Language of document : ECLI:EU:T:2018:271

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

16 mai 2018 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pension d’ancienneté – Mise à la retraite anticipée sans réduction des droits à pension – Mesure anciennement prévue à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut – Intérêt du service – Exécution d’un arrêt d’annulation prononcé par le Tribunal de la fonction publique – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑23/17,

Inge Barnett, ancienne fonctionnaire du Comité économique et social européen, demeurant à Roskilde (Danemark), représentée par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Comité économique et social européen (CESE), représenté par Mmes M. Pascua Mateo, K. Gambino, X. Chamodraka, MM. A. Carvajal et L. Camarena Januzec, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Troncoso Ferrer et F.-M. Hislaire, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision du CESE du 21 mars 2016, prise en exécution de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), refusant d’admettre la requérante au bénéfice de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension et, à titre subsidiaire, à obtenir réparation du préjudice qu’elle aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 30 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 9 de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2013 (ci-après le « statut »), disposait :

« 1. Le fonctionnaire cessant ses fonctions avant l’âge de 63 ans peut demander que la jouissance de sa pension d’ancienneté soit :

a)      différée jusqu’au premier jour du mois civil suivant celui au cours duquel il atteint l’âge de 63 ans ;

b)      immédiate, sous réserve qu’il ait atteint au moins l’âge de 55 ans. Dans ce cas, la pension d’ancienneté est réduite en fonction de l’âge de l’intéressé au moment de l’entrée en jouissance de sa pension.

Une réduction de 3,5 % sur la pension est opérée par année d’anticipation avant l’âge auquel le fonctionnaire aurait acquis le droit à une pension d’ancienneté, au sens de l’article 77 du statut. Si la différence entre l’âge auquel le droit à la pension d’ancienneté est acquis au sens de l’article 77 du statut et l’âge que l’intéressé a atteint dépasse un nombre exact d’années, une année supplémentaire est ajoutée dans le calcul de la réduction.

2. Dans l’intérêt du service, sur la base de critères objectifs et de procédures transparentes fixées par la voie de dispositions générales d’exécution, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider de ne pas appliquer la réduction susmentionnée aux fonctionnaires intéressés. Le nombre total de fonctionnaires et d’agents temporaires qui prennent ainsi leur retraite sans aucune réduction de leur pension chaque année n’est pas supérieur à 10 % du nombre total des fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente. Ce pourcentage peut varier annuellement entre 8 % et 12 % dans le respect d’un total de 20 % sur deux ans et de la neutralité budgétaire. Dans un délai de cinq ans après l’adoption de cette mesure, la Commission [européenne] soumet au Parlement européen et au Conseil [de l’Union européenne] un rapport d’évaluation concernant sa mise en œuvre. Le cas échéant, la Commission présente une proposition visant, au bout de cinq ans, à fixer le pourcentage annuel maximal entre 5 et 10 % de tous les fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente, sur la base de l’article [336 TFUE]. »

2        L’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut a été abrogé par le nouveau statut, entré en vigueur le 1er janvier 2014 (ci-après le « nouveau statut »).

 Antécédents du litige

3        La requérante, Mme Inge Barnett, est entrée au service du Comité économique et social européen (CESE) le 1er mars 1982 en qualité d’agent temporaire. Elle a été nommée fonctionnaire le 1er juin 1982.

4        En 2012 et 2013, la requérante a exercé les fonctions de chef du secteur « Droits individuels » de l’unité « Conditions de travail, droits et obligations » au sein de la direction des ressources humaines et des services intérieurs du CESE. De juin à décembre 2013, elle a exercé ses fonctions à mi-temps, en préparation de sa retraite.

5        À la suite d’un appel à manifestation d’intérêt auquel a participé la requérante, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du CESE a, par décision du 11 juillet 2013 (ci-après la « première décision de refus »), arrêté la liste des deux bénéficiaires de la mesure de retraite anticipée sans réduction des droits à pension prévue à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Le nom de la requérante n’y figurait pas.

6        La requérante, âgée de 57 ans en 2013, a été admise au bénéfice de la retraite anticipée avec réduction de ses droits à pension à compter du 1er janvier 2014, ainsi qu’elle en avait, par ailleurs, fait la demande.

7        La requérante a introduit une réclamation contre la première décision de refus, qui a été rejetée le 9 décembre 2013.

8        Le 10 mars 2014, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique contre la décision de rejet de sa réclamation et contre la première décision de refus. Par arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), le Tribunal de la fonction publique a annulé la première décision de refus, en ce qu’elle a refusé l’admission de la requérante au bénéfice de la mesure de retraite anticipée sans réduction des droits à pension. Cet arrêt n’a pas été frappé de pourvoi.

9        Le 21 mars 2016, le CESE a informé la requérante des mesures prises en exécution de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), et, en particulier, du rejet de sa demande d’être admise au bénéfice de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension (ci-après la « seconde décision de refus »).

10      Le 17 juin 2016, la requérante a introduit une réclamation contre la seconde décision de refus, qui a été rejetée par le CESE le 17 octobre 2016.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.

12      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, a invité le CESE à déposer certains documents. Le CESE a déféré à ces demandes dans les délais impartis. En application de l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Tribunal a par ailleurs invité les parties à concentrer leurs plaidoiries sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE et, en particulier, sur le grief avancé au soutien de ce moyen, par lequel la requérante reproche au CESE de ne pas avoir adopté de nouvelles dispositions générales d’exécution de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut (ci-après les « DGE ») avant de prendre une décision relative à sa demande de retraite anticipée sans réduction de ses droits à pension en exécution de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107).

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 30 novembre 2017.

14      À l’issue de l’audience, le Tribunal a chargé le juge rapporteur d’examiner les possibilités de régler le litige à l’amiable, conformément à l’article 125 bis du règlement de procédure. La tentative de règlement amiable s’est déroulée du 30 novembre 2017, date à laquelle le juge rapporteur a tenu une réunion informelle avec les représentants des parties, au 8 janvier 2018, date à laquelle les parties devaient prendre position sur la proposition d’accord établie lors de cette réunion informelle. Le Tribunal a constaté l’échec de la tentative de règlement amiable le 9 janvier 2018 et le juge rapporteur a décidé de clôturer la phase orale de la procédure le 10 janvier 2018, ce dont les parties ont été informées par lettre du greffe du 10 janvier 2018.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la seconde décision de refus ;

–        à titre subsidiaire, condamner le CESE à lui verser la somme de 207 994,14 euros au titre du préjudice matériel subi, majorée des intérêts de retard calculés à compter de la date d’échéance des sommes dues, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, ainsi qu’une somme forfaitaire de 25 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le CESE aux dépens.

16      Le CESE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

17      La requérante soulève trois moyens à l’appui de sa demande d’annulation. Le premier est tiré de la violation de l’article 266 TFUE, le deuxième est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation de l’intérêt du service qui entacheraient la seconde décision de refus et, le troisième, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de l’incompétence du CESE pour adopter une nouvelle décision relative à l’octroi de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 266 TFUE

18      La requérante reproche au CESE d’avoir méconnu son obligation d’exécuter de bonne foi l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107). Selon elle, le CESE a tenté de fournir a posteriori une justification de la décision annulée sans procéder à un réexamen effectif de sa candidature tenant compte de la portée de cet arrêt d’annulation.

19      La requérante fait valoir que, en appliquant des critères fondés sur l’intérêt du service et en écartant de ce fait l’ensemble des DGE, alors que seul le critère relatif à la durée de l’activité professionnelle y figurant, tel qu’interprété par le CESE, avait été déclaré illégal par le Tribunal de la fonction publique, le CESE est allé au-delà de ce qui était nécessaire pour exécuter l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), et, partant, a méconnu l’article 266 TFUE. Elle souligne, à cet égard, que, pour être conforme à l’intérêt du service conditionnant l’octroi de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension, ce critère devrait être interprété, à l’instar de l’interprétation retenue par les autres institutions, comme incluant uniquement l’ancienneté dans le service acquise au sein des institutions de l’Union et non comme visant l’ensemble de l’expérience professionnelle d’un agent, ce qui aurait permis à la requérante de bénéficier de la mesure en cause.

20      Dans la requête, la requérante soutenait en outre que le CESE aurait dû, en exécution de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), adopter de nouvelles DGE conformes à cet arrêt, comprenant notamment une définition de l’intérêt du service, avant de réexaminer sa demande. Toutefois, lors de l’audience, elle a indiqué renoncer à faire valoir ce grief au soutien du premier moyen. Cette renonciation a été actée au procès-verbal d’audience.

21      Il convient de rappeler tout d’abord que, en vertu l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union.

22      Il convient de rappeler ensuite que, pour se conformer à l’obligation que fait peser sur elle l’article 266 TFUE, il appartient à l’institution dont émane un acte annulé par le juge de l’Union de déterminer quelles sont les mesures requises pour exécuter l’arrêt d’annulation en exerçant le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet dans le respect aussi bien des dispositions du droit de l’Union applicables que du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter (arrêts du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑119/99, EU:T:2002:295, point 36, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 82). En particulier, l’institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27 ; du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, EU:T:2003:346, point 56, et du 17 avril 2007, C et F/Commission, F‑44/06 et F‑94/06, EU:F:2007:66, point 35).

23      En l’espèce, il ressort des motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), que le Tribunal a déclaré illégale, en faisant droit à l’exception d’illégalité soulevée, une des dispositions des DGE ayant servi de fondement à la première décision de refus (points 67 à 77 dudit arrêt). Il a plus particulièrement considéré que le CESE s’était limité à établir, d’une part, des critères liés à l’âge, à la durée de l’expérience professionnelle et aux mérites que les candidats ont démontrés au cours de leurs dernières années de service au sein du CESE ou des institutions, critères destinés tout simplement à départager les candidats, et, d’autre part, la procédure à suivre tant par ces derniers pour introduire leurs demandes que par l’AIPN pour adopter sa décision, mais qu’il avait omis d’identifier l’intérêt du service justifiant l’octroi de la mesure prévue à l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut (arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107, point 71).

24      Il s’ensuit que le Tribunal a reproché au CESE de ne pas avoir établi puis appliqué des critères de détermination des bénéficiaires de la mesure de retraite anticipée sans réduction des droits à pension permettant de prendre en considération l’intérêt du service.

25      Ainsi, il incombait au CESE, pour mettre à exécution l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), de réexaminer la candidature de la requérante au regard de l’intérêt du service (point 67 dudit arrêt).

26      Or, en l’espèce, le CESE a effectivement procédé à un tel réexamen. En particulier, sans qu’il y ait lieu d’examiner à ce stade si le CESE a correctement interprété et appliqué la notion d’intérêt du service au sens de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, examen qui sera effectué en réponse au deuxième moyen (voir points 32 à 52 ci-après), il peut être relevé que cet organe a identifié deux hypothèses de fin des fonctions de membres de son personnel correspondant, selon lui, à l’intérêt du service en l’espèce, puis a examiné la candidature de la requérante au regard de ces deux hypothèses (paragraphes 4 et 5 de la seconde décision de refus). Il en a conclu, après avoir estimé que le cas de la requérante ne correspondait à aucune desdites hypothèses et après avoir au surplus considéré que, indépendamment de ces deux hypothèses objectives, la nature concrète des fonctions de la requérante ne justifiait pas davantage l’octroi de la mesure demandée (paragraphe 6 de la seconde décision de refus), que la candidature de la requérante ne répondait pas à l’intérêt du service.

27      Il ne peut, à cet égard, être reproché au CESE de ne pas avoir procédé à un examen effectif de la candidature de la requérante. En effet, outre le fait que la requérante n’avance aucun argument précis, ni ne présente aucun élément au soutien de cette allégation, il ressort notamment de ce qui précède et de la teneur de la seconde décision de refus que le CESE a procédé à un examen circonstancié de la situation de la requérante au regard des différents critères de l’intérêt du service qu’il avait préalablement identifiés.

28      En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, l’exécution de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), n’impliquait pas l’adoption d’une décision lui octroyant le bénéfice de la retraite anticipée sans réduction de ses droits à pension. En effet, il est de jurisprudence constante que l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation (arrêts du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 30, et du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 44). Or, il ne ressort aucunement de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), que la requérante répondait aux critères pour bénéficier de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension, le Tribunal de la fonction publique s’étant borné, dans ce dernier arrêt, à reprocher au CESE de ne pas avoir retenu et appliqué les critères adéquats (voir points 23 et 24 ci-dessus). Il est en outre indifférent, à cet égard, que la requérante ait été placée au troisième rang après les deux candidats retenus lors de la procédure ayant donné lieu à la première décision de refus, dès lors que le réexamen impliqué par l’arrêt en question portait sur un critère, celui de l’intérêt du service, qui avait été omis par le CESE et pour la définition duquel cet organe dispose d’un large pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, EU:T:2003:346, point 99 ; voir, également, point 35 ci-après).

29      Contrairement à ce que soutient également la requérante, il ne saurait être considéré que, en appliquant des critères fondés sur l’intérêt du service et en écartant l’application de l’ensemble des dispositions des DGE, alors que seul le paragraphe 6, sous b), des DGE, relatif à la durée de l’activité professionnelle, avait été déclaré illégal par le Tribunal de la fonction publique, le CESE aurait méconnu l’article 266 TFUE. En effet, d’une part, eu égard à ce qui a été relevé au point 25 ci-dessus, en réexaminant la candidature de la requérante au regard de l’intérêt du service, le CESE s’est conformé aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107, points 67, 71 et 74). D’autre part, il y a lieu de relever que le Tribunal de la fonction publique s’est borné à déclarer illégal et inapplicable au cas d’espèce le paragraphe 6, sous b), des DGE, au motif que ni seul ni lu conjointement avec le même paragraphe 6, sous a) et c), des DGE il ne permettait au CESE d’apprécier l’intérêt du service (point 76 dudit arrêt), de telle sorte que ni le dispositif de cet arrêt ni les motifs constituant le soutien nécessaire du même arrêt n’obligeaient, en eux-mêmes, le CESE à réexaminer la situation de la requérante au regard des autres dispositions des DGE non déclarées illégales par le Tribunal de la fonction publique.

30      Par ailleurs, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle, en conséquence de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), le critère de la durée de l’activité professionnelle devrait être interprété comme incluant uniquement l’ancienneté dans le service acquise au sein des institutions de l’Union, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce que prétend la requérante, le paragraphe 6, sous b), des DGE n’a pas été déclaré illégal en ce qu’il pouvait être interprété comme visant l’ensemble des expériences professionnelles des candidats accomplies tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des institutions de l’Union (points 57 et 60 dudit arrêt), mais l’a été uniquement en ce que, pris avec les autres dispositions des DGE et indépendamment de l’étendue des activités professionnelles visées, il ne permettait pas au CESE d’apprécier l’intérêt du service (points 75 et 76 de cet arrêt). Il s’ensuit que, aux fins d’exécuter l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), le CESE n’était pas tenu de faire application du critère de la durée de l’activité professionnelle, interprété comme incluant uniquement l’ancienneté dans le service acquise au sein des institutions de l’Union.

31      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation de l’intérêt du service

32      La requérante prétend que la seconde décision de refus est entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation qui privent de plausibilité la conclusion du CESE selon laquelle l’intérêt du service s’opposait à son départ à la retraite anticipée sans réduction de ses droits à pension.

33      La requérante souligne, à titre liminaire, que, contrairement à ce que considère le CESE, l’AIPN ne disposait pas d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les candidatures au regard de l’intérêt du service. Elle reproche également au CESE de ne pas avoir indiqué s’il avait tenu compte, lors de son évaluation, des droits à pension nationaux éventuellement transférés par les candidats. Elle réfute, par ailleurs, la pertinence des deux seuls éléments considérés par le CESE comme caractérisant l’intérêt du service en l’espèce, à savoir la réduction du nombre d’assistants dans les unités de traduction et le remplacement des postes d’assistant (AST) par des postes de secrétaire (AST/SC). En effet, d’une part, la réduction alléguée aurait consisté en réalité en un transfert de postes au Parlement européen ne justifiant pas une mise à la retraite anticipée sans réduction des droits à pension des deux bénéficiaires de la mesure et, d’autre part, le remplacement d’un des bénéficiaires de la mesure par un assistant ainsi que les déclarations du chef d’unité responsable de la mesure seraient en contradiction avec l’objectif susvisé de remplacement des assistants.

34      La requérante ajoute que son départ à la retraite anticipée sans réduction de ses droits à pension n’était pas contraire à l’intérêt du service, dès lors qu’elle n’était pas indispensable au bon fonctionnement de son service, ainsi qu’en attesteraient notamment le fait qu’elle exerçait ses fonctions à mi-temps au moment de sa mise à la retraite, son remplacement seulement deux mois après son départ, le fait que l’essentiel des défis et changements majeurs auxquels a fait face son service du fait de l’entrée en vigueur du nouveau statut avaient été menés à bien avant son départ, la mutation de plusieurs de ses collègues en 2014 ainsi que le fait que les absences prolongées de plusieurs de ses collègues à la fin de 2013 et au début de 2014, qu’elle conteste au demeurant, n’auraient pas pu être anticipées en juillet 2013. Elle fait également valoir que l’intérêt du service doit être apprécié à la lumière de l’objectif de la mesure en cause, qui est de faciliter la gestion des ressources humaines de l’institution en récompensant les agents méritants et loyaux, comme elle.

35      Il convient de considérer, à titre liminaire et contrairement à ce que soutient la requérante, que le CESE disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour définir l’intérêt du service et évaluer les candidatures à la lumière de cet intérêt.

36      Il ressort en effet d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer l’intérêt du service, quel que soit l’examen dans le cadre duquel ou la décision pour laquelle il doit être pris en compte (voir, pour la détermination des conditions d’admission à un concours, arrêt du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, point 77 ; pour la résiliation d’un contrat, arrêt du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53, et, pour le maintien en service au-delà de la limite d’âge, arrêt du 18 mai 2015, Bischoff/Commission, F‑36/14, EU:F:2015:48, point 36).

37      Il en est de même pour l’intérêt du service qui conditionne l’octroi de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107, point 56). Cette considération n’est pas remise en cause par l’un des motifs de l’arrêt du 12 septembre 2006, De Soeten/Conseil (F‑86/05, EU:F:2006:87), intervenu à propos de la même mesure, selon lequel le législateur a entendu encadrer le pouvoir d’appréciation de l’administration quant à l’intérêt du service, ce qui justifierait l’exercice d’un contrôle précis de l’appréciation de cet intérêt par le juge de l’Union (point 48 de ce dernier arrêt). Cette considération du Tribunal de la fonction publique visait en effet uniquement à faire référence aux critères sur la base desquels doit être apprécié l’intérêt du service en vertu de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, mais nullement à limiter la liberté des institutions pour définir ces critères, ainsi qu’en atteste au demeurant la fin dudit point dans lequel le Tribunal de la fonction publique évoque un « contrôle précis, sur la base des critères définis par les institutions elles-mêmes ».

38      Il découle du large pouvoir d’appréciation de l’administration quant à l’intérêt du service que le Tribunal ne peut remettre en cause son usage qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation, d’inexactitude matérielle ou de détournement de pouvoir, ce que la requérante a d’ailleurs admis s’agissant de l’appréciation contestée du CESE, dès lors qu’elle a expressément fait valoir qu’elle était entachée de plusieurs inexactitudes matérielles et d’erreurs manifestes d’appréciation. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son large pouvoir d’appréciation. En conséquence, afin d’établir qu’une erreur manifeste a été commise dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue par l’administration dans sa décision. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 18 mai 2015, Bischoff/Commission, F‑36/14, EU:F:2015:48, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

39      Il convient de rappeler en outre, également à titre liminaire, qu’il ressort de la jurisprudence que l’intérêt du service au sens de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut doit être apprécié au sens strict de l’expression, par rapport au « service » de l’institution en cause indépendamment des qualités individuelles des fonctionnaires, la ratio legis de cette disposition étant de faciliter la gestion des ressources humaines au sein des institutions de l’Union (arrêts du 12 septembre 2006, De Soeten/Conseil, F‑86/05, EU:F:2006:87, point 56, et du 22 septembre 2015, Barnett/CESE, F‑20/14, EU:F:2015:107, point 54 ; voir également, en ce sens, à propos de l’intérêt du service au sens de l’article 52, deuxième alinéa, du nouveau statut, arrêt du 18 mai 2015, Bischoff/Commission, F‑36/14, EU:F:2015:48, point 54), et non, comme le soutient la requérante, de faciliter cette gestion des ressources humaines en récompensant les agents méritants et loyaux. Il s’ensuit également que sont dépourvues de pertinence aux fins d’apprécier l’intérêt du service en l’espèce les allégations de la requérante relatives à la prise en compte de caractéristiques propres aux fonctionnaires concernés que sont leurs droits à pension nationaux éventuellement transférés et, en particulier, l’impact de l’absence d’un tel transfert sur l’appréciation de la durée de leur expérience professionnelle (voir également point 30 ci-dessus).

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les erreurs manifestes d’appréciation et les inexactitudes matérielles alléguées par la requérante.

41      Quant à l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service relatif à la réduction du nombre d’assistants dans les unités de traduction, il y a lieu de rappeler que le CESE a considéré que cette réduction avait été envisagée dans le cadre d’un déploiement optimal des ressources humaines et financières en son sein, qu’elle avait été accompagnée par un accord interinstitutionnel conclu avec le Parlement et que la requérante n’occupait pas un poste d’assistant au sein de l’une de ses unités de traduction.

42      La requérante conteste l’objectif de réduction en cause, en arguant qu’il résulte de l’accord interinstitutionnel susvisé que le Parlement sera chargé de couvrir la réduction de 5 % des effectifs imposée par le nouveau statut et que les postes du CESE ne seront pas supprimés mais transférés au Parlement. Toutefois, dans la mesure où ces arguments de la requérante ne permettent pas de remettre en cause le fait que ce transfert conduit, à l’instar d’une suppression, à une diminution du nombre de postes dans les unités de traduction du CESE, elle ne peut valablement soutenir que l’intérêt du service relatif à la réduction du nombre d’assistants dans ces unités est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

43      S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’objectif de réduction de ces postes aurait plutôt justifié un congé dans l’intérêt du service au titre de l’article 42 quater du nouveau statut, elle permet tout au plus de déduire que, à supposer qu’un tel congé ait pu être accordé à la date à laquelle le CESE devait se placer pour exécuter l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), ledit objectif pouvait être atteint par d’autres moyens que la retraite anticipée sans réduction des droits à pension. En revanche, cette allégation ne permet pas en tant que telle de considérer que le CESE a décidé de manière manifestement erronée que l’intérêt du service attaché à la mesure de retraite anticipée sans réduction des droits à pension pouvait consister en une réduction du nombre d’assistants dans les unités de traduction. En outre, ainsi que le fait valoir le CESE à juste titre, le congé dans l’intérêt du service n’a été institué que par l’article 42 quater du nouveau statut et ne pouvait donc être pris en considération par le CESE pour apprécier, en 2013, la demande de la requérante au regard de l’intérêt du service.

44      Quant à l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service relatif au remplacement des assistants par des secrétaires, il convient de rappeler que le CESE a, d’une part, indiqué avoir prévu, lors de l’entrée en vigueur du nouveau statut, en vue également de permettre un déploiement optimal des ressources humaines et financières en son sein, de remplacer les postes AST par des postes AST/SC pour les fonctions de support à un chef d’unité et, d’autre part, précisé que la requérante n’occupait pas un poste de support à un chef d’unité.

45      La requérante ne conteste pas que le remplacement des assistants par des secrétaires puisse relever de l’intérêt du service, dans la perspective de l’entrée en vigueur du nouveau statut, prévoyant la réalisation d’économies budgétaires grâce à un tel remplacement. Elle remet en cause, en revanche, le fait que cet objectif de remplacement ait été poursuivi en l’espèce, en se fondant, d’une part, sur les propos que le chef d’unité responsable de la mesure de retraite anticipée aurait tenus lors de son entretien du 18 septembre 2013 avec la requérante et, d’autre part, sur le remplacement de l’un des bénéficiaires de cette mesure par un assistant.

46      Or, d’une part, la requérante n’a établi ni la teneur des propos allégués, ni leur rapport avec la seconde décision de refus, alors qu’ils sont intervenus avant le rejet de la réclamation dirigée contre la première décision de refus et l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107). D’autre part, le remplacement d’un bénéficiaire de la mesure par un assistant n’a duré qu’un an (du 1er janvier au 31 décembre 2014), ainsi que le relève d’ailleurs la requérante, ce qui, au regard des délais requis pour mettre en œuvre le nouveau statut, entré en vigueur le 1er janvier 2014, ne permet pas d’établir que l’objectif de remplacement des assistants par des secrétaires n’avait pas été poursuivi en l’espèce. En outre, le bénéficiaire de la mesure visé au point 45 ci-dessus peut s’être vu accorder le bénéfice de ladite mesure pour d’autres raisons que celle tirée spécifiquement du remplacement des assistants par des secrétaires.

47      Quant à l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt du service au regard des fonctions de la requérante, il y a lieu de rappeler que le CESE a considéré qu’il n’était pas dans l’intérêt du service de lui accorder la retraite anticipée sans réduction des droits à pension, compte tenu de sa qualité de responsable d’un secteur particulièrement concerné par la réforme du statut et par le déploiement d’une nouvelle base de données ainsi que de la retraite anticipée sans remplacement immédiat de l’un de ses collègues expérimenté et des absences prolongées de deux autres collègues.

48      Or, aucun des arguments de la requérante ne permet d’établir l’existence d’une erreur manifeste du CESE dans cette appréciation.

49      D’abord, s’agissant de l’importance des tâches du service de la requérante et du moment de leur accomplissement, la requérante soutient que les tâches liées à l’entrée en vigueur du nouveau statut et au déploiement informatique susvisé, dont elle ne nie pas l’importance, étaient achevées au 31 décembre 2013. Néanmoins, ces tâches relevant de processus, informatique ou réglementaire, s’inscrivant dans la durée ne sauraient être considérées comme étant finalisées au moment auquel le système informatique devient opérationnel, soit à la fin de 2013 selon les dires de la requérante, ou auquel la réglementation entre en vigueur, soit le 1er janvier 2014 pour le nouveau statut. Bien plus, la présence de personnes ayant participé aux étapes précédentes des processus en cause peut s’avérer particulièrement utile pour la bonne mise en œuvre des étapes ultérieures.

50      Ensuite, s’agissant du caractère indispensable de la présence de la requérante dans le service, cette dernière ne conteste pas et a même confirmé lors de l’audience sa qualité de chef de secteur gérant une équipe de trois personnes. Par ailleurs, il ne peut être déduit de l’exercice de ses fonctions à mi-temps que la présence de la requérante n’était pas indispensable dans le service, dès lors que, comme le fait pertinemment observer le CESE, l’exercice des fonctions à mi-temps est de droit et qu’il avait été demandé à la requérante de rester disponible pour être en mesure de suivre ses dossiers pendant ses absences. De même, son remplacement deux mois après son départ ne correspond pas à une durée de vacance déraisonnable compte tenu des exigences impliquées par le recrutement d’un remplaçant.

51      Enfin, s’agissant des effectifs du service de la requérante, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient celle-ci, le CESE a établi, d’une part, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure ordonnée par le Tribunal, que les mutations de ses collègues sont intervenues en janvier et en avril 2015 et, d’autre part, que deux de ses trois assistantes avaient été absentes plus de 60 jours en 2012 et au premier semestre de 2013 pour cause de maladie.

52      Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté.

53      Les deux premiers moyens ayant été écartés, il convient d’examiner le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’incompétence du CESE pour adopter une nouvelle décision relative à l’octroi de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension

54      La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que, compte tenu de l’abrogation de la base juridique pour l’octroi d’une retraite anticipée sans réduction des droits à pension depuis l’entrée en vigueur du nouveau statut, le CESE est incompétent pour adopter une nouvelle décision rejetant sa demande d’octroi d’une telle retraite. Elle précise, à cet égard, que l’article 266 TFUE crée, certes, une obligation d’agir à la charge de l’institution dont émane l’acte annulé, mais qu’il ne constitue pas une source de compétence pour celle-ci.

55      Il ressort, certes, de la jurisprudence citée par la requérante que l’obligation d’agir qui résulte de l’article 266 TFUE ne constitue pas une source de compétence pour la Commission ni ne permet à cette dernière de se fonder sur une base juridique qui a été abrogée entre-temps (arrêts du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 38, et du 13 mai 2014, McBride e.a./Commission, T‑458/10 à T‑467/10 et T‑471/10, non publié, EU:T:2014:249, point 44).

56      Toutefois, en l’espèce et en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, qui avait effectivement été abrogé par le nouveau statut et n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de la seconde décision de refus, n’est pas une règle de compétence, mais constitue une règle matérielle. Or, en vertu d’une jurisprudence constante, d’ailleurs reprise par l’un des arrêts susvisés mentionnés par la requérante (arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, points 40 et 42), en application de l’article 266 TFUE, l’institution doit prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt en se plaçant à la date à laquelle l’acte annulé par cet arrêt avait été pris, en appliquant les règles matérielles en vigueur à la date des faits en cause, quand bien même ces règles ne sont plus en vigueur à la date de l’adoption du nouvel acte de l’institution (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, points 67 à 73, du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission, T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317, point 118, et du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 45 et jurisprudence citée).

57      En effet, l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut fixe les conditions d’octroi d’une retraite anticipée sans réduction des droits à pension et la proportion des bénéficiaires d’une telle retraite au sein des institutions. Il n’établit en revanche ni l’AIPN compétente au sein de chaque institution pour adopter les décisions en cause, ni les procédures à suivre pour cette adoption, ces règles de compétence et de procédure étant fixées par chacune des institutions, sur le fondement notamment de l’article 2 du statut et de l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut lui-même qui renvoie aux DGE adoptées par chaque institution le soin de prévoir les procédures d’adoption des décisions de mise à la retraite anticipée sans réduction des droits à pension.

58      Or, il ressort de la décision no 659/12 A, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN et le régime applicable aux autres agents (RAA) à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (AHCC), adoptée par le CESE le 27 septembre 2012 et en vigueur à la date d’adoption de la seconde décision de refus, produite par le CESE en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, que le directeur des ressources humaines et des services intérieurs du CESE, signataire de la seconde décision de refus, était compétent pour adopter les décisions relatives à la mise à la retraite d’un fonctionnaire. Il s’ensuit qu’il avait donc bien la compétence pour adopter la seconde décision de refus, même si l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de cette décision.

59      Il découle de ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté comme non fondé, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité et, en particulier, sur l’intérêt de la requérante à soulever ce moyen.

60      Il s’ensuit également qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation.

 Sur les conclusions indemnitaires

61      La requérante fait valoir, en substance, que l’illégalité constatée dans l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), et l’incompétence du CESE qui s’en est suivie pour adopter une nouvelle décision se prononçant sur sa candidature l’ont définitivement privée de la possibilité de voir cette candidature examinée au regard de critères fixés par l’article 9, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et lui ont ainsi causé un préjudice matériel et moral important.

62      Selon la requérante, son préjudice matériel est constitué par la perte définitive d’une chance sérieuse, estimée à 95 %, d’être admise au bénéfice de la retraite anticipée sans réduction des droits à pension. Elle chiffre ce préjudice à 207 994,14 euros sur la base d’une durée estimée de sa retraite à environ 30 ans.

63      Selon la requérante, son préjudice moral résulte de l’état d’incertitude dans lequel les fautes commises par le CESE l’ont plongée et qui est aggravé par la persistance de cet organe à ne pas tirer toutes les conséquences de la chose jugée par le Tribunal de la fonction publique dans un délai raisonnable. Elle évalue ce préjudice à 25 000 euros.

64      Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts présentée par un fonctionnaire ou un agent, l’engagement de la responsabilité non contractuelle pour comportement illicite d’une institution est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle (arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42 ; du 9 décembre 2010, Commission/Strack, T‑526/08 P, EU:T:2010:506, point 57, et du 8 décembre 2014, Cwik/Commission, F‑4/13, EU:F:2014:263, point 129).

65      En l’espèce, il y a lieu de relever, à la suite du CESE et ainsi que l’a confirmé la requérante lors de l’audience, que la demande de réparation du préjudice matériel est fondée sur la seule illégalité qui découlerait du caractère fondé du troisième moyen venant au soutien des conclusions en annulation. Ce moyen ayant été écarté, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché n’est pas satisfaite, de sorte que cette conclusion indemnitaire doit être rejetée.

66      Quant à la demande de réparation du préjudice moral, il ressort de la requête et il a également été confirmé par la requérante lors de l’audience qu’elle est fondée sur les illégalités invoquées au soutien des premier et troisième moyens ainsi que sur la prétendue incapacité du CESE à adopter les mesures d’exécution requises dans un délai raisonnable. Or, d’une part, le premier moyen a été écarté tout comme le troisième moyen et, d’autre part, le délai d’environ six mois s’étant écoulé entre la date de l’arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE (F‑20/14, EU:F:2015:107), et celle de la seconde décision de refus ne saurait, compte tenu du temps requis pour l’établissement et l’application, à titre rétroactif, de critères de détermination des bénéficiaires de la mesure de retraite anticipée sans réduction des droits à pension qui n’avaient pas été pris en compte lors de la première décision de refus, être considéré comme déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2012, Menidiatis/Commission, F‑79/11, EU:F:2012:89, points 40 à 45). En l’absence d’illégalité du comportement reproché au CESE, la conclusion visant à l’indemnisation d’un prétendu préjudice moral doit, partant, également être rejetée.

67      Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CESE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Inge Barnett est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mai 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.