Language of document : ECLI:EU:T:2009:445

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

18 novembre 2009 (*)

« Aides d’État – Agriculture – Régime d’aides en faveur de programmes de qualité dans le domaine agroalimentaire en Autriche – Décision de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Qualité d’intéressé – Sauvegarde des droits procéduraux – Recevabilité – Difficultés sérieuses – Lignes directrices applicables aux aides d’État à la publicité »

Dans l’affaire T‑375/04,

Scheucher-Fleisch GmbH, établie à Ungerdorf (Autriche),

Tauernfleisch Vertriebs GmbH, établie à Flattach (Autriche),

Wech-Kärntner Truthahnverarbeitung GmbH, établie à Glanegg (Autriche),

Wech-Geflügel GmbH, établie à Sankt Andrä (Autriche),

Johann Zsifkovics, établie à Vienne (Autriche),

représentées par Mes J. Hofer et T. Humer, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Kreuschitz et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2004) 2037 fin de la Commission, du 30 juin 2004, relative aux aides d’État NN 34A/2000 concernant les programmes de qualité et labels « AMA‑Biozeichen » et « AMA‑Gütesiegel » en Autriche,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas (rapporteur) et L. Truchot, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 février 2009,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Les requérantes, Scheucher-Fleisch GmbH, Tauernfleisch Vertriebs GmbH, Wech-Kärntner Truthahnverarbeitung GmbH, Wech-Geflügel GmbH et Johann Zsifkovics, ainsi que Grandits GmbH, sont cinq sociétés à responsabilité limitée et une entreprise unipersonnelle, de droit autrichien, spécialisées dans l’abattage et la découpe d’animaux.

2        En 1992, la République d’Autriche a adopté le Bundesgesetz über die Errichtung der Marktordnungsstelle « Agrarmarkt Austria » (loi fédérale sur l’établissement de l’organisme régulateur du marché « Agrarmarkt Austria », BGBl. 376/1992) (ci-après l’« AMA‑Gesetz 1992 »), dont l’article 2, paragraphe 1, institue une personne morale de droit public dénommée « Agrarmarkt Austria » (ci‑après l’« AMA »). Les activités opérationnelles incombent à la société Agrarmarkt Austria Marketing GmbH (ci-après l’« AMA Marketing »), filiale à 100 % de l’AMA. L’AMA‑Gesetz 1992 a été modifiée à plusieurs reprises.

3        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, point 3), de l’AMA‑Gesetz 1992, l’AMA a pour fonction de promouvoir le marketing agricole. À cette fin, elle est chargée de la perception de contributions qui doivent notamment, selon l’article 21 c, paragraphe 1, point 3), de l’AMA‑Gesetz 1992, dans la version produite par les requérantes et Grandits, être versées pour l’abattage de boeufs, de veaux, de porcs, d’agneaux, de moutons et de volailles.

4        Les aides en cause consistent à encourager la production, le traitement, la transformation et la commercialisation de produits agricoles en Autriche au moyen du label bio « AMA » et du label de qualité « AMA » (ci-après les « labels ‘AMA’ »).

5        En leur qualité d’entreprises spécialisées dans l’abattage et la découpe d’animaux, les requérantes et Grandits sont assujetties au versement de contributions à l’AMA au titre de l’article 21 c, paragraphe 1, point 3), de l’AMA‑Gesetz 1992, sans que leurs produits bénéficient des labels « AMA ».

6        Avec une vingtaine d’autres entreprises d’abattage, les requérantes et Grandits ont formé des recours devant les autorités autrichiennes contre l’imposition à leur égard des contributions à l’AMA. Le ministre fédéral de l’Agriculture et des Forêts, de l’Environnement et des Eaux n’a pas fait droit à leurs recours. Saisie par les requérantes et Grandits, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative) a, par arrêts des 20 mars et 21 mai 2003, annulé les décisions du ministre fédéral pour irrégularités de procédure.

7        Parallèlement, les requérantes et Grandits ont adressé une plainte à la Commission des Communautés européennes, le 21 septembre 1999, en faisant valoir qu’elles étaient lésées par certaines dispositions de l’AMA-Gesetz 1992.

8        Par lettre du 15 février 2000, la Commission a transmis la plainte des requérantes et de Grandits aux autorités autrichiennes et a invité ces dernières à présenter leurs observations. À la suite de la réponse des autorités autrichiennes le 20 mars 2000, la Commission les a informées, le 19 juin 2000, que les mesures en cause avaient été enregistrées provisoirement comme aides non notifiées sous la référence NN 34/2000.

9        À la suite d’une demande des autorités autrichiennes en date du 8 mars 2003, la Commission a décidé d’examiner séparément les mesures en cause selon qu’elles étaient antérieures ou postérieures au 26 septembre 2002, au motif que des modifications importantes avaient été apportées à cette date aux modalités d’application de l’AMA-Gesetz 1992. Le numéro d’enregistrement NN 34A/2000 a été attribué à la procédure d’examen concernant les dispositions applicables après le 26 septembre 2002.

10      Par décision du 30 juin 2004, relative aux aides d’État NN 34A/2000 concernant les programmes de qualité et labels « AMA‑Biozeichen » et « AMA‑Gütesiegel » en Autriche, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre des mesures « notifiées » (ci-après la « décision attaquée »). À cet égard, elle a estimé que lesdites mesures étaient compatibles avec le marché commun, au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, en ce qu’elles étaient conformes aux conditions posées par les lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2), dans leurs points 13 et 14, et par les lignes directrices communautaires applicables aux aides d’État à la publicité des produits relevant de l’annexe I du traité CE et de certains produits ne relevant pas de l’annexe I (JO 2001, C 252, p. 5, ci‑après les « lignes directrices applicables aux aides d’État à la publicité »).

11      Aux termes du considérant 67 de la décision attaquée, toutes les mesures exécutées par l’AMA et l’AMA Marketing avant le 26 septembre 2002 sont expressément exclues de l’examen.

12      Le 16 juillet 2004, l’AMA a communiqué aux requérantes et à Grandits la décision attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 septembre 2004, les requérantes et Grandits ont introduit le présent recours.

14      Le 10 novembre 2004, l’affaire a été attribuée à la quatrième chambre du Tribunal.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 décembre 2004, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes et Grandits ont déposé leurs observations sur cette exception le 25 janvier 2005. Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 15 septembre 2006, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, un autre juge pour compléter la chambre.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité les parties, Grandits, ainsi que le gouvernement fédéral de la République d’Autriche, à répondre à des questions écrites. Il a été déféré à ces demandes dans le délai imparti.

19      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 23 janvier 2009, Grandits a informé le Tribunal, conformément à l’article 99 du règlement de procédure, qu’elle se désistait de son recours. Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 4 février 2009, le nom de Grandits a été rayé du registre du Tribunal, chacune des parties supportant ses propres dépens.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 février 2009.

21      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant dénué de fondement ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

23      Premièrement, la Commission fait valoir que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par la décision attaquée. Cette dernière serait pour elles une « norme générale », qui les concerne du seul fait de leur qualité objective d’assujetties à contributions, au même titre que toute autre entreprise se trouvant effectivement ou potentiellement dans une situation identique.

24      La Commission conteste ensuite l’affirmation selon laquelle seules quatre chaînes de détaillants sont les bénéficiaires des mesures en cause. En effet, les labels « AMA » viseraient à favoriser l’écoulement des produits agricoles d’excellente qualité et bénéficieraient, par conséquent, aux entreprises agricoles et aux producteurs de denrées alimentaires dans leur ensemble.

25      Par ailleurs, les requérantes, spécialisées dans l’abattage et la découpe d’animaux, ne seraient pas en concurrence avec les détaillants que, dans leur requête, elles présentent comme les bénéficiaires directs des aides en cause. En outre, les requérantes n’expliqueraient pas pourquoi elles seraient individualisées du fait que quatre chaînes de détaillants dotées du label de qualité sont connues de nom. Elles ne préciseraient pas non plus les raisons pour lesquelles elles ne bénéficient pas des labels « AMA » et pourquoi elles ne peuvent fournir ces quatre chaînes de détaillants.

26      Dans la duplique, la Commission ajoute que les requérantes n’ont pas démontré que certains abattoirs et ateliers de découpe profitaient des aides en cause et seraient actifs sur le même marché géographique. En outre, si les requérantes paient des contributions, elles bénéficieraient également des actions de promotion organisées dans le cadre des labels « AMA ». En effet, comme elles le font valoir elles-mêmes, ces actions de promotion consisteraient à conseiller aux consommateurs d’acheter des produits d’origine autrichienne. Dès lors, les requérantes ne subiraient aucun préjudice.

27      Deuxièmement, les requérantes ne seraient qu’indirectement concernées par les aides en cause, comme elles le reconnaîtraient elles-mêmes dans la requête. À cet égard, les mesures d’application examinées dans la décision attaquée seraient générales et abstraites. Or, l’individualisation ne s’effectuerait que par des actes juridiques individuels, à savoir des décisions administratives. En outre, la décision attaquée n’obligerait pas la République d’Autriche à imposer des contributions aux abattoirs et aux ateliers de découpe.

28      Troisièmement, il résulterait des garanties de procédure fixées par l’article 88, paragraphe 2, CE que la Commission a l’obligation de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations. Cependant, en l’espèce, en déposant une plainte, les requérantes auraient déjà pris position et ainsi épuisé leur droit de s’exprimer.

29      Les requérantes soutiennent qu’elles sont des parties intéressées au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. Par conséquent, elles pourraient introduire un recours en annulation au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE en leur qualité de personnes directement et individuellement concernées par la décision attaquée.

30      Selon les requérantes, les bénéficiaires directs des aides sont quatre détaillants, nommément désignés, qui ont acquis le droit d’utiliser le label de qualité « AMA ». Il existerait également un rapport de concurrence direct entre les requérantes et les entreprises d’abattage et de découpe bénéficiant du label, dans la mesure où le système du label de qualité « AMA » est appliqué de la naissance de l’animal jusqu’à la vente de sa viande dans le commerce de détail et où, à chaque niveau de la chaîne de production et de distribution, une entreprise peut en bénéficier. S’agissant des animaux importés d’autres États membres et abattus en Autriche, aucune contribution ne serait prélevée par l’AMA, mais l’écoulement des produits serait entravé par les campagnes publicitaires organisées en faveur des labels.

31      Se référant à l’arrêt de la Cour du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C‑261/01 et C‑262/01, Rec. p. I‑12249), les requérantes font valoir que l’examen par la Commission des aides devrait nécessairement prendre aussi en considération le mode de financement dans le cas où ce dernier fait partie intégrante des mesures, comme en l’espèce. À cet égard, elles soulignent qu’elles contribuent au financement des aides.

32      Par ailleurs, selon l’arrêt van Calster e.a., point 31 supra, la Commission ne pourrait pas remédier rétroactivement à l’incompatibilité des aides avec le marché commun. Or, dès lors que la décision attaquée concerne les mesures en vigueur après le 26 septembre 2002, les requérantes pourraient avoir à payer rétroactivement les contributions à compter de cette date.

33      Enfin, les requérantes contestent l’argument selon lequel elles auraient, par leur plainte, épuisé leur droit de présenter des observations.

 Appréciation du Tribunal

34      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

35      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée est adressée à la République d’Autriche et non aux requérantes. Il convient donc de vérifier si la décision attaquée les concerne directement et individuellement.

36      Premièrement, l’affectation directe requiert que la mesure communautaire incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en oeuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires. S’agissant d’une décision autorisant des aides, il en va de même lorsque la possibilité que les autorités nationales décident de ne pas accorder les aides autorisées par la décision litigieuse de la Commission est purement théorique et que la volonté desdites autorités d’agir en ce sens ne fait aucun doute (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, points 43 et 44, et arrêt du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 81).

37      En l’espèce, il ressort du dossier que, à la date de l’adoption de la décision attaquée, le 30 juin 2004, les aides en cause étaient déjà mises en œuvre par la République d’Autriche. À cet égard, les requérantes produisent des pages Internet de l’AMA et d’un détaillant, dont il résulte que les labels « AMA » étaient déjà délivrés antérieurement à la décision attaquée. Elles produisent également la sommation de payer adressée par l’AMA à Grandits en ce qui concerne les contributions dues pour la période allant de mai 2002 à avril 2003, laquelle recouvre, au moins partiellement, la période d’application des mesures visées par la décision attaquée.

38      Dès lors, la possibilité que les autorités autrichiennes décident de ne pas accorder les aides en cause apparaît comme étant purement théorique.

39      Il s’ensuit que les requérantes sont directement concernées, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision attaquée.

40      Deuxièmement, en ce qui concerne l’affectation individuelle des requérantes, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 33).

41      Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par le paragraphe 3 de cette disposition, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché commun de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase formelle d’examen, visée au paragraphe 2. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité CE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 22 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 16, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 40 supra, point 34).

42      Il en résulte que, lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision (arrêts Cook/Commission, point 41 supra, point 23 ; Matra/Commission, point 41 supra, point 17, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 40 supra, point 35). Pour ces motifs, est recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui‑ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 40 supra, point 35 ; voir également, en ce sens, arrêts Cook/Commission, point 41 supra, points 23 à 26, et Matra/Commission, point 41 supra, points 17 à 20).

43      Or, les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, introduire des recours en annulation, sont les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est‑à‑dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 41, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 40 supra, point 36).

44      En revanche, si le requérant met en cause le bien‑fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Plaumann/Commission, point 40 supra. Il en serait notamment ainsi au cas où la position sur le marché du requérant serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, points 22 à 25, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum /Commission, point 40 supra, point 37).

45      Enfin, le fait qu’un acte a, par sa nature et sa portée, un caractère général en ce qu’il s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas pour autant qu’il puisse concerner individuellement certains d’entre eux (arrêts de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, point 19, et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, non encore publié au Recueil, point 32).

46      En l’espèce, les requérantes invoquent, en substance, trois moyens à l’appui de leur recours.

47      Le premier moyen est tiré de la violation de règles de procédure. Il s’articule en quatre branches tirées, premièrement, de l’absence de notification à la Commission des aides en cause, deuxièmement, de la violation des garanties procédurales prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE, troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation et, quatrièmement, de la violation du principe du délai raisonnable. Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent expressément que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), en raison des doutes existant quant à la compatibilité des mesures en cause avec le marché commun.

48      Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. À cet égard, les requérantes soutiennent notamment qu’une garantie de qualité, telle que celle prévue pour bénéficier des labels « AMA », ne concerne pas la notion de « développement » au sens de cette disposition.

49      Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes allèguent que la Commission a violé la « clause de suspension » fixée par l’article 88, paragraphe 3, CE et par l’article 3 du règlement n° 659/1999.

50      Les requérantes mettant ainsi en cause à la fois le refus de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et le bien‑fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, il y a lieu d’analyser, en premier lieu, la qualité pour agir des requérantes pour obtenir le respect de leurs droits procéduraux et, en second lieu, la qualité pour agir des requérantes pour contester le bien‑fondé de la décision attaquée, afin de déterminer si elles sont recevables à introduire le présent recours.

51      En premier lieu, s’agissant de la qualité pour agir des requérantes pour obtenir le respect de leurs droits procéduraux, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, selon le considérant 14 de la décision attaquée, les labels « AMA » ne sont accordés qu’à des produits remplissant certains critères de qualité du point de vue des méthodes de production, des caractéristiques du produit et, dans certains cas, des exigences relatives à leur provenance géographique. Ainsi, selon le considérant 27 de la décision attaquée, les aides en cause favorisent certaines entreprises du secteur de la production, du traitement, de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles en Autriche.

52      Pour ce qui concerne plus particulièrement la viande, comme le soulignent les requérantes, il existe une chaîne de production et de distribution spécifique aux labels « AMA », depuis la naissance et l’élevage des animaux jusqu’à la distribution dans le commerce de détail, dans le cadre de laquelle, à chaque stade, des prescriptions précises quant à la qualité et aux contrôles visant à la garantir doivent être respectées, et ce dans le but de développer la vente de produits de haute qualité.

53      Par conséquent, les bénéficiaires des aides en cause ne sont pas uniquement les détaillants. Ils comprennent également l’ensemble des entreprises appartenant à la chaîne de production et de distribution spécifique aux labels « AMA ». Or, les requérantes, entreprises spécialisées dans l’abattage et la découpe d’animaux, sont des concurrentes des entreprises d’abattage et de découpe d’animaux bénéficiant des labels « AMA ». Elles opèrent également sur le même marché géographique, à savoir l’Autriche, comme elles l’ont précisé en réponse à une question écrite du Tribunal.

54      Par ailleurs, le fait que, en l’espèce, les requérantes ont eu la possibilité, par le dépôt de leur plainte à l’encontre des aides en cause, de faire valoir leurs arguments déjà durant la procédure préliminaire d’examen, au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, ne saurait les priver du droit au respect de la garantie procédurale qui leur est expressément conféré par l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêt BUPA e.a./Commission, point 36 supra, point 76).

55      Il s’ensuit que les requérantes ont la qualité pour agir dans la mesure où elles visent à obtenir le respect de leurs droits procéduraux dérivés de l’article 88, paragraphe 2, CE.

56      En conséquence, la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation des garanties procédurales prévues à l’article 88, paragraphe 2, CE, est recevable.

57      En second lieu, s’agissant de la qualité pour agir des requérantes pour contester le bien‑fondé de la décision attaquée, il convient de rappeler que ne constitue pas une affectation substantielle la simple circonstance que la décision en cause est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que les entreprises concernées se trouvent dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cette décision (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10/68 et 18/68, Rec. p. 459, point 7, et British Aggregates/Commission, point 45 supra, point 47). Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de la décision le serait (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659, point 41, et British Aggregates/Commission, point 45 supra, point 48).

58      Or, il y a lieu de constater que, dans leurs écritures, les requérantes ne développent aucun argument de droit ou de fait visant à établir la particularité de leur situation concurrentielle sur le marché en cause.

59      En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal sur l’affectation substantielle de leur position, les requérantes se bornent à mentionner l’existence de « surcapacités considérables » sur le marché de l’abattage et de la découpe d’animaux, sans plus de précisions, et soulignent que les aides en cause ont des effets sensibles sur le commerce transfrontalier et la concurrence.

60      Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne démontrent pas que leur position sur le marché puisse être substantiellement affectée par les aides faisant l’objet de la décision attaquée.

61      Dès lors, doivent être rejetés comme irrecevables le premier moyen, dans ses première et quatrième branches, ainsi que le troisième moyen, dans la mesure où ils ne visent pas à sauvegarder les droits procéduraux que les requérantes tirent de l’article 88, paragraphe 2, CE.

62      En revanche, il convient de relever que le Tribunal doit interpréter les moyens d’un requérant par leur substance plutôt que par leur qualification (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 559, 588). Ainsi, peut‑il examiner d’autres arguments avancés par un requérant afin de vérifier s’ils apportent aussi des éléments à l’appui d’un moyen, formé par le requérant, soutenant expressément l’existence de doutes qui auraient justifié l’ouverture de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑254/05, non publié au Recueil, point 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, points 141, 148, 155, 161 et 167).

63      Or, en l’espèce, il ressort de la requête que le premier moyen, dans sa troisième branche, ainsi que le deuxième moyen fournissent des éléments à l’appui de la deuxième branche du premier moyen, dès lors que les requérantes y soutiennent l’existence de difficultés sérieuses qui auraient justifié l’ouverture de la procédure formelle d’examen. En effet, les requérantes entendent également soutenir, par le deuxième moyen, que les droits procéduraux qu’elles tiraient de l’article 88, paragraphe 2, CE ont été violés à l’occasion de l’adoption de la décision attaquée. De même, la troisième branche du premier moyen, tirée de l’insuffisance de motivation, vient à l’appui du premier moyen, dans sa deuxième branche, dans la mesure où, à défaut de motivation suffisante, les intéressés ne sont pas en mesure de connaître les justifications de la conclusion de la Commission relative à l’absence de difficultés sérieuses et le juge d’exercer son contrôle.

64      En conséquence, il y a lieu de déclarer recevables le premier moyen, dans sa troisième branche, ainsi que le deuxième moyen, dans la seule mesure où ils visent à obtenir le respect des droits procéduraux que les requérantes tirent de l’article 88, paragraphe 2, CE.

 Sur le fond

 Arguments des parties

65      Les requérantes soutiennent que l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999 obligeait la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen des aides en cause dès lors qu’il existait des doutes quant à leur compatibilité avec le marché commun. Elles invoquent plusieurs documents, tirés en particulier de pages Internet de l’AMA et d’un détaillant, qui prouveraient que les produits bénéficiant des labels « AMA » doivent être exclusivement d’origine autrichienne. Les requérantes se réfèrent également à une lettre de la Commission aux autorités autrichiennes, du 19 juin 2000, qui contiendrait un exposé des raisons incitant à douter de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, en particulier avec l’article 28 CE. À la lumière de cette situation de fait et de droit, la Commission aurait dû prendre la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

66      Dans la réplique, les requérantes ajoutent que l’article 21 a de l’AMA-Gesetz 1992 exclut que le label de qualité « AMA » soit délivré pour des produits non autrichiens ou qu’une campagne de marketing soit entreprise pour leur promotion. De même, les statuts de l’AMA Marketing indiqueraient que celle-ci doit viser les produits agricoles et sylvicoles nationaux. L’AMA-Gesetz 1992 et les statuts de l’AMA Marketing seraient ainsi incompatibles avec l’article 28 CE. À cet égard, il ne suffirait pas d’insérer, dans les directives de l’AMA, une « clause d’ouverture » pour les produits étrangers. En outre, il conviendrait de se fonder non sur les dispositions de ces directives, mais sur les mesures effectivement exécutées.

67      La Commission rétorque que tous les documents invoqués par les requérantes sont antérieurs au 26 septembre 2002. Or, selon la décision attaquée, les mesures prises par l’AMA et l’AMA Marketing avant le 26 septembre 2002 seraient expressément exclues de l’examen. Par ailleurs, pour ce qui concerne les mesures entrées en vigueur après le 26 septembre 2002, la Commission se réfère à différentes directives de l’AMA, respectivement de janvier 2001, de septembre 2002 et de février 2003, qui démontreraient que les griefs des requérantes sont dénués de fondement. La Commission n’aurait donc pas été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

68      Dans la duplique, la Commission souligne que, comme le montrent les directives de l’AMA, les labels, avec ou sans indication d’origine, ne sont pas réservés aux entreprises autrichiennes ou aux produits autrichiens. Les requérantes ne parviendraient pas à présenter un seul cas où une demande d’obtention du label de qualité aurait été refusée à un demandeur non autrichien sur le fondement des statuts de l’AMA Marketing.

 Appréciation du Tribunal

69      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission est obligée d’ouvrir la procédure formelle d’examen notamment si, à la lumière des renseignements obtenus au cours de la procédure préliminaire d’examen, elle reste confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure considérée. Cette obligation résulte directement de l’article 88, paragraphe 3, CE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure illégale suscite des doutes quant à sa compatibilité (voir, en ce sens, arrêt BUPA e.a./Commission, point 36 supra, point 328).

70      En effet, selon une jurisprudence constante, la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 88, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une mesure étatique que si elle est à même d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure soit ne constitue pas une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le marché commun. En revanche, si ce premier examen conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou s’il ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts Matra/Commission, point 41 supra, point 33 ; Commission/Sytraval et Brink’s France, point 43 supra, point 39, et BUPA e.a./Commission, point 36 supra, point 329).

71      Ainsi, il appartient à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées dans l’examen de la compatibilité de l’aide nécessitent l’ouverture de cette procédure (arrêt Cook/Commission, point 41 supra, point 30). Cette appréciation doit respecter trois exigences.

72      Premièrement, l’article 88 CE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur la compatibilité d’une aide avec le marché commun au terme de la procédure préliminaire d’examen aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif. Ainsi, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative (arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 44).

73      Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire. Si son pouvoir est lié quant à la décision d’engager cette procédure, la Commission jouit néanmoins d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses. Conformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE et au devoir de bonne administration qui lui incombe, la Commission peut, notamment, engager un dialogue avec l’État notifiant ou des tiers afin de surmonter, au cours de la procédure préliminaire, des difficultés éventuellement rencontrées (arrêt Prayon-Rupel/Commission, point 72 supra, point 45).

74      Troisièmement, la notion de « difficultés sérieuses » revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun (voir arrêt Prayon-Rupel/Commission, point 72 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

75      En l’espèce, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que les aides en cause étaient compatibles avec le marché commun en ce qu’elles étaient conformes aux lignes directrices applicables aux aides d’État dans le secteur agricole et aux lignes directrices applicables aux aides d’État à la publicité.

76      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que les lignes directrices applicables aux aides d’État à la publicité prévoient notamment ce qui suit en ce qui concerne les produits devant remplir des exigences de qualité particulières :

« 49. Des régimes nationaux de contrôle de la qualité doivent reposer uniquement sur l’existence de caractéristiques objectives intrinsèques qui confèrent aux produits la qualité requise, ou qui concernent le mode de production requis, et ne pas reposer sur l’origine des produits ou sur le lieu de production. Que ces régimes de contrôle de la qualité soient obligatoires ou facultatifs, tous les produits fabriqués dans la Communauté doivent donc y avoir accès, indépendamment de leur origine, pour autant qu’ils remplissent les conditions requises […]

50. Lorsque le régime est limité aux produits d’une origine donnée […], ce régime est contraire au traité et il est alors évident que la Commission ne peut pas considérer que les aides à la publicité en faveur dudit régime sont compatibles avec le marché commun. 

[…] »

77      Il résulte des mêmes lignes directrices, en particulier de leur point 46, que l’« origine » des produits doit être comprise comme étant une « origine nationale, régionale ou locale ».

78      Ensuite, au considérant 52 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, en l’espèce, les aides respectaient la condition selon laquelle un régime national de contrôle de la qualité ne peut être limité aux produits d’une origine donnée. Elle a en effet énoncé ce qui suit :

« L’utilisation du label de qualité est disponible pour tous les produits cultivés ou produits dans la Communauté et remplissant les conditions de qualité liées à cette utilisation. Ces conditions particulières pour les produits candidats au label de qualité soit concernent la qualité du produit soit semblent se limiter à permettre la vérification de leur origine géographique. Les conditions particulières peuvent dans tous les cas être remplies indépendamment de la provenance géographique du produit. »

79      Dans le même sens, au considérant 66 de la décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments avancés par les requérantes dans leur plainte selon lesquels les labels « AMA » bénéficiaient exclusivement aux producteurs autrichiens, dans les termes suivants :

« […L]es mesures notifiées, relatives au label bio et au label de qualité, appliquées depuis le 26 septembre 2002, ne sont pas limitées aux produits autrichiens et […] l’origine des produits ne constitue le message principal ni dans les labels, ni dans la publicité correspondante. 

[…] »

80      Par ailleurs, il résulte du considérant 67 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur les mesures prises par l’AMA et l’AMA Marketing telles qu’elles étaient applicables après le 26 septembre 2002. La Commission cite, en ce sens, dans le mémoire en défense, trois directives de l’AMA, de janvier 2001, de septembre 2002 et de février 2003.

81      Dans la requête, les requérantes affirment que les produits bénéficiant des labels « AMA » doivent être exclusivement d’origine autrichienne. À cet égard, elles produisent en particulier une version de l’AMA-Gesetz 1992, non contestée par la Commission, selon laquelle, aux termes de l’article 21 a, relatif à la finalité de la contribution :

« La contribution aux fins du marketing agricole […] est collectée pour la poursuite des objectifs suivants :

1. la promotion et la garantie de la vente des produits agricoles et forestiers nationaux et des produits dérivés ;

2. l’ouverture et l’entretien des marchés pour ces produits à l’intérieur du pays et à l’étranger ;

3. l’amélioration de la distribution de ces produits ;

4. l’encouragement de mesures générales pour l’amélioration et la garantie de la qualité de ces produits (en particulier des produits agricoles correspondants) ;

5. la promotion d’autres mesures de marketing (en particulier les prestations de services et frais de personnel qui y sont liés). »

82      Or, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué, d’une part, que, au cours des négociations avec elle, les autorités autrichiennes avaient promis de veiller à adapter ultérieurement l’AMA-Gesetz 1992 et que, d’autre part, l’article 21 a avait été modifié par une loi fédérale de 2007 (BGBl. 55/2007), avec effet au 1er juillet 2007. Selon la Commission, depuis cette date, l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992 ne comprend plus le terme « nationaux ».

83      Certes, la Commission souligne également que, dès sa version initiale, l’article 21 a, point 5), de l’AMA-Gesetz 1992 établissait aussi, parmi les finalités de la contribution, la « promotion de toutes autres mesures de marketing », sans qu’une restriction aux produits nationaux ait été prévue.

84      Néanmoins, il résulte de la réponse de la Commission que, au moment où elle a examiné la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, les principales dispositions de l’article 21 a de l’AMA-Gesetz 1992 visaient uniquement les produits nationaux.

85      Par conséquent, ledit article ne respectait pas la condition énoncée par les lignes directrices applicables aux aides d’État à la publicité selon laquelle un régime national de contrôle de la qualité ne peut être limité à des produits d’une origine donnée. Il ressort également de la réponse écrite de la Commission que, des négociations ayant eu lieu sur cette question entre les autorités autrichiennes et la Commission, cette dernière en était informée.

86      Dès lors, même si les directives de l’AMA ne prévoyaient pas de condition d’origine des produits, il n’en demeure pas moins que la limitation aux produits nationaux énoncée par l’article 21 a, point 1), de l’AMA-Gesetz 1992 suscitait des doutes quant à la compatibilité des aides en causes avec les lignes directrices applicables aux aides d’État à la publicité. Par conséquent, la Commission aurait dû faire application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999.

87      Il convient donc de conclure que l’appréciation de la compatibilité avec le marché commun des aides en cause soulevait des difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE.

88      Partant, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner la troisième branche du premier moyen et le deuxième moyen.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2004) 2037 fin de la Commission, du 30 juin 2004, relative aux aides d’État NN 34A/2000 concernant les programmes de qualité et labels « AMA‑Biozeichen » et « AMA‑Gütesiegel » en Autriche, est annulée.

2)      La Commission des Communautés européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Scheucher-Fleisch GmbH, Tauernfleisch Vertriebs GmbH, Wech-Kärntner Truthahnverarbeitung GmbH, Wech-Geflügel GmbH et Johann Zsifkovics.

Meij

Vadapalas

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.