendre l’adoption d’une décision constatant de manière solennelle l’existence d’une défaillance pour qu’une récurrence soit constatée, une communication officielle adoptée conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 étant suffisante, ne saurait prospérer.

102    S’agissant de la seconde conditionénoncée au point 94 ci-dessus, les parties s’opposent, en substance, sur l’interprétation de la phrase « la période postérieure à la période déjà corrigée ».

103    En effet, la Commission suit une interprétation, strictement littérale, selon laquelle la période pertinente est celle faisant l’objet de l’enquête successive à l’enquête dans laquelle la défaillance a été constatée pour la première fois et sanctionnée par une décision de corrections financières. En revanche, la République française fait valoir, en substance, l’interprétation selon laquelle la période pertinente est celle successive à l’adoption de la décision de corrections financières clôturant l’enquête qui a constaté pour la première fois la défaillance contestée.

104    En l’espèce, il ressort de la position finale adoptée par la Commission que cette dernière a appliqué une correction forfaitaire majorée de 10 % au motif que la défaillance reprochée aux autorités françaises en matière de comptage des animaux était récurrente, car elle portait sur un contrôle clé déjà corrigé lors de deux précédentes enquêtes et qui n’avait pas fait l’objet d’améliorations de la part desdites autorités.

105    En effet, trois enquêtes différentes, ayant abouti à trois différentes décisions de corrections financières, se sont succédé en l’espèce :

–        l’enquête RDG/2008/010/FR, concernant les années 2007 et 2008, ayant abouti à la décision d’exécution 2013/123, qui a été adoptée le 26 février 2013 ;

–        l’enquête RD 2/2011/003/FR, concernant les années 2009 et 2010, ayant abouti à la décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (JO 2015, L 16, p. 33) ;

–        l’enquête RD 2/2012/005/FR, concernant les années 2011 à 2013, ayant abouti à la décision attaquée, qui a été adoptée le 22 juin 2015.

106    Or, à la date du 22 juin 2015, date de la décision attaquée, deux décisions avaient déjà été adoptées par la Commission, à savoir la décision 2013/123, le 26 février 2013, et la décision 2015/103, le 16 janvier 2015. En outre, la décision attaquée constate que la même faiblesse, déjà relevée lors de la première décision, persiste pour une période postérieure à la période faisant l’objet de la correction, à savoir la période couvrant les années 2007 et 2008. En effet, ladite faiblesse a été également constatée pour les années 2009 à 2013.

107    Cependant, ainsi que cela a été relevé par la République française, dans les années 2009 à 2013, période faisant l’objet des deuxième et troisième enquêtes, une décision de corrections financières exposant la position définitive de la Commission en ce qui concerne les faiblesses constatées de la part de la République française lors de la première enquête n’avait pas encore été adoptée par la Commission. Dès lors, pendant les années 2009 à 2013, la République française n’avait aucune certitude en ce qui concerne les défaillances constatées lors de la première enquête ni n’était tenue de suivre les indications figurant dans la lettre du 23 février 2009 en vue d’adapter les mesures de contrôle du taux de chargement dans le sens des améliorations demandées par la Commission pour éviter que la même faiblesse du système de contrôle ne soit constatée pour les années 2009 à 2013.

108    En d’autres termes, par la décision attaquée, la Commission reproche à la République française, en tant que manquement « plus grave » justifiant une majoration à titre de récurrence, le fait de ne pas avoir remédié à l’absence de comptage des animaux pour les années 2011 à 2013, déjà constatée pour les années 2007 à 2010. Toutefois, le manque d’amélioration du système de contrôle reproché par la Commission n’a été constaté que dans la décision adoptée le 26 février 2013.

109    Il s’ensuit que l’interprétation de la Commission n’est pas cohérente avec le libellé du document VI/5330/97, dont la portée est précisée par le document AGRI/60637/2006.

110    En effet, s’agissant de l’application de corrections forfaitaires, le document VI/5330/97 prévoit que « [l]e manquement devient plus grave si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires ». Dès lors, il ressort du libellé de ce document que l’amélioration dont l’omission peut constituer un facteur aggravant doit intervenir après la notification des améliorations nécessaires, voire, ainsi que précisé par le document AGRI/60637/2006, après la décision de corrections financières adoptée dans le cadre de l’apurement des comptes.

111    Par ailleurs, considérer, à l’instar de la Commission, les irrégularités reprochées comme récurrentes sans examiner si l’État membre a eu la possibilité d’y remédier après le premier reproche aboutit finalement à une idée de récurrence fondée uniquement sur la simple répétition des irrégularités contestées, indépendamment de l’adoption d’une décision ainsi que cela est demandé par le document AGRI/60637/2006.

112    Compte tenu de ce qui précède, le troisième moyen doit être accueilli et la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle applique une correction forfaitaire majorée de 10 % au motif que la défaillance reprochée aux autorités françaises en matière de comptage des animaux était récurrente et n’avait pas fait l’objet d’améliorations de leur part.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

114    En l’espèce, il y a lieu de condamner la République française et la Commission à supporter leurs propres dépens.

115    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (UE) 2015/1119 de la Commission, du 22 juin 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en ce qu’elle applique une correction forfaitaire majorée de 10 % au motif que la défaillance reprochée aux autorités françaises en matière de comptage des animaux était récurrente et n’avait pas fait l’objet d’améliorations de leur part.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République française et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

4)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2018.

Le greffier

 

Le président faisant fonction

E.Coulon

 

      S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.