Language of document : ECLI:EU:C:2003:93

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN MISCHO

présentées le 13 février 2003(1)

Affaire C-445/00

République d'Autriche

contre

Conseil de l'Union européenne

«Système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche - Modification par le règlement (CE) n° 2012/2000 - Illégalité»

I — Introduction

1.
    De tout temps, le franchissement des Alpes a posé problème et le transport des personnes et des marchandises par les voies transalpines a suscité réalisations techniques et questions d'ordre économique, écologique et, finalement, politique.

2.
    L'Union européenne est naturellement confrontée à ce défi: parallèlement aux accords conclus en la matière avec la Confédération suisse, dès avant l'adhésion de la république d'Autriche, elle a conclu un accord (2) avec celle-ci, accompagné d'un arrangement administratif (3), créant un système de protection contre les nuisances dues au trafic transalpin, dont les modalités se traduisent dans le régime des écopoints.

3.
    Principe et modalités ont été repris dans le protocole n° 9 sur le transport par route et par rail et le transport combiné en Autriche (ci-après le «protocole») de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondé l'Union Européenne (4), qui instaure un régime transitoire. Celui-ci, outre une diminution progressive de la pollution grâce au système d'écopoints, fixe un plafond au nombre de véhicules de transport de marchandises admis au transit transalpin en Autriche.

4.
    C'est un dépassement du nombre de véhicules en transit au cours de l'année 1999 qui a donné lieu à l'adoption de l'acte attaqué par la république d'Autriche, à savoir le règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche (ci-après le «règlement attaqué») (5).

II — Le droit communautaire applicable

5.
    Le protocole n° 9 comporte, notamment, les dispositions suivantes.

A — Définitions

6.
    Le protocole commence par énoncer un certain nombre de définitions.

«Article premier

Aux fins du présent protocole, on entend par:

[.]

c)    ‘trafic de transit à travers l'Autriche’, le trafic qui traverse le territoire autrichien à destination et en provenance de l'étranger;

[.]

e)    ‘trafic de marchandises routier de transit à travers l'Autriche’, le trafic de transit à travers l'Autriche par camions, que ces véhicules circulent à vide ou en charge;

f)    ‘transport combiné’, le transport effectué au moyen de camions ou d'unités de charge acheminés par chemin de fer sur une partie du trajet et par route pour les parcours initiaux ou terminaux, étant entendu que la traversée du territoire autrichien ne peut en aucun cas s'effectuer dans sa totalité par la route;

g)    ‘trajets bilatéraux’, les transports internationaux sur des trajets effectués par un véhicule, dont le point de départ ou d'arrivée est situé en Autriche et le point d'arrivée ou de départ est situé, respectivement, dans un autre État membre, et où les trajets à vide sont effectués en combinaison avec ces trajets.»

B — Transport par chemin de fer et transport combiné

7.
    Nous retiendrons, en outre, que ce protocole accorde une attention particulière, voire privilégiée, au développement du transport par chemin de fer et du transport combiné. À cette fin, à son article 3, il prévoit, notamment, que la Communauté et les États membres concernés adoptent et coordonnent étroitement les mesures pour le développement et la promotion du transport ferroviaire et du transport combiné pour le transport de marchandises transalpin et, concrètement, son annexe 2 énumère un certain nombre de mesures d'infrastructure pour le transport ferroviaire et combiné, qui concernent l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie et même les Pays-Bas.

8.
    L'article 6 du protocole, pour sa part, énonce que la Communauté et les États membres concernés font tous leurs efforts pour développer et utiliser la capacité ferroviaire supplémentaire visée à l'annexe 3 dudit protocole, qui énumère également un certain nombre de mesures relatives à la capacité additionnelle des chemins de fer autrichiens pour le transport de marchandises en transit à travers l'Autriche (point 1) et à l'accroissement potentiel en envois ou tonnages. Certaines capacités doivent être disponibles dans l'immédiat, c'est-à-dire à partir du 1er janvier 1995, d'autres à court terme (à partir de la fin de 1995), à moyen terme (à partir de la fin de 1997), et, enfin, d'autres à long terme, c'est-à-dire disponibles à partir de la fin de 2000, en ce qui concerne l'axe Pyrhn-Schober et de la fin de 2010 en ce qui concerne l'axe du Brenner.

9.
    L'article 7 du protocole insiste sur les mesures destinées à accroître la fourniture du transport ferroviaire et du transport combiné et sur la priorité à donner aux mesures prévues dans les dispositions communautaires concernant le transport ferroviaire et le transport combiné.

C — Transport par route

10.
    Les éléments essentiels du régime spécial pour le trafic de marchandises routier de transit à travers l'Autriche sont prévus à l'article 11, paragraphe 2, du protocole, qui est libellé comme suit:

«Jusqu'au 1er janvier 1998, les dispositions suivantes s'appliquent:

a)    Les émissions totales de NOx des camions qui traversent l'Autriche en transit sont réduites de 60 % durant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2003, conformément au tableau figurant à l'annexe 4.

b)    La réduction des émissions totales de NOx imputables aux camions est gérée à l'aide d'un système d'écopoints. Dans ce système, chaque camion a besoin, pour traverser l'Autriche, d'un certain nombre de points représentant son niveau d'émission de NOx [valeur autorisée dans le cadre de la conformité de la production (COP) ou découlant de la réception par type]. La méthode de calcul et de gestion de ces points est décrite à l'annexe 5.

c)    Si le nombre de trajets devait, au cours d'une année, dépasser de plus de 8 % le chiffre obtenu pour l'année 1991, la Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16, adopte les mesures appropriées conformément au point 3 de l'annexe 5(6).

d)    [...]

e)    Les écopoints sont distribués par la Commission parmi les États membres, conformément aux dispositions à établir selon le paragraphe 6.»

11.
    L'article 11, paragraphes 4 à 6, du protocole prévoit:

«4.    Avant le 1er janvier 2001, la Commission, en coopération avec l'Agence européenne de l'environnement, effectue une étude scientifique sur le degré de réalisation de l'objectif concernant la réduction de la pollution fixé au paragraphe 2 point a). Si la Commission arrive à la conclusion que cet objectif a été atteint de façon durable, les dispositions du paragraphe 2 cessent de s'appliquer le 1er janvier 2001. Si, par contre, la Commission arrive à la conclusion que cet objectif n'a pas été atteint de façon durable, le Conseil, statuant en conformité avec l'article 75 du traité CE, peut arrêter des mesures, dans un cadre communautaire, qui assurent une protection équivalente de l'environnement, notamment une réduction de la pollution de 60 %. Si le Conseil n'adopte pas ces mesures, la période transitoire est automatiquement prorogée d'une dernière période de trois ans, au cours de laquelle les dispositions du paragraphe 2 s'appliquent.

5.    Au terme de la période transitoire, l'acquis communautaire est applicable dans sa totalité.

6.    La Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16, arrête les modalités concernant les procédures relatives au système d'écopoints, à la distribution des écopoints et aux questions techniques liées à l'application du présent article; ces modalités entrent en vigueur à la date d'adhésion de l'Autriche.

[...]»

12.
    L'article 16 du protocole prévoit que, pour l'adoption des mesures dont il vient d'être question, la Commission est assistée par un comité. Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis de ce comité ou, en l'absence d'avis de celui-ci, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.

13.
    L'annexe 5, point 3, du protocole dispose:

«En cas d'application de l'article 11 paragraphe 2 point c), le nombre d'écopoints pour l'année suivante est établi comme suit:

Les moyennes trimestrielles d'émission de NOx pour les camions durant l'année en cours, calculées conformément au point 2 ci-dessus, seront extrapolées pour déterminer l'émission moyenne de NOx prévue pour l'année suivante. La valeur prévue, multipliée par 0,0658 et par le nombre d'écopoints fixé à l'annexe 4 pour l'année 1991, constituera le nombre d'écopoints pour l'année en question(7)

14.
    Le chiffre des trajets en transit à travers l'Autriche pour 1991 étant de 1 490 900, le seuil auquel l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole fait référence équivaut à 1 610 172 trajets en transit.

15.
    La Commission a, en application de l'article 11, paragraphe 6, du protocole, adopté le règlement (CE) n° 3298/94, du 21 décembre 1994, arrêtant les modalités des procédures relatives au système de droits de transit (écopoints) pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche, établi à l'article 11 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède (8). Sur la base d'une habilitation expresse figurant à l'annexe 4 du protocole, et afin de tenir compte du trafic de transit de camions immatriculés en Finlande et en Suède, ce règlement modifie ladite annexe 4 et fixe le nombre total d'écopoints comme suit:

Année
Pourcentage d'écopoints
Écopoints alloués aux
15

États membres
1991

(année de référence)
100 %
23 556 220
1995
71,7 %
16 889 810
1996
65,0 %
15 311 543
1997
59,1 %
13 921 726
1998
54,8 %
12 908 809
1999
51,9 %
12 225 678
2000
49,8 %
11 730 998
2001
48,5 %
11 424 767
2002
44,8 %
10 533 187
2003
40,0 %
9 422 488

16.
    Le règlement n° 3298/94 fixe aussi, à son annexe D, la clé de répartition des écopoints entre les États membres.

III — Genèse et contenu du règlement attaqué

17.
    Selon les indications données par la république d'Autriche, les statistiques des écopoints ont fait apparaître un trafic de 1 706 436 trajets au cours de l'année 1999, correspondant à un dépassement de 14,57 % du chiffre obtenu pour 1991.

18.
    Agissant conformément à la procédure fixée à l'article 16 du protocole, la Commission a, le 20 mai 2000, soumis un projet de règlement de la Commission au comité prévu à l'article 16 du protocole (ci-après le «comité des écopoints»). Elle a fait valoir que, selon la méthode de calcul figurant à l'annexe 5, point 3, du protocole, le nombre d'écopoints pour l'année 2000 devait être réduit d'environ 20 % (soit une réduction de 2 184 552 écopoints).

19.
    Selon la Commission, cette réduction aurait eu pour conséquence que, au cours du dernier trimestre de l'année 2000, pratiquement plus aucun écopoint n'aurait été disponible, de sorte que tout transit de camions à travers l'Autriche aurait été interdit. Dès lors, faisant valoir que les dispositions applicables du protocole devaient être interprétées à la lumière des libertés fondamentales, elle a proposé de répartir la réduction du nombre d'écopoints sur les quatre dernières années, de 2000 à 2003, faisant l'objet du régime transitoire. 30 % de réduction devaient intervenir en 2000, 30 % en 2001, 30 % en 2002 et les 10 % restants en 2003.

20.
    Considérant que le protocole ne fixait aucune orientation quant à la répartition de la réduction du nombre d'écopoints entre les États membres, la Commission a également proposé que la charge de la réduction soit supportée par les États membres dont les transporteurs auraient contribué au dépassement du seuil de trajets, prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, au cours de l'année 1999.

21.
    Aucune majorité qualifiée ne s'étant dégagée au sein du comité des écopoints en faveur du projet de la Commission, celle-ci a présenté au Conseil, le 21 juin 2000, une proposition de règlement du Conseil au contenu identique.

22.
    La présidence française a alors, le 21 septembre 2000, présenté au Conseil une proposition de compromis qui, tout en retenant la proposition originale de la Commission d'étalement de la réduction des écopoints jusqu'en 2003, adoptait une nouvelle méthode de calcul aboutissant à une réduction de 1 009 501 écopoints. La Commission a modifié sa proposition initiale dans le sens de la proposition de compromis française, permettant ainsi au Conseil d'adopter à la majorité qualifiée la proposition modifiée de la Commission, laquelle est devenue le règlement attaqué. La république d'Autriche a voté contre.

23.
    Le texte ainsi adopté est devenu le règlement attaqué.

24.
    Selon l'article 1er de ce règlement:

«L'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède est modifiée de la manière suivante:

Année
Pourcentage d'écopoints
Ecopoints pour EU-15
2000
48,5 %
11 428 150
2001
47,2 %
11 121 897
2002
43,5 %
10 250 317
2003
39,6 %
9 321 531»

25.
    L'article 2, point 1, dudit règlement dispose:

«Le règlement (CE) n° 3298/94 est modifié comme suit:

1)    À l'article 6, paragraphe 2, le deuxième alinéa est remplacé par le texte suivant:

    ‘Dans le cas visé à l'article 11, paragraphe 2, point c), du protocole n° 9, le nombre d'écopoints est réduit. Cette réduction est calculée selon la méthode définie à l'annexe 5, paragraphe 3, du protocole. La réduction du nombre d'écopoints qui en résulte s'échelonne sur plusieurs années.’ (9)

[.]»

26.
    Enfin, l'article 2, point 4, du règlement attaqué modifie l'annexe D du règlement n° 3298/94, en vue d'effectuer une nouvelle répartition des écopoints entre les États membres.

IV — Conclusions des parties et moyens invoqués par la république d'Autriche

27.
    La république d'Autriche conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

—      à titre principal, annuler le règlement attaqué;

—     à titre subsidiaire, annuler les dispositions des articles 1er et 2, points 1 et 4, du règlement attaqué;

—     condamner le Conseil aux dépens.

28.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

—     rejeter comme irrecevables tous les griefs adressés à la Commission qui n'a pas été mise à la cause par la partie demanderesse;

—     rejeter le recours comme non fondé;

—     à titre subsidiaire, au cas où la Cour accueillerait le recours et annulerait le règlement attaqué, décider le maintien de l'ensemble de ses effets;

—     condamner la requérante aux dépens.

29.
    Par ordonnance du président de la Cour du 26 janvier 2001, la République fédérale d'Allemagne et la Commission ont été admises à intervenir à l'appui des conclusions du Conseil. Par une autre ordonnance, du 30 avril 2001, la République italienne a également été admise à intervenir à l'appui des conclusions de ce dernier.

30.
    Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 4 décembre 2000, la république d'Autriche a, en vertu des articles 242 CE et 243 CE, demandé qu'il soit sursis à l'application du règlement attaqué et que soient adoptées des mesures provisoires.

31.
    Par ordonnance de référé du 23 février 2001 (10), le président de la Cour a ordonné le sursis à l'exécution de l'article 2, point 1, du règlement attaqué jusqu'au prononcé de l'arrêt au principal, a rejeté la demande pour le surplus et a réservé les dépens.

32.
    La république d'Autriche invoque six moyens à l'appui de ses conclusions:

À titre principal:

1.    la violation des formes substantielles lors de l'adoption du règlement attaqué.

À titre subsidiaire:

2.    la violation du traité CE ou du protocole en ce que la proposition de la Commission a été modifiée après sa présentation au Conseil;

3.    l'insuffisance des motifs;

4.    la violation du traité CE ou du protocole par le règlement attaqué;

5.    la violation des dispositions légales et une insuffisance de motifs dans l'application du mode de calcul visé à l'annexe 5, point 3, du protocole;

6.    l'absence de base juridique.

V — Quant à la recevabilité des griefs adressés à la Commission

33.
    Le Conseil soulève une exception d'illégalité des griefs qui visent l'action de la Commission, au motif que celle-ci n'a pas été mise à la cause par l'Autriche et que l'arrêt de la Cour dans la présente affaire ne saurait être rendu opposable à une institution qui n'est pas partie au litige. À l'appui de son exception d'irrecevabilité, le Conseil invoque le point 33 de l'ordonnance du Tribunal du 1er décembre 1994 (11). Le Tribunal y constate l'impossibilité, pour le juge des référés, d'adresser des injonctions à des particuliers qui ne sont pas partie au litige.

34.
    Soulignons d'emblée que la situation en l'espèce est totalement différente puisque la présente procédure ne vise pas à obtenir qu'une injonction soit adressée à la Commission. Par ailleurs, celle-ci est partie intervenante dans le présent litige.

35.
    En tout état de cause, il suffit de relever à cet égard que, à l'appui de ses conclusions en annulation du règlement attaqué, la partie requérante est en droit d'invoquer, dans ses griefs, tous les éléments déterminants du processus décisionnel dont la proposition de la Commission fait partie intégrante.

36.
    Je propose, par conséquent, de rejeter l'exception d'irrecevabilité du Conseil.

VI — Premier et deuxième moyens: violation des formes substantielles lors de l'adoption du règlement attaqué et, à titre subsidiaire, violation du traité ou du protocole en ce que la proposition de la Commission a été modifiée après sa présentation au Conseil

37.
    Nous examinerons conjointement ces deux moyens qui sont étroitement liés.

38.
    L'article 16 du protocole dispose:

«1.    La Commission est assistée par un comité composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission.

2.    Lorsqu'il est fait référence à la procédure prévue au présent article, le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 148 paragraphe 2 du traité CE pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants sont affectées de la pondération définie à l'article précité. Le président ne prend pas part au vote.

3.    La Commission arrête les mesures envisagées lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité.

Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis du comité, ou en l'absence d'avis, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.

4.    Si, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la saisine du Conseil, celui-ci n'a pas statué, les mesures proposées sont arrêtées par la Commission.»

A — Arguments des parties

39.
    Par son premier moyen, le gouvernement autrichien conclut à une violation des formes substantielles dans le cadre de l'adoption du règlement attaqué. Il fait valoir, en particulier, que la décision de la Commission de modifier sa proposition de règlement initiale en vue de se rallier au compromis présenté par la présidence du Conseil n'a pas été prise collégialement. Ledit gouvernement ajoute, à cet égard, qu'une habilitation au commissaire responsable l'autorisant, le cas échéant, à modifier une proposition de la Commission afin de faire sienne une formulation nouvelle recueillant la majorité qualifiée au sein du Conseil ne respecte pas le règlement intérieur de la Commission, lequel limite les habilitations à l'adoption des mesures de gestion et d'administration clairement définies.

40.
    Le Conseil et le gouvernement allemand font valoir que le gouvernement autrichien se fonde sur une simple présomption d'absence d'une habilitation valable. La Commission affirme que le commissaire responsable, anticipant l'évolution des négociations au Conseil, s'était fait habiliter afin de pouvoir modifier la proposition au cas où un texte de compromis obtiendrait le soutien de la majorité qualifiée du Conseil. Le gouvernement allemand et le gouvernement italienconsidèrent, par ailleurs, que l'octroi de l'habilitation par la Commission était justifié par le fait que les autorités autrichiennes n'avaient fourni que tardivement les informations statistiques nécessaires à cette dernière.

41.
    Par son deuxième moyen, le gouvernement autrichien soutient que, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 16 du protocole, la Commission n'était pas compétente pour modifier a posteriori et de façon substantielle la proposition qu'elle avait soumise au Conseil.

42.
    Le Conseil et les parties intervenantes considèrent que la Commission peut, à tout moment, modifier sa proposition, conformément à l'article 250, paragraphe 2, CE.

B — Appréciation

43.
    Nous commencerons par l'examen du deuxième moyen.

44.
    L'article 250 CE dispose:

«1.    Lorsque, en vertu du présent traité, un acte du Conseil est pris sur proposition de la Commission, le Conseil ne peut prendre un acte constituant amendement de la proposition que statuant à l'unanimité, sous réserve de l'article 251, paragraphes 4 et 5.

2.    Tant que le Conseil n'a pas statué, la Commission peut modifier sa proposition tout au long des procédures conduisant à l'adoption d'un acte communautaire.»

45.
    Le problème soulevé par la république d'Autriche est, en réalité, celui de savoir si la Commission peut encore modifier sa proposition lorsque celle-ci, en l'absence d'un avis favorable au sein du comité, a d'abord été transférée telle quelle au Conseil, alors qu'une majorité qualifiée favorable se serait peut-être dégagée au sein dudit comité si ce dernier avait lui-même été saisi de la proposition modifiée.

46.
    La réponse à cette question est positive. En effet, la Cour a déjà jugé que, dans le cadre d'une procédure dite «du comité de réglementation», la Commission dispose d'une certaine marge d'appréciation pour modifier la proposition relative aux mesures à prendre qu'elle soumet au Conseil. (12)

47.
    Il en est ainsi a fortiori en l'espèce où la Commission a saisi le Conseil d'une proposition identique à celle qu'elle avait soumise au comité de réglementation et ne l'a modifiée qu'au cours des discussions au sein du Conseil.

48.
    Dès lors, nous sommes dans le domaine d'application de l'article 250, paragraphe 2, CE, qui laisse toute liberté à la Commission de modifier la proposition dont elle a saisi le Conseil.

49.
    Reste à savoir si, comme le soutient la république d'Autriche, la décision de la Commission de modifier sa proposition aurait dû être prise par le collège.

50.
    À cet égard, il convient de rappeler que, selon l'article 13 du règlement intérieur de la Commission, dans sa version en vigueur à la date des faits, la Commission peut «charger un ou plusieurs de ses membres, en accord avec le Président, d'adopter le texte définitif [.] d'une proposition à soumettre aux autres institutions, dont elle a défini la substance lors de ses délibérations».

51.
    Or, la modification en question n'affectait nullement la substance de la proposition. En effet, comme l'a constaté le président de la Cour, aux points 78 et 80 de son ordonnance Autriche/Conseil, précitée, en l'espèce, la modification de la proposition de règlement a porté principalement sur un aspect, certes important, mais de nature technique, relatif à l'application de la méthode de calcul, aspect sur lequel les avis des États membres divergeaient. Par ailleurs, selon la Commission, qui n'a pas été contredite sur ce point, la modification de sa proposition faisait suite à des précisions sur l'interprétation des statistiques qui auraient été apportées par la requérante, postérieurement à la proposition de règlement initiale.

52.
    La république d'Autriche invoque encore le fait que l'habilitation du membre de la Commission responsable du domaine des transports est intervenue le 20 septembre 2000, alors que la proposition de compromis de la présidence du Conseil n'a été présentée officiellement que le 21 septembre 2002. À notre avis, cette circonstance n'est pas de nature à modifier l'appréciation qu'il convient de porter sur ce grief de la république d'Autriche. La collaboration loyale qui doit exister entre les institutions et le souci légitime de faire avancer les travaux du Conseil rendent, au contraire, souhaitable que la Commission soit informée officieusement à l'avance, des propositions de compromis que la présidence a l'intention de présenter au Conseil afin que le commissaire responsable puisse se faire habiliter, dès avant la réunion du Conseil, à annoncer une modification de la proposition en ce sens s'il apparaît, lors des débats des ministres, qu'une majorité qualifiée peut être dégagée sur ce compromis. Il serait, d’ailleurs, même admissible que ledit commissaire dispose d'une certaine marge de man.uvre pour le cas où le texte de compromis serait modifié dans le courant des discussions, pourvu que l'esprit et la substance de la proposition originaire de la Commission ne soient pas affectés.

53.
    Les premier et deuxième moyens ne sont donc, à notre avis, pas fondés.

VII — Troisième moyen (à titre subsidiaire): défaut de motivation

A — Arguments des parties

54.
    Le gouvernement autrichien fait valoir que, s'agissant du calcul de la mesure de la réduction des écopoints, de la clé de répartition de la réduction entre les États membres, de l'échelonnement sur quatre ans de la réduction en cause en l'espèce, ainsi que de l'introduction d'une règle générale d'échelonnement de la réduction des écopoints sur plusieurs années en cas de dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, le règlement attaqué ne satisfait aucunement à l'obligation de motivation.

55.
    Le Conseil et les parties intervenantes font valoir qu'il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 253 CE doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle. Toutefois, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (13).

56.
    Le gouvernement allemand fait observer, en particulier, que relèvent de ce contexte les propositions et mémorandums présentés dans le cadre de la procédure législative, produits par la république d'Autriche en annexes 4 et 5 de sa requête. Pour ce gouvernement, il résulte d'une lecture combinée du règlement attaqué et de ces documents préparatoires que les considérants dudit règlement permettent tant à la république d'Autriche qu'au juge communautaire de comprendre toutes les considérations qui ont conduit le législateur à adopter ce règlement.

57.
    C'est ainsi que ce même gouvernement relève que la méthode générale de calcul est explicitée au troisième considérant du règlement attaqué par un renvoi à la formule de calcul, elle-même très détaillée, figurant à l'annexe 5, point 3, du protocole et que, surtout, le calcul exact chiffré était reproduit dans l'exposé des motifs de la proposition de la Commission en date du 20 mai 2000.

58.
    Enfin, souligne le gouvernement allemand, le contexte de la répartition des écopoints entre ceux qui, parmi les États membres, ont le plus contribué au dépassement du seuil est décrit au septième considérant du règlement attaqué et les arguments en faveur ou à l'encontre d'un calcul qui s'inspirerait plutôt du principe du pollueur-payeur ou du principe de solidarité ont été largement évoqués par la Commission dans l'exposé des motifs de sa proposition.

59.
    La Commission estime qu'il résulte clairement des cinquième et sixième considérants du règlement attaqué que le Conseil a considéré devoir «interpréter» la méthode de calcul pour l'année 2000 à la lumière de la libre circulation des marchandises garantie par le traité et a renoncé à imposer l'intégralité de la réduction sur l'année 2000, conformément au protocole, pour éviter l'arrêt de la circulation de transit, puisque l'année considérée était déjà écoulée à concurrence de neuf mois.

B — Appréciation

60.
    Il nous paraît peu vraisemblable que la requérante ait été dans l'ignorance des buts et raisons du règlement attaqué qui, pensons-nous, ressortent déjà avec suffisamment d'évidence de ses considérants.

61.
    Il nous paraît, en outre, difficilement concevable que la république d'Autriche qui, dès le départ, est un acteur actif du système des écopoints, en assure en grande partie la mise en .uvre, fournit le matériel statistique, et a participé activement à toutes les réunions du comité des écopoints institué spécialement dans ce domaine, où elle a pu entendre les observations de la Commission et des autres États membres, qui ont contribué à la formulation de l'avis dudit comité, puisse prétendre être lésée par un exposé insuffisamment détaillé des modalités techniques d'application du système.

62.
    Nous sommes donc, incontestablement, dans la situation dans laquelle, selon une jurisprudence constante, la validité de la motivation de l'acte doit être appréciée en tenant compte du fait que l'État membre a été étroitement associé au processus d'élaboration de l'acte litigieux et connaît, de ce fait, les raisons qui sont à la base de celui-ci. La Cour ajoute que, si l'acte contesté fait ressortir l'essentiel de l'objectif poursuivi par l'institution, il serait excessif d'exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques (14).

VIII — Quatrième moyen (à titre subsidiaire): violation du traité ou du protocole par le règlement attaqué. Sixième moyen (à titre subsidiaire): absence de base juridique

63.
    Comme le quatrième et le sixième moyens sont très étroitement liés, nous nous permettons de les examiner ensemble.

A — Première branche du quatrième moyen: échelonnement de la réduction des écopoints sur plusieurs années

64.
    Pour le gouvernement autrichien, le libellé de l'annexe 5, point 3, du protocole est clair. En disposant que, «en cas d'application de l'article 11, paragraphe 2, point c), le nombre d'écopoints pour l'année suivante (15) est établi comme suit», il ne laisse aucune place à l'interprétation: dès lors qu'un dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), dudit protocole s'est produit en 1999, il y avait lieu de réduire le nombre d'écopoints pour l'année 2000 selon le mode de calcul prévu à l'annexe 5, point 3, deuxième alinéa, du protocole.

65.
    Le protocole ne comporte donc, à son avis, aucune base juridique qui aurait permis à la Commission de répartir cette réduction sur quatre années.

66.
    De plus, souligne le gouvernement autrichien, l'article 2, point 1, du règlement attaqué, qui remplace l'article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 3298/94, vise à modifier implicitement l'annexe 5, point 3, du protocole.

67.
    Ladite disposition prévoit, en effet, que «la réduction du nombre d'écopoints [.] s'échelonne sur plusieurs années» (16), sans préciser qu'il s'agirait d'une opération unique. Or, poursuit ce même gouvernement, la transformation de l'échelonnement de la réduction du nombre d'écopoints en règle générale pour tous les cas d'application de l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole ne trouve aucun fondement juridique dans ce protocole et est manifestement contraire au système qu'il instaure.

68.
    Pour le gouvernement autrichien, le protocole faisant partie du droit primaire, sa modification par le règlement attaqué, qui est un acte de droit dérivé, sans que le Conseil dispose d'une habilitation explicite en droit primaire, constitue une illégalité manifeste.

69.
    Il ressort des arguments échangés par les parties que ce grief du gouvernement autrichien soulève deux problèmes distincts.

70.
    Nous examinerons successivement

—     si le Conseil était en droit d'instaurer définitivement le principe d'un échelonnement des réductions des écopoints sur plusieurs années (article 2, point 1, du règlement attaqué);

—     si, dans les circonstances particulières de l'année 2000, un échelonnement exceptionnel de la réduction des écopoints sur quatre années pouvait être justifié (article 1er du règlement attaqué).

1. Quant à l'instauration définitive du principe de l'échelonnement des réductions des écopoints sur plusieurs années (article 2, point 1, du règlement attaqué)

71.
    Sur ce point, nous partageons entièrement l'analyse du gouvernement autrichien. Il n'est, en effet, pas contestable que, par son article 2, point 1, le règlement attaqué dispose que la réduction des écopoints consécutive à un dépassement «s'échelonne sur plusieurs années».

72.
    Or, le protocole prévoit, quant à lui, de façon tout aussi claire, en son annexe 5, point 3, que ladite réduction prend effet l'année suivante.

73.
    La Commission fait, toutefois, valoir que le règlement attaqué doit être compris comme ne visant que la situation spécifique de l'année 2000. L'article 2, point 1, de ce règlement ne saurait être lu autrement que visant un échelonnement unique, conditionné par une situation qui s'est produite en 2000.

74.
    Selon la Commission, l'échelonnement avait pour but de préserver la circulation de transit pour le reste de l'année 2000 et une telle justification ne peut s'appliquer qu'à une règle qui vise exclusivement la situation de l'année 2000 et n'a pour but que de résoudre le problème concret qui avait surgi en 2000.

75.
    Elle cite en ce sens, notamment, les cinquième et sixième considérants du règlement attaqué, aux termes desquels:

«5)    L'application du protocole n° 9 doit être faite en conformité avec les libertés fondamentales instaurées par le traité; il s'impose donc de prendre des mesures capables d'assurer la libre circulation des marchandises et le plein fonctionnement du marché intérieur.

6)    Une imposition de la réduction totale des écopoints sur la seule année 2000 aurait l'effet disproportionné de conduire quasiment à l'arrêt de la circulation de transit à travers l'Autriche; par conséquent, la réduction du nombre total d'écopoints s'échelonnera de 2000 à 2003.»

76.
    La Commission ajoute que l'émergence éventuelle d'une situation similaire au cours des années suivantes ne faisait pas l'objet des réflexions en cours et une «institutionnalisation» de l'échelonnement, alors qu'elle était totalement inutile, aurait été complètement déplacée dans le contexte des futures décisions à prendre selon la procédure de comitologie, qui doivent prendre en compte les circonstances du moment.

77.
    Il est vrai que les cinquième et sixième considérants du règlement attaqué sont plutôt de nature à étayer la thèse de la Commission.

78.
    Le libellé de l'article 2, point 1, de ce règlement est, cependant, catégorique: il n'énonce aucune limitation dans le temps et ne se réfère nullement au problème particulier qui s'est posé au cours de l'année 2000. Comme le dispositif d'un texte juridique doit toujours l'emporter sur les considérants de celui-ci, il convient de constater que cette disposition doit être lue comme modifiant définitivement l'article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 3298/94 dans un sens incompatible avec celui de l'annexe 5, point 3, du protocole.

79.
    Or, les protocoles et annexes d'un acte d'adhésion constituent des dispositions de droit primaire qui, à moins que l'acte d'adhésion n'en dispose autrement, ne peuvent être suspendues, modifiées ou abrogées que selon les procédures prévues pour la révision des traités originaux (17).

80.
    L'argumentation avancée par le gouvernement italien ne conduit pas à une réponse différente. Selon celui-ci, l'objectif du protocole consiste, d'une part, à réduire la pollution résultant de véhicules lourds et, d'autre part, à déplacer de la route vers le rail l'augmentation du trafic de transit qui, en l'absence de structures ferroviaires adéquates, se répercuterait sur les routes. La limitation du trafic des camions communautaires ne trouverait de justification rationnelle que dans l'encouragement parallèle du transport ferroviaire ou combiné. Or, les structures ferroviaires existantes en Autriche seraient insuffisantes et aucune démarche significative n'aurait été entreprise pour faciliter le transport commercial ferroviaire. Par conséquent, le régime consistant à limiter le transit de camions appartenant à des entreprises d'autres États membres aurait pour effet de protéger les transporteurs routiers autrichiens, dont les activités augmenteraient au détriment de la concurrence.

81.
    Le gouvernement italien fait également valoir que le protocole est devenu une source de droit primaire («a été constitutionnalisé») uniquement pour ce qui est de sa finalité, c'est-à-dire le non-dépassement du seuil de 108 %, mais non pas pour ce qui est des moyens à utiliser pour parvenir à cette fin.

82.
    L'insuffisance éventuelle des structures ferroviaires en Autriche, d'ailleurs contestée par les autorités autrichiennes, ne saurait être de nature à justifier une violation d'autres dispositions du protocole. Le non-respect des dispositions que le protocole prévoit en ce qui concerne l'amélioration des structures ferroviaires est susceptible d'entraîner les conséquences que le droit communautaire attache à la violation des obligations qu'il prévoit, conséquences qui n'incluent, cependant, pas la possibilité pour les institutions d'adopter des actes de droit dérivé contraires au droit primaire.

83.
    En outre, j'estime que, dès lors que le protocole inclut des dispositions détaillées et explicites relatives à l'échelonnement de la réduction des écopoints, il n'est pas possible de considérer que seul le seuil des 108 %, à l'exclusion desdites dispositions, relèverait du droit primaire.

84.
    Il s'ensuit que l'article 2, point 1, du règlement attaqué est invalide en ce que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, il modifie définitivement ledit échelonnement prévu par le protocole.

85.
    Il y a lieu d'ajouter, à cet égard, que l'argumentation développée tant par la Commission que par le Conseil relative aux conséquences à tirer des circonstances exceptionnelles ayant présidé à l'adoption du règlement attaqué ne saurait être retenue. En effet, même à supposer que de telles circonstances soient de nature à influer sur la validité de mesures spéciales destinées à résoudre les problèmes découlant desdites circonstances, elles ne sauraient, par définition, justifier la modification définitive du mécanisme découlant du protocole. Une nouvelle disposition ayant vocation à s'appliquer sans limite dans le temps devient, nécessairement, la règle et ne peut donc se réclamer d'une situation exceptionnelle.

2. Quant à l'échelonnement de la réduction des écopoints sur les années 2000 à 2003 (article 1er du règlement attaqué)

86.
    Examinons maintenant ce qu'il en est de l'article 1er du règlement attaqué qui constitue, lui, une disposition limitée dans le temps.

a)    Arguments des parties

87.
    Le gouvernement autrichien juge inacceptables les justifications avancées par le Conseil dans les considérants du règlement attaqué, concernant l'effet disproportionné de l'application de la réduction des écopoints en totalité sur la seule année 2000 et le fait que l'application du protocole doit se faire en conformité avec les libertés fondamentales instaurées par le traité, étant donné que la méthode d'interprétation utilisée par le Conseil est, selon lui, contraire au libellé clair du protocole. Au surplus, à supposer même que cette façon de procéder soit permise, le régime institué par ledit règlement serait, de toute façon, illégal, car il aurait manifestement été possible d'appliquer le protocole sans créer de restriction sur le marché intérieur en adoptant des mesures moins contraignantes, par exemple en étalant la réduction sur les seules années 2000 et 2001.

88.
    Le Conseil considère qu'une application de la réduction des écopoints en totalité sur la seule année 2000 aurait eu l'effet disproportionné d'arrêter toute circulation de transit à travers l'Autriche. Il fait valoir que l'adoption du règlement attaqué a été retardée par la transmission tardive de données statistiques fiables de la part des autorités autrichiennes. Ce serait donc dans une situation de force majeure que le Conseil aurait adopté ce règlement. Il souligne que l'objectif du système d'écopoints est de réduire la pollution et que cet objectif est déjà largement atteint. Les éventuels problèmes liés au bruit, outre qu'ils ne seraient pas réellement à l'origine du régime des écopoints, devraient céder face aux impératifs de bon fonctionnement du marché intérieur. De surcroît, l'interprétation du protocole avancée par le gouvernement autrichien aurait pour effet de décourager l'utilisation de camions moins polluants.

89.
    Le Conseil soutient ainsi qu'il fallait appliquer le protocole en tenant compte de ses objectifs et de ceux de l'acte d'adhésion: l'intégration pleine de la république d'Autriche dans le régime prévu par le traité concernant la libre circulation des marchandises et le marché intérieur. Le système d'écopoints serait un régime dérogatoire et temporaire, se terminant au plus tard en 2003, et l'acquis communautaire serait applicable «dans sa totalité» au terme de cette période transitoire, conformément à l'article 11, paragraphe 5, du protocole. Compte tenu de ces contraintes et des objectifs du protocole, l'échelonnement de la réduction des écopoints sur plusieurs années constituerait la seule interprétation logique du protocole.

90.
    Selon le gouvernement allemand, il ressort de l'article 11, paragraphe 3, deuxième phrase, du protocole, qui met sur un pied d'égalité le «bon fonctionnement du marché intérieur» et la «protection de l'environnement dans l'intérêt de la Communauté dans son ensemble», que la Commission ou le Conseil ne sont pas en droit, dans le cadre du mécanisme de réduction des écopoints prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, de prendre des mesures qui perturberaient gravement le bon fonctionnement du marché intérieur. En outre, le législateur communautaire disposerait, lors de l'adoption de dispositions de mise en .uvre dudit mécanisme de réduction, d'un pouvoir d'appréciation, ainsi que cela ressortirait des termes «mesures appropriées» figurant à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole. Si la Commission ou le Conseil étaient, en vertu de cette disposition, tenus de transposer le mode de calcul figurant à l'annexe 5, point 3, du protocole, sans pouvoir tenir compte de l'impact sur le marché intérieur, la référence à l'adoption de «mesures appropriées» serait superflue.

91.
    La Commission souligne que des circonstances exceptionnelles ont empêché les institutions communautaires d'appliquer le protocole à la lettre. Ces dernières se sont trouvées dans l'obligation de chercher une solution équitable et praticable pour procéder à la réduction des écopoints.

92.
    Pour la Commission, ces circonstances exceptionnelles procèdent des événements suivants: les statistiques autrichiennes n'ont été présentées à la Commission qu'en mars 2000 et le fait qu'elles ont été contestées par les États membres au point qu'aucun accord n'ait pu être trouvé au cours de la procédure du comité des écopoints doit être considéré comme une circonstance exceptionnelle. Même si cette éventualité n'est jamais totalement exclue, continue la Commission, elle ne pouvait éviter que la procédure dudit comité se déroule ainsi, puisqu'elle n'avait aucune raison, a priori, de douter de l'exactitude des statistiques ou de la méthode employée par la république d'Autriche et ne pouvait donc les modifier de sa propre autorité.

93.
    Les institutions se seraient donc trouvées dans une situation de force majeure. Cette notion aurait, en quelque sorte, un caractère relatif et flexible, fonction du contexte et d'une exigence d'équité.

94.
    Toujours selon la Commission, il fallait, dès lors, choisir entre trois attitudes:

a)    la réduction intégrale en une fois: cette option aurait eu l'inconvénient incontestable pour toutes les parties concernées de bloquer toute la circulation de transit jusqu'à la fin de l'année. Or, dans une situation de fait non prévue par le législateur, créée par un cas de force majeure, un texte législatif ne doit pas être appliqué «aveuglément» si d'autres solutions équitables et téléologiquement défendables existent;

b)    la réduction proportionnelle (soustraction des points correspondant au dernier trimestre): cette solution n'aurait pas été plus conforme au libellé du protocole, mais aurait eu l'inconvénient supplémentaire de faire perdre à la république d'Autriche une partie de la réduction (2/3) à laquelle elle avait droit selon le protocole;

c)    la réduction du nombre des écopoints répartis sur quatre ans: cette solution choisie par la Commission était, certes, contraire aux termes du protocole, mais n'impliquait pas de perte d'écopoints pour la république d'Autriche. Son droit à la quantité prévue par le protocole restait identique sans que la circulation de transit soit bloquée. Après un examen attentif de tous les intérêts en cause, la Commission a estimé que cette solution paraissait la plus équilibrée. Elle l'a proposée et le Conseil l'a suivie dans cette voie.

b)    Appréciation

95.
    En ce qui concerne les arguments tirés par le Conseil et les parties intervenantes du contexte et de la finalité du système des écopoints, nous voudrions reprendre, à titre de prise de position définitive en ce qui nous concerne, les considérations émises «au terme d'un premier examen» par M. le président de la Cour, aux points 87 à 93 de son ordonnance Autriche/Conseil, précitée.

96.
    M. le président s'est exprimé comme suit:

«87    L'objectif du système d'écopoints [.] est d'aboutir à une réduction de 60 % des émissions totales de NOx des camions qui traversent l'Autriche en transit durant la période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2003.

88    Cet objectif, énoncé à l'article 11, paragraphe 2, sous a), du protocole, avait déjà été fixé à l'article 15, paragraphe 3, de l'accord de 1992. Il résulte de l'article 15, paragraphes 1 et 2, de cet accord, que ledit objectif a été fixé afin de ‘réduire la pollution et le bruit causés par les camions qui transitent par le territoire autrichien’ et ce ‘[e]n vue d'assurer l'indispensable protection de la santé publique et de l'environnement’. Il ressort également de l'article 15, paragraphe 2, de l'accord de 1992 que, au moment de la mise en place du système d'écopoints, il a été estimé que la réduction des émissions de NOx serait considérée comme représentative pour apprécier la réduction de la pollution et du bruit.

89    Au terme d'un premier examen de l'article 11, paragraphe 4, du protocole, il apparaît que l'objectif de réduction de 60 % des émissions de NOx présente un caractère essentiel. En effet, cette disposition a prévu que, si la Commission, à la lumière de l'étude scientifique y prévue sur le degré de réalisation de cet objectif, arrivait à la conclusion que ce dernier avait été atteint de façon durable — ce qui n'a pas été le cas —, les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, du protocole cesseraient de s'appliquer au 1er janvier 2001, mais que, si, en revanche, la Commission arrivait à la conclusion que l'objectif de réduction de 60 % des émissions de NOx n'avait pas été atteint de façon durable — ce qui a été le cas —, le Conseil, statuant en conformité avec l'article 75 du traité CE (devenu, après modification, article 71 CE), pourrait arrêter des mesures assurant une protection équivalente de l'environnement, ‘notamment une réduction de la pollution de 60 %’.

90    Toutefois, le caractère essentiel de l'objectif de réduction des émissions de NOx dans le système d'écopoints ne paraît pas, en première analyse, de nature à modifier l'interprétation de l'article 11, paragraphe 2, sous c), en relation avec l'annexe 5, point 3, du protocole, telle qu'elle résulte du libellé même de ces dispositions. En effet, le mécanisme de réduction des écopoints que prévoient ces dernières est déclenché en cas de dépassement du seuil de trajets prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, et non pas d'un seuil d'écopoints ou d'émissions de NOx. [.]

91    En se fondant ainsi sur un seuil de trajets, l'article 11, paragraphe 2, sous c), et l'annexe 5, point 3, du protocole paraissent viser non seulement la réduction des émissions de NOx — objectif qui, au demeurant, ne peut qu'être favorisé par une réduction du nombre d'écopoints — mais aussi, à titre d'objectif complémentaire, une limitation du nombre de trajets, dont l'augmentation est considérée comme une perturbation qui doit être évitée.

92    Enfin, il n'apparaît pas, à première vue, que la divergence qui semble ainsi exister entre les dispositions précitées du protocole et celles du règlement attaqué puisse être justifiée par les exigences d'intégration de la république d'Autriche dans le marché intérieur.

93    En effet, les dispositions en cause du protocole établissent précisément un régime transitoire qui déroge, en tant que de besoin, aux règles de fonctionnement du marché intérieur. Certes, toute disposition d'un acte d'adhésion qui comporte une dérogation aux règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises doit recevoir une interprétation stricte (voir, arrêt du 3 décembre 1998, KappAhl, C-233/97, Rec. p. I-8069, point 18), en vue d'une réalisation plus facile des objectifs du traité et d'une application intégrale de ses règles (arrêt du 25 février 1988, Commission/Grèce, 194/85 et 241/85, Rec. p. 1037, point 20). Néanmoins, il n'en résulte pas qu'il soit possible d'effectuer une interprétation contraire au libellé clair de la disposition en cause.»

97.
    Si nous sommes ainsi d'accord avec le président de la Cour pour estimer qu'une interprétation allant directement à l'encontre du libellé de la disposition en cause, telle qu'un étalement de la réduction des écopoints sur quatre années, n'est pas admissible, nous voudrions, cependant, ajouter qu'il ne serait pas non plus compatible avec ce libellé de concentrer toute la réduction des écopoints sur un seul trimestre.

98.
    Il est incontestable que le législateur a voulu faire en sorte que la réduction des écopoints soit étalée sur une année et cela certainement dans le but de mettre en cause le moins possible l'objectif important du traité que constitue la libre circulation des marchandises.

99.
    Certes, il est vrai que l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole impose à l'institution qui prend la décision d'adopter «les mesures appropriées conformément au point 3 de l'annexe 5.(18)» Ce dernier point stipule que «le nombre d'écopoints pour l'année suivante(19) est établi comme suit» et il prévoit une formule mathématique axée sur l'hypothèse que la réduction serait étalée sur l'année qui suit celle au cours de laquelle le dépassement a eu lieu.

100.
    Mais, lorsque les trois quarts de l'année suivante se sont déjà écoulés sans qu'il y ait eu une réduction du nombre des trajets, et que la lettre de la disposition ne peut donc plus être respectée, nous estimons qu'il serait compatible avec la notion de «mesure appropriée» et plus conforme à l'esprit du système d'étaler la réduction sur une période de douze mois commençant à courir à la date de l'entrée en vigueur de la décision arrêtant le niveau de cette réduction, plutôt que de l'appliquer intégralement à un seul trimestre. De cette façon, on respecterait au moins la notion d'«année» à défaut de pouvoir respecter celle d'«année suivante».

101.
    Le gouvernement autrichien, lui-même, admet «qu'il aurait manifestement été possible d'appliquer le protocole sans créer de restriction sur le marché intérieur en adoptant des mesures moins contraignantes, par exemple un échelonnement de la réduction sur les seules années 2000 et 2001».

102.
    Comme le texte du point 3 de l'annexe 5 du protocole ne se réfère pas expressément à une année calendaire et comme l'effet utile du mécanisme de réduction aurait ainsi été préservé, nous pensons qu'une telle interprétation aurait, dans les circonstances ayant prévalu à l'époque, été compatible avec le protocole et son annexe 5. Les auteurs du protocole n'ont, en effet, pas pu prévoir que la comptabilisation des trajets pourrait donner lieu à des difficultés aussi grandes et entraîner un retard aussi considérable de la décision.

103.
    En revanche, en étalant la réduction sur une période de quatre années, le Conseil a totalement écarté le texte du protocole. C'est en vain qu'il invoque la force majeure pour justifier cette décision. Il ne décrit, en effet, aucune difficulté anormale, indépendante de sa volonté et imprévisible qui l'aurait obligé à procéder à cet étalement.

104.
    Nous concluons, dès lors, que l'article 1er du règlement attaqué doit être annulé.

B — Seconde branche du quatrième moyen: répartition des écopoints entre les États membres

105.
    Comme la répartition de la réduction sur quatre années est illégale, la répartition de celle-ci entre les différents États membres l'est forcément aussi.

106.
    Dès lors, c'est seulement à titre subsidiaire que nous examinerons si, comme le soutient le gouvernement autrichien, cette répartition est illégale parce qu'elle n'a pas affecté tous les États membres.

107.
    Cette analyse pourrait présenter un intérêt pour le cas où la Commission ou le Conseil seraient appelés une nouvelle fois à procéder à une réduction des écopoints à la suite d'un dépassement du seuil de 108 % qui serait intervenu au cours d'une année subséquente.

108.
    Rappelons, tout d'abord, que la répartition des écopoints entre le États membres n'a pas été opérée par le protocole, mais par le règlement n° 3298/94, et que le septième considérant du règlement attaqué est libellé de la manière suivante:

«Pour garantir la proportionnalité de la réduction du nombre d’écopoints, il convient [.] que les États membres qui ont le plus contribué au dépassement de 8 % du seuil fixé soient soumis à une diminution du nombre d’écopoints qui leur sont alloués, afin que la réduction totale puisse s’effectuer comme prévu. Cette mesure nécessite la révision de la clé de répartition des écopoints entre les États membres.»

109.
    En conséquence, l’article 2, point 4, du règlement attaqué a remplacé le tableau de répartition des écopoints par État membre qui figurait à l’annexe D du règlement n° 3298/94 par une nouvelle annexe D qui répartit les écopoints de manière dégressive sur la période 2000-2003.

a)    Arguments des parties

110.
    Le gouvernement autrichien considère que la nouvelle répartition des écopoints entre les États membres est incompatible avec le droit communautaire. En effet, en l'absence d'indications dans le protocole sur la méthode de répartition, celle-ci devrait être mise en oeuvre dans le cadre des principes généraux du droit, notamment le principe de solidarité, complété par les principes du pollueur-payeur et de proportionnalité.

111.
    Or, tout d'abord, le fait que, aux termes du règlement attaqué, la réduction des écopoints concerne uniquement les États membres qui ont contribué à l'augmentation considérable du trafic de transit à travers l'Autriche serait, par principe, fondamentalement incompatible avec le principe de solidarité.

112.
    Ensuite, le premier critère utilisé par le Conseil pour déterminer les principaux responsables de cette augmentation, à savoir la mesure dans laquelle les États membres ont contribué au dépassement du seuil prévu à l'article 11, paragraphe 2, sous c), du protocole, serait également incompatible avec le principe de proportionnalité.

113.
    En effet, il apparaîtrait disproportionné qu'un État membre qui a à peine dépassé ce seuil supporte une réduction de son contingent d'écopoints, alors qu'un État membre qui est resté juste en deçà du même seuil y échappe entièrement.

114.
    Enfin, quant au second critère, fondé sur l'évolution du trafic de transit en 1999 par rapport aux années 1995 à 1997, le gouvernement autrichien fait valoir que les années de référence ont été arbitrairement choisies.

115.
    Le Conseil fait valoir que, pour garantir la proportionnalité de la réduction, le règlement attaqué établit que seuls les États membres qui ont contribué au dépassement du seuil fixé sont soumis à une diminution du nombre d'écopoints alloués. Il rappelle que la clé de répartition des écopoints entre les États membres n'est pas établie par le protocole mais par un acte de droit dérivé, à savoir le règlement n° 3298/94. En modifiant celui-ci, le règlement attaqué n'aurait violé ni le traité CE ni le protocole.

116.
    Le gouvernement allemand souligne qu'il ressort de l'article 11, paragraphe 6, du protocole que le législateur communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation lors de la répartition des écopoints. Le protocole ne permettrait pas de déterminer lequel de ces principes, celui de solidarité ou celui du pollueur-payeur, doit avoir la priorité à cet égard.

117.
    La Commission fait valoir que le législateur communautaire a employé son pouvoir d'appréciation en décidant de répartir la diminution des écopoints de manière proportionnelle entre les États membres, en fonction de leur contribution au dépassement du seuil fixé. Cette approche serait conforme au principe du pollueur-payeur et n'aurait pas été choisie de manière arbitraire

b)    Appréciation

118.
    Selon l’article 11, paragraphe 6 du protocole, «la Commission, agissant conformément à la procédure fixée à l’article 16, arrête les modalités concernant les procédures relatives au système d’écopoints, à la distribution des écopoints(20) et aux questions techniques liées à l’application du présent article; [.]».

119.
    Le protocole ne donne pas d’indication quant à la méthode à suivre concernant le mode de répartition de la réduction des écopoints entre les États membres.

120.
    Il en résulte que les institutions disposent d’un certain pouvoir d’appréciation à cet égard, lequel n’est susceptible que d’un contrôle juridictionnel restreint.

121.
    Or, l’objet du système d'écopoints étant de réduire la pollution de l’environnement, il n’est ni manifestement arbitraire ni déraisonnable de faire supporter la réduction des écopoints par les seuls États membres qui ont contribué au dépassement du seuil de 8 %.

122.
    Nous parvenons ainsi, à titre subsidiaire, à la conclusion que le Conseil n’a pas dépassé la marge d’appréciation dont il dispose, et que la seconde branche du quatrième moyen doit être rejetée.

IX — Cinquième moyen (à titre subsidiaire): violation des dispositions légales et défaut de motivation dans l'application du mode de calcul visé à l'annexe 5, point 3, du protocole

123.
    Selon le gouvernement autrichien, la méthode de calcul de la réduction des écopoints qui a été retenue par le règlement attaqué serait incompatible avec les objectifs généraux du protocole et constituerait ainsi une violation de ce dernier et une application erronée du mode de calcul fixé à son annexe 5, point 3. L'utilisation de cette méthode de calcul aurait abouti à effectuer une réduction inférieure à ce que prévoirait le protocole. Le règlement attaqué serait, par ailleurs, entaché d'un grave défaut de motivation, étant donné qu'il ne comporterait pas d'indications concrètes sur la méthode de calcul sur laquelle est fondée la réduction des écopoints prévue à son article 1er.

124.
    Le Conseil, le gouvernement allemand et la Commission contestent ces affirmations.

125.
    Afin de rendre le problème intelligible, nous estimons indispensable de reprendre l’essentiel des explications fournies par la Commission dans la note relative au système d'écopoints, jointe en annexe 2 à son mémoire en intervention. Pour autant qu’elle décrit ce système et qu’elle résume les discussions qui ont eu lieu, cette note n’est pas contestée.

126.
    En premier lieu, la Commission nous rappelle que ledit système a ceci de particulier qu’il repose entièrement sur une seule source d’information, à savoir les statistiques fournies par les autorités autrichiennes. Le système électronique enregistre non seulement les 1,5 million de trajets en transit par an, mais également des trajets bilatéraux, dans les cas où les camions sont équipés d’une écoplaquette, ainsi que des trajets en transit pour lesquels le transporteur ne disposait pas d’écopoints et qui n’auraient, dès lors, pas dû avoir lieu. De ce fait, il est très difficile pour la Commission et pour les États membres de vérifier l’exactitude de ces statistiques.

127.
    En second lieu, il est constant qu’il résulte de la formule figurant à l’annexe 5, point 3, du protocole que, plus l’émission moyenne de NOx est basse, plus la réduction des écopoints prescrite pour l’année suivante est élevée (21).

128.
    Or, en août 2000 les autorités italiennes ont fait valoir que leurs calculs avaient montré que l’utilisation moyenne d’écopoints par trajet, n’avait pas été de 6,74, comme déclaré par les autorités autrichiennes, mais de 7,10.

129.
    À la suite de cette information, une réunion technique a eu lieu à Vienne (Autriche) au cours de laquelle il est apparu que lesdites autorités avaient calculé des valeurs moyennes qui étaient considérées comme incorrectes par la Commission et par les autres États membres. Pour calculer les moyennes d’écopoints utilisés, ces autorités avaient, en effet, pris le nombre total des écopoints «payés» et les avaient divisés par les nombre total de trajets enregistrés.

130.
    Ainsi, le nombre retenu en ce qui concerne les trajets effectués incluait non seulement les trajets effectués en transit pour lesquels les transporteurs avaient «payé» des écopoints, mais également les trajets en transit pour lesquels les transporteurs n’en avaient pas «payé». En incluant ces trajets — dits «au noir» — le chiffre relatif à l’utilisation moyenne des écopoints était ramené vers le bas puisque chacun de ces trajets «au noir» comportait une utilisation moyenne d’écopoints égale à zéro.

131.
    Le gouvernement autrichien soutient que c’est à juste titre que les trajets effectués au noir ont été inclus dans le calcul.

132.
    Le Conseil, le gouvernement allemand et la Commission font valoir que ceci n’est pas correct. Selon eux, si les trajets au noir comptent lorsqu’il s’agit de décider si le plafond de 108 % a été dépassé, ils ne peuvent, cependant, pas être pris en considération lorsqu’il s’agit de la réduction des écopoints.

133.
    Nous vous proposons d’accueillir cette thèse et de rejeter celle du gouvernement autrichien. Ainsi que la Commission l’a fait valoir, la méthodologie de l’annexe 5 du protocole se réfère, en effet, clairement aux «moyennes trimestrielles d’émission de NOx pour les camions» et il n’est pas correct d’affirmer que parce qu’un camion a payé un nombre d’écopoints égal à zéro, il n'a provoqué nulle émission de NOx lorsqu’il a traversé l’Autriche.

134.
    Lorsque cette erreur a été découverte, la Commission a recalculé les moyennes en excluant les trajets illégaux. Ceci a donné lieu à une nouvelle moyenne trimestrielle d’émissions de NOx de 6,9975 au lieu de 6,159.

135.
    Insérée dans la formule de l’annexe 5, point 3, du protocole, cette nouvelle valeur a conduit à une réduction des écopoints de 1,1 million d’écopoints au lieu de 2,1 millions. La Commission a, dès lors, modifié sa proposition en ce sens et nous estimons que, ce faisant, elle a agi correctement.

136.
    En entérinant cette proposition, le Conseil n’a, évidemment, pas non plus agi de manière arbitraire ou déraisonnable.

137.
    Le gouvernement autrichien fait encore valoir que le règlement attaqué serait affecté d’un grave défaut de motivation étant donné qu’il ne comporterait pas d’indications concrètes sur la méthode de calcul sur laquelle a été fondée la réduction des écopoints prévue à l’article 1er du règlement attaqué.

138.
    Il résulte, cependant, de la jurisprudence de la Cour «qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Il en est ainsi d’autant plus lorsque les États membres ont été étroitement associés au processus d’élaboration de l’acte litigieux et connaissent donc les raisons qui sont à la base de cet acte (voir arrêts du 17 octobre 1995, Pays-Bas/Commission, C-478/93, Rec. p. I-3081, points 49 et 50, et du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. II C-466/93, Rec. p. I-3799, point 16)» (22).

139.
    Or il est constant, par ailleurs, que c’est la république d'Autriche qui a fourni les statistiques sur lesquelles la proposition originaire de la Commission a été fondée, que ces données chiffrées ont été critiquées au cours de réunions du comité auxquelles les autorités autrichiennes ont participé, qu’une réunion spéciale avec ces autorités a eu lieu à Vienne et que la proposition modifiée a été expliquée par la Commission et discutée avec la participation de délégués autrichiens au sein du comité des écopoints et du Conseil.

140.
    Nous vous proposons donc de rejeter ce moyen.

X — Quant au maintien des effets du règlement

141.
    Les conclusions qui se dégagent de l’examen des six moyens invoqués par la république d'Autriche sont ainsi les suivantes.

142.
    À titre principal, la république d'Autriche a demandé l’annulation du règlement attaqué dans son ensemble. Cette demande doit être rejetée, car ledit règlement a été valablement adopté.

143.
    Par ailleurs, aucun grief n’a été formulé à l’encontre de l’article 2, point 2, du règlement attaqué, qui concerne le sort à réserver aux écopoints qui n’ont été ni utilisés ni restitués.

144.
    Il en va de même en ce qui concerne l’article 2, point 3 dudit règlement, qui charge la Commission de mettre en place un système de surveillance des activités entreprises par la république d'Autriche et les autres États membres afin d’améliorer le niveau de service du transport combiné à travers les Alpes.

145.
    À titre subsidiaire, la république d'Autriche a conclu à l'annulation des articles 1er et 2, points 1 et 4, du règlement attaqué.

146.
    Pour les raisons exposées ci-dessus, cette demande doit être accueillie.

147.
    Le Conseil demande, cependant, à la Cour, en cas d'annulation du règlement attaqué, de maintenir l'ensemble des effets de celui-ci.

148.
    Au cours de l'audience de plaidoiries, le gouvernement autrichien s'est rallié à cette demande.

149.
    Il en a été de même pour la Commission.

150.
    Pour notre part, nous vous proposons également de faire droit à cette demande, sauf en ce qui concerne l'article 2, point 1, du règlement attaqué (introduction définitive du principe de l'échelonnement des réductions sur plusieurs années).

151.
    L'annulation des articles 1er et 2, point 4, de ce règlement (pour l'ensemble des années 2000 à 2003 ou, selon notre thèse, pour les années 2002 et 2003) signifierait, en effet, que l'on retomberait automatiquement sous l'empire des dispositions correspondantes en vigueur antérieurement.

152.
    Pour ce qui est du nombre total d'écopoints, il s'agit de l'annexe 4 du protocole telle qu'elle a été modifiée, sur la base d'une habilitation expresse, par l'article 9 du règlement n° 3298/94.

153.
    Pour ce qui est de la répartition des écopoints entre les États membres, il s'agit des chiffres fixés à l'annexe D du même règlement.

154.
    Ceci aurait pour résultat paradoxal d'accroître le nombre des écopoints qui auraient dû être distribués dans le passé, ainsi que celui des écopoints qui doivent encore être distribués en 2003.

155.
    Or, du fait du dépassement du seuil de 108 %, la république d'Autriche avait droit à une réduction des écopoints. Celle-ci aurait, certes, dû intervenir au cours de l'année 2000 ou, au moins, dans les douze mois qui ont suivi la décision du Conseil. Mais, à défaut de cela, il est plus conforme à la logique du système de lui accorder la partie restante de cette réduction au cours des années subséquentes que de ne pas la lui accorder du tout.

156.
    Par ailleurs, le maintien des effets du règlement est également dans l'intérêt de la sécurité juridique, puisque le règlement attaqué a déjà sorti tous ses effets au cours des années 2000, 2001 et 2002, et que l'arrêt n'interviendra qu'au cours de l'année 2003.

XI — Conclusion

157.
    Sur la base des considérations qui précèdent, nous vous proposons, dès lors:

—     d'annuler les articles 1er et 2, points 1 et 4, du règlement (CE) n° 2012/2000 du Conseil, du 21 septembre 2000, modifiant l'annexe 4 du protocole n° 9 de l'acte d'adhésion de 1994 et le règlement (CE) n° 3298/94 en ce qui concerne le système des écopoints pour les camions de marchandises en transit à travers l'Autriche;

—     de maintenir les effets des articles 1er et 2, point 4, dudit règlement;

—     de rejeter le recours pour le surplus;

—     de condamner le Conseil aux dépens;

—     de déclarer que les gouvernements allemand et italien, ainsi que la Commission, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.


1: Langue originale: le français


2: -     —Accord entre la Communauté économique européenne et la république d'Autriche en matière de transit de marchandises par rail et par route - Déclarations communes - Échanges de lettres (JO 1992, L 373, p. 6).


3: -     —Arrangement administratif fixant la date et les modalités d'application du système d'écopoints prévu par l'accord entre la Communauté européenne et la république d'Autriche dans le domaine du trafic de transit de marchandises par route et par rail (JO 1993, L 47, p. 28).


4: -     —JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1.


5: -     —JO L 241, p. 18.


6: -     —Souligné par l'auteur.


7: -     —Souligné par l'auteur.


8: -     —JO L 341, p. 20.


9: -     —Souligné par l'auteur.


10: -     —Autriche/Conseil (C-445/00 R, Rec. p. I-1461).


11: -     —Postbank/Commission (T-353/94 R, Rec. p. II-1141).


12: -     —Voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 1997, Moskof (C-244/95, Rec. p. I-6441, point 39); du 18 novembre 1999, Pharos/Commission (C-151/98 P, Rec. p. I-8157, point 23), et du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 65).


13: -     —Voir arrêts du 17 octobre 1995, Pays-Bas/Commission (C-478/93, Rec. p. I-3081, points 48 et 49), et du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a. (C-22/94, Rec. p. I-1809, point 39).


14: -     —Arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C-301/97, Rec. p. I-8853, points 188 et 190).


15: -     —Souligné par l'auteur.


16: -     —Souligné par l'auteur.


17: -     —Voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1988, LAISA/Conseil (31/86 et 35/86, Rec. p. 2285, point 12).


18: -     —Souligné par l'auteur.


19: -     —Souligné par l'auteur.


20: -     —Souligné par l'auteur.


21: -     —La formule de l’annexe 5, point 3), rappelons-le, est la suivante: Les moyennes trimestrielles d’émission de NOx pour les camions durant l’année en cours, calculés conformément au point 2 ci-dessus, seront extrapolées pour déterminer l’émission moyenne de NOx prévue pour l’année suivante. La valeur prévue, multipliée par 0,0658 et par le nombre d’écopoints fixé à l’annexe 4 pour l’année 1991, constituera le nombre d’écopoints pour l’année en question. Ceci nous donne la formule suivante: [moyenne trimestrielle d’émission de NOx] x 0,0658 x 23 556 220, où la seule variable est la moyenne trimestrielle d’émissions de NOx. Ainsi, pour 2000, lorsque la moyenne théorique pour l’année est utilisée — à savoir 7,57 écopoints par voyage — la formule donne une valeur de 11 730 998 écopoints. Ceci constituant l’allocation théorique d’écopoints pour cette année. Toutefois lorsque la moyenne est réduite de 0,1 à 7,47, la formule donne un total de 11 575 998 — une réduction de 155 000 écopoints. D’une façon générale, toute réduction de 0,1 de la valeur moyenne d’émission de NOx correspond à une réduction de 155 000 écopoints, soit 1,3 % de l’allocation annuelle. Ainsi, plus la valeur moyenne d’émission de NOx est basse, plus la réduction des écopoints est grande.


22: -     —Arrêt du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, précité, point 188.