Language of document : ECLI:EU:C:2012:173

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 27 mars 2012 (1)

Affaires jointes C‑553/10 P et C‑554/10 P

Commission européenne (C‑553/10 P)

Lagardère SCA (C‑554/10 P)

contre

Éditions Odile Jacob SAS

«Pourvoi – Concurrence – Concentrations – Édition francophone – Annulation de la décision relative à l’agrément de Wendel Investissement comme acquéreur des actifs cédés – Portée du manque d’indépendance du mandataire – Dénaturation des éléments de fait – Violation de l’obligation de motivation»





1.        Les présents pourvois ont été introduits par la Commission européenne (C‑553/10 P) et par Lagardère SCA (C-554/10 P) contre l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire Éditions Jacob/Commission (2). La Commission et Lagardère SCA demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il annule la décision D (2004) 203365 de la Commission, du 30 juillet 2004, agréant Wendel Investissement SA (ci-après «Wendel») comme acquéreur des actifs cédés (ci-après la «décision d’agrément»), conformément à la décision 2004/422/CE de la Commission, du 7 janvier 2004, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (3) (ci-après la «décision d’autorisation conditionnelle»).

2.        Il s’agit, semble-t-il, du premier cas d’annulation d’une décision de la Commission agréant un acquéreur d’actifs cédés conformément aux engagements pris dans une procédure de fusion. Le Tribunal a annulé la décision d’agrément en raison d’un possible manque d’indépendance du mandataire. Nous soulignerons, premièrement, que le recours aux engagements pour approuver des fusions est depuis longtemps au centre de la pratique décisionnelle de la Commission et, deuxièmement, que les mandataires ont un rôle crucial à jouer pour garantir la mise en œuvre des engagements (4).

I –    Les antécédents du litige

3.        Les faits, assez complexes, qui forment la toile de fond des pourvois sont détaillés aux points 1 à 47 de l’arrêt attaqué. Nous mettrons en exergue un petit nombre de faits pertinents, mais, pour les détails, nous renverrons au passage ci-dessus de l’arrêt attaqué, sur lequel il est inutile de s’étendre trop longuement ici.

4.        Par la décision d’autorisation conditionnelle, la Commission a approuvé la concentration, ce qui a permis à Lagardère SCA («Lagardère») de prendre le contrôle de certains actifs de Vivendi Universal Publishing SA («VUP») (5), qui est devenue Editis, à condition de respecter plusieurs engagements. La concentration notifiée fusionnait les activités des deux plus grandes entreprises de l’édition française, Hachette et VUP. Elles étaient aussi les deux seules entreprises capables, sur ce marché, d’assurer de façon autonome leur développement dans la mesure où, en dehors de l’édition, elles avaient une activité de commercialisation complète (circulation et distribution) et étaient titulaires de collections de livres de poche populaires. Sur cette base, la Commission a identifié des problèmes liés à la création ou au renforcement de positions dominantes sur 12 marchés. En conséquence, la partie notifiante, Lagardère, a proposé des mesures correctives: elle s’est engagée à vendre la totalité des actifs d’Editis (ci-après les «actifs cédés»), à l’exception de certains.

5.        L’annexe II de la décision d’autorisation conditionnelle précise les conditions de la vente d’une partie des actifs d’Editis. En particulier, le paragraphe 10 des engagements de Lagardère contient les conditions qui doivent être remplies par l’acquéreur ou des acquéreurs indépendants choisis par la partie notifiante. D’après le paragraphe 14, le choix de l’acquéreur ou des acquéreurs doit recevoir l’agrément de la Commission. Au cours de la vente, organisée par Lagardère, la requérante en première instance, la maison d’édition Éditions Odile Jacob SAS (ci-après «Odile Jacob») a déclaré son intérêt pour reprendre les actifs cédés par Editis. Cependant, Lagardère a finalement demandé à la Commission d’agréer Wendel en tant qu’acquéreur.

6.        Le 5 février 2004, la Commission a: i) agréé A. K. comme gestionnaire des éléments d’actifs séparés et approuvé le projet définissant sa lettre de mission, soumis le 30 janvier 2004; ii) agréé comme mandataire le cabinet d’audit S., représenté par son président, B., et approuvé le projet définissant son mandat présenté le 30 janvier 2004 (ci-après la «décision d’approbation du mandataire»). Le 9 février 2004, Lagardère a nommé le cabinet S. en qualité de mandataire. Le 5 juillet 2004, le cabinet S. a présenté à la Commission son rapport de synthèse concluant à la conformité de la candidature de Wendel aux critères d’agrément définis par le paragraphe 10 des engagements de Lagardère. Par décision du 30 juillet 2004, la Commission a agréé Wendel comme acquéreur des actifs rétrocédés, conformément au paragraphe 14 des engagements annexés à la décision d’autorisation conditionnelle.

II – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7.        Odile Jacob a demandé au Tribunal l’annulation de la décision d’agrément en se fondant sur quatre moyens, tirés de ce que la Commission aurait i) manqué à son obligation de contrôle de la sélection des candidats à la reprise des actifs rétrocédés; ii) agréé Wendel sur le fondement d’un rapport établi par un mandataire non indépendant d’Editis, de Lagardère et de Wendel; iii) violé l’obligation de motivation qui s’imposait à elle; iv) commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la conformité de la candidature de Wendel aux conditions d’agrément du repreneur des actifs rétrocédés, définies par le paragraphe 10, sous b), des engagements de Lagardère.

8.        En réponse au quatrième moyen, le Tribunal a souligné que le 20 décembre 2002, B., président du cabinet d’audit S., avait été nommé membre du directoire d’Investima 10 en qualité de tiers indépendant (6). Le Tribunal a en outre noté que, le 9 février 2004, Lagardère a désigné le même cabinet S. comme son mandataire, rémunéré par elle, pour veiller, en vertu du paragraphe 21, sous g), des engagements repris à l’annexe II de la décision d’autorisation conditionnelle, «à l’exécution satisfaisante [par Lagardère]» de l’engagement de cession des actifs cédés. Le cabinet S. est ainsi devenu mandataire, au sens du paragraphe 15 des engagements de Lagardère, et son président, B., a exercé les fonctions attachées à cette mission, alors qu’il était membre du directoire d’Investima 10, devenue par la suite Editis. De surcroît, B. a exercé les fonctions de membre du directoire d’Editis et de mandataire, de manière simultanée, du 9 février 2004, date de désignation du cabinet S., au 25 mars 2004, date de la transformation d’Editis en société par actions simplifiée (SAS).

9.        Dans ce contexte, le Tribunal a estimé (7) que l’on pouvait s’interroger quant à la neutralité de B. dans l’exercice de ses fonctions de mandataire. En conséquence, il a jugé que l’exécution par B. de ses fonctions de membre du directoire ne lui permettait plus de s’acquitter en toute indépendance de ses responsabilités en tant que mandataire indépendant. Le rapport favorable à la candidature de Wendel comme acquéreur des actifs cédés – rapport qui a été transmis à la Commission – avait donc été élaboré par un mandataire ne remplissant pas la condition d’indépendance par rapport à Editis. Au demeurant, il résultait à l’évidence du point 6 de la décision d’agrément que cette décision s’appuyait en particulier sur le rapport du mandataire qui, selon le Tribunal, a eu une influence déterminante sur cette décision. Le Tribunal a conclu que le manque d’indépendance du mandataire constituait une illégalité de nature à compromettre la validité de la décision d’agrément. Par conséquent, cette décision devait être annulée et il était inutile d’examiner les autres moyens présentés par Odile Jacob à l’appui de ses demandes en annulation.

III – Les pourvois

10.      Dans l’affaire C‑553/10 P, la Commission invoque trois moyens à l’appui de son pourvoi. Lagardère soutient ce pourvoi et fait siens les arguments qui y sont développés. Dans l’affaire C‑554/10 P, Lagardère fait valoir deux moyens. À son tour, la Commission soutient en substance le pourvoi de Lagardère, dont les arguments seraient très semblables aux siens propres. Exception faite du premier moyen du pourvoi dans l’affaire C‑554/10 P, concernant l’exception d’illégalité, que nous traiterons dans la partie A des présentes conclusions, nous estimons que les deux pourvois et leurs moyens sont si semblables et complémentaires qu’ils doivent être pris conjointement (dans la partie B).

A –    Affaire C‑554/10 P (premier moyen, concernant l’exception d’illégalité)

11.      Dans le premier moyen de son pourvoi dans l’affaire C‑554/10 P, Lagardère affirme que le Tribunal aurait commis une erreur en droit en excipant de l’illégalité de la décision d’approbation du mandataire pour fonder l’annulation de la décision d’agrément. Lagardère soutient qu’il y a une distinction entre le grief relatif à l’indépendance du mandataire et celui lié à la validité de la décision d’agrément. Si Odile Jacob n’a pas attaqué la décision d’approbation du mandataire en temps utile, elle ne pouvait plus le faire une fois qu’elle était devenue définitive.

12.      Selon Lagardère, le Tribunal a commis une erreur de droit en fondant l’annulation de la décision d’agrément sur le fait que la nomination du mandataire était illégale parce que son représentant était supposément dépendant d’Editis et que cette illégalité était de nature à affecter la légalité de la décision d’agrément. Selon Lagardère, il résulte d’une jurisprudence constante (8) qu’un requérant ne peut pas, dans le cadre d’un recours en annulation d’une décision, invoquer par voie d’exception l’illégalité d’un acte antérieur de même nature, dont il aurait pu directement demander l’annulation. Admettre cette possibilité permettrait de mettre en cause indirectement des décisions antérieures non attaquées dans le délai de recours prévu à l’article 263 TFUE et d’éluder ainsi ce délai. Le raisonnement du Tribunal revient à contester la désignation du mandataire, qui est une décision discrétionnaire, par le truchement d’une exception d’illégalité de la décision d’agrément. En effet, le Tribunal n’a pas contesté directement les motifs ayant conduit à l’adoption de la décision d’agrément, mais ceux ayant conduit à la nomination du mandataire en amont de la décision d’agrément.

13.      La décision d’approbation du mandataire a été communiquée aux parties le 15 février 2005, date à partir de laquelle elle a fait grief à Odile Jacob et a constitué un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Elle aurait donc dû être attaquée dans les délais impartis, par un recours distinct de celui dirigé contre la décision d’agrément. Par conséquent, le Tribunal ne pouvait valablement invoquer l’illégalité de la désignation du mandataire pour annuler la décision finale d’agrément.

14.      Wendel souscrit pleinement à l’argumentation de Lagardère, à l’inverse de la Commission.

15.      Lors de l’audience, à la suite d’une question de la Cour, la Commission a admis que, dans son mémoire en intervention, elle a choisi de ne pas soutenir formellement le présent moyen de pourvoi, invoqué par Lagardère. Selon la Commission, l’une des conditions d’application de la jurisprudence invoquée par Lagardère est que la requérante en première instance, à savoir Odile Jacob, ait pu avoir un intérêt juridique à agir contre la décision d’approbation du mandataire et ait donc été en mesure d’intenter un recours recevable contre cette décision. La Commission a admis que, n’étant pas certaine qu’Odile Jacob ait un tel intérêt, elle avait décidé de laisser la question à la discrétion de la Cour.

16.      Selon nous, il suffit d’observer que la décision d’approbation du mandataire ne doit pas être prise comme une décision isolée, mais comme un élément dans une série d’actes qui ont conduit à l’adoption de la décision par laquelle Wendel a été agréée comme acquéreur des actifs cédés. En effet, il résulte de la jurisprudence (9) que, dans le cadre de procédures complexes, composées de plusieurs actes indépendants, on ne peut exiger des personnes intéressées d’introduire autant de recours qu’il y a d’actes leur faisant grief. En outre, un recours expressément dirigé contre une mesure faisant partie d’un tout doit être considéré comme dirigé aussi, autant que de besoin, contre les autres mesures. À cet égard, un recours intenté formellement contre un acte qui fait partie d’un ensemble d’actes formant un tout doit être considéré comme visant aussi, dans la mesure nécessaire, les autres actes.

17.      En tout état de cause, la décision d’approbation du mandataire n’a été communiquée à Odile Jacob, à sa demande, que le 17 février 2005, alors qu’elle avait intenté le 8 novembre 2004 le recours en annulation de la décision agréant Wendel comme acquéreur. Par là, Odile Jacob avait déjà contesté les conditions pour l’acceptation du mandataire et ses conséquences pour la validité de la décision agréant Wendel comme acquéreur. Par conséquent, il aurait été superflu et inutile d’intenter une action supplémentaire, étant donné que, selon la jurisprudence (10), Odile Jacob pouvait en tout état de cause faire valoir l’irrégularité de l’acte antérieur (la décision d’approbation du mandataire) au moyen d’une action dirigée contre un acte ultérieur (la décision d’agrément) par lequel elle est directement et négativement affectée.

18.      En conséquence, le premier moyen du pourvoi de Lagardère dans l’affaire C‑554/10 P doit être rejeté.

B –    Affaire C‑553/10 P et affaire C‑554/10 P (second moyen du pourvoi, concernant la justification de l’annulation de la décision d’agrément)

1.      Affaire C‑553/10 P (premier moyen du pourvoi, concernant l’absence d’examen des conséquences de l’éventuel manque d’indépendance du mandataire vis-à-vis d’Editis sur les obligations dudit mandataire envers Wendel) et affaire C‑554/10 P (second moyen du pourvoi, première et quatrième branches)

19.      La Commission, par son premier moyen de pourvoi, et Lagardère, par son second moyen (première et quatrième branches), font valoir en substance que le Tribunal aurait commis une erreur en droit en omettant d’examiner les conséquences de l’éventuel manque d’indépendance du mandataire vis-à-vis d’Editis sur les obligations dudit mandataire envers Wendel.

20.      Considérons d’abord les passages pertinents de l’arrêt attaqué. Le Tribunal a déclaré que, «[é]tant membre du directoire d’Investima 10, entre-temps devenue Editis, à la date de désignation en qualité de mandataire du cabinet S., dont il était président, et ayant ensuite exercé les fonctions de membre du directoire concomitamment à la mission de mandataire, dont il avait été chargé par le cabinet S., B. se trouvait dans un lien de dépendance à l’égard d’Editis, de nature à susciter un doute sur la neutralité dont il devait faire preuve dans l’exercice de cette mission» (point 94 de l’arrêt attaqué).

21.      Le Tribunal a conclu que «l’exercice par B., du 20 décembre 2002 jusqu’au 25 mars 2004, des fonctions de membre de l’organe de direction d’Investima 10, devenue Editis, dans l’intérêt desquels il s’était engagé à agir, dans le cadre de son mandat social, conformément aux ‘principes de gestion en bon père de famille’, ne lui permettait plus d’assurer l’exercice en toute indépendance des attributions de mandataire indépendant visé par le paragraphe 15 des engagements de Lagardère» (points 104 à 106 de l’arrêt attaqué).

22.      Par conséquent, le Tribunal a jugé que «le rapport d’évaluation de la candidature de Wendel au rachat des actifs rétrocédés, au vu duquel la décision du 30 juillet 2004 a été adoptée, a été élaboré par un mandataire qui ne répondait pas à la condition d’indépendance, à l’égard d’Editis, requise par le paragraphe 15 des engagements de Lagardère, définis à l’annexe II de la décision du 7 janvier 2004» (point 107 de l’arrêt attaqué).

23.      Le Tribunal a ajouté que, «quant à l’incidence du rapport sur le contenu de la décision [d’agrément], il convient de rappeler que, comme il résulte du point 5 de cette décision, il a été demandé au cabinet S., en sa qualité de mandataire, de présenter à la Commission un rapport appréciant la candidature de Wendel comme acquéreur des actifs rétrocédés au regard des critères d’agrément fixés par le paragraphe 10 des engagements de Lagardère annexés à la décision du 7 janvier 2004» (point 108 de l’arrêt attaqué).

24.      Tout d’abord, nous considérons qu’il n’appartient pas à la Cour de justice de débattre, au stade du pourvoi, de l’analyse du Tribunal sur le manque d’indépendance du mandataire dans le cas présent.

25.      Ensuite, Odile Jacob fait valoir que l’on ne saurait reprocher au Tribunal de s’être référé à la législation française, en particulier à son code de commerce, pour vérifier si l’exercice par le mandataire de la fonction de membre du directoire d’Editis était compatible avec le critère d’indépendance au regard de cette société, puisque ce n’est qu’une application de la lex societatis et du principe déterminant la loi applicable à une société, conformément au droit international privé, dont notamment le règlement «Rome I» (11). Quoi qu’il en soit, nous considérons que le présent pourvoi soulève la question de savoir si le mandataire – et, en particulier, la condition de son indépendance – est un concept national ou européen. Nous pensons que le concept est clairement européen, dans la mesure où la condition de l’indépendance du mandataire – au sens du paragraphe 15 des engagements figurant à l’annexe II de la décision d’autorisation conditionnelle – devrait être interprétée et évaluée de la même façon dans toute l’Union européenne.

26.      Nous pensons donc, avec Wendel et la Commission, que, pour se prononcer sur la condition d’indépendance, le Tribunal aurait dû se fonder plutôt sur les critères établis dans la communication de la Commission de 2001 sur les mesures correctives (12) et dans les lignes directrices de la Commission de 2003 relatives aux modèles d’engagements de cession et de mandat (13). En effet, l’indépendance du mandataire vis-à-vis de l’entreprise cible, à savoir Editis, n’est exigée ni par les lignes directrices (voir paragraphe 40) ni par les textes modèles, à savoir le modèle pour les engagements de cession et le modèle pour les mandats (voir les paragraphes 17 et 20 respectivement). Enfin, le modèle de mandat publié par la Commission admet expressément que le mandataire puisse être un membre du directoire de l’entreprise cible, s’il le faut pour accomplir sa mission. Les lignes directrices disent clairement que le mandataire de contrôle et celui chargé de la cession peuvent être une même personne (paragraphe 35), ce qui peut souvent être une bonne solution, notamment en raison des connaissances du mandataire de contrôle.

27.      Ensuite, il faut rappeler que la Commission avait initialement fait valoir que l’argument du manque d’indépendance n’était pas fondé, faute pour Odile Jacob d’avoir prouvé que cette irrégularité potentielle avait conduit le mandataire à produire un rapport qui n’était pas objectif et donc de nature à induire en erreur la Commission dans sa décision d’agrément.

28.      Au point 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a noté l’argument ci‑dessus, mais sans y répondre ni examiner la question.

29.      Le Tribunal s’est borné à conclure, au point 107 de son arrêt, que le mandataire «ne répondait pas à la condition d’indépendance, à l’égard d’Editis». Il a ainsi omis d’analyser comment ce manque d’indépendance pouvait affecter l’évaluation par le mandataire des qualités de Wendel comme acquéreur des actifs d’Editis – ce qui était l’objet de la décision d’agrément – et, par conséquent, entraîner la rédaction d’un rapport biaisé et susceptible d’induire la Commission en erreur.

30.      En conséquence, nous sommes d’accord avec la Commission pour dire que – en plus de son manquement à l’obligation de motivation – le Tribunal a violé la jurisprudence selon laquelle le manque d’indépendance d’une personne responsable de l’évaluation d’un candidat (14) est sans pertinence juridique, à moins d’établir que cette personne a tenu compte dans son évaluation d’un intérêt autre que celui de l’exercice de ses fonctions (15).

31.      Par conséquent, le Tribunal a négligé d’examiner si le fait que le mandataire n’était pas suffisamment indépendant d’Editis pouvait affecter l’objectivité de son rapport et l’évaluation de Wendel en tant qu’acquéreur. Il s’ensuit que le Tribunal a retenu un moyen qui ne pouvait entraîner l’annulation de la décision en question.

32.      En effet, même s’il était établi que le mandataire n’était pas suffisamment indépendant, le fait demeure que Tribunal avait encore à évaluer in concreto en quoi ce manque d’indépendance pouvait affecter la capacité du mandataire à évaluer la candidature de Wendel à la lumière des critères d’agrément mentionnés au paragraphe 10 des engagements de Lagardère.

33.      Odile Jacob invoque des arguments fondés essentiellement sur la définition des notions de contrôleurs et de comptables (16) et sur la recommandation de la Commission du 16 mai 2002, intitulée «Indépendance du contrôleur légal des comptes dans l’UE: principes fondamentaux» (17).

34.      Toutefois, cette argumentation n’est pas utile à sa cause. Il suffit d’observer qu’elle n’est pas de nature à justifier l’approche erronée suivie dans l’arrêt attaqué. En effet, elle ne change pas le fait que le Tribunal aurait dû analyser in concreto les conséquences de l’absence d’indépendance pour la mission du mandataire.

35.      En revanche, la jurisprudence sur les obligations statutaires des fonctionnaires de l’Union nous semble beaucoup plus pertinente et instructive: l’existence de relations professionnelles entre un fonctionnaire et un tiers n’est pas en soi de nature à compromettre l’indépendance du fonctionnaire, même quand ce dernier est appelé à se prononcer sur une affaire dans laquelle le tiers intervient, en particulier sur son évaluation. La seule existence d’un risque purement abstrait de conflit d’intérêts ne suffit pas à établir une violation des obligations statutaires, dès lors qu’il n’y a «aucun élément de fait concret permettant de conclure que l’évaluateur aurait méconnu, par des actes spécifiques, l’obligation d’impartialité et d’intégrité lui incombant» (18).

36.      Comme souligné par Lagardère, cet examen – visant à établir in concreto si le manque d’indépendance était susceptible d’affecter la capacité du mandataire à évaluer la candidature de Wendel – était également nécessaire à la lumière de la jurisprudence selon laquelle une décision ne peut être annulée que s’il est démontré que, en l’absence des irrégularités présumées, elle aurait pu être différente. En d’autres termes, même s’il avait été établi que le mandataire a été désigné d’une manière inappropriée, il incombait au Tribunal de montrer que, en l’absence de cette irrégularité, la décision d’agrément aurait eu un contenu différent (19). Par exemple, dans l’arrêt HFB e.a./Commission (20), le Tribunal a jugé que, à supposer que les fonctionnaires de la Commission soient responsables, en violation des dispositions régissant l’obligation de secret professionnel, des fuites d’informations confidentielles utilisées dans le cadre de la procédure administrative lancée pour violation des règles de concurrence de l’UE, cette circonstance serait, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision, dès lors qu’il n’a pas été établi que la décision n’aurait pas été, en fait, adoptée ou qu’elle aurait eu un contenu différent si les manifestations litigieuses n’avaient pas eu lieu. Il est clair que cette règle permet de préserver le principe de proportionnalité. Comme souligné par Wendel et la Commission, l’évaluation ci-dessus (en italique) est nécessaire dans la mesure où elle permet d’établir un juste équilibre entre la protection du respect des règles juridiques et des règles de procédure, d’une part, et la protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime, de l’autre.

37.      Par exemple, ayant constaté dans l’affaire Allemagne/Commission (21), relative à des aides d’État, que les droits de la défense de la République fédérale d’Allemagne (destinataire d’une décision de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide avec le marché commun) avaient été violés, la Cour a conclu que le moyen tiré des droits de la défense ne pouvait conduire à l’annulation de la décision litigieuse, faute pour le gouvernement allemand d’avoir établi en cours d’instance un élément quelconque de fait ou de droit qui, eût-il été communiqué au gouvernement allemand, aurait conduit la Commission à prendre une décision différente. Après avoir constaté une violation des droits de la défense, le Tribunal a, dans l’affaire Schneider Electric/Commission (22), analysé en profondeur l’impact de cette infraction sur la décision avant de conclure qu’elle devait être annulée. Comme la Commission l’a souligné, ce n’est qu’après le Tribunal eut conclu que la décision en question aurait pu être différente – en particulier, parce que la partie requérante aurait pu présenter des propositions de désengagement qui auraient pu conduire à une décision d’agrément – qu’il a jugé que la violation des droits de la défense devait entraîner l’annulation de la décision. Enfin, il y a une jurisprudence (23) selon laquelle, dans un recours en annulation, un moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation est inopérant et donc insuffisant pour justifier l’annulation de la décision litigieuse si, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, cette erreur n’avait pu avoir une influence déterminante quant au résultat.

38.      En matière de fusions, il résulte de l’arrêt Honeywell/Commission (24), que, «dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou une autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse parce qu’elle n’aurait pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution […] que, dans la mesure où un pilier du raisonnement suffisant à fonder le dispositif d’un acte n’est pas remis en cause par une requérante dans son recours en annulation, il y a lieu de considérer ce pilier, ainsi que, partant, l’acte qui repose sur celui-ci comme licite et établi à son égard […] Cette règle s’applique notamment dans le contexte des décisions en matière de contrôle des concentrations». Enfin, la Cour a noté, dans l’arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (25), que «les erreurs de droit commises à cet égard dans la décision et dans l’arrêt attaqués ne sauraient avoir de conséquence sur la régularité de ceux-ci. En effet, même en l’absence de telles erreurs de droit, le dispositif de la décision attaquée, en ce qui concerne la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, aurait été identique et le Tribunal aurait dû, en tout état de cause, confirmer ladite décision sur ce point. Le moyen tiré d’une erreur de droit dans le choix du code des aides applicable est donc inopérant».

39.      Il faut comparer ces éléments à l’arrêt attaqué. Comme Wendel l’a relevé, le Tribunal a tout simplement renoncé à l’évaluation requise. Il n’a pas démontré que le lien entre Editis et le représentant du mandataire ait pu avoir une influence sur le contenu du rapport d’évaluation de la candidature de Wendel. La mission du mandataire était de vérifier que Wendel était un opérateur viable, capable de maintenir ou de développer une concurrence effective et poussé par ses intérêts économiques à le faire. Par conséquent, à première vue, le manque d’indépendance du mandataire ne peut pas avoir eu d’impact sur sa mission relative à l’évaluation du candidat au rachat des actifs cédés. Au demeurant, l’analyse par le Tribunal de l’absence d’indépendance du mandataire n’a manifestement pas porté sur la question de savoir si Wendel avait les qualités requises d’un acquéreur approprié.

40.      La Commission a souligné, de façon similaire, que le mandataire avait pour mission d’évaluer objectivement la capacité du repreneur d’Editis, Wendel, choisi par Lagardère, à faire prospérer les actifs d’Editis et à concurrencer efficacement Lagardère. Ce faisant, il devait évidemment veiller à ce que le repreneur d’Editis soit apte à sauvegarder les intérêts d’Editis. En conséquence, si tant est que le lien envers Editis ait amené le mandataire à prendre, dans l’exercice de sa mission, exagérément en compte les intérêts d’Editis, chose que le Tribunal ne constate pas, le fait demeure que sa mission consistait précisément à prendre en compte ces intérêts afin d’évaluer si le repreneur les préserverait bien à l’avenir. En conséquence, l’exercice de sa mission ne s’en trouvait aucunement affecté, dans le cas concret, puisque, dans le cadre de sa mission de rapporteur sur les qualités du repreneur, la prise en compte des intérêts d’Editis était une de ses missions. Il en serait allé bien entendu différemment si le manque d’indépendance constaté l’avait été, par exemple, vis-à-vis du repreneur, Wendel.

41.      Au point 106 de l’arrêt attaqué, le Tribunal semble avoir implicitement rejeté cet argument en laissant entendre que la partialité éventuelle vis-à-vis d’Editis aurait eu des conséquences inacceptables à l’égard de la neutralité du mandataire vis-à-vis de Lagardère.

42.      Nous considérons (à l’instar de la Commission) que, ce faisant, le Tribunal a analysé in abstracto si le mandataire remplissait la condition d’indépendance. On ne peut pas contester un rapport favorable à Wendel au motif que le mandataire était trop défavorable à Lagardère, puisque Lagardère a choisi Wendel comme acquéreur et que le rapport du mandataire favorisait cette entreprise. En outre, le Tribunal n’a pas examiné comment le rapport positif sur Wendel – selon lequel celle-ci remplissait les conditions la rendant apte à faire prospérer les actifs d’Editis – aurait pu être affecté. En d’autres termes, il n’a pas examiné si le manque d’indépendance du mandataire vis-à-vis d’Editis signifiait que l’analyse contenue dans le rapport au sujet de la capacité de Wendel à entrer en concurrence avec Lagardère était dépourvue d’objectivité ou indigne de foi.

43.      L’arrêt attaqué ne démontre donc pas que l’existence d’une telle possibilité de doute quant à l’indépendance du mandataire aurait pu avoir une quelconque influence concrète sur l’évaluation par le mandataire de la candidature de Wendel.

44.      En outre, comme Lagardère l’a souligné, il convient de garder à l’esprit que, selon la jurisprudence (26), une décision dont certains motifs sont illégaux ne peut être annulée que si elle n’est pas justifiée à suffisance de droit par d’autres motifs. Par conséquent, le seul fait que le rapport du mandataire a eu une influence déterminante sur la décision d’agrément n’était pas, en tout état de cause, suffisant pour annuler cette décision.

45.      Qui plus est, l’arrêt attaqué est insuffisamment motivé dans la mesure où il n’explique pas comment l’existence d’un doute possible sur l’indépendance du mandataire doive avoir la moindre influence sur l’évaluation de Wendel à la lumière des critères d’agrément prévus dans les engagements de Lagardère.

46.      Enfin, nous considérons également comme important le fait que, dans le contexte d’une fusion, la décision finale d’agréer l’acquéreur des actifs cédés incombe toujours à la Commission, qui ne se fonde pas uniquement sur le rapport du mandataire, mais recueille des informations de sa propre initiative. C’est ce qui s’est passé en l’espèce. Le mandataire, dont la mission était de fournir une évaluation de l’acquéreur et de dire si, à son avis, il remplissait les conditions prévues dans les engagements, ne se substitue pas à la Commission, qui a le dernier mot sur l’agrément. Cette décision n’est en aucune façon «déléguée» par la Commission au mandataire (27).

47.      La société Odile Jacob elle-même semble reconnaître, dans sa réponse, que le Tribunal n’a pas évalué si la décision d’agrément aurait été différente. Cependant, Odile Jacob soutient en substance que tous les arguments ci-dessus sont inopérants dans la mesure où l’illégalité constatée par Tribunal concerne la violation d’un «engagement contractuel essentiel et rendu obligatoire par décision de la Commission», viciant ainsi automatiquement l’ensemble du processus décisionnel relatif à l’opération de cession imposée par les engagements. À son avis, il n’est pas nécessaire de montrer en quoi l’absence d’objectivité du mandataire a eu des conséquences sur la rédaction du rapport en question, avec le résultat que la Commission a été induite en erreur dans sa décision d’agrément, puisque cette violation porte sur des formes de procédure essentielles, ce qui entraîne d’office la nullité de la décision. À l’appui de son argumentation, Odile Jacob se réfère par analogie à la jurisprudence du Tribunal sur les jurys de concours et à l’arrêt Decoster (28).

48.      Ces arguments, toutefois, ne saurait être retenus en l’espèce. En effet, pour qu’il y ait violation de formes substantielles, il faudrait une atteinte très grave à des principes fondamentaux du droit de l’UE (29). Toutefois, la source de l’exigence d’indépendance du mandataire est tout simplement un engagement pris par un particulier dans une décision de la Commission. Même pour ce qui est de l’existence d’un rapport réalisé par le mandataire, la seule source de l’obligation de procéder à un tel rapport est le contrat entre Lagardère et le mandataire. Par conséquent, la Commission a raison de dire que la présente question ne touche à aucun principe fondamental de droit fondé sur une norme de rang supérieur dans la hiérarchie des normes juridiques. En effet, l’exigence d’indépendance vis-à-vis d’Editis ne résulte pas d’une norme générale, impersonnelle et contraignante par nature, qui protégerait l’intérêt public.

49.      Ensuite, concernant l’invocation par Odile Jacob de la jurisprudence sur les jurys de concours, il suffit de dire que cette jurisprudence n’est pas applicable ici, puisque l’avis rendu par le mandataire est purement consultatif, alors que le jury de concours statue lui-même. Concernant l’arrêt Decoster (30), l’argument d’Odile Jacob n’est pas de nature à remettre en cause le résultat des présentes conclusions, notamment parce que le rôle du mandataire dans le processus décisionnel est fondamentalement différent de celui d’une entité chargée de la formalisation des spécifications, du contrôle de leur application ainsi que de l’agrément, qui doit être indépendant d’entreprises publiques ou privées offrant des biens et/ou des services dans le secteur des télécommunications. En effet, dans l’affaire Decoster, la condition d’indépendance découlait du traité et d’une directive de la Commission, alors que, comme indiqué au point 48 ci-dessus, elle découle ici d’un simple engagement pris par un particulier dans une décision de la Commission. Même en ce qui concerne l’existence d’un rapport rédigé par le mandataire, l’obligation de réaliser ce rapport ne trouve sa source que dans le contrat entre Lagardère et le mandataire.

50.      Un dernier élément, mais pas le moindre, est que le Tribunal a mal interprété la notion d’indépendance d’un mandataire, qui est une notion de droit de l’UE. Le Tribunal aurait dû évaluer l’éventuel manque d’indépendance du mandataire en raison de son lien avec Editis au cas par cas, sur la base d’éléments concrets fournis par les parties. Nous convenons avec Lagardère que, dans le cas présent, le mandat de B. ne semble pas avoir compromis la mission du mandataire chargé d’exercer ses fonctions avec objectivité et transparence. Au contraire, loin de constituer un conflit d’intérêts, le mandat exercé par B. en tant que membre du directoire – tiers indépendant – de l’entreprise propriétaire des actifs rétrocédés, d’une part, et la mission exercée par le mandataire, d’autre part, étaient complémentaires, puisque tous deux incitaient à veiller à l’indépendance d’Editis. Les désaccords survenus entre le mandataire et Lagardère, que le Tribunal a évoqués au point 99 de l’arrêt attaqué et où le mandataire a fermement défendu les intérêts des actifs, démontrent l’indépendance du mandataire dans son travail et le fait qu’il a rempli sa mission générale d’assurer l’exécution satisfaisante par Lagardère de ses engagements.

51.      Il nous paraît surprenant que la condition d’indépendance exigée par la Commission et jugée remplie en l’espèce (31) sur la base d’une interprétation in concreto puisse ensuite être considérée par le Tribunal comme non remplie in abstracto, sur la base des dispositions du code de commerce français. En effet, même si la communication de 2008 sur les mesures correctives n’est pas applicable ratione temporis, il demeure que la clarification qu’elle contient confirme la justesse de la pratique antérieure de la Commission – également appliquée dans le cas présent – tendant à ce que l’indépendance du mandataire soit évaluée au cas par cas à la lumière des informations concrètes fournies par les parties.

52.      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal a commis une erreur en droit en concluant de manière automatique et abstraite que l’absence d’indépendance du mandataire était «de nature à vicier» la légalité de la décision d’agrément (voir le point 118 du l’arrêt attaqué). En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé.

2.      Affaire C‑553/10 P (deuxième moyen du pourvoi) et affaire C‑554/10 P (second moyen du pourvoi, troisième branche), concernant une erreur de droit, une contradiction dans les motifs et une distorsion des faits dans la mesure où le Tribunal a conclu que le rapport du mandataire a eu une influence déterminante sur la décision d’agrément

53.      Dans son deuxième moyen de pourvoi, la Commission allègue que le Tribunal a erré en droit et a mal interprété les faits en concluant que le rapport du mandataire – qui, selon le point 107 de l’arrêt attaqué, ne remplissait pas la condition d’indépendance – a eu un impact déterminant sur la décision d’agrément. De même, dans son second moyen (troisième branche), Lagardère soutient que, en concluant que le rapport du mandataire avait eu une influence déterminante sur la décision d’agrément, le Tribunal a mal interprété les faits et a pris un arrêt entaché de défaut manifeste de motivation.

54.      Contrairement à ce qu’Odile Jacob semble soutenir, ces deux moyens ne cherchent pas à revenir sur des faits évalués par le Tribunal. En effet, la Commission fait valoir à juste titre que, en analysant l’influence déterminante, le Tribunal a erré en droit en méconnaissant qu’en fait la décision d’agrément est prise par la Commission, qui dispose de tout le dossier et pas seulement du rapport du mandataire, et qui conserve le pouvoir de statuer. De même, Lagardère dit à juste titre que le Tribunal a mal interprété les faits et mal motivé sa décision à cet égard. Par conséquent, les deux moyens sont manifestement recevables.

55.      Nous rappellerons d’emblée que, comme nous l’avons vu à propos du premier moyen de la Commission, cette dernière doit prendre le rapport du mandataire en compte, mais elle n’est pas liée par cet avis et elle reste tenue de faire les recherches nécessaires pour s’assurer que l’acheteur remplit bien les critères d’agrément. Les lignes directrices (citées à la note 13, voir leur point 28) confirment que le rapport du mandataire n’est qu’un «élément entrant dans l’évaluation [de la Commission]».

56.      Nous considérons que le Tribunal s’est contredit en affirmant d’abord, au point 109, que la décision d’agrément était fondée «notamment» et non «exclusivement» sur le rapport du mandataire, avant de conclure que ce même rapport avait eu une influence déterminante sur la décision finale de la Commission. Le Tribunal a ainsi méconnu la répartition des responsabilités entre la Commission et le mandataire en l’espèce. Contrairement à ce qu’Odile Jacob prétend, il appartient à la seule Commission de statuer sur l’agrément d’un candidat acquéreur. L’évaluation contenue dans le rapport du mandataire est évidemment prise en compte dans sa décision finale, mais la Commission n’est en aucune façon juridiquement liée par cet avis et peut lui substituer sa propre appréciation, sans encourir aucune conséquence juridique.

57.      En effet, nous ne saurions assez insister sur le fait que la Commission reste tenue d’entreprendre les recherches nécessaires, de recueillir des informations de sa propre initiative en s’appuyant sur ses propres services et sur des demandes de renseignements. En l’espèce par exemple, plusieurs demandes de ce genre ont été envoyées à Lagardère et à Wendel. Il est clair que la Commission ne s’est pas appuyée uniquement sur le rapport du mandataire. Il faut dire avec force qu’elle ne pouvait pas, en fait, valablement s’appuyer uniquement sur ce rapport. Cette règle a été appliquée, par exemple, dans l’arrêt Microsoft/Commission (32), à propos des mesures correctives relatives et du rôle du mandataire dans une affaire antitrust, où le Tribunal a reconnu à juste titre que «la Commission […] ne saurait déléguer à un tiers les pouvoirs d’enquête et d’exécution que lui confère le règlement no 17 [(33)]».

58.      Dans le cas présent, la Commission a montré au Tribunal qu’elle avait mené une enquête très approfondie et que son dossier comprenait plusieurs milliers de pages. À cet égard, nous rejetons également l’argument d’Odile Jacob qu’il incomberait à la Commission de produire les preuves appropriées pour montrer qu’elle ne s’est pas fondée uniquement sur le rapport du mandataire, et que la Commission aurait manqué à cette obligation devant le Tribunal. Nous nous bornerons à observer que le Tribunal lui-même a décidé de ne pas ordonner de mesure d’instruction pour se familiariser avec l’enquête de la Commission. Sans une telle mesure, le Tribunal ne pouvait pas valablement déterminer si oui ou non le rapport du mandataire avait eu une influence déterminante.

59.      À notre avis, contrairement à ce que suggère le point 110 de l’arrêt attaqué, l’existence de certaines similitudes entre le libellé du rapport du mandataire et celui de la décision finale de la Commission ne signifie pas que le rapport ait eu une «influence déterminante» sur la décision. Une série d’exemples ne peut servir de moyen de preuve, a fortiori d’une influence «déterminante». Comme la Commission l’a noté, le fait que le mandataire a «souligné» certains éléments de la même manière que la Commission (point 112 de l’arrêt attaqué) ou celui que deux documents «relèvent» certaines circonstances en des termes identiques (point 113) montrent simplement que le rapport du mandataire a tout simplement repris des faits objectifs et des éléments vérifiables, à l’exclusion des évaluations subjectives. En tout état de cause, les documents soumis à la Cour semblent indiquer que les questions visées aux points 112, 113, 114 et 116 de l’arrêt attaqué sont également abordées dans la réponse de Wendel à une demande de renseignements du 11 juin 2004 (34), à laquelle le mandataire et la Commission ont eu également accès. Enfin, en ce qui concerne le point 115 de l’arrêt attaqué, il suffit de dire que, plutôt que «substantiellement inspirée» par le rapport du mandataire (voir le point 111 de l’arrêt attaqué), la décision d’agrément semble se conformer au critère prévu au paragraphe 10, sous c), des engagements de Lagardère.

60.      En outre, nous considérons que le Tribunal a dénaturé les faits et entaché son arrêt d’un défaut manifeste de motivation. En effet, la Commission disposait d’autres sources d’informations que le rapport du mandataire, notamment de la demande d’agrément soumise par Lagardère, du projet de vente qui lui était joint, des réponses écrites de Lagardère et de Wendel aux diverses demandes de renseignements de la Commission, du rapport de Secafi Alpha rédigé à l’attention des représentants d’Editis du 2 juillet 2004, des informations fournies par Wendel au cours d’une réunion avec la Commission ainsi que d’un échange de vues réalisé à propos de la candidature de Wendel avec les organisations représentant le personnel d’Editis et certaines autres parties intéressées. Comme souligné ci-dessus, le Tribunal se borne à relever une certaine similitude entre la décision d’agrément et le rapport du mandataire, sans vraiment comparer les éléments de preuve figurant dans le dossier effectivement utilisé par la Commission pour fonder sa décision d’agrément et le contenu de cette décision. Dans la décision d’agrément, la Commission a essentiellement évalué la candidature de Wendel en fonction des critères énoncés dans la décision d’autorisation conditionnelle. Comme cette dernière a utilisé des termes semblables à ceux utilisés par la décision d’agrément et par le mandataire dans son rapport et qu’elle est antérieure au rapport du mandataire, l’évaluation purement formelle faite par le Tribunal sur la base de la similitude des termes utilisés mène à une conclusion erronée.

61.      Le Tribunal a donc accordé au rapport du mandataire une importance excessive, que ne justifiaient pas les faits en l’espèce, et il s’est globalement trompé sur le rôle du mandataire dans la procédure d’agrément. Il l’a fait bien que l’agrément de l’acheteur soit de la compétence exclusive de la Commission et que, en fait, les dispositions pertinentes de l’UE ne rendent même pas obligatoire la nomination d’un mandataire dans le cadre d’une procédure d’engagements (35). En effet, il y a des cas où la Commission prend une décision sans intervention ni rapport d’un mandataire.

62.      Comme toute autre décision d’une autorité administrative ou judiciaire, la décision d’agrément de la Commission contient une partie relative à la base factuelle et une autre relative à la base juridique. Dans le cas présent, il est nécessaire de tracer la ligne de démarcation séparant ces deux parties.

63.      Le rapport du mandataire n’est toujours qu’une partie de la base factuelle, ce que corroborent notamment le fait qu’un mandataire n’indique pas le raisonnement juridique qui sous-tend son avis et ses conclusions et le fait que la Commission est, en toute hypothèse, tenue de recueillir ses propres preuves pour prendre la décision finale, de façon analogue à ce qui s’est passé en l’espèce. Par conséquent, l’indépendance du mandataire ne peut être évaluée que par référence à sa contribution à la mise en place du fondement factuel de la décision de la Commission. Si ses conclusions factuelles sont correctes et objectivement vérifiables, tout est en ordre. S’il n’en est rien, par exemple parce qu’il a déformé ou mal interprété les constatations de fait, alors nous pouvons avoir affaire à un manque d’indépendance (comme pour un expert appelé à témoigner dans une affaire donnée). Le fait demeure que la partie de la décision relative à la base juridique est de la prérogative exclusive de la Commission et que le mandataire n’a aucun rôle à y jouer. La Commission peut donc soit se rallier aux constatations de fait du rapport du mandataire, soit les remplacer ou les compléter par les siennes propres. Toutefois, l’évaluation juridique finale est toujours du ressort de la Commission, à laquelle le droit de l’UE donne seule compétence à cet égard dans un cas donné (comme nous l’avons vu au point 46, la Commission ne délègue pas ces pouvoirs à des tiers et, comme le point 57 le montre, la jurisprudence confirme que la Commission ne pourrait le faire, même si elle le souhaitait). Sinon, il serait possible d’engager une procédure contre le mandataire aussi, ce qui est naturellement hors de question.

64.      Il résulte de ce qui précède que la motivation de l’arrêt attaqué est erronée en droit, contradictoire et a mal interprété les faits, dans la mesure où le Tribunal a constaté que le rapport du mandataire avait eu une influence déterminante sur la décision d’agrément. En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé.

3.      Affaire C‑553/10 P (troisième moyen) et affaire C‑554/10 P (second moyen, deuxième branche)

65.      Par son troisième moyen, qui comporte deux branches, la Commission allègue, en premier lieu, une interprétation erronée du droit en ce qui concerne la pertinence du grief soulevé par la requérante en première instance au sujet de la validité de la décision d’agrément et, en second lieu, une violation de l’obligation de motivation à cet égard. Lagardère soutient, dans son second moyen (deuxième branche), que le Tribunal n’a pas démontré dans ses motifs comment les liens entre le représentant du mandataire et Editis auraient pu affecter le contenu du rapport présenté par le mandataire à la Commission.

66.      Comme le montre notre analyse dans les présentes conclusions, nous considérons que le Tribunal a manifestement erré en droit en annulant la décision d’agrément au seul motif de l’absence d’indépendance du mandataire, sans vérifier si le résultat de la décision de la Commission – l’agrément de Wendel en tant qu’acheteur – aurait pu être différent sans cette absence d’indépendance.

67.      Odile Jacob rétorque en substance que le manque d’indépendance du mandataire n’est pas une simple irrégularité, qui ne serait pas susceptible d’affecter la légalité de la décision. Cet argument nous semble fallacieux et le Tribunal a violé une jurisprudence constante de la Cour (36), selon laquelle une irrégularité, hormis des cas tels qu’une violation des formes substantielles (37), n’entraîne l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi que, en son absence, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent.

68.      En particulier, dans l’arrêt ci-dessus, la Cour a jugé que, «[e]n vertu des articles 231, premier alinéa, CE [devenu article 264 TFUE] et 224, sixième alinéa, CE [devenu article 254 TFUE], si le recours est fondé, le Tribunal déclare nul et non avenu l’acte contesté. À cet égard, il convient, d’une part, de constater que le seul fait qu’il considère fondé un moyen invoqué par la partie requérante au soutien de son recours en annulation ne permet pas au Tribunal d’annuler automatiquement l’acte attaqué dans son intégralité. En effet, une annulation intégrale ne saurait être retenue lorsqu’il apparaît de toute évidence que ledit moyen, visant uniquement un aspect spécifique de l’acte contesté, n’est susceptible d’asseoir qu’une annulation partielle» (points 103 et 104).

69.      Nous nous bornerons à dire que le Tribunal a conclu d’une manière tout à fait automatique et laconique que l’irrégularité était de nature à vicier la légalité de la décision d’agrément. Il l’a fait sans avoir réellement évalué, d’une part, si la décision de la Commission était fondée sur des motifs autres que ceux résultant des conclusions du rapport du mandataire et, d’autre part, si elle ne découlait pas d’éléments – soumis à la Commission et inclus dans son dossier – prouvant que Wendel remplissait en toute hypothèse les conditions pour obtenir l’agrément.

70.      En effet, conformément au paragraphe 14 des engagements figurant à l’annexe II de la décision d’autorisation conditionnelle, la Commission devait agréer l’acheteur si celui-ci remplissait les conditions mentionnées au paragraphe 10 de ces engagements. Par conséquent, cette évaluation est un critère objectif et le but de la Commission n’est pas de choisir le meilleur acheteur, mais simplement de vérifier si celui proposé par la partie notifiante remplit les conditions. Nous jugeons révélateur à cet égard que, après le prononcé de l’arrêt attaqué, la Commission ait rouvert la procédure et, après avoir suivi à nouveau les étapes menant à une décision, avec une nouvelle audition des parties et un nouveau mandataire totalement indépendant d’Editis, elle ait encore une fois agréé Wendel – et non Odile Jacob. Ainsi, même sans l’irrégularité, la conclusion reste la même: Wendel remplit et remplissait les conditions d’agrément.

71.      Un exemple de l’approche correcte peut être trouvé dans une décision antérieure du Tribunal. Concernant le contrôle des concentrations et, en particulier, le conseiller auditeur, le Tribunal a souligné dans une affaire que la requérante n’avait pas été en mesure d’identifier une disposition spécifique de la décision en question que le conseiller auditeur aurait violée, ni une disposition sur la base de laquelle celui-ci aurait été susceptible d’adopter une position différente de celle qu’il a adoptée en fait s’il avait su qu’il devait appliquer cette décision (38). En outre, on peut soutenir qu’une violation des droits de la défense (par exemple, si la Commission ne produit pas certains documents) ne serait pas susceptible d’être pénalisée comme telle et qu’il faudrait commencer par un examen concret de ces documents. Ensuite, il faut souligner que, aux termes d’une jurisprudence claire, un requérant n’a aucun intérêt légitime à l’annulation d’une décision, lorsque cette annulation ne pourrait que donner lieu à l’adoption d’une nouvelle décision, identique quant au fond (39). Enfin, le Tribunal a également jugé qu’une erreur de droit commise par un jury pour évaluer une candidature ne suffisait pas à remettre en cause la légalité des décisions du jury et il a souligné qu’un «requérant ne saurait avoir un intérêt légitime à l’annulation d’une décision dont il est d’ores et déjà certain qu’elle ne pourrait qu’être confirmée à nouveau» (40).

72.      En l’espèce, le Tribunal n’a pas montré comment le manque présumé d’indépendance du mandataire aurait eu un impact sur l’appréciation juridique par la Commission des qualifications de Wendel pour acheter les actifs cédés.

73.      Nous sommes d’accord avec la Commission qu’il n’y a rien dans l’arrêt attaqué qui permette de conclure que la décision d’agrément aurait pu avoir un contenu différent en l’absence de l’irrégularité constatée dans le jugement. En effet, le Tribunal n’a trouvé aucune erreur ou imprécision dans l’évaluation de l’acheteur par le mandataire; il a admis au point 109 que cette appréciation n’avait été fondée, «notamment», que sur le rapport du mandataire et elle n’a pas trouvé de conséquence que le supposé manque d’indépendance aurait pu avoir sur ce rapport.

74.      À propos de la deuxième branche de ce moyen, concernant la violation de l’obligation de motivation, Odile Jacob soutient qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si le Tribunal aurait dû examiner la question de savoir si le contenu de la décision d’agrément aurait été différent si le mandataire n’avait pas manqué d’indépendance et que, par conséquent, le Tribunal a donné des raisons suffisantes dans son arrêt.

75.      Nous considérons que cet argument ne peut être accueilli. En effet, en dépit de la jurisprudence très claire et abondante citée dans un certain nombre de points ci-dessus – et en dépit des moyens soulevés à cet égard devant le Tribunal par la Commission (points 49 à 55 du mémoire en défense et point 35 de la duplique), Wendel (point 24 de son mémoire en intervention) et Lagardère (point 19 de son mémoire en intervention), ainsi que de la procédure orale – le Tribunal n’a pas pris la peine d’expliquer le fondement juridique et les raisons de sa constatation que l’existence d’un lien entre le représentant du mandataire et d’Editis était «de nature à vicier la légalité» de la décision d’agrément (point 118 de l’arrêt attaqué).

76.      Enfin, il convient de souligner que le Tribunal a également commis une autre erreur en omettant d’évaluer l’ensemble des moyens que la Commission a soulevés en première instance (41) en réponse à tous les moyens de la requérante. En particulier, cela concerne les griefs relatifs au fait qu’il découlait de tous les éléments de preuve à la disposition de la Commission – et non pas seulement dans le rapport du mandataire – que Wendel remplit les conditions fixées dans la décision d’autorisation conditionnelle.

77.      Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a également violé son obligation de motivation. En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé.

IV – Les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

78.      L’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose que, si elle annule la décision du Tribunal, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. À notre avis, nous sommes dans une situation où la Cour devrait statuer définitivement. Cela se justifie aussi par la longueur de la procédure juridictionnelle dans cette affaire. À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, il est approprié pour la Cour de rejeter tous les griefs soulevés par Odile Jacob contre la décision d’agrément devant le Tribunal et de rejeter le recours d’Odile Jacob en première instance.

V –    Les dépens

79.      Le premier alinéa de l’article 122 du règlement de procédure prévoit que, si le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément aux dispositions combinées des articles 69, paragraphe 2, et 118 du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il a été conclu en ce sens par la partie adverse. Comme la Commission et Lagardère ont conclu qu’Odile Jacob soit condamnée aux dépens tant des pourvois que des procédures de première instance et comme Odile Jacob a succombé à chaque fois, Odile Jacob doit être condamnée à payer les frais des deux procédures.

VI – Conclusion

80.      Par ces motifs, nous proposons qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 13 septembre 2010, dans l’affaire Éditions Jacob/Commission (T-452/04), dans la mesure où il a annulé la décision D (2004) 203365 de la Commission, du 30 juillet 2004, relative à l’agrément de Wendel Investissement comme acquéreur des actifs cédés conformément à la décision 2004/422/CE de la Commission, du 7 janvier 2004, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP);

–        rejeter le recours introduit par les Éditions Odile Jacob SAS devant le Tribunal de l’Union européenne;

–        condamner les Éditions Odile Jacob SAS à supporter leurs propres dépens et ceux de la Commission européenne et de Lagardère SCA pour les deux procédures;

–        condamner Wendel Investissement SA à supporter ses propres dépens.


1 –      Langue originale: l’anglais.


2 –      Arrêt du 13 septembre 2010 (T‑452/04, Rec. p. II‑4713, ci-après l’«arrêt attaqué»).


3 –      Affaire COMP/M.2978 – Lagardère/Natexis/VUP (JO L 125, p. 54).


4 –      Voir, par exemple, Hoehn, T., «Merger remedies control – The role of the monitoring trustee in remedy cases», Concurrences no 2 – 2007 (Doctrines/Concentrations françaises: Suivi des engagements), p. 37 et 38 (mais aussi p. 29 à 36), et De Valois Turk, M., The EC’s revised Remedies Notice – The Trustee’s Perspective, ECLR 2009, 30(7), p. 332 à 339. Voir en outre Idot, L., «Concentration et contrôle des engagements», Commentaires, Europe – Revue mensuelle LexisNexis Jurisclasseur – novembre 2010, p. 25 et 26.


5 –      C’est plus précisément Vivendi Universal SA («VU») qui a décidé de céder les actifs d’édition («actifs cibles») détenus en Europe par sa filiale VUP. Lagardère a manifesté son intérêt à l’acquisition des actifs en question. Cependant, il est apparu que la rapidité de transaction et de règlement souhaitée par VU ne pouvait être atteinte, compte tenu de la nécessaire autorisation préalable par les autorités de concurrence compétentes. Lagardère a donc demandé à Natexis Banques Populaires SA («NBP») d’agir à sa place et, par le biais d’une filiale créée à cet effet, d’acheter les actifs cibles à VUP, de les détenir provisoirement et de les vendre à Lagardère une fois que cette dernière aurait obtenu l’autorisation requise. Ensuite, Investima 10 SAS («Investima 10»), une filiale à 100 % d’Ecrinvest 4 SA («Ecrinvest 4»), qui est elle-même détenue à 100 % par Segex Sàrl («Segex»), une filiale à 100 % de NBP, s’est formellement engagée auprès de VUP à acquérir les actifs cibles. Le même jour, Segex et Ecrinvest 4 ont passé avec Lagardère un contrat de vente pour permettre à cette dernière d’acquérir, par le biais d’Ecrinvest 4, la totalité du capital social dans Investima 10.


6 –      Le contrat signé le 19 décembre 2002 par Ecrinvest 4 et la firme S. spécifie, au premier alinéa, que, dans le cadre de son mandat social, B. agira dans l’intérêt d’Investima 10 et des actifs cibles et, plus particulièrement, dans le souci de maintenir leur viabilité, leur valeur économique et leur compétitivité.


7 –      Voir points 21 à 24, où nous citons quelques-uns de ces passages de l’arrêt attaqué.


8 –      Arrêts du 19 octobre 1983, Usinor/Commission (265/82, Rec. p. 3105); du 16 février 1984, Boël et Fabrique de fer de Maubeuge/Commission (76/83, Rec. p. 859), et du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C‑135/93, Rec. p. I‑1651).


9 –      Voir, entre autres, arrêts du 31 mars 1965, Ley/Commission (12/64 et 29/64, Rec. p. 143, point 14), et du 2 mars 1967, Simet et Feram/Haute Autorité (25/65 et 26/65, Rec. p. 39, point 39).


10 –      Arrêts du 7 avril 1965, Alfieri/Parlement (35/64, Rec. p. 337), et du 14 juillet 1965, Alvino e.a./Commission (18/64 et 19/64, Rec. p. 971).


11 –      Règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6).


12 –      Communication concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil et au règlement (CE) no 447/98 de la Commission (JO 2001, C 68, p. 3, point 56, ci-après la «communication de 2001 sur les mesures correctives»). Règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version rectifiée publiée au JO 1990, L 257, p. 13), dans sa version modifiée par le règlement (CE) no 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1).


13 –      Publiées sur le site Web de la Commission, à l’adresse: http://ec.europa.eu/competition/mergers/legislation/note.pdf, point 17. Voir aussi le site général: http://ec.europa.eu/competition/mergers/legislation/divestiture.html.


14 –      Nous ne voyons aucune raison de distinguer ici entre une personne physique et une personne morale.


15 –      Voir, notamment, arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Willeme/Commission (T‑89/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑803, point 72), et du 3 février 2005, Mancini/Commission (T‑137/03, RecFP p. I‑A‑7 et II‑27, point 36).


16 –      Huitième directive 84/253/CEE du Conseil, du 10 avril 1984, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 point g) du traité CEE, concernant l’agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables (JO L 126, p. 20), abrogée par la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253 (JO L 157, p. 87). Selon Odile Jacob, la huitième directive a laissé le soin aux États membres de déterminer les critères de l’indépendance de ces personnes.


17 –      JOL 191, p. 22. Selon Odile Jacob, cette recommandation constate qu’il existe des différences dans la législation des différents États membres et que l’indépendance s’apprécie «dans les faits comme dans les apparences». En outre, elle montre que l’existence d’une quelconque relation financière, d’affaires, d’emploi ou autre entre le contrôleur et son client est de nature à compromettre l’indépendance du contrôleur et surtout que l’acceptation d’une situation de membre d’un organe de direction d’une entité devrait être interdite.


18 –      Arrêt du Tribunal du 12 juillet 2005, De Bry/Commission (T‑157/04, RecFP p. I‑A‑199 et II‑901, points 36 à 38).


19 –      Arrêts du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission (30/78, Rec. p. 2229, point 26); du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47); du 21 mars 1990, Belgique/Commission (C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 48), et du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission (C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 31); ordonnance du 24 septembre 2007, Torres/OHMI et Bodegas Muga (C‑405/06 P, point 29), et arrêts du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 70), et du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147, point 81).


20 –      Arrêt du Tribunal du 20 mars 2002 (T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 370 et jurisprudence citée).


21 –      Arrêt du 5 octobre 2000 (C‑288/96, Rec. p. I‑8237, points 101 et suiv.).


22 –      Arrêt du Tribunal du 22 octobre 2002 (T‑310/01, Rec. p. II‑4071, points 457 à 460).


23 –      Arrêts du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission (T‑126/99, Rec. p. II‑2427, points 48 et 49), et du 12 septembre 2007, UFEX e.a./Commission (T‑60/05, Rec. p. II‑3397, point 77).


24 –      Arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005 (T‑209/01, Rec. p. II‑5527, points 48 à 50). Voir aussi arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission (T‑210/01, Rec. p. II‑5575, points 42 à 45, 48 et 734).


25 –      Arrêt du 24 septembre 2002 (C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 122).


26 –      Voir, notamment, arrêts du 30 septembre 2003, Biret International/Conseil (C‑93/02 P, Rec. p. I‑10497, point 60), et du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI (C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 46 à 51).


27 –      Voir, par exemple, points 58 et 59 de la communication de 2001 sur les mesures correctives.


28 –      Arrêt du 27 octobre 1993 (C‑69/91, Rec. p. I‑5335, points 13, 16 et 22). Le simple fait que l’entité chargée de la formalisation des spécifications, du contrôle de leur application ainsi que de l’agrément ne remplissait pas, vis-à-vis des opérateurs susceptibles de bénéficier de ces spécifications, la condition d’indépendance exigée par le droit de l’UE (dans le cas précis, par une directive) a suffi pour dénier à cette entité la qualification d’arrêter de telles spécifications, sans qu’il fût besoin de démontrer un «intérêt» potentiel ou une «partialité» in concreto ou au cas par cas.


29 –      Voir conclusions de l’avocat général Fennelly dans l’affaire Commission/Solvay (arrêt du 6 avril 2000, C‑287/95 P et C‑288/95 P, Rec. p. I‑2391).


30 –      Précité à la note 28.


31 –      De fait, la nouvelle communication (2008) de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission (JO 2008, C 267, p. 1), précise désormais en son point 125 que «[l]a Commission, en particulier, n’acceptera pas comme mandataires des personnes ou des institutions qui sont en même temps les auditeurs des parties ou leurs conseillers en matière d’investissement pour la cession. Il n’y aura pas, toutefois, de conflit d’intérêts, dès lors que les relations du mandataire avec les parties ne l’empêcheront pas d’exécuter ses tâches avec objectivité et indépendance. Il incombe aux parties de fournir à la Commission toutes les informations lui permettant de vérifier si le mandataire remplit ces conditions».


32 –      Arrêt du 17 septembre 2007 (T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 1264).


33 –      Règlement du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (devenus articles 101 TFUE et 102 TFUE) (JO 1962, 13, p. 204).


34 –      Annexe B 3 du mémoire en défense de la Commission devant le Tribunal.


35 –      Aucune telle obligation ne figurait dans le règlement no 4064/89, dans le règlement (CE) no 447/98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement no 4064/89 (JO L 61, p. 1), ou dans la communication de 2001 sur les mesures correctives. Dans sa version modifiée par le règlement (CE) no 1033/2008 de la Commission, du 20 octobre 2008 (JO L 279, p. 3), le règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 133, p. 1), prévoit désormais que les engagements présentés par les entreprises «peuvent» inclure, aux frais de ces entreprises, la désignation d’un mandataire.


36 –      Arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret (C‑295/07 P, Rec. p. I‑9363).


37 –      Comme nous l’avons vu au point 48 ci-dessus, et contrairement à ce que soutient Odile Jacob, ce n’est certainement pas le cas ici.


38 –      Arrêt General Electric/Commission (précité à la note 24, point 722).


39 –      Arrêts du 6 juillet 1983, Geist/Commission (117/81, Rec. p. 2191, point 7); du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement (T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 54); du 20 septembre 2000, Orthmann/Commission (T‑261/97, RecFP p. I‑A‑181 et II‑829, points 33 et 35), et du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI) (T‑16/02, Rec. p. II‑5167, points 97 et 98).


40 –      Arrêt du 13 mars 2002, Martínez Alarcón/Commission (T‑357/00, T‑361/00, T‑363/00 et T‑364/00, RecFP p. I‑A‑37 et II‑161, points 91 à 93).


41 –      Arrêt du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C‑167/06 P, point 22).