Language of document : ECLI:EU:T:2011:114


ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 mars 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des raccords en cuivre et en alliage de cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Infraction unique et continue – Participation à l’infraction »

Dans l’affaire T‑385/06,

Aalberts Industries NV, établie à Utrecht (Pays-Bas),

Comap SA, anciennement Aquatis France SAS, établie à La Chapelle‑Saint‑Mesmin (France),

Simplex Armaturen + Fittings GmbH & Co. KG, établie à Argenbühl‑Eisenharz (Allemagne),

représentées initialement par Mes R. Wesseling et M. van der Woude, puis par MWesseling, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Nijenhuis, V. Bottka et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 4180 de la Commission, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords), ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 février 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et décision attaquée

1        Par la décision C (2006) 4180, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 – Raccords) (résumé au JO 2007, L 283, p. 63, ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que plusieurs entreprises avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant, au cours de différentes périodes comprises entre le 31 décembre 1988 et le 1er avril 2004 à une infraction unique, complexe et continue aux règles communautaires de concurrence revêtant la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, qui couvraient le territoire de l’EEE. L’infraction consistait à fixer les prix, à convenir de listes de prix, de remises et de ristournes et de mécanismes d’application des hausses des prix, à répartir les marchés nationaux et les clients et à échanger d’autres informations commerciales ainsi qu’à participer à des réunions régulières et à entretenir d’autres contacts destinés à faciliter l’infraction.

2        Les requérantes, Aalberts Industries NV (ci-après « Aalberts »), Comap SA, anciennement Aquatis France SAS (ci-après « Aquatis »), et Simplex Armaturen + Fittings GmbH & Co. KG (ci-après « Simplex »), figurent parmi les destinataires de la décision attaquée.

3        Aalberts est la société mère d’un groupe industriel international cotée à la bourse Euronext d’Amsterdam (Pays-Bas). Elle contrôle, directement ou indirectement, le capital de plusieurs sociétés actives dans le secteur de la production ou de la distribution de raccords. Le 30 août 2002, Aalberts a acquis la totalité des activités de fabrication et de distribution de raccords d’IMI plc, alors qu’elles étaient regroupées dans « Yorkshire Fittings Group ». Cette opération consista notamment en l’acquisition de la totalité des actions de Raccord Orléanais SA (devenue par la suite Aquatis) et de R. Woeste & Co. Yorkshire GmbH (devenue par la suite Simplex). Ces deux entreprises ont été intégrées dans l’une des deux principales activités du groupe Aalberts, à savoir le contrôle des fluides.

4        En mars 2006, Comap, destinataire de la décision attaquée au titre de sa participation à l’infraction sous le contrôle de Legris Industries SA et partie requérante dans l’affaire T‑377/06, a été cédée au groupe Aalberts. Par courriel du 16 avril 2007, le Tribunal a été informé du fait que l’ensemble des actifs et des passifs d’Aquatis avait été cédé à Comap et qu’Aquatis avait cessé d’exister en tant qu’entité juridique. Afin d’assurer l’uniformisation des références à cette dernière avec celles qui y sont effectuées dans la décision attaquée, il sera également fait référence à Aquatis dans le présent arrêt.

5        Le 9 janvier 2001, Mueller Industries Inc., un autre producteur de raccords en cuivre, a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des raccords, et dans d’autres industries connexes sur le marché des tubes en cuivre, et de sa volonté de coopérer au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 ») (considérant 114 de la décision attaquée).

6        Les 22 et 23 mars 2001, dans le cadre d’une enquête concernant les tubes et les raccords en cuivre, la Commission a effectué, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), des vérifications inopinées dans les locaux de plusieurs entreprises, dont IMI, alors société mère de Raccords Orléanais et de R. Woeste & Co. Yorkshire (considérant 119 de la décision attaquée).

7        À la suite de ces premières vérifications, la Commission a, en avril 2001, scindé son enquête portant sur les tubes en cuivre en trois procédures distinctes, à savoir la procédure relative à l’affaire COMP/E‑1/38.069 (Tubes sanitaires en cuivre), celle relative à l’affaire COMP/F‑1/38.121 (Raccords) et celle relative à l’affaire COMP/E‑1/38.240 (Tubes industriels) (considérant 120 de la décision attaquée).

8        Les 24 et 25 avril 2001, la Commission a effectué d’autres vérifications inopinées dans les locaux de Delta plc, société à la tête d’un groupe de génie international dont le département « Ingénierie » regroupait plusieurs fabricants de raccords. Ces vérifications portaient uniquement sur les raccords (considérant 121 de la décision attaquée).

9        À partir de février/mars 2002, la Commission a adressé aux parties concernées plusieurs demandes de renseignements en application de l’article 11 du règlement nº 17, puis de l’article 18 du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérant 122 de la décision attaquée).

10      En septembre 2003, IMI a présenté une demande visant à bénéficier de la communication sur la coopération de 1996. Cette demande a été suivie par celles du groupe Delta (mars 2004) et de FRA.BO SpA (juillet 2004). La dernière demande de clémence a été présentée en mai 2005 par Advanced Fluid Connections plc (ci-après « AFC »). FRA.BO a notamment fourni des informations attirant l’attention de la Commission sur le fait que l’infraction s’était poursuivie au cours de la période 2001-2004, c’est-à-dire après les vérifications de celle-ci (considérants 115 à 118 de la décision attaquée).

11      Le 22 septembre 2005, la Commission a, dans le cadre de l’affaire COMP/F‑1/38.121 (Raccords), engagé une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs, laquelle a notamment été notifiée aux requérantes (considérants 123 et 124 de la décision attaquée).

12      Le 20 septembre 2006, la Commission a adopté la décision attaquée.

13      À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté que les requérantes avaient participé à l’infraction pour les périodes suivantes :

–        du 25 juin 2003 au 1er avril 2004, en ce qui concerne Aalberts ;

–        du 31 janvier 1991 au 22 mars 2001, en tant que membres du groupe IMI, et, du 25 juin 2003 au 1er avril 2004, en tant que membres du groupe Aalberts, en ce qui concerne Aquatis et Simplex.

14      Pour cette infraction, la Commission a, à l’article 2, sous a) et b), de la décision attaquée, infligé aux requérantes les amendes suivantes :

« a)      [Aalberts] : 100,80 millions d’euros

dont solidairement avec :

[Aquatis] : 55,15 millions d’euros et

[Simplex] : 55,15 millions d’euros

b)      1. [IMI], solidairement avec IMI Kynoch Ltd : 48,30 millions d’euros

dont solidairement avec :

[…]

[Aquatis] : 48,30 millions d’euros ; et

[Simplex] : 48,30 millions d’euros

2. [Aquatis] et [Simplex] sont responsables solidairement pour le montant supplémentaire de :       2,04 millions d’euros. »

15      En vertu de l’article 3 de la décision attaquée, les entreprises visées à l’article 1er de celle-ci étaient tenues de mettre immédiatement fin à l’infraction si elles ne l’avaient déjà fait et de s’abstenir à l’avenir de tout acte ou comportement tels que décrits à l’article 1er, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

16      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chaque entreprise, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

17      S’agissant, d’abord, de la fixation du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, en raison de sa nature même et de sa portée géographique (considérant 755 de la décision attaquée).

18      Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se fondant à cet effet sur leur importance relative sur le marché en cause déterminé par leurs parts de marché. Sur cette base, elle a réparti les entreprises concernées en six catégories, en s’appuyant sur les parts respectives du chiffre d’affaires réalisé par chacune des entreprises avec le produit concerné par la présente procédure à l’échelle de l’EEE pendant l’année 2000, sauf en ce qui concerne Aalberts et AFC, pour lesquelles elle a pris en considération l’année 2003 (considérant 758 de la décision attaquée).

19      Aalberts a été classée dans la première catégorie, catégorie pour laquelle le montant de départ a été fixé à 60 millions d’euros, tandis qu’IMI a été classée dans la deuxième catégorie, pour laquelle le montant de départ a été fixé à 46 millions d’euros (considérant 765 de la décision attaquée).

20      Ensuite, la Commission a majoré de 10 % par année de participation à l’entente le montant de départ de l’amende infligée à chaque entreprise en cause et, le cas échéant, de 5 % pour toute période comprise entre six mois et un an. S’agissant de la période comprise entre le 31 décembre 1988 et le 31 janvier 1991, la Commission a considéré approprié, en raison de la portée géographique limitée de l’entente à cette époque, de majorer l’amende de 5 % par an (considérant 775 de la décision attaquée).

21      Enfin, la poursuite de la participation à l’infraction après les inspections de la Commission, à savoir durant la période comprise entre le 25 juin 2003 et le 1er avril 2004, a été considérée comme une circonstance aggravante justifiant l’application d’une majoration de 60 % du montant de base de l’amende infligée aux requérantes (considérants 779 et 782 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 décembre 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité la Commission à déposer certains documents, ce qu’elle a fait dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 2 février 2010.

25      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, l’article 2, sous a) et b), point 2, et l’article 3 de la décision attaquée, dans la mesure où ces dispositions les concernent ;

–        subsidiairement, réduire sensiblement le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

27      À l’appui du recours, les requérantes avancent cinq moyens, tirés, respectivement, de :

–        l’illégalité de l’imputation à Aalberts de la responsabilité de l’infraction en tant que société mère ;

–        l’absence d’infraction à l’article 81 CE ;

–        l’absence de participation à l’infraction unique, complexe et continue visée à l’article 1er de la décision attaquée ;

–        la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 et des lignes directrices de 1998 ;

–        la violation de l’article 2 du règlement n° 1/2003 et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18).

28      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’analyser d’abord les deuxième et troisième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’infraction à l’article 81 CE

 Arguments des parties

29      Les requérantes estiment que la Commission n’a pas prouvé à suffisance de droit que les contacts d’Aquatis et de Simplex avec leurs concurrents, sur lesquels la Commission s’est fondée dans la décision attaquée, constituaient une infraction à l’article 81 CE.

30      À cet égard, les requérantes font tout d’abord remarquer que la constatation, à l’article 1er de la décision attaquée, de la prétendue participation d’Aquatis à l’infraction au cours de la période allant du 25 juin 2003 au 1er avril 2004, a été exclusivement fondée sur sa participation à cinq réunions du comité logistique de la Fédération française des négociants en appareils sanitaires, chauffage, climatisation et canalisations (FNAS), tenues entre le 25 juin 2003 et le 20 janvier 2004 et à une conférence téléphonique du 16 février 2004 qui serait également intervenue dans le cadre de la FNAS.

31      Premièrement, elles soulignent que les réunions du comité logistique de la FNAS ont été organisées à la demande des grossistes français, qui avaient exprimé le souhait de proposer à leur clientèle un nombre plus restreint d’articles de robinetterie par emballage, ce qui aurait entraîné des coûts supplémentaires et donc une hausse de prix des produits. Hormis les questions techniques relatives à la mise en place du nouvel emballage et les questions d’organisation s’y référant, ont également été abordées pendant ces réunions les questions financières liées au nouveau conditionnement des articles de robinetterie. Contrairement à ce que fait valoir la Commission, ces réunions n’auraient pas eu un objectif anticoncurrentiel. Selon les requérantes, l’observation d’AFC, dans le contexte de sa demande de clémence, va dans le même sens.

32      Deuxièmement, les requérantes non seulement soulignent le fait que les éléments de preuve invoqués par la Commission à l’appui de sa conclusion relative à l’existence d’un accord anticoncurrentiel consistent en des procès-verbaux de réunions établis par un représentant du comité logistique de la FNAS et non signés par les représentants des sociétés ayant participé à ces réunions, mais contestent également l’interprétation qu’en a faite la Commission.

33      Selon elles, il ressort desdits procès-verbaux que les échanges de vues au sein du groupe de travail du comité logistique de la FNAS n’ont pas abouti à la conclusion d’un accord et n’ont entraîné aucun échange d’informations confidentielles.

34      En ce qui concerne Simplex, les requérantes font valoir que la prétendue participation à l’infraction, au cours de la période allant du 25 juin 2003 au 1er avril 2004, n’est fondée que sur deux événements, à savoir une conversation téléphonique avec FRA.BO le 25 février 2004 et un échange de vues lors de la foire commerciale d’Essen (Allemagne) le 18 mars 2004.

35      S’agissant, premièrement, de l’entretien téléphonique entre Mme P. (FRA.BO) et M. W. (Simplex), les requérantes font remarquer que le seul document de l’époque invoqué par la Commission à l’encontre de Simplex est constitué par des notes prises dans l’agenda de Mme P., en date du 25 février 2004. Ces notes seraient ambiguës et ne permettraient de tirer aucune conclusion. L’ambiguïté desdites notes ainsi que celle de l’explication de FRA.BO auraient conduit la Commission à constater, au considérant 511 de la décision attaquée, que la hausse de prix avait été confirmée par l’importateur indépendant de Simplex (M. D.). Une telle interprétation impliquerait que M. W. ait informé Mme P., le 25 février 2004, que M. D. avait décidé d’augmenter ses prix de 5 % dès le 1er mars 2004. Dans la mesure où cela aurait été le cas, l’information relative à la politique commerciale de M. D., et non à celle des requérantes, aurait déjà été diffusée sur le marché. L’explication alternative de la Commission avancée dans le mémoire en défense, à savoir que l’expression « confirmé par [D.] » aurait concerné probablement une déclaration de M. W. selon laquelle la hausse de prix s’appliquerait aux ventes de Simplex effectuées par l’intermédiaire de M. D. montrerait là encore que la Commission aurait omis de procéder à l’analyse des éléments de fait et des allégations formulées.

36      S’agissant, deuxièmement, de la conversation, lors de la foire commerciale d’Essen le 18 mars 2004, entre M. Ha. (IBP Ltd) et MM. H. et Be., respectivement consultant et salarié auprès de Simplex, les requérantes font valoir que le seul élément de preuve serait le souvenir qu’en avait gardé M. Ha. Selon ce dernier, il aurait eu de brefs entretiens avec MM. H. et Be. ainsi qu’avec M. K. (Comap), qui l’auraient questionné sur les intentions d’IBP concernant une hausse de prix, ce à quoi il leur aurait répondu qu’IBP se proposait d’augmenter les prix à la fin du mois. Il aurait également déclaré qu’il en avait déjà informé sa clientèle, de sorte que l’information n’aurait plus été confidentielle.

37      À cet égard, les requérantes font valoir que, en premier lieu, la déclaration de M. Ha. n’est confirmée par aucun autre élément de preuve et, en second lieu, l’idée centrale de ladite déclaration a été contestée par MM. H. et Be. Les déclarations de ces derniers seraient confirmées par le fait que, bien avant le 18 mars 2004, Simplex avait déjà arrêté et mis en œuvre une hausse des prix en l’annonçant à sa clientèle. Selon les requérantes, il n’existait donc aucun motif pour que M. H. ou M. Be. demandent à être informés des intentions de M. Ha.

38      En outre, la déclaration unilatérale faite par M. Ha. concernant un projet de hausse de prix ne contiendrait pas d’élément donnant à penser qu’il existait un accord ou une pratique concertée au sens de l’article 81 CE. De plus, l’information donnée par M. Ha. ne pourrait être tenue pour délicate sur le plan commercial, puisque celle-ci était déjà connue sur le marché.

39      Enfin, les requérantes soulignent l’absence d’éléments de preuve relatifs à d’autres périodes. Dans ce contexte, les requérantes font référence à de prétendus contacts entre Mme P. et des salariés de Comap, de Simplex et d’Aquatis. À cet égard, elles font valoir qu’il s’agissait de « trois entretiens anodins », qui n’ont conduit à aucune infraction à l’article 81 CE.

40      La Commission rétorque que, en ce qui concerne les preuves de la collusion dans le cadre des réunions de la FNAS auxquelles Aquatis a participé, elle a fondé ses constatations sur les procès-verbaux desdites réunions. Par ailleurs, il n’y aurait aucune raison de douter de la crédibilité de ces procès-verbaux.

41      Quant à Simplex, la Commission estime que les notes prises dans l’agenda de Mme P. sont claires et ne laissent aucun doute quant à la teneur de la discussion entre celle-ci et M. W., à savoir la hausse de prix de 5 % en Grèce.

42      S’agissant des échanges de vues lors de la foire commerciale d’Essen, le 18 mars 2004, la Commission souligne également que le contact entre M. Ha. et les représentants de Simplex n’était pas « unilatéral », puisque M. Ha. a précisé, en réponse à une question des représentants de Simplex, qu’IBP avait prévu une augmentation des prix à la fin du mois. De plus, d’un point de vue commercial, il s’agirait d’une information sensible et assez précise en ce qui concerne la date d’application. Même si, comme le font valoir les requérantes, Simplex avait déjà décidé d’une hausse de prix en ce qui la concernait, la tentative de réduire l’incertitude quant au succès de son propre comportement sur le marché serait toutefois anticoncurrentielle, car elle serait contraire à l’exigence d’un comportement autonome sur le marché.

43      Enfin, la Commission fait observer que la seule conclusion qui puisse être tirée des preuves concernant les réunions de la FNAS, la foire commerciale d’Essen et l’échange de vues concernant le marché grec est que les requérantes ont recommencé à participer à l’infraction unique, complexe et continue qui avait débuté en 1988.

 Appréciation du Tribunal

44      À titre liminaire, le Tribunal rappelle, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a été commise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20). L’existence d’un doute dans l’esprit du juge de l’Union européenne doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge de l’Union ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 215).

45      Il est également de jurisprudence constante que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

46      Par ailleurs, il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus de réunions, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices, qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 51).

47      À cet égard, il est à noter que les déclarations effectuées dans le cadre de la politique de clémence jouent un rôle important. Ces déclarations effectuées au nom d’entreprises ont une valeur probante non négligeable, dès lors qu’elles induisent des risques juridiques et économiques considérables (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 45 supra, points 205 et 211, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 46 supra, point 103). Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 45 supra, point 219, et la jurisprudence citée).

48      En l’espèce, l’existence des comportements reprochés par la Commission, à savoir la participation aux réunions de la FNAS, les contacts entre un salarié d’une des requérantes et un représentant de FRA.BO ainsi que les contacts pris lors de la foire d’Essen, n’est pas contestée. Les requérantes contestent en revanche le caractère anticoncurrentiel de ces comportements, condition sine qua non pour constater une infraction à l’article 81 CE.

49      Il convient, par conséquent, de déterminer si les comportements constatés après les inspections de la Commission en mars 2001 doivent être qualifiés de contacts anticoncurrentiels.

50      En ce qui concerne Simplex, il convient de rappeler que la Commission a retenu deux événements à l’encontre de Simplex afin de conclure que cette dernière avait participé à l’infraction reprochée à l’article 1er de la décision attaquée pendant la période comprise entre le 25 juin 2003 et le 1er avril 2004 (ci-après la « période litigieuse »), à savoir un contact téléphonique entre Mme P. (FRA.BO) et M. W. (Simplex) au cours du premier semestre de l’année 2004 et une rencontre lors de la foire d’Essen, le 18 mars 2004.

51      Selon le considérant 511 de la décision attaquée, M. W. aurait, en avril 2004, informé FRA.BO d’une possible augmentation de prix de 5 % sur le marché grec. M. W. aurait demandé à FRA.BO de le contacter afin de s’accorder sur cette augmentation. Avant ce contact, lors d’une conversation téléphonique le 25 février 2004, M. W. aurait informé Mme P. qu’une augmentation de prix de 5 % allait entrer en vigueur le 1er mars 2004. Cette augmentation aurait été confirmée par M. D., l’importateur grec de Simplex.

52      Il y a lieu, tout d’abord, de constater que la conclusion de la Commission selon laquelle Simplex aurait participé à l’entente pour toute la période litigieuse n’est étayée par aucun élément de preuve en ce qui concerne l’année 2003. En effet, la Commission s’est uniquement fondée sur les événements mentionnés précédemment, lesquels ont tous eu lieu en 2004.

53      Certes, il ressort de la demande de clémence de FRA.BO, telle qu’elle a été résumée au considérant 506 de la décision attaquée, que celle-ci a déclaré que, postérieurement aux inspections de la Commission, les échanges d’informations sensibles entre les concurrents s’étaient poursuivis, surtout au moyen de contacts bilatéraux. FRA.BO a fait remarquer notamment que « ces contacts avaient [eu] lieu avec plusieurs personnes et, en particulier M. [W.] (IMI/Aalberts) et M. [L.] de Comap ».

54      Toutefois, il est à noter que FRA.BO n’a pas présenté de preuves documentaires qui démontreraient que Simplex avait eu des conversations téléphoniques fréquentes avec ses représentants. Or, sur les relevés des appels téléphoniques de Mmes P. et B. (FRA.BO), relatifs aux années 2002 à 2004, annexés à la réponse de FRA.BO à la communication des griefs, le nom de M. W. n’est pas mentionné.

55      Ensuite, il y a lieu de constater que l’agenda de 2004 de Mme P. (FRA.BO) contient quelques notes manuscrites dont uniquement une série d’entre elles concerne Simplex, à savoir celle portant sur un contact téléphonique avec M. W. le 25 février 2004. Dans ce cadre, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a fait allusion à un contact qui aurait eu lieu fin avril, probablement le 29 avril 2004, entre M. W. et Mme P. Mis à part le fait que ce prétendu contact a eu lieu après la date de la fin de l’infraction retenue par la Commission dans la décision attaquée, il est à relever que lesdites notes manuscrites n’indiquent pas qu’il s’agit d’un contact avec M. W. En outre, à supposer même qu’il s’agisse d’un contact avec M. W., ces notes manuscrites n’indiquent pas qu’il a annoncé une hausse de prix concernant le marché grec.

56      En effet, il s’est avéré que FRA.BO avait confondu différentes notes manuscrites lors de sa demande de clémence. À cet égard, il ressort des observations initiales de FRA.BO, du 14 juillet 2004, qu’elle avait déclaré qu’un directeur d’IMI, M. W., l’avait informée fin avril 2004 d’une éventuelle hausse de prix sur le marché grec et qu’il avait demandé à en parler plusieurs jours plus tard en vue de conclure un accord (mettersi d’accordo). L’allusion faite à la conclusion d’un accord se trouvait dans une troisième série de notes manuscrites figurant dans l’agenda de Mme P., à savoir celle concernant une conversation téléphonique ayant eu lieu le 29 avril 2004 avec uniquement M. B., d’une part, et avec M. Hu., d’autre part, et que la conclusion d’un accord aurait dû être placée dans le cadre d’une relation fournisseur-client (Aquatis/Raccord Orléanais-FRA.BO).

57      Par son mémorandum du 25 janvier 2005, FRA.BO a modifié sa position et a déclaré qu’une conversation téléphonique entre M. W. et Mme P. avait eu lieu le 25 février 2004, au cours de laquelle une hausse de prix sur le marché grec avait été débattue. M. W. avait également annoncé que la hausse de prix de 5 % avait été confirmée dès le 1er mars 2004 en ce qui concerne M. D.

58      Or, il ressort du point 508 de la communication des griefs que la Commission n’a pas pris en compte la confusion qui avait été faite entre les trois différentes séries de notes manuscrites visées aux points 55 et 56 ci-dessus. De même, nonobstant les observations des requérantes concernant cette confusion, dans leur réponse à la communication des griefs, la Commission n’a pas corrigé cette erreur au considérant 511 de la décision attaquée, hormis en ce qui concerne quelques changements mineurs (voir point 51 ci-dessus).

59      Partant, il y a lieu de constater que le seul élément de preuve concernant le contact entre Simplex et FRA.BO pendant la période litigieuse est la série de notes manuscrites du 25 février 2004 dans l’agenda de Mme P. (FRA.BO), évoquée au considérant 511 de la décision attaquée, qui contient l’indication « Parlé à [W.] x hausse en Grèce confirmée x [D.] + 5 à compter du 1er mars 2004 ».

60      À cet égard, il y a lieu de constater que les notes manuscrites du 25 février 2004 indiquent qu’il y a bien eu un échange de vues ce jour-là concernant des prix. Toutefois, ces notes manuscrites ne sont pas claires en ce qui concerne l’identité de celui qui a décidé d’augmenter les prix. Il n’est pas exclu que ce soit l’importateur indépendant de Simplex (M. D.) qui ait décidé d’augmenter ses prix de 5 % dès le 1er mars 2004.

61      Étant donné que le contact avec M. W. n’a fait l’objet que d’une seule série de notes manuscrites dans l’agenda de Mme P., mentionnée au point 59 ci-dessus, cette série de notes manuscrites ne suffisait pas, à elle seule, à prouver la participation de Simplex à l’infraction reprochée en l’espèce. En effet, il ne saurait être exclu que ce contact puisse être considéré comme un incident isolé. Par ailleurs, comme cela a déjà été constaté ci-dessus, cette seule série de notes manuscrites ne pourrait pas non plus démontrer l’implication de Simplex à l’entente en 2003.

62      S’agissant du deuxième événement retenu à l’encontre de Simplex, à savoir la rencontre de M. Ha. (IBP) avec deux représentants de Simplex lors de la foire d’Essen le 18 mars 2004, évoquée au considérant 520 de la décision attaquée, il ressort de la déclaration de M. Ha., du 28 novembre 2005, figurant en annexe à la réponse d’AFC à la communication des griefs et rectifiée par la suite en ce qui concerne la date de cet événement, cette foire s’étant tenue en mars 2004 et non en 2002 comme cela avait été indiqué dans la demande de clémence, qu’il aurait répondu à une question liée aux prix d’IBP. M. Ha. a déclaré se souvenir d’avoir eu une brève discussion avec MM. H. et Be. (Simplex) et d’une autre avec M. K. À cet égard, il a fait la déclaration suivante :

« Ils m’ont interrogé sur les intentions d’IBP Allemagne en matière de prix et je leur ai dit que nous prévoyions de les augmenter à la fin du mois. L’augmentation était due à l’augmentation des coûts des matières premières. Il n’y a pas eu de discussion concernant le montant de l’augmentation ou quant au moment où cette augmentation entrerait en vigueur, mais uniquement que nous le ferions. À partir de là, je pense que j’avais déjà annoncé aux clients qu’il y aurait une augmentation, de sorte que l’information aurait cessé d’être confidentielle. Des rumeurs ont peut-être circulé et c’est ce qui les a peut-être incités à me questionner au sujet de l’augmentation des prix. Ils n’auraient pu être en mesure de confirmer ce fait uniquement en demandant aux clients une copie de la liste des prix officiels d’IBP Allemagne, car cette dernière n’a été rendue publique que le 30 mars 2004 […] ».

63      Toutefois, il y a lieu d’observer que les requérantes contestent l’existence d’un contact de nature anticoncurrentielle. À cette fin, elles ont produit, lors de la procédure administrative deux déclarations qui contredisent celle de M. Ha.

64      Les requérantes ont produit celle de M. H., lequel a déclaré ce qui suit:

« Je me souviens avoir rencontré M. [Ha.] au stand de Woeste et d’avoir parlé avec lui, mais en aucun cas je ne lui ai demandé une information concernant une potentielle augmentation de prix d’IBP Allemagne. Autant que je m’en souvienne, M. [Ha.] n’a pas non plus abordé ce sujet. »

65      De même, les requérantes ont produit la déclaration de M. Be., lequel a expliqué que, bien qu’il ne se souvenait plus avec certitude avoir rencontré M. Ha. à cette foire, il ne pouvait cependant exclure l’avoir vu, même s’il n’avait aucun souvenir d’avoir parlé spécifiquement des prix.

66      Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’une déclaration faite dans le cadre d’une demande de clémence ne suffit pas en soi comme élément de preuve si l’exactitude de cette déclaration a été contestée (voir point 47 ci-dessus).

67      À cet égard, le Tribunal estime que, contrairement à ce qu’a fait valoir la Commission lors de l’audience, la déclaration de M. Ha. n’est pas plus crédible que celles de MM. H. et Be., deux représentants d’une des requérantes. Le fait que tant IBP que les anciennes filiales d’IMI auraient eu une attitude anticoncurrentielle dans le passé, caractérisée par des échanges de vues concernant les prix, ne suffit pas, s’agissant des événements survenus lors de cette foire, à donner plus de valeur à la déclaration de M. Ha. qu’à celle dont se prévalent les requérantes. Dès lors, il y a lieu de conclure que, à défaut d’autres indices, le prétendu contenu anticoncurrentiel du contact pris entre un représentant d’IBP et ceux des requérantes n’a pas été prouvé à suffisance de droit.

68      Il résulte de ce qui précède que la participation de Simplex à une infraction à l’article 81 CE au cours de la période litigieuse n’a pas été prouvée à suffisance de droit.

69      Il s’ensuit que l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé en ce que la Commission y a constaté que Simplex avait participé à une infraction unique, complexe et continue pendant la période litigieuse.

70      En ce qui concerne la prétendue participation d’Aquatis à l’infraction, le Tribunal estime opportun d’examiner cette question dans le cadre de l’analyse du troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de participation à l’infraction unique, complexe et continue visée à l’article 1er de la décision attaquée

 Arguments des parties

71      Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas prouvé l’existence d’une infraction unique, complexe et continue s’étant poursuivie après les inspections de mars 2001, que celle-ci n’est pas parvenue à établir l’existence d’un lien objectif entre le comportement d’Aquatis et un « système restrictif global » et que celle-ci n’a pas prouvé qu’Aquatis connaissait ou aurait dû connaître l’existence d’un tel système.

72      Les requérantes font remarquer que, en mars 2001, les inspections de la Commission ont mis fin aux réunions dites « Super EFMA », organisées avant ou après les réunions de l’European Fittings Manufacturers Association (EFMA, Association européenne des producteurs de raccords), et à l’« entente de longue durée ». Néanmoins, la Commission aurait persisté à croire que Raccord Orléanais (devenue par la suite Aquatis) avait violé l’article 81 CE de juin 2003 au 1er avril 2004. Selon la Commission, les contacts signalés par FRA.BO auraient prouvé que l’infraction unique, complexe et continue n’avait pas cessé.

73      Dans ce contexte, les requérantes rappellent que le recours au concept d’infraction unique, complexe et continue déroge à la règle selon laquelle la Commission est tenue de prouver les modalités exactes de participation d’une entreprise à une infraction. Cela, comme toute autre dérogation à une règle fondamentale, impliquerait une interprétation restrictive. En l’espèce, l’approche retenue par la Commission serait contraire à la présomption d’innocence, car elle déboucherait sur une situation dans laquelle toute série de contacts apparemment indépendants entre les concurrents serait assimilable à une infraction unique, complexe et continue.

74      Elles invoquent également les affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann/Commission (T‑295/94, Rec. p. II‑813, point 121), et du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/,94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 773). Il s’ensuit, selon les requérantes, qu’il aurait tout d’abord fallu établir en quoi consistait le « système commun » et dans quelle mesure ce dernier aurait effectivement été maintenu après les inspections de 2001. Ensuite, il aurait été nécessaire de démontrer que le comportement des requérantes était lié à ce « système commun » et, enfin, que la Commission aurait dû prouver qu’Aquatis savait ou pouvait vraisemblablement savoir qu’elle participait, par son comportement, à une infraction unique, complexe et continue ayant débuté avant les inspections de la Commission.

75      Premièrement, les requérantes soutiennent que la structure et la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue ainsi que les événements survenus postérieurement à 2001 seraient complètement différents.

76      L’« entente ‘Super EFMA’ », telle qu’elle aurait fonctionné avant les inspections de mars 2001, aurait été caractérisée par une organisation à trois niveaux, à savoir au niveau paneuropéen, au niveau national ou au niveau régional et de façon bilatérale, et portait sur des échanges de vues ainsi que sur des accords concernant les structures de prix et les listes de prix pour certains marchés. Au total, 27 producteurs d’articles de robinetterie en cuivre englobant treize États membres auraient été impliqués, dont trois (IBP, IMI et Comap) auraient été responsables de l’organisation et de l’administration des réunions dites « Super EFMA ». En outre, ces réunions auraient eu lieu non seulement avant les réunions de l’EFMA, mais également chaque fois que l’évolution du marché l’exigeait.

77      En revanche, la prétendue poursuite de l’infraction unique, complexe et continue au cours de la période comprise entre mars 2001 et avril 2004 serait caractérisée, selon la Commission, par des contacts téléphoniques entre AFC et FRA.BO et entre Comap et FRA.BO, par trois appels téléphoniques entre les « sociétés apparentées à Aalberts et à FRA.BO », par trois contacts bilatéraux entre Comap et FRA.BO, par deux contacts bilatéraux lors d’une foire commerciale en mars 2004 entre IBP et Simplex et entre IBP et Comap ainsi que par des réunions du comité logistique de la FNAS portant sur l’emballage des produits et auxquelles ont été invités les producteurs d’articles de robinetterie en France.

78      Les requérantes contestent que les contacts mentionnés précédemment et la série de réunions des grossistes en France prouvent à suffisance de droit l’existence d’une infraction unique, complexe et continue à l’article 81 CE et que cette « infraction présumée » constitue la même infraction que celle ayant eu lieu avant les inspections de la Commission. À cet égard, elles soulignent que de nombreuses entreprises, dont IMI, ainsi que l’aurait établi la Commission, avaient cessé de participer à l’« infraction présumée » après les inspections de la Commission. Du reste, le secteur aurait complètement été restructuré en 2003. De même, la plupart des principales personnes ayant participé à l’organisation et au fonctionnement des réunions « de haut niveau », telles que celles ayant eu lieu au cours de la période antérieure aux inspections de la Commission, n’auraient pas participé à l’organisation et au fonctionnement des contacts anticoncurrentiels présumés au cours de la période consécutive auxdites inspections. En outre, une entente dans le secteur des articles de robinetterie en cuivre n’aurait eu de sens que si elle concernait tous les États membres, ce qui n’aurait pas été le cas après 2001, quelle que soit la lecture ou l’interprétation des éléments invoqués au considérant 566 de la décision attaquée.

79      Deuxièmement, dans le cas où le Tribunal estimerait que la Commission a réussi à prouver que le système général de l’entente avait été maintenu après mars 2001, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi que le comportement d’Aquatis était lié à ce système.

80      Troisièmement, la Commission n’aurait pas non plus établi qu’Aquatis savait ou aurait dû savoir que, en nouant des contacts avec des concurrents dans le contexte des réunions de la FNAS, elle adhérait à l’« entente ‘Super EFMA’ ». Dans la décision attaquée, la Commission se serait limitée à déclarer que les requérantes étaient informées des inspections, ce que celles-ci ne nient pas. Les requérantes soulignent cependant que, en août 2002, lorsqu’Aalberts a acquis la totalité des activités de fabrication et de distribution des raccords d’IMI, elle se serait assurée qu’IMI et ses filiales, dont Raccord Orléanais, faisant désormais partie d’Aquatis, et R. Woeste & Co. Yorkshire, faisant désormais partie de Simplex, avaient effectivement cessé de participer à l’infraction.

81      La Commission rétorque qu’elle a, dans la décision attaquée, longuement expliqué la raison pour laquelle il était question, en l’espèce, d’une infraction unique, d’abord jusqu’en 2001 (considérants 559 à 563 de la décision attaquée), puis après 2001 (considérants 564 à 591 de la décision attaquée). Plus particulièrement, les considérants 564 à 597 de la décision attaquée contiendraient un examen très circonstancié de la continuité de l’infraction. La Commission ajoute qu’il ne peut y avoir de doute que le comportement des requérantes au cours de la période postérieure à l’année 2001 poursuivait le même objectif anticoncurrentiel que celui des autres entreprises qui participaient à l’entente globale.

82      En outre, la condition selon laquelle les requérantes « savaient, ou devaient nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elles participaient s’inscrivait dans un plan global » et celle selon laquelle elles « connaissaient les comportements infractionnels des autres participants, ou elles pouvaient raisonnablement les prévoir et elles étaient prêtes à en accepter le risque », seraient remplies. À cet égard, la Commission rappelle qu’a été imputée à Aalberts la responsabilité des activités de ses deux filiales, Aquatis et Simplex, qui sont les successeurs juridiques de Raccord Orléanais et de R. Woeste & Co. Yorkshire, activités dont certains des acteurs avaient déjà participé à l’infraction unique, complexe et continue avant les inspections.

 Appréciation du Tribunal

83      Il y a lieu d’examiner, tout d’abord, si les comportements constitutifs de l’infraction reprochée après les inspections de la Commission de mars 2001 sont la continuation de l’infraction unique, complexe et continue antérieure auxdites inspections.

84      Dans l’affirmative, la question serait celle de savoir si la participation d’Aquatis aux réunions de la FNAS s’inscrivait dans le cadre de cette infraction unique, complexe et continue.

85      En effet, compte tenu de la conclusion tirée aux points 68 et 69 ci-dessus en ce qui concerne Simplex, l’examen du troisième moyen n’est pertinent qu’en ce qui concerne Aquatis.

86      La notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée par un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore par des infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 257). Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes une violation de l’article 81 CE (arrêt BPB/Commission, précité, point 252).

87      Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 258).

88      Il importe également de préciser que la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par une référence générale à la distorsion de la concurrence sur le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément inhérent à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait pour conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu, y compris les méthodes employées, et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, points 179 à 181).

89      En outre, afin d’établir la participation d’une entreprise à un accord anticoncurrentiel, la Commission doit prouver que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 87).

90      Enfin, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction à son égard. Il n’y a lieu de prendre en considération cet élément que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 46 supra, point 86).

91      En l’espèce, en ce qui concerne la période antérieure au mois de mars 2001, il y a lieu de relever que, selon la décision attaquée, l’entente consistait en une organisation régulière, pendant plusieurs années, de contacts multi- et bilatéraux entre producteurs concurrents dont l’objet était l’établissement de pratiques illicites, destinées à organiser artificiellement le fonctionnement du marché des raccords, notamment au niveau des prix.

92      Selon la décision attaquée, dans le cadre de cette entente globale, des réunions et d’autres contacts anticoncurrentiels avaient lieu au niveau paneuropéen ainsi qu’au niveau national, chaque pays ayant son propre processus de coordination des prix et ses propres arrangements locaux, qui venaient compléter les arrangements pris au niveau européen (considérants 129, 140 et 559 de la décision attaquée).

93      En effet, le fonctionnement de l’entente aurait reposé, premièrement, sur des réunions « de haut niveau », qui portaient sur la stratégie et sur les prix pour plusieurs pays, deuxièmement, sur des réunions ne portant que sur un ou plusieurs territoires nationaux, souvent en vue de mettre en œuvre des décisions prises au niveau supérieur, et, troisièmement, sur des discussions au niveau bilatéral (considérant 147 de la décision attaquée).

94      D’après la décision attaquée, les arrangements anticoncurrentiels avaient lieu avant, pendant ou après les réunions de la British Plumbing Fittings Manufacturers Association (BPFMA, Association des producteurs de raccords de tuyauterie du Royaume-Uni), celles de l’EFMA, des réunions ad hoc et celles d’autres associations ou celles ayant lieu lors de foires commerciales (considérants 140 à 141 de la décision attaquée).

95      Les réunions « de haut niveau » auraient généralement été organisées à l’occasion des réunions de l’EFMA au printemps et à l’automne de chaque année. Les réunions de l’automne auraient généralement consisté en des discussions sur la fixation des prix, tandis que les réunions du printemps auraient davantage visé à suivre l’évolution de l’application des prix convenus l’année précédente (considérant 148 de la décision attaquée).

96      Les discussions portant sur les augmentations de prix débouchaient généralement, selon la décision attaquée, sur un accord concernant le niveau de l’augmentation et la façon dont l’augmentation devait être appliquée, et visaient à déterminer les dates de mise en œuvre et l’entreprise qui prendrait l’initiative de l’augmentation, souvent le leader du marché géographique concerné (considérants 149 et 159 de la décision attaquée).

97      Les réunions auraient également concerné les modalités de crédit et les remises, les catégories de clients et les différences de prix, la répartition des clients entre les fournisseurs, le partage des informations relatives aux augmentations ou aux baisses de volume et de prix réalisées au sein de l’entente, des discussions relatives à la distribution croisée, les plaintes d’un membre de l’entente à l’égard d’autres membres de celle-ci ainsi qu’une coordination contre les fabricants ou les distributeurs non membres de l’entente et les soumissions concertées pour répondre aux appels d’offres (considérant 161 de la décision attaquée).

98      Les participants aux réunions « de haut niveau » étaient, selon la décision attaquée, les présidents-directeurs généraux, des directeurs commerciaux ou des ventes et certains autres responsables commerciaux, étant précisé qu’IMI, IBP et Comap étaient toujours présentes à ce type de réunions (considérant 156 de la décision attaquée).

99      Des réunions plus ciblées au niveau national auraient fait suite aux réunions « de haut niveau ». Elles auraient porté sur l’élaboration et la mise en œuvre des décisions et des réunions « de haut niveau ». Selon la décision attaquée, les participants aux réunions de niveau national étaient généralement des directeurs commerciaux ou des ventes ou certains autres responsables commerciaux locaux, lesquels informaient les participants aux réunions « de haut niveau » du succès ou de l’échec des changements de prix et des conditions du marché (considérant 157 de la décision attaquée).

100    Enfin, des réunions bilatérales et des réunions non officielles plus larges auraient également été organisées.

101    S’agissant des comportements reprochés et qui sont postérieurs au mois de mars 2001, ils se caractérisaient, selon la décision attaquée, également par des contacts pris dans le cadre d’associations professionnelles (réunions de la FNAS), de contacts bilatéraux portant sur les paramètres de la concurrence et des contacts pris lors de foires commerciales (foire d’Essen) (considérants 599 à 602 de la décision attaquée).

102    Certes, il est incontestable que, en ce qui concerne la période postérieure au mois de mars 2001, l’entente était caractérisée par une « organisation » assez flexible dans sa structure et consistant essentiellement en des contacts bilatéraux ad hoc. De même, la coordination de la stratégie à « haut niveau » et, partant, l’exécution au niveau national des décisions prises au niveau paneuropéen faisaient défaut.

103    Il est également incontestable que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, le nombre des participants à l’entente était de neuf avant les inspections en mars 2001 et est passé à quatre après ces inspections.

104    Enfin, il y a lieu de relever que, alors que, avant 2001, l’entente avait une portée paneuropéenne concernant treize pays, les comportements infractionnels des participants se sont limités après 2001 aux marchés allemand, grec, espagnol, français et italien, sans qu’il y ait un lien évident entre eux.

105    Toutefois, dès lors que l’objectif des pratiques anticoncurrentielles restait le même, à savoir la concertation sur les prix concernant les raccords, le fait que certaines caractéristiques ou que l’intensité de ces pratiques aient changé n’est pas concluant. À cet égard, il est plausible que, après les vérifications de la Commission, l’entente ait connu une forme moins structurée et une activité d’intensité plus variable. Néanmoins, le fait qu’une entente puisse connaître des périodes d’activité d’intensités variables n’implique pas qu’il puisse être conclu qu’elle a cessé.

106    C’est donc à juste titre que la Commission a considéré que l’entente s’était poursuivie après ses vérifications en mars 2001 et qu’elle a conclu à l’existence d’une infraction unique, complexe et continue.

107    Dès lors, il y a lieu d’examiner la question de savoir si Aquatis, en participant aux réunions qui se sont tenues dans le cadre du groupe de travail du comité logistique de la FNAS en vue de la mise en place d’un nouvel emballage d’articles de robinetterie, plus particulièrement, en discutant des coûts s’y rapportant, a participé à cette infraction unique, complexe et continue.

108    Il y lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a reproché à Aquatis d’avoir participé, pendant la période litigieuse, à une infraction unique, complexe et continue, couvrant l’ensemble du marché dit paneuropéen, décrite à l’article 1er de ladite décision.

109    Ainsi qu’il ressort du point 101 ci-dessus, les éléments constitutifs de l’infraction unique, complexe et continue après mars 2001 ont consisté en des contacts bilatéraux, des contacts pris lors d’une foire commerciale et des contacts pris dans le cadre des réunions de la FNAS afin de coordonner des prix.

110    À cet égard, il est constant qu’Aquatis a, pendant la période litigieuse, uniquement participé aux réunions de la FNAS et non aux deux autres volets de l’infraction. Dans ce cadre, il est à noter que la participation d’Aquatis aux réunions de la FNAS, dont l’objet coïncidait avec celui des deux autres volets de l’infraction unique, complexe et continue, à savoir la coordination des prix, ne suffit pas à elle seule pour conclure à la participation à ladite infraction, sauf s’il est établi qu’elle savait, ou devait nécessairement savoir que, d’une part, son comportement s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Parecipazioni, point 89 supra, point 83, et arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 4027 et 4112).

111    En l’espèce, il y a dès lors lieu de vérifier si, lorsqu’elle a participé aux réunions de la FNAS, Aquatis savait, ou devait nécessairement savoir, qu’elle intégrait le cercle des participants à l’entente paneuropéenne. En effet, ce n’est que s’il est établi qu’Aquatis avait connaissance de l’existence des deux autres éléments constitutifs de l’infraction que sa participation à l’accord portant sur le marché français pouvait être considérée comme constituant l’expression de son adhésion à l’infraction constatée.

112    Or, force est de relever que la Commission n’a pas démontré que, lors de sa participation aux réunions de la FNAS, Aquatis avait connaissance des activités anticoncurrentielles des autres entreprises ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et donc que son comportement s’inscrivait dans un plan global recouvrant l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente constatée.

113    Afin de démontrer la connaissance par Aquatis des éléments constitutifs de l’infraction constatée, la Commission s’est référée uniquement au fait qu’Aquatis avait participé à l’entente de 1991 à mars 2001. Or, une telle circonstance ne suffit pas pour démontrer qu’Aquatis a de nouveau adhéré à l’entente.

114    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que, lorsque son capital était contrôlé par IMI, son ancienne société mère, Aquatis avait mis fin à sa participation à l’infraction immédiatement après les vérifications de la Commission en mars 2001. Aucun élément n’indique qu’Aquatis ait eu connaissance de la continuation de ladite infraction par IBP, Comap et FRA.BO.

115    De plus, eu égard à l’objectif spécifique poursuivi par le groupe de travail du comité logistique de la FNAS, à savoir la possibilité d’un nouvel emballage, il est difficile d’associer immédiatement les réunions s’étant tenues dans ce cadre à l’entente ayant débuté avant mars 2001. Le fait que certains producteurs ont discuté de la charge des coûts qui y étaient afférents ne peut remettre en cause ce constat.

116    Deuxièmement, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que la Commission a constaté aux considérants 575 et 584 de la décision attaquée, dans le cadre des réunions de la FNAS, les discussions portaient uniquement sur le marché français. Or, comme l’a admis la Commission elle-même lors de l’audience, il ne ressort nullement des comptes rendus desdites réunions que celles-ci concernaient également « l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le marché européen en général », ce qui aurait impliqué, selon la Commission, qu’elles avaient une dimension paneuropéenne. Dès lors, il y a lieu de constater que la collusion dans le cadre des réunions de la FNAS n’avait pas une portée paneuropéenne.

117    Troisièmement, étant donné que lesdites réunions ne portaient que sur le marché français et qu’il n’existe aucun indice qui permettrait de conclure que ces réunions ont été utilisées par les autres participants comme cadre afin de discuter ou de coordonner les prix des raccords sur d’autres marchés nationaux, il n’est pas établi qu’Aquatis pouvait raisonnablement prévoir que lesdites réunions s’inscrivaient dans le cadre d’une infraction plus étendue participant d’un plan global.

118    Certes, il y a lieu de relever qu’il y a eu un contact bilatéral le 29 avril 2004 entre un représentant d’Aquatis et un représentant de FRA.BO dans le cadre d’une relation fournisseur-client (voir point 56 ci-dessus). Toutefois, outre que ce contact se situe en dehors de la période infractionnelle, un tel contact n’est pas pertinent du point de vue du droit de la concurrence, sauf s’il est établi que, lors de ce contact commercial, des sujets ayant un caractère anticoncurrentiel ont été abordés. Or, les notes manuscrites prises dans l’agenda de Mme P. ne fournissent aucun indice en ce sens.

119    Dès lors, il y a lieu de constater qu’il n’est pas établi qu’Aquatis avait eu connaissance du fait que, par son comportement, elle avait adhéré à une entente constituée par différents volets ayant un but commun, ni même à l’entente à laquelle elle avait déjà participé avant mars 2001 et qui se poursuivait.

120    Il convient dès lors d’annuler, à l’égard de toutes les requérantes, l’article 1er de la décision attaquée en ce que la Commission y a constaté qu’elles avaient participé, durant la période litigieuse, à une infraction unique, complexe et continue en prenant part à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché des raccords en cuivre et en alliage de cuivre, tel qu’il a été décrit dans ladite disposition.

121    Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de statuer sur les autres moyens, à savoir le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’imputation à Aalberts de la responsabilité de l’infraction en tant que société mère, le quatrième moyen, tiré de plusieurs erreurs dans le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, et le cinquième moyen, tiré d’une violation de leurs droits de la défense.

122    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler l’amende d’un montant de 100,8 millions d’euros infligée à Aalberts, solidairement avec Aquatis et Simplex à hauteur de 55,15 millions d’euros, ainsi que le montant de 2,04 millions d’euros pour le paiement duquel Aquatis et Simplex ont été tenues solidairement responsables, le calcul de ce montant reposant sur une constatation erronée.

123    En effet, il faut relever que la Commission a calculé un montant de base de l’amende infligée pour la participation d’Aquatis et de Simplex à l’entente, alors que leur capital était contrôlé par IMI, soit un montant de départ de l’amende de 46 millions d’euros, auquel une majoration de 100 % a été appliquée au titre de la durée, et pour leur prétendue participation à l’infraction alors que leur capital était contrôlé par Aalberts, soit un montant de départ de l’amende de 60 millions d’euros, auquel une majoration de 5 % a été appliquée au titre de la durée. Au titre des circonstances aggravantes, ce second montant a été majoré de 60 %. Il en est résulté un montant total de l’amende de 192,8 millions d’euros (92 millions d’euros + 100,8 millions d’euros). Ce montant total a ensuite été réduit à 105,5 millions d’euros afin de tenir compte du plafond de 10 % du chiffre d’affaires d’Aalberts, puis réparti proportionnellement selon que la participation d’Aquatis et de Simplex à l’infraction avait été constatée alors qu’elles étaient sous le contrôle d’IMI (50,34 millions d’euros) ou sous celui d’Aalberts (55,15 millions d’euros).

124    Alors qu’IMI pouvait bénéficier d’une réduction du montant de l’amende de 50 % au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, le montant de base de l’amende qui lui a été infligée, qui s’élevait à 96,6 millions d’euros, soit un montant de départ de 46 millions d’euros, auquel une majoration de 110 % a été appliquée au titre de la durée, a été réduit à 48,30 millions d’euros. Étant donné qu’IMI n’a introduit sa demande de clémence qu’en septembre 2003, ses deux anciennes filiales ne pouvaient pas bénéficier de la réduction du montant de l’amende de 50 % accordée à IMI. Dès lors, la Commission a tenu Aquatis et Simplex solidairement responsables pour le paiement de la somme de 2,04 millions d’euros (50,34- 48,30), dont ni IMI ni Aalberts n’étaient redevables.

125    Par ailleurs, il convient de rappeler que, si plusieurs destinataires constituaient l’« entreprise » à la date d’adoption de la décision attaquée, le plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise. En revanche, si cette entité économique s’est scindée pour constituer deux entités distinctes au moment de l’adoption de la décision, chaque destinataire de la décision est en droit de se voir individuellement appliquer ledit plafond (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 390). Étant donné que les requérantes ont uniquement conclu à l’annulation de l’article 2, sous a) et b), point 2, de la décision attaquée, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si le fait que l’entreprise IMI a été scindée en plusieurs entités distinctes avant l’adoption de la décision attaquée devait avoir un impact sur le plafond du montant de l’amende infligée à Simplex et à Aquatis à l’article 2, sous b), point 1, de la décision attaquée.

 Sur les dépens

126    En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er de la décision C (2006) 4180 de la Commission, du 20 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/F-1/38.121 ? Raccords), est annulé en ce qu’il constate qu’Aalberts Industries NV, Comap SA, anciennement Aquatis France SAS, et Simplex Armaturen + Fittings GmbH & Co. KG ont participé à l’infraction au cours de la période allant du 25 juin 2003 au 1er avril 2004.

2)      L’article 2, sous a) et b), point 2, de la décision C (2006) 4180 est annulé.

3)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.