Language of document : ECLI:EU:T:2008:262

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

9 juillet 2008 (*)

« Aides d’État – Recapitalisation d’Alitalia par les autorités italiennes – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché commun – Décision prise à la suite d’un arrêt du Tribunal annulant une décision antérieure – Recevabilité – Violation de l’article 233 CE – Violation des articles 87 CE et 88 CE – Conditions d’autorisation de l’aide – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑301/01,

Alitalia – Linee aeree italiane SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes M. Siragusa, G. M. Roberti, G. Scassellati Sforzolini, F. Moretti et F. Sciaudone, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent, assisté de Mes A. Abate et G. Conte, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2001/723/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, concernant la recapitalisation de la compagnie Alitalia (JO L 271, p. 28),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de M. M. Vilaras, président, Mme M. E. Martins Ribeiro, MM. F. Dehousse, D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 octobre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Alitalia – Linee aeree italiane SpA (ci-après « Alitalia » ou la « requérante ») est une compagnie aérienne dont le capital était détenu, au 1er juillet 1996, à concurrence de 90 % environ, par la société financière d’État italienne Istituto per la ricostruzione industriale SpA (ci-après l’« IRI ») et, pour le reste, par des investisseurs privés.

2        Au début des années 90, Alitalia a souffert d’une sous-capitalisation. Elle a dû faire face, pendant cette même période, à des difficultés liées à la guerre du Golfe, à la récession des années 1992 et 1993 dans le secteur aérien et à une concurrence accrue découlant du processus de libéralisation du marché du transport aérien. Ces événements l’ont amenée à réduire ses coûts et à améliorer sa productivité, sans toutefois que ses efforts lui permettent de retrouver le chemin de la rentabilité.

3        Cette situation l’a conduite à adopter, en juillet 1996, un plan de restructuration pour la période 1996-2000. Ce plan, dont les autorités italiennes ont informé la Commission par lettre du 29 juillet 1996, comprenait une phase d’assainissement et une phase de développement. Dans son volet financier, il prévoyait une injection de capital de la part de l’IRI d’un montant total de 2 750 milliards de lires italiennes (ITL), à verser en trois tranches, le versement de la deuxième d’entre elles étant prévu pour mai 1998 et celui de la troisième pour mai 1999.

4        La Commission a décidé, le 9 octobre 1996, d’ouvrir la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE au sujet des augmentations de capital prévues par le plan (JO C 346, p. 13). La Commission a sollicité, à différents stades de la procédure, l’avis de consultants indépendants (ci-après les « consultants de la Commission »).

5        Le plan initial a subi diverses modifications au cours de la procédure. Sa dernière version a été transmise à la Commission par les autorités italiennes le 26 juin 1997.

6        Le 15 juillet 1997, la Commission a adopté la décision 97/789/CE concernant la recapitalisation de la compagnie Alitalia (JO L 322, p. 44, ci-après la « décision de 1997 »). La Commission avait estimé que la dotation en capital de l’IRI au profit d’Alitalia constituait une aide d’État compatible avec le marché commun, à condition que les autorités italiennes respectent dix engagements énumérés à l’article 1er de la décision de 1997.

7        Par décision du 3 juin 1998, compte tenu des nouveaux engagements pris par les autorités italiennes à la suite des infractions aux conditions posées dans la décision de 1997, qui avaient été constatées durant les six premiers mois après l’adoption de celle-ci, la Commission n’a pas soulevé d’objections au versement de la troisième tranche de la dotation en capital de l’IRI.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 1997, Alitalia a introduit un recours contre la décision de 1997. Par arrêt du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission (T‑296/97, Rec. p. II‑3871, ci-après l’« arrêt Alitalia I »), le Tribunal a fait droit à la demande d’annulation formée par Alitalia contre la décision de 1997, compte tenu du défaut de motivation de l’utilisation par la Commission du même taux de rendement minimal (ci-après le « taux minimal ») que celui qu’elle avait déterminé dans la décision 96/278/CE de la Commission, du 31 janvier 1996, concernant la recapitalisation de la compagnie Iberia (JO L 104, p. 25, ci-après la « décision Iberia »), et des erreurs manifestes d’appréciation tenant, d’une part, à l’exclusion du calcul du taux de rendement interne (ci-après le « taux interne ») des coûts d’insolvabilité que l’IRI serait amené à supporter en cas de liquidation d’Alitalia et, d’autre part, à l’absence de prise en compte des modifications apportées au plan de restructuration en juin 1997.

9        Le 1er juin 2001, les consultants de la Commission ont remis à cette dernière, à sa demande, un rapport actualisant leur précédente analyse, laquelle avait été effectuée dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision de 1997, afin de tenir compte de la dernière version du plan de restructuration pour le calcul du taux minimal et du taux interne.

10      Le 18 juillet 2001, la Commission a adopté la décision 2001/723/CE concernant la recapitalisation de la compagnie Alitalia (JO L 271, p. 28, ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

11      Après avoir exposé, dans son appréciation juridique, que l’article 233 CE ne lui imposait pas de rouvrir, dans le cas présent, la procédure ayant conduit à la décision de 1997 et de reprendre l’intégralité de la procédure avant d’adopter une nouvelle décision, la Commission consacre 20 considérants (considérants 15 à 34 de la décision attaquée) à l’analyse du critère de l’investisseur privé.

12      S’agissant de la détermination du taux interne de l’opération, la Commission prend acte de l’obligation d’inclure dans le calcul du rendement attendu les coûts d’insolvabilité que l’IRI serait amené à supporter en cas de liquidation d’Alitalia. La Commission conclut son analyse en affirmant que le taux interne de l’investissement de la somme de 2 750 milliards de ITL dans le capital d’Alitalia s’établit pour l’IRI, en 1997, à 25,2 % ou à 26,1 % suivant l’ hypothèse fiscale qu’elle prend en considération (considérant 23 de la décision attaquée).

13      En ce qui concerne la détermination du taux minimal qu’exigerait un investisseur privé agissant selon les lois du marché, la Commission estime, sur la base des informations en sa possession, notamment des travaux de ses consultants, que le taux minimal est voisin de 30 % en raison de l’importance de la somme en cause et surtout des risques présentés par l’opération, lesquels restent élevés malgré les améliorations apportées au plan en juin 1997. Elle expose, à cet égard, que les risques présentés par l’injection de capital dont a bénéficié Alitalia en juillet 1997 sont au moins aussi importants que ceux présentés par l’injection de capital dont Iberia a bénéficié en janvier 1996. La Commission explique, aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée, en quoi la situation de ces deux entreprises est comparable, malgré certaines différences spécifiques.

14      Au considérant 33 de la décision attaquée, la Commission conclut que le taux minimal annuel qu’exigerait un investisseur agissant selon les lois du marché pour réaliser une dotation en capital de 2 750 milliards de ITL au profit d’Alitalia est, dans les circonstances présentes, supérieur au taux interne de cette opération.

15      En conclusion (considérants 35 à 37 de la décision attaquée), la Commission estime avoir corrigé les deux erreurs d’appréciation et le défaut de motivation relevés par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra. Pour le reste de la motivation de la décision attaquée, la Commission se réfère aux considérants de la décision de 1997 qui doivent, selon elle, être regardés comme faisant partie intégrante de la décision attaquée sans qu’il soit nécessaire de les reprendre (considérant 36 de la décision attaquée).

16      Sur la base de ces considérants, la Commission a arrêté la décision attaquée dont le dispositif est le suivant :

« Article premier

L’aide accordée par [la République italienne] à la compagnie Alitalia […], sous la forme d’une dotation en capital d’un montant total de 2 750 milliards de [ITL], payable en trois tranches, visant à assurer la restructuration de la compagnie conformément au plan communiqué à la Commission le 29 juillet 1996 et adapté le 26 juin 1997, est compatible avec le marché commun et l’accord [sur l’Espace économique européen] en vertu de l’article 87, paragraphe 3, [sous] c), [CE] et de l’article 61, paragraphe 3, [sous] c), de l’accord [sur l’Espace économique européen], sous réserve du respect des engagements et conditions figurant aux articles 1er, 2 et 3 de la décision [de 1997], reproduits dans le considérant 1 de la présente décision.

Article 2

La Commission ne s’oppose pas au paiement de la [deuxième] tranche de la dotation en capital à la compagnie Alitalia […]

Article 3

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

17      Les dix conditions visées à l’article 1er de la décision attaquée et figurant au considérant 1 de celle-ci sont les suivantes :

« 1)      adopter un comportement normal d’actionnaire vis-à-vis d’Alitalia permettant à celle-ci d’être gérée selon les seuls principes commerciaux et ne pas s’immiscer dans sa gestion pour des raisons autres que celles strictement liées au statut d’actionnaire de l’État italien ;

2)      ne plus accorder à Alitalia ni de nouvelle dotation en capital, ni d’autres aides sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme de garantie d’emprunts ;

3)      garantir que, jusqu’au 31 décembre 2000, l’aide soit exclusivement utilisée par Alitalia aux fins de la restructuration de la compagnie et non pour acquérir des participations nouvelles dans d’autres transporteurs aériens ;

4)      ne pas privilégier de quelque façon que ce soit Alitalia par rapport aux autres compagnies communautaires, notamment en matière d’attribution de droits de trafic (y compris vers les pays tiers en dehors de l’Espace économique européen), d’allocation de créneaux horaires, d’assistance en escale et d’accès aux installations aéroportuaires, dans la mesure où un traitement préférentiel serait contraire au droit communautaire. En particulier, les autorités italiennes confirment qu’elles n’appliqueront aucune disposition contraire au droit communautaire et elles garantissent :

a)      qu’elles entameront immédiatement et achèveront pour le 31 décembre 1998 au plus tard la procédure de révision de la convention n° 4372, du 15 avril 1992, approuvée par le décret du 16 avril 1992 […], afin de la mettre en conformité avec la réglementation communautaire, notamment en ce qui concerne le ‘droit de priorité’, l’’interférence gouvernementale’, la ‘compatibilité avec les règlements de libéralisation du transport aérien’ et les ‘privilèges aéroportuaires’ ;

b)      qu’une révision de facto de la convention est déjà intervenue à l’égard des points visés ci-dessus à la suite d’un échange de lettres avec Alitalia sur la base de l’article 50 de la convention selon lequel celle-ci ne s’applique que dans la mesure où elle est compatible avec le droit communautaire ;

c)      qu’Alitalia a renoncé au droit de priorité qui découlait de l’article 3 de la convention ;

d)      que, dans les aéroports italiens coordonnés ou entièrement coordonnés, elles désigneront avant le début de la saison d’hiver 1997/1998 un coordinateur dépourvu de tout lien avec Alitalia et agissant en totale indépendance vis-à-vis de cette dernière ;

5)      garantir que, jusqu’au 31 décembre 2000, les capacités offertes par les aéronefs exploités par Alitalia ou par d’autres transporteurs sous une forme telle qu’elle comporte pour Alitalia un risque commercial (accords de wet-leasing, de block-space de joint-venture, etc.) n’excéderont pas les limites suivantes :

a)      le nombre des sièges disponibles n’excédera pas 28 985, dont 26 350 pour la propre flotte d’Alitalia ;

b)      la croissance du nombre de sièges-kilomètres offerts pour chaque année calendaire

–        à l’intérieur de l’Espace économique européen, à l’exclusion de l’Italie, et

–        à l’intérieur de l’Italie,

n’excédera pas 2,7 %, étant entendu qu’aucune croissance ne sera autorisée si la croissance des marchés correspondants reste inférieure à 2,7 %. Toutefois, si le taux de croissance des marchés correspondants dépasse 5 %, l’offre pourra être augmentée, en plus de 2,7 %, du pourcentage de l’accroissement au-delà de 5 % ;

6)      s’assurer qu’Alitalia dispose d’une comptabilité analytique permettant de déterminer, à brève échéance, sur chaque liaison, un ratio de rentabilité défini comme le rapport entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts (coût complet égal à la somme des coûts variables et des coûts fixes) afférents à la liaison ;

7)      garantir que, jusqu’au 31 décembre 2000, Alitalia s’abstienne de proposer des tarifs inférieurs à ceux proposés par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu’elle exploite ;

8)      garantir qu’Alitalia cédera sa participation dans Mal[é]v au plus tard le […] ;

9)      garantir qu’Alitalia poursuive la mise en œuvre complète du plan de restructuration communiqué à la Commission le 29 juillet 1996 et adapté le 26 juin 1997, en particulier en ce qui concerne la satisfaction des objectifs de productivité, de rentabilité et d’assainissement financier figurant [au point] VI vis[é] ci-dessus ;

10)      soumettre à la Commission pour la fin des mois de mars 1998, [de] mars 1999, [de] mars 2000 et [de] mars 2001, un rapport annuel sur l’avancement du plan de restructuration, sur la situation économique et financière d’Alitalia et sur le respect des présentes conditions. Le rapport comprendra un descriptif (typologie et identité des cocontractants) des accords de coopération commerciale ou opérationnelle passés par Alitalia au cours de l’exercice écoulé. La Commission fera vérifier, le cas échéant, les informations contenues dans chaque rapport par un consultant indépendant choisi par la Commission en liaison avec les autorités italiennes. »

 Procédure

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2001, Alitalia a introduit le présent recours.

19      Le 13 février 2002, Alitalia a, en outre, formé un recours en indemnité, visant à obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison de l’adoption de la décision de 1997 et de la décision attaquée. Elle s’est toutefois désistée de cette action et l’affaire a été radiée par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 8 avril 2003, Alitalia/Commission (T‑35/02, non publiée au Recueil).

20      Par lettre du 19 juin 2002, la Commission a informé la République italienne de sa décision relative aux aides d’État enregistrées sous les références C 54/96 et N 318/02, concernant respectivement le versement de la troisième tranche de l’aide à la restructuration au profit de la compagnie Alitalia, approuvée par la Commission le 18 juillet 2001, et une nouvelle opération de recapitalisation à hauteur de 1 432 millions d’euros (ci-après la « décision du 19 juin 2002 »). La décision du 19 juin 2002 a été rectifiée par la décision C (2002) 3151 final du 27 août 2002 et a fait l’objet d’une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 4 octobre 2002 (JO C 239, p. 2). Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 novembre 2002, Air One SpA, une compagnie aérienne italienne, a demandé l’annulation de la décision du 19 juin 2002 (affaire T‑344/02). Alitalia est intervenue dans cette affaire à l’appui des conclusions de la Commission.

21      Par demande conjointe du 5 septembre 2002, les parties ont demandé la suspension de la présente procédure. Cette dernière a été suspendue jusqu’au 30 novembre 2002 par ordonnance du Tribunal du 19 septembre 2002.

22      Un rectificatif à la décision attaquée a été publié au Journal officiel du 8 avril 2003 (JO L 90, p. 54). D’une part, la dernière phrase du considérant 20 de la décision attaquée, dans laquelle il était indiqué que le chiffre de 750 milliards de ITL pour l’ensemble des coûts d’insolvabilité avait été accepté par Alitalia, a été supprimée. D’autre part, dans la dernière phrase du considérant 22 de la décision attaquée, les données relatives à la valeur de la participation de l’IRI dans Alitalia au 31 décembre 2000 ont été modifiées.

23      Par lettre du 10 mars 2004, le Tribunal a invité Alitalia à prendre position sur l’allégation, figurant dans la duplique déposée par la Commission le 24 avril 2003, selon laquelle Alitalia n’aurait plus d’intérêt à poursuivre l’action engagée. Alitalia a répondu à cette demande par lettre du 1er avril 2004.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions à Alitalia et à la Commission. Les parties y ont répondu dans le délai imparti.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal, lors de l’audience du 24 octobre 2006.

 Conclusions des parties

26      La requérante a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son entier ;

–        subsidiairement, annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la partie où la Commission subordonne la compatibilité de la dotation en capital litigieuse au respect des conditions imposées dans la décision de 1997 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

A –  Arguments des parties

28      La Commission soutient, dans la duplique, qu’Alitalia n’a plus aucun intérêt au recours.

29      En premier lieu, la Commission fait valoir que la recapitalisation d’Alitalia a été intégralement autorisée et réalisée, depuis que, par la décision du 19 juin 2002, elle n’a pas soulevé d’objections au versement de la troisième et dernière tranche de l’aide. Alitalia ne tirerait dès lors aucun avantage de l’annulation de la décision attaquée. Au contraire, cette annulation priverait la décision du 19 juin 2002 de sa base juridique.

30      En deuxième lieu, la Commission fait observer que le présent recours ne pourrait faciliter une action en dommages et intérêts, dès lors qu’Alitalia s’est désistée du recours dans l’affaire T‑35/02 alors qu’elle l’avait introduit à cet effet.

31      En dernier lieu, soulignant qu’un recours, enregistré sous la référence T‑344/02 et toujours pendant devant le Tribunal, a été introduit par Air One contre la décision du 19 juin 2002, la Commission fait observer que c’est à l’appui de ses conclusions qu’Alitalia est intervenue dans cette affaire. Elle estime donc que si Alitalia veut préserver la décision du 19 juin 2002, elle doit en tirer les conséquences s’agissant du présent recours.

32      Alitalia soutient, dans sa réponse du 1er avril 2004 aux questions du Tribunal s’agissant des affirmations de la Commission relatives à sa prétendue perte d’intérêt à agir, qu’un arrêt qui constaterait que la dotation en capital litigieuse n’était pas une aide d’État lui permettrait de prétendre à l’avenir à une telle aide. En revanche, la décision attaquée lui fermerait cette possibilité, aucune autre aide ne pouvant plus, normalement, lui être accordée. En outre, un tel arrêt aurait pour conséquence que le versement de la troisième tranche de la dotation en capital litigieuse n’aurait pas dû être soumis à une autorisation préalable de la Commission.

33      Par ailleurs, selon Alitalia, l’arrêt que le Tribunal rendra dans la présente affaire aura un effet sur l’affaire T‑344/02. Plusieurs moyens d’Air One seraient voués au rejet si la dotation en capital litigieuse n’était plus qualifiée d’aide d’État.

34      Enfin, Alitalia allègue que le désistement intervenu dans l’affaire T‑35/02 ne fait pas obstacle à ce qu’elle introduise un nouveau recours en indemnité, le délai de prescription d’une telle action n’étant pas expiré. En toute hypothèse, un arrêt d’annulation dans la présente affaire renforcerait sa position dans l’éventualité d’un nouveau recours en indemnité qu’elle formerait pour obtenir réparation des dommages découlant de la décision attaquée.

B –  Appréciation du Tribunal

35      Dans le cadre de l’examen de la recevabilité du présent recours, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel (voir arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec. p. II‑1197, point 25, et la jurisprudence citée).

36      Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44, et la jurisprudence citée).

37      À cet égard, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité du recours s’apprécient, sous réserve de la question différente de la perte de l’intérêt à agir, au moment de l’introduction du recours (voir arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T‑131/99, Rec. p. II‑2023, point 29, et la jurisprudence citée). Toutefois, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, cette considération relative au moment de l’appréciation de la recevabilité du recours ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans l’hypothèse où un requérant qui avait initialement intérêt à agir a perdu tout intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée en raison d’un événement intervenu postérieurement à l’introduction dudit recours. En effet, pour qu’un requérant puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (voir ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, Rec. p. II‑4119, points 36 et 37, et la jurisprudence citée).

38      Force est de constater que la Commission n’a pas contesté l’intérêt à agir d’Alitalia dans le mémoire en défense du 25 mars 2002. Le Tribunal avait du reste constaté dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (point 74), ce qui suit :

« [...] [L]e fait que la Commission a qualifié d’aide d’État, dans la décision [de 1997], l’investissement de l’IRI dans le capital de la requérante fait manifestement grief à cette dernière. En effet, cette qualification a permis à la Commission d’examiner, dans la décision [de 1997], la compatibilité de la mesure avec le marché commun et d’imposer des conditions affectant directement les opérations de la requérante. »

39      La Commission a invoqué la perte d’intérêt à agir d’Alitalia dans la duplique, en date du 24 avril 2003, en raison de faits nouveaux intervenus depuis lors. Il s’agit, d’une part, de la décision du 19 juin 2002, en ce que la Commission y décide notamment de ne pas soulever d’objections à l’égard du versement de la troisième tranche de l’aide à Alitalia et, d’autre part, de l’ordonnance du 8 avril 2003, Alitalia/Commission, point 19 supra, par laquelle le président de la troisième chambre du Tribunal a prononcé la radiation de l’affaire T‑35/02 à la suite du désistement d’Alitalia.

40      Certes, dans la décision du 19 juin 2002, la Commission a décidé « de prendre acte du versement de la deuxième tranche de l’aide accordée à [Alitalia] et autorisée par la décision de 1997, confirmée en 2001, et de ne pas soulever d’objections à l’égard du versement de la troisième tranche ». Alitalia a dès lors obtenu le versement de l’intégralité de l’aide en cause. Elle n’est plus non plus soumise aux conditions et aux engagements à respecter pendant la durée d’application du plan.

41      Toutefois, en maintenant la qualification d’aide d’État de la dotation en capital litigieuse, la décision attaquée a eu pour effet de soumettre le versement de la troisième tranche de l’aide à l’autorisation de la Commission. La décision attaquée sert ainsi de base légale à la décision du 19 juin 2002 dans la mesure où, dans celle-ci, la Commission ne soulève pas d’objections à l’égard de ce troisième versement.

42      Dès lors, si le Tribunal annulait la décision attaquée en ce qu’elle qualifie la dotation en capital litigieuse d’aide d’État, cette annulation aurait des conséquences juridiques sur la décision du 19 juin 2002, laquelle serait privée de base juridique.

43      Certes, les parties sont en désaccord sur la nature précise de ces conséquences.

44      Selon Alitalia, en cas d’annulation de la décision attaquée, la décision du 19 juin 2002 deviendrait sans objet à l’égard du versement des deuxième et troisième tranches de l’aide en cause et les moyens avancés à cet égard par Air One dans le cadre de son recours contre la décision du 19 juin 2002 dans l’affaire T‑344/02 deviendraient inopérants. Air One ne pourrait dès lors plus remettre en cause ces versements.

45      La Commission avance, pour sa part, qu’elle devrait, en cas d’annulation de la décision attaquée, réexaminer la nouvelle opération de recapitalisation d’Alitalia de 2002 pour déterminer si cette dernière constitue une aide d’État.

46      Force est cependant de constater que, dans les deux cas, le recours d’Air One contre la décision du 19 juin 2002 en ce qu’elle concerne les versements de l’aide en cause ne pourrait plus prospérer, faute de base juridique.

47      Alitalia conserve dès lors un intérêt à agir sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres arguments invoqués à cet égard.

 Sur le fond

48      Alitalia invoque, en substance, six moyens. Le premier est tiré de vices de procédure, le deuxième d’une violation des droits de la défense, le troisième d’une violation de l’article 233 CE pour non-conformité de la décision attaquée avec l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, le quatrième d’une violation et d’une application erronée des articles 87 CE et 88 CE dans l’application du critère de l’investisseur privé, le cinquième d’une violation de l’article 87, paragraphe 3, CE dans la fixation des conditions de l’aide et le sixième de la violation de l’article 253 CE. Il convient de traiter en premier lieu ce sixième moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

A –  Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

49      Ce moyen se subdivise en substance en deux branches, visant, pour la première, la motivation des conclusions de la décision attaquée et, pour la seconde, celle des conditions qui y sont imposées.

1.     Motivation insuffisante des conclusions de la décision attaquée

a)     Arguments des parties

50      Après avoir rappelé la jurisprudence sur l’obligation pour les institutions communautaires de motiver leurs actes, notamment en matière d’aides d’État, Alitalia fait valoir que la décision attaquée ne peut s’appuyer sur la décision de 1997, car le Tribunal a annulé cette dernière, ce qui produit un effet rétroactif. En conséquence, la décision attaquée devrait trouver en elle-même sa propre légitimité.

51      Or, l’application faite par la Commission du critère de l’investisseur privé en économie de marché ne ressortirait en aucun cas de manière claire de la décision attaquée. S’agissant du taux minimal, la Commission se limiterait à une comparaison avec la situation en cause dans la décision Iberia. Dans la décision attaquée, il ne serait fait aucune référence à la consultation d’investisseurs financiers au sujet de la dernière version du plan de restructuration. La teneur définitive du programme n’aurait pas été prise en considération. Alitalia se réfère, en particulier, à l’accélération du projet concernant Alitalia Team SpA (compagnie à bas coûts), aux accords d’assistance en escale (handling), à la mise en place du projet d’initiatives tarifaires, aux départs de personnel, autant d’aspects dont l’impact pouvait, selon elle, être évalué, puisque six mois s’étaient écoulés depuis le début de la mise à exécution du plan.

52      S’agissant du taux interne, Alitalia soutient que la décision attaquée est tellement peu transparente que le Tribunal devra recourir lui-même à d’autres éléments afin de pouvoir en contrôler la pertinence. Trop peu d’indications seraient ainsi données pour pouvoir apprécier le calcul de la valeur terminale d’Alitalia et celui des coûts d’insolvabilité que l’IRI serait amené à supporter en cas de liquidation d’Alitalia.

53      Alitalia allègue que la Commission aurait pu annexer le rapport de ses consultants de juin 2001 à la décision attaquée ou en inclure l’essentiel dans le corps du texte de cette dernière.

54      Alitalia en conclut que la décision attaquée est gravement entachée d’un défaut de motivation et viole donc l’article 253 CE.

55      La Commission conteste tout au long de ses écritures l’existence d’un défaut de motivation de la décision attaquée. Elle ajoute que les moyens et les arguments d’Alitalia montrent que la motivation a pleinement rempli sa fonction, à savoir permettre aux intéressés de comprendre de quelle manière l’institution a appliqué le traité et, le cas échéant, de défendre leurs droits, tout en permettant au juge communautaire d’exercer son contrôle juridictionnel.

b)     Appréciation du Tribunal

56      Selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Si la Commission n’est pas tenue de répondre, dans la motivation d’une décision, à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative, elle doit néanmoins tenir compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du cas d’espèce, afin de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité et de faire connaître, tant aux États membres qu’aux ressortissants intéressés, les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité (voir arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 94, et la jurisprudence citée).

57      La réponse à la question de savoir si un acte communautaire satisfait à l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. Ainsi, lorsque l’intéressé a été étroitement associé au processus d’élaboration de la décision attaquée et connaît donc les raisons pour lesquelles l’administration a estimé ne pas devoir faire droit à sa demande, l’étendue de l’obligation de motivation est fonction du contexte ainsi créé par une telle participation. Dans une telle hypothèse, les exigences de la jurisprudence en la matière sont fortement atténuées (voir arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke/Commission, T‑504/93, Rec. p. II‑923, point 52, et la jurisprudence citée).

58      Aux fins de l’examen de l’exigence de motivation dans le présent contexte, il convient de préciser que la procédure de contrôle des aides d’État est une procédure ouverte vis-à-vis de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide et que les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, parmi lesquels figure le bénéficiaire de l’aide, ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 61, et la jurisprudence citée).

59      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si la motivation de la décision attaquée répond aux exigences de l’article 253 CE.

60      À cet égard, force est de constater que les faits et les considérations revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée, et permettant de connaître les conditions dans lesquelles la Commission a fait une nouvelle application du critère de l’investisseur privé en économie de marché à la suite de l’annulation par le Tribunal de la décision de 1997, ressortent de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 95).

61      S’agissant de la motivation de la détermination du taux minimal, il y a lieu de renvoyer d’abord aux considérants 24 à 29 de la décision attaquée, dans lesquels sont décrites les raisons fondées sur la situation spécifique d’Alitalia justifiant de fixer le taux minimal à 30 %. Avant d’énoncer les risques spécifiques à l’entreprise, le considérant 25 de la décision attaquée débute en ces termes :

« Dans le cas présent et sur la base des informations en sa possession, notamment des travaux effectués par [ses consultants], la Commission estime que le [taux minimal] est voisin de 30 % en raison de l’importance de la somme en cause et surtout des risques présentés par l’opération. Ce taux d’au moins 30 % intègre en effet la possibilité que le plan ne se déroule pas comme prévu et que le rendement réel de l’investissement […] se révèle en fin de compte sensiblement plus faible. Du reste, le taux ne peut qu’être supérieur au coût des capitaux propres dès lors que ce dernier ne prend pas en compte tous les risques liés à la compagnie. Or, en dépit des améliorations consécutives aux adaptations apportées au plan en février et [en] juin 1997, notifiées à la Commission le 26 juin 1997, Alitalia apparaît comme une entreprise dont le risque spécifique demeure très élevé […] »

62      Aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée, la Commission motive en outre le taux minimal fixé en l’espèce par comparaison avec celui qu’elle avait retenu dans la décision Iberia (voir points 109 à 111 ci-après).

63      Par ailleurs, la décision attaquée contient une motivation formelle sur la prise en compte de la dernière version du plan de restructuration dans l’évaluation du taux minimal.

64      Le considérant 27 de la décision attaquée expose en effet :

« Les dernières modifications apportées au plan par les autorités italiennes en juin 1997 et officiellement transmises à la Commission le 26 juin 1997 ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la valeur du [taux minimal]. Outre la décision des autorités italiennes de faire supporter par Alitalia les frais de départ en préretraite, ces modifications comprennent une accélération de la réduction prévue des coûts de l’entreprise par un transfert plus rapide du personnel d’Alitalia vers Alitalia Team, une réduction de 2 800 à 2 750 milliards de [ITL] du montant total de l’injection de capital ainsi que la cession des participations d’Alitalia dans la compagnie hongroise Mal[é]v et dans six aéroports régionaux italiens. Elles réduisent certes les risques inhérents à l’opération et accroissent la rentabilité de l’injection de capital, mais restent marginales et s’avèrent beaucoup moins substantielles que les premières modifications apportées au plan par les autorités italiennes en février 1997. En effet, les modifications apportées au plan en juin 1997 n’ont qu’une faible incidence sur les principaux résultats du plan et sur les dividendes attendus par les actionnaires […] »

65      La décision attaquée contient ensuite un tableau évaluant cette incidence. Sur ce point aussi, la décision attaquée est donc motivée.

66      S’agissant de la motivation de la détermination du taux interne, elle figure aux considérants 19 à 23 de la décision attaquée, qui exposent les éléments sur lesquels la Commission s’est basée pour son calcul, et notamment au considérant 20 en ce qui concerne les coûts d’insolvabilité et au considérant 22 en ce qui concerne la valeur terminale.

67      Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’Alitalia avait été très étroitement associée à la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision de 1997, procédure qui n’a pas été annulée par le Tribunal (voir points 96 à 101 ci-après). Alitalia avait, en particulier, eu accès aux deuxième et troisième rapports des consultants de la Commission, qu’elle fournit en annexes de la requête dans la présente affaire.

68      S’agissant de l’affirmation d’Alitalia selon laquelle la Commission aurait pu annexer à la décision attaquée le rapport de ses consultants du 1er juin 2001, elle n’est pas pertinente pour étayer en l’espèce un défaut de motivation. Dans la mesure où elle vise une violation des droits de la défense, elle sera examinée dans le cadre des points 164 à 177 ci-après.

69      Il convient en outre de tenir compte du fait que la décision attaquée a été adoptée postérieurement à la décision de 1997, et à un arrêt du Tribunal annulant cette dernière décision, l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 87). Dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, sont décrits les faits à l’origine du litige (points 1 à 12), la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision de 1997 (points 13 à 35) et le contenu de la décision de 1997 (points 36 à 48). La décision attaquée a donc été adoptée dans un contexte bien connu de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, Rec. p. II‑2031, point 97).

70      En conséquence, pour ce qui concerne les éléments mentionnés par Alitalia dans cette première branche, à savoir la détermination du taux minimal et du taux interne, et en définitive la mise en œuvre du critère de l’investisseur privé en économie de marché, force est de constater que la décision attaquée contient une motivation suffisante.

71      Pour le reste, dans la mesure où Alitalia conteste le bien-fondé de la motivation de la détermination du taux minimal et de celle du taux interne, il y a lieu de renvoyer aux points 178 à 370 ci-après.

2.     Défaut de motivation dans la décision attaquée des conditions imposées dans la décision de 1997

a)     Arguments des parties

72      Alitalia fait valoir que la décision attaquée est dépourvue de motivation quant aux conditions subordonnant la compatibilité avec le marché commun de la dotation en capital litigieuse. Elle ajoute que la Commission ne peut prétendre que les motifs retenus en 1997 restaient valables en 2001, dès lors que la différence entre le taux minimal et le taux interne n’était plus de 10 %, mais de 3,9 % seulement. La décision attaquée ne contiendrait aucune évaluation à ce propos. Alitalia précise qu’elle ne conteste pas les conditions telles qu’elles ont été imposées dans la décision de 1997, mais affirme l’impossibilité pour la Commission de réimposer les mêmes conditions dans le cadre de la décision attaquée, sans donner une motivation adéquate à ce sujet.

73      La Commission répond qu’elle a procédé à une motivation par renvoi, comme en attestent les considérants 1 et 36 de la décision attaquée. Par ailleurs, les conditions constitueraient en réalité des engagements des autorités italiennes et ne seraient pas imputables à la Commission, de sorte qu’aucune motivation ne serait requise à cet égard. La Commission ajoute que la motivation de la décision attaquée, bien qu’elle ait été effectuée par renvoi, n’a pas empêché Alitalia de saisir le fondement de la décision attaquée.

b)     Appréciation du Tribunal

74      Les conditions subordonnant la compatibilité avec le marché commun de la dotation en capital litigieuse, telles qu’elles figuraient dans la décision de 1997, sont reprises au considérant 1 de la décision attaquée. Par ailleurs, au considérant 36 de la décision attaquée, la Commission renvoie, pour la motivation, de façon expresse « aux considérants du texte de la décision de 1997 ».

75      Il y a lieu de souligner, à cet égard, qu’Alitalia précise qu’elle ne conteste manifestement pas les conditions telles qu’elles ont été imposées dans la décision de 1997, mais affirme l’impossibilité pour la Commission de réimposer les mêmes conditions dans le cadre de la décision attaquée, sans donner une motivation adéquate à ce sujet.

76      Force est dès lors de constater que la seconde branche de ce moyen soulevé de manière générale par Alitalia ne porte pas sur la forme, qu’elle ne conteste pas, mais sur le fond de la motivation de l’imposition dans la décision attaquée des mêmes conditions que celles qui avaient été imposées dans la décision de 1997. Elle devra donc être examinée dans le cadre des points 399 à 418 ci-après. Des précisions seront, le cas échéant, également apportées dans le cadre de l’examen de chacune desdites conditions en réponse à certaines critiques ponctuelles de la motivation formulées par Alitalia en dehors du cadre du présent moyen.

77      Alitalia n’a dès lors pas établi, dans le cadre de ce moyen à caractère général, de défaut de motivation de la décision attaquée, de sorte que ce moyen doit être rejeté dans son ensemble.

B –  Sur le moyen tiré de la violation de l’article 233 CE

78      Alitalia invoque la violation de l’article 233 CE, à la fois dans le cadre de la première branche de son premier moyen, pour défaut d’ouverture d’une nouvelle procédure d’examen et dans le cadre de son troisième moyen. Il y a lieu de les examiner ensemble.

1.     Arguments des parties

79      Alitalia fait valoir que, à la suite d’un arrêt d’annulation, l’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, peut comporter une remise de la partie requérante dans la situation dans laquelle elle se trouvait antérieurement à l’acte.

80      Selon Alitalia, il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 233 CE impose à l’institution de se conformer à l’arrêt d’annulation en tenant compte aussi bien du dispositif que des motifs de l’arrêt et en appréciant minutieusement les effets de l’arrêt d’annulation sur les phases précédentes de la procédure. L’institution ne pourrait reprendre la procédure à partir du stade où le vice, qui a été censuré par le juge, est intervenu, que s’il s’agit d’un vice de forme ou de procédure. L’institution serait tenue de rouvrir la procédure ab initio lorsqu’elle ne dispose pas des éléments d’instruction nécessaires pour procéder à une nouvelle appréciation du cas examiné.

81      Or, dans le cas d’espèce, les vices censurés par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, auraient un caractère substantiel, de sorte que la Commission aurait l’obligation d’ouvrir une nouvelle procédure d’examen.

82      À l’appui de cette affirmation, Alitalia allègue, tout d’abord, que le Tribunal a censuré les appréciations de fond de la Commission sur deux points essentiels, à savoir l’absence de prise en compte des coûts d’insolvabilité, d’une part, et de la dernière version du plan de restructuration présentée en juin 1997, d’autre part.

83      Par ailleurs, selon Alitalia, la Commission devait en toute hypothèse rouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, parce qu’elle ne disposait pas d’un éventail complet et non controversé d’éléments d’instruction et que l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun suscitait de sérieuses difficultés qui n’avaient pas été surmontées au cours de la phase préliminaire. Alitalia estime, en particulier, qu’un nouveau sondage auprès des investisseurs institutionnels était nécessaire pour déterminer le taux minimal. La nécessité d’acquérir de nouveaux éléments d’analyse impliquait aussi, selon elle, le recours par la Commission à une nouvelle expertise technique en assurant un débat contradictoire avec Alitalia et les autorités italiennes.

84      La Commission aurait aussi violé l’article 233 CE en déformant manifestement le contenu de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, que la décision attaquée ne respecterait pas.

85      Ainsi, dans la décision attaquée, les coûts d’insolvabilité seraient évalués à 750 milliards de ITL alors que, selon l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, ils s’élèveraient à 1 140 milliards de ITL. Ce chiffre de 750 milliards de ITL n’aurait pas fait l’objet de débat contradictoire, n’aurait pas figuré dans la décision de 1997 et n’aurait pas été accepté par Alitalia.

86      Quant à la dernière version du plan de restructuration, Alitalia fait valoir que, afin de respecter l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, la Commission était obligée, en refaisant les calculs pour tenir compte de cette version du plan, de partir de l’idée désormais irréfutable que celle-ci améliorait la rentabilité de l’opération litigieuse et réduisait ses risques. Alitalia allègue que le taux interne devait en conséquence être augmenté et le taux minimal diminué. La Commission ne pouvait donc, de l’avis d’Alitalia, aboutir à la conclusion que ces dernières modifications n’avaient « qu’une faible incidence » sur les paramètres susmentionnés et laisser les calculs inchangés.

87      En particulier, la Commission n’aurait pas quantifié l’incidence, quant aux risques, des dernières modifications apportées au plan de restructuration. Le taux minimal serait ainsi demeuré inchangé. De plus, la Commission n’aurait pas recommencé les étapes qui l’avaient amenée à fixer initialement ce taux à 30 %. Elle n’aurait pas modifié son appréciation quant à la correspondance des situations respectives d’Alitalia et d’Iberia et n’aurait procédé à aucune nouvelle consultation.

88      S’agissant du taux interne, Alitalia fait observer que le taux de 26,1 % figurant au considérant 23 de la décision attaquée est identique à celui qui avait été obtenu au terme du calcul annexé par la Commission à la duplique dans l’affaire T‑296/97. Celui-ci aurait donc simplement été « recyclé » dans la décision attaquée et ne prendrait pas en considération tous les éléments de la dernière version du plan de restructuration.

89      Par ailleurs, les considérations du Tribunal sur le défaut de motivation de la transposition à Alitalia dans la décision de 1997 du taux minimal appliqué dans la décision Iberia mettraient en cause la base même du raisonnement de la Commission. Selon Alitalia, le Tribunal ne s’est pas limité, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, à censurer la décision de 1997 pour insuffisance de motivation. Il aurait critiqué le recours même à la comparaison entre Alitalia et Iberia. Le Tribunal aurait relevé une véritable contradiction entre, d’une part, le choix fait par la Commission de retenir pour Alitalia le taux minimal appliqué dans la décision Iberia et, d’autre part, les appréciations de la Commission et de ses consultants sur les risques moindres que le plan de restructuration d’Alitalia présentait par rapport à celui d’Iberia. Le Tribunal aurait, en conséquence, jugé qu’il n’était pas justifié de fixer le taux minimal applicable à Alitalia à 30 % par référence à celui qui avait été retenu pour Iberia. La décision attaquée serait donc implicitement en contradiction avec l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, au lieu de s’y conformer comme le lui impose l’article 233 CE. En élaborant une nouvelle motivation au soutien de ce taux minimal disproportionné, la Commission créerait aussi des justifications nouvelles qu’elle n’avait jamais exprimées au cours de la procédure administrative et que le Tribunal devrait donc rejeter.

90      La Commission soutient que les griefs formulés par Alitalia se fondent sur une mauvaise compréhension de la portée et des effets de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, ainsi que des obligations découlant de l’article 233 CE pour la Commission. L’annulation prononcée par le Tribunal concernerait uniquement l’appréciation finale effectuée par la Commission et non la procédure d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision de 1997. L’illégalité de la décision de 1997 ne s’étendrait donc pas aux actes préparatoires, de sorte que la Commission pouvait, et même devait, reprendre la procédure d’examen au point précis où l’illégalité était survenue, c’est-à-dire au moment de l’adoption définitive de la décision de 1997.

91       En particulier, le Tribunal se serait borné, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, à censurer un vice de motivation, sans contester que les situations d’Alitalia et d’Iberia pouvaient être comparables. Au demeurant, le choix de retenir, dans la décision attaquée, un taux minimal de 30 % reposerait sur la situation propre d’Alitalia et ne résulterait pas d’un renvoi pur et simple au cas d’Iberia.

92      Il ressortirait du considérant 20 de la décision attaquée que les coûts d’insolvabilité ont été inclus dans le calcul du taux interne. La Commission rappelle que le tableau élaboré par ses soins dans le cadre de l’affaire T‑296/97, et reproduit par Alitalia en annexe à la requête dans la présente affaire, faisait déjà état de l’inclusion de ces coûts dans le calcul du taux interne. La Commission explique qu’elle a cru pouvoir déduire l’accord d’Alitalia sur le montant de 750 milliards de ITL du fait que cette dernière ne l’avait pas contesté dans le cadre de l’affaire T‑296/97, alors qu’elle en avait fait état dans ses écritures. La Commission prend acte que tel n’est pas le cas tout en affirmant que ce fait est dénué de pertinence en l’espèce, puisqu’il ne sert pas à fonder le raisonnement exposé dans la décision attaquée. La Commission précise par ailleurs que les raisons qui l’ont amenée à fixer le montant de ces coûts à 750 milliards de ITL figurent au considérant 20 de la décision attaquée et avaient été présentées dans les rapports de ses consultants des 21 février et 18 juin 1997, produits par Alitalia en annexe à la requête.

93      La Commission affirme avoir procédé au réexamen du taux interne et du taux minimal à la lumière des modifications apportées dans la dernière version du plan de restructuration. Elle fait observer que le taux interne, qui s’élevait dans la décision de 1997 à 20 %, a été fixé à 26,1 % dans la décision attaquée, à la suite de l’inclusion des coûts d’insolvabilité dans son calcul. Aux considérants 19 à 23 de la décision attaquée, la Commission aurait précisé les éléments pertinents du calcul.

94      La Commission souligne ensuite que la détermination du taux minimal dépend notamment d’éléments subjectifs, comme l’attitude de l’investisseur face au risque, de sorte que toute nouvelle consultation, effectuée a posteriori, aurait été faussée par la connaissance de l’évolution du secteur en général et de l’entreprise concernée en particulier. Les consultants de la Commission auraient néanmoins effectivement pris en considération les modifications apportées par la dernière version du plan de restructuration et auraient estimé que leurs effets économiques et financiers n’étaient pas de nature à modifier le taux minimal, fixé à l’origine à 30 %.

95      La Commission rappelle encore que la fixation du taux minimal qu’exigerait un investisseur privé suppose une prévision et non une évaluation a posteriori. Il s’ensuivrait que les résultats de l’année 1997 ne pourraient être pris en considération.

96      En toute hypothèse, la Commission allègue que, même en présence d’un vice de fond dans l’acte annulé, il est possible de fonder une nouvelle décision sur une procédure d’examen réalisée précédemment lorsque les faits à apprécier sont rigoureusement les mêmes que ceux déjà examinés dans la décision initiale. Elle soutient, à cet égard, qu’il aurait été irréaliste d’effectuer en 2001 une nouvelle enquête auprès des investisseurs institutionnels, afin de déterminer rétrospectivement le taux minimal qu’ils auraient jugé approprié s’ils s’étaient prononcés en 1997 à la lumière des dernières modifications du plan de restructuration.

2.     Appréciation du Tribunal

97      En application de l’article 233 CE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation.

98      Afin de se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, les institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que les institutions concernées doivent prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27).

99      La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêt de la Cour du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, Rec. p. I‑8147, point 82, et la jurisprudence citée).

100    Selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte communautaire n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires (arrêt de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 34). L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation (voir arrêt du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, point 91, et la jurisprudence citée).

101    Lorsque, malgré des actes d’instruction permettant une analyse exhaustive de la compatibilité de l’aide, l’analyse effectuée par la Commission s’avère incomplète et entraîne ainsi l’illégalité de la décision, la procédure visant à remplacer cette décision peut être reprise à ce point en procédant à une nouvelle analyse des actes d’instruction (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Commission, point 100 supra, point 34).

102    C’est à la lumière de ces principes dégagés par la jurisprudence qu’il y a lieu de vérifier, le dispositif de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, contenant une décision d’annulation, si la Commission a, dans la décision attaquée, pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt et, dans ce cadre, notamment d’examiner si les motifs de cet arrêt obligeaient ou non la Commission à reprendre toute la procédure ab initio.

103    À cet égard, il convient de souligner d’abord que, contrairement à ce qu’affirme Alitalia, la jurisprudence ne subordonne pas la possibilité de ne pas reprendre toute la procédure précédant l’adoption d’un acte pris en remplacement d’un autre à la condition que ce dernier ait été annulé pour vices de procédure (arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, point 100 supra, point 91).

104    Dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, le Tribunal a clairement souligné que « [l]a méthode appliquée par la Commission dans la décision [de 1997] ne saurait être critiquée en tant que telle » (point 99). Le Tribunal a néanmoins annulé la décision de 1997 au motif que cette dernière était entachée d’« un défaut de motivation pour autant qu’elle ret[enait] pour l’investissement de l’IRI le même taux minimal que celui déterminé dans la décision Iberia » (point 137). Il a, en outre, annulé la décision de 1997 au motif que la Commission avait commis deux erreurs manifestes d’appréciation en considérant, pour la première, « sur la base des motifs avancés dans la décision [de 1997], que les coûts d’insolvabilité relatifs aux prêts accordés par la Cofiri [qui est une société du groupe IRI] devaient être exclus du calcul du taux interne » (point 150) et, pour la seconde, « que les modifications apportées au plan de restructuration en juin 1997, qui, de son propre aveu, réduisaient encore les risques inhérents à ce plan et amélioraient la rentabilité de l’entreprise, n’avaient aucune incidence sur le calcul du taux minimal et du taux interne et, partant, sur l’appréciation du point de savoir si l’investissement de l’IRI satisfaisait au critère de l’investisseur privé » (point 169).

105    Il convient d’examiner les motifs qui ont amené le Tribunal à ces conclusions dans l’arrêt Alitalia I.

106    S’agissant, en premier lieu, du défaut de motivation relatif à la fixation du taux minimal, il y a lieu d’observer que, avant d’examiner ce moyen soulevé par la requérante, le Tribunal a apprécié et rejeté les griefs de la requérante relatifs aux éléments sur lesquels la Commission et ses consultants s’étaient fondés pour fixer le taux minimal. En particulier, le Tribunal a souligné qu’« aucun élément avancé par la requérante ne permet[tait] de mettre en doute que les experts qui [avaient] été consultés par [les consultants de la Commission] ne disposaient pas des informations nécessaires pour évaluer le taux minimal en l’espèce » (point 121).

107    Dans le cadre de son examen du défaut de motivation, après avoir rappelé les considérations qui avaient amené la Commission à fixer le taux minimal à un niveau de 30 % dans la décision Iberia (point 128), le Tribunal a souligné que la requérante avait, tout au long de la procédure administrative, soutenu que sa situation n’était pas comparable à celle d’Iberia, en insistant notamment sur le fait que les éléments d’incertitude qui caractérisaient l’affaire Iberia ne se présentaient pas dans son cas (point 131). Le Tribunal a cependant constaté que « la Commission n’a[vait] pas expliqué dans la décision [de 1997] pourquoi elle estimait nécessaire d’appliquer à l’investissement de l’IRI le même taux minimal de 30 % qu’elle avait retenu dans la décision Iberia, alors que des constatations faites dans la décision [de 1997] donn[ai]ent à penser, notamment, que plusieurs des facteurs de risque qui [avaie]nt amené la Commission, dans la décision Iberia, à fixer le taux minimal à ce niveau ‘très élevé et bien supérieur aux taux constatés sur le marché’ n’étaient pas présents ou présents dans une moindre mesure dans le cas d’Alitalia » (point 136). Le Tribunal en a conclu que la décision de 1997 était entachée d’un défaut de motivation.

108    Il ressort de l’examen de ce premier motif d’annulation qu’il ne met pas en cause la procédure d’examen qui a conduit à la fixation du taux minimal de 30 %. Contrairement à ce qu’affirme Alitalia, le Tribunal n’a pas davantage considéré que le taux minimal ne pouvait pas être fixé à 30 % ni invalidé toute comparaison entre Iberia et Alitalia. Il en résulte que ce premier motif d’annulation de la décision de 1997 par le Tribunal ne faisait pas obstacle à la réfection de l’acte sur la base des éléments disponibles en le dotant d’une motivation plus circonstanciée.

109    Or, dans la décision attaquée, après avoir décrit longuement, aux considérants 25 à 29, les raisons, fondées sur la situation spécifique d’Alitalia, justifiant de fixer le taux minimal à 30 %, et constaté au considérant 30, que ce taux était identique à celui qui avait été retenu par la Commission dans la décision Iberia, la Commission expose pourquoi elle « estime que les risques présentés par l’injection de capital dont a bénéficié Alitalia en juillet 1997 sont au moins aussi importants que ceux présentés par l’injection de capital dont Iberia a bénéficié en janvier 1996 ». La Commission poursuit la comparaison au considérant 31 de la décision attaquée.

110    À cet égard, en ce qui concerne la situation sociale des deux entreprises évoquée par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, la Commission précise désormais qu’elle « peut sembler très voisine aux yeux d’un investisseur ». Elle souligne que « [c]elui-ci remarquerait sans doute que les partenaires sociaux se sont dans les deux cas engagés à accepter dans une certaine mesure des améliorations de la productivité et une diminution des coûts de production dans le cadre du plan, mais [qu’]il prendrait surtout en considération les troubles sociaux qui ont marqué la vie des deux compagnies aériennes au cours des années précédant l’injection de capital ainsi que le besoin auquel elles font conjointement face de modifier leur culture d’entreprise publique restée longtemps en situation de monopole et de l’adapter aux nouvelles conditions du marché » (considérant 31 de la décision attaquée).

111    En ce qui concerne ensuite le caractère réaliste du plan de restructuration d’Alitalia par rapport à l’incertitude qui aurait caractérisé la recapitalisation d’Iberia, différence également évoquée par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, la Commission expose, toujours au considérant 31 de la décision attaquée, que « les facteurs de risque qui caractérisent Iberia sont largement contrebalancés, aux yeux d’un investisseur, par la double incertitude à laquelle fait face Alitalia en ce qui concerne les conditions de son développement à Malpensa, partie essentielle du plan, et en ce qui concerne les effets de la libéralisation du marché intérieur italien de l’aviation civile ». Elle rappelle, à cet égard, que « le marché intérieur espagnol de l’aviation civile a été libéralisé plusieurs années avant le marché intérieur italien et [qu’]il [était] déjà possible, en 1996, de mesurer les effets de cette libéralisation sur Iberia alors que l’impact, sur Alitalia, de l’ouverture du marché intérieur italien demeure très aléatoire en 1997 ». La Commission ajoute « qu’Iberia possède une place privilégiée sur le marché entre l’Europe et l’Amérique latine et qu’Alitalia ne dispose pas d’un atout comparable ».

112    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission s’est conformée à l’article 233 CE en motivant à cet égard la décision attaquée.

113    S’agissant, en second lieu, des deux erreurs manifestes d’appréciation, le Tribunal a constaté d’abord dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, « que, dans la décision [de 1997], la Commission affirm[ait] que, aux fins du calcul du taux interne, elle a[vait] exclu les coûts d’insolvabilité » (point 142). Il a exposé ensuite les motifs qui ont conduit la Commission à cette exclusion (point 144), avant de les rejeter et d’ajouter que le raisonnement de la Commission concernant les coûts d’insolvabilité était circulaire (points 146 à 149). Le Tribunal en a conclu que « la Commission a[vait] commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, sur la base des motifs avancés dans la décision de 1997, que les coûts d’insolvabilité relatifs aux prêts accordés par la Cofiri devaient être exclus du calcul du taux interne » (point 150). Le Tribunal a ensuite rejeté l’argument de la requérante tiré du calcul prétendument erroné du taux interne en raison du fait que la Commission l’aurait contrainte à prendre à sa charge le coût de la mise à la retraite anticipée de 700 de ses travailleurs (points 152 à 156).

114    Force est de constater que, sans remettre en cause la procédure d’examen, ni l’exactitude des données de base recueillies au cours de celle-ci, en particulier les coûts d’insolvabilité, le Tribunal a censuré, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, l’absence de prise en compte de ces coûts d’insolvabilité dans le calcul du taux interne.

115    Cette erreur commise dans la sélection et le traitement final des informations disponibles était réparable par l’inclusion de ces coûts dans le calcul du taux interne. C’est dès lors à bon droit que la Commission expose, au considérant 20 de la décision attaquée, qu’il convient de procéder à une telle inclusion en l’espèce.

116    La Commission estime l’ensemble des coûts d’insolvabilité à 750 milliards de ITL, montant qu’Alitalia ne saurait prétendre découvrir dans la décision attaquée sans avoir eu la possibilité d’en débattre. En effet, dès le rapport du 21 février 1997 (fourni par Alitalia en annexe à la requête et considéré par le Tribunal comme faisant partie intégrante de la motivation de la décision de 1997), les consultants de la Commission affirmaient en conclusion de leur analyse des coûts d’insolvabilité que leur montant ne devait pas dépasser 750 milliards de ITL au lieu des 1 140 milliards de ITL avancés par Alitalia.

117    Force est de constater, à cet égard, que, comme l’admet du reste Alitalia, le Tribunal ne s’était pas prononcé, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, sur la pertinence de ce montant de 750 milliards de ITL. Il n’avait cependant pas davantage avalisé le montant de 1 140 milliards de ITL allégué par Alitalia à l’appui de son premier recours (point 138). Il ne saurait donc être déduit de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, que, pour se conformer à ses motifs, la Commission devait prendre en compte tel ou tel montant au titre des coûts d’insolvabilité.

118    Par ailleurs l’affirmation, contenue au considérant 20 de la décision attaquée, selon laquelle Alitalia aurait accepté le chiffre de 750 milliards de ITL, a été supprimée de la décision attaquée par un rectificatif (voir point 22 ci-dessus).

119    Il convient d’observer en outre que, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (point 150), le Tribunal a conclu à une erreur manifeste d’appréciation « sur la base des motifs avancés dans la décision [de 1997] ». En d’autres termes, le Tribunal n’a pas exclu que la Commission pouvait invoquer des motifs plus pertinents.

120    Le Tribunal a de plus rappelé que « dans le cadre du contentieux de l’annulation, il [ne lui] appart[enait] pas [...] de réévaluer le taux interne pour l’investissement et d’apprécier si ledit taux, dans l’hypothèse où les coûts d’insolvabilité auraient été inclus dans son calcul, resterait inférieur au taux minimal » (point 151). Le Tribunal n’a dès lors pas non plus exclu que le taux interne reste inférieur au taux minimal.

121    Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission s’est donc conformée par la décision attaquée à l’article 233 CE en incluant, sans reprendre la procédure d’examen ab initio, les coûts d’insolvabilité dans le calcul du taux interne.

122    Enfin, concernant la prise en compte des dernières modifications apportées au plan de restructuration en juin 1997, le Tribunal a d’abord examiné, dans l’arrêt Alitalia I, point 7 supra, la chronologie des événements (points 158 à 161). Il a ensuite exposé les arguments de la Commission selon lesquels les dernières modifications apportées au plan de restructuration ne pouvaient pas avoir une incidence décisive (point 163). Il a rejeté cette argumentation au motif qu’elle se rapportait à des événements intervenus après l’adoption de la décision [de 1997] (point 164). Enfin, le Tribunal a exposé que, comme le décrivait la Commission, le taux minimal était directement proportionnel au risque inhérent à l’investissement et que le taux interne exprimait, selon la Commission, la rentabilité fondamentale de l’opération. Le Tribunal a cependant ajouté que « la Commission a[vait] elle-même constaté dans la décision [de 1997] que les dernières améliorations apportées au plan de restructuration en juin 1997 réduis[aient] encore les risques inhérents au plan de restructuration et accroiss[aient] encore la rentabilité de l’injection de capital ». Il a souligné qu’« [i]l appara[issait] donc que ces dernières modifications [étaient] de nature à faire augmenter le taux interne (rentabilité accrue) et à faire descendre le taux minimal (risques réduits) » (point 167). Dans ces conditions, le Tribunal a considéré que la Commission aurait dû réévaluer le taux minimal et le taux interne sur la base de la dernière version du plan de restructuration pour pouvoir apprécier correctement si l’investissement de l’IRI satisfaisait au critère de l’investisseur privé (point 168). Le Tribunal en a conclu que « la Commission a[vait] commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les modifications apportées au plan de restructuration en juin 1997, qui de son propre aveu, réduisaient encore les risques inhérents à ce plan et amélioraient la rentabilité de l’entreprise, n’avaient aucune incidence sur le calcul du taux minimal et du taux interne et, partant, sur l’appréciation du point de savoir si l’investissement de l’IRI satisfaisait au critère de l’investisseur privé » (point 169).

123    Il ressort de ce qui précède que, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, c’est au stade final de la prise de décision, après les dernières améliorations apportées au plan de restructuration, que se situe l’erreur d’appréciation constatée par le Tribunal. Ce dernier ne remet pas en cause la procédure d’examen, notamment en ce qui concerne la collecte et la connaissance des données relatives à ces dernières améliorations. Il ne se prononce pas davantage sur le taux minimal, ni sur le taux interne calculés dans les précédents rapports des consultants de la Commission. Contrairement à ce qu’avance Alitalia, le Tribunal ne donne pas d’indications sur ce que devraient être ces taux. Au contraire, il affirme qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre du contentieux de l’annulation, « de réévaluer le taux minimal et le taux interne pour l’investissement et de se prononcer sur le point de savoir si un investisseur privé aurait été amené à faire l’investissement que l’IRI se proposait d’effectuer au moment de l’adoption de la décision [de 1997] » (point 170).

124    L’obligation imposée à la Commission par l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, portait donc sur la prise en compte de la dernière version du plan de restructuration dans le calcul du taux minimal et du taux interne. Il y a dès lors lieu de vérifier si la Commission s’y est conformée.

125    S’agissant de la fixation du taux minimal, il ressort du considérant 27 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte à cet effet des modifications du plan concernant la prise en charge, par Alitalia, du coût du programme de préretraite, l’accélération de la réduction des coûts du personnel par un transfert plus rapide du personnel d’Alitalia vers Alitalia Team, la réduction de l’injection de capital de 2 800 à 2 750 milliards de ITL ainsi que la cession des participations d’Alitalia dans la compagnie hongroise Malév et dans six aéroports régionaux italiens.

126    La Commission a aussi chiffré l’incidence de ces modifications, toujours au considérant 27 de la décision attaquée.

127    Aux considérants 25 à 28 de la décision attaquée, la Commission a toutefois invoqué une série de circonstances accroissant, selon elle, les risques de l’opération et donc neutralisant les effets des modifications en cause.

128    S’agissant de la fixation du taux interne, Alitalia laisse entendre que le taux de 26,1 % figurant au considérant 23 de la décision attaquée ne serait que la reproduction d’un taux déjà fixé antérieurement par la Commission. Celle-ci n’aurait donc pas réévalué ce taux à la lecture de la dernière version du plan de restructuration, comme l’exigeait pourtant l’arrêt Alitalia I, point 8 supra.

129    Or, il convient de relever que la Commission avait fixé à un pourcentage proche de 20 % le taux interne dans la décision de 1997 (point VII, huitième alinéa). Le taux de 26,1 % n’est dès lors pas la reproduction du taux pris en compte dans le cadre de la première procédure clôturée par l’arrêt Alitalia I, point 8 supra.

130    Il ressort de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, que la Commission avait allégué, « dans [l]a duplique, que ce taux, recalculé sur la base de la dernière version du plan [atteignait] au maximum un niveau de 26,1 %, incluant même les coûts d’insolvabilité » (point 163). Un tableau était joint en annexe à ce mémoire. Le Tribunal n’a pas pris en compte ce pourcentage pour la seule raison que, selon la jurisprudence, « afin d’apprécier la légalité de la décision attaquée, le Tribunal pren[ait] en considération les seuls éléments dont la Commission disposait au moment où elle a adopté la décision attaquée » et que « [t]oute argumentation de la Commission se rapportant à des événements qui s[‘étaient] produits après l’adoption de la décision [de 1997] d[evait] donc être écartée » (point 164).

131    Il en résulte que la Commission avait, au stade de la duplique dans l’affaire T‑296/97, déjà recalculé ce taux sur la base de la dernière version du plan en le chiffrant à 26,1 %, mais que le Tribunal, sans l’examiner, avait écarté la possibilité d’en tenir compte dès lors qu’il ne figurait pas dans la décision de 1997. Il ne saurait être déduit de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, que ce taux de 26,1 % ne prenait pas en considération la dernière version du plan de restructuration.

132     Rien n’empêchait donc la Commission de se reporter, à cet égard, au tableau élaboré par ses soins dans le cadre du précédent recours, dans l’affaire T‑296/97, et reproduit par Alitalia en annexe à la requête dans la présente affaire. La Commission a cependant jugé utile de s’adresser aux consultants qu’elle avait déjà sollicités avant l’adoption de la décision de 1997 en leur demandant, notamment, de procéder « à un calcul du taux de rendement interne de l’injection de capital et à une estimation du taux minimal requis qui tiennent compte de la motivation de l’arrêt [Alitalia I, point 8 supra] » (considérant 10 de la décision attaquée).

133    Dans leur rapport du 1er juin 2001, joint en annexe au mémoire en défense, les consultants de la Commission exposent que les flux envisagés en annexe à la duplique relative à l’affaire T‑296/97 correspondaient à ceux fournis par Alitalia dans la dernière version du plan de juin 1997, à l’exception de la valeur terminale de la société à la fin de l’année 2000, et ce pour des raisons liées au taux de croissance de la société après cette année et à la valeur différente attribuée au flux de caisse « normalisé » de l’année 2000. Par ailleurs, les flux de caisse négatifs résultant de la souscription des augmentations de capital prévues pour juin 1997 (1 000 milliards de ITL), mars 1998 (500 milliards de ITL) et mars 1999 (250 milliards de ITL) ont été actualisés en utilisant un taux sans risque (risk free rate). De plus, deux scénarios ont été envisagés quant au montant de la participation de l’IRI, à savoir 79 ou 86 %.

134    La Commission expose également, aux considérants 19 à 23 de la décision attaquée, comment elle est parvenue au taux interne de 25,2 ou de 26,1 %, suivant l’hypothèse envisagée. Elle précise notamment, au considérant 22, sa manière de déterminer la valeur d’Alitalia à la fin de l’année 2000.

135    Il s’ensuit que ni les consultants de la Commission ni cette dernière ne se sont contentés de reproduire leurs précédents calculs.

136    Par ailleurs, il ressort aussi du rapport du 1er juin 2001 que les consultants de la Commission ont pris en compte la réduction de l’augmentation de capital, la cession d’autres participations, l’accélération de la restructuration d’Alitalia et la prise en charge par Alitalia du coût du régime de retraite anticipée. Ils ont chiffré les effets de ces nouvelles hypothèses sur les principales données économiques du plan.

137    Pour le reste, la Commission ne pouvait pas tenir compte d’éléments dont elle ne disposait pas lors de l’adoption de la décision de 1997 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 71). Elle ne devait donc pas prendre en considération la période d’exécution du plan intervenue entre la décision de 1997 et la décision attaquée.

138    En conclusion, s’agissant de ce dernier motif d’annulation de la décision de 1997 dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, la Commission s’est également conformée à l’article 233 CE.

139    En application de la jurisprudence citée aux points 98 à 101 et 137 ci-dessus, les faits à apprécier étant les mêmes que ceux examinés dans la décision de 1997 et le Tribunal n’ayant pas censuré la procédure d’examen, la Commission pouvait reprendre celle-ci au stade où le défaut de motivation et les erreurs d’appréciation ont été constatés par le Tribunal. Il lui suffisait, pour se conformer à l’article 233 CE et respecter le dispositif et les motifs de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, de motiver le choix du même taux minimal que dans la décision Iberia, d’inclure les coûts d’insolvabilité dans le calcul du taux interne et de prendre en compte la dernière version du plan de restructuration pour le calcul du taux minimal et du taux interne.

140    Aucun des arguments avancés par Alitalia ne remet en cause cette conclusion.

141    En effet, s’agissant, tout d’abord, de l’argument selon lequel la Commission devait rouvrir la procédure formelle d’examen, dans la mesure où elle ne disposait pas d’informations complètes non controversées, il convient de souligner que la Commission avait ouvert la procédure formelle d’examen visée par l’article 88, paragraphe 2, CE, le 9 octobre 1996, et que cette procédure avait été clôturée par la décision de 1997.

142    La décision de 1997 ayant été annulée par le Tribunal, la procédure visant à remplacer un tel acte pouvait ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité était intervenue. La Commission n’était pas tenue, à la suite de l’annulation par le Tribunal de la décision de 1997, de recommencer la procédure en remontant au-delà du point précis auquel l’illégalité sanctionnée était intervenue (voir point 99 ci-dessus). Or, en l’espèce, les illégalités sanctionnées par le Tribunal ne remontent pas à l’ouverture de la procédure.

143    S’agissant, ensuite, du caractère prétendument indispensable, après les modifications apportées au plan de restructuration par la version du 26 juin 1997, de la publication au Journal officiel d’une nouvelle communication et de la réouverture de la procédure formelle d’examen, en vue de consulter à nouveau les investisseurs financiers et les experts, il convient d’observer qu’aucune disposition du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), ne prescrit une réouverture de la procédure lorsque des modifications sont apportées au projet initial en cours d’examen formel, alors même que de telles modifications sont envisagées à l’article 7, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 659/1999.

144    Par ailleurs, il ressort de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, notamment des points 123, 133, 143 et 163 à 167, que le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir motivé ou pris en considération des éléments dont elle disposait et dont elle avait connaissance. Disposant des éléments nécessaires à la nouvelle analyse requise par le Tribunal, et en particulier des dernières améliorations apportées au plan de restructuration en juin 1997 (point 167), la Commission n’avait pas l’obligation de recommencer l’instruction de l’affaire, ni même de la compléter par une nouvelle consultation des investisseurs et des experts ou par une nouvelle expertise technique.

145    À cet égard, contrairement à ce qu’affirme Alitalia, il ressort du document produit par la Commission à la demande du Tribunal et définissant la mission confiée à ses consultants après l’annulation de la décision de 1997, que la Commission ne les avait pas chargés de recueillir des informations nouvelles, mais de compléter et de mettre à jour leur précédent rapport en incluant les coûts d’insolvabilité dans le calcul du taux interne et en tenant compte des effets éventuels des modifications apportées au plan dans la dernière version de juin 1997 pour le calcul du taux interne et du taux minimal. Il est également spécifié dans la description de la mission confiée aux consultants de la Commission que ces derniers avaient déjà effectué la plus grande partie du travail lorsqu’ils avaient contribué à la rédaction de la duplique déposée par la Commission le 13 juillet 1999 dans l’affaire T‑296/97.

146    De plus, il serait en tout état de cause contraire à la jurisprudence d’obliger la Commission à rouvrir la procédure pour rechercher des éléments postérieurs à l’adoption de la décision de 1997. En effet, pour rechercher si l’État a adopté ou non le comportement d’un investisseur avisé dans une économie de marché, il y a lieu de se replacer dans le contexte de l’époque à laquelle les mesures de soutien financier ont été prises pour évaluer la rationalité économique du comportement de l’État et donc de s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure (voir point 137 ci-dessus).

147    Il s’ensuit que la première branche du premier moyen tiré de l’existence de vices de procédure et le troisième moyen pris de l’absence de conformité de la décision attaquée avec l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, ne sont pas fondés.

C –  Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation d’adopter une décision dans le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999

1.     Arguments des parties

148    Alitalia fait valoir, dans la seconde branche de son premier moyen, que, après l’annulation de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, la Commission avait deux mois pour adopter une décision, en application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999. Or, la Commission aurait violé cette obligation.

149    Alitalia ajoute que le principe de sécurité juridique serait méconnu s’il était permis à une institution de choisir librement les délais d’exécution d’un arrêt annulant une décision adoptée en matière d’aide d’État. Ce serait d’autant plus vrai que la Commission n’ayant pas fait usage du droit de former un pourvoi contre l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, devant la Cour, l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, avait acquis force de chose jugée, de sorte qu’Alitalia pouvait considérer que sa situation juridique était définitivement clarifiée.

150    L’inaction de la Commission entre la notification de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, et l’adoption de la décision attaquée aurait au demeurant emporté décision implicite de compatibilité de l’aide litigieuse, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999.

151    Dans la réplique, Alitalia ajoute que, à supposer que la Commission n’ait pas eu l’obligation de rouvrir la procédure formelle d’examen de l’opération litigieuse et donc que l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999 s’appliquait, la durée globale de la procédure était de toute manière excessive. Il aurait, en effet, fallu à la Commission près de dix-neuf mois, à compter de la notification du projet d’aide, pour parvenir, en l’espèce, à une décision définitive. Un peu plus de sept mois se seraient également écoulés entre le prononcé de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, et l’adoption de la décision attaquée. Un tel délai serait déraisonnable, puisque la Commission se serait limitée à réévaluer les résultats de la procédure d’examen et qu’elle serait demeurée inactive pendant les quatre premiers mois.

152    Pour la Commission, la prémisse sur laquelle repose la seconde branche du premier moyen est à l’évidence erronée. L’arrêt Alitalia I, point 8 supra, n’aurait pas ramené la procédure au stade de la phase préliminaire, mais à la conclusion de la procédure formelle d’examen. Il s’ensuivrait que la Commission n’était pas soumise au délai impératif de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999, mais au délai non péremptoire de dix-huit mois visé à l’article 7, paragraphe 6. En l’occurrence, le délai total d’un peu plus de seize mois qui a été nécessaire pour l’adoption de la décision attaquée serait ainsi inférieur à ce dernier.

153    Au demeurant, la jurisprudence reconnaîtrait à l’institution dont l’acte est annulé un délai raisonnable pour exécuter l’arrêt d’annulation. Le délai dont disposait la Commission en l’espèce ne saurait donc être déduit automatiquement de l’article 7, paragraphe 6, du règlement n° 659/1999. Il conviendrait au contraire de prendre en considération la nature et l’importance des mesures nécessaires à l’adoption d’une nouvelle décision.

154    Selon la Commission, l’argument qu’Alitalia tire de la réplique du dépassement d’un « délai raisonnable » est un moyen nouveau. Soulevé tardivement, il serait irrecevable et, de surcroît dénué de fondement.

2.     Appréciation du Tribunal

155    L’obligation de l’institution communautaire d’exécuter un arrêt d’annulation rendu par le juge communautaire découle de l’article 233 CE. Il a été reconnu par la Cour que cette exécution exigeait l’adoption d’un certain nombre de mesures administratives et ne pouvait normalement s’effectuer de manière immédiate, et que l’institution disposait d’un délai raisonnable pour se conformer à un arrêt annulant une de ses décisions. La question de savoir si le délai a été raisonnable ou non dépend de la nature des mesures à prendre ainsi que des circonstances contingentes de l’espèce (voir arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission, T‑73/95, Rec. p. II‑381, point 41, et la jurisprudence citée).

156    En l’espèce, il s’est écoulé un peu plus de sept mois entre le prononcé de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, et l’adoption de la décision attaquée. Or, ce délai ne saurait être considéré comme excessif pour tirer les conséquences pratiques de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, notamment en faisant, sur la base des éléments disponibles, une nouvelle application du critère de l’investisseur privé en économie de marché – ce qui suppose une analyse financière poussée.

157    Par ailleurs, aux fins du contrôle des aides nouvelles que les États membres projettent d’instituer, l’article 88 CE distingue une phase d’examen préliminaire et une procédure formelle d’examen. La phase d’examen préliminaire, prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, a seulement pour objet de ménager à la Commission un délai de réflexion et d’investigation suffisant pour lui permettre de se forger une première opinion sur les projets qui lui ont été notifiés afin de conclure soit qu’ils ne constituent pas des aides, soit qu’ils sont compatibles avec le marché commun, soit encore que les doutes existant à ce sujet imposent de procéder à un examen approfondi (arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 3, et du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, point 34). Eu égard à l’intérêt de l’État membre concerné à être fixé rapidement, elle revêt en principe un caractère d’urgence et est, à ce titre, enfermée dans un délai impératif de deux mois courant à compter de la réception d’une notification complète par la Commission (arrêts de la Cour Lorenz, précité, point 4, et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, C‑334/99, Rec. p. I‑1139, points 49 et 50).

158    Quant à la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE, elle revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission n’est pas en mesure d’acquérir la conviction, au terme de la phase d’examen préliminaire, qu’un projet ne constitue pas une aide ou que, bien que constituant une aide, il est compatible avec le marché commun. Elle vise alors, d’une part, à permettre à la Commission d’être complètement éclairée sur l’ensemble des données de l’affaire en s’entourant, comme elle en a le devoir, de tous les avis nécessaires avant d’arrêter sa décision finale et, d’autre part, à protéger les droits des tiers potentiellement intéressés en les mettant en mesure de se faire entendre (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 32).

159    En l’espèce, le Tribunal a considéré que, après l’annulation de la décision de 1997, la Commission n’était pas tenue de reprendre toute la procédure ab initio en remontant au-delà du point précis auquel l’illégalité sanctionnée était intervenue, à savoir au stade final de la procédure formelle d’examen (voir points 97 à 144 ci-dessus).

160    La procédure formelle d’examen est régie, depuis l’entrée en vigueur du règlement nº 659/1999, le 16 avril 1999, par le délai indicatif de 18 mois qui court à compter de l’ouverture de cette procédure. Ce délai de 18 mois prévu à l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/1999 n’étant qu’indicatif, il convient d’examiner en l’espèce si le déroulement de la procédure formelle d’examen fait apparaître que la Commission n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive (voir, en ce sens, arrêt Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 158 supra, points 56 et 57).

161    Or, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE le 9 octobre 1996 et a adopté la décision de 1997 le 15 juillet 1997. Après l’annulation de cette dernière, par le Tribunal, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, prononcé le 12 décembre 2000, la Commission a adopté la décision attaquée, le 18 juillet 2001. Il en ressort que l’examen formel avait duré un peu plus de neuf mois avant l’arrêt d’annulation et a été repris un peu plus de sept mois après l’arrêt d’annulation. Dès lors, la durée globale de l’examen formel n’excède pas le délai prévu par le règlement n° 659/1999.

162    Alitalia ne peut davantage déduire une violation du principe de la protection de la confiance légitime de la seule absence de pourvoi contre l’arrêt Alitalia I, point 8 supra. En effet, cet arrêt n’excluait pas une éventuelle réfection de la décision attaquée. De plus, le délai dont bénéficiait la Commission pour tirer les conséquences pratiques de cet arrêt était plus important que le délai de deux mois dans lequel elle devait introduire son pourvoi contre celui-ci.

163    En conclusion, la seconde branche du premier moyen tiré de vices de procédure doit aussi être rejetée.

D –  Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

1.     Arguments des parties

164    Alitalia dénonce l’illégalité de la décision attaquée en ce que la Commission aurait gravement violé ses droits de la défense. Or, l’importance des droits de la défense aurait été affirmée explicitement en matière d’aides d’État par la Cour qui aurait en particulier admis que les bénéficiaires d’aides d’État puissent revendiquer la protection des droits de la défense.

165    Alitalia soutient que, en toute hypothèse, le bénéficiaire d’une aide doit disposer du droit de présenter des observations.

166    Or, en dépit de demandes formulées en ce sens, aucune possibilité ne lui aurait été offerte d’exprimer son point de vue tant sur l’opportunité d’adopter une nouvelle décision après l’annulation de la décision de 1997 que sur le contenu de celle-ci. Il n’y aurait pas eu de débat contradictoire avec les autorités italiennes et Alitalia sur le rapport des consultants de la Commission. Le respect de toutes les garanties procédurales se serait pourtant d’autant plus imposé que la Commission n’aurait pas été obligée de reprendre la position qu’elle avait retenue dans la décision de 1997.

167    La Commission, partant du constat que la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné, en déduit que seul ce dernier pourrait se prévaloir de véritables droits de la défense.

168    En toute hypothèse, le droit d’Alitalia de présenter des observations aurait été garanti dès 1996 par le biais de la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. À la suite de cette publication, Alitalia aurait effectivement fait valoir son point de vue. Son recours en annulation contre la décision de 1997 lui aurait également permis de défendre ses arguments. L’objet de la procédure d’examen étant resté le même après l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, et les éléments factuels sur lesquels elle s’appuie dans la décision attaquée étant rigoureusement identiques à ceux figurant dans la décision de 1997, la Commission soutient qu’il n’était pas nécessaire d’inviter Alitalia à présenter à nouveau ses observations.

2.     Appréciation du Tribunal

169    Selon une jurisprudence bien établie, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré même en l’absence d’une réglementation spécifique. Ce principe exige que la personne concernée ait été mise en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (voir arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 121, et la jurisprudence citée).

170    Or, la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné. Les entreprises bénéficiaires des aides et les entités territoriales infra-étatiques qui octroient les aides, tout comme les concurrents des bénéficiaires des aides, sont uniquement considérés comme étant des « intéressés » dans cette procédure (voir arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, point 169 supra, point 122, et la jurisprudence citée).

171    En outre, il est de jurisprudence constante que, lors de la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission a le devoir de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations. En ce qui concerne ce devoir, la Cour a jugé que la publication d’un avis au Journal officiel constituait un moyen adéquat de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure, tout en précisant que cette communication visait exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, point 169 supra, points 123 et 124, et la jurisprudence citée).

172    Cette jurisprudence impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information pour la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir arrêt du Tribunal Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, point 169 supra, point 125, et la jurisprudence citée).

173    À défaut pour Alitalia de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, il y a dès lors lieu de vérifier, sur la base de cette jurisprudence, si elle a été associée à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce.

174    À cet égard, il ressort des constatations faites par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (points 22 à 31), que les autorités italiennes et Alitalia ont été étroitement associées à l’examen de l’aide litigieuse, avant l’adoption de la décision de 1997, que remplace la décision attaquée après l’annulation de la première. De plus, la Commission devait fonder sa nouvelle analyse exclusivement sur des informations dont elle disposait à l’époque (voir point 137 ci-dessus), informations sur lesquelles tant la République italienne qu’Alitalia avaient déjà pris position, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de les consulter à nouveau. Enfin, le droit des tiers intéressés de faire valoir leurs observations a été assuré par la publication d’une communication au Journal officiel du 16 novembre 1996 (JO C 346, p. 13) et aucune disposition du règlement n° 659/1999 n’impose de leur offrir à nouveau cette possibilité lorsque l’opération initiale est amendée en cours d’examen.

175    S’agissant plus particulièrement de l’argumentation relative au rapport des consultants de la Commission du 1er juin 2001, quand bien même il y aurait lieu de conclure, dans les circonstances de l’espèce, à une quelconque obligation de consultation des autorités italiennes sur ce dernier rapport, il ne saurait en être déduit, en application de la jurisprudence Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, point 169 supra, que la même obligation devrait être étendue aux tiers intéressés. Ces derniers ont essentiellement un rôle de sources d’information et ne peuvent se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte (voir point 172 ci-dessus).

176    En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 145 ci-dessus, la mission très limitée, confiée par la Commission à ses consultants, n’ayant consisté qu’à mettre à jour leur précédent rapport en tenant compte des motifs de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, ne visait qu’à « apporte[r] une simple assistance technique à la Commission » (considérant 10 de la décision attaquée) dans son analyse et son appréciation d’informations dont elle disposait déjà, comme aurait pu le faire un service de l’institution. La décision attaquée ne contient pas, aux considérants consacrés à l’appréciation juridique de la dotation en capital litigieuse, de renvois exprès au rapport du 1er juin 2001. Ce dernier ne saurait donc être considéré comme une pièce essentielle dans la motivation de la décision attaquée.

177    Sur la base de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

E –  Sur le moyen tiré de la violation et de l’application erronée des articles 87 CE et 88 CE

178    Alitalia fait valoir que les erreurs que la Commission a commises dans la décision attaquée portent, en grande partie, précisément sur la correction des erreurs identifiées par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra. Après quelques observations liminaires sur le critère de l’investisseur privé, elle conteste la détermination du taux minimal, d’une part, et du taux interne, d’autre part.

1.     Détermination du taux minimal

179    À cet égard, Alitalia conteste l’application dans son cas du taux minimal utilisé dans la décision Iberia, l’absence de prise en considération de la dernière version du plan de restructuration et le recours à des prémisses incorrectes.

a)     Application à Alitalia du taux minimal utilisé dans la décision Iberia

 Arguments des parties

180    Alitalia reproche à la Commission de ne pas avoir comparé minutieusement sa situation avec celle d’Iberia, à laquelle elle se réfère pour justifier le taux minimal de 30 %. Les arguments développés par la Commission aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée auraient déjà été rejetés par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra.

181    Alitalia fait en outre valoir que ces arguments sont inexacts. Alitalia et Iberia ne seraient pas des compagnies de dimension comparable. Les injections de capitaux ne seraient sensiblement égales dans les deux cas que parce que la Commission aurait omis une recapitalisation dont avait bénéficié la compagnie espagnole. Il serait manifestement erroné d’affirmer que plus une augmentation de capital est importante, plus le risque est élevé. L’affirmation selon laquelle les deux compagnies opèrent sur un marché qui n’est pas central en Europe d’un point de vue géographique méconnaîtrait la situation géographique du nord et du centre de l’Italie. Iberia n’aurait pas obtenu de véritables accords syndicaux pour améliorer le niveau des coûts unitaires, mais aurait seulement bénéficié d’une action limitée et sur une brève période, alors qu’Alitalia avait déjà un accord innovateur et à long terme qui prévoyait également l’actionnariat des travailleurs pour garantir une participation plus large de ceux-ci. La libéralisation du marché de l’aviation civile espagnol aurait représenté une menace pour Iberia, dans la mesure où l’assistance en escale qu’elle offrait aux autres compagnies était libéralisée, tandis que la libéralisation du marché de l’aviation civile italien aurait offert à Alitalia l’opportunité de développer un projet dans ce secteur d’activité pour son propre compte (self handling). Les projets concernant l’aéroport de Malpensa (Italie) ne constitueraient pas l’élément essentiel des projections économiques et financières du plan litigieux. Alitalia ne comprendrait pas non plus en quoi le fait de ne pas être en situation privilégiée sur certaines liaisons serait un facteur de risque susceptible d’avoir une incidence sur le taux minimal. La situation sociale d’Iberia, qui connaissait des grèves continuelles, serait différente de celle d’Alitalia. Les effets de la libéralisation du marché de l’aviation civile italien auraient été dûment pris en compte dans le plan litigieux, et ce sans optimisme excessif. En revanche, il ne serait pas exact de prétendre qu’il était déjà possible d’apprécier entièrement les effets de la libéralisation du marché espagnol sur les parts de marché d’Iberia, lorsque la Commission a pris la décision Iberia.

182    Enfin, la référence faite, au considérant 32 de la décision attaquée, à Continental Airlines, à Air Partners et à Air Canada serait entièrement hors de propos.

183    La Commission soutient, pour sa part, qu’Iberia et Alitalia sont comparables dans la mesure où elles sont toutes deux de taille moyenne et ont une valeur similaire. Ensuite, Alitalia souffrirait surtout du désavantage de ne pas disposer d’un marché privilégié, comparable à l’Amérique latine pour Iberia. En outre, du point de vue du climat social, la situation d’Alitalia serait plus délicate que celle d’Iberia. Par ailleurs, il conviendrait, dans le cas d’Alitalia, de tenir compte de l’incertitude liée à l’imminence de la libéralisation du marché italien en 1997.

184    Enfin, la Commission conteste le caractère fallacieux de l’usage qu’Alitalia aurait fait du cas de l’investissement dans Continental Airlines par Air Canada et Air Partners.

 Appréciation du Tribunal

185    Il convient de rappeler, en premier lieu, que l’appréciation, par la Commission, de la question de savoir si un investissement satisfait au critère de l’investisseur privé implique une appréciation économique complexe. Or, la Commission, lorsqu’elle adopte un acte impliquant une appréciation économique aussi complexe, jouit d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle juridictionnel dudit acte, même s’il est en principe entier pour ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision (voir arrêt Alitalia I, point 8 supra, point 105, et la jurisprudence citée).

186    Il convient de rappeler, en second lieu, qu’il résulte de l’analyse effectuée aux points 106 à 112 ci-dessus que, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, le Tribunal n’a pas contesté le principe même d’une comparaison entre Alitalia et Iberia. Le Tribunal s’est limité à relever un défaut de motivation à cet égard. C’est donc à tort qu’Alitalia prétend qu’il aurait déjà rejeté les éléments de comparaison figurant aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée.

187    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments avancés en l’espèce par les parties.

188    En premier lieu, au considérant 30 de la décision attaquée, la Commission énonce une série d’éléments comparables caractérisant à la fois Iberia et Alitalia. Les deux compagnies ont un chiffre d’affaires de quelque 4 milliards d’euros, exercent leur activité dans le même secteur économique et dans le même ensemble communautaire en voie de libéralisation, possèdent un marché intérieur qui n’est pas géographiquement central en Europe et ont enregistré régulièrement des pertes au cours des années précédant l’injection de capital dont elles ont chacune bénéficié. De plus, au moment où elles ont reçu cette injection de capital, elles se trouvaient toutes deux dans une situation financière très difficile caractérisée par un endettement important et des fonds propres pratiquement réduits à néant. Au considérant 31 de la décision attaquée, la Commission ajoute que la situation sociale dans les deux entreprises pouvait également sembler très voisine aux yeux d’un investisseur.

189    Alitalia conteste toutefois plusieurs de ces éléments.

190    S’agissant, premièrement, de l’absence de comparabilité de certaines données chiffrées mise en avant par Alitalia, force est de constater que Iberia et Alitalia ont, comme le reconnaît du reste cette dernière, des dimensions moyennes par rapport aux grandes et aux petites compagnies aériennes. Dans sa réponse à la question écrite posée à ce sujet par le Tribunal, la Commission a fourni plusieurs tableaux de l’Association of European Airlines (AEA), l’association des compagnies aériennes européennes. Il en ressort que, s’agissant du chiffre d’affaires, du nombre de sièges-kilomètres offerts et du nombre de passagers-kilomètres transportés, Alitalia et Iberia se situent dans la même fourchette moyenne.

191    Par ailleurs, lors de l’audience, les parties n’ont pas contesté les chiffres d’affaires consolidés d’Alitalia et d’Iberia avancés par la Commission et ont confirmé qu’ils constituaient des données susceptibles d’être comparées, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

192    S’agissant, deuxièmement, de la contestation par Alitalia du fait que les deux compagnies opèrent sur un marché qui n’est pas central en Europe d’un point de vue géographique, il y a lieu d’observer que l’argument repose essentiellement sur l’affirmation selon laquelle le centre-nord de l’Italie ne pourrait pas être considéré comme un marché décentré. Or, le marché intérieur italien couvre l’ensemble du territoire italien et non seulement le nord du pays, de sorte que la comparaison ne saurait se faire en comparant sur le plan géographique le nord de l’Italie à l’ensemble du territoire espagnol.

193    Par ailleurs, il ne saurait être contesté que l’Espagne et l’Italie ont une situation géographique comparable en Europe, leur marché intérieur n’étant pas central dans celle-ci.

194    S’agissant, troisièmement, de la contestation d’une similitude des situations sociales des deux entreprises, elle n’apparaît pas fondée. D’une part, Alitalia ne nie pas l’existence de « troubles sociaux qui ont marqué la vie des deux compagnies aériennes au cours des années précédant l’injection de capital » (considérant 31 de la décision attaquée). Le passé des deux entreprises était donc, à cet égard, comparable et pouvait influencer un investisseur, comme la Commission le fait observer dans la décision attaquée. D’autre part, quant à l’avenir, si Alitalia met en avant son accord syndical à long terme, c’est pour l’opposer non à l’inaction d’Iberia, mais à « une action limitée et pour une brève période » de cette dernière. Cette différence, tenant donc essentiellement à la durée des actions entreprises pour l’avenir, ne saurait impliquer qu’il était manifestement erroné de considérer que « la situation sociale dans les deux entreprises [pouvait] sembler très voisine aux yeux d’un investisseur ».

195    En second lieu, aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée, la Commission met aussi en exergue des éléments distinguant les deux compagnies en matière de risques, tout en indiquant qu’une compensation s’opère pour certains d’entre eux.

196    Il ressort, d’une part, du considérant 30 de la décision attaquée que les montants des injections de capital en cause sont sensiblement différents, respectivement 1,42 milliard d’euros pour Alitalia et 0,522 milliard d’euros pour Iberia, ce qui, selon la Commission, accroît les risques liés à l’opération de recapitalisation d’Alitalia.

197    À cet égard, s’il est constant que, comme le fait valoir Alitalia, Iberia a obtenu deux injections de capital, l’une en 1992 et l’autre en 1995, la Commission ne s’est prononcée, dans la décision Iberia, que sur la seconde d’entre elles, de 0,522 milliard d’euros, en fixant le taux minimal à 30 % pour cette seule opération. Or, dans la présente affaire, l’opération porte sur 1,42 milliard d’euros. Il ne saurait dès lors être considéré comme manifestement erroné d’affirmer que, dans le cas d’Alitalia, l’opération comportait a priori un risque plus élevé pour l’investisseur.

198    Il ressort, d’autre part, du considérant 31 de la décision attaquée que la productivité d’Iberia est plus faible que celle d’Alitalia et qu’Iberia fait face à une incertitude en ce qui concerne les effets de la libéralisation du marché de l’assistance en escale espagnol. Iberia possède néanmoins une place privilégiée sur le marché des liaisons entre l’Europe et l’Amérique latine. De son côté, la situation d’Alitalia se heurte à une double incertitude liée à son développement à Malpensa et à la libéralisation du marché de l’aviation civile italien.

199    Alitalia affirme cependant ne pas comprendre en quoi le fait de ne pas être en situation privilégiée sur certaines liaisons déterminées peut représenter un facteur de risque.

200    À cet égard, force est de constater, d’une part, qu’une telle assertion, du reste non conforme aux affirmations de la Commission dans la décision attaquée, ne saurait fonder une erreur manifeste d’appréciation. Alitalia n’a ni contesté ne pas être en situation privilégiée sur certaines liaisons ni nié la situation privilégiée d’Iberia sur les liaisons en cause. D’autre part, la Commission explique dans ses écritures qu’Iberia disposait avec l’Amérique latine d’un marché pour lequel elle avait une stratégie commerciale solide, de sorte que son avenir était bien moins marqué par l’incertitude, c’est-à-dire par un facteur de risque. Or, le fait de considérer que la situation privilégiée d’une compagnie aérienne sur certaines liaisons puisse lui procurer un avantage réduisant le facteur de risque en ce qui la concerne n’apparaît pas manifestement erroné.

201    S’agissant ensuite des effets de la libéralisation du marché de l’assistance en escale espagnol, il y a lieu de relever que la Commission ne les nie pas, mais souligne que l’assistance en escale ne représentait que 13 % du chiffre d’affaires d’Iberia et un pourcentage encore inférieur au regard de l’ensemble du groupe (considérant 31 de la décision attaquée). Or, Alitalia ne conteste pas ce pourcentage. Aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait dès lors être constatée à cet égard.

202    S’agissant de la libéralisation du marché de l’aviation civile italien, il convient d’observer qu’Alitalia n’en conteste pas les effets, mais affirme les avoir pris en compte dans son plan. Cette seule circonstance ne saurait faire disparaître le risque que cette libéralisation implique aux yeux des investisseurs ni donc interdire sa prise en compte dans le cadre de la détermination du taux minimal. Il y a également lieu de relever que la libéralisation du marché de l’aviation civile espagnol avait débuté avant celle du marché italien. C’est dès lors à juste titre que la Commission affirme qu’elle pouvait déjà mesurer les effets de cette libéralisation sur Iberia alors que l’impact, sur Alitalia, de l’ouverture du marché intérieur italien demeurait encore très aléatoire en 1997.

203    S’agissant, enfin, des arguments relatifs à l’aéroport de Malpensa, après l’avoir nié dans la requête, Alitalia a admis dans la réplique qu’il était vrai que la plate-forme de Malpensa représentait un élément stratégique essentiel pour le développement de la compagnie.

204    En outre, il ressort de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, que « [l]a phase de développement se fondait principalement sur la mise en service de la plate-forme de correspondances de Malpensa à partir de 1998 » (point 12). Par ailleurs, la plate-forme de Malpensa figure également parmi les «’éléments clés’ du plan » mentionnés dans un document d’Alitalia auquel renvoie le même arrêt (point 120).

205    Il ne saurait donc être contesté que le développement de la plate-forme de Malpensa constituait une partie essentielle du plan de restructuration d’Alitalia. Le fait qu’Alitalia ait pu ne répercuter dans ses comptes les effets positifs du développement de cette plate-forme de correspondances (hub) que pour les deux dernières années de ce plan ne saurait faire disparaître, aux yeux des investisseurs, le risque que comportait cette opération ni donc interdire sa prise en compte dans le cadre de la détermination du taux minimal. Il n’est pas davantage contestable que ce risque était propre à Alitalia et ne concernait pas Iberia.

206    En conclusion, cet examen n’a pas mis en lumière d’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans la comparaison de la situation d’Alitalia avec celle d’Iberia. Il résulte du caractère comparable de la situation de ces deux compagnies aériennes que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste, retenir en l’espèce un taux minimal de 30 % identique à celui qu’elle avait retenu dans l’affaire Iberia. En tout état de cause, il y a lieu de souligner que la comparaison des deux compagnies n’intervient qu’à titre accessoire ou confirmatif dans la motivation de la fixation du taux minimal à 30 %.

207    Il convient encore d’ajouter, en réponse à la contestation par Alitalia de la référence faite par la Commission, au considérant 32 de la décision attaquée, à Continental Airlines, que, dans la comparaison qu’elle effectue avec la situation de cette compagnie américaine, la Commission prend en compte une période qui s’étend jusqu’au mois de novembre 1998. Il s’agit dès lors d’éléments dont elle ne disposait pas au moment de l’adoption de la décision de 1997. Or, la Commission doit s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure (voir point 137 ci-dessus).

208    Il convient dès lors de considérer comme non pertinente la référence faite, au considérant 32 de la décision attaquée, à la compagnie américaine Continental Airlines, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments d’Alitalia s’y rapportant. L’absence de pertinence de cette indication accessoire et purement confirmative ne saurait toutefois affecter le raisonnement de la Commission, ni la légalité de la décision attaquée.

b)     Absence de prise en considération sérieuse de l’incidence de la dernière version du plan dans le calcul du taux minimal

 Arguments des parties

209    Alitalia fait observer que la Commission admet, au considérant 27 de la décision attaquée, que les dernières modifications apportées au plan de restructuration en juin 1997 « réduisent [...] les risques inhérents à l’opération ». Selon Alitalia, ce constat aurait dû conduire la Commission à arrêter un taux minimal inférieur à celui qui avait été précédemment fixé.

210    Alitalia ajoute que, pour évaluer le risque d’un investissement dans une entreprise et le taux minimal qui en résulte, les analystes prennent en compte son exposition financière par rapport à ses capitaux propres. Pour traduire cet indicateur en un signal effectif de risque financier, il serait toutefois indispensable de comparer son rapport endettement/fonds propres (gearing) spécifique avec le ratio d’endettement moyen des entreprises comparables. Or, le gearing d’Alitalia étant comparable à celui de ses concurrents les plus importants, il ne saurait, contrairement à ce que la Commission aurait retenu au considérant 28 de la décision attaquée, compter parmi les éléments pouvant éventuellement impliquer un taux minimal supérieur à celui qui est normalement applicable pour un investissement dans le secteur.

211    La Commission fait valoir qu’il n’est pas pertinent de comparer le gearing d’Alitalia à l’expiration du plan de restructuration, en 2000, avec celui des autres compagnies, comme le fait Alitalia.

212    La Commission soutient que, au considérant 28 de la décision attaquée, elle met en lumière l’absence d’incidence des dernières modifications apportées au plan sur le niveau du gearing et la valeur que celui-ci prend dans l’ensemble des éléments que pondère l’investisseur privé au moment où il prend sa décision d’investir ou non.

 Appréciation du Tribunal

213    La Commission expose, au considérant 27 de la décision attaquée, que la dernière version du plan de restructuration d’Alitalia réduit les risques inhérents à l’opération et accroît la rentabilité de l’injection de capital. Elle considère toutefois que les modifications apportées par celle-ci « restent marginales et s’avèrent beaucoup moins substantielles que les premières modifications apportées au plan par les autorités italiennes en février 1997 ».

214    Il y a lieu de rappeler (voir points 125 à 136 ci-dessus ainsi que considérants 10 et 27 de la décision attaquée) que la Commission a chiffré l’incidence de ces modifications et qu’elle a repris à cette occasion les calculs effectués par ses consultants dans leur rapport du 1er juin 2001, figurant en annexe au mémoire en défense. Alitalia ne fait valoir aucun grief de fond précis à l’égard desdits calculs.

215    Au considérant 28 de la décision attaquée, la Commission poursuit en ces termes :

« Il importe d’ajouter que l’endettement d’Alitalia et le ratio endettement/fonds propres (gearing) pour [l’année] 2000 ne sont pas davantage modifiés de manière significative. Or, ces dernières données sont, du point de vue d’un investisseur, primordiales pour mesurer la prise de risque. Les changements du plan intervenus en juin 1997 restent donc pratiquement sans effet sur l’appréciation que porterait un investisseur agissant sur la base de seuls critères commerciaux, compte tenu de la persistance des risques liés à l’opération et décrits précédemment. »

216    Il ressort des réponses des parties aux questions écrites posées par le Tribunal qu’Alitalia ne conteste pas le fait que, dans la dernière version du plan, le gearing n’avait pas subi de modification significative, mais avance qu’une telle modification n’était pas nécessaire, puisque son gearing était aligné sur la valeur moyenne du secteur.

217    La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en constatant que le gearing pour l’année 2000 ne s’était pas modifié de manière significative. Le fait que le gearing d’Alitalia ait pu se situer, ainsi qu’elle l’affirme, dans la moyenne du secteur, n’enlève rien à cette constatation.

218    En conséquence, Alitalia n’a pas établi que la Commission n’avait pas sérieusement pris en considération l’incidence de la dernière version du plan de restructuration dans la détermination du taux minimal.

c)     Prise en compte de prémisses erronées dans le calcul du taux minimal

 Arguments des parties

219    Alitalia estime que le taux minimal doit être fixé en fonction du coût des moyens propres de l’entreprise, c’est-à-dire en fonction de la rémunération escomptée pour investir du capital à risque dans cette entreprise. Cette rémunération serait elle-même déterminée par une formule reflétant le risque d’investir en général et le risque d’investir dans une entreprise en particulier.

220    Alitalia ne comprend pas comment la Commission peut, d’un côté, évaluer le coût des capitaux propres à 14 % et, de l’autre, établir un taux minimal de 30 %. Alitalia estime que le coût des capitaux propres de 14 %, évalué selon le modèle d’évaluation des actifs financiers [(MEDAF) (Capital Asset Pricing Model)], tient déjà compte des éléments de risque pour le secteur du transport aérien ainsi que du facteur de risque spécifique de l’entreprise. Il résulterait du rapport des consultants de la Commission du 18 juin 1997 qu’ils seraient parvenus à ce pourcentage en se fondant sur un « coefficient β » particulièrement élevé de 1,23, exprimant la corrélation entre la variabilité du rendement du marché et celle du rendement de l’entreprise cotée en Bourse concernée, ce qui refléterait déjà un jugement de valeur en ce qui concerne le risque présenté par l’investissement litigieux.

221    Alitalia critique, à cet égard, les différents facteurs de risque énumérés par la Commission aux considérants 25 et 26 de la décision attaquée.

222    Alitalia fait ensuite valoir qu’elle a enregistré des résultats d’exploitation positifs au cours de la période précédant le plan, mais qu’elle n’a pas eu de résultats positifs nets pendant quelques années en raison d’un déséquilibre entre ses moyens propres et les moyens de tiers, déséquilibre que le plan de restructuration avait notamment pour objectif de corriger. De plus, Alitalia aurait enregistré, au cours du premier semestre de 1997, un résultat d’exploitation plus favorable que les prévisions du plan. Enfin, l’IRI se serait trouvé dans une situation particulière en tant que holding déjà actionnaire de la compagnie, ce qui lui aurait donné, aux fins d’évaluer l’investissement, une meilleure connaissance et une meilleure capacité de compréhension de celle-ci.

223    À l’analyse de la Commission, selon laquelle le plan se fonde sur des hypothèses généreuses en matière d’évolution de la productivité, des coûts opérationnels, des coefficients de remplissage et de la recette unitaire de la compagnie, Alitalia oppose que les consultants de la Commission ont accepté les prévisions prévues dans le plan de la compagnie sans apporter d’autres sources susceptibles de les réfuter. La Commission aurait même admis que le plan, tel qu’il avait été amélioré et adapté depuis le mois de janvier 1997, présentait un caractère réaliste.

224    En ce qui concerne le rôle de la plate-forme de Malpensa dans le redressement attendu, Alitalia fait valoir que cet élément jouait un rôle très limité dans le plan, même si le projet en question revêtait indubitablement une importance notable pour la compagnie. Elle souligne, à cet égard, que l’impact de la mise en service de cette plate-forme de correspondances ne devait se faire sentir qu’après l’année 2000 et qu’il n’avait pas été inclus, par prudence, dans le calcul de la valeur terminale. S’agissant de la distance qui sépare Malpensa de Milan (Italie), elle serait comparable à celle séparant d’autres aéroports européens de la ville qu’ils desservent, comme Gatwick ou Stanstead (Royaume-Uni), Munich (Allemagne) et Oslo (Norvège). Il en serait de même en ce qui concerne le temps nécessaire pour atteindre l’aéroport de Malpensa à partir de Milan.

225    Concernant la libéralisation du marché intérieur italien, Alitalia allègue que le plan tenait dûment compte d’une perte de parts de marché plus importante pour Alitalia que pour les autres transporteurs aériens européens, en prévoyant une baisse de la recette unitaire moyenne (yield) réelle de 23 %. En outre, Alitalia avance qu’il n’est pas pertinent pour la Commission de faire valoir que le marché intérieur italien n’a été véritablement libéralisé qu’à la fin de l’année 1995 et que de grandes incertitudes pèsent sur la manière dont Alitalia serait en mesure de faire face à la concurrence.

226    Quant aux coûts unitaires d’exploitation, Alitalia prétend qu’ils étaient alignés sur ceux de ses principaux concurrents. Selon elle, la Commission prend, dans la décision attaquée, une position différente de celle qu’elle avait adoptée, à cet égard, dans la décision de 1997, parce qu’elle examine ex post l’évolution des résultats de la compagnie.

227    Enfin, s’agissant des graves difficultés sociales connues par Alitalia en 1995 et en 1996, celle-ci souligne que le changement intervenu dans la culture de l’entreprise a trouvé son expression concrète dans les accords syndicaux signés en 1996. Aucune grève n’aurait eu lieu durant toute la phase d’instruction.

228    La Commission soutient, pour sa part, que la détermination du taux minimal est, en l’espèce, une opération qui doit s’inscrire dans un contexte historique déterminé en fonction d’une appréciation prospective, tenant compte du degré psychologique et subjectif de propension ou d’aversion au risque dans un secteur particulier et aussi interdépendant que celui du transport aérien. Le calcul du taux minimal doit, selon elle, tenir compte des risques propres du projet en question.

229    Le coût des capitaux propres, estimé à 14 % selon le MEDAF, serait étranger au taux minimal et entrerait en revanche en considération dans le calcul du taux interne. Le coefficient β aurait été exclusivement utilisé dans le cadre du calcul global de la participation de l’IRI dans Alitalia au 31 décembre 2000. Ce coefficient exprimerait le risque spécifique de l’entreprise dans le contexte de la Bourse et ne serait pas significatif étant donné qu’Alitalia n’était pas suffisamment cotée.

230    Quant aux résultats d’Alitalia pour le premier semestre de 1997, ils seraient dénués de pertinence, puisqu’ils n’étaient pas connus à la date d’adoption de la décision de 1997.

231    L’argumentation d’Alitalia visant à démontrer l’effet limité de la plate-forme de correspondances de Malpensa serait totalement en contradiction avec les attentes exprimées par cette compagnie dans le plan de restructuration dès sa première version. La Commission réfute également les arguments tirés de la comparaison de la plate-forme de Malpensa avec les aéroports de Gatwick, de Stanstead, de Munich et d’Oslo.

232    Selon la Commission, l’élément de libéralisation du marché intérieur italien a une connotation très importante pour Alitalia, car la République italienne est le seul grand État membre de la Communauté qui a exploité au maximum toutes les possibilités offertes par le règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8), pour protéger son marché au bénéfice exclusif de sa compagnie nationale. Par conséquent, en 1997, au moment de la libéralisation et de la fin de la situation de monopole, le risque de graves retombées négatives pour Alitalia n’aurait pas pu être exclu. Par ailleurs, parmi les trois exemples cités par Alitalia, seul le cas du Royaume d’Espagne serait pertinent, le Royaume-Uni et la République fédérale d’Allemagne ayant libéralisé leur marché à une époque bien différente de la période de référence 1992-1995 choisie par Alitalia.

233    Quant aux coûts unitaires d’exploitation, la Commission souligne que, au considérant 26, quatrième tiret, de la décision attaquée, ils se rapportent à la période 1996-1997 et non à l’année 2000, date d’achèvement du plan. Cela étant, elle affirme qu’il est incontestable que les coûts unitaires d’Alitalia étaient supérieurs de 12 % à la moyenne de ses concurrents européens.

234    Enfin, l’absence de mouvements de grève ne serait pas concluante. En effet, le taux minimal aurait été bien supérieur à 30 % s’il y avait eu des grèves au cours de la procédure d’examen.

 Appréciation du Tribunal

235    Alitalia formule, d’une part, certains griefs relatifs à la méthode de calcul du taux minimal et conteste, d’autre part, le choix des risques pris en compte par la Commission pour déterminer ce taux.

–       Méthode de calcul du taux minimal

236    Dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (points 98 et 99), le Tribunal avait constaté que la Commission, pour évaluer si l’investissement de l’IRI satisfaisait au critère de l’investisseur privé, et donc pour apprécier si celui-ci comportait des éléments d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, s’était inspirée des principes de sa communication relative à l’application des articles [87 CE] et [88 CE] et de l’article 61 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) aux aides d’État dans le secteur de l’aviation (JO 1994, C 350, p. 5, ci-après la « communication sur l’aviation »). En effet, la Commission avait, dans la décision de 1997 (point VII), comparé le montant de l’investissement de l’IRI à la valeur des cash-flows futurs escomptés du projet actualisée au moyen du taux minimal qu’exigerait un investisseur privé. Elle avait conclu que, dans le cas d’espèce, le taux interne restait en dessous du taux minimal et que, par voie de conséquence, l’investissement ne satisfaisait pas au critère de l’investisseur privé. Le Tribunal avait ajouté que la méthode appliquée par la Commission dans la décision de 1997 ne saurait être critiquée en tant que telle.

237    Au considérant 25 de la décision attaquée, la Commission expose que, « [d]ans le cas présent et sur la base des informations en sa possession, notamment des travaux effectués par [ses consultants] », elle estime que « le [taux minimal] est voisin de 30 % en raison de l’importance de la somme en cause et surtout des risques présentés par l’opération ». Elle précise que « [c]e taux d’au moins 30 % intègre en effet la possibilité que le plan ne se déroule pas comme prévu et que le rendement réel de l’investissement ne se révèle en fin de compte sensiblement plus faible ». Elle poursuit en indiquant que, « [d]u reste, le taux ne peut qu’être supérieur au coût des capitaux propres dès lors que ce dernier ne prend pas en compte tous les risques liés à la compagnie ».

238    S’agissant du grief formulé par Alitalia à l’égard du rapport de un à deux entre le taux de 14 % fixé pour le coût de ses capitaux propres et le taux minimal, il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission a pris en compte le coût des capitaux propres d’Alitalia calculé à l’aide du MEDAF, d’abord, pour évaluer la valeur de la participation de l’IRI dans Alitalia en décembre 2000 (considérant 22 de la décision attaquée) et, ensuite, pour déterminer, sur la base de ces données, le taux interne (considérant 23 de la décision attaquée) et non le taux minimal.

239    La lecture des deuxième et troisième rapports des consultants de la Commission, joints en annexe à la requête, confirme également que ce taux de 14 % a été calculé pour évaluer un des éléments qui entrent en ligne de compte dans la détermination du taux interne.

240    Ce taux de 14 % servant au calcul du taux interne, et non à celui du taux minimal, c’est à tort qu’Alitalia le conteste dans le cadre de sa critique de la détermination du taux minimal de 30 % et qu’elle met en avant le rapport de un à deux entre ces deux taux.

241    Par ailleurs, au considérant 22 de la décision attaquée et dans ses écritures, la Commission souligne que le coût des capitaux propres, calculé en utilisant le coefficient β d’Alitalia, prend en considération les risques découlant de la situation de la compagnie dans son ensemble, notamment du contexte de la Bourse, ainsi que les risques inhérents au secteur concerné. La Commission précise que, Alitalia n’étant pas suffisamment cotée dans les années 1996-1997, l’estimation de 14 % et du coefficient β d’Alitalia calculé en 2000 est le fruit d’une opération nécessairement théorique et fondée sur le coefficient β d’autres compagnies aériennes comparables. Elle souligne que le coefficient β ainsi calculé ne peut pas refléter le risque spécifique d’Alitalia dans les années 1996-1997 et que le coût moyen pondéré du capital défini sur cette base « ne tient pas autrement compte du risque particulier propre à Alitalia » (considérant 22 de la décision attaquée).

242    Or, le taux minimal prend en compte « la somme en cause et surtout [l]es risques présentés par l’opération » (considérant 25 de la décision attaquée). La méthode de la Commission est dès lors cohérente, et ce d’autant plus qu’Alitalia affirme elle-même que la détermination du taux minimal est le résultat non de l’application d’une formule mathématique, mais de relevés empiriques à effectuer en ne perdant pas de vue les objectifs en matière d’investissements d’un investisseur comparable à l’investisseur public (voir, également, le considérant 24 de la décision attaquée).

243    Enfin, il y a lieu d’ajouter que la Commission n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la position particulière de l’IRI, en tant que holding déjà actionnaire de la compagnie, ne lui donnait pas, aux fins d’évaluer l’investissement, une meilleure connaissance et capacité de compréhension de celle-ci. Il convient en effet de souligner que l’IRI est un holding de participation entièrement détenu par l’État italien. Or, les paramètres de référence pour le calcul du taux minimal ne sont pas ceux de l’État, mais ceux du marché. Par ailleurs, étant déjà actionnaire d’Alitalia, l’IRI pourrait avoir un intérêt à exagérer la valeur de la compagnie. Il s’ensuit qu’il ne saurait être présumé que la participation de l’IRI au capital d’Alitalia lui confère nécessairement une meilleure capacité d’apprécier le taux minimal qu’exigerait un investisseur privé agissant selon les lois du marché.

244    En conséquence, les griefs formulés par Alitalia à l’égard de la méthode appliquée par la Commission ne sont pas fondés.

–       Risques pris en compte par la Commission

245    Alitalia contestant les risques pris en compte par la Commission dans la décision attaquée pour déterminer le taux minimal, il convient de les examiner un à un.

246    S’agissant, premièrement, de l’affirmation de la Commission selon laquelle, dans le secteur du transport aérien, les marges sont traditionnellement faibles et la volatilité des profits et des pertes est élevée (considérant 25, premier tiret, de la décision attaquée), Alitalia ne la conteste pas en elle-même. Son argument est plutôt que les éléments de risque liés au secteur d’activité sont déjà pris en compte par ailleurs.

247    À cet égard, il convient de relever, d’une part, que, dans la décision attaquée, cette prise en compte, à travers le recours au coefficient ß dans la formule du MEDAF, est limitée à la détermination d’un des éléments du taux interne, à savoir la valeur terminale à la fin de l’année 2000 (considérant 22 de la décision attaquée). De plus, le coefficient ß n’exprime pas spécifiquement le risque lié au secteur concerné. Ainsi que l’admet Alitalia, il permet de mesurer la corrélation entre la variabilité du rendement du marché et la variabilité du rendement de l’entreprise sur laquelle porte l’évaluation.

248    D’autre part, la détermination du taux minimal ne se place pas dans la même optique que celle, résultant plutôt de l’application d’une formule mathématique, du taux interne. Il s’agit d’évaluer, de façon empirique et prospective, le taux minimal qu’exigerait un investisseur privé agissant selon les lois du marché pour effectuer une telle opération financière, compte tenu, notamment, des risques présentés par celle-ci (voir point 242 ci-dessus). Dans ce cadre, un investisseur privé serait fondé à prendre en considération, parmi les risques spécifiques liés à l’opération en cause, le fait qu’elle se situe dans le secteur du transport aérien dans lequel les marges sont traditionnellement faibles et la volatilité des profits et des pertes élevée.

249    La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en mentionnant ce risque au considérant 25 de la décision attaquée.

250    S’agissant, deuxièmement, de l’absence de résultats d’exploitation positifs significatifs d’Alitalia (considérant 25, deuxième tiret, de la décision attaquée), force est de constater que cette dernière ne la conteste pas davantage. Le fait que le plan litigieux ait pu notamment avoir pour objectif de remédier à une sous-capitalisation ne change rien à la mauvaise situation financière d’Alitalia, laquelle constituait un risque susceptible d’être pris en compte par un investisseur privé avant de souscrire à toute augmentation de capital.

251    Cette constatation ne saurait être infirmée par le fait qu’Alitalia aurait enregistré, au cours du premier semestre de 1997, un résultat d’exploitation plus favorable que les prévisions du plan de restructuration. En effet, à supposer que ces données puissent préjuger des résultats ultérieurs du plan, elles ont en tout état de cause été connues à une période postérieure à l’appréciation du risque dans le cadre de la décision de 1997 et ne sauraient donc être prises en compte (voir point 137 ci-dessus).

252    Quant à l’estimation concernant les résultats du premier trimestre de 1997 et qui faisait apparaître un redressement meilleur que prévu, il y a lieu de souligner qu’elle reposait sur des chiffres provisoires non révisés, ce qu’Alitalia n’a pas contesté. L’absence de fiabilité des données en cause, ajoutée au caractère fort bref de la période considérée, autorisait la Commission à ne pas considérer qu’elles remettaient en cause son appréciation du risque lié à l’absence de résultats d’exploitation positifs significatifs d’Alitalia depuis la fin des années 80, malgré l’amélioration de la conjoncture à partir de 1994.

253    S’agissant, troisièmement, de l’affirmation de la Commission selon laquelle le plan se fonde sur des hypothèses généreuses en matière d’évolution de la productivité, des coûts opérationnels, des coefficients de remplissage et de la recette unitaire de la compagnie (considérant 26, premier tiret, de la décision attaquée), il convient de relever que le rapport des consultants de la Commission du 18 juin 1997, qui figure en annexe à la requête, mentionne, d’une part, certains changements apportés au plan précédent en soulignant que le plan modifié est plus prudent que le plan initial. Toutefois, ce rapport met, d’autre part, en avant le fait que le plan continue à contenir plusieurs éléments optimistes et que certains objectifs pourraient être difficiles à atteindre. Or, les éléments qu’il énumère sont précisément ceux repris au considérant 26, premier tiret, de la décision attaquée et pour lesquels cette dernière fait état d’« hypothèses généreuses ».

254    Par ailleurs, dans le rapport additionnel, joint en annexe au rapport du 18 juin 1997, les consultants de la Commission évaluent la viabilité générale du plan de restructuration et l’adéquation de la dotation en capital litigieuse. Ils expliquent que, dans leurs précédents rapports, ils avaient analysé les caractéristiques du plan pour évaluer le taux de rendement qu’un investisseur potentiel aurait raisonnablement exigé pour investir dans Alitalia. Les consultants de la Commission ajoutent que, dans ce contexte, les éléments qu’ils ont jugés « optimistes » avaient été utilisés pour évaluer le taux de rendement exigé par un investisseur privé. Ils poursuivent cependant en affirmant que ces éléments n’impliquent pas l’absence de viabilité du plan.

255    Il s’ensuit qu’Alitalia ne saurait contester la prise en compte d’hypothèses généreuses dans son plan de restructuration en invoquant le fait que, dans ce rapport complémentaire, les consultants de la Commission concluent à la viabilité générale du plan de restructuration. En effet, ce rapport complémentaire ainsi que le rapport principal du 18 juin 1997 font précisément état de ces éléments optimistes.

256    En tout état de cause, le fait de considérer comme généreuses ou optimistes certaines hypothèses particulières ne saurait être jugé contradictoire en soi avec une appréciation de viabilité générale du plan de restructuration.

257    Enfin, contrairement à ce qu’affirme Alitalia, dans les contrôles qu’ils ont effectués sur l’état d’avancement du plan, la Commission ou ses consultants n’ont pas toujours constaté la réalisation des objectifs en matière de productivité et de coûts d’exploitation. En effet, il ressort notamment de l’extrait du rapport établi par les consultants de la Commission au mois de juillet 1999, produit par Alitalia en annexe à la réplique, que les coûts opérationnels étaient plus élevés que les prévisions du plan et que, bien que meilleure dans certains cas qu’en 1997, la productivité n’avait pas atteint les objectifs.

258    En tout état de cause, cet argument d’Alitalia et les données produites à l’appui doivent être rejetés dans la mesure où ils reposent sur des éléments ex post.

259    La Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en incluant, parmi les facteurs supplémentaires de risque dont un investisseur privé pouvait tenir compte, le fait que le plan se fondait sur des hypothèses généreuses en matière d’évolution de la productivité, des coûts opérationnels, des coefficients de remplissage et de la recette unitaire de la compagnie.

260    S’agissant, quatrièmement, des risques liés au fait que les potentialités exactes de l’infrastructure nouvelle de Malpensa ainsi que les modalités de la mise en place de cette plate-forme de correspondances restaient en partie inconnues (considérant 26, deuxième tiret, de la décision attaquée), il convient de renvoyer aux points 203 à 204 ci-dessus, dont il ressort que l’aéroport de Malpensa était un élément clé du plan de restructuration. La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en affirmant que le redressement attendu dépendait pour une large part de la mise en place du centre aéroportuaire de Malpensa à partir de 1998.

261    Alitalia n’a pas contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle la concurrence pourrait également profiter du développement de l’aéroport de Malpensa, puisque les créneaux horaires disponibles y seront beaucoup plus nombreux qu’à l’aéroport de Linate (Italie), qui est largement saturé. Or, le développement de la concurrence constitue un risque pour Alitalia.

262    Quant à la comparaison, en matière d’éloignement, avec les autres aéroports européens, il convient de souligner, à cet égard, que la distance de l’aéroport de Munich par rapport au centre de Munich, à savoir 37 km, n’est pas comparable à celle de l’aéroport de Malpensa par rapport au centre de Milan, que l’on retienne dans son cas le chiffre avancé par la Commission, à savoir 55 km, ou celui de 48 km allégué par Alitalia. Pour les trois autres aéroports, cette distance peut être jugée comparable. Malpensa se situe donc parmi les aéroports les plus éloignés du centre de la ville qu’il dessert. Toutefois, la comparaison effectuée par Alitalia se heurte à quelques objections relatives à la comparabilité de la taille des aéroports en cause ou de leur place au sein du système aéroportuaire visé. En effet, d’une part, l’aéroport d’Oslo n’a pas la même taille que celui de Milan et, d’autre part, les aéroports de Gatwick et de Stanstead ne sont pas les aéroports principaux de Londres (Royaume-Uni), contrairement à l’aéroport de Malpensa qui avait vocation à l’être pour Milan. Le risque lié à la distance pouvait donc être considéré comme plus important dans le cas de Malpensa.

263    En tout état de cause, le risque essentiel lié à la mise en place du centre aéroportuaire de Malpensa à partir de 1998 est résumé à la dernière phrase du considérant 26, deuxième tiret, de la décision attaquée en ces termes :

« En fait, les potentialités exactes de l’infrastructure nouvelle ainsi que les modalités de la mise en place [de la plate-forme de correspondances] restent en partie inconnues. »

264    Alitalia ne l’a pas contesté. La Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que la mise en place de la plate-forme de correspondances de Malpensa constituait un facteur de risque supplémentaire dont un investisseur privé pouvait tenir compte.

265    S’agissant, cinquièmement, de la libéralisation du marché intérieur italien (considérant 26, troisième tiret, de la décision attaquée), il est constant que celle-ci n’est intervenue qu’à la fin de l’année 1995.

266    Or, dans son argumentation visant à justifier le yield de 23 % qu’elle a appliqué dans son plan, Alitalia utilise comme points de comparaison le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne.

267    Il y a lieu de relever que ni le Royaume-Uni ni l’Allemagne n’étaient, pendant la période de référence, dans une situation comparable à celle de l’Italie. Ces deux pays avaient en effet ouvert leur marché intérieur l’un au début et l’autre à la fin des années 80. Ils ont, ensuite, dans un second temps, pleinement libéralisé leur marché au niveau communautaire, le premier en 1993 et le second en 1997, selon les indications fournies par Alitalia. Cette situation ne saurait être comparée à celle de l’Italie qui a procédé à la libéralisation des deux marchés, intérieur et communautaire, presque concomitamment, respectivement en 1996 et en 1997, obligeant ainsi Alitalia à faire face à une nouvelle concurrence sur les deux fronts en même temps. Cette situation augmentait donc les risques de l’opération aux yeux d’un investisseur privé.

268    La Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en mentionnant, parmi les facteurs de risque dont pourrait tenir compte un investisseur privé, la libéralisation du marché intérieur italien à la fin de l’année 1995 et les incertitudes pesant sur la manière dont Alitalia, jusqu’alors en situation de monopole, sera en mesure de faire face à la concurrence.

269    S’agissant, sixièmement, de l’affirmation de la Commission selon laquelle les coûts unitaires d’Alitalia restent supérieurs à ceux de ses principaux concurrents communautaires (considérant 26, quatrième tiret, de la décision attaquée), il y a lieu de relever que cette formulation n’exclut nullement une amélioration de la situation. Au contraire, l’utilisation du verbe « rester » paraît même l’impliquer.

270    La Commission affirme avoir fondé son appréciation sur les chiffres qui lui ont été communiqués en 1996. Alitalia fait remarquer que ces chiffres remontaient en réalité à 1994, ses coûts s’étant améliorés ensuite. Pour prouver cette amélioration, elle produit en annexe à la réplique des données statistiques provenant d’une publication de l’AEA.

271    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission devait utiliser les données disponibles lors de l’adoption de la décision de 1997 (voir point 137 ci-dessus). Or, les données statistiques produites par Alitalia sont issues d’une publication confidentielle de l’AEA, dont la copie jointe au dossier ne comporte pas de date officielle, mais l’indication manuscrite de la date du 26 juin 1998. La Commission allègue que cette publication n’est parue qu’à la fin de 1997 et qu’elle a été produite pour la première fois par Alitalia au stade de la réplique dans la présente procédure. Alitalia n’a donc pas établi que la Commission avait ou pouvait avoir connaissance de ces données lors de l’adoption de la décision de 1997.

272    Il ne saurait donc être reproché à la Commission de s’être fondée sur les données dont elle disposait lors de la décision de 1997 et de s’en être tenue au fait que les coûts unitaires d’Alitalia restaient supérieurs de 12 % par rapport aux entreprises concurrentes, comme cela était exposé dans la décision de 1997.

273    S’agissant, septièmement, de l’affirmation selon laquelle la compagnie avait connu de graves difficultés sociales en 1995 et en 1996 et que, plus généralement, la mutation de la culture de l’entreprise risquait d’être difficile à gérer (considérant 26, cinquième tiret, de la décision attaquée), force est de constater que le premier élément est constant et qu’il pouvait amener un investisseur privé à considérer la mutation nécessaire de l’entreprise comme un risque, et ce malgré la conclusion d’accords syndicaux qui ne pouvaient écarter toutes les incertitudes relatives à la réaction du personnel.

274    À l’issue de l’examen des risques invoqués par la Commission à l’appui de la fixation d’un taux minimal de 30 %, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

275    Il convient donc de rejeter le moyen tiré de la violation et de l’application erronée des articles 87 CE et 88 CE dans le cadre de la détermination du taux minimal.

2.     Détermination du taux interne

276    Dans ce cadre, Alitalia conteste le montant des coûts d’insolvabilité inclus par la Commission dans le calcul du taux interne, l’évaluation du taux interne sur la base de la dernière version du plan, les paramètres utilisés par la Commission et l’incidence de la conversion des prêts en capital sur le calcul du taux interne.

a)     Montant des coûts d’insolvabilité

277    La question de l’inclusion des coûts d’insolvabilité a déjà été abordée aux points 113 à 121 ci-dessus, mais uniquement sous l’angle de la violation de l’article 233 CE eu égard au contenu de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra. Il s’agit ici de déterminer si, dans son évaluation, la Commission n’a pas retenu de faits inexacts, ni commis d’erreur manifeste d’appréciation.

 Arguments des parties

278    Alitalia rappelle d’abord que, contrairement à ce qu’affirme la Commission au considérant 20 de la décision attaquée, elle n’a jamais accepté le chiffre de 750 milliards de ITL calculé par la Commission.

279    Alitalia fait observer que la première tranche de l’augmentation de capital lui a permis de rembourser 900 milliards de ITL de prêts à court terme à l’IRI, qui n’auraient pas été remboursés si la compagnie avait été en faillite. Ces 900 milliards de ITL constitueraient la limite minimale et non maximale des coûts d’insolvabilité qui ont pu ainsi être évités. Eu égard à ce remboursement de 900 milliards de ITL, l’évaluation des coûts d’insolvabilité à 750 milliards de ITL serait incompréhensible et non motivée.

280    Plus concrètement, Alitalia expose comment elle a chiffré à 1 140 milliards de ITL le coût pour l’IRI d’une faillite éventuelle de la compagnie, chiffre qui constitue, selon elle, une moyenne entre les montants minimaux et maximaux des coûts d’insolvabilité. Alitalia allègue que les coûts d’insolvabilité indiqués dans la décision attaquée devraient donc être majorés de 236 milliards de ITL, ce qui entraînerait une augmentation du taux interne de plus de 4 %.

281    Alitalia conteste avoir surestimé les risques de pertes sur les acomptes versés pour l’acquisition de la flotte d’aéronefs à court terme. Selon elle, les avances sur appareils ne sont pas récupérables en cas de faillite.

282    Alitalia nie également avoir sous-estimé la valeur vénale de la flotte. Son estimation, dans ce dernier cas, serait fondée sur les valeurs de vente indiquées dans des guides professionnels, auxquelles il faudrait, à son avis, appliquer une décote comprise entre 25 et 45 % selon que la vente s’effectue en continuité d’entreprise ou en vente forcée. La valeur des aéronefs vendus en bloc de plus de deux ou de trois unités devrait être réduite de 12 % au moins et il faudrait cibler les évaluations pour chaque type d’avion. Enfin, le pourcentage de décote ne devant pas être dépassé serait de 10 à 15 % pour la vente en gros par rapport au prix de détail, auquel il faudrait ajouter les 20 % prévus par la Commission, soit un total de 30 à 35 %. Alitalia fait en outre valoir que la Commission ne fournit aucun élément à l’appui de ses assertions.

283    Alitalia nie par ailleurs avoir surévalué les coûts de liquidation. Dans son estimation de ces coûts à environ 10 % de la valeur réalisable, Alitalia inclut les délais nécessaires pour la procédure à terme et les frais de la procédure de liquidation. Elle affirme, au sujet de ces coûts de liquidation, se trouver dans l’impossibilité de contester le montant retenu par la Commission, ce montant n’étant pas indiqué et son estimation reposant, d’après le rapport des consultants de la Commission du 18 juin 1997, sur leur propre expérience.

284    Alitalia mentionne enfin le fait que sa liquidation aurait eu un impact négatif sur la position financière de l’IRI en entraînant une détérioration de l’évaluation de l’endettement d’Alitalia et aurait engendré des coûts d’insolvabilité plus élevés. Par prudence, elle n’aurait toutefois pas quantifié cette incidence.

285    Au total, Alitalia rappelle que, en prenant en compte des coûts d’insolvabilité pour une valeur moyenne de 1 140 milliards de ITL, le rendement de l’investissement aurait été de 33 %.

286    La Commission prend acte du fait qu’Alitalia n’a pas accepté la prise en compte d’un montant de 750 milliards de ITL, tout en expliquant comment elle était parvenue à cette conclusion.

287    Quant aux raisons qui l’ont conduite à fixer ce montant, la Commission expose qu’elles sont présentées au considérant 20 de la décision attaquée ainsi que dans les rapports de ses consultants, des 21 février et 18 juin 1997. Elle précise que le tableau qu’elle a élaboré dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, et qui est reproduit par Alitalia en annexe à la requête incluait déjà les coûts d’insolvabilité dans le calcul du taux interne.

288    La Commission conteste, par ailleurs, l’affirmation d’Alitalia selon laquelle elle aurait systématiquement retenu des valeurs extrêmes pour déterminer le taux interne. Elle donne, à cet égard, des exemples de paramètres favorables à Alitalia qu’elle aurait utilisés dans ce calcul.

289    La Commission rappelle que toute erreur dont la correction ne relèverait pas le taux interne au-dessus du taux minimal de 30 % serait sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. La Commission montre, dans différents tableaux, les divergences existant entre son évaluation et celle d’Alitalia et les impute à l’évaluation de la flotte qui garantit les emprunts et à celle du remboursement aux créanciers chirographaires découlant de la liquidation de l’actif.

290    La Commission considère ensuite que le fait d’avoir remboursé des prêts pour 900 milliards de ITL au moyen de la première tranche d’augmentation du capital ne justifie pas que les coûts d’insolvabilité soient évalués au même montant.

291    La Commission conteste l’évaluation d’Alitalia sous différents aspects. Elle fournit un tableau soulignant les différences entre les parties en matière d’évaluation des remboursements destinés aux créanciers et précise qu’elles portent sur les rubriques « Avances sur appareils », « Flotte », « Créances » et « Coûts de liquidation ».

292    S’agissant des avances sur appareils, la Commission estime qu’elles sont récupérables à 100 %. En effet, la clause prévoyant la possibilité de dénoncer les contrats de fourniture d’aéronefs n’exclurait pas le remboursement des avances. En outre, il ne serait pas justifié, à la lumière des informations alors disponibles, de se fonder sur une perte totale de ces crédits, ni d’exclure la possibilité de céder les contrats à d’autres compagnies.

293    S’agissant de la valeur de la flotte en cas de faillite, la Commission précise que l’évaluation doit utiliser les valeurs de 1996 et non celles de 1999 ou de 2000, comme le prétend à tort Alitalia. La Commission dit s’être fondée sur l’estimation détaillée du rapport de ses consultants de juin 1997, selon laquelle la valeur marchande des aéronefs subirait une décote de l’ordre de 10 à 20 %. Afin de vérifier son estimation, les consultants de la Commission auraient utilisé, avec l’aide d’un expert du secteur, un guide professionnel qui indique de manière détaillée le prix des avions de ligne. Le pourcentage de décote ne devant pas être dépassé correspondrait à une baisse de 20 % par rapport au prix de gros, prix qui serait déjà réduit de 8 ou de 9 % par rapport au prix de détail.

294    S’agissant des coûts de liquidation, la Commission les évalue entre 64 et 92 milliards de ITL, alors qu’Alitalia estime qu’ils se situent entre 287 et 427 milliards de ITL. La Commission fait valoir que, aux fins d’une estimation correcte de ces coûts, on peut distinguer, selon la législation italienne, deux schémas de liquidation différents, à savoir la liquidation volontaire ou les procédures collectives. La liquidation volontaire serait effectuée par un liquidateur externe et son coût s’élèverait à 1 % des actifs réalisés, auquel s’ajouterait le coût d’une rémunération correspondant à 0,75 % du passif définitivement évalué, ces chiffres étant extraits du barème des experts-comptables italiens. En cas de procédure collective, ce serait le syndic ou le commissaire judiciaire qui recevrait jusqu’à 0,9 % de l’actif réalisé, auquel s’ajouterait une rémunération maximale de 0,37 % du passif évalué (articles 1er et 2 du décret ministériel n° 570, du 20 juillet 1992). Dans les deux cas, il conviendrait ensuite d’examiner les frais encourus pour les expertises permettant d’apprécier la valeur de réalisation des biens faisant l’objet de la liquidation. Ces frais seraient quantifiables sur la base des barèmes des différents ordres auxquels appartiennent les experts. Dans le cas d’Alitalia, il y aurait lieu de se référer au barème des ingénieurs et des architectes, qui prévoirait, dans les cas de ce type, un droit de 0,05 % sur chaque bien évalué. En appliquant les tarifs maximaux pour le liquidateur ou le syndic et pour l’expert, les coûts de liquidation s’élèvent donc, selon la Commission, à 2,2 % du total de l’actif liquidé en cas de liquidation ou à 1,49 % du total de l’actif liquidé dans le cadre d’une procédure collective.

295    Quant à la prise en compte du facteur temps dans le calcul des coûts d’insolvabilité, la Commission prétend qu’il n’est pas correct d’affirmer qu’une période de six ans aurait été nécessaire pour achever la liquidation de l’ensemble de l’actif d’Alitalia. Ce chiffre proviendrait en effet de l’application de statistiques moyennes – au demeurant ne se rapportant que marginalement à des sociétés par actions et à des grands groupes industriels – à un opérateur fondamentalement différent tel qu’une grande compagnie nationale. Mais, même en prenant en considération cette durée moyenne de six ans, il ne serait absolument pas vrai ni démontrable que le montant total de la procédure doive être encaissé en une seule fois à son terme, les créanciers pouvant être payés au fur et à mesure de la liquidation du patrimoine. Il serait donc impossible d’évaluer de manière précise et crédible l’effet du facteur temps. Par ailleurs, si l’on voulait tenir compte d’une perte sur les crédits en raison du facteur temps, il conviendrait de la rapporter non à la valeur nominale des crédits eux-mêmes, mais à la valeur actualisée de ceux-ci qui serait sensiblement inférieure.

296    La Commission fait observer, enfin, que l’impact de la liquidation d’Alitalia sur l’IRI serait insignifiant. En effet, les seules dépenses afférentes aux coûts d’insolvabilité seraient constituées par les dettes garanties par l’IRI à concurrence de 41 milliards de ITL. Ce montant représenterait à peine 0,16 % de l’endettement financier du groupe IRI, ce qui ne serait en rien comparable à l’augmentation de capital de 2 750 milliards de ITL, de sorte que cela serait sans incidence sur l’appréciation globale du groupe IRI.

 Appréciation du Tribunal

297    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission a publié, le 8 avril 2003, un rectificatif à la décision attaquée, dans lequel elle a pris acte du fait qu’Alitalia n’avait pas accepté l’évaluation des coûts d’insolvabilité à un montant de 750 milliards de ITL (voir point 22 ci-dessus).

298    Quant à la motivation de ce chiffre, elle figure au considérant 20 de la décision attaquée ainsi que dans le rapport des consultants de la Commission du 18 juin 1997, mentionné au même considérant et auquel Alitalia a eu accès (voir points 66 et 67 ci-dessus). Cette motivation a ensuite été précisée dans les écritures de la Commission, notamment dans le mémoire en défense. Il ne saurait donc être considéré que ce montant de 750 milliards de ITL n’a pas été motivé.

299    Alitalia conteste cependant ce montant de 750 milliards de ITL au titre de l’évaluation des coûts d’insolvabilité, de même que la Commission conteste le chiffre de 1 140 milliards de ITL avancé par Alitalia à cet égard. Leur différend porte essentiellement sur la manière de prendre en compte le remboursement de 900 milliards de ITL de prêts à court terme, la récupération des avances sur l’achat de nouveaux appareils, la valeur de la flotte en cas de faillite et l’évaluation des coûts de liquidation.

300    S’agissant, premièrement, du débat entre les parties sur la question de savoir si les 900 milliards de ITL de prêts remboursés à l’aide de la première tranche d’augmentation de capital constituaient la limite minimale ou maximale des coûts d’insolvabilité qui ont pu être évités, il n’est pas pertinent pour apprécier le bien-fondé du montant retenu par la Commission pour l’ensemble des coûts d’insolvabilité. Du reste, aucun élément mis en avant par les parties ne justifie que la somme remboursée de 900 milliards de ITL soit considérée en soi comme une limite minimale ou maximale des coûts d’insolvabilité qui ont pu être évités.

301    S’agissant, deuxièmement, du caractère récupérable ou non des avances versées pour l’achat de nouveaux appareils, il convient de relever que, comme l’a admis Alitalia, la Commission n’avait, lors de l’adoption de la décision de 1997, pas connaissance du protocole d’accord conclu entre l’avionneur McDonnell Douglas et Alitalia, aux termes duquel cette dernière avait renoncé à l’achat de cinq avions et McDonnell Douglas avait conservé l’avance de 500 000 dollars des États-Unis (USD) par appareil. La Commission ne pouvait dès lors pas en tenir compte.

302    Par ailleurs, quand bien même il y aurait lieu de retenir cet exemple dans le cadre de l’examen de la pratique en la matière, Alitalia ne serait en tout état de cause pas fondée à tirer une quelconque conséquence de l’absence de récupération de l’avance pour ces cinq appareils en ce qui concerne les autres commandes, et ce d’autant plus qu’elle souligne elle-même la dimension intuitu personae qui caractérise ce protocole d’accord.

303    Alitalia invoque, en outre, le fait que, « généralement », les contrats d’achat d’avions qu’elle a conclus ne prévoyaient pas la restitution des acomptes éventuellement versés. Elle n’en apporte toutefois pas la preuve.

304    En effet, la clause de dénonciation du contrat pour insolvabilité (Termination for insolvency), stipulée au contrat d’achat d’actifs (Asset Purchase Agreement) conclu entre Airbus Industrie et Alitalia en 1989 et produit en annexe à la requête, n’exclut pas le remboursement de ces avances. Elle ne définit pas expressément les droits du vendeur face à l’acheteur insolvable. Elle ne prévoit a fortiori pas le remboursement intégral de l’avance à l’acheteur. En tout état de cause, un seul contrat ne saurait suffire à établir une pratique générale.

305    Alitalia n’a dès lors pas démontré l’existence, lors de l’adoption de la décision de 1997, d’une pratique antérieure suivie consacrant la perte intégrale des avances versées sur l’achat de nouveaux appareils. Il ne saurait donc être considéré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne fondant pas ses calculs sur l’absence de récupération de l’intégralité de ces avances.

306    Il convient de souligner, par ailleurs, que, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, Alitalia, en invoquant cette impossibilité totale de récupérer ces avances, n’a pas jugé utile de se prononcer sur l’impact d’une récupération partielle de celles-ci sur le montant des coûts d’insolvabilité et sur le calcul du taux interne. Or, il ressort de la simulation effectuée par la Commission dans sa réponse à la question écrite du Tribunal que la possibilité de récupérer les avances versées n’influencerait pas le taux interne jusqu’à 50 % de récupération de celles-ci et l’augmenterait de 1 % en cas de non-récupération des avances ou d’une récupération qui serait limitée à 25 %.

307    Il en résulte que, même en considérant comme erroné le principe d’une récupération intégrale des avances versées, cette erreur serait sans incidence sur la constatation finale de la Commission selon laquelle le taux interne est inférieur au taux minimal. Cette erreur serait inopérante et ne pourrait suffire à justifier l’annulation de la décision attaquée, puisque, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, elle n’aurait pu avoir une influence déterminante quant au résultat (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, Rec. p. II‑2427, point 49, et la jurisprudence citée).

308    S’agissant, troisièmement, de la valeur vénale de la flotte, en renvoyant au rapport de ses consultants du 18 juin 1997, la Commission expose, au considérant 20 de la décision attaquée, que le montant mis en avant par les autorités italiennes la sous-estime.

309    Dans ce rapport, il est précisé :

« Alitalia, in assessing the current market value of its used aircraft, reduced the current value indicated in aircraft catalogues, applying a discount ranging between 25 and 45 %. Lower discount rates (10-20 %) might be more reasonable, if one also considers that Alitalia, in its calculation, includes, in addition to the discounts, the financial effects of a one year selling process. »

310    Il ressort en outre du mémoire en défense que, pour vérifier la première estimation de 1997, les consultants de la Commission ont utilisé, avec l’aide d’un expert du secteur, un barème tiré d’un guide professionnel, qui indique de manière détaillée le prix des avions de ligne. Ce guide propose le critère suivant :

« Fleet values are discounted from wholesale price (average price paid by dealers or airlines for four or more aircrafts) at one half of one per cent times number of aircraft in fleet not to exceed 20 per cent discount. »

311    À cet égard, force est de constater que, en ce qui la concerne, Alitalia ne fonde son recours à une décote se situant entre 25 et 45 % sur aucun élément probant. Elle affirme que les guides professionnels indiquent des pourcentages de décote en cas de vente simultanée de deux ou de plusieurs avions, sans toutefois prévoir le cas des ventes exceptionnelles. Son cas serait donc exceptionnel et nécessiterait une décote particulièrement élevée qu’elle définit elle-même, sans invoquer de documentation à l’appui de ses allégations. Alitalia fait certes référence aux déclarations de M. B., président de l’International Aircraft Remarketing LLC, à l’occasion d’une conférence en 2001.

312    Toutefois, outre le caractère plutôt personnel de l’appréciation de ce dernier, laquelle date de l’année 2001 et non de l’époque concernée, il convient de souligner que la décote que celui-ci a mentionnée dans ses déclarations, à savoir une décote située entre 15 et 30 %, est plus proche en moyenne de celle appliquée par la Commission (20 %) que de celle alléguée par Alitalia (35 % en moyenne).

313    La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en appliquant une décote de 20 % au prix de vente prévu par les guides professionnels, dans lesquels il est tenu compte du type d’avion et de sa conception récente ou ancienne.

314    Par ailleurs, il convient d’observer qu’Alitalia se contredit lorsqu’elle affirme, d’une part, qu’il faudrait inclure une décote supplémentaire pour cause de vente en bloc d’un grand nombre d’avions du même type et, d’autre part, que la vente d’une flotte aussi nombreuse ne se fait pas du jour au lendemain et que les calculs doivent prendre en compte le facteur temps.

315    Quant à l’argument qu’Alitalia prétend pouvoir tirer des décotes importantes que les ventes judiciaires peuvent entraîner et du caractère non probant de l’exemple contraire cité par la Commission en raison du type recherché de l’avion en cause, il peut tout au plus être déduit du débat entre les parties que, pour un même type d’avion, même très recherché, le prix obtenu en cas de vente dans le cadre d’une procédure de faillite peut être légèrement inférieur ou légèrement supérieur aux prix indiqués dans les guides professionnels.

316    Toutefois, il ressort du tableau présenté à ce propos par Alitalia dans la réplique que le prix de vente obtenu dans le cadre d’une procédure de faillite serait en tout état de cause supérieur au prix de gros indiqué dans le guide professionnel qui y est cité à titre de comparaison. Or, la Commission se fonde dans ses calculs sur les prix de gros et une décote de 20 % au maximum est à appliquer à ces prix de gros (voir point 310 ci-dessus). Ces deux exemples avancés par Alitalia confortent donc la thèse de la Commission selon laquelle le prix de revente des avions en cas de faillite n’entraîne pas forcément des baisses importantes. Les exemples cités par Alitalia n’appuient en tout cas pas sa thèse d’une décote de 25 à 45 % (ou de 35 % en moyenne).

317    Enfin, c’est à juste titre que la Commission souligne qu’il convient de tenir compte de la valeur de la flotte aux prix de revente en vigueur lors de la décision de 1997.

318    Alitalia n’a dès lors pas démontré que, en appliquant une décote de 20 % au prix de gros de revente des avions figurant dans les guides professionnels pour apprécier la valeur de sa flotte, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation.

319    S’agissant, quatrièmement, des coûts de liquidation visés au considérant 20 de la décision attaquée, la Commission reproche également aux autorités italiennes de les avoir surévalués. Par ailleurs, le rapport des consultants de la Commission du 18 juin 1997, dont elle fait mention, expose ce qui suit :

« Alitalia determined the liquidation costs (essentially the compensation of the officiel reveiver and the expenses he supposed to occur) as a percentage (10 %) of the realised assets. According to the official professional fees and to our experience, the mentioned amount appears too high. »

320    Il convient de relever d’abord que, contrairement à ce qu’affirme Alitalia, dans la motivation des coûts de liquidation, la Commission ou ses consultants ne se sont pas bornés à invoquer leur propre expérience, mais ont aussi mis en avant les barèmes professionnels en vigueur.

321    Or, il ressort du mémoire en défense que le calcul des coûts de liquidation repose de manière tout à fait essentielle sur ces barèmes professionnels et que la place laissée à l’expérience est très relative. En effet, la Commission a utilisé les barèmes officiels de l’ordre des experts-comptables pour le liquidateur externe, et ceux du décret ministériel n° 570, du 20 juillet 1992, pour le syndic de faillite ainsi que le barème des ingénieurs et des architectes pour l’expert, barèmes qu’elle a appliqués aux valeurs patrimoniales figurant dans l’estimation des coûts d’insolvabilité (Estimated insolvency statements) du 31 mars 1996, fournie par Alitalia. Il y a lieu de noter que, dans le cadre de ce calcul, la Commission a pris en compte les tarifs maximaux prévus tant pour le liquidateur ou le syndic que pour l’expert. Alitalia disposait donc des données nécessaires pour contester l’évaluation des coûts de liquidation réalisée par la Commission. Elle ne saurait invoquer de défaut de motivation à cet égard.

322    Alitalia n’a du reste pas contesté l’utilisation de ces barèmes des ordres professionnels italiens. Elle fait valoir que les coûts de liquidation ne doivent pas s’arrêter au calcul effectué par la Commission, mais doivent prendre en compte les délais nécessaires pour amener la procédure de liquidation à son terme et l’expérience acquise en la matière par l’IRI dans son groupe.

323    S’agissant de la prise en compte du facteur temps, en admettant qu’il soit exact qu’une procédure de cette nature puisse durer six ans, il ne saurait être considéré que les coûts de liquidation s’étalent régulièrement tout au long de cette période avec une réalisation des actifs se situant au terme de cette période.

324    Alitalia n’a du reste pas expliqué en quoi, ni dans quelle mesure ce facteur temps entrerait en ligne de compte dans le pourcentage de 10 % de coûts de liquidation qu’elle applique. Dans la réplique, c’est en effet l’ensemble des coûts d’insolvabilité qu’Alitalia a recalculés, en actualisant les créances qui pourraient, à son avis, être récupérées. En conséquence, outre le fait que cette nouvelle estimation des coûts d’insolvabilité doit être rejetée, puisqu’elle est soulevée pour la première fois au stade de la réplique, elle ne concerne pas précisément les coûts de liquidation.

325    Quant aux exemples qu’invoque Alitalia en se référant à l’expérience acquise par l’IRI dans le cadre de son groupe, la Commission a fait valoir, sans qu’Alitalia le conteste, qu’ils ont trait à des liquidations volontaires et non à des faillites. Il ne s’agit dès lors pas de chiffres significatifs.

326    En tout état de cause, Alitalia n’a fourni aucune précision sur la méthode et les calculs qui l’ont amenée à évaluer les coûts de liquidation à 10 % de l’actif. Elle n’a par ailleurs apporté aucun élément de nature à établir que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son évaluation des coûts de liquidation.

327    Il ressort de l’ensemble de ces considérations que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en évaluant les coûts d’insolvabilité à 750 milliards de ITL.

b)     Évaluation du taux interne sur la base de la dernière version du plan de restructuration

 Arguments des parties

328    Alitalia fait valoir que, en estimant, au considérant 27 de la décision attaquée, que les modifications apportées au plan en juin 1997 n’ont qu’une faible incidence sur les principaux résultats du plan et sur les dividendes attendus par les actionnaires, la Commission néglige complètement la donnée factuelle que représente l’accélération de la mise en place de la compagnie à bas coûts, Alitalia Team, et le démarrage des principaux projets de discontinuité et d’optimisation des coûts qui ont eu pour effet de réduire le risque afférent à la poursuite des objectifs de rentabilité du plan.

329    À titre préliminaire, Alitalia dénonce, comme constitutif d’une erreur d’appréciation de la Commission, le fait d’avoir utilisé le taux de 79 % comme taux de participation de l’IRI au capital de la compagnie. Sur la base de la législation de l’époque, ce pourcentage aurait dû être de 86 %.

330    Alitalia fait observer que les éléments expliquant le calcul du taux interne, réalisé par la Commission dans la décision attaquée, figurent au seul considérant 22 de cette dernière, lequel fournit toutefois des indications extrêmement ténues et ne permettant en aucun cas de comprendre entièrement les opérations effectuées. Les rares paramètres indiqués dans la décision attaquée seraient les mêmes que ceux figurant dans le tableau joint en annexe à la duplique dans le cadre du recours formé contre la décision de 1997.

331    Alitalia allègue que la Commission devrait expliquer comment elle parvient au taux de 26,1 % sur la base à la fois de l’ancienne et de la nouvelle version du plan.

332    La Commission répond que les actions stratégiques prévues dans la dernière version du plan en améliorent les perspectives, mais ne peuvent pas en soi constituer une preuve de ses possibilités effectives de réalisation. La teneur du nouveau plan aurait eu une incidence sur l’évaluation du taux interne dans une certaine limite seulement.

333    Selon la Commission, l’articulation de son calcul en deux hypothèses, à savoir un taux de participation de l’IRI au capital d’Alitalia de 79 ou de 86 %, a été dictée par l’incertitude, qui régnait au mois de juillet 1997, quant à la législation fiscale applicable. Toutefois, aux fins du calcul du taux interne, elle aurait tenu compte du pourcentage le plus favorable des deux (86 %) et serait parvenue à la conclusion que le taux interne était tout au plus de 26,1 %.

334    La Commission déplore une fâcheuse erreur matérielle au considérant 22 de la décision attaquée sur la valeur de la participation de l’IRI au capital d’Alitalia en décembre 2000, laquelle ne s’élèverait pas à 4 206 ou à 4 330 milliards de ITL, mais à 4 179 ou à 4 550 milliards de ITL. Ce serait cependant sur la base des chiffres corrects que la Commission aurait calculé le taux interne de 25,2 ou de 26,1 %.

335    Quant à la méthode de calcul lui ayant permis de parvenir à ce résultat, la Commission renvoie au tableau explicatif qui figure dans le mémoire en défense.

 Appréciation du Tribunal

336    S’agissant des arguments relatifs à l’absence de prise en considération de la dernière version du plan de restructuration, il convient de renvoyer aux points 124 à 138 ci-dessus.

337    S’agissant de la rectification de l’erreur matérielle déplorée par la Commission, il y a lieu de renvoyer au point 22 ci-dessus.

338    Quant au détail des paramètres et de la méthode utilisés par la Commission pour le calcul du taux interne, il sera examiné dans le cadre de la branche suivante du présent moyen (points 352 à 361 ci-après).

339    La contestation par Alitalia de l’utilisation du taux de 79 %, au lieu de 86 %, comme taux de participation de l’IRI au capital d’Alitalia ne saurait convaincre. En effet, il ressort du considérant 23 de la décision attaquée que le taux interne s’établit à 25,2 ou à 26,1 % suivant que l’on prend en compte l’une ou l’autre hypothèse et non en se fondant sur le seul taux de 79 %. Le taux de 86 % est donc en tout état de cause pris en considération par la Commission dans la décision attaquée. Dans ce contexte, même en prenant le chiffre le plus élevé résultant de l’application du taux de 86 %, le taux interne reste inférieur au taux minimal.

340    Enfin, dans la mesure où les arguments d’Alitalia visent à invoquer une motivation inexistante ou insuffisante, le Tribunal a déjà constaté qu’Alitalia ne saurait invoquer un défaut de motivation concernant le calcul du taux interne (voir point 66 ci-dessus). Sur le fond, les considérants 19 à 23 de la décision attaquée permettent de comprendre la méthode et les données de base utilisées par la Commission pour calculer le taux interne. Les deux premiers rapports des consultants de la Commission, qui faisaient partie intégrante de la décision de 1997, à laquelle renvoie la décision attaquée, en fournissent les détails.

341    Par ailleurs, l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, (point 163) faisait état du fait que la Commission avait affirmé dans la duplique que le taux interne, recalculé sur la base de la dernière version du plan, atteignait un niveau de 26,1 % en incluant les coûts d’insolvabilité. Le Tribunal renvoyait à cet égard à la duplique et à une annexe de la duplique déposées dans le cadre de l’affaire T‑296/97. Or, Alitalia affirme dans la requête déposée dans la présente affaire avoir eu accès à ce dernier document et le joint en annexe à celle-ci.

342    De plus, en réponse aux arguments avancés par Alitalia dans la requête, la Commission fournit encore des précisions supplémentaires sur les paramètres qu’elle a utilisés pour calculer le taux interne. Il en résulte qu’Alitalia ne saurait prétendre ne pas disposer des éléments nécessaires pour contester la détermination du taux interne effectuée par la Commission.

c)     Caractère erroné de certains paramètres utilisés par la Commission

 Arguments des parties

343    En premier lieu, partant du principe que le calcul du taux interne se trouvant à la base de la décision attaquée est identique à celui présenté par la Commission en annexe à la duplique déposée dans l’affaire T‑296/97, Alitalia soutient que le calcul de la valeur de l’entreprise est entaché d’une erreur, puisqu’il prend en compte la marge brute d’exploitation (ci-après la « MBE ») indiquée dans l’avant-dernière version du plan et non celle de la dernière version de celui-ci, à savoir 1 485 milliards de ITL.

344    En deuxième lieu, Alitalia allègue que, dans le calcul des tranches d’augmentation de capital prévues en 1996 et en 1997, la Commission ne pouvait pas utiliser le taux hors risque de 6,6 %. Le calcul du taux interne ne prévoirait pas l’actualisation des flux de trésorerie mais envisagerait leur réinvestissement au taux interne. Poser l’hypothèse d’une actualisation hors risque équivaudrait à soutenir qu’il existerait une obligation légale imposant à l’investisseur de verser l’augmentation de capital en toute hypothèse, pour des raisons contractuelles, et que l’investisseur serait en mesure d’effectuer le versement avec un niveau de fiabilité qui le rend assimilable à une banque centrale d’un pays dotée d’une économie solide. Or, dans le cas d’espèce, l’IRI n’aurait pas été obligé de verser le capital quelle que soit l’évolution de l’investissement. Par ailleurs, Alitalia affirme que l’IRI avait, en tant qu’entreprise, un coût d’endettement supérieur au taux hors risque.

345    En troisième lieu, Alitalia fait valoir que les prévisions du plan contenaient des réserves pour imprévus (contingency costs) représentant 30 % des bénéfices en vue d’anticiper d’éventuels retards dans la réalisation du plan. Elle estime cependant que le calcul des flux de trésorerie de l’année de référence ne devrait pas inclure de tels montants, l’état d’avancement des projets dépassant les prévisions. Il y aurait une contradiction dans le raisonnement de la Commission qui, d’un côté, ne diminuerait pas le taux de rendement escompté, même à la lumière de la dernière version du plan qui contiendrait d’importants éléments prudentiels (contingency), en s’obstinant à le fixer à 30 % et, de l’autre, ne voudrait pas tenir compte, dans le calcul de la valeur d’Alitalia, du fait que les éléments prudentiels devraient se réduire à terme.

346    En quatrième lieu, Alitalia avance que le taux de croissance de 4,5 % des flux de trésorerie à long terme retenu par la Commission pénalise la valeur terminale de l’entreprise au 31 décembre 2000. La Commission parviendrait à ce taux en utilisant, en particulier, deux paramètres clé, à savoir la variation du yield et le multiplicateur du transport aérien, dont les valeurs seraient plus basses que celles prévues par les sources externes. La Commission n’aurait pas tenu compte de l’effet positif de l’aéroport de Malpensa sur le trafic d’Alitalia. Alitalia relève que le secteur du transport aérien n’a pas encore atteint son plafond de croissance en Europe. Toutefois, même en voulant prendre la situation américaine pour référence, les prévisions de croissance du trafic passagers sur le marché nord-américain seraient de l’ordre de 6,6 %. Selon Alitalia, il était donc raisonnable d’escompter une croissance nominale de 6,5 %, soit une croissance réelle de 3,9 %, au cours des cinq premières années, puis une stabilisation de ce chiffre respectivement à 4,5 ou à 1,95 %.

347    Selon Alitalia, la simple correction de ces trois derniers éléments porterait le taux interne à 42,3 %, et ce même en maintenant les coûts d’insolvabilité à 750 milliards de ITL.

348    La Commission avance que la valeur de l’entreprise a été fondée sur une MBE de 1 485 milliards de ITL. Elle reproduit dans le mémoire en défense les calculs qui l’ont amenée à évaluer le taux interne à 26,1 %.

349    Le recours à la méthode d’actualisation des futures tranches d’aide au taux hors risque de 6,6 % serait justifié par la nature même des flux. L’augmentation du capital social à laquelle l’IRI a déjà souscrit représenterait une dépense pour Alitalia, dépourvue de tout caractère aléatoire et pour laquelle a été prévu un délai de paiement qui ne doit être considéré qu’en termes de « coûts-opportunité ». Par ailleurs, la prétention d’Alitalia de ramener les tranches restantes d’augmentation de capital à 61,9 % ne serait pas conciliable avec une représentation correcte de l’évaluation du projet d’investissement, car elle attribuerait aux paiements qui restent à effectuer par l’IRI une valeur très réduite par rapport à la réalité.

350    Quant aux réserves pour imprévus, la Commission souligne que, dans la dernière version du plan, elles s’élèvent à 47 milliards de ITL qui, lorsqu’elles sont comparées à la MBE de 1 485 milliards de ITL, ont une incidence limitée à 3,2 %. Par ailleurs, elle affirme qu’une composante de prudence devait être prévue, également pour une année normale, en raison du caractère ambitieux du plan de redressement, du nombre élevé de projets, de la situation de déséquilibre dans laquelle se trouvait la compagnie ainsi que des tendances générales du secteur. La thèse d’Alitalia reviendrait à prétendre qu’elle aurait rempli tous ses objectifs en 2000 de sorte qu’aucune prudence ne serait nécessaire.

351    La Commission fait aussi valoir que la prudence est requise dans la fixation du taux de croissance des flux de trésorerie. Le secteur de l’aviation en Europe serait proche de la maturité de sorte qu’une augmentation sensible de son développement ne pourrait plus être escomptée. Selon certains auteurs, le facteur de croissance ou « facteur g » constituerait le simple taux d’inflation escompté. Dans le cas particulier d’Alitalia, l’élimination des effets inflationnistes, évalués à 2,5 %, permettrait, en appliquant l’équation de Fischer, de parvenir à un taux de croissance réelle de 1,95 %. La Commission cite également le traité sur l’évaluation des entreprises de Guatri, selon lequel il ressort de nombreuses indications internationales, notamment américaines, que le facteur g est généralement compris entre 0 et 5 %, les valeurs situées entre 1 et 3 % étant les plus fréquentes. La Commission relève aussi une erreur dans la formule appliquée par Alitalia pour calculer la valeur finale, en ce qu’elle aurait oublié de multiplier le numérateur par (1 + g), conformément à la formule de Gordon.

 Appréciation du Tribunal

352    S’agissant, en premier lieu, de la MBE, force est de constater que les calculs, qui ont conduit la Commission à fixer le taux interne à 26,1 % et que cette dernière présente dans le mémoire en défense, prennent bien en compte le chiffre de 1 485 milliards de ITL qui est celui de la dernière version du plan de restructuration. La Commission produit également, dans la duplique, des calculs dont il ressort que, en se fondant sur la MBE de l’avant-dernière version du plan, à savoir 1 462 milliards de ITL, le taux interne obtenu s’élève à 24,6 %. C’est dès lors à tort qu’Alitalia invoque la prise en compte d’une MBE erronée.

353    S’agissant, en deuxième lieu, de l’application du taux hors risque de 6,6 % dans le calcul d’actualisation des tranches d’augmentation de capital prévues, à l’époque concernée, l’IRI avait déjà souscrit à l’augmentation de capital d’Alitalia, et ce indépendamment de l’évolution positive ou négative de la situation et des résultats de son investissement. Cette augmentation de capital n’avait donc pas de caractère aléatoire pour Alitalia. L’investisseur étant en mesure d’effectuer le versement avec un haut niveau de fiabilité, les flux de trésorerie entre l’IRI et Alitalia n’étaient pas comparables aux autres flux soumis aux aléas de la réalisation du plan de restructuration. Dans de pareilles circonstances, l’application du taux hors risque contesté apparaît fondée. En conséquence, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en recourant au taux hors risque pour le calcul d’actualisation des tranches d’augmentation de capital par l’IRI.

354    S’agissant, en troisième lieu, de l’argumentation d’Alitalia concernant les réserves pour imprévus, elle fait en substance référence, d’une part, à la nécessité de tenir compte de l’état d’avancement du plan et, d’autre part, au double emploi avec la prise en compte de ce risque dans le taux minimal. Or, quant au premier élément, il convient de rappeler que, pour évaluer le taux interne, la Commission devait se fonder sur les éléments dont elle disposait lors de l’adoption de la décision de 1997 (voir point 137 ci-dessus). Elle ne pouvait dès lors pas tenir compte de la manière dont s’est ensuite déroulé le plan et de l’éventuelle réduction postérieure des risques, à la supposer établie. Concernant le second élément, la prise en compte du risque général de l’investissement par un investisseur privé dans le calcul du taux minimal ne saurait en soi interdire d’inclure, dans le calcul du taux interne, des réserves pour imprévus justifiées par les circonstances. Compte tenu du contexte de l’opération, et notamment de l’endettement de la compagnie, de l’importance du plan de redressement et de la tendance du secteur en 1997, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en prévoyant 47 milliards de ITL de réserves pour imprévus.

355    S’agissant, en quatrième lieu, de la contestation par Alitalia du taux de croissance des flux de trésorerie, elle ne saurait pas davantage convaincre. En effet, pour étayer son affirmation selon laquelle il serait raisonnable d’escompter une croissance nominale de 6,5 % (ou une croissance réelle de 3,9 %), Alitalia se contente d’invoquer le rapport annuel de 1996 de l’International Air Transport Association (IATA), l’association du transport aérien international – qu’elle ne produit pas – selon lequel les prévisions de croissance du trafic passagers sur le marché nord-américain seraient de 6,6 % par an, ainsi que celui de 2001 – qu’elle ne produit pas non plus – selon lequel l’accroissement du chiffre d’affaires des lignes aériennes américaines aurait été, entre 1996 et 2000, de 3,7 % par an. La contestation par Alitalia de la variation du yield et du multiplicateur du transport aérien appliqués par la Commission s’appuie, quant à elle, sur une étude de Boeing.

356    Or, dans le rapport du 18 juin 1997, les consultants de la Commission examinent les valeurs prises en compte par Alitalia pour ces deux éléments et expliquent pour chacun d’eux leur choix :

« On the basis of our analysis, we determined the GNP multiplier in 1.4. This value is consistent with the US Dept of Transportation analysis on the US market for the period 1980-1995.

The most important reasons behind our decision are the following :

–        higher values (UBS, Boeing) refer to the world-wide market ;

–        Alitalia’s most relevant markets (domestic and international) can be considered, after the US one, amongst the more mature, with lower prospective growth rates ;

–        as a consequence, in the long term, the US market multiplier (which has recently reduced) seems to be more realistic.

With reference to the real yield growth rate adopted by Alitalia on the basis of the Boeing studies, some considerations can be made :

–        in the long term, a study from McDonell Douglas foresees an average decline of 1.47 % ;

–        both the mentioned studies (McDonell Douglas, Boeing) were prepared by aircrafts manufacturers ; therefore they can be considered optimistic ;

–        the estimate were prepared referring to the world-wide market, while Alitalia market has to be considered much more competitive than the average ;

–        AEA historical data appear to be lower than those from Boeing and the forecasts for the period 1996-2000 are more prudent.

On the basis of the above and our experience, it appears that the negative trend of the yield could be worse. »

357    Par ailleurs, la Commission étaye son choix d’un taux de croissance réelle de 1,95 % en citant le traité d’évaluation des entreprises de Guatri, selon lequel il ressort de nombreuses indications internationales, notamment américaines, que le facteur de croissance est généralement compris entre 0 et 5 %. La Commission reproduit ensuite un tableau provenant de la même source dont il résulte que les valeurs moyennes se situent entre 1 et 3 %. Le choix de la Commission ne peut dès lors pas être considéré comme extrême.

358    Quant à l’effet sur le taux de croissance d’Alitalia du développement de l’aéroport de Malpensa, il était assurément difficile à apprécier avec les données disponibles en juillet 1997. La prudence dont la Commission a fait preuve à l’égard de cette circonstance ne saurait constituer une erreur manifeste d’appréciation (voir points 260 à 264 ci-dessus). Par ailleurs, l’ouverture du marché aérien italien à la concurrence comportait de nombreuses inconnues de nature à susciter des doutes sur l’hypothèse d’une croissance d’Alitalia supérieure au reste du secteur. Celle-ci ne pouvait à tout le moins pas être considérée comme acquise.

359    Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de la large marge d’appréciation dont la Commission jouissait dans cette matière économique complexe, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en fixant le taux de croissance des flux de trésorerie à 4,5 % (ou une croissance réelle de 1,95 %).

360    Il convient enfin de noter qu’Alitalia paraît admettre dans la réplique l’erreur soulignée par la Commission dans la formule qu’elle a appliquée pour calculer la valeur finale.

361    Cette analyse n’a dès lors mis en lumière aucune erreur manifeste d’appréciation dans les paramètres utilisés par la Commission pour le calcul du taux interne.

d)     Incidence de la conversion des prêts en capital sur le calcul du taux interne

 Arguments des parties

362    Selon Alitalia, comme la majeure partie de l’injection de capital de 1 000 milliards de ITL a servi à rembourser à l’IRI des prêts à concurrence de 900 milliards de ITL et doit être considérée comme une conversion de prêts en capital, l’augmentation de capital que l’IRI envisageait d’effectuer n’était en réalité que de 1 850 milliards de ITL.

363    En prenant ce montant en considération, le taux interne serait de 28,7 %. Il s’élèverait même à 30,1 % en corrigeant la MBE de 1 462 milliards de ITL retenue à tort par la Commission. Par ailleurs, le taux minimal aurait dû être revu à la baisse, puisque l’apport de fonds était limité.

364    La Commission répond que, en tout état de cause, le taux interne resterait inférieur au taux minimal, puisqu’il serait de 28,7 %. La Commission conteste la thèse d’Alitalia selon laquelle, à défaut de l’opération de conversion, le capital entier aurait été perdu dans le cadre de la procédure de liquidation. En effet, selon les prévisions de la Commission, cette dernière aurait permis de satisfaire les créanciers chirographaires à hauteur de 30 %.

365    La Commission fait valoir, par ailleurs, que l’injection de 2 750 milliards de ITL dans le capital d’Alitalia et le remboursement des prêts de la Cofiri constituent deux opérations distinctes. En l’espèce, le montant de l’investissement serait de 2 750 milliards de ITL, dont 1 850 milliards sous forme d’apport en capital et 900 milliards sous forme de conversion des prêts en capital.

 Appréciation du Tribunal

366    Il convient de rappeler que, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (point 145), le Tribunal a constaté qu’« [i]l n’[était] pas contesté que la majeure partie de l’injection de capital de 1 000 milliards de ITL effectuée en 1996 a[vait] servi à rembourser à l’IRI des prêts d’un montant de 900 milliards de ITL environ et que cette opération p[ouvait] être considérée comme une conversion de prêts en capital ».

367    Toutefois, si les parties sont d’accord pour qualifier l’opération de conversion de prêts en capital, elles sont en désaccord sur les conséquences à en tirer. Selon Alitalia, le montant des prêts remboursés doit purement et simplement venir en déduction du montant de l’augmentation de capital que l’IRI envisageait d’effectuer.

368    Or, il ne saurait être contesté que le remboursement des prêts et l’injection de capital litigieuse constituent deux opérations distinctes qui ne sauraient de ce fait être mises sur le même plan, même si, d’un point de vue arithmétique, la somme injectée équivalait globalement à la somme remboursée. La conversion des prêts en capital change la nature du titre détenu et les effets qui en découlent pour le détenteur. Les prêts produisent en effet des intérêts à un taux et des échéances déterminés tandis que le rendement des actions a un caractère incertain. De plus, l’ordre de désintéressement des créanciers en cas de liquidation est différent, l’actionnaire ne passant qu’après les autres créanciers. Il en résulte que, aux yeux d’un investisseur privé, les aléas liés aux deux opérations sont différents. L’injection de capital de l’IRI de 1 000 milliards de ITL en 1996, même si elle a servi en majeure partie à rembourser les prêts de la Cofiri à concurrence d’un montant de 900 milliards de ITL, n’en reste pas moins un investissement pour l’IRI, qui doit être pris en compte comme tel dans la détermination du taux interne. La Commission n’a dès lors pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne déduisant pas simplement les prêts remboursés du montant total de l’investissement, soit 2 750 milliards de ITL.

369    À cet égard, la question de savoir si, à défaut de conversion des prêts en capital, le capital entier aurait ou non été perdu n’est pas pertinente aux fins de l’appréciation de l’incidence de ladite conversion des prêts en capital sur le calcul du taux interne tel qu’il a été effectué par la Commission. À titre surabondant, il y a lieu d’ajouter que, en tout état de cause, le taux interne calculé par Alitalia sur la base du chiffre de 1 850 milliards de ITL, c’est-à-dire déduction faite du montant de la conversion des prêts en capital, reste inférieur au taux minimal.

370    Sur la base de l’ensemble de ces considérations, il s’avère que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du taux interne.

F –  Sur le moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE

371    Dans le cadre de ce moyen, Alitalia critique la réitération, sans réexamen, dans la décision attaquée, des conditions qui figuraient dans la décision de 1997 avant qu’elle ne soit annulée par le Tribunal. Elle estime que ces conditions sont disproportionnées, discriminatoires, illégales et injustifiées.

372    La Commission fait valoir que ce moyen est irrecevable pour absence d’intérêt à agir. Il y a dès lors lieu de commencer par examiner la recevabilité de ce moyen.

1.     Sur la recevabilité

a)     Arguments des parties

373    La Commission allègue que les conditions en question n’ont pas été imposées dans la décision attaquée ni dans la décision de 1997, mais sont en réalité des engagements contractés par les autorités italiennes. Il en résulte, à son avis, que ces engagements ne constituent pas un élément extrinsèque, mais font partie intégrante du projet sur la compatibilité duquel elle s’est prononcée. Ces engagements ne seraient pas imputables à la Commission, mais aux autorités italiennes.

374    Dans ces circonstances, il résulte, selon la Commission, de l’arrêt du Tribunal du 30 janvier 2002, Nuove Industrie Molisane/Commission (T‑212/00, Rec. p. II‑347), que le dispositif de la décision attaquée ne porte pas préjudice aux intérêts d’Alitalia, de sorte qu’elle n’a pas d’intérêt à agir. Un raisonnement analogue aurait été développé par l’avocat général M. Mischo dans ses conclusions sous l’arrêt de la Cour du 18 juin 2002, Allemagne/Commission (C‑242/00, Rec. p. I‑5603, I‑5605).

375    Dans la duplique, la Commission met également en doute l’« effet utile » des griefs relatifs aux conditions en question. Elle fait valoir que la décision attaquée a été adoptée en 2001, environ sept mois après la fin de la mise en œuvre du plan de restructuration fixée au 31 décembre 2000, laquelle impliquait la cessation concomitante des obligations incombant à Alitalia en vertu des conditions contestées. Leur éventuelle annulation n’apporterait par conséquent aucun avantage à Alitalia, que ce soit sur le plan économique ou juridique.

376    Alitalia estime que ni l’arrêt ni les conclusions que la Commission invoque ne sont de nature à étayer sa thèse. En effet, dans l’arrêt Nuove Industrie Molisane/Commission, point 374 supra, le Tribunal n’aurait nullement exclu la possibilité, pour l’entreprise concernée, de contester les éléments d’une décision qui lui est préjudiciable, dans l’hypothèse où ceux-ci résulteraient de concessions faites à la Commission par les autorités nationales.

b)     Appréciation du Tribunal

377     Il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que l’aide en cause est déclarée compatible avec le marché commun, « sous réserve du respect des engagements et [des] conditions figurant aux articles 1er, 2 et 3 de la décision [de 1997] reproduits dans le considérant de la présente décision ».

378    Par ailleurs, la description du déroulement de la procédure administrative, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (points 13 à 35), met certes en lumière que les autorités italiennes se sont engagées, dans la lettre du 26 juin 1997, à respecter certaines conditions. Toutefois, il ressort de ce même arrêt (points 29 et 30) que la Commission avait, dans un premier temps, indiqué à Alitalia et aux autorités italiennes qu’elle n’était pas en mesure d’adopter une décision positive fondée sur le critère de l’investisseur privé en économie de marché dans cette affaire. Elle a, dans un second temps, remis à Alitalia un document informel contenant, d’une part, des orientations envisageables pour améliorer le plan de restructuration et, d’autre part, des indications relatives aux conditions auxquelles serait subordonnée l’autorisation d’une aide à Alitalia.

379    De plus, dans la duplique, la Commission affirme que la communication sur l’aviation (point 38) lui impose l’obligation d’autoriser les aides dans les cas exceptionnels « en subordonnant les plans de restructuration afférents à des conditions très restrictives ». Elle explique qu’elle s’est constamment inspirée de ces règles en subordonnant à des conditions comparables à celles d’Alitalia toutes les aides autorisées auparavant aux autres compagnies. La Commission ajoute que, de ce fait, si elle avait omis de subordonner l’aide octroyée à Alitalia aux conditions aujourd’hui critiquées, la décision attaquée aurait été illégale en raison d’une violation de l’article 87 CE, de la communication sur l’aviation ainsi que des principes généraux de droit tels que le principe d’égalité de traitement.

380    La Commission ne saurait dès lors présenter ces conditions comme ne lui étant pas imputables, mais résultant uniquement d’engagements des autorités italiennes. Certes, ces conditions ont fait l’objet de discussions entre la Commission, Alitalia et les autorités italiennes, et ces dernières ont pris l’engagement de les respecter. Il n’en reste pas moins que la Commission possède une compétence exclusive en ce qui concerne la constatation de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché commun (arrêt de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, point 9, et arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 40). Dans le cadre de cette compétence exclusive, la Commission pouvait – voire devait, ainsi qu’elle l’affirme – lier sa décision de compatibilité à certaines conditions.

381    Dans ces circonstances, le moyen dirigé contre les conditions au respect desquelles la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun est subordonnée dans la décision attaquée ne saurait être considéré comme irrecevable au motif que ces conditions ne seraient pas imputables à la Commission.

382    Cette conclusion n’est pas infirmée par la jurisprudence citée par la Commission.

383    En effet, s’il est vrai que dans l’arrêt Nuove Industrie Molisane/Commission, point 374 supra, le Tribunal a déclaré le recours irrecevable, il ne s’est à cette fin pas fondé sur l’argument défendu par la Commission, selon lequel le choix du coefficient correcteur attaqué avait été effectué directement par les autorités italiennes et non par elle-même. Cet arrêt ne saurait donc être interprété comme excluant la possibilité pour l’entreprise bénéficiaire de l’aide de contester, devant les juridictions communautaires, les conditions auxquelles est liée une décision qui lui est préjudiciable, dans l’hypothèse où celles-ci ont fait l’objet de négociations entre la Commission et les autorités nationales et même d’engagements de la part de ces dernières.

384    Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la Commission, l’arrêt Nuove Industrie Molisane/Commission, point 374 supra, ne repose pas sur le fait qu’une décision autorisant une aide n’est pas susceptible de porter préjudice aux droits de l’État membre et de l’entreprise bénéficiaire. Au contraire, le Tribunal y a considéré que le seul fait que la décision attaquée déclarait l’aide notifiée compatible avec le marché commun, et ne faisait donc pas grief, en principe, à la requérante dans cette affaire, ne le dispensait pas d’examiner si l’appréciation de la Commission produisait des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de ladite requérante. Le Tribunal a cité, à cet égard, par analogie, l’arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission (T‑125/97 et T‑127/97, Rec. p. II‑1733, point 79).

385    S’agissant de l’arrêt du 18 juin 2002, Allemagne/Commission, point 374 supra, à la différence du cas d’espèce, le litige opposait l’État membre à la Commission. Le recours de la République fédérale d’Allemagne a été déclaré irrecevable parce que la Cour a jugé que la décision attaquée n’avait pas par elle-même de portée défavorable pour la République fédérale d’Allemagne et ne lui faisait donc pas grief. Or, il ne saurait être considéré que, dans le présent cas d’espèce, les autorités italiennes ont elles-mêmes demandé que les conditions auxquelles la décision attaquée subordonne la déclaration de compatibilité de l’aide leur soient imposées et que la décision attaquée n’a de ce fait pas de portée défavorable pour la République italienne. Ces considérations valent a fortiori pour Alitalia à laquelle, du reste, la décision attaquée fait grief, ainsi qu’il a été constaté au point 38 ci-dessus.

386    Quant à l’« effet utile » du moyen relatif aux conditions en cause, il convient de rappeler, en premier lieu, que, dans le cadre de son chef de conclusions formulé à titre principal, Alitalia fait de l’illégalité de ces conditions un moyen d’annulation de la décision attaquée dans son entier, annulation pour laquelle elle conserve un intérêt ainsi qu’il ressort des points 35 à 47 ci-dessus. Alitalia conserve dès lors un intérêt à démontrer l’illégalité des conditions en cause.

387    Il convient de rappeler, en second lieu, qu’un acte qui a déjà été exécuté est toujours susceptible d’avoir des conséquences juridiques. En effet, l’acte a pu produire des effets juridiques pendant la période au cours de laquelle il a été en vigueur et ses effets n’ont pas nécessairement disparu en raison de l’exécution de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 41). Or, pour le moins, les conditions imposant, notamment, la limitation des capacités offertes et la cession de participations ont affecté les droits d’Alitalia pendant l’exécution du plan de restructuration. En outre, l’application de certaines conditions, telle la cession de participations, a engendré des effets durables sur la situation d’Alitalia qui se sont prolongés après la fin de la mise en œuvre du plan de restructuration.

388    Alitalia a donc un intérêt à contester les conditions en cause.

2.     Sur le fond

389    Alitalia formule un certain nombre de griefs à l’encontre des conditions contenues dans la décision attaquée. Les uns sont d’ordre général et les autres sont spécifiques à certaines conditions visées. Il convient donc de les examiner séparément.

a)     Griefs formulés à l’encontre des conditions contenues dans la décision attaquée en général

 Arguments des parties

390    Alitalia fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission se borne à rappeler les conditions qui figuraient dans la décision de 1997. Or, cette dernière ayant été annulée par le Tribunal, ces conditions seraient dépourvues de base juridique. Alitalia précise qu’elle ne conteste pas les conditions telles qu’elles ont été imposées dans la décision de 1997, mais qu’elle affirme l’impossibilité pour la Commission de réimposer les mêmes conditions dans le cadre de la décision attaquée, sans donner une motivation adéquate à ce sujet.

391    Alitalia allègue en outre que la Commission aurait dû réexaminer les conditions litigieuses au vu de la dernière version du plan et de l’augmentation de rentabilité qu’elle engendrait. Cette obligation résulterait du fait que le Tribunal a annulé la décision de 1997, notamment au motif que la Commission ne l’avait pas adoptée sur le fondement de la dernière version du plan de restructuration.

392    Alitalia prétend enfin que ces conditions sont en toute hypothèse disproportionnées, discriminatoires, illégales et injustifiées. Dans la mesure où le plan de restructuration respectait les critères de la communication sur l’aviation, il aurait dû être approuvé tel quel sans qu’il soit besoin d’imposer des conditions supplémentaires. Ces dernières auraient ainsi imposé des sacrifices et des restrictions extrêmement graves à la compagnie, et cela contrairement aux lignes directrices [communication sur l’aviation et communication de la Commission aux États membres relative à l’application des articles [87 CE] et [88 CE] et de l’article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier (JO 1993, C 307, p. 3)] qui ne prévoiraient la fixation de conditions que dans deux cas. À travers cette série de conditions, la Commission aurait discriminé sérieusement Alitalia par rapport à d’autres compagnies aériennes ayant récemment fait l’objet de procédures en matière d’aides d’État, dont notamment Air France. Jamais la Commission n’aurait imposé simultanément un ensemble de limites aussi importantes et strictes à l’autonomie de gestion d’une compagnie. De telles conditions ne sauraient être présentées comme une réponse à de prétendus comportements abusifs d’Alitalia, lesquels auraient dû faire l’objet d’une procédure distincte.

393    La Commission soutient que, pour juger de manière adéquate les conditions attaquées, qui constituent le fruit de longues réflexions et de réunions triangulaires entre les autorités italiennes, Alitalia et elle-même, il y a lieu d’analyser la situation extrêmement grave dans laquelle se trouvait la compagnie en 1996.

394    S’agissant de la prétendue illégalité des conditions en cause, la Commission expose qu’Alitalia semble ignorer le lien très étroit qui lie les conditions au plan et qui en forme l’ossature. Dans ses critiques, Alitalia ferait totalement abstraction de l’exigence de contrepartie communautaire alors que celle-ci constituerait une condition nécessaire de la constatation de la compatibilité de l’aide selon les dispositions de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et du point 41 de la communication sur l’aviation.

395    S’agissant du caractère prétendument disproportionné des conditions en cause, la Commission fait valoir que, mises à part les conditions n°s 4 et 8, qui sont spécifiques au cas d’Alitalia, la plupart d’entre elles sont habituelles et accompagnent toutes les autorisations d’aides à la restructuration. Seules trois d’entre elles, à savoir les conditions n°s 3, 5 et 7, auraient un véritable impact économico-financier, lequel n’impliquerait nullement les effets préjudiciables qu’Alitalia invoque sans apporter la moindre preuve. Dans ce contexte, il serait totalement gratuit de faire état d’une quelconque forme de disproportion.

396    S’agissant de la prétendue nécessité de réexaminer les conditions à la suite de la modification du plan, la Commission souligne qu’Alitalia ne précise pas les conditions visées, ni les effets pratiques que devrait avoir leur réexamen. Par ailleurs, lesdites conditions auraient été finalisées après les dernières modifications apportées au plan et compte tenu de celles-ci. Enfin, le taux de rentabilité du plan étant passé de 25,7 à 26,1 %, il ne serait pas possible d’en tirer des répercussions sensibles sur la teneur des conditions.

397    Quant au défaut de motivation, la Commission renvoie au considérant 36 de la décision attaquée.

398    Concernant la prétendue discrimination, notamment par rapport à Air France, dont Alitalia aurait été victime, la Commission souligne qu’Alitalia semble négliger le fait que la définition des critères de certaines conditions a été effectuée par la Commission en fonction de la décision 94/653/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, concernant l’augmentation de capital notifiée d’Air France (JO L 254, p. 73, ci-après la « décision Air France »), à la demande expresse des autorités italiennes, justement au nom du principe d’égalité de traitement.

 Appréciation du Tribunal

399    S’agissant, en premier lieu, du défaut allégué de base juridique des conditions en cause, force est de constater que ces dernières trouvent d’abord leur fondement dans la notification, par les autorités italiennes, du plan de restructuration, puis dans l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999. Ce dernier dispose, en effet :

« La Commission peut assortir sa décision positive de conditions permettant de reconnaître la compatibilité avec le marché commun et d’obligations lui permettant de contrôler le respect de la décision. »

400    Les conditions en cause ne sauraient dès lors être considérées comme dépourvues de base juridique.

401    S’agissant, en deuxième lieu, de la prétendue obligation de réexamen des conditions au vu de la dernière version du plan, il ressort de l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (point 33), que les engagements des autorités italiennes, figurant dans la lettre du 26 juin 1997 (jointe en annexe au mémoire en défense), lesquels correspondent exactement aux conditions figurant dans la décision attaquée, ont été adressés à la Commission par les autorités italiennes en même temps que la version définitive du plan de restructuration.

402    Il résulte de cette simultanéité de l’envoi de la dernière version du plan et des engagements des autorités italiennes, et donc des conditions figurant dans la décision attaquée qui sont identiques à ceux-ci, que celles-ci ne nécessitaient pas de réexamen en vue de les adapter à cette dernière version.

403    À titre surabondant sur ce point, il convient d’observer que toutes les conditions en cause n’avaient pas pour but le retour à la rentabilité de l’entreprise. Beaucoup d’entre elles visaient à prévenir les distorsions de concurrence, de sorte que l’augmentation du taux interne ne devait pas nécessairement conduire à leur adaptation. Or, Alitalia n’a avancé aucune argumentation précise prenant en compte cette circonstance.

404    S’agissant, en troisième lieu, de la prétendue illégalité des conditions en cause, la Commission dispose de la compétence de principe d’assortir une décision autorisant une aide au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE de conditions visant à assurer que l’aide autorisée n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (arrêts du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T‑244/93 et T‑486/93, Rec. p. II‑2265, point 55, et British Airways e.a./Commission, point 56 supra, point 288).

405    Il est par ailleurs de jurisprudence constante que la Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de ses pouvoirs d’appréciation par des actes comme les lignes directrices en question, dans la mesure où ils contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre par cette institution et où ils ne s’écartent pas des normes du traité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T-17/03, Rec. p. II-1139, point 42).

406    Or, la communication sur l’aviation, à laquelle renvoie le considérant 15 de la décision attaquée, exige que les aides à la restructuration soient encadrées par un plan destiné à assainir la compagnie aérienne de manière à ce qu’elle puisse, dans un délai raisonnable, redevenir viable. La Commission ne pourra autoriser des aides à la restructuration que dans des cas très exceptionnels et sous des conditions très strictes [point 38 1) et 2), et point 41].

407    Il s’ensuit que, dans une décision prise sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, telle que la décision attaquée, la Commission peut imposer toute condition qu’elle estime indispensable pour assurer que l’entreprise bénéficiaire de l’aide, après sa restructuration, sera viable.

408    En revanche, aucune des dispositions précitées n’exige que toutes les conditions imposées dans ce cadre soient nécessaires pour assurer la viabilité de l’entreprise. Il ressort au contraire de la communication sur l’aviation que la Commission doit aussi s’efforcer de limiter autant que faire se peut les distorsions de concurrence (point 41) et veiller à ce que le gouvernement s’abstienne de s’ingérer dans la gestion de la compagnie pour des raisons autres que celles qui découlent de ses droits de propriété [point 38 5)] et à ce que l’aide soit exclusivement utilisée aux fins du programme de restructuration et ne soit pas disproportionnée par rapport aux besoins [point 38 6)].

409    Contrairement à ce qu’affirme Alitalia, le point 38 3) de la communication sur l’aviation ne prévoit nullement que la Commission ne peut imposer de conditions que dans deux cas, à savoir si le retour à la viabilité financière ou la situation de surcapacité du marché le requiert. En effet, ce point est ainsi libellé :

« Si le retour à la viabilité financière ou la situation du marché requiert une réduction de la capacité, cela doit être prévu dans le programme. »

410    Dans la mesure où Alitalia pourrait sembler invoquer les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté du 9 octobre 1999 (JO C 288, p. 2), il y a lieu de rappeler qu’elles ne sont pas applicables au cas d’espèce, car le plan de restructuration a été communiqué à la Commission par les autorités italiennes par lettre du 26 juillet 1996. À titre surabondant, elles n’étayent pas la thèse d’Alitalia. En effet, le point 3.2.2, sous c), i), des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté prévoit que, « dans le cas où il existe une surcapacité structurelle à l’échelle de la Communauté et de l’EEE dans un marché sur lequel le bénéficiaire de l’aide poursuit ses activités, le plan de restructuration doit alors contribuer à son assainissement en fonction de l’aide reçue et de son effet sur le marché en cause, par une réduction irréversible des capacités de production ». Le point 3.2.2, sous c), ii), desdites lignes directrices précise que, « dans le cas où, en revanche, il n’y a pas dans la Communauté ni dans l’EEE de surcapacités structurelles sur un marché desservi par le bénéficiaire de l’aide, la Commission examinera néanmoins l’opportunité d’exiger des contreparties ».

411    La Commission peut donc imposer des conditions même en l’absence de surcapacités structurelles. Contrairement à ce qu’affirme Alitalia, la Commission ne devait dès lors pas démontrer l’existence de surcapacités structurelles pour pouvoir imposer des conditions à l’autorisation de l’aide.

412    S’agissant, en quatrième lieu, de l’argument général relatif au caractère disproportionné des conditions en cause, le seul fait que le taux de rentabilité ait été amélioré dans la dernière version du plan ne saurait signifier que la Commission devait l’accepter tel quel sans conditions. Ainsi qu’il a déjà été souligné, la Commission doit aussi s’efforcer de limiter les distorsions de concurrence engendrées par le plan. Elle peut donc à cet effet imposer des conditions à l’autorisation du plan.

413    Par ailleurs, l’argumentation d’Alitalia reste générale, sans aucun élément précis de nature à étayer sa thèse. D’une part, Alitalia n’établit pas en quoi les conditions imposées sont disproportionnées par rapport à sa situation. D’autre part, il ne saurait être présumé que la situation dans laquelle elle se trouvait était comparable à celle des compagnies précitées ayant déjà fait l’objet de décisions de la Commission. De plus, même à supposer que son autonomie de gestion ait été fortement réduite, cela ne saurait suffire à établir le caractère disproportionné des conditions qui lui ont été imposées.

414    S’agissant, en cinquième lieu, de l’argument relatif à la fixation de conditions discriminant Alitalia par rapport à ses concurrents, notamment Air France, il conviendra d’y revenir dans le cadre de l’examen des griefs spécifiques à certaines conditions. Toutefois, à ce stade, sur un plan général, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a rejeté un grief analogue dans l’arrêt British Airways e.a./Commission, point 56 supra (point 443). Dans cet arrêt, le Tribunal avait considéré que, eu égard à un tel encadrement du plan de restructuration, la Commission n’était pas tenue de fournir des explications spécifiques portant comparaison du plan d’Air France et des plans de restructuration d’autres compagnies aériennes telles que Lufthansa et British Airways. En effet, ces plans concernaient d’autres compagnies restructurées à d’autres époques. Par conséquent, une comparaison de ce type ne suffit pas à fonder l’existence d’une discrimination, eu égard à la variété du contexte.

415    S’agissant, en sixième lieu, de la motivation de ces conditions et de l’impossibilité de les réimposer dans le cadre de la décision attaquée, d’une part, il convient de renvoyer aux points 74 à 77 ci-dessus.

416    D’autre part, il y a lieu de rappeler que, pour adopter et motiver la décision attaquée, la Commission devait se replacer dans le contexte de l’époque à laquelle les mesures de soutien financier ont été prises et donc recourir aux éléments dont elle disposait lors de l’adoption de la décision de 1997, de sorte qu’elle ne pouvait pas tenir compte de circonstances postérieures (voir point 137 ci-dessus).

417    Par ailleurs, la Commission conclut aussi dans la décision attaquée à la supériorité du taux minimal sur le taux interne, malgré l’augmentation de ce dernier. La conclusion finale, à savoir la qualification d’aide d’État de l’opération en cause, reste donc identique à celle de l’analyse effectuée dans la décision de 1997. Or, cette qualification d’aide d’État implique l’appréciation de la compatibilité de l’aide, à laquelle sont liées les conditions en cause. Celles-ci n’ayant pas de lien direct avec le taux interne, l’augmentation de ce dernier n’obligeait pas la Commission à les modifier avec une motivation ad hoc.

418    Il y a donc lieu de rejeter l’ensemble des griefs généraux qu’Alitalia formule contre les conditions contenues dans la décision attaquée.

b)     Griefs spécifiques formulés à l’encontre de certaines conditions contenues dans la décision attaquée

419    Alitalia conteste de façon spécifique les conditions n°s 2 à 8 contenues dans la décision attaquée. Il y a lieu d’examiner séparément chacune d’entre elles.

 Condition n° 2 : interdiction de nouvelles aides

–       Arguments des parties

420    Selon Alitalia, la condition selon laquelle les autorités italiennes doivent s’engager à « ne plus accorder à Alitalia ni de nouvelle dotation en capital, ni d’autres aides sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme de garantie d’emprunts », est, en raison de son caractère général, arbitraire et excessivement onéreuse pour elle, surtout à un moment où le secteur entier en cause traverse une crise extrêmement grave.

421    Cette condition serait contraire à la logique de la communication sur l’aviation. En effet, la Commission y affirmerait seulement que les aides à la restructuration ne peuvent être accordées en principe qu’une seule fois. Elle y préciserait qu’aucune aide supplémentaire ne devrait être nécessaire pendant la durée du programme, mais « laisserait la porte ouverte pour l’avenir ».

422    Enfin, Alitalia prétend qu’il est faux d’affirmer que cette condition figure dans toutes les décisions qui autorisent des aides à la restructuration en faveur des compagnies aériennes concurrentes. Dans sa décision du 22 juillet 1992 concernant une injonction de capital et un programme complet de restructuration et d’investissement en faveur de la compagnie Iberia, la Commission aurait, en effet, posé comme condition à l’autorisation de l’aide, notamment, que l’aide soit « la dernière pendant la durée du plan stratégique ».

423    La Commission considère que la condition n° 2 est pleinement justifiée et ne saurait être qualifiée d’arbitraire ni d’excessivement onéreuse. Cette condition figurerait dans toutes les décisions qui autorisent des aides à la restructuration en faveur des compagnies aériennes.

424    La Commission souligne que l’interdiction d’aides découle de l’article 87, paragraphe 1, CE et qu’il va de soi qu’une décision individuelle ne peut modifier le traité. C’est donc dans ce contexte que, selon la Commission, la condition imposée doit être lue et interprétée. Cette dernière aurait nécessairement une portée relative, puisqu’elle n’est applicable que durant la restructuration d’Alitalia et qu’elle ne s’oppose pas à l’octroi d’aides horizontales pour des investissements différents et étrangers à ceux envisagés dans le plan de restructuration, sous réserve du respect de l’article 87, paragraphe 3, CE.

–       Appréciation du Tribunal

425    Les parties sont en désaccord sur la portée de l’interdiction de nouvelles aides figurant dans la décision attaquée. Alitalia y voit une condition générale et arbitraire sans limitation dans le temps.

426    S’agissant du caractère général de l’interdiction de principe des aides d’État, il résulte de l’article 87, paragraphe 1, CE, et non de la décision attaquée. Cette interdiction n’empêche en aucun cas les États membres de notifier à la Commission de nouveaux projets d’aide, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE. Chargée de l’examen de ceux-ci, la Commission a défini les lignes directrices qui régissent son appréciation des projets d’aide de certains types ou dans certains secteurs, dont celui de l’aviation à travers la communication sur l’aviation.

427    Or, il ressort du point 38 2) de la communication sur l’aviation que la Commission « exige normalement l’assurance écrite du gouvernement que l’aide en cause constituera le dernier apport de capitaux publics, sous quelque forme que ce soit, pendant la durée du programme, et ce conformément aux dispositions du droit communautaire ».

428    Lue à la lumière de ces dispositions, la condition n° 2 ne saurait dès lors être considérée comme revêtant un caractère général et arbitraire.

429    S’agissant de l’absence de limitation dans le temps de la condition n° 2, sans préjudice de l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, les engagements pris par les autorités italiennes et repris dans les conditions contestées sont, ainsi qu’il ressort de la communication sur l’aviation et que l’a confirmé la Commission dans le mémoire en défense, limités à la durée du plan de restructuration. La portée de la condition n° 2 en tant que telle est donc nécessairement limitée dans le temps.

430    Concernant la présence d’une telle condition dans toutes les autres décisions de la Commission du même type qui autorisent des aides à la restructuration en faveur de compagnies aériennes, c’est à tort qu’Alitalia la conteste en invoquant la décision de la Commission du 22 juillet 1992 autorisant une aide à la restructuration en faveur de la compagnie Iberia. En effet, comme le dit Alitalia elle-même dans la réplique, dans cette décision, l’une des conditions était que l’aide soit « la dernière pendant la durée du plan stratégique ». C’est dès lors à juste titre que la Commission affirme que, dans ladite décision, l’interdiction est énoncée dans des termes légèrement différents par rapport à ceux de la décision attaquée, mais que la substance est identique, la condition étant dans les deux cas limitée à la durée du plan de restructuration (voir point précédent). Le seul exemple invoqué par Alitalia n’est dès lors pas de nature à infirmer la présence d’une telle condition dans toutes les décisions de la Commission du même type.

431    Alitalia n’a pas davantage tenté d’établir que la présence de cette condition était justifiée dans le cas des autres compagnies visées mais non dans le sien.

432    La condition n° 2 n’est donc affectée par aucun des vices allégués par Alitalia et les griefs formulés à cet égard doivent par conséquent être rejetés.

 Condition n° 3 : interdiction d’acquérir des participations dans d’autres transporteurs aériens

–       Arguments des parties

433    Alitalia invoque le caractère disproportionné et discriminatoire de la condition n° 3 selon laquelle les autorités italiennes doivent « garantir que, jusqu’au 31 décembre 2000, l’aide soit exclusivement utilisée par Alitalia aux fins de la restructuration de la compagnie et non pour acquérir des participations nouvelles dans d’autres transporteurs aériens ».

434    Alitalia fait valoir que la décision 94/118/CE de la Commission, du 21 décembre 1993, concernant l’octroi pour l’Irlande d’une aide au groupe Aer Lingus (JO 1994, L 54, p. 30, ci-après la « décision Aer Lingus »), et la décision 94/696/CE de la Commission, du 7 octobre 1994, concernant les aides accordées par l’État grec à la compagnie Olympic Airways (JO L 273, p. 22, ci-après la « décision Olympic Airways »), se limitaient à imposer à ces compagnies l’interdiction d’acquérir des participations dans d’autres compagnies aériennes communautaires et de l’EEE. Elle ajoute qu’aucune interdiction de ce type ne figurait dans la décision 91/555/CEE de la Commission, du 24 juillet 1991, relative aux aides que le gouvernement belge prévoit d’octroyer au transporteur aérien communautaire Sabena (JO L 300, p. 48, ci-après la « décision Sabena »).

435    Alitalia allègue en outre que sa situation n’est pas comparable à celle d’Air France qui était nettement plus critique, de sorte qu’une interdiction pouvait se justifier dans le cas de cette dernière. Elle estime que cette interdiction est absolument disproportionnée à son égard dès lors qu’il est établi que le montant et l’intensité de l’aide sont adaptés aux exigences de la restructuration et assurent un rendement supérieur à la norme dans le secteur.

436    Alitalia ajoute que le caractère excessif et discriminatoire de la condition n° 3 est encore plus évident lorsqu’on la met en liaison avec la condition n° 8 qui impose à Alitalia de céder sa participation dans Malév. À cet égard, la Commission n’aurait imposé à Air France que de se défaire d’activités étrangères au cœur du métier de l’entreprise (core business).

437    La Commission fait valoir que les conditions n°s 3, 5 et 7, qui constituent le noyau dur de la restructuration, doivent être « prises en bloc », car elles visent le même objectif, à savoir rétablir la rentabilité et la compétitivité d’Alitalia à l’horizon 2000 ainsi qu’à limiter les distorsions de concurrence inhérentes à l’aide. Elles réaliseraient un équilibre entre l’intérêt d’Alitalia et l’intérêt commun.

438    La Commission explique ensuite que l’ampleur de l’interdiction d’acquérir de nouvelles participations tient à la libéralisation à l’échelle de l’EEE du marché de l’aviation en 1997. La Commission renvoie, à cet égard, à la communication sur l’aviation.

439    La Commission fait observer à ce sujet que les décisions Aer Lingus et Olympic Airways, invoquées par Alitalia, sont antérieures à cette libéralisation. De surcroît, ces compagnies auraient un rayon d’action essentiellement régional et ne seraient donc pas des acteurs du marché mondial. Tel ne serait pas le cas d’Air France. Or, la décision Air France comprendrait la même interdiction que celle prévue dans la décision attaquée à l’égard d’Alitalia, ce qui serait justifié par le fait que les deux dernières compagnies poursuivent des stratégies mondiales et sont en partie concurrentes sur les mêmes marchés.

440    Enfin, la Commission avance que la condition n° 3 ne constitue pas une limite injustifiée à l’utilisation de ses fonds par Alitalia, mais le corollaire de l’obligation pour cette dernière de destiner l’aide uniquement à la restructuration et non à son expansion, conformément au point 38 4) de la communication sur l’aviation.

–       Appréciation du Tribunal

441    Il est constant que le secteur des transports aériens dans la Communauté a été libéralisé par étapes, le programme de libéralisation s’étant achevé en 1997. Cette libéralisation constitue l’élément central de la communication sur l’aviation ainsi qu’en témoigne son introduction. Sous le titre « Libéralisation des transports aériens dans la Communauté », la Commission expose :

« 1. Dans le passé, les transports aériens dans la Communauté se caractérisaient par une intervention massive de l’État et le bilatéralisme.

[…]

Or, le Conseil a désormais mené à son terme son programme de libéralisation des transports aériens dans la Communauté. Dans un contexte de concurrence accrue dans la Communauté, l’application plus stricte des règles concernant les aides d’État répond donc à un besoin évident.

2. Les mesures relatives à la libéralisation du marché et à la concurrence qui sont désormais entrées en vigueur ont fondamentalement modifié l’environnement économique des transports aériens.

[…]

Dans un environnement plus concurrentiel, les aides d’État pourraient revêtir une importance stratégique sensiblement accrue pour les gouvernements soucieux de protéger les intérêts économiques de leurs ‘propres’ compagnies. Cela pourrait déboucher sur une course aux subventions de nature à compromettre tant l’intérêt commun que les objectifs fondamentaux du processus de libéralisation. »

442    Par ailleurs, au point 38 2) de la communication sur l’aviation, la Commission prend en compte le fait que « l’achèvement du marché commun de l’aviation en 1997 accroîtra considérablement la concurrence au sein du marché commun ». Elle ajoute que, dans ces conditions, elle « ne pourra autoriser les aides à la restructuration que dans des cas très exceptionnels et sous des conditions très strictes ». La Commission le répète même au point 41 in fine.

443    Au point 38 4) de la communication sur l’aviation, la Commission souligne que « le programme financé par l’aide d’État ne peut être considéré comme ‘non contraire à l’intérêt commun’ […] que s’il ne vise pas à l’expansion, ce qui signifie qu’il ne doit pas avoir pour objectif d’accroître la capacité et l’offre de la compagnie concernée au détriment de ses concurrentes européennes directes ».

444    Enfin, au point 38 6) de la communication sur l’aviation, la Commission indique que l’aide « doit être exclusivement utilisée aux fins du programme de restructuration et ne doit pas être disproportionnée par rapport aux besoins ». Elle en conclut que « [p]endant la période de restructuration, la compagnie doit donc s’abstenir d’acquérir des parts de capital d’autres transporteurs aériens ».

445    Il en résulte que la condition n° 3 imposée à Alitalia figure expressément parmi les conditions auxquelles est subordonnée l’approbation de l’aide par la Commission telles qu’elles ont été précisées dans la communication sur l’aviation, à laquelle renvoie la décision attaquée. Ces conditions, qui s’inscrivent dans un contexte de libéralisation du marché des transports aériens, ont été définies par la Commission à la lumière de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, selon lequel une aide à la restructuration peut être compatible avec le marché commun si elle n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. La prise en compte par la Commission de la libéralisation des échanges et de l’intérêt commun est donc conforme au droit communautaire.

446    L’application de la condition n° 3 n’est pas davantage discriminatoire vis-à-vis d’Alitalia.

447    Certes, dans les décisions Aer Lingus et Olympic Airways, la Commission s’était limitée à interdire à ces compagnies d’acquérir une participation dans tout transporteur aérien, respectivement, de la Communauté ou de l’EEE. Toutefois, ainsi que l’affirme la Commission, ces décisions sont toutes deux antérieures à la libéralisation du marché et à l’adoption de la communication sur l’aviation (décembre 1994). Cette constatation vaut a fortiori pour la décision Sabena qui, s’il est vrai qu’elle ne contenait pas d’interdiction de cette nature, remonte, quant à elle, à 1991. Ne se situant pas dans le même contexte, les conditions fixées dans ces décisions ne sauraient donc être comparées à celles imposées dans la décision attaquée.

448    À titre surabondant, même s’il y avait eu lieu de prendre en compte les précédents antérieurs à la libéralisation du marché et à l’adoption de la communication sur l’aviation, de par sa taille et le marché qu’elle vise, Alitalia serait plus proche d’Air France que d’Aer Lingus ou d’Olympic Airways. Or, dans la décision Air France, la Commission soumettait l’autorisation de l’aide à une condition de même portée que celle imposée à Alitalia dans la décision attaquée, à savoir à la condition « que, pendant la durée du plan, l’aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités de la restructuration de la compagnie et non pour acquérir des participations nouvelles dans d’autres transporteurs aériens ».

449    En conclusion, la condition n° 3 ne saurait être considérée comme disproportionnée et discriminatoire à l’égard d’Alitalia et les griefs formulés à cet égard doivent donc être rejetés.

 Condition n° 4 : interdiction des traitements préférentiels au bénéfice d’Alitalia

–       Arguments des parties

450    La condition n° 4 de la décision attaquée impose aux autorités italiennes de supprimer certains traitements préférentiels dont bénéficie Alitalia. Or, selon cette dernière, la réglementation applicable au transport aérien en Italie, notamment la convention n° 4372, du 15 avril 1992, approuvée par le décret du 16 avril 1992, est pleinement conforme aux dispositions pertinentes du droit communautaire. La condition n° 4 serait dès lors injustifiée et erronée. Elle serait en outre dépourvue de toute motivation.

451    Par ailleurs, une lettre émanant du ministère des Transports italien aurait précisé, premièrement, qu’Alitalia avait renoncé aux droits de priorité, conformément à ce qui était prévu dans la décision de 1997, deuxièmement, qu’Alitalia avait déjà été déclarée déchue de ses droits de trafic non exploités et, troisièmement, que les critères objectifs, sur la base desquels les droits de trafic retirés à Alitalia ou rendu disponibles à un autre titre devaient être attribués, étaient en phase de définition.

452    Enfin, Alitalia conteste qu’une décision de la Commission adoptée sur la base des articles 87 CE et 88 CE puisse avoir une incidence sur l’attribution de droits de trafic à partir de ou vers des pays tiers situés en dehors de l’EEE. Ces droits seraient, en effet, régis par une série de conventions de droit international, qui échapperaient à la compétence de la Commission.

453    La Commission rétorque que l’interdiction en cause peut être ramenée à l’interdiction générale de discrimination figurant à l’article 12 CE, telle qu’elle est complétée par la réglementation qui prévoit la libéralisation du secteur aérien. La Commission ne pourrait pas autoriser une aide contraire à une règle ou à un principe de droit communautaire et, par conséquent, incompatible avec le droit communautaire.

454    Selon la Commission, la convention n° 4372 attribuait bien à Alitalia une série de privilèges cités dans l’article 1er, paragraphe 4, de la décision de 1997. Elle ajoute que ces privilèges avaient suscité des griefs légitimes de la part des compagnies qui étaient intervenues dans la procédure, ainsi qu’en témoigne le point IV de la décision de 1997. La Commission renvoie également au point VI 4) de la décision de 1997, dans lequel il est rappelé que les autorités italiennes ont reconnu l’existence de traitements préférentiels accordés à Alitalia en matière de droits de trafic, de créneaux horaires, d’assistance au sol et d’accès aux installations aéroportuaires. Ces discriminations auraient perduré jusqu’en janvier 1998.

–       Appréciation du Tribunal

455    En application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la Commission ne peut déclarer une aide à la restructuration compatible avec le marché commun que si elle n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. La Commission était dès lors tenue en l’espèce de vérifier si cette condition était remplie, d’autant que les parties intéressées, qui ont présenté des observations dans le cadre de l’examen formel ayant précédé l’adoption de la décision de 1997 puis ayant repris en vue de l’adoption de la décision attaquée, avaient expressément demandé qu’il soit mis fin aux discriminations dont bénéficiait Alitalia à différents égards.

456    Or, la convention n° 4372 n’était pas conforme au droit communautaire lors de l’examen effectué par la Commission dans le cadre de l’adoption de la décision de 1997. En effet, dans la lettre du 26 juin 1997, jointe en annexe au mémoire en défense, les autorités italiennes ont garanti qu’elles « entameront immédiatement et achèveront d’ici le 31 décembre 1998 au plus tard la procédure de révision » de ladite convention. L’existence d’« une révision de facto » de la convention n° 4372 prévoyant que celle-ci ne s’applique que dans la mesure où elle est compatible avec le droit communautaire ne pouvait être considérée comme suffisante pour modifier le droit et garantir son application.

457    Alitalia ne saurait donc prétendre que la convention n° 4372 était d’emblée conforme au droit communautaire, ni même que la procédure de révision à cette fin était achevée lors de l’adoption de la décision de 1997. La condition n° 4 était dès lors nécessaire pour que l’aide n’altère pas les conditions des échanges et soit compatible avec le marché commun. Cette condition était par conséquent justifiée et Alitalia, qui a été étroitement associée à la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision de 1997 puis à l’examen formel repris en vue de celle de la décision attaquée, ne saurait alléguer qu’elle n’en connaissait pas la motivation.

458    Concernant la lettre adressée le 6 février 1998 à la Commission par le ministre des Transports italien et reproduite dans la communication de la Commission du 18 septembre 1998 concernant la deuxième tranche de l’aide à la restructuration d’Alitalia approuvée par la Commission le 15 juillet 1997 (JO C 290, p. 3), la Commission ne peut l’invoquer, puisqu’elle est postérieure à l’adoption de la décision de 1997 et ne saurait donc entrer en ligne de compte pour apprécier le caractère justifié de cette condition à cette date. Il en va de même du fait, allégué par la Commission, que ces traitements préférentiels auraient perduré jusqu’à leur règlement dans le cadre de réunions techniques en juillet et en août 1999.

459    Quant à l’argument selon lequel une décision de la Commission, prise sur la base des articles 87 CE et 88 CE, ne pourrait avoir un effet sur l’octroi de droits de trafic en provenance des pays situés en dehors de l’EEE, force est de constater que cette hypothèse n’est pas visée dans la condition en cause qui concerne notamment l’« attribution de droits de trafic (y compris vers les pays tiers en dehors de l’[EEE]) ».

460    S’agissant du trafic vers les pays tiers, il y a lieu de souligner que les compagnies aériennes se trouvent également en concurrence sur les lignes vers les pays extérieurs à l’EEE, de sorte que la Commission doit en tenir compte dans son évaluation de la mesure d’aide en cause (voir, en ce sens, arrêt British Airways e.a./Commission, point 56 supra, point 273).

461    Il convient par ailleurs de noter que c’est aux autorités italiennes que la condition n° 4 impose de ne pas privilégier Alitalia, notamment en matière d’attribution de droits de trafic. La Commission n’intervient donc pas elle-même directement dans cette attribution. Le grief selon lequel la Commission n’a pas de compétence à cet effet est dès lors sans objet.

462    Les griefs d’Alitalia à l’égard de la condition n° 4 doivent par conséquent être rejetés.

 Condition n° 5 : limitation de capacité

–       Arguments des parties

463    Alitalia fait valoir que la condition n° 5 fixe une double condition en matière de capacité offerte par les aéronefs qu’elle exploite, à savoir une limitation du nombre de sièges disponibles et une limitation de la croissance annuelle du nombre de sièges-kilomètres offerts. Cette condition serait disproportionnée, discriminatoire et en contradiction avec la condition n° 1, selon laquelle Alitalia doit bénéficier d’une autonomie de gestion afin d’être en mesure de profiter au mieux des possibilités de développement du marché. Elle la paralyserait en l’empêchant d’opérer avec la souplesse nécessaire sur le marché. Lors de la fixation de ces conditions, la Commission n’aurait pas évalué correctement la situation individuelle d’Alitalia ni le contexte économique dans lequel celle-ci opérait. La Commission justifierait en outre la limite imposée à la compagnie par une motivation purement formelle, fondée sur le point 38 4) de la communication sur l’aviation.

464    S’agissant de la condition n° 5, sous a), Alitalia relève ensuite que le paramètre utilisé, à savoir la limitation du nombre de sièges disponibles, est particulièrement contraignant, notamment par rapport à celui imposé dans la décision Air France où la Commission s’était contentée de prévoir un plafond rapporté au nombre d’aéronefs constituant la flotte. Cela serait d’autant plus vrai que la limite s’appliquerait en l’espèce aux aéronefs de tout le groupe Alitalia. En outre, la condition en cause viserait aussi les pays situés en dehors de l’EEE et s’écarterait ainsi de la communication sur l’aviation.

465    Quant à la condition n° 5, sous b), limitant la croissance annuelle du nombre de sièges-kilomètres offerts, Alitalia souligne qu’elle est apparemment calquée sur la condition n° 8 de la décision Air France. Or, cette condition serait totalement injustifiée et discriminatoire dans la mesure où elle serait appliquée à une entreprise économiquement saine. Cette condition aurait un contenu plus rigoureux que dans le cas d’Air France, car elle viserait Alitalia dans son ensemble alors que la décision Air France aurait fait une distinction entre Air France, Air Charter et Air Inter. La limitation frappant Alitalia concernerait aussi le trafic national et introduirait ainsi un élément de rigidité supplémentaire. De plus, le taux de limitation de la croissance d’Alitalia serait emprunté à la décision Air France sans explication. Enfin, la Commission aurait encore abaissé, pour les années 1999 et 2000, le plafond établi dans la décision de 1997.

466    La Commission fait valoir que la limitation de la capacité et l’interdiction de proposer les tarifs les plus bas (interdiction du price leadership) « sont les deux faces d’une même médaille ». En effet, les prix et les quantités sont, à son avis, les deux principales variables sur lesquelles les entreprises s’appuient généralement pour définir leurs stratégies industrielles et commerciales. En agissant sur l’une ou sur l’autre, on pourrait obtenir des effets différents tout en poursuivant le même but de limitation de l’offre. Ces deux variables seraient donc négociables et auraient fait l’objet, dans le cas d’Alitalia, de longues négociations s’étant déroulées avec la pleine et entière participation des représentants d’Alitalia. Ces conditions seraient dès lors le fruit d’appréciations de marché approfondies, complexes et délicates, effectuées par la Commission dans le respect du débat contradictoire et avec le concours de consultants externes. La Commission rappelle que, en pareille hypothèse, le Tribunal ne peut sanctionner que l’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et dans l’application du traité.

467    S’agissant de la raison d’être de la limitation de capacité, la Commission allègue qu’elle a déjà expliqué qu’elle consistait, conformément au point 38 3) et 4) de la communication sur l’aviation, à permettre à l’entreprise de rétablir sa viabilité.

468    Le grief d’Alitalia portant sur la discrimination dont elle aurait fait l’objet par rapport à Air France sur le plan de la limitation des sièges disponibles serait, quant à lui, le fruit d’une méprise, car la décision Air France fixerait des limites aussi bien aux sièges-kilomètres offerts qu’au nombre de vols autorisés.

469    Le grief relatif à une prétendue interdiction de nouer des alliances commerciales serait tout aussi dénué de pertinence, Alitalia ayant été autorisée à conclure des alliances sur la base de la condition n° 5.

470    Quant aux arguments d’Alitalia concernant les limitations du taux de croissance annuelle des sièges-kilomètres offerts, la Commission estime qu’ils ne tiennent pas compte de l’obligation qui incombe à Alitalia d’offrir une contrepartie communautaire. Les divergences relatives aux conditions ménagées à Air France en 1994 s’expliqueraient par les nouvelles circonstances intervenues, telles qu’elles seraient indiquées dans la communication sur l’aviation. À la suite des mutations intervenues sur le marché, les situations des deux compagnies ne seraient pas toujours comparables.

471    La Commission estime en outre que si l’accroissement de la capacité et de l’offre de la compagnie concernée ne doit pas être supérieur à la croissance des marchés, il doit nécessairement être inférieur ou, tout au plus, égal à ce taux, de sorte que l’argument d’Alitalia relatif au non-respect du point 38 4) de la communication sur l’aviation n’est pas compréhensible. En fixant le taux à 2,7 %, avec différents ajustements possibles, la Commission aurait pleinement respecté la disposition précitée.

472    Enfin, quant à la distinction opérée dans la décision Air France entre Air France et Air Inter, en ne soumettant pas cette dernière à la limitation de croissance imposée à la première, la Commission rappelle qu’elle avait pris les mesures nécessaires pour que l’aide autorisée n’avantage pas Air Inter et que, surtout, les griefs avancés à cet égard ont été rejetés avec précision par le Tribunal dans l’arrêt British Airways e.a./Commission, point 56 supra.

–       Appréciation du Tribunal

473    En premier lieu, force est de constater que la condition n° 5, qui limite la capacité offerte par Alitalia, n’est pas contradictoire avec la condition n° 1. En effet, cette dernière prévoit que les autorités italiennes doivent s’engager à « adopter un comportement normal d’actionnaire vis-à-vis d’Alitalia permettant à celle-ci d’être gérée selon les seuls principes commerciaux et ne pas s’immiscer dans sa gestion pour des raisons autres que celles strictement liées au statut d’actionnaire de l’État italien ». La condition n° 1 s’adresse à l’État italien pour limiter son intervention dans la gestion d’Alitalia. Elle a pour objectif premier de garantir le comportement normal d’actionnaire de l’État italien et non de faire bénéficier Alitalia d’une autonomie de gestion, ainsi qu’elle le prétend.

474    En tout état de cause, Alitalia ne saurait faire valoir, dans le présent contexte, une autonomie de gestion pleine et entière. Celle-ci se heurte aux dispositions de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, et donc à la condition que l’aide à la restructuration n’altère pas les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

475    Or, conformément au point 38 4) de la communication sur l’aviation, comme « [t]oute aide accordée au secteur de l’aviation altère les conditions des échanges entre les États membres », le programme financé par l’aide d’État ne peut être considéré comme non contraire à l’intérêt commun que s’il n’a « pas pour objectif d’accroître la capacité et l’offre de la compagnie concernée au détriment de ses concurrentes européennes directes ». Cette même disposition précise, en outre, que, « [e]n tout état de cause, le programme ne doit pas déboucher sur une augmentation du nombre d’aéronefs ou de sièges offerts sur les marchés concernés supérieure à la croissance de ces marchés ».

476    Il convient d’ajouter que le point 38 3) de la communication sur l’aviation prévoit que « [s]i le retour à la viabilité financière ou la situation du marché requiert une réduction de la capacité, cela doit être prévu dans le programme ».

477    Les dispositions du traité combinées à celles que, sur cette base, la Commission s’est imposées dans la communication sur l’aviation, autorisaient donc la Commission à fixer des conditions en matière de capacité afin de garantir le retour à la rentabilité d’Alitalia et de préserver l’intérêt commun.

478    Concernant les différentes discriminations dont Alitalia aurait été victime par rapport à Air France notamment, il y a lieu de souligner que, s’il ne saurait être exclu que la Commission puisse comparer les mesures de restructuration envisagées par Alitalia avec celles adoptées par d’autres compagnies aériennes, il n’en reste pas moins que la restructuration d’une entreprise doit être ciblée sur ses problèmes intrinsèques et que les expériences faites par d’autres entreprises, dans des contextes économiques et politiques différents, en d’autres périodes, peuvent être dépourvues de pertinence (voir, en ce sens, arrêt British Airways/Commission, point 56 supra, point 135).

479    Or, la Commission expose à juste titre que le contexte de la décision Air France et celui de la décision attaquée diffèrent en ce que la restructuration d’Air France s’est déroulée sur la période 1994-1996 et celle d’Alitalia entre 1996 et 2000. Cette dernière se situe en effet dans un contexte de pleine libéralisation du marché et donc de concurrence accrue dans lequel l’application plus stricte des règles concernant les aides d’État répond à un besoin évident, ainsi que le souligne la communication sur l’aviation. Cette différence de contexte suffit à compromettre la pertinence de la comparaison entre les conditions imposées à l’une et à l’autre compagnie.

480    De plus, et en tout état de cause, c’est à tort qu’Alitalia affirme que, dans la décision Air France, la Commission s’est contentée de prévoir un plafond rapporté au nombre d’aéronefs constituant sa flotte. Il ressort, en effet, de l’article 1er, paragraphes 8, 11 et 12, de la décision Air France que celle-ci imposait à Air France et à Air Charter des limites aussi bien au nombre de sièges-kilomètres offerts qu’au nombre de lignes autorisées.

481    Par ailleurs, dans cette affaire, la totalité de l’aide devait bénéficier exclusivement à Air France et à ses filiales, à l’exclusion d’Air Inter (voir article 1er, paragraphe 1, de la décision Air France). Ce montage a été avalisé par le Tribunal dans l’arrêt British Airways e.a./Commission, point 56 supra. Alitalia ne saurait donc tirer argument du fait que les conditions fixées dans la décision Air France ne s’appliquaient pas à Air Inter.

482    De plus, il convient de relever le caractère contradictoire de l’argumentation d’Alitalia relative à la comparaison de son cas avec celui d’Air France. Elle invoque, en effet, parfois le fait que sa situation est comparable à celle d’Air France, de sorte qu’il aurait fallu lui appliquer les mêmes conditions et non une condition plus rigoureuse, comme pour la limitation des sièges disponibles [condition n° 5, sous a)]. Mais, s’agissant du taux de croissance annuelle du nombre de sièges-kilomètres [condition n° 5, sous b)], elle fait au contraire valoir que c’est à tort que la Commission lui a appliqué la même limitation qu’à Air France, sa situation n’étant pas comparable.

483    Quant au taux de croissance de 2,7 % imposé dans la condition n° 5, force est de constater que, en premier lieu, la communication sur l’aviation se borne à fixer une limite supérieure à l’augmentation du nombre d’aéronefs ou de sièges offerts sur les marchés concernés, par rapport à la croissance de ces marchés (voir point 475 ci-dessus). La fixation d’un taux inférieur à la croissance des marchés concernés n’est dès lors pas contraire à la communication sur l’aviation.

484    En second lieu, ce taux de 2,7 % s’applique, selon les termes de la décision attaquée, « à la croissance du nombre de sièges-kilomètres offerts pour chaque année calendaire », et ce « à l’intérieur de l’[EEE], à l’exclusion de l’Italie », et « à l’intérieur de l’Italie ». Il ne s’agit dès lors que d’un paramètre parmi d’autres de la situation générale et de la croissance d’Alitalia. Or, les chiffres fournis par Alitalia en réponse aux questions que lui a posées le Tribunal sur ce point portent, de manière générale, sur le « taux de croissance d’Alitalia », sans autre précision. Par ailleurs, les données figurant dans l’un des tableaux fournis sont relatives au réseau international et non à l’EEE.

485    Alitalia n’a par conséquent pas établi le caractère disproportionné de ce taux, figurant dans la condition n° 5, lequel est du reste susceptible d’augmentation.

486    Par ailleurs, il y a lieu d’ajouter que, en tout état de cause, les paramètres fixés par la Commission, tels que le nombre de sièges disponibles et le taux de croissance annuelle du nombre de sièges-kilomètres offerts à ne pas dépasser relèvent d’une appréciation économique complexe. La Commission dispose donc, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation.

487    Or, Alitalia n’a mis en évidence aucune erreur manifeste dans l’appréciation par la Commission de sa propre situation et de son contexte.

488    En particulier, Alitalia ne saurait faire valoir que la condition n° 5, sous b), est injustifiée et discriminatoire dans la mesure où elle est appliquée à une entreprise économiquement saine. En effet, la situation qui devait être prise en compte par la Commission lors de l’adoption de la décision attaquée, à savoir celle qui avait cours lors de l’adoption de la décision de 1997, et qui est décrite, notamment, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (points 5 à 7), se caractérisait plutôt par l’impossibilité de retrouver le chemin de la rentabilité, un endettement générant d’importants frais financiers et des pertes considérables.

489    C’est également à tort qu’Alitalia invoque une prétendue interdiction de nouer des alliances commerciales qui résulterait de la condition n° 5. En effet, au considérant n° 1, la décision attaquée fait, d’une part, état de l’engagement des autorités italiennes de soumettre un rapport comprenant un descriptif « des accords de coopération commerciale ou opérationnelle passés par Alitalia au cours de l’exercice écoulé » (condition n° 10). D’autre part, elle fait expressément référence aux capacités offertes par les aéronefs exploités par Alitalia « ou par d’autres transporteurs sous une forme telle qu’elle comporte pour Alitalia un risque commercial (accords de wet-leasing, de block-space, de joint-venture, etc.) ». La conclusion de tels accords n’était donc nullement exclue.

490    En outre, quant à l’argument selon lequel la condition visée s’appliquerait aux pays situés en dehors de l’EEE, il y a lieu de rappeler que cette condition porte sur le nombre de sièges disponibles que ne doit pas dépasser la flotte d’Alitalia ainsi que sur la croissance limite du nombre de sièges-kilomètres offerts « à l’intérieur de l’[EEE], à l’exclusion de l’Italie », et « à l’intérieur de l’Italie ».

491    De plus, à supposer que la baisse du plafond pour les années 1999 et 2000 soit avérée, elle n’est en tout état de cause pas pertinente dans la mesure où elle est postérieure aux faits à prendre en compte.

492    Enfin, quant à la motivation de la condition n° 5, elle ressort de la décision attaquée et de la décision de 1997, à laquelle la décision attaquée renvoie, et permet de comprendre les raisons qui ont amené la Commission à l’imposer (voir point 74 ci-dessus) .

493    En conséquence, aucun des griefs relatifs à la condition n° 5 ne saurait prospérer.

 Condition n° 6 : tenue d’une comptabilité analytique

–       Arguments des parties

494    Alitalia fait valoir que la condition n° 6, qui lui impose de tenir une comptabilité analytique pour chaque liaison qu’elle exploite, est excessive et injustifiée.

495    Cette condition impliquerait une réorganisation intégrale de la structure comptable d’Alitalia, opération assez complexe et entraînant d’importants coûts administratifs. Elle serait excessive, puisque la décision de 1997 prévoyait déjà l’abandon par Alitalia d’un nombre considérable de lignes. Par ailleurs, la rentabilité des lignes ne pourrait s’apprécier par référence à une seule liaison, mais devrait être analysée dans le contexte général du réseau tout entier de la compagnie.

496    La condition n° 6 serait contraire à la pratique suivie par les compagnies aériennes qui géreraient leur comptabilité « selon le principe de la network analysis », c’est-à-dire avec une vue d’ensemble des différentes liaisons exploitées. De plus, aucune des décisions de la Commission en matière d’aides d’État dans le secteur aérien ne prévoirait une telle condition. Cette condition s’écarterait ainsi sans justification de la pratique des compagnies aériennes et de la Commission.

497    Alitalia soutient également que la Commission n’a pas compétence pour fixer une telle condition, dans la mesure où son application n’est pas limitée aux lignes internes de l’EEE.

498    Enfin, Alitalia expose qu’il n’est pas possible de justifier la condition n° 6 en se fondant sur la condition n° 10 (exécution correcte du plan, attestée par les rapports annuels). Elle allègue qu’elle aurait parfaitement pu remplir l’obligation prévue par la condition n° 10 en produisant les données relatives à l’ensemble des lignes qu’elle exploitait. En toute hypothèse, il ne serait pas justifié de lui imposer une telle charge à la seule fin de faciliter la tâche des consultants de la Commission.

499    La Commission rétorque que l’introduction de la comptabilité analytique est dictée par le principe de transparence et l’exigence du caractère contrôlable des différentes phases de l’exécution du plan. Cette méthode permettrait, en particulier, de vérifier, dans des délais très brefs, l’évolution de la rentabilité de chaque ligne, y compris des lignes extérieures à l’EEE qui ont une incidence sur la rentabilité de la compagnie. Cette condition constituerait le corollaire, ou la prémisse, de la bonne exécution par Alitalia de la condition n° 10, que cette dernière n’a pas contestée.

500    La Commission avance que la condition n° 6 ne se retrouve pas dans d’autres décisions, parce que les compagnies concernées n’avaient pas de problèmes analogues à ceux d’Alitalia.

–       Appréciation du Tribunal

501    La condition n° 6 impose aux autorités italiennes de « s’assurer qu’Alitalia dispose d’une comptabilité analytique permettant de déterminer, à brève échéance, sur chaque liaison, un ratio de rentabilité défini comme le rapport entre l’ensemble des recettes et l’ensemble des coûts (coût complet égal à la somme des coûts variables et des coûts fixes) afférents à la liaison ».

502    À titre liminaire, il convient d’observer que, contrairement à ce qu’Alitalia laisse entendre, la condition n° 6 ne lui impose pas à proprement parler de tenir une comptabilité analytique séparée par liaison, mais simplement de tenir une comptabilité qui permette de déterminer rapidement un ratio de rentabilité pour chaque liaison, ce qui n’est pas tout à fait pareil. L’argumentation d’Alitalia se fonde donc sur une interprétation détournée de la condition en cause.

503    À l’égard de cette condition, il convient de rappeler que, en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la Commission ne peut déclarer compatibles avec le marché commun que les aides à la restructuration qui n’altèrent pas les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Elle doit dès lors être en mesure de vérifier l’effet des mesures en cause sur les échanges. La communication sur l’aviation prévoit du reste, au point 38 8), que « [t]outes ces aides doivent être structurées de manière à être transparentes et contrôlables ». L’obligation de tenir une comptabilité analytique s’inscrit donc dans ce cadre. Cette comptabilité constitue l’un des instruments devant permettre à la Commission de vérifier « de quelle manière le programme de restructuration financé grâce à l’aide d’État est effectivement réalisé » (point 40 de la communication sur l’aviation).

504    Quant aux autres griefs formulés par Alitalia à l’égard de la condition n° 6, en premier lieu, la tenue d’une comptabilité analytique permettant de déterminer sur chaque liaison un ratio de rentabilité ne saurait être considérée comme contraire à une pratique d’analyse de la rentabilité de l’entreprise fondée sur l’ensemble des différentes liaisons exploitées. L’une n’exclut en effet pas l’autre et peut en constituer la base ou le complément.

505    Cependant, quand bien même cette condition imposerait une charge supplémentaire à Alitalia, elle ne saurait être jugée excessive au regard de la nécessité pour la Commission de pouvoir vérifier rapidement la réalisation effective du plan, notamment en vue du versement des autres tranches, et ce d’autant plus que le plan, dans sa version adaptée, prévoyait, comme le dit Alitalia elle-même, l’abandon par la compagnie d’un nombre considérable de lignes et de fréquences jugées peu rentables. La mise en œuvre de cette mesure exigeait dès lors la tenue d’une comptabilité faisant apparaître la rentabilité de chaque liaison.

506    À cet égard, il doit être constaté que la condition n° 6 n’obéit pas au même objectif que la condition n° 10. Cette dernière vise en effet à contrôler, d’un point de vue global, la mise en œuvre du plan de restructuration, la viabilité de l’entreprise et le respect des conditions imposées alors que la condition n° 6 tend à permettre de disposer d’informations précises sur la rentabilité de chaque ligne. Il ne saurait donc être présumé que la condition n° 10 aurait permis à la Commission de déterminer rapidement le ratio de rentabilité de chaque ligne. Or, selon le point 38 1) de la communication sur l’aviation, pour l’évaluation du programme, la Commission doit être particulièrement attentive, notamment, « à la fermeture de routes déficitaires ». Cela apparaît impossible sans disposer d’un instrument précis pour apprécier le caractère déficitaire de chacune d’entre elles.

507    En deuxième lieu, le fait que les autres décisions de la Commission en la matière ne prévoient pas une telle condition ne saurait être considéré en soi comme discriminatoire à l’égard d’Alitalia. En effet, d’une part, le contexte général avait évolué (voir points 441, 447 et 479 ci-dessus). D’autre part, la tenue de la comptabilité telle qu’elle était pratiquée par Alitalia pouvait différer de celles des autres compagnies concernées, de sorte qu’il pouvait être nécessaire de prévoir une condition particulière dans son cas. Il ressort de l’arrêt British Airways e.a./Commission, point 56 supra (point 135), que la Commission n’est pas tenue de reproduire à l’identique les mêmes conditions que dans le passé, mais doit tenir compte du contexte de l’opération et de la situation propre de l’entreprise.

508    En troisième lieu, c’est à tort qu’Alitalia affirme que la Commission n’a pas compétence pour fixer une telle condition dans la mesure où son application n’est pas limitée aux lignes internes de l’EEE. En effet, les compagnies aériennes établies à l’intérieur de l’EEE se trouvent également en concurrence sur les lignes vers les pays extérieurs à l’EEE. La Commission était donc en droit d’adopter une mesure en vue de contrôler le respect par Alitalia de la concurrence sur les lignes en question (voir point 460 ci-dessus).

509    En conséquence, les griefs d’Alitalia relatifs à la condition n° 6 doivent être rejetés.

 Condition n° 7 : interdiction de la pratique du price leadership

–       Arguments des parties

510    Alitalia conteste également la condition n° 7 selon laquelle elle doit s’abstenir, jusqu’au 31 décembre 2000, de proposer des tarifs inférieurs à ceux proposés par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu’elle exploite.

511    Alitalia prétend que l’interdiction du price leadership ne figurait pas dans le document adressé par la Commission aux autorités italiennes le 14 mai 1997. Il s’ensuivrait que cette condition n’aurait pas donné lieu à un débat et qu’elle constituerait une violation des droits de la défense.

512    La condition n° 7 serait en outre excessive et discriminatoire par rapport au traitement réservé par la Commission aux autres compagnies aériennes. Alitalia souligne que, dans la décision Air France, la Commission a limité cette interdiction du price leadership aux seules liaisons exploitées par Air France à l’intérieur de l’EEE alors que dans son cas l’interdiction s’étend à toutes les liaisons qu’elle exploite, y compris les liaisons extérieures à l’EEE. Par ailleurs, la durée de l’interdiction imposée serait plus longue pour Alitalia que pour Air France. Cette sévérité à l’égard d’Alitalia serait d’autant moins justifiée que celle-ci serait dans une situation beaucoup moins grave que celle dans laquelle se trouvait Air France.

513    L’interdiction du price leadership serait aussi bien plus préjudiciable à Alitalia qu’à Air France, car elle se situerait, dans le cas d’Alitalia, dans un contexte d’ouverture définitive du marché à la concurrence, de liberté inconditionnelle de trafic et de fixation des prix.

514    Le caractère discriminatoire de la condition n° 7 ressortirait également du fait qu’aucune interdiction du price leadership n’aurait été imposée dans la décision Iberia de 1992, ni dans la décision Aer Lingus et que cette interdiction aurait été limitée aux seules liaisons régulières entre Athènes (Grèce) et Stockholm (Suède) et entre Athènes et Londres dans la décision Olympic Airways.

515    Alitalia met par ailleurs en doute la compétence de la Commission pour édicter une telle mesure, étant donné que les comportements visés par cette condition n’ont pas de répercussions directes sur les échanges communautaires. Elle renvoie, à cet égard, à la communication sur l’aviation.

516    Alitalia fait ensuite valoir que la condition n° 7 est illégale dans la mesure où elle vise à réprimer des comportements « en faisant abstraction de toute vérification concrète de leur illégalité effective ». Alitalia voit une confirmation de sa thèse selon laquelle les pratiques de price leadership doivent être appréciées au cas par cas dans l’attitude que la Commission elle-même a adoptée concernant le non-respect par Air France d’une telle interdiction.

517    L’arrêt de la Cour du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 41), confirmerait le bien-fondé de ce moyen.

518    Enfin, Alitalia fait observer que la condition n° 7 est contraire à la logique qui sous-tend la décision attaquée. Cette interdiction serait, en effet, susceptible de porter gravement atteinte à la rentabilité de la compagnie. En particulier, elle aurait empêché Alitalia de faire face de manière appropriée à la concurrence croissante aux niveaux national et international, d’ouvrir de nouvelles liaisons et de lancer de nouveaux services de navette sur des liaisons à fort trafic.

519    Selon la Commission, l’interdiction du price leadership tend à éviter qu’une compagnie bénéficiant de fonds publics conquière des parts de marché au détriment de compagnies concurrentes n’ayant pas cette possibilité. Cette interdiction serait destinée à rétablir les règles de concurrence et contribuerait à atteindre l’objectif de réduction de la capacité de production visé dans la communication sur l’aviation. La Commission rappelle qu’elle a imposé une telle condition dans les décisions Olympic Airways et Air France.

520    La Commission ajoute que l’interdiction du price leadership a été longuement négociée et a été proposée par les autorités italiennes dans la lettre du 26 juin 1997. Celles-ci auraient même donné la préférence à l’interdiction du price leadership plutôt qu’à une plus grande réduction des capacités. En outre, ce serait à la demande expresse d’Alitalia que l’interdiction aurait été étendue aux vols sur toutes les lignes au lieu de ne consister qu’en une limitation du nombre des vols. Les interventions des autorités italiennes et d’Alitalia au cours de la procédure administrative expliqueraient donc la divergence constatée par rapport à la décision Air France. Par ailleurs, l’interdiction du price leadership ne figurerait pas dans la décision du 22 juillet 1992 autorisant une aide à la restructuration en faveur de la compagnie Iberia, ni dans la décision Aer Lingus, en date de 1993, parce que celles-ci ont été adoptées à une époque antérieure à la libéralisation des marchés. Dans la décision Olympic Airways, l’interdiction concernerait seulement les lignes posant des problèmes particuliers.

521    En ce qui concerne sa compétence pour imposer la condition en cause, la Commission soutient que, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, elle est compétente pour fixer toute condition nécessaire pour permettre à Alitalia de retrouver sa viabilité économico-financière. La compétence qu’elle tire de cette disposition serait indépendante de l’article 82 CE. Elle puiserait de surcroît dans cette même disposition la compétence d’imposer des conditions relatives aux vols hors de l’EEE dans la mesure où la concurrence entre les compagnies communautaires s’exerce non seulement sur les lignes intracommunautaires, mais aussi sur les lignes aériennes en provenance et à destination des pays tiers. D’ailleurs, il découlerait de l’article 71, paragraphe 1, sous a), CE et de l’article 80, paragraphe 2, CE que ces liaisons rentrent dans le champ d’application de la politique commune des transports.

522    Enfin, la Commission fait observer que, se plaignant de ne pas pouvoir attirer, par la pratique du price leadership, de nouveaux clients sur de nouvelles lignes, ou inciter ces derniers à prendre l’avion plus souvent, Alitalia prétend profiter de l’aide pour se réserver une part de marché plus importante en la soustrayant à la concurrence.

–       Appréciation du Tribunal

523    En premier lieu, s’agissant de la violation des droits de la défense, il a déjà été exposé aux points 169 à 172 ci-dessus que la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné, qui seul bénéficie de la protection des droits de la défense. Le rôle essentiellement imparti aux intéressés, parmi lesquels figurent les bénéficiaires de l’aide, est celui de source d’information pour la Commission. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Alitalia ne saurait donc invoquer une violation de ses droits de la défense. Par ailleurs, Alitalia a été étroitement associée à la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision de 1997, procédure qui n’a pas été annulée.

524    En deuxième lieu, les arguments d’Alitalia relatifs à la discrimination qu’elle aurait subie par rapport à d’autres compagnies aériennes visées dans les précédentes décisions de la Commission se heurtent au caractère non comparable du contexte général dans lequel ces décisions ont été prises et de la situation propre aux compagnies concernées (voir point 507 ci-dessus). Il serait contraire à l’appréciation au cas par cas du comportement des entreprises, prônée par Alitalia, que la Commission soit tenue de reproduire à l’identique les mêmes conditions dans toutes ses décisions en matière d’aides d’État dans le secteur des transports aériens.

525    Du reste, l’argumentation d’Alitalia comporte à nouveau (voir point 482 ci-dessus) une contradiction. D’un côté, sur la question des liaisons concernées et de la durée de l’interdiction, elle demande le même traitement qu’Air France – ce qui supposerait une situation comparable. D’un autre côté, elle se prévaut à d’autres égards d’un contexte différent – et donc non comparable – celui de la libéralisation du marché qui est intervenue entre-temps avec l’autorisation générale pour les compagnies de fixer leurs propres tarifs.

526    Dans la mesure où Alitalia invoque la libéralisation du marché des transports aériens, il ressort clairement de la communication sur l’aviation que cette circonstance devait amener la Commission à plus de sévérité dans l’autorisation des aides d’État et les conditions fixées. Ainsi, par exemple, le point 41 de cette communication expose :

« L’achèvement du marché commun de l’aviation au 1er avril 1997 accroîtra considérablement la concurrence au sein du marché commun. Dans ces conditions, la Commission ne pourra autoriser les aides à la restructuration que dans des cas très exceptionnels et sous des conditions très strictes. »

527    En troisième lieu, s’agissant de la compétence de la Commission pour imposer une condition telle que la condition n° 7, elle repose sur l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE qui n’autorise la Commission à déclarer une aide d’État à la restructuration compatible avec le marché commun que si elle n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Comme la Commission l’expose au point 37, second alinéa, de la communication sur l’aviation, « [c]’est à la lumière de cette dernière condition, qu’il convient d’interpréter dans le contexte des transports aériens, que la Commission doit déterminer les conditions qui devront normalement être réunies pour qu’une dérogation puisse être accordée ». À cet égard, la Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire. Même si l’interdiction du price leadership ne figure pas expressément dans la communication sur l’aviation, elle contribue manifestement à atteindre l’objectif que l’aide n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure inacceptable, conformément au traité.

528    En quatrième lieu, s’il est vrai qu’il résulte de l’économie générale du traité que la procédure prévue aux articles 87 CE et 88 CE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité, il n’en reste pas moins que la procédure suivie au titre des articles 81 CE et suivants et celle suivie au titre des articles 87 CE et suivants constituent des procédures indépendantes, régies par des règles spécifiques (voir, en ce sens, arrêt Matra/Commission, point 517 supra, points 41 et 44). La présente procédure ne relève pas de l’article 82 CE, mais de l’article 87 CE. Les arguments d’Alitalia relatifs à la nécessité de réprimer les comportements anticoncurrentiels au cas par cas ne sont dès lors pas pertinents.

529    En cinquième lieu, comme il a déjà été exposé au point 460 ci-dessus, c’est à tort qu’Alitalia prétend que la Commission n’est pas compétente pour imposer une condition qui s’étend aux liaisons exploitées en dehors de l’EEE. L’application de cette condition est justifiée dès lors qu’Alitalia est en concurrence, pour ces vols, avec d’autres compagnies aériennes établies au sein de la Communauté.

530    En sixième lieu, l’argument d’Alitalia selon lequel la condition n° 7 est contraire à la logique de la décision attaquée dans la mesure où elle pourrait gravement porter atteinte à la rentabilité d’Alitalia ne saurait prospérer. En effet, en application du point 38 1) et 2) de la communication sur l’aviation, l’objectif de l’aide est le retour à la viabilité de la compagnie. Contrairement à ce que semble estimer Alitalia, l’objectif n’est pas de lui permettre de s’étendre, d’ouvrir de nouveaux services sur des trajets sur lesquels elle n’était pas présente ou de lancer de nouveaux services de navette sur des liaisons à fort trafic.

531    Quant à la motivation de cette condition, il y a lieu de renvoyer aux points 74 à 77 ci-dessus. Dans la décision attaquée, comme dans la décision de 1997, la Commission renvoie notamment aux articles 87 CE et 88 CE et à la communication sur l’aviation obligeant la Commission à s’assurer que l’aide n’ait pas pour effet de transférer les difficultés de la compagnie sur ses concurrents. Cette motivation permet donc de comprendre les raisons qui ont amené la Commission à imposer cette condition.

532    Cet examen n’ayant mis en lumière aucun élément de nature à affecter la validité de la condition n° 7, les griefs formulés à l’encontre de celle-ci doivent donc être rejetés.

 Condition n° 8 : cession de la participation dans Malév

–       Arguments des parties

533    Alitalia fait valoir que la condition n° 8 de la décision attaquée, selon laquelle elle est obligée de céder sa participation dans Malév, n’est pas suffisamment motivée. Cette obligation contredirait les considérations contenues dans la décision de 1997, selon lesquelles Alitalia devrait poursuivre une politique de recentrage de ses activités afin de se concentrer davantage sur ses activités principales et « ne saurait [...] procéder à des cessions d’actifs concernant ses activités principales sans compromettre la réussite du plan » (point VIII, dix-huitième alinéa). Or, Alitalia allègue que sa participation dans Malév constituait un actif intrinsèquement lié à ses activités centrales.

534    Cette condition serait aussi discriminatoire dès lors que, dans la décision Air France, la Commission aurait uniquement imposé à la compagnie française la cession de la chaîne hôtelière Le Méridien, c’est-à-dire la cession d’une activité non stratégique.

535    Enfin, la condition n° 8 serait dénuée de tout fondement juridique dans la mesure où un plan de restructuration aurait pour objectif de permettre un retour à la rentabilité et non d’atteindre une rentabilité égale ou supérieure au secteur privé. Or, même en l’absence de cette condition, le plan de restructuration aurait pu assainir la compagnie aérienne de manière à ce qu’elle puisse, dans un délai raisonnable, redevenir viable, c’est-à-dire normalement sans l’octroi d’aucune autre aide, conformément au point 38 1) de la communication sur l’aviation.

536    La Commission rétorque que la cession de la participation d’Alitalia dans Malév a été négociée et acceptée par Alitalia au cours de la procédure administrative. Les synergies entre Alitalia et Malév étant extrêmement faibles, la participation concernée aurait été considérée comme un actif non stratégique. La cession de la participation serait apparue nécessaire pour consolider le volet financier du plan de restructuration. La Commission fait encore observer qu’Alitalia n’indique pas les raisons pour lesquelles la cession aurait été susceptible d’entraîner un préjudice grave.

–       Appréciation du Tribunal

537    S’agissant du caractère prétendument contradictoire de la condition n° 8 avec certaines considérations contenues dans la décision de 1997, il convient de souligner qu’Alitalia fait une citation partielle de cette dernière. En effet, dans la décision de 1997, la Commission n’a pas considéré la participation dans Malév comme une activité principale d’Alitalia. La vente de cette participation, a au contraire, été considérée comme participant à un recentrage de la part d’Alitalia sur ses activités principales, ainsi qu’en témoignent les éléments suivants :

« […] À l’instar de la plupart des compagnies concurrentes qui ont su faire face à la crise du transport aérien au début des années [90], Alitalia poursuit en outre une politique de recentrage de ses activités vers son métier principal, à savoir le transport aérien lui-même. Ainsi, après la cession des parts dans le capital de la ‘Societa Aeroporti di Roma’ intervenue en 1995, le plan prévoit notamment la vente prochaine de l’immeuble-siège de la Magliana ainsi que celle des participations d’Alitalia dans Alfa Romeo Avio, SISAM, le système informatisé de réservation Galileo, Mal[é]v et six aéroports régionaux italiens.

Sur ces bases, les résultats fortement positifs attendus à l’horizon 2000 devraient à la fois satisfaire les besoins en fonds de roulement, le financement des investissements indispensables à l’activité à long terme de la compagnie et offrir des perspectives de viabilité à long terme. Ils devraient aussi inspirer confiance aux investisseurs et ouvrir la voie au développement d’alliances avec d’autres compagnies.

[…]

En recentrant ses activités sur ses activités principales et en faisant des désinvestissements importants, Alitalia contribue à couvrir les besoins financiers au moyen de ses ressources propres.

[…]

Les ressources provenant de l’aide apparaissent également nécessaires dans la mesure où Alitalia ne peut leur substituer des ressources suffisantes provenant de la cession d’actifs. Comme il a été indiqué précédemment, la compagnie s’est déjà engagée dans une politique de désinvestissement et de recentrage sur ses activités principales. Toutefois, les ressources ainsi dégagées, de l’ordre de 600 milliards de [ITL], si elles permettent de réduire le montant de l’augmentation de capital à effectuer, sont sans commune mesure avec les besoins de financement exigés par le plan. La compagnie ne saurait par ailleurs procéder à des cessions d’actifs concernant ses activités principales sans compromettre la réussite du plan. »

538    La vente de Malév visait donc, aux termes de la décision de 1997, à couvrir ses besoins financiers et à permettre de réduire le montant de l’aide. La motivation figurant dans la décision de 1997, à laquelle renvoie de manière expresse la décision attaquée, permettait de le comprendre (voir points 74 à 77 ci-dessus).

539    De plus, Alitalia n’avance aucun élément de nature à établir que la Commission ne pouvait pas considérer que sa participation minoritaire dans Malév (30 %) constituait un actif non stratégique et que la vente de cet actif était nécessaire pour limiter l’injection de l’aide ainsi que garantir la proportionnalité de l’aide par rapport aux besoins découlant du plan. Il s’ensuit qu’il ne saurait être considéré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

540    Par ailleurs, il ne ressort ni de la décision attaquée, ni des dispositions invoquées par la Commission, ni de ses écritures dans le cadre de la présente procédure que les conditions imposées dans la décision attaquée avaient pour seul objectif d’améliorer la rentabilité du plan de restructuration.

541    En effet, dans un premier temps, la Commission avait estimé que le plan de restructuration de la compagnie communiqué le 29 juillet 1996 n’était pas suffisant pour envisager l’adoption d’une décision positive. Alitalia avait ensuite informé la Commission de sa volonté d’adapter ce plan. Après l’examen de ces modifications, la Commission avait alors, dans un deuxième temps, indiqué aux autorités italiennes, par courrier du 18 avril 1997, qu’elle n’était pas en mesure d’adopter une décision positive fondée sur le critère de l’investisseur privé en économie de marché dans cette affaire en raison à la fois des difficultés inhérentes à la prise en compte des coûts d’insolvabilité supportés par l’IRI en cas de faillite d’Alitalia et de l’importance des risques commerciaux encore présentés par le plan. Une troisième phase a alors débuté au cours de laquelle se sont tenues des réunions entre les autorités italiennes et la Commission. Ces réunions ont permis de définir une amélioration supplémentaire du plan sur certains points, à savoir l’accélération du processus de réduction des coûts, la réduction de l’augmentation de capital et la cession des parts détenues par Alitalia dans la compagnie hongroise Malév ainsi que dans six aéroports régionaux italiens.

542    Il en résulte que le plan ne remplissait à l’origine pas les conditions pour pouvoir être considéré comme compatible avec le marché commun. La cession des parts détenues par Alitalia dans Malév a fait partie des améliorations qui ont permis à la Commission, après consultation de ses consultants, de considérer que ce plan était réaliste et permettait un retour à la rentabilité d’Alitalia dans un délai raisonnable. Cette cession constituait donc une condition sine qua non de la déclaration de compatibilité de l’aide avec le marché commun.

543    Alitalia ne saurait dès lors prétendre que la condition n° 8 ne visait qu’à améliorer la rentabilité du plan et que, même en l’absence de celle-ci, le plan aurait pu assainir la compagnie de manière à ce qu’elle puisse, dans un délai raisonnable, redevenir viable. Alitalia ne l’a, en tout état de cause, pas démontré.

544    Aucun des griefs formulés à l’encontre de la condition n° 8 n’est donc fondé.

 Condition implicite : prise en charge des retraites anticipées

–       Arguments des parties

545    Alitalia expose que la version initiale du plan de restructuration prévoyait la mise à la retraite anticipée de 700 employés. À la suite de demandes d’éclaircissements de la Commission, laquelle avançait l’hypothèse que le coût de cette mesure constituait en lui-même une aide d’État, les autorités italiennes auraient précisé qu’il n’en était rien, non seulement parce que cette mesure était d’application générale, mais aussi parce que le bénéficiaire de celle-ci était non l’entreprise, mais ses employés. En menaçant d’ouvrir une procédure ad hoc, la Commission serait néanmoins parvenue à imposer aux autorités italiennes de mettre entièrement à la charge d’Alitalia le coût de ces mises à la retraite anticipée.

546    Confrontée à l’impossibilité d’obtenir une décision positive de la Commission sans cette prise en charge du coût des retraites anticipées, Alitalia aurait fait savoir qu’elle était disposée à assumer cette charge à condition que la Commission admette que l’opération répondait au critère de l’investisseur privé.

547    Alitalia fait valoir que, dans son recours dans l’affaire T‑296/97, elle avait reproché à la Commission d’avoir pénalisé le résultat du calcul du rendement interne en tenant compte du coût de cette mesure et de lui avoir imposé cette condition préalable sans en tirer les conséquences positives pour la compagnie. Or, dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra, le Tribunal ne se serait prononcé que sur le grief relatif au calcul du taux interne, mais pas sur la manière d’agir de la Commission.

548    Sur la base de ces constatations, Alitalia formule deux griefs à l’encontre de la décision attaquée. En premier lieu, la Commission ne se serait pas posé la question, en 2001, de l’opportunité de maintenir la position qu’elle avait adoptée en 1997. Il n’y aurait eu aucun débat contradictoire à ce sujet, en dépit du fait que le scénario avait changé. Selon Alitalia, si la Commission avait des doutes à l’époque sur la compatibilité du régime avec le marché commun, aujourd’hui elle aurait dû soit les lever, soit les confirmer en ouvrant une procédure.

549    En second lieu, la Commission aurait indûment lié, dans la décision attaquée, l’approbation de l’investissement de l’IRI dans Alitalia à la condition que celle-ci s’oblige à payer le coût de la mise à la retraite anticipée de 700 de ses employés, condition qui serait illégale en ce qu’elle serait fondée sur une lecture erronée de la législation italienne pertinente, sur une analyse superficielle du régime de mise à la retraite anticipée, sur une application discriminatoire des principes du traité à Alitalia et sur un usage impropre par la Commission de ses pouvoirs qui aurait contrainte Alitalia à se plier à sa volonté et à effectuer le paiement avant la décision de 1997.

550    La Commission constate qu’Alitalia tente de relancer un débat déjà tranché par le Tribunal dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra. Elle avance que l’acceptation des charges en question par la compagnie est incontestable, puisqu’elle est d’abord imputable aux autorités italiennes, qui souhaitaient manifestement que la Commission n’examine pas plus en détail le régime de préretraite au regard des aides d’État. Elle ajoute qu’elle ne pouvait pas ne pas ouvrir la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE si elle avait des doutes sérieux sur la nature du régime en question, et ce en dehors de toute contrainte.

–       Appréciation du Tribunal

551    Le Tribunal a jugé dans l’arrêt Alitalia I, point 8 supra (points 152 à 156) :

« En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission l’a arbitrairement contrainte à prendre à sa charge le coût, incombant à l’État en vertu du décret-loi n° 546, du 23 octobre 1996 (converti en loi n° 640, du 20 décembre 1996), de la mise à la retraite anticipée de 700 de ses travailleurs, réduisant de deux points au moins, selon les calculs des consultants de la Commission, le taux de rentabilité de l’investissement de l’IRI.

Toutefois, comme le souligne à juste titre la Commission, la requérante s’est engagée irrévocablement, avant l’adoption de la décision [de 1997], à prendre à sa charge les coûts de la mise à la retraite anticipée de 700 salariés […] Pour cette raison, l’appréciation juridique et le dispositif de la décision [de 1997] ne contiennent aucune trace de la décision de la requérante de supporter ces coûts. La Commission en prend uniquement acte dans la partie intitulée ‘Les faits’ dans la décision [de 1997].

Même si, initialement, la requérante a pris l’engagement en question à condition que la décision finale reconnaisse que la recapitalisation constitue un investissement conforme au critère de l’investisseur privé, il doit être constaté que, par la constitution d’un séquestre, en juillet 1997, cet engagement est devenu irrévocable […] La Commission devait alors vérifier si l’investissement satisfaisait au critère de l’investisseur privé en tenant compte de cette nouvelle réalité.

Enfin, la requérante aurait pu résister, au cours de la procédure administrative, à la prétendue pression de la part de la Commission de prendre l’engagement en question ou, alternativement, elle aurait pu, comme pour les autres ‘conditions’, éviter de prendre un engagement unilatéral irrévocable. Si la requérante s’était comportée d’une telle façon au cours de la procédure administrative, la Commission aurait pris position sur la question des coûts de mises à la retraite anticipée de 700 salariés dans la décision [de 1997] ou dans une autre décision dont la légalité aurait pu être appréciée par le Tribunal.

Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré du calcul prétendument erroné du taux interne en raison du fait que la Commission l’aurait contrainte à prendre à sa charge le coût de la mise à la retraite anticipée de 700 de ses travailleurs doit être rejeté. »

552    Il en ressort que le Tribunal ne s’est pas seulement prononcé sur le calcul erroné du taux interne du fait de la prise en compte des coûts de mise à la retraite anticipée, mais aussi sur la prétendue pression de la part de la Commission de prendre l’engagement en question. Le Tribunal a considéré qu’Alitalia aurait pu y résister ou qu’elle aurait pu éviter de prendre un engagement unilatéral « irrévocable ». L’argument de la contrainte a dès lors été rejeté et ne saurait être réexaminé dans le cadre de la présente procédure.

553    C’est également à tort qu’Alitalia invoque la nécessité pour la Commission de réexaminer en 2001 la position qu’elle avait adoptée en 1997. En effet, pour prendre sa nouvelle décision, après annulation de la décision de 1997 par le Tribunal, la Commission devait se replacer dans le contexte de la décision de 1997 et apprécier le plan notifié au regard des éléments dont elle disposait à l’époque (voir point 137 ci-dessus).

554    Enfin, il y a lieu de souligner que l’ouverture de la procédure, au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE est soumise à des règles strictes. Dès lors qu’Alitalia avait pris l’engagement irrévocable de prendre en charge les coûts des retraites anticipées, la Commission ne pouvait plus ouvrir de procédure à l’encontre de la République italienne pour examiner ce régime de retraites anticipées au regard des aides d’État.

555    Il convient donc de rejeter les griefs d’Alitalia concernant cette condition implicite relative aux retraites anticipées.

556    Aucun des griefs formulés par Alitalia contre les conditions litigieuses n’ayant été accueilli, le cinquième moyen doit être rejeté.

557    Il en résulte que le premier comme le deuxième chef de conclusions doivent être rejetés.

558    Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

559    Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de mesures d’instruction d’Alitalia. En effet, d’une part, la Commission a produit le rapport de ses consultants, du 1er juin 2001, en annexe au mémoire en défense. D’autre part, les différents éléments de calcul et d’évaluation réclamés ressortent du dossier, notamment des annexes jointes par Alitalia à la requête.

 Sur les dépens

560    En application de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Alitalia ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Alitalia – Linee aeree italiane SpA est condamnée aux dépens.


Vilaras

Martins Ribeiro

Dehousse

Šváby

 

       Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras

Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure

Conclusions des parties

Sur la recevabilité

A –  Arguments des parties

B –  Appréciation du Tribunal

Sur le fond

A –  Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

1.  Motivation insuffisante des conclusions de la décision attaquée

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Défaut de motivation dans la décision attaquée des conditions imposées dans la décision de 1997

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le moyen tiré de la violation de l’article 233 CE

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation d’adopter une décision dans le délai de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

D –  Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

E –  Sur le moyen tiré de la violation et de l’application erronée des articles 87 CE et 88 CE

1.  Détermination du taux minimal

a)  Application à Alitalia du taux minimal utilisé dans la décision Iberia

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Absence de prise en considération sérieuse de l’incidence de la dernière version du plan dans le calcul du taux minimal

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

c)  Prise en compte de prémisses erronées dans le calcul du taux minimal

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Méthode de calcul du taux minimal

–  Risques pris en compte par la Commission

2.  Détermination du taux interne

a)  Montant des coûts d’insolvabilité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Évaluation du taux interne sur la base de la dernière version du plan de restructuration

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

c)  Caractère erroné de certains paramètres utilisés par la Commission

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Incidence de la conversion des prêts en capital sur le calcul du taux interne

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

F –  Sur le moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, CE

1.  Sur la recevabilité

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur le fond

a)  Griefs formulés à l’encontre des conditions contenues dans la décision attaquée en général

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Griefs spécifiques formulés à l’encontre de certaines conditions contenues dans la décision attaquée

Condition n° 2 : interdiction de nouvelles aides

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition n° 3 : interdiction d’acquérir des participations dans d’autres transporteurs aériens

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition n° 4 : interdiction des traitements préférentiels au bénéfice d’Alitalia

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition n° 5 : limitation de capacité

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition n° 6 : tenue d’une comptabilité analytique

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition n° 7 : interdiction de la pratique du price leadership

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition n° 8 : cession de la participation dans Malév

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Condition implicite : prise en charge des retraites anticipées

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.