Language of document : ECLI:EU:C:2013:625

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

3 octobre 2013 (*)

«Pourvoi – Règlement (CE) no 1007/2009 – Commerce des produits dérivés du phoque – Restrictions à l’importation et à la commercialisation desdits produits – Recours en annulation – Recevabilité – Droit de recours des personnes physiques ou morales – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Notion d’‘actes réglementaires’– Actes législatifs – Droit fondamental à une protection juridictionnelle effective»

Dans l’affaire C‑583/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 novembre 2011,

Inuit Tapiriit Kanatami, établie à Ottawa (Canada),

Nattivak Hunters and Trappers Association, établie à Qikiqtarjuaq (Canada),

Pangnirtung Hunters’ and Trappers’ Association, établie à Pangnirtung (Canada),

Jaypootie Moesesie, demeurant à Qikiqtarjuaq,

Allen Kooneeliusie, demeurant à Qikiqtarjuaq,

Toomasie Newkingnak, demeurant à Qikiqtarjuaq,

David Kuptana, demeurant à Ulukhaktok (Canada),

Karliin Aariak, demeurant à Iqaluit (Canada),

Canadian Seal Marketing Group, établi à Québec (Canada),

Ta Ma Su Seal Products Inc., établie à Cap-aux-Meules (Canada),

Fur Institute of Canada, établi à Ottawa,

NuTan Furs Inc., établie à Catalina (Canada),

GC Rieber Skinn AS, établie à Bergen (Norvège),

Inuit Circumpolar Council Greenland (ICC-Greenland), établie à Nuuk, Groenland (Danemark),

Johannes Egede, demeurant à Nuuk,

Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat (KNAPK), établie à Nuuk,

représentés par Mes J. Bouckaert, H. Viaene et D. Gillet, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Parlement européen, représenté par Mmes I. Anagnostopoulou et D. Gauci ainsi que par M. L. Visaggio, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

parties défenderesses en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver, E. White et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

Royaume des Pays-Bas,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, vice-président, faisant fonction de président, M. A. Tizzano, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz (rapporteur), A. Rosas et Mme M. Berger, présidents de chambre, MM. U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh, A. Arabadjiev, J.‑J. Kasel, M. Safjan, D. Šváby, Mme A. Prechal et M. C. Vajda, juges

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2012,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Inuit Tapiriit Kanatami, Nattivak Hunters and Trappers Association, Pangnirtung Hunters’ and Trappers’ Association, MM. Moesesie, Kooneeliusie, Newkingnak, Kuptana, Mme Aariak, Canadian Seal Marketing Group, Ta Ma Su Seal Products Inc., Fur Institute of Canada, NuTan Furs Inc., GC Rieber Skinn AS, Inuit Circumpolar Conference Greenland (ICC-Greenland), M. Egede et Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat (KNAPK) demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 6 septembre 2011 (T‑18/10, Rec. p. II‑5599, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté le recours introduit par les requérants ainsi que par M. Agathos tendant à l’annulation du règlement (CE) no 1007/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, sur le commerce des produits dérivés du phoque (JO L 286, p. 36, ci-après le «règlement litigieux») comme étant irrecevable.

 Le cadre juridique

 Le règlement litigieux

2        Conformément à son article 1er, le règlement litigieux a pour objet d’établir «des règles harmonisées concernant la mise sur le marché des produits dérivés du phoque».

3        En vertu de l’article 2, point 4, du règlement litigieux, le terme «Inuit» désigne «les membres indigènes du territoire inuit, à savoir les régions arctiques et subarctiques dans lesquelles les Inuits possèdent actuellement ou traditionnellement des droits et des intérêts aborigènes, reconnus comme faisant partie de la population inuite et comprenant les groupes suivants: Inupiat, Yupik (Alaska), Inuit, Inuvialuit (Canada), Kalaallit (Groenland) et Yupik (Russie)».

4        Quant aux conditions de mise sur le marché de produits dérivés du phoque, l’article 3 de ce règlement dispose:

«1.      La mise sur le marché de produits dérivés du phoque est autorisée uniquement pour les produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuit et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance. Ces conditions s’appliquent au moment ou au point d’importation des produits importés.

2.      Par dérogation au paragraphe 1:

a)      l’importation de produits dérivés du phoque est autorisée lorsqu’elle présente un caractère occasionnel et concerne exclusivement des marchandises destinées à l’usage personnel des voyageurs ou des membres de leur famille. La nature et la quantité de ces marchandises ne peuvent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont importées à des fins commerciales;

b)      la mise sur le marché de produits dérivés du phoque est également autorisée lorsqu’ils résultent d’une chasse réglementée par la législation nationale et pratiquée dans le seul objectif d’une gestion durable des ressources marines. Cette mise sur le marché est uniquement autorisée dans un but non lucratif. La nature et la quantité de ces marchandises ne peuvent pas pouvoir laisser penser qu’elles sont mises sur le marché à des fins commerciales.

L’application du présent paragraphe ne compromet pas la réalisation de l’objectif du présent règlement.

3.      La Commission publie, conformément à la procédure de gestion visée à l’article 5, paragraphe 2, des notes techniques explicatives établissant une liste indicative des codes de la nomenclature combinée susceptibles de concerner les produits dérivés du phoque soumis au présent article.

4.      Sans préjudice du paragraphe 3, les mesures relatives à la mise en œuvre du présent article, qui visent à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 5, paragraphe 3.»

 Le règlement (UE) no 737/2010

5        Sur la base de l’article 3, paragraphe 4, du règlement litigieux, la Commission a adopté le règlement (UE) no 737/2010, du 10 août 2010, portant modalités d’application du règlement no 1007/2009 (JO L 216, p. 1).

6        Conformément à son article 1er, ce règlement «fixe les modalités de mise sur le marché de produits dérivés du phoque, en application de l’article 3 du règlement (CE) no 1007/2009».

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2010, les requérants ainsi que M. Agathos ont introduit un recours tendant à l’annulation du règlement litigieux.

8        Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le Royaume des Pays-Bas et la Commission ont été admis à intervenir devant le Tribunal au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

9        Le Tribunal a fait droit à cette exception en jugeant que les requérants ainsi que M. Agathos ne remplissent pas les conditions de recevabilité au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

10      Tout d’abord, le Tribunal a considéré que, même si le règlement litigieux a été adopté sur la base du traité CE, les conditions de recevabilité du recours, introduit après l’entrée en vigueur du traité FUE, doivent être examinées sur le fondement de l’article 263 TFUE.

11      Ensuite, le Tribunal a examiné la recevabilité du recours pendant devant lui. Dans ce cadre, il a, dans un premier temps, apprécié la notion d’«acte réglementaire» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. À cet égard, il a procédé à une interprétation littérale, historique et téléologique de cette disposition et a constaté, aux points 41 à 51 de l’ordonnance attaquée, ce qui suit:

«41      En premier lieu et pour rappel, l’article 230, quatrième alinéa, CE permettait aux personnes physiques et morales d’introduire un recours contre les décisions en tant qu’actes de portée individuelle ainsi que contre les actes de portée générale tel qu’un règlement qui concerne directement cette personne et l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36).

42      L’article 263, quatrième alinéa, TFUE, même en omettant le terme “décision”, reprend ces deux possibilités en y ajoutant une troisième. Il permet l’introduction d’un recours contre les actes individuels, contre les actes de portée générale qui concernent une personne physique ou morale directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. Il ressort du sens commun du terme “réglementaire” que les actes visés par cette troisième possibilité sont aussi de portée générale.

43      Dans ce contexte, force est de constater que cette possibilité ne vise pas l’ensemble des actes de portée générale, mais une catégorie plus restreinte de ceux-ci, à savoir les actes réglementaires.

44      En effet, l’article 263, premier alinéa, TFUE prévoit plusieurs catégories d’actes de l’Union pouvant faire l’objet d’un contrôle de légalité, à savoir, d’une part, les actes législatifs et, d’autre part, les autres actes contraignants, destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers, ceux-ci pouvant être des actes individuels ou de portée générale.

45      Il convient d’en déduire que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, lu en combinaison avec son premier alinéa, prévoit qu’une personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire, ainsi que, d’une part, contre les actes de portée générale, législatifs ou réglementaires, qui la concernent directement et individuellement et, d’autre part, contre certains actes de portée générale, à savoir les actes réglementaires, qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

46      Par ailleurs, une telle interprétation du terme “réglementaire”, et du terme équivalent dans les différentes versions linguistiques du traité FUE, par opposition au terme “législatif”, ressort aussi de plusieurs autres dispositions du traité FUE, notamment de l’article 114 TFUE, se rapportant au rapprochement des “dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres”.

47      À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument des [requérants ainsi que de M. Agathos] selon lequel la distinction entre les actes législatifs et réglementaires, telle qu’elle est proposée par le Parlement et le Conseil et retenue aux points 42 à 45 ci-dessus, consisterait à ajouter le qualificatif “législatifs” après le terme “actes” se référant aux deux premières possibilités visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, ainsi qu’il ressort de la conclusion tirée au point 45 ci-dessus, le terme “actes” se référant à ces deux premières possibilités vise, outre les actes dont la personne physique ou morale est le destinataire, tous les actes, législatifs ou réglementaires, qui la concernent directement et individuellement. En particulier, les actes législatifs et les actes réglementaires comportant des mesures d’exécution entrent dans le champ d’application de cette dernière possibilité.

48      En outre, il convient de préciser que, contrairement à l’affirmation des [requérants ainsi que de M. Agathos], il ressort du libellé du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que l’objectif des États membres n’était pas de limiter la portée de cette disposition aux seuls actes délégués au sens de l’article 290 TFUE, mais plus généralement, aux actes réglementaires.

49      En deuxième lieu, l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE retenue aux points 42 à 45 ci-dessus est confirmée par la genèse du processus ayant conduit à l’adoption de cette disposition, qui avait initialement été proposée en tant qu’article III‑365, [paragraphe 4], du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe. En effet, il ressort, notamment, de la note de transmission du Praesidium de la Convention (secrétariat de la Convention européenne, CONV 734/03), du 12 mai 2003, que, malgré la proposition de modification concernée de l’article 230, quatrième alinéa, CE mentionnant les “actes de portée générale”, le Praesidium a retenu une autre option, celle mentionnant les “actes réglementaires”. Ainsi qu’il ressort de la note de transmission citée ci-dessus, cette formulation permettait “d’établir une distinction entre les actes législatifs et les actes réglementaires, en retenant une approche restrictive en ce qui concerne les recours des particuliers contre les actes législatifs (pour lesquelles la condition ‘directement et individuellement concerné’ reste d’application)”.

50      En troisième lieu, en raison du choix qui a été fait de reprendre une telle formulation à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de considérer que la finalité de cette disposition est de permettre à une personne physique et morale d’introduire un recours contre les actes de portée générale qui ne sont pas des actes législatifs, qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, en évitant ainsi les cas où une telle personne devrait enfreindre le droit pour avoir accès à un juge (voir note de transmission du Praesidium de la Convention, citée ci-dessus). Ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points précédents, la formulation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne permet pas de former un recours contre tous les actes répondant aux critères d’affectation directe et d’absence de mesures d’exécution, ni contre tous les actes de portée générale répondant à ces critères, mais uniquement contre une catégorie spécifique de ces derniers, à savoir les actes réglementaires. En conséquence, les conditions de recevabilité d’un recours en annulation contre un acte législatif demeurent plus restrictives que dans le cas d’un recours formé contre un acte réglementaire.

51      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation des [requérants ainsi que de M. Agathos] relative au droit à une protection juridictionnelle effective, notamment eu égard à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1 [ci-après la “Charte”]). En effet, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut pas, sans excéder ses compétences, interpréter les conditions selon lesquelles un particulier peut former un recours contre un règlement, d’une manière qui aboutit à s’écarter de ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité, et ce même à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 36, et ordonnance du Tribunal du 9 janvier 2007, Lootus Teine Osaühing/Conseil, T‑127/05, non publiée au Recueil, point 50).»

12      Le Tribunal en a conclu, au point 56 de l’ordonnance attaquée, «que la notion d’‘acte réglementaire’ au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs». Par conséquent, un acte législatif pourrait faire l’objet d’un recours en annulation d’une personne physique ou morale uniquement s’il la concerne directement et individuellement.

13      Dans un second temps, le Tribunal, aux points 57 à 67, a examiné la question de savoir si le règlement litigieux doit être qualifié d’acte législatif ou d’acte réglementaire. À cet égard, il a jugé, au point 61 de l’ordonnance attaquée, que la procédure définie à l’article 294 TFUE, dénommée «procédure législative ordinaire», reprend, en substance, celle définie à l’article 251 CE. Il en a conclu, audit point, que le règlement litigieux, qui a été adopté selon la procédure visée à ce dernier article, doit, dans le cadre des catégories d’actes juridiques prévues par le traité FUE, être qualifié d’acte législatif. Au point 65 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, le critère pertinent pour qualifier un acte d’acte législatif ou d’acte réglementaire est la procédure ayant mené à son adoption.

14      Eu égard à l’interprétation de la notion d’«actes réglementaires» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, retenue aux points 41 à 56 de l’ordonnance attaquée, et à la conclusion que le règlement litigieux n’est pas un acte réglementaire au sens de cet article, le Tribunal a conclu que le recours ne saurait être déclaré recevable sur la base de la troisième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Dans ces conditions, il n’y aurait pas lieu de déterminer si ce règlement comporte des mesures d’exécution.

15      Le Tribunal, dans un troisième temps, a examiné, aux points 68 à 87 de l’ordonnance attaquée, la question de savoir si les requérants ainsi que M. Agathos sont directement affectés par le règlement litigieux.

16      À cet égard, le Tribunal a rappelé, au point 71 de l’ordonnance attaquée, que le fait pour un particulier d’être directement affecté par un acte exige que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de la mise en œuvre de celui-ci, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires.

17      S’agissant du règlement litigieux, il a considéré, au point 75 de l’ordonnance attaquée, en se référant à l’ordonnance du Tribunal du 11 juillet 2005, Bonino e.a./Parlement et Conseil (T‑40/04, Rec. p. II‑2685, point 56), que, eu égard au contenu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement litigieux, celui-ci produit des effets directs uniquement sur la situation juridique de ceux des requérants qui sont actifs dans la mise sur le marché de l’Union des produits dérivés du phoque. Ce règlement n’interdisait pas la chasse aux phoques, qui plus est en dehors du marché de l’Union, ni l’utilisation ou la consommation des produits dérivés de ceux-ci qui ne font pas l’objet de commercialisation. S’il ne peut être exclu que l’interdiction générale de mise sur le marché prévue par le règlement litigieux puisse avoir des répercussions sur l’activité des personnes intervenant en amont ou en aval de cette mise sur le marché, de telles répercussions ne pourraient être considérées comme découlant directement de celui-ci. En outre, les éventuelles conséquences économiques de cette interdiction concerneraient uniquement la situation de fait des requérants, et non pas leur situation juridique.

18      Après avoir rappelé, au point 76 de l’ordonnance attaquée, le libellé des articles 3, paragraphe 4, et 5, paragraphe 3, du règlement litigieux ainsi que le considérant 17 de celui-ci, le Tribunal a constaté, au point 77 de l’ordonnance attaquée, que, en dépit de l’interdiction de mise sur le marché des produits dérivés du phoque pour lesquels il est établi qu’ils ne proviennent pas de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et les autres communautés indigènes à des fins de subsistance, les conditions de mise sur le marché des produits ne sont pas définies.

19      À cet égard, il a considéré, aux points 78 à 80 de l’ordonnance attaquée, que le règlement litigieux ne précisait pas, notamment, ce qu’il fallait entendre par «autres communautés indigènes», et ne donnait pas d’explications concernant les formes de chasse traditionnellement pratiquées à des fins de subsistance, ni comment l’origine inuite ou celle d’autres communautés indigènes était établie. Ainsi, en ce qui concerne les produits pouvant être soumis au régime d’exception, les autorités nationales ne seraient pas en mesure d’appliquer le règlement litigieux sans des mesures de mise en œuvre fixées par un règlement d’application définissant les conditions dans lesquelles la mise sur le marché de ces produits est autorisée. La situation des requérants et de M. Agathos, dans la mesure où elle relève de l’exception en cause, ne pourrait de ce fait être appréciée que sur la base des mesures relatives à la mise en œuvre du règlement litigieux. Dans ces conditions, le règlement litigieux affecterait uniquement la situation juridique des requérants qui sont actifs dans la mise sur le marché de l’Union des produits dérivés du phoque et qui sont concernés par l’interdiction générale de mise sur le marché de ces produits.

20      En revanche, tel ne serait pas le cas des requérants dont l’activité n’est pas la mise sur le marché de ces produits et/ou de ceux qui relèvent de l’exception prévue par le règlement litigieux, puisque, en principe, la mise sur le marché de l’Union des produits dérivés du phoque provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance resterait autorisée. Plus particulièrement, les chasseurs et les trappeurs de phoques d’origine inuite ainsi que les organisations qui représentent les intérêts des requérants ne sauraient être considérés comme actifs dans la mise sur le marché des produits dérivés du phoque.

21      Ainsi, le Tribunal a considéré, aux points 81 à 87 de l’ordonnance attaquée, que seulement quatre des requérants sont directement concernés par le règlement litigieux, à savoir ceux qui sont actifs dans la transformation et/ou la commercialisation des produits dérivés du phoque provenant de chasseurs et de trappeurs inuits et non inuits. Quant à Mme Aariak, le Tribunal a constaté, au point 82 de l’ordonnance attaquée, qu’elle ne saurait être considérée comme directement concernée par le règlement litigieux. Si elle est active dans la transformation des produits dérivés du phoque, à savoir la création et la vente de vêtements confectionnés à partir de peaux de phoques, il ressortirait de la requête ainsi que des observations des requérants et de M. Agathos sur les exceptions d’irrecevabilité qu’elle appartient également à la communauté inuite et ne soutient nullement être active dans la mise sur le marché de produits autres que ceux relevant de l’exception en cause.

22      Dans la mesure où la situation d’un particulier doit être affectée tant directement qu’individuellement pour pouvoir satisfaire aux conditions de recevabilité du recours posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Tribunal a examiné, aux points 88 à 93 de l’ordonnance attaquée, si les quatre requérants qu’il a considérés être directement affectés par le règlement litigieux pouvaient également être regardés comme étant individuellement affectés par ce dernier. À cet égard, le Tribunal a jugé, en se référant au point 41 de cette ordonnance, que le règlement litigieux s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. L’interdiction générale de mise sur le marché des produits dérivés du phoque, à l’exception de ceux provenant de formes de chasse traditionnellement pratiquées par les communautés inuites et d’autres communautés indigènes à des fins de subsistance, serait formulée d’une façon générale et susceptible de s’appliquer indifféremment à tout opérateur économique qui entre dans le champ d’application de ce règlement.

23      Si les quatre requérants en cause sont actifs dans la mise sur le marché des produits dérivés du phoque provenant de chasseurs et de trappeurs inuits et non inuits, ils seraient, en tant que tels, concernés par le règlement litigieux comme tout autre opérateur économique mettant sur le marché des produits dérivés du phoque. Même à supposer que ces requérants relèveraient, outre de l’interdiction générale, de l’exception concernant les produits d’origine inuite, cela ne suffirait pas à les individualiser d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une décision.

24      Dans ces conditions, le Tribunal a déclaré le recours en annulation irrecevable.

 Les conclusions des parties

25      Les requérants concluent à ce que la Cour:

–        annule l’ordonnance attaquée;

–        déclare la requête en annulation recevable si elle estime que tous les éléments requis pour se prononcer sur la recevabilité du recours en annulation du règlement litigieux sont réunis;

–        à défaut, annule l’ordonnance attaquée et renvoie l’affaire devant le Tribunal;

–        condamne le Parlement et le Conseil à supporter les dépens des requérants,

–        condamne la Commission et le Royaume des Pays-Bas à supporter leurs propres dépens.

26      Le Conseil demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi,

–        de condamner solidairement les requérants aux dépens.

27      Le Parlement demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi,

–        de condamner les requérants aux dépens.

28      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérants aux dépens.

29      Le Royaume des Pays-Bas n’a pas déposé de mémoire en réponse.

 Sur le pourvoi

30      À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il est divisé en deux branches. Par leur deuxième moyen, les requérants invoquent une violation par le Tribunal de son obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré d’une méconnaissance par le Tribunal de l’article 47 de la Charte ainsi que des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»). Enfin, par leur quatrième moyen, les requérants estiment que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve.

 Sur le premier moyen

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

31      Par la première branche du premier moyen, les requérants estiment que le Tribunal, dans son interprétation de la notion d’«actes réglementaires» prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et notamment, dans le fait d’avoir exclu du champ d’application de cette notion les actes législatifs, tels que le règlement litigieux, a commis une erreur de droit.

32      La distinction opérée par le Tribunal entre les actes législatifs et les actes réglementaires ne serait pas étayée par les termes utilisés dans le traité FUE, notamment, dans les articles 288 TFUE, 289 TFUE et 290 TFUE. Ces dispositions distingueraient entre actes législatifs et actes non législatifs. En outre, contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal, la notion d’«actes réglementaires» couvrirait non pas seulement certains, mais tous les actes d’application générale, de sorte que l’interprétation littérale effectuée par le Tribunal aux points 41 à 48 de l’ordonnance attaquée serait erronée.

33      La distinction faite par le Tribunal aurait pour conséquence que seuls les recommandations et les avis adoptés par le Parlement et/ou le Conseil pourraient être considérés comme des actes réglementaires, étant donné que les actes législatifs engloberaient les règlements, les directives et les décisions adoptés par le Parlement et le Conseil, tandis que les actes délégués engloberaient les actes adoptés par la Commission. En revanche, les recommandations et les avis ne figureraient pas parmi les actes énumérés à l’article 263, premier alinéa, TFUE pouvant faire l’objet d’un recours en annulation.

34      Si les rédacteurs du traité de Lisbonne avaient eu l’intention d’employer les termes «actes réglementaires» à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE pour désigner le contraire des actes législatifs, la notion «acte délégué» au sens de l’article 290 TFUE aurait plutôt été utilisée. La circonstance que les rédacteurs du traité ont employé les termes «actes réglementaires» tiendrait au fait qu’ils visaient des actes différents des actes législatifs ou non législatifs. Par ailleurs, les actes d’exécution prévus à l’article 291 TFUE ne seraient pas couverts par la distinction effectuée par le Tribunal.

35      Par conséquent, l’interprétation faite par le Tribunal des termes «actes réglementaires», par opposition aux termes «actes législatifs», viderait de sens la voie de recours contre les actes réglementaires ouverte dans les conditions énoncées à l’article 263, quatrième alinéa, troisième branche, TFUE, introduite par le traité de Lisbonne, l’objectif de cette modification ayant été d’élargir les conditions de recevabilité des recours à l’égard des personnes physiques et morales. Une telle interprétation aurait pour effet d’exclure tout recours d’un particulier fondé sur l’article 263, quatrième alinéa, troisième branche, TFUE.

36      L’interprétation historique des termes «actes réglementaires» effectuée par le Tribunal serait également erronée. Le traité de Lisbonne, bien qu’il mentionne à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE – tout comme l’article III‑365, paragraphe 4, du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe – les actes réglementaires, n’utiliserait pas la classification des actes juridiques prévue par ce projet de traité, dont, notamment, la notion de «règlement européen» en tant qu’acte non législatif. Dans le cadre du traité FUE, les règlements pourraient être des actes législatifs ou non législatifs.

37      L’absence de modification du libellé de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE démontrerait que la notion d’«actes réglementaires» au sens de cette disposition aurait été élargie en ce sens qu’elle couvrirait tous les règlements, qu’ils soient de nature législative ou non. Cette interprétation téléologique correspondrait en outre à la préoccupation initiale tant des auteurs du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe que de ceux du traité de Lisbonne, qui souhaitaient combler les lacunes qui avaient été clairement identifiées par les arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677), et Commission/Jégo-Quéré, précité.

38      Le Parlement, le Conseil et la Commission souscrivent à l’interprétation faite par le Tribunal des termes «actes réglementaires».

39      Le Parlement avance que, s’il est vrai que la hiérarchie des normes définie à l’article I‑33 du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe, distinguant entre les actes législatifs, d’une part, et les actes réglementaires, d’autre part, n’a pas été retenue dans le traité FUE, l’article 289, paragraphe 3, TFUE désigne clairement les actes législatifs comme étant ceux adoptés au terme de la procédure législative ordinaire ou spéciale. En outre, l’article 263 TFUE distinguerait dans ses premier et quatrième alinéas les «actes législatifs» des «actes réglementaires». Ces deux notions devraient être conciliées afin de préserver pleinement l’effet utile de l’article 263 TFUE.

40      Ladite institution avance que la critique des requérants par rapport à la conclusion du Tribunal, selon laquelle tous les actes d’application générale ne peuvent pas être considérés comme des actes réglementaires, n’est pas formulée de façon spécifique, mais reprend les arguments déjà avancés en première instance. Ainsi, les arguments des requérants y relatifs seraient en tout état de cause irrecevables.

41      Quant à l’argument des requérants selon lequel l’interprétation de la notion d’«actes réglementaires» faite par le Tribunal viderait cette notion de son contenu, le Parlement, le Conseil ainsi que la Commission soutiennent que celle-ci comprend des catégories variées d’actes juridiques, parmi lesquels figurent notamment les actes délégués et les actes d’exécution de portée générale, adoptés sur la base des articles 290 TFUE ou 291 TFUE, ces derniers constituant la grande majorité des actes juridiques de l’Union. Il en découlerait que l’argument des requérants selon lequel les auteurs du traité FUE auraient utilisé le terme «délégué» s’ils avaient souhaité faire référence aux actes de portée générale qui ne sont pas des actes législatifs serait erroné. La Commission ajoute que relèveraient en outre de la notion d’«actes réglementaires» les actes non législatifs de portée générale adoptés sur le fondement de bases juridiques spéciales, telles que les articles 43, paragraphe 3, TFUE, 109 TFUE et 215, paragraphe 1, TFUE ainsi que les actes de portée générale adoptés par les divers autres «organes et organismes» visés au premier alinéa de l’article 263 TFUE.

42      Quant à la genèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Parlement estime que les requérants ne formulent aucune critique spécifique à l’égard de l’ordonnance attaquée, de sorte qu’ils demandent à la Cour de réexaminer les arguments avancés en première instance, ce qui serait toutefois irrecevable dans le cadre d’un pourvoi. En tout état de cause, les arguments avancés dans le cadre du pourvoi seraient infondés. À cet égard, le Parlement et la Commission avancent qu’il est manifeste que la convention sur l’avenir de l’Europe avait choisi les termes d’«actes réglementaires» dans l’intention d’exclure les actes législatifs et que les auteurs du traité de Lisbonne ont souhaité conserver la même distinction entre les actes législatifs et les actes réglementaires pour les recours juridictionnels.

43      Quant à l’approche téléologique du Tribunal, la Commission relève que le but de l’introduction de la troisième branche du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE, qui est d’élargir le champ d’application des règles en matière de qualité pour agir, ne signifierait pas pour autant que la notion d’«actes réglementaires» doive s’étendre aux actes législatifs.

44      Selon le Parlement, l’interprétation du Tribunal de la notion d’«actes réglementaires» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne va pas à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette disposition, consistant à permettre des recours directs contre des actes non législatifs de portée générale à des conditions moins strictes que les recours formés sur la base de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En autorisant les personnes physiques ou morales à former des recours directs contre des actes réglementaires qui les concernent directement et ne comportent pas de mesures d’exécution, l’article 263 TFUE remédie, selon le Parlement et le Conseil, pleinement à la situation mise en évidence dans les arrêts précités Unión de Pequeños Agricultores/Conseil et Commission/Jégo-Quéré. Il peut être relevé que, dans l’arrêt Commission/Jégo-Quéré, précité, l’acte litigieux était un règlement d’exécution de la Commission qui devait, selon l’analyse faite par le Tribunal, manifestement être qualifié d’«acte réglementaire» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Le Conseil indique, en outre, que, conformément à la jurisprudence du Tribunal et de la Cour, il incombe aux États membres de contribuer au caractère complet du système de voies de recours mis en place par les traités.

–       Appréciation de la Cour

45      Par la première branche de leur premier moyen, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que la notion d’«actes réglementaires», figurant à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne comprend pas les actes législatifs au sens de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, tels que le règlement litigieux.

46      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction (voir, notamment, arrêts du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, points 15 et 16, ainsi que du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 24 et jurisprudence citée).

47      Cependant, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 51 ainsi que jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il convient de constater que, par la première branche de leur premier moyen, les requérants ne visent pas à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal. En effet, par cette première branche, les requérants indiquent de manière claire les passages de l’ordonnance attaquée qu’ils considèrent comme entachés d’erreurs de droit ainsi que les arguments juridiques invoqués au soutien de leur demande, dont notamment ceux relatifs aux différentes méthodes d’interprétation appliquées par le Tribunal. Ainsi, contrairement à ce qu’a fait valoir le Parlement, les arguments déjà avancés en première instance sont non pas simplement réitérés, mais en réalité dirigés contre une partie essentielle de la motivation de l’ordonnance attaquée, et permettent, en conséquence, à la Cour d’effectuer son contrôle.

49      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen est recevable.

50      Quant au bien-fondé de cette branche du premier moyen, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lors de l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, Rec. p. 3415, point 20). La genèse d’une disposition du droit de l’Union peut également revêtir des éléments pertinents pour son interprétation (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, point 135).

51      Ainsi, il convient d’examiner, sur la base de ces méthodes d’interprétation, si le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 56 de l’ordonnance attaquée, que la notion d’«actes réglementaires» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE vise les actes de portée générale à l’exception des actes législatifs.

52      L’article 263, premier alinéa, TFUE désigne les actes de l’Union pouvant faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge de l’Union, à savoir, d’une part, les actes législatifs et, d’autre part, ainsi que l’a constaté à juste titre le Tribunal, au point 44 de l’ordonnance attaquée, les autres actes contraignants destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers, ceux-ci pouvant être des actes individuels ou des actes de portée générale. Ces actes peuvent, conformément à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, faire l’objet d’un recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

53      Ensuite, l’article 263 TFUE fait une distinction nette entre le droit de recours des institutions de l’Union et des États membres, d’une part, et celui des personnes physiques et morales, d’autre part. Ainsi, le deuxième alinéa de l’article 263 TFUE ouvre aux institutions de l’Union y énumérées ainsi qu’aux États membres le droit de contester, par un recours en annulation, la légalité de tout acte visé par le premier alinéa, sans que l’exercice de ce droit soit conditionné par la justification d’un intérêt à agir (voir arrêt du 5 septembre 2012, Parlement/Conseil, C‑355/10, point 37 et jurisprudence citée). En outre, conformément au troisième alinéa de cet article, les institutions et le comité y énumérés sont admis à saisir la Cour d’un recours en annulation dirigé contre ces actes, à la condition que ce recours tende à la sauvegarde de leurs prérogatives.

54      En revanche, en ce qui concerne le droit de recours des personnes physiques et morales, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE dispose que «[t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution».

55      D’une part, il doit être constaté que les deux premières branches de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE correspondent à celles qui étaient prévues avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne par le traité CE, à l’article 230, quatrième alinéa, de celui-ci (voir, à l’égard de cette dernière disposition, arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, points 34 à 37).

56      En faisant référence aux «actes» en général, lesdites branches visent tout acte de l’Union produisant des effets juridiques obligatoires (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9; du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 29; du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, Rec. p. I‑11911, point 45, et du 13 octobre 2011, Deutsche Post/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, Rec. p. I‑9639, points 36 à 38). Ladite notion comporte ainsi des actes de portée générale, de nature législative ou autre, et des actes individuels. La deuxième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE précise que, si la personne physique ou morale introduisant le recours en annulation n’est pas le destinataire de l’acte attaqué, la recevabilité du recours est soumise à la condition que la requérante soit directement et individuellement concernée par celui-ci.

57      D’autre part, par le traité de Lisbonne, a été ajoutée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une troisième branche qui a assoupli les conditions de recevabilité des recours en annulation introduits par des personnes physiques et morales. En effet, cette branche, sans soumettre la recevabilité des recours en annulation introduits par les personnes physiques et morales à la condition relative à l’affectation individuelle, ouvre cette voie de recours à l’égard des «actes réglementaires» ne comportant pas de mesures d’exécution et concernant un requérant directement.

58      Quant à la notion d’«actes réglementaires», il ressort de l’article 263, quatrième alinéa, troisième branche, TFUE que celle-ci a une portée plus limitée que celle d’«actes», employée à l’article 263, quatrième alinéa, première et deuxième branches, TFUE pour qualifier les autres types de mesures dont les personnes physiques et morales peuvent demander l’annulation. Cette première notion ne saurait, comme l’a jugé à juste titre le Tribunal au point 43 de l’ordonnance attaquée, viser l’ensemble des actes de portée générale, mais se rapporte à une catégorie plus restreinte d’actes de cette nature. Recourir à une interprétation contraire reviendrait à vider de son sens la distinction opérée par les deuxième et troisième branches de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE entre les termes «actes» et «actes réglementaires».

59      En outre, il importe de relever que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE a repris en termes identiques le contenu de l’article III‑365, paragraphe 4, du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe. Il ressort des travaux préparatoires de cette dernière disposition que, si la modification de l’article 230, quatrième alinéa, CE était destinée à élargir les conditions de recevabilité des recours en annulation à l’égard des personnes physiques et morales, les conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE et relatives aux actes législatifs ne devaient cependant pas être modifiées. Ainsi, l’emploi des termes «actes réglementaires» dans le projet de modification de cette disposition permettait de désigner la catégorie d’actes pouvant dorénavant faire l’objet d’un recours en annulation dans des conditions moins strictes qu’auparavant, tout en maintenant «une approche restrictive en ce qui concerne les recours des particuliers contre les actes législatifs (pour lesquels la condition ‘directement et individuellement concerné’ reste d’application)» (voir, notamment, Secrétariat de la Convention européenne, Rapport final du Cercle de discussion sur le fonctionnement de la Cour de justice, du 25 mars 2003, CONV 636/03, point 22, et note de transmission du Praesidium à la Convention, du 12 mai 2003, CONV 734/03, p. 20).

60      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la modification du droit de recours des personnes physiques et morales, prévu à l’article 230, quatrième alinéa, CE, avait pour but de permettre à ces personnes l’introduction, dans des conditions moins strictes, de recours en annulation contre des actes de portée générale à l’exclusion des actes législatifs.

61      C’est donc à juste titre que le Tribunal a conclu que la notion d’«actes réglementaires» prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne comprend pas les actes législatifs.

62      La première branche du premier moyen doit donc être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la seconde branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

63      Par la seconde branche du premier moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a examiné s’ils étaient directement et individuellement affectés par le règlement litigieux.

64      Quant à la condition relative à l’affectation directe par l’acte dont l’annulation est demandée, les requérants estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le règlement litigieux affecte de manière directe uniquement les quatre requérants qui sont actifs dans la mise sur le marché de l’Union européenne de produits dérivés du phoque. Au point 82 de l’ordonnance attaquée, afférent à la situation de Mme Aariak, le Tribunal aurait estimé que le règlement litigieux affecte de manière directe uniquement les requérants qui sont actifs dans la mise sur le marché de produits dérivés du phoque autres que les produits dérivés du phoque prétendument couverts par l’exception en faveur des Inuits. Toutefois, il serait sans pertinence que les produits que Mme Aariak met sur le marché relèvent ou non d’une exception, afin que celle-ci puisse être directement concernée par ce règlement. Le Tribunal aurait ainsi ajouté un élément supplémentaire à la condition de l’affectation directe.

65      Quant à la condition de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée, les requérants estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit en procédant à une interprétation restrictive de celle-ci. Or, les États membres auraient été incités à modifier l’article 230, quatrième alinéa, CE, afin d’élargir les conditions de recevabilité à l’égard des personnes physiques et morales, à la suite des arrêts précités Unión de Pequeños Agricultores/Conseil et Commission/Jégo-Quéré. Eu égard à cette évolution, la Cour devrait revoir l’interprétation restrictive de la condition de l’affectation individuelle, instaurée par l’arrêt Plaumann/Commission, précité. Si la Cour appliquait le critère de «l’effet dommageable substantiel» produit par le règlement litigieux sur les intérêts des requérants, tel que proposé par l’avocat général Jacobs, au point 60 de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, elle aboutirait à la conclusion que les requérants de la présente affaire sont individuellement concernés par ce règlement.

66      Le Parlement, le Conseil, ainsi que la Commission considèrent que le traité de Lisbonne n’a pas modifié la teneur des conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle par l’acte dont il est demandé l’annulation. Il n’y aurait aucune indication en ce sens dans le traité et les travaux préparatoires qui aurait rendu nécessaire une modification de la jurisprudence existante sur la question. Le Tribunal aurait interprété ces conditions de la même manière qu’avant l’entrée en vigueur de ce traité, sans commettre d’erreur de droit.

67      Le Conseil considère, en outre, que les allégations des requérants quant à ce qu’il convient d’entendre par le fait d’être individuellement affecté ont, en pratique, pour effet que toute personne directement concernée par l’acte dont elle demande l’annulation doit être considérée comme étant également individuellement concernée par celui-ci. Ainsi, la distinction établie entre les actes réglementaires et les actes législatifs perdrait quasiment toute pertinence.

–       Appréciation de la Cour

68      Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérants reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant qu’ils ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, deuxième branche, TFUE afin de former un recours en annulation, en ce qu’ils ne sont pas directement et individuellement concernés par le règlement litigieux.

69      Quant à la condition de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée, il convient de remarquer que, si les requérants ne soutiennent pas que le Tribunal a appliqué de manière erronée les critères d’appréciation résultant de la jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt Plaumann/Commission, précité, relative à cette condition de recevabilité, ils demandent explicitement à la Cour de revoir ces critères d’appréciation et de les remplacer par le critère de l’«effet dommageable substantiel».

70      À cet égard, il convient de constater que la deuxième branche de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE correspond, ainsi qu’il a été constaté au point 55 du présent arrêt, à celle de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Or, le libellé de cette disposition n’a pas été modifié. En outre, il n’existe aucun élément permettant de considérer que les auteurs du traité de Lisbonne avaient l’intention de modifier la portée des conditions de recevabilité déjà prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE. Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires relatifs à l’article III‑365, paragraphe 4, du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe que la portée de ces conditions ne devrait pas être modifiée (voir, notamment, Secrétariat de la Convention européenne, Rapport final du Cercle de discussion sur le fonctionnement de la Cour de justice, du 25 mars 2003, CONV 636/03, point 23).

71      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la teneur de la condition de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée, telle qu’interprétée par la Cour dans sa jurisprudence constante depuis l’arrêt Plaumann/Commission, précité, n’a pas été modifiée par le traité de Lisbonne. Force est donc de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en faisant application des critères d’appréciation prévus par cette jurisprudence.

72      Selon ladite jurisprudence, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (voir arrêts, Plaumann/Commission, précité; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 36, ainsi que du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere»/Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec. p. I‑4727, point 52).

73      En l’espèce, le Tribunal s’est certes limité, aux points 88 à 93 de l’ordonnance attaquée, à examiner si quatre des requérants étaient individuellement concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE par le règlement litigieux, les autres requérants n’étant, en tout état de cause, pas directement concernés par ledit règlement au sens de cette même disposition. Toutefois, il doit être constaté qu’aucun des requérants n’est individualisé par le règlement litigieux d’une manière analogue à celle d’un destinataire au sens de la jurisprudence constante depuis l’arrêt Plaumann/Commission, précité. En effet, l’interdiction de mise sur le marché de produits dérivés du phoque, qui est énoncée dans le règlement litigieux, est formulée en termes généraux et s’applique indistinctement à tout opérateur économique qui relève du champ d’application de celui-ci.

74      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que seuls les requérants qui sont actifs dans la transformation et/ou la commercialisation des produits dérivés du phoque provenant de chasseurs et de trappeurs inuits et non inuits sont directement concernés par le règlement litigieux, étant donné qu’une éventuelle erreur de droit à cet égard serait sans incidence pour la solution du litige et n’affecterait pas le dispositif de l’ordonnance attaquée.

75      En effet, il ressort du libellé même de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ainsi que d’une jurisprudence constante qu’une personne physique ou morale n’est recevable à poursuivre l’annulation d’un acte qui ne constitue ni un acte dont elle est le destinataire ni un acte réglementaire que si elle est concernée non seulement directement, mais également individuellement par un tel acte (voir, à l’égard de l’article 230 CE, arrêt du 30 mars 2004, Rothley e.a./Parlement, C‑167/02 P, Rec. p. I‑3149, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

76      Ainsi, les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée étant cumulatives, le fait que l’une d’entre elles fasse défaut dans le chef d’un requérant a pour conséquence que le recours en annulation qu’il a formé contre cet acte doit être considéré comme irrecevable.

77      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen comme non fondée et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

78      Par leur deuxième moyen, les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne répondant pas de manière spécifique et explicite aux arguments avancés aux points 53 à 57 de leurs observations relatives aux exceptions d’irrecevabilité, selon lesquels seule une interprétation large de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE serait conforme à l’article 47 de la Charte ainsi qu’aux articles 6 et 13 de la CEDH.

79      En outre, le constat effectué au point 51 de l’ordonnance attaquée, selon lequel les conditions relatives à l’introduction d’un recours contre un règlement «sont expressément prévues» à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, serait en contradiction avec la nécessité d’une interprétation littérale, historique et téléologique de cette disposition. Comme le Tribunal a effectué une interprétation aussi approfondie de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il ne pouvait pas rejeter les arguments des requérants en déclarant simplement que les conditions du droit de recours sont «expressément prévues».

80      Selon le Parlement, le Conseil et la Commission, le Tribunal a suffisamment répondu aux arguments des requérants. Le Tribunal n’aurait pas été tenu de faire des observations distinctes sur les articles 6 et 13 de la CEDH, étant donné que ces articles et l’article 47 de la Charte auraient un sens et une portée identiques. Le Parlement ajoute que le Tribunal n’était pas dans l’obligation de répondre en détail aux allégations des requérants, dans la mesure où il aurait déjà rejeté pour d’autres motifs, dans les points précédents de l’ordonnance attaquée, l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE avancée par les requérants. Le Conseil avance, en outre, que, même si le Tribunal n’a pas examiné de manière détaillée l’article 47 de la Charte, l’obligation de motivation a été respectée au moyen d’une référence à la jurisprudence de la Cour elle-même, d’où il ressortirait clairement que le juge de l’Union ne peut pas faire abstraction des conditions énoncées à l’article 263 TFUE.

 Appréciation de la Cour

81      Il est constant que le Tribunal a répondu, au point 51 de l’ordonnance attaquée, à l’argumentation des requérants relative au droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, figurant aux points 53 à 57 des observations qu’ils ont présentées sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et le Conseil. Le Tribunal a jugé, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour, que le juge de l’Union ne peut pas, sans excéder ses compétences, interpréter les conditions auxquelles un particulier peut former un recours contre un règlement d’une manière qui aboutisse à s’écarter de ces conditions, expressément prévues par le traité, et ce même à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective.

82      Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal n’était pas tenu d’effectuer un exposé qui suive, de manière exhaustive, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. Selon cette jurisprudence, la motivation du Tribunal peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, Rec. p. I‑6155, point 114 et jurisprudence citée).

83      Dans ces conditions, la circonstance que le Tribunal, au point 51 de l’ordonnance attaquée, ne mentionne pas explicitement les articles 6 et 13 de la CEDH, avancés par les requérants, et n’aborde pas explicitement tous les détails de leur argumentation ne saurait être considérée comme constituant une violation de l’obligation de motivation.

84      Il en va de même du fait que le Tribunal a conclu, à ce même point, ne pas pouvoir écarter des conditions relatives à l’introduction d’un recours contre un règlement qui «sont expressément prévues» à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, alors même qu’il a procédé à une interprétation littérale, historique et téléologique de cette disposition. En effet, le Tribunal a statué sur la portée de la notion d’«actes réglementaires» prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en procédant à une interprétation classique selon les méthodes d’interprétation reconnues par le droit de l’Union. Un tel procédé n’a pas d’incidence sur le fait que ladite notion représente une condition de recevabilité expressément prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à laquelle les recours en annulation des personnes physiques et morales doivent satisfaire et n’est pas de nature à rendre la motivation du Tribunal contradictoire.

85      Il ressort de ce qui précède que le deuxième moyen du pourvoi n’est pas fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

86      Par le troisième moyen, les requérants font valoir que l’interprétation retenue par le Tribunal de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE viole l’article 47 de la Charte ainsi que les articles 6 et 13 de la CEDH. Le Tribunal, dans son arrêt du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T‑177/01, Rec. p. II‑2365), aurait constaté que l’interprétation restrictive des conditions de recevabilité des recours directs par la juridiction de l’Union ne pouvait pas être considérée comme garantissant aux personnes physiques et morales le droit à un recours effectif leur permettant de contester la légalité des actes d’application générale qui affectent directement leur situation juridique.

87      L’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE dans l’ordonnance attaquée constituerait même une régression en comparaison de la situation qui existait avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Avant l’entrée en vigueur de ce traité, les juridictions de l’Union auraient appliqué un critère matériel afin de déterminer la qualité des personnes physiques et morales pour agir en annulation, tandis que, désormais, il serait fait application d’un critère purement formel.

88      Le Parlement, le Conseil ainsi que la Commission estiment que les requérants jouissent d’une protection juridictionnelle effective étant donné qu’ils disposent d’un droit de recours contre le règlement no 737/2010, qui serait l’acte d’exécution du règlement litigieux qu’ils auraient contesté dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 avril 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission (T‑526/10), leur permettant de faire valoir les mêmes arguments de fond que ceux qu’ils ont développés devant le Tribunal dans la présente affaire. En outre, se référant aux explications relatives à l’article 47 de la Charte, le Conseil et la Commission avancent que cet article n’aurait pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours directs.

 Appréciation de la Cour

89      Par le troisième moyen, les requérants font, en substance, valoir que l’interprétation retenue par le Tribunal de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE viole l’article 47 de la Charte en ce qu’elle permet aux personnes physiques et morales l’introduction d’un recours en annulation contre des actes législatifs de l’Union uniquement dans l’hypothèse où ces actes les concernent directement et individuellement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

90      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, par la Cour et les juridictions des États membres (voir, en ce sens, avis 1/09, du 8 mars 2011, Rec. p. I‑1137, point 66).

91      En outre, l’Union est une Union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment, avec les traités, les principes généraux du droit ainsi que les droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, E et F, C‑550/09, Rec. p. I‑6213, point 44).

92      À cette fin, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (voir arrêts du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23; Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 40; Reynolds Tobacco e.a./Commission, précité, point 80, ainsi que du 12 juillet 2012, Association Kokopelli, C‑59/11, point 34).

93      Ainsi, les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale sont protégées contre l’application à leur égard de tels actes. Lorsque la mise en œuvre desdits actes appartient aux institutions de l’Union, ces personnes peuvent introduire un recours direct devant la juridiction de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et invoquer, en vertu de l’article 277 TFUE, à l’appui de ce recours, l’illégalité de l’acte général en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, elles peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de l’Union en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, en vertu de l’article 267 TFUE, à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêt Les Verts/Parlement, précité, point 23).

94      À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts précités Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 42, ainsi que E et F, point 45).

95      Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (voir arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C‑143/88 et C‑92/89, Rec. p. I‑415, point 18, ainsi que du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, Rec. p. I‑10423, point 103).

96      À cet égard, il importe de rappeler que, lorsqu’une juridiction nationale estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité d’un acte de l’Union avancés par les parties ou, le cas échéant, soulevés d’office sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour d’une procédure de renvoi préjudiciel en appréciation de validité, cette dernière étant seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, points 27, 30 ainsi que jurisprudence citée).

97      Eu égard à la protection conférée par l’article 47 de la Charte, il convient de relever que cet article n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union européenne, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément aux articles 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (voir arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, point 42, ainsi que du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a., C‑426/11, point 32).

98      Ainsi, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (voir, en ce sens, arrêts précités Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 44, et Commission/Jégo-Quéré, point 36).

99      Quant au rôle des juridictions nationales, mentionné au point 90 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que les juridictions nationales remplissent, en collaboration avec la Cour, une fonction qui leur est attribuée en commun, en vue d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités (avis 1/09, précité, point 69).

100    Il incombe donc aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (arrêts précités Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 41, et Commission/Jégo-Quéré, point 31).

101    Cette obligation des États membres a été réaffirmée par l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE selon lequel ceux-ci «établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union».

102    À cet égard, il appartient, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner, dans le respect des exigences découlant des points 100 et 101 du présent arrêt ainsi que des principes d’effectivité et d’équivalence, les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 44 et jurisprudence citée; du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, Rec. p. I‑635, point 31, ainsi que du 18 mars 2010, Alassini e.a., C‑317/08 à C‑320/08, Rec. p. I‑2213, points 47 et 61).

103    Quant aux voies de recours que doivent prévoir les États membres, si le traité FUE a institué un certain nombre d’actions directes qui peuvent être exercées, le cas échéant, par des personnes physiques et morales devant le juge de l’Union, ni le traité FUE ni l’article 19 TUE n’ont entendu créer devant les juridictions nationales, en vue du maintien du droit de l’Union, des voies de droit autres que celles établies par le droit national (arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 40).

104    Il n’en irait autrement que s’il ressortait de l’économie de l’ordre juridique national en cause qu’il n’existe aucune voie de recours permettant, ne fût-ce que de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, ou encore si la seule voie d’accès à un juge était pour les justiciables de se voir contraints d’enfreindre le droit (voir, en ce sens, arrêt Unibet, précité, points 41 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

105    Quant à l’argument des requérants selon lequel l’interprétation retenue par le Tribunal de la notion d’«actes réglementaires», prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, entraînerait un déficit dans la protection juridictionnelle et serait incompatible avec l’article 47 de la Charte en ce qu’elle aurait pour conséquence que tout acte législatif serait pratiquement exempté de contrôle juridictionnel, il y a lieu de constater que la protection conférée par l’article 47 de la Charte n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union, contre des actes législatifs de l’Union.

106    Enfin, ni ce droit fondamental ni l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE n’exigent qu’un justiciable puisse former des recours contre de tels actes, à titre principal, devant les juridictions nationales.

107    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

108    Par leur quatrième moyen, les requérants invoquent une dénaturation des éléments de preuve. À cet égard, ils font valoir que le Tribunal a, à plusieurs reprises, dénaturé leurs arguments relatifs à la question de savoir dans quelle mesure les actes législatifs sont couverts par la notion d’«actes réglementaires» prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Notamment, le Tribunal aurait confondu leurs arguments avec ceux du Parlement et du Conseil. Ainsi, la conclusion à laquelle aurait abouti le Tribunal serait entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation, de sorte que la Cour devrait annuler l’ordonnance attaquée, du moins la partie consacrée à l’interprétation de cette notion d’«actes réglementaires», et devrait examiner elle-même les arguments des requérants à cet égard.

109    Le Parlement estime que ce moyen est manifestement irrecevable. En réalité, les requérants chercheraient à obtenir un réexamen des arguments invoqués en première instance. En tout état de cause, ce moyen serait infondé étant donné que le Tribunal n’aurait pas fait une fausse interprétation des arguments des requérants. De plus, les requérants n’auraient pas démontré que les prétendues erreurs ont eu des conséquences sur le constat du Tribunal selon lequel le règlement litigieux n’est pas un «acte réglementaire» au sens de l’article 263 TFUE.

110    Le Conseil et la Commission estiment que ce moyen doit être rejeté eu égard au fait que les requérants ne mentionnent pas d’éléments de faits ou de preuve qui auraient pu être dénaturés par le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

111    Par leur quatrième moyen, les requérants invoquent, en substance, une dénaturation de certains de leurs arguments avancés devant le Tribunal et cherchent, de ce fait, à remettre en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle la notion d’«actes réglementaires» au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne comprend pas les actes législatifs.

112    En l’occurrence, toutefois, force est de constater que, ainsi qu’il ressort du point 61 du présent arrêt, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que cette notion d’«actes réglementaires» ne comprend pas les actes législatifs. Ainsi, même si le Tribunal avait dénaturé certains des arguments des requérants, une telle dénaturation n’affecterait pas le dispositif de l’ordonnance attaquée et ne saurait donc pas conduire à l’annulation de cette ordonnance.

113    Dans ces conditions, le quatrième moyen doit être rejeté.

114    Il résulte de tout ce qui précède que, aucun des moyens invoqués par les requérants n’étant accueilli, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

115    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

116    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Lorsqu’une partie intervenante en première instance, qui n’a pas elle-même formé le pourvoi, participe à la procédure devant la Cour, celle-ci peut, en vertu du paragraphe 4 dudit article 184, décider qu’elle supporte ses propres dépens. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

117    Le Parlement et le Conseil ayant conclu à la condamnation des requérants et ces derniers ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de condamner les requérants à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement et le Conseil afférents au pourvoi.

118    La Commission, en tant que partie intervenante devant le Tribunal, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Inuit Tapiriit Kanatami, Nattivak Hunters and Trappers Association, Pangnirtung Hunters’ and Trappers’ Association, MM. Jaypootie Moesesie, Allen Kooneeliusie, Toomasie Newkingnak, David Kuptana, Mme Karliin Aariak, Canadian Seal Marketing Group, Ta Ma Su Seal Products Inc., Fur Institute of Canada, NuTan Furs Inc., GC Rieber Skinn AS, Inuit Circumpolar Conference Greenland (ICC-Greenland), M. Johannes Egede et Kalaallit Nunaanni Aalisartut Piniartullu Kattuffiat (KNAPK) sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.