Language of document : ECLI:EU:C:2018:6

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

10 janvier 2018 (*)

« Pourvoi – Ordonnance de référé – Fonction publique – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 42 quater – Décision de la Commission européenne mettant un fonctionnaire en congé dans l’intérêt du service et à la retraite d’office – Sursis à l’exécution – Urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire C‑442/17 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 juillet 2017,

Commission européenne, représentée par MM. M. Mensi et G. Berscheid ainsi que par Mme A-C. Simon, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

RW, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à [confidentiel] représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Wathelet, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 18 mai 2017, RW/Commission (T‑170/17 R, non publiée, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2017:351), par laquelle celui‑ci a ordonné le sursis à l’exécution de la décision de la Commission européenne du 2 mars 2017 mettant RW en congé dans l’intérêt du service et à la retraite d’office avec effet au 1er juin 2017 (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») est établi par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO 1968, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) n° 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15).

3        L’article 42 quater du statut prévoit :

« Au plus tôt cinq ans avant l’âge de sa retraite, le fonctionnaire qui compte au moins dix ans d’ancienneté peut être mis en congé dans l’intérêt du service par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, pour des besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences au sein des institutions.

[...]

Ce congé n’a pas le caractère d’une mesure disciplinaire.

La durée de ce congé correspond en principe à la période restant à courir jusqu’à ce que le fonctionnaire concerné atteigne l’âge de la retraite. Cependant, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider, à titre exceptionnel, de mettre un terme à ce congé et de réintégrer le fonctionnaire dans son emploi.

Le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service qui atteint l’âge de la retraite est mis à la retraite d’office.

Le congé dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes :

a)      le fonctionnaire peut être remplacé dans son emploi par un autre fonctionnaire ;

b)      le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service cesse de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade.

Le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service bénéficie d’une indemnité calculée conformément à l’annexe IV.

[...] »

4        L’article 52 du statut, qui définit notamment l’âge auquel le fonctionnaire est mis à la retraite d’office, dispose :

« [...] [L]e fonctionnaire est mis à la retraite :

a)      soit d’office, le dernier jour du mois durant lequel il atteint l’âge de 66 ans,

[...] »

5        L’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut, qui établit l’âge à partir duquel un fonctionnaire a droit à une pension d’ancienneté (ci‑après l’« âge minimal de la retraite »), est libellé comme suit :

« Le fonctionnaire ayant accompli 20 années de service ou plus au 1er mai 2004 a droit à une pension d’ancienneté à l’âge de 60 ans.

[...] »

6        Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut :

« Lorsque l’article 52, [sous] a), du statut s’applique [...], le fonctionnaire entré en service avant le 1er janvier 2014 est mis à la retraite d’office le dernier jour du mois au cours duquel il atteint l’âge de 65 ans. [...] »

 Les antécédents du litige et l’ordonnance attaquée

7        RW est un fonctionnaire de la Commission.

8        Le 1er décembre 2016, cette institution l’a informé de l’intention de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de le mettre en congé dans l’intérêt du service en application de l’article 42 quater du statut. Le 14 décembre 2016, RW a formulé des observations. Le 13 janvier 2017, il a été reçu à un entretien auquel ont également participé un représentant du personnel ainsi que des représentants de différents services de la Commission.

9        Par la décision litigieuse, la Commission a décidé, au titre de l’article 42 quater du statut, d’une part, de mettre RW en congé dans l’intérêt du service et, d’autre part, de le mettre à la retraite d’office avec effet au 1er juin 2017 dans la mesure où il avait déjà atteint l’âge minimal de la retraite conformément à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Cette décision prévoit qu’elle entre en vigueur à cette même date.

10      Le 20 mars 2017, RW a introduit une réclamation contre la décision litigieuse.

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal à cette même date, il a introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, il a également introduit une demande en référé, dans laquelle il demandait, en substance, au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de ladite décision.

13      La Commission a demandé au président du Tribunal de rejeter cette demande.

14      Le 18 mai 2017, le président du Tribunal a, par l’ordonnance attaquée, ordonné le sursis à l’exécution de la décision litigieuse.

15      Il a en effet considéré, en premier lieu, que les deux premiers moyens d’annulation soulevés par RW, tirés notamment de ce que l’article 42 quater du statut ne permettrait pas à la Commission de mettre, contre son gré, un fonctionnaire ayant atteint l’âge minimal de la retraite en congé dans l’intérêt du service et simultanément à la retraite d’office, apparaissent, à première vue, non dépourvus de fondement sérieux, révélant un différend juridique important dont la solution ne s’impose pas d’emblée. Il en a déduit, au point 71 de cette ordonnance, que RW avait établi un fumus boni juris.

16      En deuxième lieu, le président du Tribunal a estimé que la condition tenant à l’urgence était remplie dès lors que, en l’absence de sursis à l’exécution de la décision litigieuse, celle-ci risquerait de causer à RW un préjudice particulièrement grave et irréparable, consistant en la privation du droit de continuer à exercer des fonctions en tant que fonctionnaire de la Commission.

17      À cet égard, le président du Tribunal a, aux points 79 et 80 de l’ordonnance attaquée, qualifié ce préjudice de non pécuniaire.

18      S’agissant de la gravité dudit préjudice, il a considéré ce qui suit :

« 81      [...] [E]n l’absence du sursis sollicité, [RW] serait privé de son droit de continuer à exercer des fonctions en tant que fonctionnaire de la Commission dès le 1er juin 2017, date à laquelle la décision [litigieuse] produirait ses effets. Cette privation de son droit serait définitive et se produirait jour après jour jusqu’à l’annulation éventuelle de la décision [litigieuse], le préjudice en résultant s’aggravant donc, en l’espèce, jour après jour.

82      Le préjudice qui en résulterait peut être qualifié de particulièrement grave du fait que [RW] est mis à la retraite d’office par la décision [litigieuse] et que, compte tenu de son âge, il lui resterait peu de temps jusqu’à la fin de sa carrière, la mise à la retraite de celui-ci devant, en tout état de cause, intervenir le 1er novembre 2018.

83      En effet, d’une part, la décision [litigieuse] a pour conséquence de mettre, conformément à l’article 47 du statut, définitivement terme à ses fonctions, excluant de droit, jusqu’à l’annulation éventuelle de la décision [litigieuse] par la décision au fond, une réintégration [de RW] dans son emploi en application de l’article 42 quater, quatrième alinéa, seconde phrase, du statut.

84      D’autre part, la période restante de l’activité [de RW] est, en raison de son âge, limitée d’emblée. De surcroît, la décision au fond interviendrait seulement à un moment où la période restante de l’activité [de RW] serait réduite davantage.

85      Ainsi, en l’absence du sursis sollicité, plus la date de la décision au fond se rapproche du 1er novembre 2018, moins [RW] pourrait bénéficier des effets d’un arrêt annulant la décision [litigieuse]. Eu égard aux délais fixés aux articles 90 et 91 du statut ainsi qu’à la durée potentielle de la procédure juridictionnelle, la possibilité pour [RW] d’être de nouveau placé en position d’activité [...] jusqu’au 1er novembre 2018 semble hypothétique ou, en tout état de cause, fortement limitée. En effet, la reprise de l’activité présuppose que [RW] soit réintégré dans un emploi. Certes, la Commission a avancé, à juste titre, qu’elle a l’obligation, en cas d’annulation de la décision [litigieuse], de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour donner une exécution utile à un tel arrêt. Toutefois, à cet égard, [RW] a avancé, sans être contredit sur ce point par la Commission, qu’il serait privé définitivement de toute perspective réelle d’être réintégré dans un emploi correspondant à son grade au sein de l’institution à l’issue de la procédure au fond. »

19      En ce qui concerne le caractère irréparable du préjudice allégué, le président du Tribunal a, aux points 86 à 88 de l’ordonnance attaquée, relevé que, pour ce qui concerne la période allant du 1er juin 2017 à la date de la décision au fond, les jours d’activité potentiels de RW se seraient écoulés irrémédiablement jusqu’à cette date. Il a ajouté que le préjudice en résultant pour ce dernier serait devenu définitif et qu’une indemnisation ne saurait, en l’espèce, rétablir ce préjudice d’ordre non pécuniaire.

20      En troisième lieu, le président du Tribunal a jugé que la balance des intérêts penchait en faveur de RW. À cet égard, il a notamment relevé ce qui suit :

« 93      [...] [P]our ce qui concerne l’intérêt [de RW], il résulte des points 87 et 88 ci-dessus que l’annulation de la décision [litigieuse] ne permettrait pas le renversement de la situation résultant de son exécution immédiate, dès lors que le préjudice non pécuniaire se serait réalisé de manière définitive pour ce qui concerne les jours d’activité potentiels s’écoulant entre le 1er juin 2017 et la date de la décision au fond.

94      Pour ce qui concerne l’intérêt de la Commission, il est vrai que le sursis à l’exécution de la décision [litigieuse] entraîne, tout comme son exécution immédiate, des conséquences définitives pour ce qui concerne les jours d’activité [de RW] jusqu’à la décision au fond.

95      Ainsi, dans la mesure où tant le sursis que l’exécution immédiate ont des effets définitifs, il convient de prendre en considération les intérêts n’étant pas concernés de manière définitive.

96      En ce qui concerne [RW], il y a lieu de rappeler que, pour les jours d’activité potentiellement restants entre la date de la décision au fond et le 1er novembre 2018, la Commission n’a pas contesté, comme il ressort du point 85 ci-dessus, qu’une réintégration réelle et effective [de RW] dans un emploi à la Commission peut être peu réaliste.

97      En revanche, pour ce qui concerne la Commission, l’argument tiré de la possibilité que [RW] continue à poser des actes dans le cadre de ses fonctions, ne saurait prospérer. Même à considérer que cet argument puisse être, in abstracto, pertinent pour l’examen de la mise en balance des intérêts, il suffit de constater que, en l’espèce, il est dépourvu de pertinence. En effet, cette possibilité serait la conséquence directe du fait que [RW] continue, pour la durée du sursis, à exercer des fonctions et, dès lors, n’emporterait pas, en substance, de conséquences au-delà du constat, effectué au point 94 ci-dessus, que le sursis produirait des effets définitifs, tant pour [RW] que pour la Commission.

[...]

99      Enfin, la Commission ne conteste pas les allégations [de RW] selon lesquelles son maintien en service provisoire ne poserait pas de difficultés particulières pour la Commission. »

 Les conclusions des parties

21      Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de rejeter la demande en référé, et

–        de condamner RW aux dépens exposés dans le cadre de la procédure en pourvoi.

22      RW demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

 Sur le pourvoi

23      À titre liminaire, la Commission souligne qu’elle prend acte du constat opéré par le président du Tribunal au point 71 de l’ordonnance attaquée, selon lequel les deux premiers moyens d’annulation avancés par RW apparaissent, à première vue, non dépourvus de fondement sérieux, sans préjudice de l’argumentation qu’elle fera valoir dans le cadre de la procédure au fond.

24      Elle soulève en revanche deux moyens de pourvoi, le premier, à titre principal, tiré de l’absence d’urgence compte tenu du caractère réparable sur le plan pécuniaire du préjudice éventuel et le second, à titre subsidiaire, tiré de ce que la mise en balance des intérêts opérée par le président du Tribunal serait erronée et de ce que l’ordonnance attaquée préjugerait le fond.

 Sur le premier moyen

25      Par son premier moyen, la Commission fait valoir que c’est à tort que le président du Tribunal a considéré que la condition tenant à l’urgence était remplie en l’espèce. Malgré la lecture difficile de la requête en pourvoi, il ressort de celle-ci que la Commission avance, à cet égard, trois séries d’arguments. Ainsi, elle soutient que le président du Tribunal a qualifié, à tort, le préjudice allégué par RW, premièrement, de non pécuniaire et, deuxièmement, d’irréparable. Troisièmement, elle allègue que le point 85 de l’ordonnance attaquée est entaché de plusieurs erreurs de droit.

26      Afin de statuer sur ces arguments, il importe, à titre liminaire, de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature [ordonnance du vice-président de la Cour du 1er mars 2017, EMA/MSD Animal Health Innovation et Intervet international, C‑512/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:149, point 94].

 Sur la nature du préjudice allégué

27      La Commission prétend que le président du Tribunal a erronément qualifié le préjudice invoqué par RW, consistant en la privation du droit de celui‑ci de rester en fonctions, de non pécuniaire. Une telle qualification négligerait la nature du lien unissant un fonctionnaire à l’institution au sein de laquelle il travaille, dont la rémunération constituerait à l’évidence un élément essentiel. Ainsi, la cessation des fonctions entraînerait, avant tout, la perte d’une source de revenus pour le fonctionnaire concerné. Au demeurant, la décision de mettre un fonctionnaire en congé dans l’intérêt du service et à la retraite d’office ne porterait atteinte ni à l’honneur professionnel ni à la réputation de celui‑ci, puisqu’une telle décision n’aurait pas de caractère disciplinaire, ainsi que le prévoit l’article 42 quater, troisième alinéa, du statut.

28      À cet égard, il convient de relever que, au point 79 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a relevé, d’une part, que le préjudice allégué par RW consistait en la privation du droit de ce dernier de continuer à exercer des fonctions en tant que fonctionnaire de la Commission et, d’autre part, que ce préjudice était d’ordre non pécuniaire. Il a ajouté, au point 80 de cette ordonnance, que, si la mise en congé dans l’intérêt du service et à la retraite d’office prévue par la décision litigieuse entraînait également des conséquences financières négatives pour RW, il n’existait aucun indice, et la Commission ne l’avançait d’ailleurs pas, que l’intérêt non pécuniaire de ce dernier à continuer à exercer ses fonctions ne serait pas réel et que son intérêt véritable serait de nature pécuniaire.

29      Or, si la rémunération constitue un élément important du rapport de travail qui unit une institution de l’Union européenne à ses fonctionnaires, ce rapport ne se résume pas à ce seul lien financier. En effet, ainsi que le législateur de l’Union et la Cour l’ont reconnu, l’emploi et le travail contribuent, dans une large mesure, à la pleine participation des citoyens à la vie économique, culturelle et sociale ainsi qu’à l’épanouissement personnel et à la qualité de vie de ces derniers [voir, en ce sens, considérant 9 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), ainsi que arrêt du 5 juillet 2012, Hörnfeldt, C‑141/11, EU:C:2012:421, point 37 et jurisprudence citée]. Partant, contrairement à ce que prétend la Commission, c’est sans commettre d’erreur de droit que le président du Tribunal a qualifié l’intérêt de RW à continuer à travailler en tant que fonctionnaire de la Commission de non pécuniaire.

30      Au demeurant, la question de savoir si cet intérêt est réel et s’il est principal ou secondaire par rapport à l’éventuel intérêt financier de RW à continuer à exercer ses fonctions est une question de fait relevant de la seule compétence du Tribunal, qu’il n’appartient pas à la Cour d’examiner dans le cadre du présent pourvoi.

31      En effet, en vertu de l’article 256 TFUE et de l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’appliquent également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, du même statut, le pourvoi est limité aux questions de droit. L’appréciation des faits, qui relève de la seule compétence du Tribunal, ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments présentés à ce dernier, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi [ordonnance du vice-président de la Cour du 19 décembre 2013, Commission/Allemagne, C‑426/13 P(R), EU:C:2013:848, point 56 et jurisprudence citée].

32      Par ailleurs, pour autant que la Commission fait, en substance, valoir que la décision litigieuse n’est pas susceptible de porter atteinte à l’honneur professionnel ou à la réputation de RW, il convient de relever que cet argument est inopérant dans la mesure où il n’est pas susceptible d’entraîner l’annulation de l’ordonnance attaquée. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 28 de la présente ordonnance, le préjudice retenu par le président du Tribunal afin d’établir que la condition relative à l’urgence était remplie tient, non pas à une telle atteinte, mais à la privation du droit de RW de continuer à travailler en tant que fonctionnaire de la Commission.

33      Il s’ensuit qu’aucun des arguments de la Commission ne permet d’établir que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant le préjudice allégué par RW de non pécuniaire.

 Sur les considérations opérées au point 85 de l’ordonnance attaquée

34      La Commission fait valoir que le point 85 de l’ordonnance attaquée, dont le contenu est rappelé au point 18 de la présente ordonnance, est entaché d’erreurs de droit. Elle avance, en substance, trois arguments.

35      En premier lieu, la Commission soutient que la motivation dudit point 85 est contradictoire. En effet, après avoir, en substance, relevé que RW, qui était âgé de 63 ans à la date d’adoption de la décision litigieuse, serait en tout état de cause mis à la retraite le 1er novembre 2018 à l’âge de 65 ans, le président du Tribunal aurait, d’un côté, constaté que, en l’absence du sursis sollicité, la possibilité pour RW d’être, à la suite de l’annulation éventuelle de la décision litigieuse, réintégré dans un emploi à la Commission jusqu’à cette dernière date semble « hypothétique » ou, en tout état de cause, « fortement limitée ». En revanche, de l’autre côté, le président du Tribunal aurait relevé que RW serait « privé définitivement de toute perspective réelle » de bénéficier d’une telle possibilité. Or, selon la Commission, soit une telle possibilité de réintégration est hypothétique, soit elle est fortement limitée, soit cette réintégration n’est pas possible du tout.

36      Un tel argument, qui repose sur une compréhension erronée du point 85 de l’ordonnance attaquée, n’est pas fondé. En effet, en relevant à ce point que, en cas d’exécution immédiate de la décision litigieuse, la possibilité que RW soit, à la suite de l’annulation de cette décision, de nouveau placé en position d’activité jusqu’au 1er novembre 2018 semble « hypothétique » ou, en tout état de cause, « fortement limitée », le président du Tribunal a considéré que la possibilité d’une réintégration de RW jusqu’à cette date serait en pratique inexistante ou improbable ou, en tout état de cause, très limitée dans le temps. Le président du Tribunal n’a donc pas contredit cette allégation en constatant en substance, au même point 85, que RW serait définitivement privé de toute « perspective réelle » d’être réintégré dans un emploi correspondant à son grade au sein de cette institution à l’issue de la procédure au fond. En effet, par un tel constat, le président du Tribunal a également entendu relever que la possibilité d’une telle réintégration serait en pratique inexistante ou improbable.

37      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que, en se référant, au point 85 de l’ordonnance attaquée, à la durée potentielle de la procédure juridictionnelle au fond, le président du Tribunal a reconnu que le préjudice invoqué par RW trouvait en réalité sa source dans cette durée et non dans la décision litigieuse. Le président du Tribunal aurait ainsi méconnu la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’octroi d’un sursis à l’exécution d’un acte de l’Union n’est justifié que si cet acte constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué.

38      Cet argument repose sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée. Ainsi, il convient de relever que le président du Tribunal n’a pas retenu ladite durée comme étant la cause déterminante du préjudice allégué par RW.

39      En effet, il ressort des points 82 à 84 de l’ordonnance attaquée, dont le contenu est rappelé au point 18 de la présente ordonnance, que le président du Tribunal a estimé que ce préjudice pouvait être qualifié de particulièrement grave compte tenu, d’une part, du fait que la décision litigieuse mettait définitivement un terme aux fonctions de RW, excluant de droit une réintégration de celui‑ci dans son emploi en application de l’article 42 quater, quatrième alinéa, seconde phrase, du statut jusqu’à l’annulation éventuelle de cette décision, et, d’autre part, de la circonstance que, en cas d’annulation de ladite décision, la période restante d’activité de RW jusqu’au 1er novembre 2018 serait, en raison de son âge, limitée d’emblée.

40      Ainsi qu’il résulte des points 81, 84 et 85 de l’ordonnance attaquée, ce n’est que pour démontrer que cette période se réduirait chaque jour davantage et que le préjudice allégué s’aggraverait donc jour après jour que le président du Tribunal a relevé, audit point 85, que, eu égard notamment à la durée potentielle de la procédure juridictionnelle, la possibilité pour RW d’être, à la suite de l’annulation éventuelle de la décision litigieuse, réintégré dans un emploi au sein de la Commission jusqu’au 1er novembre 2018 semblait hypothétique ou, en tout état de cause, fortement limitée.

41      Or, il ne saurait être reproché au président du Tribunal d’avoir tenu compte, parmi d’autres éléments, de cette durée afin d’évaluer la probabilité que RW soit de nouveau placé en position d’activité jusqu’à cette date. En effet, comme il a été rappelé au point 26 de la présente ordonnance, l’existence de l’urgence s’apprécie au regard du risque que la partie qui sollicite les mesures provisoires subisse un préjudice grave et irréparable s’il n’était pas statué provisoirement et qu’elle devait attendre l’issue de la procédure au fond. Partant, le juge des référés peut évaluer ce risque à la lumière, notamment, de la durée raisonnable envisageable de cette procédure.

42      En troisième lieu, la Commission semble, en substance, faire valoir que, contrairement à ce que le président du Tribunal a constaté au point 85 de l’ordonnance attaquée, en cas d’annulation de la décision litigieuse, une réintégration effective de RW en position active avant le 1er novembre 2018 ne serait ni hypothétique ni fortement limitée. D’une part, le délai de quatre mois imparti à l’AIPN par l’article 90 du statut pour répondre à la réclamation déposée par RW serait déjà largement entamé à la date d’entrée en vigueur de la décision litigieuse. D’autre part, ce dernier aurait pu suggérer que l’affaire au fond soit traitée en priorité par le Tribunal ou bénéficie d’un traitement par procédure accélérée et le Tribunal pourrait décider de statuer sur le recours au fond sans second échange de mémoires et sans audience.

43      Or, par cet argument, la Commission cherche à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le président du Tribunal. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 31 de la présente ordonnance, ledit argument doit être déclaré irrecevable.

44      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par la Commission ne permet d’établir que le point 85 de l’ordonnance attaquée est entaché d’erreurs de droit.

 Sur le caractère irréparable du préjudice allégué

45      La Commission soutient que c’est à tort que le président du Tribunal a, au point 86 de l’ordonnance attaquée, qualifié le préjudice allégué par RW d’irréparable. En effet, même en admettant que ce préjudice soit d’ordre non pécuniaire, il serait susceptible de faire l’objet d’une réparation.

46      À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que cette institution ne semble pas prétendre que ledit préjudice pourrait donner lieu à une réparation autre que financière. Certes, ainsi qu’il a été exposé au point 42 de la présente ordonnance, la Commission fait, en substance, valoir que, contrairement à ce qu’a considéré le président du Tribunal, une réintégration de RW dans un emploi à la Commission avant le 1er novembre 2018 ne serait pas hypothétique. Toutefois, même à supposer qu’un tel argument tende à démontrer que le préjudice allégué par RW pourrait faire l’objet d’une réparation en nature, consistant en une réintégration de ce dernier dans un emploi à la Commission, cet argument doit, pour les raisons exposées au point 43 de la présente ordonnance, être déclaré irrecevable.

47      La Commission soutient, en revanche, que ce préjudice pourrait donner lieu à une réparation pécuniaire. Elle avance, en substance, trois séries d’arguments à cet égard.

48      En premier lieu, la Commission fait valoir qu’il résulte d’une jurisprudence constante, rappelée notamment dans l’ordonnance du président du Tribunal du 13 juillet 2017, BASF Grenzach/ECHA (T‑125/17 R, non publiée, EU:T:2017:496, points 54 et 55), qu’un préjudice est en principe réparable par une compensation pécuniaire, sauf dans le cas où la personne concernée se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière. Or, RW ne se trouverait pas dans une telle situation dès lors qu’il bénéficierait d’une pension. En outre, conformément à l’article 16 du statut, RW pourrait exercer une activité extérieure professionnelle rémunérée après la cessation de ses fonctions, sous réserve d’y être autorisé par l’AIPN. La Commission renvoie également à l’ordonnance du président du Tribunal du 24 mars 2017, RV/Commission (T‑167/17 R, non publiée, EU:T:2017:218, points 18 et 23).

49      Toutefois, il convient de relever que ces deux ordonnances du président du Tribunal ainsi que la jurisprudence invoquée par la Commission [ordonnances du vice-président de la Cour du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46, ainsi que du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24] concernent le caractère réparable d’un préjudice d’ordre pécuniaire. Eu égard aux considérations exposées aux points 28 à 31 de la présente ordonnance, l’argument de la Commission rappelé au point précédent de cette même ordonnance doit donc être rejeté comme étant inopérant.

50      En deuxième lieu, la Commission expose que, en cas d’annulation de la décision litigieuse, elle devra, le cas échéant, remettre rétroactivement RW en position d’activité au jour de l’adoption de cette décision et en tirer les conséquences, y compris, au besoin, par une reconstitution de carrière ou un nouveau calcul de ses droits à pension. En outre, le préjudice allégué par RW, notamment l’éventuelle atteinte à sa réputation, pourrait faire l’objet de dommages‑intérêts. Au demeurant, le traitement et la pension seraient, à tout le moins sur le plan matériel, la contrepartie la plus évidente des services rendus par un fonctionnaire à l’institution au sein de laquelle il travaille. Il en résulterait que le préjudice professionnel invoqué par RW serait susceptible de faire l’objet d’une réparation financière, ainsi qu’il résulterait d’ailleurs de la solution retenue dans l’ordonnance du vice‑président du Tribunal du 16 décembre 2016, Casasnovas Bernad/Commission (T‑826/16 R, non publiée, EU:T:2016:752, point 33).

51      À cet égard, il convient de souligner d’emblée que la référence à cette dernière ordonnance ne suffit pas, en tant que telle, à établir que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 88 de l’ordonnance attaquée, que le préjudice d’ordre non pécuniaire allégué par RW ne pourrait être compensé par une indemnisation pécuniaire. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses arrêts ne saurait en principe s’étendre jusqu’à imposer qu’il justifie la solution retenue dans une affaire par rapport à celle adoptée dans une autre affaire dont il a été saisi (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 90 ainsi que jurisprudence citée).

52      Dans la mesure où la Commission invoque la possibilité, en cas d’annulation de la décision litigieuse, de procéder à une reconstitution de la carrière de RW ou à un nouveau calcul de ses droits à pension, il convient de relever que, s’il n’est certes pas exclu que de telles mesures permettent de compenser en tout ou partie la perte financière résultant, pour ce dernier, de l’exécution immédiate de la décision litigieuse, un tel argument aboutit toutefois à considérer que le préjudice subi par RW serait limité à cette perte financière et, ainsi, à nier l’existence du préjudice non pécuniaire établi aux points 79 et 80 de l’ordonnance attaquée. Eu égard aux considérations exposées aux points 28 à 31 de la présente ordonnance, cet argument doit être écarté.

53      Pour autant que la Commission fait en substance valoir que ce même préjudice pourrait faire l’objet de dommages‑intérêts, de sorte que ce serait à tort que le président du Tribunal a jugé qu’une indemnisation ne saurait rétablir ledit préjudice, force est de constater qu’elle n’avance aucun élément au soutien d’une telle allégation. À supposer même qu’elle entende étayer ladite allégation par la référence faite à l’ordonnance du vice‑président du Tribunal du 16 décembre 2016, Casasnovas Bernad/Commission (T‑826/16 R, non publiée, EU:T:2016:752, point 33), une telle référence n’est, pour les raisons indiquées au point 51 de la présente ordonnance, pas suffisante à cet égard. Dans ces conditions, le présent argument ne saurait prospérer.

54      Quant à l’argument de la Commission, selon lequel le dommage éventuel causé à la réputation de RW pourrait donner lieu à l’octroi de dommages‑intérêts, il doit, compte tenu des considérations exposées au point 32 de la présente ordonnance, être rejeté comme étant inopérant.

55      En troisième lieu, la Commission soutient, en substance, que la violation alléguée de l’article 42 quater du statut ne saurait établir, par elle-même, le caractère irréparable du préjudice invoqué.

56      Toutefois, cet argument repose sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée. En effet, il ne ressort pas de celle-ci, et la Commission ne le prétend d’ailleurs pas, que le président du Tribunal aurait considéré qu’une telle violation suffisait, en tant que telle, à établir ce caractère ou qu’il se serait, à cette fin, fondé sur cette violation.

57      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des arguments avancés par la Commission ne permet de démontrer que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant le préjudice allégué par RW d’irréparable.

58      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable, en partie inopérant et en partie non fondé.

 Sur le second moyen

59      Par son second moyen, soulevé à titre subsidiaire, la Commission fait valoir que le président du Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’appréciation de la condition tenant à la mise en balance des intérêts et a préjugé la solution de l’arrêt à rendre au fond, privant un éventuel rejet du recours en annulation d’effet utile.

60      Afin de statuer sur ce moyen, il importe, à titre liminaire, de rappeler, d’une part, que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, les risques liés à chacune des solutions possibles doivent être mis en balance dans le cadre de la procédure de référé. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celui-ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par l’acte attaqué au cas où le recours au fond serait rejeté (ordonnance du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 103).

61      D’autre part, la décision du juge des référés doit présenter un caractère provisoire en ce sens qu’elle ne saurait préjuger le sens de la future décision au fond en la privant d’effet utile (ordonnance du 20 novembre 2017, Commission/Pologne, C‑441/17 R, EU:C:2017:877, point 95 et jurisprudence citée).

62      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la Commission dans le cadre de son second moyen. Ceux-ci peuvent être regroupés essentiellement en trois séries d’arguments.

63      En premier lieu, la Commission soutient que c’est à tort que le président du Tribunal a, au point 94 de l’ordonnance attaquée, considéré que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse et l’exécution immédiate de celle-ci produiraient le même effet définitif. En réalité, ce sursis préjugerait la solution au fond. En effet, ledit sursis aurait pour conséquence que RW continuerait à poser des actes dans le cadre de ses fonctions, lesquels ne pourraient plus être effacés par la suite en raison de la présomption de légalité attachée aux actes administratifs. En outre, si, en cas de rejet du recours en annulation, la Commission serait en droit de récupérer, auprès de RW, la différence entre les sommes versées au titre du salaire payé pendant la période couverte par le sursis et les sommes auxquelles ce dernier aurait pu prétendre au titre de sa pension si cette décision avait été immédiatement exécutée, une telle récupération pourrait s’avérer complexe en pratique, puisque RW aurait continué à travailler comme un fonctionnaire en activité pendant cette période.

64      À cet égard, il convient, premièrement, de relever que l’argument, selon lequel le président du Tribunal aurait, au point 94 de l’ordonnance attaquée, considéré que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse et l’exécution immédiate de celle‑ci produiraient le même effet définitif, procède d’une lecture erronée de ce point et n’est donc pas fondé. En effet, audit point 94, le président du Tribunal a uniquement relevé que, pour ce qui concerne la Commission, tant ce sursis que cette exécution entraîneraient des conséquences définitives pendant la période allant jusqu’à la date de l’arrêt à rendre au fond.

65      Deuxièmement, dans la mesure où la Commission paraît faire valoir que le point 94 de l’ordonnance attaquée est entaché d’une erreur de droit dans la mesure où le sursis à l’exécution ordonné préjugerait la solution de l’arrêt à rendre au fond dès lors que, en cas de rejet du recours en annulation, les actes posés par RW dans le cadre de ses fonctions pendant la période couverte par ce sursis resteraient inattaquables, il suffit de relever que la Commission avait déjà avancé un tel argument devant le président du Tribunal, qui l’a rejeté au point 97 de cette ordonnance. Dans le cadre du présent pourvoi, la Commission se borne à réitérer cet argument et vise à ce que la Cour procède à une nouvelle appréciation de celui-ci, sans exposer les raisons pour lesquelles le président du Tribunal aurait commis une erreur de droit en le rejetant.

66      Or, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de celle-ci, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée l’arrêt ou l’ordonnance attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 5 juin 2015, STC/Commission, C‑49/15 P(R), EU:C:2015:373, point 16 et jurisprudence citée].

67      Partant, l’argument rappelé au point 65 de la présente ordonnance doit être déclaré irrecevable.

68      Troisièmement, ne saurait non plus prospérer l’argument de la Commission tiré de ce que, en cas de rejet du recours en annulation, elle serait en droit de récupérer, auprès de RW, la différence entre les sommes qui lui seront versées au titre de son salaire pendant la période couverte par le sursis et les sommes auxquelles ce dernier aurait pu prétendre au titre de sa pension si cette décision avait été immédiatement exécutée, ce qui pourrait toutefois s’avérer complexe en pratique.

69      En effet, à la lecture de la requête en pourvoi, il semble que cet argument soit dirigé contre le point 94 de l’ordonnance attaquée et tende à démontrer que le sursis ordonné préjuge la solution au fond. Toutefois, sans égard à son bien-fondé, il convient de relever, d’une part, qu’un tel argument n’est pas, en tant que tel, susceptible de remettre en cause les constatations opérées à ce point par le président du Tribunal, selon lesquelles tant l’exécution immédiate de la décision litigieuse que ce sursis entraîneraient certaines conséquences définitives pour la Commission pendant la période allant jusqu’à la date de l’arrêt au fond, telles que, ainsi qu’il ressort du point 97 de cette ordonnance, le fait que RW continue à exercer des fonctions pendant cette période. D’autre part, ledit argument, tel qu’il est formulé par la Commission, ne permet pas non plus d’établir que le sursis à l’exécution ordonné par le président du Tribunal préjugerait la solution de l’arrêt à rendre au fond. Au contraire, en alléguant que, malgré des difficultés pratiques, la Commission serait en droit de récupérer les sommes susmentionnées en cas de rejet du recours en annulation, cette institution tend plutôt à démontrer que ce sursis n’entraîne, en ce qui la concerne, qu’une conséquence financière provisoire et ne préjuge pas cette solution. Partant, sans égard au bien‑fondé de ces allégations de la Commission, il y a lieu de constater que le présent argument est inopérant.

70      Au demeurant, à supposer que, par ledit argument, la Commission entende critiquer le fait que le président du Tribunal n’a pas pris ces difficultés pratiques en considération dans le cadre de la mise en balance des intérêts effectuée, il convient de relever que cette institution n’avait pas avancé cet argument et n’avait pas fait état de ces difficultés alléguées en première instance. Dans ces conditions, elle ne saurait reprocher au président du Tribunal de ne pas en avoir tenu compte dans le cadre de cette mise en balance ni demander à la Cour de procéder de nouveau à ladite mise en balance à la lumière desdites difficultés. Sans égard à son bien‑fondé, un tel argument doit donc être déclaré irrecevable. En effet, selon l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait, par conséquent, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui soumis au Tribunal [ordonnance du vice-président de la Cour du 6 juillet 2017, Gollnisch/Parlement, C‑189/17 P(R), non publiée, EU:C:2017:528, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée].

71      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que le président du Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 96 et 97 de l’ordonnance attaquée, en comparant, aux fins de la mise en balance des intérêts, d’une part, les conséquences non définitives que l’exécution immédiate de la décision litigieuse produirait sur les intérêts de RW pendant la période allant de la date de l’arrêt à rendre au fond jusqu’au 1er novembre 2018 avec, d’autre part, les conséquences définitives que le sursis à l’exécution entraînerait sur les intérêts de la Commission pendant une période différente, à savoir pendant la période couverte par ce sursis jusqu’à la date de cet arrêt.

72      À cet égard, comme il a été rappelé au point 20 de la présente ordonnance, il convient de relever que, au point 93 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a constaté que l’exécution immédiate de la décision litigieuse serait susceptible d’entraîner certaines conséquences définitives pour RW pendant la période allant de la date d’entrée en vigueur de cette décision, le 1er juin 2017, à la date de l’arrêt à rendre au fond. Au point 94 de cette ordonnance, le président du Tribunal a souligné que cette exécution, de même que le sursis sollicité, serait également susceptible d’entraîner des conséquences définitives pendant cette même période pour ce qui concerne la Commission. Dès lors, le président du Tribunal a, au point 95 de ladite ordonnance, estimé qu’il convenait, aux fins de la mise en balance des intérêts, de prendre en considération les intérêts n’étant pas concernés de manière définitive.

73      Or, en ce qui concerne RW, le président du Tribunal a, en substance, noté, au point 96 de l’ordonnance attaquée, que l’exécution immédiate de la décision litigieuse serait susceptible d’entraîner des conséquences au‑delà de celles identifiées au point 93 de cette ordonnance et de la période considérée à ce point. Ainsi, il a constaté que, en cas d’annulation de cette décision, une réintégration réelle et effective de RW dans un emploi à la Commission, pour les jours d’activité restant potentiellement entre la date de l’arrêt à rendre au fond et le 1er novembre 2018, serait peu réaliste.

74      S’agissant, en revanche, des conséquences qu’un éventuel sursis à l’exécution produirait sur les intérêts de la Commission, le président du Tribunal n’a, à la lumière des arguments avancés par cette institution, identifié aucune conséquence autre que celles mentionnées au point 94 de ladite ordonnance concernant la période allant du 1er juin 2017 à la date de l’arrêt à rendre au fond. Ainsi, au point 97 de l’ordonnance attaquée, il a considéré que la circonstance que, en cas de sursis à l’exécution de la décision litigieuse, RW puisse continuer à poser des actes dans le cadre de ses fonctions, à supposer qu’elle soit pertinente, ne serait que la conséquence directe du fait que ce dernier continue à exercer ses fonctions pendant la durée du sursis et, dès lors, n’emporterait pas de conséquences au-delà de celles identifiées au point 94 de cette ordonnance.

75      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la Commission, le président du Tribunal n’a pas comparé les effets non définitifs que l’exécution immédiate de la décision litigieuse produirait sur les intérêts de RW pendant la période allant de la date de l’arrêt à rendre au fond au 1er novembre 2018 avec les conséquences définitives que le sursis entraînerait sur les intérêts de la Commission pendant la période allant du 1er juin 2017 à la date de cet arrêt. Il s’est borné à constater que, contrairement à ce qui était le cas de RW, les arguments invoqués par cette institution ne permettaient d’établir aucune conséquence au‑delà de cette dernière période.

76      Partant, l’argument mentionné au point 71 de la présente ordonnance n’est pas fondé.

77      En troisième lieu, la Commission soutient que, en ordonnant le sursis à l’exécution de la décision litigieuse, le président du Tribunal a privé un éventuel rejet du recours en annulation d’effet utile. En effet, ce sursis priverait définitivement la Commission de la possibilité, jusqu’à ce rejet éventuel, de remplacer RW par un autre fonctionnaire dans l’intérêt du service compte tenu des besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences, conformément à l’article 42 quater, sixième alinéa, sous a), du statut.

78      Cependant, il convient de relever que cette impossibilité n’est que la conséquence directe et provisoire du fait que RW est temporairement maintenu en fonctions pendant la durée du sursis. En cas de rejet éventuel du recours en annulation, la Commission pourra prendre les mesures nécessaires afin de remplacer RW. Le présent argument n’est donc pas fondé.

79      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen comme étant en partie irrecevable, en partie inopérant et en partie non fondé.

80      Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

81      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. RW ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et cette dernière ayant succombé en tous ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 10 janvier 2018.

Le greffier

 

Le vice-président

A. Calot Escobar

 

A. Tizzano


*      Langue de procédure : le français.