Language of document : ECLI:EU:T:2011:362

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 juillet 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché de l’installation et de l’entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Manipulation des appels d’offres – Répartition des marchés – Fixation des prix »

Dans l’affaire T‑138/07,

Schindler Holding Ltd, établie à Hergiswil (Suisse),

Schindler Management AG, établie à Ebikon (Suisse),

Schindler SA, établie à Bruxelles (Belgique),

Schindler Deutschland Holding GmbH, établie à Berlin (Allemagne),

Schindler Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg),

Schindler Liften BV, établie à La Haye (Pays-Bas),

représentées par Mes R. Bechtold, W. Bosch, U. Soltész et S. Hirsbrunner, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Mojzesowicz et M. R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Simm et G. Kimberley, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 512 final de la Commission, du 21 février 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/E-1/38.823 – Ascenseurs et escaliers mécaniques), ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant des amendes infligées aux requérantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. N. Wahl et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 septembre 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a pour objet une demande d’annulation de la décision C (2007) 512 final de la Commission, du 21 février 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP/E-1/38.823 – Ascenseurs et escaliers mécaniques) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 mars 2008 (JO C 75, p. 19), ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant des amendes infligées aux requérantes.

2        Dans la décision attaquée, la Commission des Communautés européennes a considéré que les sociétés suivantes ont enfreint l’article 81 CE :

–        Kone Belgium SA (ci-après « Kone Belgique »), Kone GmbH (ci-après « Kone Allemagne »), Kone Luxembourg Sàrl (ci-après « Kone Luxembourg »), Kone BV Liften en Roltrappen (ci-après « Kone Pays-Bas ») et Kone Oyj (ci-après « KC ») (ci-après, prises ensemble ou séparément, « Kone ») ;

–        Otis SA (ci-après « Otis Belgique »), Otis GmbH & Co. OHG (ci-après « Otis Allemagne »), General Technic-Otis Sàrl (ci-après « GTO »), General Technic Sàrl (ci-après « GT »), Otis BV (ci-après « Otis Pays-Bas »), Otis Elevator Company (ci-après « OEC ») et United Technologies Corporation (ci-après « UTC ») (ci-après, prises ensemble ou séparément, « Otis ») ;

–        Schindler SA (ci-après « Schindler Belgique »), Schindler Deutschland Holding GmbH (ci-après « Schindler Allemagne »), Schindler Sàrl (ci-après « Schindler Luxembourg »), Schindler Liften BV (ci-après « Schindler Pays-Bas ») et Schindler Holding Ltd (ci-après, prises ensemble ou séparément, « Schindler ») ;

–        ThyssenKrupp Liften Ascenseurs NV (ci-après « TKLA »), ThyssenKrupp Aufzüge GmbH (ci-après « TKA »), ThyssenKrupp Fahrtreppen GmbH (ci-après « TKF »), ThyssenKrupp Elevator AG (ci-après « TKE »), ThyssenKrupp AG (ci-après « TKAG »), ThyssenKrupp Ascenseurs Luxembourg Sàrl (ci-après « TKAL ») et ThyssenKrupp Liften BV (ci-après « TKL ») (ci-après, prises ensemble ou séparément, « ThyssenKrupp ») ; et

–        Mitsubishi Elevator Europe BV (ci-après « MEE »).

3        Schindler est l’un des premiers groupes mondiaux fournisseurs d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques. Sa société mère est Schindler Holding, établie en Suisse (considérant 27 de la décision attaquée). Schindler exerce ses activités dans le domaine des ascenseurs et des escaliers mécaniques par l’intermédiaire de filiales nationales. Celles-ci sont notamment, en Belgique, Schindler Belgique, en Allemagne, Schindler Allemagne, au Luxembourg, Schindler Luxembourg et, aux Pays-Bas, Schindler Pays-Bas (considérants 28 à 32 de la décision attaquée).

 Procédure administrative

1.     Enquête de la Commission

4        Au cours de l’été 2003, des informations ont été transmises à la Commission concernant l’existence possible d’une entente entre les quatre principaux fabricants européens d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques exerçant des activités commerciales dans l’Union, à savoir Kone, Otis, Schindler et ThyssenKrupp (considérants 3 et 91 de la décision attaquée).

 Belgique

5        À partir du 28 janvier 2004 et dans le courant du mois de mars 2004, la Commission a, en application de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), procédé à des vérifications, notamment dans les locaux des filiales de Kone, d’Otis, de Schindler et de ThyssenKrupp en Belgique (considérants 92, 93, 95 et 97 de la décision attaquée).

6        Des demandes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002 C 45, p. 3) (ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») ont été successivement formulées par Kone, Otis, ThyssenKrupp et Schindler. Ces demandes ont été complétées par les entreprises concernées (considérants 94, 96, 98 et 103 de la décision attaquée).

7        Le 29 juin 2004, une immunité conditionnelle a été accordée à Kone en application du paragraphe 8, sous b), de cette communication (considérant 99 de la décision attaquée).

8        Entre septembre et décembre 2004, la Commission a également envoyé des demandes de renseignements, en application de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003 L 1, p. 1), aux entreprises ayant participé à l’infraction en Belgique, à plusieurs clients dans cet État membre et à l’association belge Agoria (considérants 101 et 102 de la décision attaquée).

 Allemagne

9        À partir du 28 janvier 2004 et dans le courant du mois de mars 2004, la Commission a, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, procédé à des vérifications, notamment dans les locaux des filiales d’Otis et de ThyssenKrupp en Allemagne (considérants 104 et 106 de la décision attaquée).

10      Les 12 et 18 février 2004, Kone a complété sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, du 2 février 2004, concernant la Belgique, par des renseignements concernant l’Allemagne. De même, Otis a, entre mars 2004 et février 2005, complété sa demande concernant la Belgique par des renseignements concernant l’Allemagne. Schindler a présenté le 25 novembre 2004 une demande au titre de ladite communication qui contenait des informations concernant l’Allemagne, laquelle a été complétée entre décembre 2004 et février 2005. Enfin, en décembre 2005, ThyssenKrupp a transmis une demande à la Commission, concernant l’Allemagne, également au titre de cette communication (considérants 105, 107, 112 et 114 de la décision attaquée).

11      Entre septembre et novembre 2004, la Commission a également envoyé des demandes de renseignements, en application de l’article 18 du règlement n° 1/2003, aux entreprises ayant participé à l’infraction en Allemagne, à plusieurs clients dans cet État membre et aux associations VDMA, VFA et VMA (considérants 110, 111 et 113 de la décision attaquée).

 Luxembourg

12      Le 5 février 2004, Kone a complété sa demande du 2 février 2004, concernant la Belgique, par des renseignements concernant le Luxembourg. Otis et ThyssenKrupp ont formulé verbalement une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, concernant le Luxembourg. Une demande au titre de la même communication concernant le Luxembourg a été formulée par Schindler (considérants 115, 118, 119 et 124 de la décision attaquée).

13      À partir du 9 mars 2004, la Commission a, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, procédé à des vérifications, notamment dans les locaux des filiales de Schindler et de ThyssenKrupp au Luxembourg (considérant 116 de la décision attaquée).

14      Le 29 juin 2004, une immunité conditionnelle a été accordée à Kone en application du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2002 pour la partie de sa demande relative au Luxembourg (considérant 120 de la décision attaquée).

15      En septembre et en octobre 2004, la Commission a envoyé des demandes de renseignements en application de l’article 18 du règlement n° 1/2003 aux entreprises ayant participé à l’infraction au Luxembourg, à plusieurs clients dans cet État membre et à la Fédération luxembourgeoise des ascensoristes (considérants 122 et 123 de la décision attaquée).

 Pays-Bas

16      En mars 2004, Otis a formulé une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 concernant les Pays-Bas, qui a été ultérieurement complétée. En avril 2004, une demande au titre de cette communication a été formulée par ThyssenKrupp, laquelle a également été ultérieurement complétée à plusieurs reprises. Enfin, le 19 juillet 2004, Kone a complété sa demande du 2 février 2004, concernant la Belgique, par des informations concernant les Pays-Bas (considérants 127, 129 et 130 de la décision attaquée).

17      Le 27 juillet 2004, une immunité conditionnelle a été accordée à Otis en application du paragraphe 8, sous a), de ladite communication (considérant 131 de la décision attaquée).

18      À partir du 28 avril 2004, la Commission a, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, procédé à des vérifications, notamment dans les locaux des filiales de Kone, de Schindler, de ThyssenKrupp et de MEE aux Pays-Bas ainsi que dans les locaux de l’association Boschduin (considérant 128 de la décision attaquée).

19      En septembre 2004, la Commission a envoyé des demandes de renseignements en application de l’article 18 du règlement n° 1/2003 aux entreprises ayant participé à l’infraction aux Pays-Bas, à plusieurs clients dans cet État membre et aux associations VLR et Boschduin (considérants 133 et 134 de la décision attaquée).

2.     Communication des griefs

20      Le 7 octobre 2005, la Commission a adopté une communication des griefs qui était notamment adressée aux sociétés mentionnées au point 2 ci-dessus. Tous les destinataires de la communication des griefs ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs retenus par la Commission (considérants 135 et 137 de la décision attaquée).

21      Aucune audition n’a eu lieu, dès lors qu’aucun destinataire de la communication des griefs n’avait formulé de demande en ce sens (considérant 138 de la décision attaquée).

3.     Décision attaquée

22      Le 21 février 2007, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a constaté que les sociétés destinataires de celle-ci avaient participé à quatre infractions uniques, complexes et continues à l’article 81, paragraphe 1, CE dans quatre États membres, se partageant des marchés en s’accordant ou en se concertant pour l’attribution d’appels d’offres et de contrats liés à la vente, l’installation, l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques (considérant 2 de la décision attaquée).

23      S’agissant des destinataires de la décision attaquée, la Commission a considéré que, outre les filiales des entreprises concernées en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas, les sociétés mères desdites filiales devaient être tenues solidairement responsables des infractions à l’article 81 CE commises par leurs filiales respectives, en raison du fait qu’elles avaient pu exercer une influence décisive sur leur politique commerciale pendant la durée de l’infraction et qu’il pouvait être présumé qu’elles avaient fait usage de ce pouvoir (considérants 608, 615, 622, 627 et 634 à 641 de la décision attaquée). Les sociétés mères de MEE n’ont pas été tenues solidairement responsables du comportement de leur filiale, en raison du fait qu’il n’a pas pu être établi qu’elles avaient exercé une influence décisive sur le comportement de celle-ci (considérant 643 de la décision attaquée).

24      Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la décision attaquée, de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Elle a également examiné si, et dans quelle mesure, les entreprises concernées satisfaisaient aux exigences fixées par la communication sur la coopération de 2002.

25      La Commission a qualifié les infractions de « très graves » eu égard à leur nature et au fait que chacune d’elles couvrait tout le territoire d’un État membre (Belgique, Allemagne, Luxembourg ou Pays-Bas), même si leur impact réel ne pouvait pas être mesuré (considérant 671 de la décision attaquée).

26      Afin de prendre en compte la capacité économique effective des entreprises concernées à causer un préjudice significatif à la concurrence, la Commission a, pour chaque pays, réparti celles-ci en plusieurs catégories en fonction du chiffre d’affaires réalisé sur le marché des ascenseurs et/ou des escaliers mécaniques, y compris, le cas échéant, dans les services d’entretien et de modernisation (considérants 672 et 673 de la décision attaquée).

27      Pour ce qui concerne l’entente en Belgique, Kone et Schindler ont été placées dans la première catégorie, avec un montant de départ de l’amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, de 40 000 000 euros. Otis a été placée dans la deuxième catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 27 000 000 euros. ThyssenKrupp a été placée dans la troisième catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 16 500 000 euros (considérants 674 et 675 de la décision attaquée). Un facteur multiplicateur de 1,7 a été appliqué au montant de départ de l’amende à infliger à Otis et un facteur multiplicateur de 2 a été appliqué au montant de départ de l’amende de ThyssenKrupp, pour tenir compte de leur taille et de leurs ressources globales, de sorte que les montants de départ de leurs amendes ont respectivement été portés à 45 900 000 euros et à 33 000 000 euros (considérants 690 et 691 de la décision attaquée). L’infraction ayant duré sept ans et huit mois (du 9 mai 1996 au 29 janvier 2004), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour les entreprises concernées de 75 %. Le montant de base de l’amende a ainsi été fixé à 70 000 000 euros pour Kone, à 80 325 000 euros pour Otis, à 70 000 000 euros pour Schindler et à 57 750 000 euros pour ThyssenKrupp (considérants 692 et 696 de la décision attaquée). La Commission a estimé que ThyssenKrupp devait être considérée comme un récidiviste et a majoré le montant de son amende de 50 % au titre de cette circonstance aggravante (considérants 697, 698 et 708 à 710 de la décision attaquée). Aucune circonstance atténuante n’a été retenue au profit des entreprises concernées (considérants 733, 734, 749, 750 et 753 à 755 de la décision attaquée). En application de la communication sur la coopération de 2002, Kone a bénéficié d’une immunité totale d’amendes. Otis a bénéficié, d’une part, d’une réduction de 40 % du montant de l’amende dans la fourchette prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, premier tiret, de ladite communication et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. ThyssenKrupp a bénéficié, d’une part, d’une réduction de 20 % du montant de l’amende dans la fourchette prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, deuxième tiret, de cette communication et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. Schindler a bénéficié d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits (considérants 760 à 777 de la décision attaquée).

28      Pour ce qui concerne l’entente en Allemagne, Kone, Otis et ThyssenKrupp ont été placées dans la première catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 70 000 000 euros. Schindler a été placée dans la seconde catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 17 000 000 euros (considérants 676 à 679 de la décision attaquée). Un facteur multiplicateur de 1,7 a été appliqué au montant de départ de l’amende à infliger à Otis et un facteur multiplicateur de 2 a été appliqué au montant de départ de l’amende de ThyssenKrupp, pour tenir compte de leur taille et de leurs ressources globales, de sorte que les montants de départ de leurs amendes ont respectivement été portés à 119 000 000 euros et à 140 000 000 euros (considérants 690 et 691 de la décision attaquée). L’infraction commise par Kone, Otis et ThyssenKrupp ayant duré huit ans et quatre mois (du 1er août 1995 au 5 décembre 2003), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour ces entreprises de 80 %. L’infraction commise par Schindler ayant duré cinq ans et quatre mois (du 1er août 1995 au 6 décembre 2000), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour cette entreprise de 50 %. Le montant de base de l’amende a ainsi été porté à 126 000 000 euros pour Kone, à 214 200 000 euros pour Otis, à 25 500 000 euros pour Schindler et à 252 000 000 euros pour ThyssenKrupp (considérants 693 et 696 de la décision attaquée). La Commission a estimé que ThyssenKrupp devait être considérée comme un récidiviste et a majoré le montant de son amende de 50 % au titre de cette circonstance aggravante (considérants 697 à 707 de la décision attaquée). Aucune circonstance atténuante n’a été retenue au profit des entreprises concernées (considérants 727 à 729, 735, 736, 742 à 744, 749, 750 et 753 à 755 de la décision attaquée). Kone a bénéficié, d’une part, de la réduction maximale de 50 % du montant de l’amende prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, premier tiret, de la communication sur la coopération de 2002 et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. Otis a bénéficié, d’une part, d’une réduction de 25 % du montant de l’amende dans la fourchette prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, deuxième tiret, de ladite communication et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. Schindler a bénéficié, d’une part, d’une réduction de 15 % du montant de l’amende dans la fourchette prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, troisième tiret, de cette communication et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. ThyssenKrupp a bénéficié d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits (considérants 778 à 813 de la décision attaquée).

29      Pour ce qui concerne l’entente au Luxembourg, Otis et Schindler ont été placées dans la première catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 10 000 000 euros. Kone et ThyssenKrupp ont été placées dans la seconde catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 2 500 000 euros (considérants 680 à 683 de la décision attaquée). Un facteur multiplicateur de 1,7 a été appliqué au montant de départ de l’amende à infliger à Otis et un facteur multiplicateur de 2 a été appliqué au montant de départ de l’amende de ThyssenKrupp, pour tenir compte de leur taille et de leurs ressources globales, de sorte que les montants de départ de leurs amendes ont respectivement été portés à 17 000 000 euros et à 5 000 000 euros (considérants 690 et 691 de la décision attaquée). L’infraction ayant duré huit ans et trois mois (du 7 décembre 1995 au 9 mars 2004), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour les entreprises concernées de 80 %. Le montant de base de l’amende a ainsi été porté à 4 500 000 euros pour Kone, à 30 600 000 euros pour Otis, à 18 000 000 euros pour Schindler et à 9 000 000 euros pour ThyssenKrupp (considérants 694 et 696 de la décision attaquée). La Commission a estimé que ThyssenKrupp devait être considérée comme un récidiviste et a majoré le montant de son amende de 50 % au titre de cette circonstance aggravante (considérants 697, 698 et 711 à 714 de la décision attaquée). Aucune circonstance atténuante n’a été retenue au profit des entreprises concernées (considérants 730, 749, 750 et 753 à 755 de la décision attaquée). En application de la communication sur la coopération de 2002, Kone a bénéficié de l’immunité totale d’amendes. Otis a bénéficié, d’une part, d’une réduction de 40 % du montant de l’amende dans la fourchette prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, premier tiret, de ladite communication et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. Schindler et ThyssenKrupp ont bénéficié uniquement d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits (considérants 814 à 835 de la décision attaquée).

30      Pour ce qui concerne l’entente aux Pays-Bas, Kone a été placée dans la première catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 55 000 000 euros. Otis a été placée dans la deuxième catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 41 000 000 euros. Schindler a été placée dans la troisième catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 24 500 000 euros. ThyssenKrupp et MEE ont été placées dans la quatrième catégorie, avec un montant de départ de l’amende de 8 500 000 euros (considérants 684 et 685 de la décision attaquée). Un facteur multiplicateur de 1,7 a été appliqué au montant de départ de l’amende à infliger à Otis et un facteur multiplicateur de 2 a été appliqué au montant de départ de l’amende de ThyssenKrupp, pour tenir compte de leur taille et de leurs ressources globales, de sorte que les montants de départ de leurs amendes ont respectivement été portés à 69 700 000 euros et à 17 000 000 euros (considérants 690 et 691 de la décision attaquée). L’infraction commise par Otis et ThyssenKrupp ayant duré cinq ans et dix mois (du 15 avril 1998 au 5 mars 2004), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour ces entreprises de 55 %. L’infraction commise par Kone et Schindler ayant duré quatre ans et neuf mois (du 1er juin 1999 au 5 mars 2004), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour ces entreprises de 45 %. L’infraction commise par MEE ayant duré quatre ans et un mois (du 11 janvier 2000 au 5 mars 2004), la Commission a majoré le montant de départ de l’amende pour cette entreprise de 40 %. Le montant de base de l’amende a ainsi été porté à 79 750 000 euros pour Kone, à 108 035 000 euros pour Otis, à 35 525 000 euros pour Schindler, à 26 350 000 euros pour ThyssenKrupp et à 11 900 000 euros pour MEE (considérants 695 et 696 de la décision attaquée). La Commission a estimé que ThyssenKrupp devait être considérée comme un récidiviste et a majoré le montant de son amende de 50 % au titre de cette circonstance aggravante (considérants 697, 698 et 715 à 720 de la décision attaquée). Aucune circonstance atténuante n’a été retenue au profit des entreprises concernées (considérants 724 à 726, 731, 732, 737, 739 à 741, 745 à 748 et 751 à 755 de la décision attaquée). En application de la communication sur la coopération de 2002, Otis a bénéficié de l’immunité totale d’amendes. ThyssenKrupp a bénéficié, d’une part, d’une réduction de 40 % du montant de l’amende dans la fourchette prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, premier tiret, de ladite communication et, d’autre part, d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits. Schindler et MEE ont bénéficié d’une réduction de 1 % du montant de l’amende pour non-contestation des faits (considérants 836 à 855 de la décision attaquée).

31      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

1.      S’agissant de la Belgique, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE], en s’accordant régulièrement et collectivement, pendant les périodes indiquées, dans le cadre d’accords et de pratiques concertées au niveau national relatifs aux ascenseurs et aux escaliers mécaniques, pour se partager les marchés, se répartir les appels d’offres publics et privés et d’autres contrats conformément aux parts préalablement convenues pour la vente et l’installation, et s’abstenir de se faire concurrence pour les contrats d’entretien et de modernisation :

–        Kone : [KC] et [Kone Belgique] : du 9 mai 1996 au 29 janvier 2004 ;

–        Otis : [UTC], [OEC] et [Otis Belgique] : du 9 mai 1996 au 29 janvier 2004 ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Belgique] : du 9 mai 1996 au 29 janvier 2004 ; et

–        ThyssenKrupp : [TKAG], [TKE] et [TKLA] : du 9 mai 1996 au 29 janvier 2004.

2.      S’agissant de l’Allemagne, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE], en s’accordant régulièrement et collectivement, pendant les périodes indiquées, dans le cadre d’accords et de pratiques concertées au niveau national relatifs aux ascenseurs et aux escaliers mécaniques, pour se partager les marchés, se répartir les appels d’offres publics et privés et d’autres contrats conformément aux parts préalablement convenues pour la vente et l’installation :

–        Kone : [KC] et [Kone Allemagne] : du 1er août 1995 au 5 décembre 2003 ;

–        Otis : [UTC], [OEC] et [Otis Allemagne] : du 1er août 1995 au 5 décembre 2003 ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Allemagne] : du 1er août 1995 au 6 décembre 2000 ; et

–        ThyssenKrupp : [TKAG], [TKE], [TKA] et [TKF] : du 1er août 1995 au 5 décembre 2003.

3.      S’agissant du Luxembourg, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE], en s’accordant régulièrement et collectivement, pendant les périodes indiquées, dans le cadre d’accords et de pratiques concertées au niveau national relatifs aux ascenseurs et aux escaliers mécaniques, pour se partager les marchés, se répartir les appels d’offres publics et privés et d’autres contrats conformément aux parts préalablement convenues pour la vente et l’installation, et s’abstenir de se faire concurrence pour les contrats d’entretien et de modernisation :

–        Kone : [KC] et [Kone Luxembourg] : du 7 décembre 1995 au 29 janvier 2004 ;

–        Otis : [UTC], [OEC], [Otis Belgique], [GTO] et [GT] : du 7 décembre 1995 au 9 mars 2004 ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Luxembourg] : du 7 décembre 1995 au 9 mars 2004 ; et

–        ThyssenKrupp : [TKAG], [TKE] et [TKAL] : du 7 décembre 1995 au 9 mars 2004.

4.      S’agissant des Pays-Bas, les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE], en s’accordant régulièrement et collectivement, pendant les périodes indiquées, dans le cadre d’accords et de pratiques concertées au niveau national relatifs aux ascenseurs et aux escaliers mécaniques, pour se partager les marchés, se répartir les appels d’offres publics et privés et d’autres contrats conformément aux parts préalablement convenues pour la vente et l’installation, et s’abstenir de se faire concurrence pour les contrats d’entretien et de modernisation :

–        Kone : [KC] et [Kone Pays-Bas] : du 1er juin 1999 au 5 mars 2004 ;

–        Otis : [UTC], [OEC] et [Otis Pays-Bas] : du 15 avril 1998 au 5 mars 2004 ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Pays-Bas] : du 1er juin 1999 au 5 mars 2004 ;

–        ThyssenKrupp : [TKAG] et [TKL] : du 15 avril 1998 au 5 mars 2004 ; et

–        [MEE] : du 11 janvier 2000 au 5 mars 2004.

Article 2

1.      Pour les infractions en Belgique visées à l’article 1er, paragraphe 1, les amendes suivantes sont infligées :

–        Kone : [KC] et [Kone Belgique], solidairement : 0 EUR ;

–        Otis : [UTC], [OEC] et [Otis Belgique], solidairement : 47 713 050 EUR ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Belgique], solidairement : 69 300 000 EUR ; et

–        ThyssenKrupp : [TKAG], [TKE] et [TKLA], solidairement : 68 607 000 EUR.

2.      Pour les infractions en Allemagne visées à l’article 1er, paragraphe 2, les amendes suivantes sont infligées :

–        Kone : [KC] et [Kone Allemagne], solidairement : 62 370 000 EUR ;

–        Otis : [UTC], [OEC] et [Otis Allemagne], solidairement : 159 043 500 EUR ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Allemagne], solidairement : 21 458 250 EUR ; et

–        ThyssenKrupp : [TKAG], [TKE], [TKA] et [TKF], solidairement : 374 220 000 EUR.

3.      Pour les infractions au Luxembourg visées à l’article 1er, paragraphe 3, les amendes suivantes sont infligées :

–        Kone : [KC] et [Kone Luxembourg], solidairement : 0 EUR ;

–        Otis : [UTC], [OEC], [Otis Belgique], [GTO] et [GT], solidairement : 18 176 400 EUR ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Luxembourg], solidairement : 17 820 000 EUR ; et

–        ThyssenKrupp : [TKAG], [TKE] et [TKAL], solidairement : 13 365 000 EUR.

4.      Pour les infractions aux Pays-Bas visées à l’article 1er, paragraphe 4, les amendes suivantes sont infligées :

–        Kone : [KC] et [Kone Pays-Bas], solidairement : 79 750 000 EUR ;

–        Otis : [UTC], [OEC] et [Otis Pays-Bas], solidairement : 0 EUR ;

–        Schindler : Schindler Holding […] et [Schindler Pays-Bas], solidairement : 35 169 750 EUR ;

–        ThyssenKrupp : [TKAG] et [TKL], solidairement : 23 477 850 EUR ; et

–        [MEE] : 1 841 400 EUR.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2007, les requérantes, Schindler Holding, Schindler Management AG, Schindler Belgique, Schindler Allemagne, Schindler Luxembourg et Schindler Pays-Bas, ont introduit le présent recours.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juillet 2007, le Conseil de l’Union a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 8 octobre 2007, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande d’intervention.

34      Le 26 novembre 2007, le Conseil a déposé son mémoire en intervention. Les parties principales ont déposé leurs observations au sujet dudit mémoire.

35      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux requérantes et a demandé à la Commission de produire un document. Les parties ont déféré à ces mesures dans le délai imparti.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 septembre 2009.

37      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant des amendes infligées ;

–        constater, conformément à l’article 113 du règlement de procédure, le non-lieu à statuer sur le recours en ce qui concerne Schindler Management ;

–        condamner la Commission aux dépens, y inclus ceux résultant du non-lieu à statuer en ce qui concerne le recours en tant qu’introduit par Schindler Management.

38      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

39      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer de manière appropriée sur les dépens.

 Sur la demande de non-lieu à statuer en ce qui concerne Schindler Management

40      Dans sa version antérieure à l’introduction du recours, l’article 4 de la décision attaquée mentionnait Schindler Management comme l’un des destinataires de celle-ci.

41      Par décision du 4 septembre 2007, communiquée au Tribunal le 30 juin 2009, la Commission a rectifié l’article 4 de la décision attaquée et a notifié ce rectificatif à Schindler Holding et à Schindler Management. L’article 4 rectifié de la décision attaquée ne mentionne plus Schindler Management.

42      Selon les requérantes, la rectification de la décision attaquée a privé le recours de son objet pour autant qu’il a été introduit par Schindler Management.

43      Il y a lieu de constater, conformément aux conclusions des requérantes, que le présent recours est, à la suite de la rectification de la décision attaquée, devenu sans objet pour autant qu’il concerne Schindler Management.

44      Il n’y a donc plus lieu de statuer sur le recours pour autant qu’il a été introduit par Schindler Management.

 Sur le fond

1.     Observations liminaires

45      Au soutien de leur recours, les requérantes ont, dans leurs écritures, soulevé leurs arguments dans le cadre de treize moyens, qu’elles ont présentés comme suit. Le premier moyen est tiré de la violation du principe de légalité des peines, en raison du fait que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 donnerait à la Commission un pouvoir d’appréciation illimité pour le calcul des amendes. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité dans l’application des lignes directrices de 1998 et de la communication sur la coopération de 2002. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de légalité des peines et de l’absence de compétence de la Commission pour adopter les lignes directrices de 1998. Le quatrième moyen est tiré de l’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, en raison de la violation des principes nemo tenetur se ipsum accusare, nemo tenetur se ipsum prodere (ci-après, conjointement, le « principe nemo tenetur »), in dubio pro reo et de proportionnalité. Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de la séparation des pouvoirs et des exigences d’une procédure fondée sur le respect des principes d’un État de droit. Le sixième moyen est tiré du caractère confiscatoire des amendes infligées aux requérantes. Les septième et huitième moyens sont tirés d’une violation des lignes directrices de 1998 dans la fixation du montant de départ des amendes et dans l’appréciation des circonstances atténuantes. Le neuvième moyen est tiré de la violation des lignes directrices de 1998 et de la communication sur la coopération de 2002 s’agissant de la détermination du montant des amendes pour les infractions en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg. Le dixième moyen est tiré du caractère disproportionné du montant des amendes. Le onzième moyen est tiré de l’absence de notification valable de la décision attaquée à Schindler Holding. Le douzième moyen est tiré de l’absence de responsabilité de Schindler Holding. Enfin, le treizième moyen est tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

46      Si le recours introduit par les requérantes présente un double objet, à savoir, à titre principal, une demande d’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant des amendes, les différents griefs soulevés par les requérantes dans leurs écritures l’ont cependant été sans que les prétentions qu’ils soutiennent soient précisées. Lors de l’audience, les requérantes ont indiqué, en substance, en réponse à une question du Tribunal, que les dix premiers moyens et le treizième moyen ont pour objet l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée, que le onzième moyen a pour objet l’annulation de la décision attaquée dans son ensemble, pour autant qu’elle est adressée à Schindler Holding, et que le douzième moyen a pour objet l’annulation des articles 1er, 2 et 3 de la décision attaquée, pour autant qu’elle est adressée à Schindler Holding.

47      À cet égard, il y a lieu de considérer que plusieurs griefs des requérantes concernent la légalité de la décision attaquée dans son ensemble et seront dès lors examinés en premier lieu. Il en est ainsi du grief des requérantes formulé dans le cadre de leur cinquième moyen, qui, en substance, est tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Parmi les griefs visant la légalité de la décision attaquée dans son ensemble figurent également ceux qui ont été soulevés dans le cadre des onzième et douzième moyens, tirés respectivement de l’illégalité de la décision attaquée en ce qu’elle est adressée à Schindler Holding en raison de l’absence de notification valable et de l’illégalité de la décision attaquée en ce qu’elle a engagé la responsabilité solidaire de Schindler Holding.

48      Les griefs relatifs à la légalité de l’article 2 de la décision attaquée, formulés dans le cadre des autres moyens du recours, seront examinés en second lieu. À cet égard, le Tribunal estime opportun d’examiner les griefs des requérantes comme suit. Tout d’abord, seront analysés les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens, dans le cadre desquels les requérantes soulèvent plusieurs exceptions d’illégalité relatives à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, aux lignes directrices de 1998 et à la communication sur la coopération de 2002. Ensuite, le Tribunal examinera le sixième moyen, selon lequel la décision attaquée a un caractère confiscatoire. Enfin, le Tribunal examinera les septième, huitième, neuvième, dixième et treizième moyens, dans le cadre desquels les requérantes ont invoqué plusieurs griefs relatifs à la détermination du montant de leurs amendes.

2.     Sur la demande d’annulation de la décision attaquée dans son ensemble

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH

49      Les requérantes font valoir que, les infractions aux dispositions du traité CE en matière de droit de la concurrence relevant du droit pénal, la procédure devant la Commission doit satisfaire aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Or, des autorités administratives ne pourraient infliger des sanctions pénales que si un contrôle juridictionnel est possible, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. En effet, un recours en annulation devant le juge de l’Union ne serait qu’une procédure de cassation administrative, se limitant aux moyens concrètement avancés par le requérant, qui ne satisferait pas aux exigences définies par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), notamment dans le cadre de l’affaire Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984 (série A n° 73). En outre, la procédure devant la Commission ne pourrait être qualifiée de procédure devant un tribunal indépendant et impartial, l’administration de la preuve par la Commission dans le cadre de la communication sur la coopération de 2002, qui consiste à se fonder sur des descriptions de faits obtenues dans le cadre d’une « auto-incrimination », violant les exigences d’une procédure d’un État de droit, d’autant que les entreprises n’auraient aucune possibilité de vérifier la pertinence des griefs en posant, par exemple, des questions aux témoins à charge.

50      L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera […] du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle […] »

51      Il doit être rappelé que la Cour a reconnu le principe général du droit de l’Union selon lequel toute personne a droit à un procès équitable (voir arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Salzgitter Mannesmann/Commission, C‑411/04 P, Rec. p. I‑959, point 40, et la jurisprudence citée). Ce principe, par ailleurs réaffirmé par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1) (ci-après la « charte »), s’inspire des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit de l’Union dont elle assure le respect en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies notamment par la Cour EDH (arrêt Salzgitter Mannesmann/Commission, précité, point 41).

52      En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la procédure devant la Commission ne satisfait pas aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, il doit être relevé que, selon la jurisprudence de la Cour EDH, pour que l’article 6 de la CEDH s’applique, il suffit que l’infraction en cause soit par nature pénale ou ait exposé l’intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de gravité, ressortit en général à la matière pénale (voir Cour eur. D. H., arrêt Jussila c. Finlande du 23 novembre 2006, Recueil des arrêts et décisions, 2006‑XIII, § 31, et la jurisprudence citée). À cet égard, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH, en adoptant une interprétation autonome de la notion d’ « accusation en matière pénale », les organes de la CEDH ont jeté les bases d’une extension progressive de l’application du volet pénal de l’article 6 à des domaines qui ne relèvent pas formellement des catégories traditionnelles du droit pénal, telles que les sanctions pécuniaires infligées pour violation du droit de la concurrence. Toutefois, s’agissant des catégories ne faisant pas partie du noyau dur du droit pénal, la Cour EDH a précisé que les garanties offertes par le volet pénal de l’article 6 ne doivent pas nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Jussila c. Finlande, précité, § 43, et la jurisprudence citée).

53      En outre, selon la jurisprudence du juge de l’Union, et ainsi que l’affirme explicitement l’article 23, paragraphe 5, du règlement n° 1/2003, les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 235 ; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 717, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 390).

54      Contrairement à ce que prétendent les requérantes, il y a lieu de considérer qu’une procédure dans le cadre de laquelle la Commission adopte une décision constatant une infraction et imposant des amendes qui peut ultérieurement être soumise au contrôle du juge de l’Union satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Certes, la Commission n’est pas un tribunal au sens de l’article 6 de la CEDH (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 81, et du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 7). Toutefois, la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit de l’Union au cours de la procédure administrative (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 39 ; Cimenteries CBR e.a./Commission, point 53 supra, point 718, et HFB e.a./Commission, point 53 supra, point 391).

55      Par ailleurs, le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les décisions de la Commission garantit qu’il soit satisfait aux exigences d’un procès équitable tel que consacré par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (voir point 50 ci-dessus).

56      À cet égard, selon la Cour EDH, il est nécessaire que l’entreprise concernée puisse saisir de toute décision ainsi prise à son endroit un organe judiciaire de pleine juridiction, ayant notamment le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise (voir, par analogie, Cour eur. D. H., arrêt Janosevic c. Suède du 23 juillet 2002, Recueil des arrêts et décisions, 2002‑VII, § 81, et la jurisprudence citée). Or, lorsque le Tribunal contrôle la légalité d’une décision constatant une infraction à l’article 81 CE, il peut être appelé par les parties requérantes à procéder à un examen exhaustif tant de la constatation matérielle des faits que de leur appréciation juridique par la Commission. En outre, s’agissant des amendes, il dispose d’une compétence de pleine juridiction en vertu de l’article 229 CE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 53 supra, point 719).

57      En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel les entreprises concernées n’auraient pas eu la possibilité de vérifier la pertinence des griefs formulés par la Commission, par exemple en interrogeant les éventuels témoins à charge. En effet, selon la jurisprudence, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE. Toutefois, la déclaration d’une entreprise mise en cause pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs entreprises mises en cause, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante des faits en cause sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 285, et la jurisprudence citée). En outre, en tout état de cause, force est de constater qu’en l’espèce les requérantes ont expressément reconnu les faits tels qu’exposés dans la communication des griefs.

58      En troisième lieu, pour le surplus, s’agissant de l’administration de la preuve par la Commission dans le cadre de la communication sur la coopération de 2002, le grief des requérantes se confond avec leur grief tiré de l’illégalité de ladite communication en raison de la violation des principes nemo tenetur et in dubio pro reo, qui doit être rejeté pour les raisons exposées aux points 146 à 164 ci-après.

59      Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de l’illégalité de la décision attaquée, en ce qu’elle est adressée à Schindler Holding, en raison de l’absence de notification valable

60      Les requérantes reconnaissent que la décision attaquée a été communiquée à Schindler Holding, établie en Suisse. Toutefois, celle-ci n’aurait pas été notifiée conformément à l’article 254, paragraphe 3, CE. La manière d’agir de la Commission violerait le droit pénal suisse et serait contraire au droit international. En effet, la notification en Suisse supposerait l’existence d’une convention de droit international avec la Suisse, convention qui n’existerait pas, de sorte que, en l’absence de notification, la décision attaquée, en ce qu’elle est adressée à Schindler Holding, ne serait pas valable et, partant, serait juridiquement inexistante.

61      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé que les irrégularités dans la procédure de notification d’une décision sont extérieures à l’acte et ne peuvent donc le vicier (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 39). De telles irrégularités peuvent seulement, dans certaines circonstances, empêcher que le délai visé à l’article 230, cinquième alinéa, CE, pour l’introduction d’un recours ne commence à courir. En l’espèce, Schindler Holding a incontestablement eu connaissance du contenu de la décision attaquée et a fait usage de son droit de recours dans le délai visé à l’article 230, cinquième alinéa, CE.

62      Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré de l’illégalité de la décision attaquée, en ce qu’elle a engagé la responsabilité solidaire de Schindler Holding

63      Par ce moyen, les requérantes mettent en cause la responsabilité solidaire de Schindler Holding, la société mère du groupe Schindler, pour les comportements anticoncurrentiels de ses filiales en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas.

64      S’agissant de la responsabilité solidaire d’une société mère pour le comportement de sa filiale, il convient de rappeler que la circonstance qu’une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 61 supra, point 132).

65      En effet, le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises, et la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 54, et la jurisprudence citée).

66      Le juge de l’Union a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 55, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T‑234/95, Rec. p. II‑2603, point 124). Il a ainsi souligné que, aux fins de l’application des règles de la concurrence, la séparation formelle entre deux sociétés, résultant de leur personnalité juridique distincte, n’est pas déterminante, ce qui s’impose étant l’unité ou non de leur comportement sur le marché. Il peut donc s’avérer nécessaire de déterminer si deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes forment ou relèvent d’une seule et même entreprise ou entité économique qui déploie un comportement unique sur le marché (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 61 supra, point 140, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85).

67      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

68      L’infraction au droit de la concurrence de l’Union doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une personne juridique se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

69      Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

70      En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 65 et 66 ci-dessus. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 59).

71      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

72      Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

73      En outre, s’il est vrai que la Cour a évoqué aux points 28 et 29 de son arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925), hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d’autres circonstances, telles que l’absence de contestation de l’influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n’en demeure pas moins que lesdites circonstances n’ont été relevées que dans le but d’exposer l’ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement et non pas pour subordonner la mise en œuvre de la présomption mentionnée au point 71 ci-dessus à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif d’une influence de la société mère (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 65 supra, point 62).

74      Il convient, à la lumière des principes rappelés ci-dessus, d’examiner le présent moyen.

75      Au considérant 627 de la décision attaquée, la Commission a considéré que Schindler Holding devait être tenue solidairement responsable du comportement infractionnel de ses filiales Schindler Belgique, Schindler Allemagne, Schindler Luxembourg et Schindler Pays-Bas, dès lors que, « en tant qu’unique propriétaire et ultime société mère, [elle] avait pu exercer une influence décisive sur la politique commerciale de chacune des filiales pendant la durée de l’infraction et pouvait être présumée avoir fait usage de ce pouvoir ».

76      Aux considérants 628 et 629 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’argument de Schindler Holding selon lequel lesdites filiales exercent leur activité sur le marché en tant qu’entités juridiques autonomes déterminant seules l’essentiel de leur politique commerciale ainsi que celui selon lequel elle n’avait aucune influence sur les activités courantes desdites filiales étaient « insuffisant[s] pour combattre la présomption selon laquelle les filiales de Schindler Holding ne déterminaient pas en toute autonomie leur comportement sur le marché ».

77      La Commission a également relevé, au considérant 630 de la décision attaquée, que, « au cours de la procédure administrative, [Schindler Holding] aurait pu fournir des preuves démontrant qu’elle n’avait pas exercé d’influence décisive sur ses filiales […] ». Selon la Commission, « [Schindler Holding] et ses filiales [ne lui] ont cependant pas fourni […] d’éléments de preuve clarifiant leurs relations sociales, la structure hiérarchique et les obligations de rapport afin de combattre [la] présomption [selon laquelle] […] [Schindler Holding], en tant que propriétaire unique de ses filiales, destinataires de [la] décision [attaquée], a exercé ses droits de contrôle et a utilisé tous les autres moyens d’exercer l’influence décisive qui lui revenait. »

78      Au considérant 631 de la décision attaquée, la Commission a considéré que « la seule existence d’un programme de mise en conformité aux règles de concurrence au sein de Schindler ne permet[tait] pas de déterminer si [Schindler Holding] a[vait] ou non émis des instructions concernant l’infraction ». Ainsi, selon la Commission, « [l]a présomption reste que la filiale à 100 % de [Schindler Holding] ne déterminait pas de façon autonome sa politique commerciale sur le marché ».

79      Au vu de ce qui précède, la Commission a, au considérant 632 de la décision attaquée, conclu que « [Schindler Holding] et ses filiales à 100 % n’[avaient] pas renversé la présomption de responsabilité pour les infractions commises en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas [et que,] [p]ar conséquent, [Schindler Holding] [devait] être tenue solidairement responsable avec ses filiales concernées des infractions à l’article 81 CE qui font l’objet de [la] décision [attaquée] ».

80      En premier lieu, il est constant que, au cours de la période infractionnelle, Schindler Holding détenait directement 100 % du capital de Schindler Belgique, de Schindler Allemagne et de Schindler Pays-Bas et, indirectement, à travers Schindler Belgique, 100 % du capital de Schindler Luxembourg. Il existait donc une présomption selon laquelle Schindler Holding exerçait une influence déterminante sur le comportement de ses filiales (voir point 72 ci-dessus).

81      Schindler ne saurait prétendre que la Commission aurait dû prouver que les activités opérationnelles desdites filiales, en ce compris leur comportement contraire à l’article 81 CE, ont réellement été influencées par Schindler Holding et que cette dernière a causé ou soutenu l’infraction.

82      En effet, l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne nécessite pas la preuve que la société mère influe sur la politique de sa filiale dans le domaine spécifique ayant fait l’objet de l’infraction. En revanche, les liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre la société mère et sa filiale peuvent établir l’existence d’une influence de la première sur la stratégie de la seconde et, dès lors, justifier de les concevoir comme une seule entité économique (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, point 83). Ainsi, si la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère, elle est en mesure de tenir la société mère solidairement responsable pour le paiement de l’amende imposé à sa filiale, sauf si la société mère prouve que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir point 72 ci-dessus). Il convient également de relever que ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés (arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58).

83      Les requérantes ne sauraient davantage s’appuyer sur une prétendue violation du principe de culpabilité (Schuldprinzip) ou sur l’exclusion de principe de la mise en cause de la responsabilité de l’actionnaire d’une société à responsabilité limitée ou d’une société anonyme pour les dettes de la société et les actes de ses organes de direction. Il suffit à cet égard de constater qu’une telle argumentation repose sur la prémisse erronée selon laquelle aucune infraction n’aurait été constatée à l’égard de la société mère, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’il ressort du considérant 632 et des articles 1er et 2 de la décision attaquée que Schindler Holding a été personnellement condamnée pour des infractions qu’elle est censée avoir commises elle-même en raison des liens économiques et juridiques étroits qui l’unissent à ses filiales (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, points 28 et 34, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 74).

84      En second lieu, il convient d’examiner les arguments présentés par les requérantes, tendant à réfuter la présomption exposée au point 71 ci-dessus, selon lesquels les filiales de Schindler Holding auraient déterminé leur politique commerciale de manière autonome.

85      Premièrement, le fait, invoqué par les requérantes, que Schindler Holding n’a pas donné à ses filiales d’instructions qui auraient, en l’espèce, permis ou encouragé des contacts contraires à l’article 81 CE et n’a pas eu connaissance de tels contacts, à le supposer établi, ne constitue pas un élément susceptible de démontrer l’autonomie de ces dernières. Comme rappelé au point 82 ci-dessus, l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne nécessite en effet pas que la société mère influe sur la politique de sa filiale dans le domaine spécifique ayant fait l’objet de l’infraction.

86      Deuxièmement, l’argument selon lequel les filiales de Schindler Holding opéreraient toujours de manière autonome dans leurs pays respectifs, sans subir l’influence de Schindler Holding sur leurs activités courantes, les « acquisitions de marchés », les conclusions de contrats ou leur politique de prix, Schindler Holding n’étant informée que des marchés susceptibles de provoquer des pertes, doit aussi être rejeté. En effet, d’une part, les requérantes concernées n’ont pas présenté d’éléments de preuve à l’appui de ces affirmations et, d’autre part, en tout état de cause, de telles affirmations, à les supposer démontrées, ne suffiraient pas à réfuter la présomption exposée au point 71 ci-dessus, dès lors qu’il ressort de la jurisprudence que des éléments autres que ceux mentionnés par les requérantes relèvent également de la notion de la politique commerciale d’une filiale aux fins de l’application de l’article 81 CE à l’égard de sa société mère. À ce titre, il convient d’indiquer que, dans le cadre de l’analyse de l’existence d’une entité économique unique entre plusieurs sociétés faisant partie d’un groupe, le juge de l’Union a notamment examiné si la société mère pouvait influer sur la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, la trésorerie, les stocks et le marketing. Toutefois, il ne saurait en être déduit que seuls ces aspects relèvent de la notion de la politique commerciale d’une filiale aux fins de l’application des articles 81 CE et 82 CE à l’égard de sa société mère (voir arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, point 82 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

87      Troisièmement, le fait que les filiales de Schindler Holding aient, dans les quatre pays concernés par l’infraction, pris part à des infractions distinctes, de caractère différent, ce qui plaiderait contre l’existence d’une influence effective de celle-ci sur les activités opérationnelles de ses filiales, ne saurait pas non plus renverser la présomption de responsabilité. En effet, il ressort des considérants 627 à 632 de la décision attaquée que la Commission ne s’est pas fondée sur un éventuel parallélisme entre les infractions constatées dans les quatre pays concernés pour imputer à Schindler Holding la responsabilité du comportement de ses filiales. En outre, l’affirmation des requérantes selon laquelle les infractions présenteraient un caractère différent est erronée, les filiales de Schindler Holding ayant, dans les quatre pays concernés, pendant des périodes qui se recoupent dans une large mesure (du 9 mai 1996 au 29 janvier 2004 en Belgique, du 1er août 1995 au 6 décembre 2000 en Allemagne, du 7 décembre 1995 au 9 mars 2004 au Luxembourg et du 1er juin 1999 au 5 mars 2004 aux Pays-Bas), pris part à des infractions ayant un objet similaire, celui-ci consistant en « une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se répartissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques (sauf en Allemagne, où l’activité d’entretien et de modernisation n’a pas fait l’objet de discussions entre les membres de l’entente) » (considérant 658 de la décision attaquée).

88      Quatrièmement, le fait que Schindler Holding ait pu faire tout son possible afin d’empêcher des comportements de ses filiales contraires à l’article 81 CE, notamment par l’adoption d’un code de conduite visant à empêcher les violations par celles-ci du droit de la concurrence et de lignes directrices y relatives, d’une part, ne change rien à la réalité de l’infraction constatée à son égard (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 373) et, d’autre part, ne permet pas de démontrer que lesdites filiales déterminaient de manière autonome leur politique commerciale. Au contraire, la mise en œuvre, au sein des filiales de Schindler Holding, dudit code de conduite suggère plutôt un contrôle effectif par la société mère de la politique commerciale de ses filiales, d’autant que les requérantes ont elles-mêmes affirmé que le respect du code de conduite était contrôlé par le biais d’audits réguliers et d’autres mesures prises par un employé de Schindler Holding chargé de la mise en conformité (compliance officer).

89      Cinquièmement, pour ce qui concerne les relations au sein du groupe, la structure de gestion et les lignes directrices concernant les rapports à rendre au sein de Schindler Holding, la Commission a affirmé, au considérant 630 de la décision attaquée, que Schindler Holding et ses filiales ne lui ont pas fourni d’éléments d’information clarifiant leurs relations sociales. Certes, il ressort du dossier que, au cours de la procédure administrative, les requérantes ont effectivement fourni certaines informations à la Commission sur les relations au sein du groupe, sur la structure de gestion et sur les lignes directrices concernant les rapports à rendre (reporting lines).

90      Toutefois, ces informations ne permettent pas de conclure à l’autonomie des filiales de Schindler. En effet, les informations fournies, qui ne sont du reste pas accompagnées d’éléments de preuve, demeurent lacunaires, celles-ci concernant essentiellement les responsabilités et les obligations de rapport (reporting obligations) de quelques cadres de Schindler Luxembourg et de Schindler Belgique ainsi que les responsabilités d’un employé de Schindler Allemagne, sans que les relations sociales entre Schindler Holding et ses filiales actives dans les pays concernés ou encore l’influence de Schindler Holding sur ces dernières soient plus amplement clarifiées.

91      Eu égard à la présomption de responsabilité exposée au point 72 ci-dessus et au fait que, ainsi qu’il découle des points 84 à 90 ci-dessus, cette présomption n’a pas été réfutée par les requérantes, c’est à bon droit que la Commission a imputé les infractions commises par les filiales de Schindler Holding à cette dernière.

92      Il y a dès lors lieu de rejeter le présent moyen.

3.     Sur la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée

 Sur l’exception d’illégalité relative à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, tirée de la violation du principe de légalité des peines

93      Les requérantes soutiennent que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 confère à la Commission une marge d’appréciation presque illimitée en ce qui concerne la fixation du montant des amendes, ce qui serait contraire au principe de légalité des peines, défini à l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, qui découlerait également des principes généraux de droit se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres.

94      Il convient de rappeler le libellé de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »

95      Il résulte de la jurisprudence que le principe de légalité des peines est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit de l’Union et exige, notamment, que toute réglementation de l’Union, en particulier lorsqu’elle impose ou permet d’imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence (voir arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 66, et du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 71, et la jurisprudence citée).

96      Le principe de légalité des peines, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres, a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment à l’article 7 de la CEDH. Ce principe exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale. En outre, selon la jurisprudence de la Cour EDH, la clarté de la loi s’apprécie au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée (voir arrêt de la Cour du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission et Conseil, C‑266/06 P, non publié au Recueil, points 38 à 40, et la jurisprudence citée).

97      Ce principe s’impose tant aux normes de caractère pénal qu’aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d’imposer des sanctions administratives (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 novembre 1987, Maizena e.a., 137/85, Rec. p. 4587, point 15, et la jurisprudence citée). Il s’applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d’une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d’une infraction aux premières (voir arrêts Degussa/Commission, point 95 supra, point 67, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 29, et la jurisprudence citée).

98      Il est, par ailleurs, de jurisprudence constante que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect (avis de la Cour 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I‑1759, point 33, et arrêt de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C‑299/95, Rec. p. I‑2629, point 14). À cet effet, la Cour et le Tribunal s’inspirent des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière (arrêts de la Cour du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C‑94/00, Rec. p. I‑9011, points 23, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de l’article 6, paragraphe 2, UE, « [l]’Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit [de l’Union] ».

99      Ainsi que le Tribunal l’a déjà rappelé (arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 71), l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH n’exige pas que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d’une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue. En effet, selon la jurisprudence de la Cour EDH, le fait qu’une loi confère un pouvoir d’appréciation ne se heurte pas en soi à l’exigence de prévisibilité, à condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l’individu une protection adéquate contre l’arbitraire (voir Cour eur. D. H., arrêt Margareta et Roger Andersson c. Suède du 25 février 1992, série A nº 226, § 75). À cet égard, outre le texte de la loi elle-même, la Cour EDH tient compte de la question de savoir si les notions indéterminées utilisées ont été précisées par une jurisprudence constante et publiée (voir Cour eur. D. H., arrêt G. c. France du 27 septembre 1995, série A nº 325‑B, § 25).

100    La prise en compte des traditions constitutionnelles communes aux États membres ne conduit pas à donner au principe général du droit de l’Union que constitue le principe de légalité une interprétation différente de celle qui résulte des développements ci-dessus (arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 73). L’argument des requérantes selon lequel, au niveau national, il n’existe pas d’habilitation comparable d’une autorité permettant à cette dernière d’infliger des amendes de façon « presque illimitée » doit donc être rejeté.

101    En l’espèce, s’agissant de la légalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 au regard du principe de légalité des peines, il convient de constater, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le législateur de l’Union n’a pas attribué à la Commission une marge d’appréciation excessive ou arbitraire pour la fixation des amendes pour infraction aux règles de la concurrence (arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 74).

102    En effet, premièrement, il convient de relever que, si l’article 23, paragraphe 2, du règlement n º 1/2003 laisse à la Commission une large marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels la Commission doit se tenir. À cet égard, d’une part, il doit être rappelé que le montant de l’amende susceptible d’être imposée connaît un plafond chiffrable et absolu, calculé en fonction de chaque entreprise, pour chaque cas d’infraction, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance. D’autre part, cette disposition impose à la Commission de fixer les amendes dans chaque cas d’espèce en prenant en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci (arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, point 50, et arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 75).

103    Les requérantes ne sauraient prétendre que l’arrêt Degussa/Commission, point 95 supra (points 66 à 88), ou l’arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 95 supra (points 69 à 92), dans lequel l’interprétation du principe de légalité des peines adoptée correspond à celle retenue dans l’arrêt Degussa/Commission (point 95 supra), reposent sur une « conception juridique erronée ». En effet, dans son arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra (points 36 à 63), la Cour a confirmé sur pourvoi l’interprétation donnée par le Tribunal du principe de légalité des peines dans l’arrêt Degussa/Commission, point 95 supra.

104    Certes, les arrêts mentionnés au point précédent ont trait à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 alors que les amendes infligées par la décision attaquée ont pour fondement l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Toutefois, dès lors que les critères et le plafond pour l’imposition des amendes sont identiques dans ces deux dispositions, la jurisprudence citée au point précédent est transposable à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

105    Deuxièmement, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, la Commission doit respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, point 51, et arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 77).

106    Troisièmement, aux fins d’assurer la prévisibilité et la transparence de son action, l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation est également limité par les règles de conduite qu’elle s’est fixées dans la communication sur la coopération de 2002 et dans les lignes directrices de 1998. À cet effet, il doit être relevé que ladite communication et lesdites lignes directrices, d’une part, énoncent des règles de conduite dont la Commission ne saurait se départir sous peine de se voir sanctionnée au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement et la protection de la confiance légitime, et, d’autre part, assurent la sécurité juridique des entreprises concernées en déterminant la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, points 52 et 53, et du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 60 ; arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, points 78 et 82). Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les requérantes, l’adoption par la Commission des lignes directrices de 1998, puis en 2006 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO C 210, p. 2), dans la mesure où elle s’est inscrite dans le cadre légal imposé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, a seulement contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant déjà de ces dispositions, sans qu’il puisse en être déduit une insuffisance initiale de la détermination par le législateur de l’Union des limites de la compétence de la Commission dans le domaine en cause (voir, en ce sens, arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 44).

107    Quatrièmement, il doit être ajouté que, en vertu de l’article 229 CE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003, la Cour et le Tribunal statuent avec une compétence de pleine juridiction sur les recours intentés à l’encontre des décisions de la Commission fixant une amende et peuvent ainsi tant annuler ces dernières que supprimer, réduire ou majorer l’amende infligée. De ce fait, la pratique administrative connue et accessible de la Commission est soumise à l’entier contrôle du juge de l’Union. Ce contrôle a permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser les notions indéterminées que pouvait contenir l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 puis l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, point 54, et arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 79).

108    Ainsi, au vu des différents éléments relevés ci-dessus, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné. Le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines (arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, point 55, et arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 83).

109    Les requérantes ne sauraient donc prétendre que le texte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ne garantit pas le degré de prévisibilité requis par les principes fondamentaux du droit pénal et l’État de droit. En effet, ladite disposition permet de prévoir, de manière suffisamment précise, la méthode de calcul et le niveau des amendes infligées (voir, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, point 58).

110    En deuxième lieu, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la pratique décisionnelle de la Commission en matière d’amendes n’a pas évolué de manière imprévisible ou aléatoire.

111    Premièrement, il ne s’est produit, durant les périodes pour lesquelles les quatre infractions ont été constatées dans la décision attaquée, qu’une réorganisation de la méthode de détermination des amendes, par la publication des lignes directrices de 1998, laquelle a été jugée raisonnablement prévisible par la Cour (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 231).

112    Deuxièmement, s’agissant de l’augmentation du niveau des amendes à la suite de l’adoption des lignes directrices de 1998, il est de jurisprudence constante que la Commission peut adapter à tout moment le niveau des amendes si l’application efficace des règles de la concurrence de l’Union l’exige (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 54 supra, point 109, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 237), une telle altération d’une pratique administrative pouvant alors être considérée comme objectivement justifiée par l’objectif de prévention générale des infractions aux règles de la concurrence de l’Union. L’augmentation récente du niveau des amendes alléguée et contestée par les requérantes ne saurait donc, en soi, être considérée comme illégale au regard du principe de légalité des peines, dès lors qu’elle reste dans le cadre légal défini par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, tels qu’interprétés par les juridictions de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Degussa/Commission, point 95 supra, point 81, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 43).

113    En troisième lieu, quant à l’argument selon lequel, en adoptant l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, le Conseil aurait manqué à son obligation d’indiquer clairement les limites de la compétence conférée à la Commission et, de fait, transféré à celle-ci une compétence lui appartenant en vertu du traité CE, en violation de l’article 83 CE, il y a lieu de considérer qu’il est dépourvu de fondement.

114    D’une part, comme il a été exposé précédemment, si l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 laissent à la Commission une large marge d’appréciation, ils en limitent cependant l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels la Commission doit se tenir. D’autre part, il y a lieu de rappeler que le règlement nº 17 et le règlement n° 1/2003 ont été adoptés sur le fondement de l’article 83, paragraphe 1, CE, lequel prévoit que « [l]es règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 81 [CE] et 82 [CE] sont établis par le Conseil […] sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ». Ces règlements ou directives ont notamment pour but, aux termes de l’article 83, paragraphe 2, sous a) et d), CE, d’« assurer le respect des interdictions visées à l’article 81, paragraphe 1, [CE] et à l’article 82 [CE], par l’institution d’amendes et d’astreintes », et de « définir le rôle respectif de la Commission et de la Cour de justice dans l’application des dispositions visées dans le présent paragraphe ». Il y a lieu de rappeler, par ailleurs, que, en vertu de l’article 211, premier tiret, CE, la Commission « veille à l’application des dispositions du présent traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui‑ci » et qu’elle dispose, en vertu du troisième tiret de ce même article, d’un « pouvoir de décision propre » (arrêts Degussa/Commission, point 95 supra, point 86, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 48).

115    Il en résulte que le pouvoir d’infliger des amendes en cas de violation des articles 81 CE et 82 CE ne saurait être considéré comme appartenant originairement au Conseil, qui l’aurait transféré ou en aurait délégué l’exécution à la Commission, au sens de l’article 202, troisième tiret, CE. Conformément aux dispositions du traité CE citées précédemment, ce pouvoir relève en effet du rôle propre à la Commission de veiller à l’application du droit de l’Union, ce rôle ayant été précisé, encadré et formalisé, s’agissant de l’application des articles 81 CE et 82 CE, par les règlements nos 17 et 1/2003. Le pouvoir d’infliger des amendes que ces règlements attribuent à la Commission découle donc des prévisions du traité CE lui-même et vise à permettre l’application effective des interdictions prévues auxdits articles (arrêts Degussa/Commission, point 95 supra, point 87, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 49).

116    Il résulte de ces considérations que l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, tirée d’une violation du principe de légalité des peines, doit être rejetée.

 Sur l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998, tirée de la violation du principe de non-rétroactivité

117    Les requérantes rappellent qu’un acte de l’Union ne peut commencer à s’appliquer avant sa publication et que l’article 49, paragraphe 1, deuxième phrase, de la charte prévoit qu’il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. En l’espèce, les lignes directrices de 1998 violeraient le principe de non-rétroactivité, dès lors qu’elles dépasseraient les limites de la prévisibilité. Les requérantes soulignent à cet effet que le durcissement de la politique décisionnelle en matière d’amendes est le fait de la Commission et non du législateur.

118    Il ressort de la jurisprudence que le principe de non-rétroactivité des lois pénales, consacré à l’article 7 de la CEDH, constitue un principe général du droit de l’Union dont le respect s’impose lorsque des amendes sont infligées pour infraction aux règles de la concurrence et que ce principe exige que les sanctions prononcées correspondent à celles qui étaient fixées à l’époque où l’infraction a été commise (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 202 ; arrêts du Tribunal LR AF 1998/Commission, point 112 supra, points 218 à 221, et du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, points 39 à 41).

119    Il a également déjà été jugé que l’adoption de lignes directrices susceptibles de modifier la politique générale de concurrence de la Commission en matière d’amendes peut, en principe, relever du champ d’application du principe de non-rétroactivité (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 222).

120    En effet, d’une part, les lignes directrices de 1998 sont susceptibles de déployer des effets juridiques. Ces effets juridiques découlent non pas d’une normativité propre des lignes directrices de 1998, mais de l’adoption et de la publication de celles-ci par la Commission. Cette adoption et cette publication des lignes directrices de 1998 entraînent une autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission, qui ne peut se départir de ces dernières sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement, la protection de la confiance légitime et la sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 209 à 212).

121    D’autre part, selon la jurisprudence de la Cour EDH relative à l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, cette disposition s’oppose à l’application rétroactive, au détriment de l’accusé, d’une nouvelle interprétation d’une norme établissant une infraction (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêts S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A no 335‑B, § 34 à 36 ; C.R. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n335‑C, § 32 à 34 ; Cantoni c. France du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions, 1996‑V, § 29 à 32, et Coëme e.a. c. Belgique du 22 juin 2000, Recueil des arrêts et décisions, 2000‑VII, § 145). Selon cette jurisprudence, tel est en particulier le cas s’il s’agit d’une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n’était pas raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause. Il convient toutefois de préciser qu’il ressort de cette même jurisprudence que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. Ainsi, la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Plus particulièrement, en vertu de l’arrêt Cantoni c. France, précité (§ 35), il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte.

122    Au vu de ce qui précède, et afin de contrôler le respect du principe de non-rétroactivité, il y a lieu de vérifier si la modification en cause, que constitue l’adoption des lignes directrices de 1998, était raisonnablement prévisible à l’époque où les infractions concernées ont été commises (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 224).

123    À cet égard, il importe tout d’abord de constater que la prétendue augmentation du niveau des amendes en raison de l’application des lignes directrices de 1998 demeure dans le cadre légal fixé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 en ce que les lignes directrices prévoient expressément, en leur point 5, sous a), que les amendes imposées ne peuvent en aucun cas dépasser le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par lesdites dispositions.

124    Il convient de constater ensuite que la principale innovation des lignes directrices de 1998 consiste à prendre comme point de départ du calcul un montant de base, déterminé à partir de fourchettes prévues à cet égard par lesdites lignes directrices, ces fourchettes reflétant les différents degrés de gravité des infractions, mais n’ayant, comme telles, pas de rapport avec le chiffre d’affaires pertinent. Cette méthode repose ainsi essentiellement sur une tarification, quoique relative et souple, des amendes (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 225, et Archer Daniels Midland/Commission, point 106 supra, point 61).

125    Il doit enfin être rappelé que le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par les règlements nos 17 et 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence de l’Union, mais que, au contraire, l’application efficace des règles de la concurrence de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 54 supra, point 109 ; du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, Rec. p. I‑11005, point 81, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 227 ; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, point 309, et du 14 mai 1998, Europa Carton/Commission, T‑304/94, Rec. p. II‑869, point 89 ).

126    Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 228).

127    Par conséquent, lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s’opère par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices de 1998 (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 229 et 230, et Archer Daniels Midland/Commission, point 106 supra, point 59).

128    Il s’ensuit que c’est à tort que les requérantes estiment que les lignes directrices de 1998 violent le principe de non-rétroactivité en ce qu’elles auraient conduit à l’imposition d’amendes plus élevées que celles imposées dans le passé ou que les limites de la prévisibilité auraient, en l’espèce, été dépassées. Les lignes directrices et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu’elles comportent, à supposer que cette dernière ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, étaient en effet raisonnablement prévisibles pour des entreprises telles que les requérantes à l’époque où les infractions concernées ont été commises (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 231). Pour les mêmes motifs, la Commission ne devait pas exposer davantage dans les lignes directrices de 1998 que l’augmentation du niveau des amendes était nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence.

129    S’agissant de l’argumentation selon laquelle le durcissement de la politique décisionnelle en matière d’amendes serait le fait de la Commission et non du législateur, celle-ci se confond avec l’argumentation invoquée dans le cadre de l’exception d’illégalité tirée de l’absence de compétence de la Commission et est examinée aux points 131 à 137 ci-après.

130    Il résulte de tout ce qui précède que la présente exception d’illégalité doit également être écartée.

 Sur l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998, tirée de l’absence de compétence de la Commission et, à titre subsidiaire, de leur absence de transparence et de prévisibilité

131    Les requérantes soutiennent que l’important pouvoir d’appréciation conféré à la Commission par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 exige une concrétisation abstraite et générale, c’est-à-dire une règle de droit matériel. Or, contrairement au Conseil, la Commission ne serait pas compétente pour adopter une telle règle. En outre, même si la concrétisation du « cadre de l’amende » par la Commission était légale, les lignes directrices de 1998 seraient de toute façon inefficaces, celles-ci n’étant pas en mesure de garantir le degré minimal de transparence et de prévisibilité nécessaire dans le cadre de la fixation du montant de l’amende.

132    En premier lieu, il y a lieu de relever que, dans leurs écritures, les requérantes n’ont pas précisé la disposition qui aurait été violée par la Commission lors de l’adoption des lignes directrices de 1998. Interrogées à ce sujet lors de l’audience, les requérantes ont indiqué que, selon le principe de légalité des peines, il aurait appartenu au Conseil d’adopter les règles abstraites pour le calcul des amendes.

133    Or, l’adoption par la Commission des lignes directrices de 1998, dans la mesure où elle s’est inscrite dans le cadre légal imposé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, puis par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, a seulement contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant déjà de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 44). Dans ces conditions, l’argument tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter les lignes directrices doit être écarté.

134    En second lieu, les arguments tirés d’un manque de transparence et de prévisibilité des lignes directrices de 1998 doivent également être rejetés.

135    En effet, d’une part, c’est dans un souci de transparence et afin d’accroître la sécurité juridique des entreprises concernées que la Commission a publié lesdites lignes directrices et y a énoncé la méthode de calcul qu’elle s’est imposée dans chaque cas d’espèce. À cet égard, la Cour a d’ailleurs considéré que, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement et la protection de la confiance légitime. La Cour a également jugé que les lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 211 et 213 ; voir, également, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 106 supra, point 60).

136    D’autre part, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné (arrêt Evonik Degussa/Commission et Conseil, point 96 supra, point 55). Certes, un opérateur ne peut pas prévoir, au vu des lignes directrices de 1998, le montant précis de l’amende que la Commission infligera dans chaque cas d’espèce. Toutefois, en raison de la gravité des infractions que la Commission est appelée à sanctionner, les objectifs de répression et de dissuasion justifient d’éviter que les entreprises soient en mesure d’évaluer les bénéfices qu’elles retireraient de leur participation à une infraction en tenant compte, par avance, du montant de l’amende qui leur serait infligée en raison de ce comportement illicite (arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 83).

137    Il ressort de tout ce qui précède que l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998, tirée de l’absence de compétence de la Commission et, à titre subsidiaire, de leur absence de transparence et de prévisibilité, n’est pas fondée.

 Sur l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, tirée de la violation du principe de non-rétroactivité et du principe de la protection de la confiance légitime

138    Les requérantes soutiennent que l’application, en l’espèce, de la communication sur la coopération de 2002, alors que la majorité des faits visés par la décision attaquée étaient antérieurs à son entrée en vigueur, viole le principe de non-rétroactivité. Selon les requérantes, la Commission aurait dû appliquer sa communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996 C 207, p. 4) (ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »), ce qui leur aurait permis de bénéficier d’une réduction d’amende de 10 % à 50 % au titre de la non-contestation des faits au lieu de la réduction symbolique de 1 % dont elles ont bénéficié dans la décision attaquée (considérants 777, 806, 835 et 854 de la décision attaquée). En appliquant la communication sur la coopération de 2002, la Commission aurait également violé le principe de confiance légitime.

139    Il y a lieu de rappeler que la communication sur la coopération de 1996 disposait au point D qu’une entreprise pouvait bénéficier « d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération […] si […] après avoir reçu la communication des griefs, [elle] inform[ait] la Commission qu’elle ne contest[ait] pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fond[ait] ses accusations ». La communication sur la coopération de 2002, quant à elle, ne prévoit plus de réduction d’amende pour ce motif.

140    S’agissant de la prétendue rétroactivité de la communication sur la coopération de 2002, il doit être constaté que le paragraphe 28 de ladite communication dispose que, « [à] compter du 14 février 2002, la présente communication remplace la communication [sur la coopération] de 1996 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise ne s’est prévalue de cette dernière ». Eu égard au fait que la communication sur la coopération de 2002 a été publiée le 19 février 2002, ladite communication prévoit donc certes une application rétroactive de ses dispositions, qui est toutefois limitée à la période allant du 14 février 2002 au 18 février 2002 inclus. Dès lors qu’aucun des participants à l’entente n’a déposé de demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 avant le 2 février 2004 (considérants 94, 105, 115 et 127 de la décision attaquée), l’éventuelle illégalité résultant de ladite rétroactivité de la communication sur la coopération de 2002 n’a pas pu affecter la légalité de la décision attaquée.

141    Toutefois, dans la présente espèce, les requérantes contestent l’application immédiate de la communication sur la coopération de 2002 aux fins du calcul des amendes pour des faits antérieurs, en partie, à 2002.

142    Premièrement, ainsi qu’il ressort du dossier, il y a lieu de constater que, au moins à six reprises au cours de la procédure administrative, les requérantes ont expressément demandé l’application de la communication sur la coopération de 2002.

143    Deuxièmement, et en tout état de cause, il résulte de la jurisprudence que le principe de non-rétroactivité ne s’oppose pas à l’application de lignes directrices ayant, par hypothèse, un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées pour des infractions commises avant leur adoption, à condition que la politique qu’elles mettent en œuvre soit raisonnablement prévisible à l’époque où les infractions concernées ont été commises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 202 à 232 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 233 ; voir, également, arrêt Archer Daniels Midland/Commission, point 106 supra, point 66). Or, les requérantes ne prétendent pas que le changement intervenu à l’occasion de l’adoption de la communication sur la coopération de 2002 n’était pas prévisible.

144    S’agissant de la prétendue violation de la confiance légitime des requérantes qui résulterait de l’application de la communication sur la coopération de 2002 à des infractions partiellement commises avant son entrée en vigueur, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, les opérateurs économiques ne sauraient placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée par les institutions dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation (voir arrêts de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 80, et du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 89, et la jurisprudence citée). En outre, en tout état de cause, l’application de la communication sur la coopération de 1996 aurait pu être déclenchée à tout moment par les requérantes, par la soumission d’une demande au titre de cette communication à la Commission avant l’entrée en vigueur de la communication sur la coopération de 2002. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté.

145    Par conséquent, l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, tirée de la violation du principe de non-rétroactivité, et le grief tiré d’une violation du principe de confiance légitime doivent être rejetés.

 Sur l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, tirée de la violation des principes généraux de droit nemo tenetur, in dubio pro reo et de proportionnalité ainsi que d’un abus du pouvoir d’appréciation

146    Les requérantes soutiennent que la communication sur la coopération de 2002 est illégale en raison du fait qu’elle viole les principes généraux de droit et outrepasse le pouvoir d’appréciation conféré à la Commission. Ainsi, la communication sur la coopération de 2002 violerait le principe nemo tenetur, le principe in dubio pro reo et le principe de proportionnalité. Son adoption constituerait un abus du pouvoir d’appréciation de la Commission et elle serait dès lors inapplicable à la présente affaire, de sorte que les éléments de preuve fournis dans le cadre de la communication sur la coopération de 2002 ne pourraient pas être utilisés, l’utilisation de preuves obtenues de manière illégale étant interdite.

147    Il y a lieu d’examiner séparément les différents griefs formulés dans le cadre de la présente exception.

 Sur le premier grief, tiré de la violation du principe nemo tenetur

148    Les requérantes rappellent que, conformément au principe nemo tenetur, personne ne peut être contraint de s’accuser soi-même ou de témoigner contre soi-même. La communication sur la coopération de 2002 violerait ce principe, puisque, en pratique, elle forcerait les entreprises à coopérer avec la Commission et à lui faire des aveux. En effet, d’une part, seule la première entreprise qui présente des preuves remplissant les conditions du paragraphe 8, sous a) ou b), de la communication sur la coopération de 2002 pourrait prétendre à la non-imposition d’une amende, de sorte que toutes les entreprises, en « course pour la première place », fourniraient des aveux complets (et parfois exagérés) à la Commission, sans pouvoir comparer l’utilité d’une coopération qui revêt la forme de la minoration de l’amende escomptée aux désavantages qu’une telle coopération implique. D’autre part, en coopérant dans le cadre de la communication sur la coopération de 2002, une entreprise se priverait de la possibilité de contester des faits, même erronés, présentés par d’autres entreprises, puisque la Commission considérerait toute contestation de faits comme un défaut de coopération au sens des paragraphes 11 et 23 de la communication sur la coopération de 2002, ce qui impliquerait un risque sérieux de ne pas bénéficier d’une minoration de l’amende au titre de celle-ci.

149    Il résulte de la jurisprudence, d’une part, que, au titre des principes généraux du droit de l’Union, dont les droits fondamentaux font partie intégrante et à la lumière desquels tous les textes du droit de l’Union doivent être interprétés, les entreprises ont le droit de ne pas être contraintes par la Commission d’avouer leur participation à une infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 35, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 273).

150    D’autre part, si la Commission ne peut contraindre une entreprise à avouer sa participation à une infraction, elle n’est pas pour autant empêchée de tenir compte, dans la fixation du montant de l’amende, de l’aide que cette entreprise, de son propre gré, lui a fournie aux fins d’établir l’existence de l’infraction (arrêts de la Cour du 14 juillet 2005, Acerinox/Commission, C‑57/02 P, Rec. p. I‑6689, point 87, et ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, Rec. p. I‑6773, point 50).

151    Les requérantes ne sauraient prétendre que la jurisprudence citée aux points 149 et 150 ci-dessus est « dépassée ». Au contraire, la Cour l’a expressément confirmée après avoir pris connaissance des développements intervenus dans la jurisprudence de la Cour EDH, notamment de l’arrêt Funke c. France du 25 février 1993 (série A n° 256 A) et de l’arrêt Saunders c. Royaume-Uni du 17 décembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions, 1996-VI), auxquels se réfèrent les requérantes (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 149 supra, points 273 à 280).

152    C’est donc à la lumière des principes dégagés dans la jurisprudence citée aux points 149 et 150 ci-dessus qu’il convient d’examiner la légalité de la communication sur la coopération de 2002 au regard du principe nemo tenetur.

153    À cet égard, il doit être constaté que la coopération au titre de la communication sur la coopération de 2002 revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée. Celle-ci n’est en effet en aucune manière contrainte de fournir des éléments de preuve concernant l’entente présumée. Le degré de coopération que l’entreprise souhaite offrir au cours de la procédure administrative relève donc exclusivement de son libre choix et n’est, en aucun cas, imposé par la communication sur la coopération de 2002 (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp/Commission, point 150 supra, point 52, et conclusions de l’avocat général M. Léger sous cet arrêt, Rec. p. I‑6777, point 140).

154    L’argument selon lequel, en coopérant, une entreprise se priverait de la possibilité de contester les faits, même faux, présentés par d’autres entreprises repose sur une lecture erronée de la communication sur la coopération de 2002.

155    D’une part, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ni le paragraphe 11 de cette communication, qui exige de l’entreprise concernée une « coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure administrative », ni le point 23 de celle-ci, qui prévoit que la Commission « pourra […] prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution », n’exigent de l’entreprise concernée qu’elle s’abstienne de contester ou de corriger des faits erronés présentés par une autre entreprise. En outre, l’affirmation des requérantes se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle des déclarations unilatérales erronées d’une seule entreprise ayant participé à une entente, non corroborées par des éléments de preuve, suffisent aux fins d’établir une infraction.

156    D’autre part, contrairement à la communication sur la coopération de 1996, la communication de 2002 ne prévoit aucune réduction d’amende au titre de la non-contestation des faits. La communication sur la coopération de 2002 ne saurait donc être considérée comme « obligeant » les entreprises souhaitant bénéficier de l’application de celle-ci à ne pas contester les faits présentés par d’autres entreprises.

157    En tout état de cause, la prétendue obligation pour une entreprise de ne pas contester des faits dont elle n’est pas l’auteur repose sur l’hypothèse purement théorique d’une entreprise s’accusant d’une infraction qu’elle n’a pas commise, dans l’espoir de bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elle craint de se voir néanmoins infliger. Une telle supputation ne saurait fonder une argumentation tirée de la méconnaissance du principe nemo tenetur (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C‑298/98 P, Rec. p. I‑10157, point 58).

158    Il s’ensuit que le premier grief soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002 doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe in dubio pro reo

159    Les requérantes font valoir que, conformément au principe in dubio pro reo ou au principe de la présomption d’innocence, il incombe à la Commission de supporter la charge de la preuve du comportement infractionnel et de la culpabilité d’une entreprise. La communication sur la coopération de 2002 violerait le principe de la présomption d’innocence, dans la mesure où elle aboutirait, en pratique, à ce que ce soient les entreprises qui apportent la preuve de leur propre infraction et de leur propre culpabilité ainsi que des infractions et de la culpabilité des autres entreprises.

160    Il y a lieu de rappeler que le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par l’article 6, paragraphe 2, UE ainsi que par l’article 48 de la charte, sont reconnus dans l’ordre juridique de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt Degussa/Commission, point 95 supra, point 115, et la jurisprudence citée).

161    Contrairement à ce que prétendent les requérantes, la communication sur la coopération de 2002 ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence.

162    Premièrement, ainsi qu’il a été rappelé au point 153 ci-dessus, la coopération au titre de cette communication revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée. Elle n’implique aucune obligation pour une entreprise de fournir des éléments de preuve de l’infraction à laquelle elle aurait participé.

163    Deuxièmement, la communication sur la coopération de 2002 n’affecte pas l’obligation incombant à la Commission, qui a la charge de la preuve des infractions qu’elle constate, d’avancer des éléments de preuve propres à établir, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs de l’infraction. Toutefois, aux fins d’établir l’existence d’une infraction, la Commission peut se fonder sur tout élément utile dont elle dispose. Ainsi, sans violer le principe de la présomption d’innocence, elle peut se fonder non seulement sur des documents qu’elle a recueillis à l’occasion d’inspections au titre des règlements nos 17 et 1/2003 ou qu’elle a reçus en réponse à des demandes de renseignements au titre desdits règlements, mais également sur des éléments de preuve qu’une entreprise lui a volontairement soumis au titre de cette communication.

164    Il ressort de tout ce qui précède que le grief tiré de l’illégalité de la communication sur la coopération de 2002 en ce qu’elle violerait le principe de la présomption d’innocence ne peut pas non plus être accueilli.

 Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de proportionnalité

165    Les requérantes soutiennent que la communication sur la coopération de 2002 n’est ni nécessaire ni appropriée et, partant, viole le principe de proportionnalité. Elle ne serait pas nécessaire étant donné que le règlement n° 1/2003, notamment ses articles 18 à 21, procurerait à la Commission des moyens suffisants pour enquêter sur les ententes. Elle ne serait pas non plus appropriée ni proportionnée. En effet, même si ladite communication permettait de mieux établir l’existence d’ententes, ce qui promouvrait l’intérêt communautaire, elle récompenserait les entreprises ayant violé l’article 81 CE et désavantagerait les entreprises honnêtes, puisqu’elle empêcherait que des entreprises ayant participé à une entente et ayant profité de celle-ci se voient infliger une amende. La communication sur la coopération de 2002 affecterait également l’intérêt communautaire qui consisterait en la sanction des infractions au droit de la concurrence.

166    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81, et la jurisprudence citée).

167    Il doit être rappelé, également, que la Commission dispose, dans le cadre du règlement nº 1/2003, d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 57 supra, point 134, et la jurisprudence citée). Dès lors que la communication sur la coopération de 2002 s’inscrit dans la politique de la Commission concernant la fixation d’amendes pour les ententes horizontales en violation de l’article 81 CE, il y a lieu de tenir compte de cette marge d’appréciation dans l’examen du grief tiré du principe de proportionnalité.

168    Or, force est de constater que la communication sur la coopération de 2002 apparaît comme un instrument approprié et indispensable pour établir l’existence des ententes horizontales secrètes et, partant, orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence.

169    En effet, même si les instruments prévus aux articles 18 à 21 du règlement n° 1/2003, à savoir les demandes de renseignements et les inspections, constituent des mesures indispensables dans le cadre de la poursuite d’infractions au droit de la concurrence, il convient de relever que les ententes secrètes sont souvent difficiles à détecter et à instruire sans la coopération des entreprises concernées. Même s’il existe toujours pour une partie à une entente le risque que celle-ci soit un jour découverte, notamment à la suite du dépôt d’une plainte auprès de la Commission ou auprès d’une autorité nationale, une telle partie souhaitant mettre fin à sa participation peut être dissuadée d’en informer la Commission en raison de l’amende élevée qu’elle risque de se voir infliger. En prévoyant l’octroi d’une immunité d’amendes ou d’une réduction d’amende significative aux entreprises fournissant à la Commission des éléments de preuve de l’existence d’une entente horizontale, la communication sur la coopération de 2002 tend à éviter qu’une telle partie ne renonce à informer la Commission de l’existence d’une entente.

170    L’argument selon lequel la communication sur la coopération de 2002 permet de récompenser certaines entreprises qui ont participé à des ententes interdites par l’article 81 CE doit être rejeté. En effet, comme le souligne la Commission au paragraphe 4 de ladite communication, « [l]e bénéfice que tirent les consommateurs et les citoyens de l’assurance de voir les ententes secrètes révélées et interdites est plus important que l’intérêt qu’il peut y avoir à sanctionner pécuniairement des entreprises qui lui permettent de découvrir et de sanctionner de telles pratiques ».

171    Dès lors, la communication sur la coopération de 2002 n’excède pas de manière manifeste les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de l’objectif légitime qu’elle poursuit.

172    Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de l’illégalité de la communication sur la coopération de 2002 en ce qu’elle violerait le principe de proportionnalité n’est pas fondé.

 Sur le quatrième grief, tiré d’un abus du pouvoir d’appréciation

173    Selon les requérantes, en adoptant la communication sur la coopération de 2002, la Commission a outrepassé le pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003. Cette disposition imposerait à la Commission, dans le cadre de la fixation du montant de l’amende, de prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction, ce qui serait impossible dans le cadre d’une « remise de peine totale ». Partant, le titre A de la communication sur la coopération de 2002 serait illégal, entraînant l’illégalité de l’ensemble de celle-ci.

174    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, « [l]a Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises […] lorsque, de propos délibéré ou par négligence[,] […] elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 [CE] ». Il s’ensuit qu’il résulte du libellé même de cette disposition que la Commission a la faculté, mais non l’obligation, d’imposer une amende à une entreprise auteur d’une violation de l’article 81 CE.

175    En outre, l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 n’énumère pas de manière limitative les critères dont la Commission peut tenir compte pour fixer le montant de l’amende. Le comportement de l’entreprise au cours de la procédure administrative peut donc faire partie des éléments dont il y a lieu de tenir compte lors de cette fixation (voir, en ce sens, arrêt Finnboard/Commission, point 157 supra, point 56, et la jurisprudence citée).

176    C’est donc sans outrepasser les pouvoirs qu’elle tire du règlement n° 1/2003 que la Commission s’est dotée de règles de conduite dans la communication sur la coopération de 2002 destinées à la guider dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en matière de fixation des amendes, aux fins de tenir compte notamment du comportement des entreprises au cours de la procédure administrative et ainsi de mieux garantir l’égalité de traitement entre les entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt Finnboard/Commission, point 157 supra, point 57).

177    Il s’ensuit que ce dernier grief n’est pas non plus fondé.

178    Il résulte de tout ce qui précède que l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002 doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur le moyen tiré du caractère confiscatoire, en violation du droit international, de la décision attaquée

 Sur la recevabilité

179    La Commission souligne que le moyen tiré du caractère confiscatoire, en violation du droit international, de la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et est par conséquent irrecevable. Du point de vue factuel, la requête serait dépourvue de tout exposé concernant la manière dont les amendes imposées ont effectivement des répercussions dramatiques sur la capacité de survie économique des filiales de Schindler Holding. Du point de vue juridique, les requérantes n’identifieraient pas les traités qui seraient applicables ou les normes qui auraient été violées.

180    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi qu’aux termes de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir notamment un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense ou au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du Tribunal du 6 mai 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑195/95, Rec. p. II‑679, point 20 ; du 25 mai 2004, Distilleria Palma/Commission, T‑154/01, Rec. p. II‑1493, point 58, et du 12 mars 2008, European Service Network/Commission, T‑332/03, non publié au Recueil, point 229).

181    En l’espèce, les requérantes ont, dans leur requête, exposé d’une manière suffisamment claire et précise que l’imposition des amendes à Schindler par la décision attaquée est confiscatoire et viole le droit international.

182    La Commission ne saurait critiquer le fait que la requête n’identifie pas les traités qui seraient applicables. En effet, les requérantes n’ont invoqué dans leur requête aucune violation d’un accord bilatéral ou multilatéral concernant la protection de l’investissement. Elles se réfèrent uniquement à l’existence de tels accords aux fins de démontrer l’existence d’une norme de droit coutumier international qui aurait été violée en l’espèce. Ainsi, dans leur requête, les requérantes expliquent que même s’il n’existe pas de convention générale de protection de l’investissement entre la Communauté européenne et la Suisse, l’interdiction d’expropriation sans dédommagement d’investisseurs étrangers ancrée dans le droit coutumier international ne saurait sérieusement être remise en cause. Contrairement à ce que prétend la Commission, la norme violée, à savoir une norme de droit coutumier international, est donc clairement indiquée dans la requête.

183    Les requérantes expliquent en outre que le caractère confiscatoire des amendes imposées se rapporte à la dévalorisation importante des investissements de Schindler en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Selon les requérantes, la gravité de l’atteinte aux valeurs patrimoniales de Schindler Holding apparaîtrait en comparant les amendes aux fonds propres, au chiffre d’affaires annuel et au résultat d’exercice de Schindler Belgique, de Schindler Luxembourg et de Schindler Pays-Bas.

184    Il résulte de tout ce qui précède que le présent moyen satisfait aux exigences des dispositions citées au point 180 ci-dessus. Partant, le présent moyen est recevable.

 Sur le fond

185    Les requérantes relèvent que la protection d’investisseurs étrangers est ancrée dans de nombreux accords bilatéraux et multilatéraux de protection de l’investissement. En vertu de ces conventions, la détention transfrontalière de parts dans une entreprise d’un autre État tomberait sous la notion d’investissement et bénéficierait d’une protection qui, d’une part, ne permettrait une expropriation que moyennant le respect de conditions très strictes et, d’autre part, exigerait que les investisseurs étrangers soient traités de manière loyale et équitable dans l’État dans lequel ils réalisent des investissements. Une telle protection serait également reconnue par le droit coutumier international.

186    Les amendes imposées à Schindler Holding, société de droit suisse, équivaudraient, du point de vue de leur effet économique, à une expropriation, contraire au droit international, des investissements de Schindler Holding en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Si la condamnation à une amende ne constituait pas une expropriation formelle, elle constituerait néanmoins une expropriation matérielle, dans la mesure où les investissements de Schindler Holding en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas auraient subi une dévalorisation importante. La gravité de l’atteinte aux valeurs patrimoniales de Schindler Holding apparaîtrait surtout en comparant les amendes aux fonds propres, au chiffre d’affaires annuel et au résultat d’exercice de Schindler Belgique, de Schindler Luxembourg et de Schindler Pays-Bas.

187    Il convient de rappeler que les compétences de la Communauté doivent être exercées dans le respect du droit international (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 291, et la jurisprudence citée).

188    Le droit de propriété est protégé non seulement par le droit international, mais il fait partie également des principes généraux du droit de l’Union (voir arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, point 187 supra, point 355, et la jurisprudence citée). Toutefois, dès lors que la primauté du droit international sur le droit de l’Union ne s’étend pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux (arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, point 187 supra, point 308), il y a lieu d’examiner dans le cadre du présent moyen si les amendes imposées à Schindler Holding portent atteinte au droit fondamental au respect de la propriété.

189    À cet égard, il doit être rappelé que le droit de propriété n’apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, Rec. p. 2237, point 15 ; Allemagne/Conseil, point 144 supra, point 78, et Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, point 187 supra, point 355).

190    L’article 3, paragraphe 1, sous g), CE prévoit que, pour atteindre les buts de la Communauté, l’action de celle-ci comporte « un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur ». Il s’ensuit que l’application des articles 81 CE et 82 CE constitue un des aspects de l’intérêt public communautaire. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées, en application de ces articles, à l’usage du droit de propriété, à condition qu’elles ne soient pas démesurées et ne portent pas atteinte à la substance même de ce droit (arrêt du Tribunal du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T‑65/98, Rec. p. II‑4653, point 170).

191    Il convient donc d’examiner si les amendes imposées à Schindler Holding constituent une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit fondamental au respect de la propriété.

192    Premièrement, il doit être constaté que la décision litigieuse n’affecte pas la structure de propriété au sein de Schindler.

193    Deuxièmement, si le paiement de l’amende affecte certes la valeur patrimoniale de la société débitrice, il ne saurait être considéré que, en l’espèce, les amendes imposées à Schindler Holding et à ses filiales ont épuisé l’intégralité de la valeur de ces sociétés. En effet, il ressort du dossier que l’ensemble des amendes imposées aux sociétés du groupe Schindler dans la décision attaquée n’atteint pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires consolidé de Schindler Holding pendant l’exercice social qui a précédé la date de la décision attaquée. Or, le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 389).

194    Troisièmement, dans la mesure où les requérantes critiquent l’imposition d’une amende excessive aux filiales dans les quatre pays concernés, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, Schindler Holding a, pour chaque infraction, été condamnée solidairement avec la filiale concernée au paiement de l’amende (voir également les points 63 à 91 ci-dessus). Comme le souligne la Commission, la détermination des contributions respectives de sociétés appartenant à un même groupe, solidairement tenues au paiement d’une même amende, est du ressort de ces dernières. La décision attaquée n’affecte donc pas nécessairement la valeur des investissements que Schindler Holding détient dans ses filiales.

195    Quatrièmement, dans la mesure où les requérantes dénoncent l’imposition d’amendes pour des infractions qui seraient excessives lorsqu’elles sont mises en rapport avec le chiffre d’affaires et le bénéfice annuel des filiales concernées, une telle argumentation se confond avec le moyen tiré de l’illégalité de la décision attaquée en ce qu’elle a engagé la responsabilité solidaire de Schindler Holding. En effet, ce n’est que s’il s’avérait que les filiales nationales ne constituent pas, ensemble avec Schindler Holding, une entreprise, au sens d’entité économique responsable des infractions sanctionnées, que les amendes infligées en l’espèce seraient susceptibles de porter atteinte au droit de propriété. De telles amendes seraient, en tout état de cause, illégales en ce qu’elles violeraient l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Or, il ressort des points 63 à 91 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a imputé les infractions des filiales nationales concernées à Schindler Holding.

196    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré d’une violation des lignes directrices de 1998 et de l’obligation de motivation dans la fixation du montant de départ des amendes

 Observations liminaires

197    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 1998, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 112, et la jurisprudence citée).

198    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêts de la Cour Archer Daniels Midland/Commission, point 106 supra, point 72, et du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 54).

199    Ainsi qu’il a été exposé au point 24 ci-dessus, la Commission a, en l’espèce, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices de 1998.

200    Si les lignes directrices de 1998 ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 209, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 70).

201    Comme indiqué au point 135 ci-dessus, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 211, et la jurisprudence citée ; arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 200 supra, point 71).

202    En outre, les lignes directrices de 1998 déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, points 211 et 213).

203    Il y a lieu, enfin, de rappeler que les lignes directrices de 1998 prévoient, en premier lieu, l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, sur la base de laquelle un montant de départ général peut être fixé (point 1 A, deuxième alinéa). En second lieu, la gravité est analysée par rapport à la nature des infractions commises et aux caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à la pondération du montant de départ, au classement des entreprises en catégories et à la fixation d’un montant de départ spécifique (point 1 A, troisième à septième alinéas).

 Décision attaquée

204    En premier lieu, dans la section de la décision attaquée consacrée à la gravité des infractions (section 13.6.1), la Commission examine en parallèle les quatre infractions constatées à son article 1er, au motif qu’elles « présentent des caractéristiques communes » (considérant 657 de la décision attaquée). Cette section est divisée en trois sous-sections, la première intitulée « Nature des infractions » (sous-section 13.6.1.1), la deuxième intitulée « Étendue du marché géographique concerné » (sous-section 13.6.1.2) et la troisième intitulée « Conclusion sur la gravité de l’infraction » (sous-section 13.6.1.3).

205    Dans la sous-section intitulée « Nature des infractions », la Commission explique, aux considérants 658 et 659 de la décision attaquée, ce qui suit :

« 658           Les infractions objet de la présente décision consistaient principalement en une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se répartissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques (sauf en Allemagne, où l’activité d’entretien et de modernisation n’a pas fait l’objet de discussions entre les membres de l’entente). De telles restrictions horizontales sont, de par leur nature même, parmi les violations les plus graves de l’article 81 [CE]. Les infractions dans cette affaire ont artificiellement privé les clients des avantages qu’ils auraient pu espérer obtenir d’un processus d’offre concurrentielle. Il est également intéressant de remarquer que certains des projets truqués étaient des marchés publics financés par les impôts et réalisés précisément dans le but de recevoir des offres compétitives, et notamment présentant un bon rapport qualité/prix.

659       Pour évaluer la gravité d’une infraction, les éléments relatifs à son objet sont généralement plus significatifs que ceux relatifs à ses effets, en particulier lorsque des accords, comme dans cette affaire, portent sur des infractions très graves, telles que la fixation des prix et le partage du marché. Les effets d’un accord sont généralement un critère non concluant pour évaluer la gravité de l’infraction. »

206    La Commission affirme qu’elle « n’a pas tenté de démontrer les effets précis de l’infraction, car il [était] impossible de déterminer avec une certitude suffisante les paramètres concurrentiels applicables (prix, conditions commerciales, qualité, innovation et autres) en l’absence des infractions » (considérant 660 de la décision attaquée). Néanmoins, elle estime qu’« [i]l est […] évident que les infractions ont eu un impact réel » et explique à cet effet que « [l]e fait que les divers arrangements anticoncurrentiels aient été mis en œuvre par les membres de l’entente suggère en soi un impact sur le marché, même si l’effet réel est difficile à mesurer, car on ne sait pas, notamment, si et combien d’autres projets ont été l’objet d’un trucage des offres, ni combien de projets ont pu faire l’objet d’une répartition entre les membres de l’entente sans que des contacts entre eux aient été nécessaires » (considérant 660 de la décision attaquée). Au même considérant, la Commission ajoute que « [l]es parts de marché cumulées élevées des concurrents indiquent des effets anticoncurrentiels probables et [que] la relative stabilité de ces parts de marché pendant toute la durée des infractions confirmerait ces effets ».

207    Aux considérants 661 à 669 de la décision attaquée, la Commission répond aux arguments soulevés par les requérantes au cours de la procédure administrative tendant à démontrer l’impact réduit des infractions sur le marché.

208    Dans la sous-section intitulée « Étendue du marché géographique concerné », la Commission soutient, au considérant 670 de la décision attaquée, que « [l]es ententes objet de [la] décision [attaquée] couvraient l’ensemble des territoires de la Belgique, de l’Allemagne, du Luxembourg ou des Pays-Bas, respectivement », et qu’« [i]l ressort clairement de la jurisprudence qu’un marché géographique national s’étendant à l’ensemble d’un État membre représente déjà en soi une partie substantielle du marché commun ».

209    Dans la sous-section intitulée « Conclusion sur la gravité de l’infraction », la Commission indique, au considérant 671 de la décision attaquée, que chaque destinataire a commis une ou plusieurs infractions très graves à l’article 81 CE, « [c]ompte tenu de la nature des infractions et du fait que chacune d’entre elles couvrait tout le territoire d’un État membre (Belgique, Allemagne, Luxembourg ou Pays-Bas) ». Elle conclut que « ces facteurs sont tels que les infractions doivent être considérées comme très graves même si leur impact réel ne peut pas être mesuré ».

210    En second lieu, dans la section de la décision attaquée intitulée « Traitement différencié » (section 13.6.2), la Commission fixe un montant de départ de l’amende pour chaque entreprise ayant participé aux différentes ententes (voir points 27 à 30 ci-dessus) qui prend en compte, selon le considérant 672 de la décision attaquée, « la capacité économique effective des contrevenants à causer un préjudice significatif à la concurrence ». La Commission explique, au considérant 673 de la décision attaquée, que, « [à] cette fin, les entreprises [ont été] réparties en plusieurs catégories en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans les ascenseurs et/ou les escaliers mécaniques, y compris, le cas échéant, dans les services d’entretien et de modernisation ».

 Sur la qualification des infractions de « très graves »

211    En premier lieu, les requérantes font valoir que l’appréciation par la Commission de la gravité des infractions est erronée. Selon les requérantes, la Commission aurait adopté une approche globalisante s’agissant de la qualification des infractions de « très graves », sans tenir compte, d’une part, du fait que les accords dans les États membres concernés étaient structurés de manière très variée ni, d’autre part, de l’impact concret des infractions. Or, cet impact aurait été minime.

212    Ainsi, les requérantes se réfèrent à la baisse des prix sur les marchés allemand et luxembourgeois, à la fluctuation des parts de marché sur les marchés allemand, belge et luxembourgeois, à l’inefficacité et au non-respect des accords sur les marchés allemand, belge, luxembourgeois et néerlandais ou encore au fait que les ententes au Luxembourg et aux Pays-Bas n’auraient concerné que certains projets. En outre, les requérantes font valoir qu’en Allemagne Schindler était uniquement impliquée dans le domaine des escaliers mécaniques. Enfin, l’entente au Luxembourg devrait, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, être qualifiée de « grave » eu égard au fait qu’elle ne concernait qu’un État membre de taille réduite.

213    Il doit être rappelé que, s’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction, les lignes directrices de 1998 indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit :

« L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

214    Conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices de 1998, la Commission doit donc, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 198 supra, point 74, et la jurisprudence citée ; arrêts Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 118 supra, point 143, et Degussa/Commission, point 95 supra, point 216).

215    Selon une jurisprudence constante, pour apprécier l’impact concret d’une infraction sur le marché, il appartient à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l’absence d’infraction (voir arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 200 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

216    En l’espèce, la Commission affirme, au considérant 660 de la décision attaquée, qu’« [elle] n’a pas tenté de démontrer les effets précis de l’infraction, car il [était] impossible de déterminer avec une certitude suffisante les paramètres concurrentiels applicables (prix, conditions commerciales, qualité, innovations et autres) en l’absence des infractions ». Même si la Commission estime, au considérant 660 de la décision attaquée, qu’il est évident que les ententes ont eu un impact réel, dès lors qu’elles ont été mises en œuvre, ce qui suggère en soi un impact sur le marché, et même si la Commission a rejeté, aux considérants 661 à 669, les arguments des entreprises concernées tendant à démontrer les effets réduits des ententes, il doit être constaté que, dans la décision attaquée, l’appréciation de la gravité des infractions n’a pas pris en compte leur impact éventuel sur le marché.

217    C’est ainsi que la Commission fonde, au considérant 671 de la décision attaquée, sa conclusion sur l’appréciation de la gravité des infractions sur la seule prise en compte de la nature desdites infractions et de leur étendue géographique. En effet, la Commission conclut audit considérant que, « [c]ompte tenu de la nature des infractions et du fait que chacune d’entre elles couvrait tout le territoire d’un État membre (Belgique, Allemagne, Luxembourg ou Pays-Bas) […], [il doit être considéré que] chaque destinataire a commis une ou plusieurs infractions très graves à l’article 81 CE ».

218    Force est de constater que les requérantes ne démontrent pas que l’impact concret des ententes aurait été mesurable en l’espèce, celles-ci se limitant à souligner, dans leur réplique, qu’il existerait différentes méthodes scientifiques permettant de calculer l’impact économique d’une entente, mais se bornent à affirmer que les effets ont nécessairement été réduits. À cet égard, les circonstances invoquées par les requérantes, relatives aux baisses de prix, à la fluctuation des parts de marché ou encore au non-respect ou à l’inefficacité des accords (voir point 212 ci-dessus), même à les supposer avérées, ne permettent pas de conclure que les effets des ententes auraient été mesurables sur les marchés concernés, d’autant que les requérantes ne contestent pas les affirmations de la Commission selon lesquelles il était impossible, en l’espèce, de déterminer avec une certitude suffisante les paramètres concurrentiels applicables en l’absence des infractions.

219    Dans ces conditions, les requérantes n’ont pas démontré que, en l’espèce, la Commission était obligée, conformément aux lignes directrices de 1998 et à la jurisprudence citée au point 214 ci-dessus, de tenir compte de l’impact concret des infractions aux fins de l’appréciation de leur gravité.

220    En outre, à supposer même que l’impact concret des infractions aurait été mesurable et que les arguments des requérantes reproduits aux points 211 et 212 ci-dessus seraient fondés en ce qu’ils démontreraient un impact réduit des ententes sur les marchés concernés, il doit être constaté que la qualification des présentes infractions de « très graves » n’en demeurerait pas moins appropriée.

221    Premièrement, il doit être relevé que, indépendamment de la structure prétendument variée des ententes, par leur nature même, les infractions constatées dans la décision attaquée figurent parmi les violations les plus graves de l’article 81 CE dès lors qu’elles avaient pour objet « une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se répartissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques (sauf en Allemagne, où l’activité d’entretien et de modernisation n’a pas fait l’objet de discussions entre les membres de l’entente) » (considérant 658 de la décision attaquée). À cet égard, les lignes directrices de 1998 exposent que les infractions « très graves » consistent essentiellement en des restrictions horizontales de type cartels de prix et en des quotas de répartition des marchés ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur. Ces infractions figurent également parmi les exemples d’ententes expressément déclarées comme incompatibles avec le marché commun à l’article 81, paragraphe 1, sous c), CE. Outre la grave altération du jeu de la concurrence qu’elles entraînent, ces ententes, en ce qu’elles obligent les parties à respecter des marchés distincts, souvent délimités par les frontières nationales, provoquent l’isolement de ces marchés, contrecarrant ainsi l’objectif principal du traité CE d’intégration du marché communautaire. Aussi des infractions de ce type, en particulier lorsqu’il s’agit d’ententes horizontales, sont-elles qualifiées par la jurisprudence de « particulièrement graves » ou d’« infractions patentes » (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 109 ; du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 136, et du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, point 85).

222    Deuxièmement, il ressort d’une jurisprudence constante que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est pas un critère déterminant dans l’appréciation de la gravité d’une infraction. Des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves telles que la répartition des marchés (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 118, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 198 supra, point 96 ; arrêts du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 199, et Degussa/Commission, point 95 supra, point 251).

223    C’est ainsi que la nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions de « très graves ». Il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices de 1998 que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l’espèce, à la répartition des marchés peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très graves », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 198 supra, point 75). Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière (voir, en ce sens, arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 171, et la jurisprudence citée). Dans ce contexte, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel il se serait agi en l’espèce non pas de répartition de marchés, mais « principalement d’accords sur les quotas », un gel des parts de marché impliquant nécessairement une répartition préalable des marchés concernés.

224    Partant, au vu de leur objet, les infractions visées par la décision attaquée sont, par nature, très graves, même s’il devait être établi que les ententes ne concernaient pas l’ensemble du marché des produits concernés et n’ont pas produit tous les effets espérés.

225    En outre, étant donné qu’une pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, points 201 et 205, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 60 ; arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 200 supra, point 92) et, en tout état de cause, au vu de l’examen réalisé aux points 221 à 224 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes tiré de la pratique décisionnelle de la Commission selon lequel l’infraction au Luxembourg aurait dû être qualifiée de « grave » eu égard à la taille réduite de cet État membre. Il convient à cet égard de relever, de surcroît, que c’est notamment la prise en compte de la « [t]aille du marché luxembourgeois par rapport à d’autres États membres » (considérant 666 de la décision attaquée) qui a amené la Commission à fixer un montant de départ général pour cette infraction représentant la moitié du seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices pour ce type d’infraction très grave (voir point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

226    Enfin, à supposer même que la Commission ait entendu tenir compte de cet élément facultatif qu’est l’impact de l’infraction sur le marché et qu’elle aurait dû par conséquent apporter, dans la décision attaquée, des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur le marché (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 198 supra, point 82), il y a lieu de considérer qu’elle aurait, en tout état de cause, satisfait à cette obligation.

227    En effet, il ressort de la décision attaquée que, s’agissant de l’infraction en Belgique, la Commission a notamment constaté que les accords anticoncurrentiels portaient sur tous les segments du marché des ascenseurs et des escaliers mécaniques, quel que soit le montant du projet, et qu’eu égard à la part de marché cumulée élevée des entreprises concernées (considérant 50 de la décision attaquée), celles-ci avaient peu de risques de se heurter à des contraintes concurrentielles exercées par des entreprises d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques plus petites, qui les auraient empêchées de fixer des prix supracompétitifs ayant un impact sur le marché (considérant 662 de la décision attaquée). Elle a en outre relevé que des représentants des quatre entreprises se réunissaient régulièrement (considérants 153 et 160 de la décision attaquée), s’entretenaient également régulièrement par téléphone au sujet de projets spécifiques (considérant 153 de la décision attaquée) et avaient prévu un mécanisme de compensation en cas de différences entre les parts de marché convenues et les parts de marché réelles (considérants 162 et 175 de la décision attaquée). Des listes de projets ont par ailleurs été établies, qui permettaient aux entreprises concernées de vérifier et de s’assurer en permanence que chacune respectait ses engagements et de procéder aux adaptations nécessaires lorsque ce qui avait été préalablement convenu n’était pas pleinement respecté (considérant 166 de la décision attaquée). Des mesures particulièrement élaborées avaient aussi été prises aux fins de dissimuler les accords (considérant 153 de la décision attaquée).

228    Pour ce qui concerne l’infraction en Allemagne, la Commission a notamment relevé que les participants à l’entente détenaient, en valeur, plus de 60 % du marché des ascenseurs et près de 100 % du marché des escaliers mécaniques (considérants 51 et 232 de la décision attaquée) et que l’objectif de l’entente était de geler les parts de marché respectives des entreprises concernées (considérants 236 et suivants de la décision attaquée). La Commission a également souligné la fréquence des réunions (considérants 217 et 218 de la décision attaquée) et les précautions prises par les participants pour dissimuler leurs contacts (considérants 219 à 221 de la décision attaquée).

229    En ce qui concerne l’infraction au Luxembourg, la Commission a constaté que les entreprises concernées par les accords avaient réalisé près de 100 % des ventes cumulées d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques en 2003, tout en relevant que les filiales locales de Kone, d’Otis, de Schindler et de ThyssenKrupp étaient les seuls fournisseurs établis au Luxembourg qui proposaient des escaliers mécaniques (considérant 52 de la décision attaquée). Elle a également souligné la fréquence des rencontres (considérant 302 de la décision attaquée), les précautions prises pour dissimuler les réunions et les contacts (considérants 304 à 307 de la décision attaquée) et l’existence d’un mécanisme de compensation (considérants 317 et 336 de la décision attaquée).

230    Enfin, s’agissant de l’infraction aux Pays-Bas, la Commission a relevé la part de marché cumulée très élevée des participants à l’entente (considérant 53 de la décision attaquée). Elle a également souligné la fréquence des réunions entre les participants (considérant 383 et 397 à 401 de la décision attaquée), le processus de répartition élaboré par les participants (considérants 411 et suivants de la décision attaquée), les précautions prises pour dissimuler les contacts entre participants (considérant 391 de la décision attaquée) ou encore l’existence d’un mécanisme de compensation de facto (considérant 434 de la décision attaquée).

231    Ainsi, la Commission a conclu, au considérant 660 de la décision attaquée, que le fait que les divers arrangements anticoncurrentiels avaient été mis en œuvre suggérait en soi un impact sur le marché, même si l’effet réel était difficile à mesurer, car il n’était pas possible d’établir, notamment, si et combien d’autres projets avaient été l’objet d’un trucage des offres, ni combien de projets avaient pu faire l’objet d’une répartition entre les membres de l’entente sans que des contacts entre eux soient nécessaires. Elle a ajouté que les parts de marché cumulées élevées des concurrents indiquaient des effets anticoncurrentiels probables et que la relative stabilité de ces parts de marché pendant toute la durée des infractions confirmerait ces effets.

232    Il ressort de tout ce qui précède que les arguments des requérantes reproduits aux points 211 et 212 ci-dessus ne sont pas de nature à affecter la légalité de la qualification de « très graves » des infractions constatées à l’article 1er de la décision attaquée et doivent donc être rejetés.

233    En second lieu, les requérantes estiment que la Commission ignore le principe de la présomption d’innocence en faisant peser sur les entreprises concernées la charge de la preuve de l’absence d’impact de leur entente.

234    Force est de constater que, conformément au point 1 A des lignes directrices de 1998, c’est à la Commission qu’il incombe de démontrer l’impact concret d’une entente lorsqu’il est mesurable. Toutefois, en l’espèce, la Commission a estimé, au considérant 660 de la décision attaquée, que l’impact concret n’était pas mesurable, sans que les requérantes aient valablement mis en cause cette appréciation (voir points 211 à 232 ci-dessus).

235    Dans ces conditions, l’absence de prise en considération de l’impact concret des infractions n’a pas pu engendrer une violation du principe de la présomption d’innocence, dès lors que, en l’espèce, la gravité des infractions pouvait, conformément au point 1 A des lignes directrices de 1998, être déterminée sans qu’un tel impact doive être établi.

236    L’argument tiré d’une violation du principe de la présomption d’innocence ne peut donc pas non plus être accueilli.

237    Partant, l’ensemble des griefs relatifs à la qualification des infractions de « très graves » doit être rejeté.

 Sur la prétendue illégalité des montants de départ des amendes

238    Les requérantes soulignent que la Commission a violé le point 1 A des lignes directrices de 1998, dès lors qu’elle n’a pas pris en compte, dans la décision attaquée, la taille du marché contrôlé par les entreprises en cause et concerné par les accords aux fins de la fixation des montants de base des amendes. Les requérantes invoquent, en outre, l’absence de proportionnalité et de cohérence des montants de base des amendes par rapport à la taille du marché concerné et par rapport au chiffre d’affaires des filiales de Schindler. Dans leur réplique, les requérantes ont également avancé que, indépendamment de la qualification des infractions de « très graves », les arguments présentés aux points 211 et 212 ci-dessus justifiaient une diminution des montants de départ des amendes. Elles estiment également que la Commission n’a pas opéré de différenciation suffisante entre les entreprises concernées. Interrogées lors de l’audience sur la portée de leur moyen, les requérantes ont précisé que, contrairement à ce qu’elles ont indiqué dans leurs écritures, leurs griefs ne concernent pas les montants de base des amendes, mais les montants de départ de celles-ci.

239    En particulier, s’agissant de l’infraction au Luxembourg, les requérantes estiment que le montant de départ de l’amende de 10 millions d’euros est disproportionné, dès lors qu’il représenterait près d’un tiers du volume du marché luxembourgeois concerné par l’entente. Les requérantes ajoutent que ce montant [confidentiel] (1). S’agissant de l’entente en Allemagne, le montant de départ spécifique correspondrait [confidentiel]. Enfin, s’agissant de l’entente aux Pays-Bas, les requérantes mettent en exergue le montant excessif du montant de départ spécifique de l’amende, lequel représenterait [confidentiel], alors même que Schindler ne détiendrait qu’une faible part de marché aux Pays-Bas.

240    Ainsi qu’il a été rappelé au point 203 ci-dessus, les lignes directrices de 1998 prévoient, en premier lieu, l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, sur la base de laquelle un montant de départ général peut être fixé (point 1 A, deuxième alinéa). En second lieu, la gravité est analysée par rapport aux caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à la pondération du montant de départ, au classement des entreprises en catégories et à la fixation d’un montant de départ spécifique (point 1 A, troisième à septième alinéas) (arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 200 supra, point 73).

241    À cet égard, il y a tout d’abord lieu de considérer que les griefs des requérantes tirés de la violation des lignes directrices de 1998 ou du principe de proportionnalité, s’agissant de l’absence de prise en considération de la taille des marchés concernés par les accords, et de l’absence de cohérence des montants de départ des amendes eu égard à la taille des marchés en cause concernent les montants de départ généraux des amendes, puisqu’ils concernent la gravité intrinsèque des infractions. Il en est de même des griefs tirés de la structure des accords ou de leur impact limité, qui, bien que soulevés aux fins de contester la qualification de « très graves » des infractions, justifieraient, selon les requérantes, que les montants de départ des amendes soient réduits. Ensuite, les griefs des requérantes tirés de l’absence de proportionnalité des montants de départ des amendes et de leur absence de cohérence eu égard aux chiffres d’affaires des filiales de Schindler ou de l’insuffisance de différenciation entre les entreprises concernées relèvent de la détermination des montants de départ spécifiques des amendes, puisqu’ils concernent le classement des entreprises par catégorie. Enfin, les requérantes font valoir un moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée s’agissant de la détermination des montants de départ des amendes.

–       Sur le prétendu défaut de motivation

242    Les requérantes ont soutenu, dans leurs écritures, que les montants de base des amendes qui ont été retenus dans la décision attaquée ne sont pas motivés. Ainsi qu’il a été indiqué au point 238 ci-dessus, il est toutefois ressorti de leurs explications lors de l’audience que leur grief vise le défaut de motivation des montants de départ des amendes. Les requérantes n’auraient pas été en mesure de vérifier sur la base de quels principes et fondements matériels ceux-ci auraient été déterminés. Les montants de départ des amendes constituant le point de départ des calculs ultérieurs, la méticulosité avec laquelle la Commission calculerait les majorations et minorations du montant de départ perdrait toute utilité si ce montant était fixé arbitrairement.

243    Il ressort d’une jurisprudence constante que les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, point 44, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 149 supra, points 463 et 464 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 131).

244    Or, la Commission a tout d’abord exposé, aux considérants 657 à 671 de la décision attaquée, que les montants de départ des amendes ont été déterminés en tenant compte de la nature des infractions et de l’étendue du marché géographique concerné. Il ressort en outre des considérants 672 à 685 de la décision attaquée que la Commission a analysé la gravité des infractions par rapport aux caractéristiques des participants en procédant, pour chaque infraction, à une différenciation des entreprises concernées en fonction de leurs chiffres d’affaires pour les produits faisant l’objet de l’entente dans le pays concerné par l’infraction.

245    Les éléments d’appréciation qui ont permis à la Commission de mesurer la gravité des infractions constatées ont dès lors été suffisamment exposés dans la décision attaquée. Dans ces conditions, le grief tiré d’une violation de l’article 253 CE doit être rejeté.

–       Sur les montants de départ généraux des amendes

246    En premier lieu, il importe de souligner que les requérantes ne contestent pas la légalité de la méthodologie exposée au point 1 A des lignes directrices de 1998 concernant la détermination des montants de départ généraux des amendes. Or, ladite méthodologie répond à une logique forfaitaire, selon laquelle le montant de départ général de l’amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, est calculé en fonction de la nature et de l’étendue géographique de l’infraction ainsi que de l’impact concret de l’infraction sur le marché lorsqu’il est mesurable (arrêts du Tribunal BASF/Commission, point 243 supra, point 134, et du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission, T‑116/04, Rec. p. II‑1087, point 62).

247    En outre, la taille du marché concerné n’est en principe pas un élément obligatoire, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction, la Commission n’étant, d’ailleurs, selon la jurisprudence, pas obligée de procéder à une délimitation du marché concerné ou à une appréciation de la taille de celui-ci dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 198 supra, points 55 et 64). Ainsi, aux fins de déterminer le montant de départ général de l’amende, la Commission peut, sans pour autant y être obligée, avoir égard à la valeur du marché faisant l’objet de l’infraction (voir, en ce sens, arrêts BASF/Commission, point 243 supra, point 134, et Wieland‑Werke/Commission, point 246 supra, point 63). En effet, les lignes directrices de 1998 ne prévoient pas que le montant des amendes est calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, elles ne s’opposent pas non plus à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit de l’Union et lorsque les circonstances l’exigent (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 118 supra, point 187).

248    Eu égard à ce qui précède, les arguments des requérantes doivent être rejetés pour autant qu’elles invoquent le prétendu caractère excessif des montants de départ des amendes qui ont été fixés pour l’infraction au Luxembourg. En effet, les chiffres d’affaires réalisés à l’échelle de cet État membre ont été pris en compte aux fins de classer les entreprises concernées en catégories et, partant, aux fins de fixer des montants de départ spécifiques pour lesdites entreprises (considérants 680 et 684 de la décision attaquée). En tout état de cause, comme indiqué au point 225 ci-dessus, c’est notamment la prise en compte de la « [t]aille du marché luxembourgeois par rapport à d’autres États membres » (considérant 666 de la décision attaquée) qui a amené la Commission à fixer un montant de départ général pour cette infraction représentant la moitié du seuil minimal de 20 millions d’euros qui est normalement prévu par les lignes directrices pour ce type d’infraction très grave (voir point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

249    En deuxième lieu, les requérantes relèvent que la fixation des montants de départ généraux pour les différentes ententes n’est pas cohérente et précisent que le montant de départ est disproportionné par rapport au volume du marché au Luxembourg.

250    Contrairement à ce que prétend la Commission, cet argument satisfait aux conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En effet, par cet argument, les requérantes soulignent que, à supposer que les différentes infractions doivent être considérées comme étant similaires, la Commission aurait dû appliquer, notamment pour l’infraction au Luxembourg, un montant de départ similaire, exprimé en pourcentage de la taille du marché, aux montants de départ retenus pour les autres infractions.

251    Il doit être rappelé que, eu égard à la logique forfaitaire sous-jacente à la méthodologie exposée au point 1 A des lignes directrices de 1998, la Commission, lorsqu’elle fixe le montant de départ général de l’amende, n’est pas obligée de tenir compte de la taille du marché affecté (voir points 246 et 247 ci-dessus).

252    À supposer même que la Commission, lorsqu’elle constate plusieurs infractions très graves dans une seule et même décision, doive respecter une certaine cohérence entre les montants de départ généraux et la taille des différents marchés affectés, rien n’indique en l’espèce que les montants de départ généraux fixés pour les infractions en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas manquent de cohérence.

253    Ainsi, la Commission a fixé des montants de départ généraux d’autant plus importants qu’était importante la taille du marché, sans recourir pour autant à une formule mathématique précise, ce à quoi elle n’était, en tout état de cause, pas tenue. Pour le marché le plus important, celui de l’Allemagne, qui représente 576 millions d’euros, le montant de départ général a été fixé à 70 millions d’euros ; pour les deux marchés suivant en ordre d’importance, ceux des Pays-Bas et de la Belgique, qui représentent respectivement 363 millions d’euros et 254 millions d’euros, le montant de départ général a été fixé, respectivement, à 55 millions d’euros et à 40 millions d’euros ; enfin, pour le marché luxembourgeois, de taille manifestement plus réduite, celui-ci représentant 32 millions d’euros, la Commission, bien que les lignes directrices de 1998 prévoient, pour des infractions très graves, la fixation d’un montant au titre de la gravité allant « au-delà de 20 millions d’[euros] », a estimé opportun de limiter ce montant à 10 millions d’euros.

254    En troisième lieu, les requérantes ont avancé que l’impact minime des infractions justifiait la fixation d’un montant de départ plus réduit. Cette argumentation doit également être rejetée. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 213 à 219 ci-dessus, la Commission doit, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. En outre, ainsi qu’il a été relevé aux points 220 à 224 ci-dessus, à supposer même que l’impact concret des infractions ait été mesurable en l’espèce, la qualification des présentes infractions de « très graves » n’en demeurerait pas moins appropriée. Or, les requérantes n’avancent pas d’autres arguments permettant de justifier, malgré la qualification de « très graves » des infractions, une réduction du montant de départ général des amendes imposées par la Commission.

–       Sur les montants de départ spécifiques des amendes

255    Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 54 supra, point 109, et Britannia Alloys & Chemicals/Commission, point 225 supra, point 44).

256    C’est ainsi que les lignes directrices de 1998 disposent que, pour une infraction de gravité donnée, il peut convenir, dans les cas impliquant plusieurs entreprises comme les cartels, de pondérer le montant de départ général pour établir un montant de départ spécifique tenant compte du poids, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature (point 1 A, sixième alinéa). En particulier, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs (point 1 A, quatrième alinéa).

257    Les lignes directrices de 1998 précisent également que le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique (point 1 A, septième alinéa).

258    Il résulte de la jurisprudence que les lignes directrices de 1998 ne prévoient pas que le montant des amendes est calculé en fonction du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, elles ne s’opposent pas non plus à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de celles-ci afin que soient respectés les principes généraux du droit de l’Union et lorsque les circonstances l’exigent (arrêts du Tribunal LR AF 1998/Commission, point 112 supra, point 283 ; du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 82, et Groupe Danone/Commission, point 57 supra, point 157). Le Tribunal a par ailleurs déjà considéré qu’il ne doit pas exister une relation strictement proportionnelle entre la taille de chaque entreprise et le montant de l’amende qui lui est infligée (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 534).

259    En l’espèce, il ressort des considérants 672 à 685 de la décision attaquée que la Commission a appliqué, pour chaque infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée, « un traitement différencié aux entreprises afin de prendre en compte la capacité économique effective des contrevenants à causer un préjudice significatif à la concurrence » (considérant 672 de la décision attaquée). Pour chaque infraction, elle a procédé à une catégorisation des entreprises aux fins de la fixation des montants de départ spécifiques des amendes, en fonction de leur chiffre d’affaires réalisé sur chaque marché national des produits concernés (considérants 673 à 685 de la décision attaquée). À l’exception de la détermination du montant de départ spécifique pour Schindler en raison de sa participation à l’entente en Allemagne, la Commission s’est fondée, aux fins de déterminer les montants de départ spécifiques des autres entreprises, pour chaque infraction, sur le chiffre d’affaires de 2003, qui est, selon la Commission, l’année la plus récente au cours de laquelle lesdites entreprises étaient des membres actifs des ententes concernées (considérants 674, 676, 680 et 684 de la décision attaquée).

260    Toutefois, les requérantes font valoir que, pour ce qui concerne les infractions en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas, la détermination du montant de départ spécifique des amendes pour leur participation à l’infraction concernée repose sur une application erronée des lignes directrices de 1998 et est disproportionnée. Elles avancent également que les entreprises concernées n’ont pas été suffisamment différenciées.

261    Premièrement, s’agissant des infractions en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas, les requérantes invoquent une violation des lignes directrices de 1998 et du principe de proportionnalité [confidentiel].

262    Or, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 244 ci-dessus, le montant de départ général des amendes a été déterminé en tenant compte de la nature des infractions et de l’étendue du marché géographique concerné. D’autre part, les chiffres d’affaires réalisés par les entreprises en cause sur le marché allemand ont été pris en considération par la Commission uniquement dans le cadre de l’application d’un traitement différencié aux entreprises concernées, afin de prendre en compte leur importance relative sur le marché concerné et leur capacité économique effective à causer un préjudice significatif à la concurrence (considérant 672 de la décision attaquée), ce qui est, du reste, conforme à la jurisprudence citée aux points 255 et 258 ci-dessus. La comparaison opérée par les requérantes entre les chiffres d’affaires qu’elles auraient réalisés sur les marchés concernés et le montant de départ des amendes ne saurait dès lors être retenue.

263    Partant, et dès lors que, en tout état de cause, le droit de l’Union ne contient pas de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l’importance de l’entreprise sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 118 supra, point 75), l’argument tiré du caractère excessif des montants de départ spécifiques imposés à Schindler pour les infractions en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas doit être rejeté.

264    Deuxièmement, s’agissant de l’infraction au Luxembourg, les requérantes soulignent que Schindler a été classée dans la même catégorie qu’Otis, alors que, avec un chiffre d’affaires de 9 à 13 millions d’euros réalisé au Luxembourg et une part de marché de 35 % à 40 %, cette dernière disposerait d’une puissance économique bien plus importante.

265    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, points 406 et 416 ; BASF/Commission, point 243 supra, point 157, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 83 supra, point 184). En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 258 ci-dessus, selon les lignes directrices de 1998, le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique (point 1 A, septième alinéa). À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 258 ci-dessus, il ne doit pas exister une relation strictement proportionnelle entre la taille de chaque entreprise et le montant de l’amende qui lui est infligée.

266    En l’espèce, il doit être constaté que, ainsi qu’il résulte du considérant 680 de la décision attaquée, en 2003, les chiffres d’affaires de Schindler et d’Otis sur le marché luxembourgeois étaient relativement similaires et étaient, tous deux, trois à quatre fois supérieurs aux chiffres d’affaires de Kone et de ThyssenKrupp sur ce marché. Partant, c’est sans excéder de manière manifeste la marge d’appréciation qui lui est reconnue que la Commission a placé Schindler et Otis dans la première catégorie et Kone et ThyssenKrupp dans la seconde catégorie, cette classification apparaissant cohérente et objectivement justifiée.

267    Troisièmement, s’agissant de l’infraction aux Pays-Bas, les requérantes affirment que leur faible part de marché dans cet État membre « n’a pas été prise en considération de manière évidente ». Le montant de départ représenterait [confidentiel], malgré sa part de marché [confidentiel].

268    Force est de constater que, eu égard au grand écart existant entre les chiffres d’affaires réalisés par les participants à l’entente aux Pays-Bas, c’est sans excéder de manière manifeste sa marge d’appréciation que la Commission a réparti ceux-ci en quatre catégories aux fins de la détermination du montant de départ spécifique des amendes et qu’elle a classé Schindler, en tant que troisième opérateur sur le marché néerlandais du produit concerné, dans la troisième catégorie.

269    Il ressort de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs visant la détermination des montants de départ spécifiques des amendes infligées aux requérantes doit être rejeté.

270    Le présent moyen doit donc être rejeté dans son intégralité.

  Sur le moyen tiré de la violation des lignes directrices de 1998, du principe de l’adéquation entre la faute et la peine, du principe de proportionnalité et de l’obligation de motivation dans la prise en compte des circonstances atténuantes

271    Les requérantes font valoir que la Commission a violé les lignes directrices de 1998, les principes de l’adéquation entre la faute et la peine et de proportionnalité ainsi que l’obligation de motivation en refusant, à tort, de tenir compte, en tant que circonstance atténuante, premièrement, de la cessation volontaire anticipée de l’infraction en Allemagne en 2000, et, deuxièmement, des efforts intensifs de Schindler afin d’éviter toute infraction à l’article 81 CE.

272    En premier lieu, s’agissant de la cessation volontaire anticipée de l’infraction, la Commission a constaté dans la décision attaquée que « Schindler a quitté l’entente allemande en 2000 », mais a considéré que « [l]e fait qu’une entreprise mette volontairement fin à l’infraction avant que la Commission ait ouvert son enquête est suffisamment pris en compte dans le calcul de la durée de l’infraction et ne constitue pas une circonstance atténuante » (considérant 742 de la décision attaquée).

273    Les requérantes rappellent que les lignes directrices de 1998 prévoient, en leur point 3, la diminution du montant de base en présence de circonstances atténuantes particulières telles que, notamment, la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission. Cette circonstance atténuante devrait, a fortiori, s’appliquer lorsque la cessation du comportement infractionnel intervient avant lesdites interventions, comme en l’espèce.

274    Ce raisonnement ne saurait être retenu. La Cour a, à cet égard, récemment confirmé qu’une circonstance atténuante ne peut être accordée au titre du point 3, troisième tiret, des lignes directrices de 1998 dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission (arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, point 198 supra, point 105). En effet, il ne peut logiquement être question d’une circonstance atténuante, au sens du point 3, des lignes directrices de 1998, que si les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions de la Commission. La finalité de cette disposition est d’encourager les entreprises à cesser leurs comportements anticoncurrentiels immédiatement lorsque la Commission entame une enquête à cet égard, de sorte qu’une réduction d’amende à ce titre ne saurait être appliquée dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission. En effet, l’application d’une réduction dans de telles circonstances ferait double emploi avec la prise en compte de la durée des infractions pour calculer le montant des amendes (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, points 328 à 330, et Carbone‑Lorraine/Commission, point 200 supra, point 227).

275     Il y a lieu, en outre, de rappeler que l’octroi d’une telle diminution du montant de base de l’amende est nécessairement lié aux circonstances de l’espèce, qui peuvent amener la Commission à ne pas l’accorder à une entreprise partie à un accord illicite (arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 104). À cet égard, l’application de cette disposition des lignes directrices en faveur d’une entreprise sera particulièrement adéquate dans une situation où le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause n’est pas manifeste. Inversement, son application sera moins adaptée, en principe, dans une situation où celui-ci est clairement anticoncurrentiel, à le supposer établi (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren‑Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 281 ; du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 497, et Carbone-Lorraine/Commission, point 200 supra, point 228). Ainsi, reconnaître le bénéfice d’une circonstance atténuante dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, pourrait inciter les entreprises à poursuivre un accord secret aussi longtemps que possible, dans l’espoir que leur comportement ne soit jamais découvert, tout en sachant que, s’il venait à être découvert, elles pourraient voir l’amende réduite en interrompant alors l’infraction. Une telle reconnaissance ôterait tout effet dissuasif à l’amende infligée et porterait atteinte à l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE (voir arrêt du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, précité, point 105, et la jurisprudence citée). En l’espèce, dans la décision attaquée, même la cessation immédiate de l’infraction par une autre entreprise, à savoir Kone, à la suite de l’intervention de la Commission, n’a pas été considérée comme une circonstance atténuante, eu égard au caractère manifeste et délibéré de l’infraction à l’article 81 CE (considérant 744 de la décision attaquée).

276    Ainsi, à supposer même que les lignes directrices de 1998 prévoyaient la cessation volontaire de l’infraction avant toute intervention de la Commission au titre de circonstance atténuante, il aurait été permis de considérer que le caractère manifeste et délibéré de l’infraction, qui n’a pas été contesté par les requérantes, et le fait que Schindler a, au vu du dossier, quitté l’entente uniquement en raison d’un désaccord avec les autres participants résultant du fait que ceux-ci refusaient de lui accorder une part de marché plus importante s’opposeraient également à une minoration du montant de base pour ce motif. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, il n’y a donc, en tout état de cause, pas lieu de remettre en cause la jurisprudence citée au point 274 ci-dessus.

277    Enfin, les requérantes se réfèrent à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, dans le cadre de laquelle elle aurait considéré comme circonstance atténuante la cessation volontaire d’une infraction avant toute intervention de sa part.

278    À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 225 ci-dessus, les décisions antérieures de la Commission invoquées par les requérantes ne sont pas pertinentes, dès lors que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

279    Le premier grief soulevé dans le cadre du présent moyen doit donc être rejeté.

280    En second lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas pris en considération, ni même examiné, le programme de conformité aux règles de concurrence de Schindler en tant que circonstance atténuante, ce qui constituerait un défaut de motivation. En outre, les requérantes estiment que des mesures de mise en conformité doivent être prises en considération dans le calcul des amendes, car, d’une part, les requérantes auraient, en prenant des mesures internes, fait tout leur possible pour éviter des infractions et, d’autre part, de telles mesures auraient eu pour effet secondaire de rendre plus difficile l’éclaircissement interne d’infractions, puisque les collaborateurs risquaient d’être sanctionnés. Les requérantes se réfèrent encore à certaines décisions antérieures de la Commission, dans lesquelles l’existence d’un programme de conformité aux règles de concurrence aurait été prise en considération en tant que circonstance atténuante.

281    S’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de constater qu’il est exposé, au considérant 754 de la décision attaquée, que, « [b]ien que la Commission accueille favorablement les mesures prises par les entreprises en vue d’éviter des infractions ultérieures liées aux ententes, de telles mesures ne peuvent changer la réalité des infractions et la nécessité de les sanctionner dans cette décision » et que « [l]e simple fait que, dans certaines de ses décisions précédentes, la Commission ait pris en considération de telles mesures en tant que circonstances atténuantes ne signifie pas qu’elle est tenue de faire de même dans chaque affaire ». Même si le considérant 754 de la décision attaquée constitue une réponse à un argument d’Otis reproduit au considérant 753, il permet également aux requérantes de connaître les motifs pour lesquels le programme de conformité de Schindler, à l’instar de celui d’Otis, ne pouvait pas non plus être considéré comme une circonstance atténuante et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité sur les amendes imposées aux sociétés du groupe Schindler. Partant, l’argument tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63).

282    S’agissant du bien-fondé de l’approche de la Commission, il a déjà été jugé que l’adoption d’un programme de mise en conformité par l’entreprise concernée n’oblige pas la Commission à octroyer une réduction de l’amende en raison de cette circonstance (arrêt BASF et UCB/Commission, point 143 supra, point 52). En outre, s’il est certes important qu’une entreprise prenne des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit de la concurrence de l’Union soient commises à l’avenir par des membres de son personnel, la prise de telles mesures ne change rien à la réalité de l’infraction constatée. La Commission n’est donc pas tenue de retenir un tel élément comme circonstance atténuante, d’autant plus lorsque les infractions constatées dans la décision attaquée constituent, comme en l’espèce, une violation manifeste de l’article 81 CE (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 88 supra, point 373, et Carbone-Lorraine/Commission, point 200 supra, point 231). Il en résulte que l’argument des requérantes, tiré du fait que la Commission aurait méconnu la nécessité de déterminer individuellement le montant des amendes en n’accordant pas de réduction des amendes à Schindler eu égard à l’existence de son programme de mise en conformité, ne saurait être retenu.

283    Enfin, l’argument tiré de la pratique antérieure de la Commission doit être rejeté pour les motifs exposés au point 278 ci-dessus.

284    Le second grief soulevé dans le cadre du présent moyen ne peut donc pas non plus être accueilli.

285    Les requérantes n’ayant soulevé les griefs tirés de l’inadéquation entre la faute et la peine et la violation du principe de proportionnalité qu’en raison de l’absence de prise en considération de toutes les circonstances atténuantes, ces griefs doivent, eu égard aux développements figurant aux points 272 à 284 ci-dessus, être rejetés.

286    Il ressort de tout ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le moyen tiré d’une violation de la communication sur la coopération de 2002, du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation dans l’octroi des réductions du montant des amendes

287    Les requérantes rappellent qu’elles ont introduit des demandes en vue de bénéficier d’une immunité d’amendes ou une réduction du montant de celles-ci au titre de la communication sur la coopération de 2002 en ce qui concerne la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg. Toutefois, la Commission aurait violé les dispositions de ladite communication en appréciant la qualité et l’utilité de leur coopération. Les requérantes soutiennent également que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement dans l’appréciation de la réduction de l’amende applicable au titre de cette communication. Les requérantes invoquent également un défaut de motivation de la décision attaquée.

 Sur la communication sur la coopération de 2002

288    Il convient de relever que, dans la communication sur la coopération de 2002, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle aux fins d’établir une entente peuvent être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter.

289    Tout d’abord, la communication sur la coopération de 2002 dispose, sous le titre A, en son paragraphe 8 :

« [L]a Commission exemptera une entreprise de toute amende qu’elle aurait à défaut dû acquitter :

a)      lorsque l’entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, sont de nature à lui permettre d’adopter une décision ordonnant des vérifications en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, concernant une entente présumée affectant la Communauté, ou

b)      lorsque l’entreprise est la première à fournir des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, sont de nature à lui permettre de constater une infraction à l’article 81 [CE] en rapport avec une entente présumée affectant la Communauté. »

290    Ensuite, la communication sur la coopération de 2002 prévoit, sous le titre B, en son paragraphe 20, que « [l]es entreprises qui ne remplissent pas les conditions [d’exemption de l’amende] prévues au titre A peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée » et, en son paragraphe 21, que, « [a]fin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ».

291    S’agissant de la notion de valeur ajoutée, il est expliqué au paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2002 :

« La notion de ‘valeur ajoutée’ vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question. Lors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que les éléments de preuve établis ultérieurement. De même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers. »

292    Le paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 prévoit une classification en trois catégories pour les réductions d’amendes :

« –      [p]remière entreprise à remplir la condition énoncée au p[aragraphe] 21 : réduction comprise entre 30 et 50 % ;

–      [d]euxième entreprise à remplir la condition énoncée au p[aragraphe] 21 : réduction comprise entre 20 et 30 % ;

–      [a]utres entreprises remplissant la condition énoncée au p[aragraphe] 21 : réduction maximale de 20 %. »

293    La communication sur la coopération de 2002 dispose au paragraphe 23, sous b), deuxième alinéa :

« Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au p[aragraphe] 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution. »

294    Enfin, le paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 dispose :

« [S]i une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis. »

 Sur la marge d’appréciation de la Commission et le contrôle du juge de l’Union

295    Il convient de rappeler que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, lequel constitue la base juridique pour l’imposition des amendes en cas d’infraction aux règles de la concurrence de l’Union, confère à la Commission une marge d’appréciation dans la fixation des amendes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127) qui est, notamment, fonction de sa politique générale en matière de concurrence (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 54 supra, points 105 et 109). C’est dans ce cadre que, pour assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions en matière d’amendes, la Commission a adopté et publié la communication sur la coopération de 2002. Il s’agit d’un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il en résulte une autolimitation de ce pouvoir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 89), dans la mesure où il appartient à la Commission de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est imposées (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec. p. II‑2169, point 57).

296    L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption de la communication sur la coopération de 2002 n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 81 ; voir, par analogie, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 275 supra, point 224).

297    La communication sur la coopération de 2002 contient, en effet, différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement n° 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour (voir, par analogie, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 275 supra, point 224).

298    Ainsi, il doit être relevé que la Commission bénéficie d’une large marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à évaluer si des éléments de preuve fournis par une entreprise ayant exprimé son souhait de bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 apportent une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de ladite communication (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 296 supra, point 88). S’agissant du paragraphe 8, sous a) et b), de la communication sur la coopération de 2002, force est de constater que cette marge d’appréciation substantielle résulte du libellé même de cette disposition, qui se réfère expressément à la fourniture d’éléments de preuve qui, « de l’avis de la Commission », sont respectivement de nature à lui permettre d’adopter une décision ordonnant des vérifications ou à lui permettre de constater une infraction. L’appréciation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par une entreprise implique en effet des appréciations factuelles complexes (voir, en ce sens, arrêts SGL Carbon/Commission, point 296 supra, point 81, et Carbone Lorraine/Commission, point 200 supra, point 271).

299    De même, la Commission, après avoir constaté que des éléments de preuve présentent une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002, dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende à accorder à l’entreprise concernée. En effet, le paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 prévoit des fourchettes pour la réduction du montant de l’amende pour les différentes catégories d’entreprises visées, tandis que le deuxième alinéa dudit paragraphe fixe les critères à prendre en compte par la Commission afin de définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes.

300    Eu égard à la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour évaluer la coopération d’une entreprise au titre de la communication sur la coopération de 2002, seul un excès manifeste de cette marge est susceptible d’être censuré par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 296 supra, points 81, 88 et 89).

 Sur la coopération de Schindler aux fins de l’établissement de l’infraction en Belgique

301    Schindler, qui a été la quatrième entreprise à présenter une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 pour sa participation à l’infraction en Belgique (considérant 775 de la décision attaquée), n’a pas bénéficié d’une réduction du montant de l’amende en ce qui concerne ladite infraction (considérant 776 de la décision attaquée). La Commission explique à cet effet, au considérant 776 de la décision attaquée, ce qui suit :

« 776          Bien que Schindler ait transmis des éléments de preuve contemporains sous la forme de listes de l’entente de 2000 à 2003, ceux-ci ne permettent pas d’étayer le dossier de la Commission étant donné qu’elle disposait déjà de listes de l’entente de cette même période. Schindler a présenté sa demande [au titre de la communication sur la coopération de 2002] le 21 janvier 2005, c’est-à-dire un an après que la première inspection en Belgique a eu lieu, à une époque où la Commission avait déjà mené deux séries de vérifications en Belgique et reçu trois demandes corroborantes [au titre de ladite communication]. Par ailleurs, la nature des informations très limitées fournies par Schindler pour la plupart des listes de l’entente en 2000-2003 n’a pas, dans une mesure significative, renforcé la capacité de la Commission à prouver les faits en question. Par conséquent, les conditions du paragraphe 21 de la communication sur la coopération ne sont pas remplies. Suite à sa demande […], Schindler a continué à coopérer avec la Commission, sans pour autant apporter de valeur ajoutée significative. »

302    En premier lieu, les requérantes prétendent que la Commission méconnaît, dans la décision attaquée, le fait que les listes de projets communiquées par Schindler au cours de la procédure administrative ont effectivement présenté une valeur ajoutée au sens de la communication sur la coopération de 2002. Premièrement, lesdites listes ne présenteraient pas les mêmes dates que les listes communiquées par Kone et Otis. Deuxièmement, les listes de Schindler feraient état de nombreux projets qui ne figureraient pas sur les listes communiquées par Kone et par Otis. Troisièmement, la Commission se référerait expressément, au considérant 164 (note en bas de page 176) de la décision attaquée, aux listes de projets communiquées par Kone, Otis et Schindler. Quatrièmement, la Commission tirerait des conclusions d’une comparaison entre les listes de projets qui auraient été communiquées par les différentes entreprises, ce qui montrerait, d’une part, que toutes les listes de projets communiquées constituent des éléments de preuve importants au niveau de l’établissement de l’infraction et, d’autre part, que c’est uniquement grâce aux listes de projets de Kone, d’Otis et de Schindler qu’elle aurait été en mesure de prouver l’existence de l’entente. Or, conformément au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, Schindler aurait, en tant que quatrième entreprise à avoir coopéré, droit à une réduction de l’amende pouvant aller jusqu’à 20 %.

303    Il convient donc d’examiner, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 300 ci-dessus, si la Commission a manifestement excédé sa marge d’appréciation en constatant que les éléments de preuve fournis par Schindler ne présentaient pas une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en sa possession au moment où ladite entreprise a formulé sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002.

304    À cet égard, il convient tout d’abord de relever que les requérantes, qui ne dénoncent pas l’octroi d’une immunité d’amendes à Kone, ne contestent pas la constatation, faite au considérant 761 de la décision attaquée, selon laquelle « les informations déjà fournies par Kone ont permis à la Commission de constater une infraction en Belgique ». La Commission avait donc déjà reçu des éléments de preuve suffisants pour constater une infraction en Belgique au moment où Schindler a formulé sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002.

305    Force est de constater ensuite que les requérantes, aux fins de démontrer la valeur ajoutée significative de la coopération de Schindler, se réfèrent uniquement à des listes de projets datant de 2000 à 2003 que cette entreprise a transmises à la Commission dans le cadre de sa demande au titre de cette communication.

306    Toutefois, même si les listes transmises par Schindler portaient des dates différentes de celles fournies par Kone et Otis et même si elles se référaient également à quelques projets qui n’étaient pas inclus dans les listes communiquées par Kone et Otis, elles ne sauraient être considérées comme ayant renforcé de manière significative la capacité de la Commission de constater l’infraction en Belgique.

307    En effet, premièrement, il doit être souligné que, dans la décision attaquée, la Commission a établi la mise en œuvre de l’entente concernant les ascenseurs et escaliers mécaniques neufs en Belgique non seulement en se référant aux listes de projets communiquées par Kone, Otis et Schindler, mais également en se fondant sur les observations des participants à l’entente en Belgique dans le cadre de leurs demandes au titre de la communication sur la coopération de 2002 et sur les réponses d’entreprises à des demandes d’informations de la Commission (voir notes en bas de pages se rapportant aux considérants 163 à 168 de la décision attaquée). Les listes de projets ne constituent donc qu’un élément de preuve parmi d’autres dans le cadre de l’établissement de la mise en œuvre de l’entente en Belgique.

308    Deuxièmement, il n’est pas contesté que, au moment où Schindler a communiqué à la Commission des listes de projets datant de 2000 à 2003, celle-ci disposait déjà de listes de projets de la même période, qui avaient été transmises antérieurement par Kone et Otis (considérants 164 et 776 de la décision attaquée).

309    Or, une déclaration se limitant à corroborer, dans une certaine mesure, une déclaration dont la Commission disposait déjà ne facilite pas la tâche de celle-ci de manière significative et est, partant, insuffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération (voir, en ce sens, arrêt Groupe Danone/Commission, point 57 supra, point 455).

310    Eu égard à ce qui a été constaté au point précédent et au fait que les requérantes ne contestent pas que la coopération de Kone permettait déjà à la Commission de constater l’infraction en Belgique, les requérantes ne sauraient pas non plus prétendre que c’est uniquement l’ensemble des listes de projets mentionnées dans la décision attaquée, y inclus celles transmises par Schindler, qui a permis à la Commission de prouver l’existence de l’entente en Belgique.

311    La Commission n’a dès lors pas manifestement excédé sa marge d’appréciation en considérant que les éléments de preuve fournis par Schindler ne présentaient pas de valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002. Le grief tiré de la valeur ajoutée significative des listes de projets que Schindler a communiquées à la Commission dans le cadre de sa demande au titre de ladite communication doit donc être rejeté.

312    En second lieu, les requérantes font valoir qu’une comparaison avec le traitement d’Otis et celui de ThyssenKrupp montre que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en refusant d’accorder à Schindler une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2002. Elles expliquent à cet effet que Kone a fourni suffisamment d’éléments de preuve permettant à la Commission de constater une infraction à l’article 81 CE. Otis aurait fourni des éléments de preuve ne contenant que très peu d’informations nouvelles et aurait bénéficié d’une réduction du montant de l’amende de 40 %. ThyssenKrupp aurait seulement fourni des informations supplémentaires à propos d’un petit nombre de projets d’entretien et la Commission aurait constaté qu’aucun des éléments de preuve fournis ne concernait des faits dont elle n’avait pas connaissance auparavant et que les informations communiquées ne dataient pas de l’époque de l’entente. Or, ThyssenKrupp aurait bénéficié d’une réduction du montant de l’amende de 20 %. Schindler aurait, quant à elle, communiqué des listes concernant les années allant de 2000 à 2003, dont la Commission n’aurait pas eu connaissance auparavant et qui dateraient de l’époque de l’infraction. Partant, Schindler aurait droit à une réduction du montant de l’amende devant atteindre 20 %.

313    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission ne saurait, dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, méconnaître le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 394, et la jurisprudence citée).

314    En l’espèce, il y a lieu de constater que les coopérations fournies par Otis et par ThyssenKrupp différaient très nettement de celle apportée par Schindler.

315    Premièrement, il doit être rappelé que l’appréciation de la valeur ajoutée d’une coopération s’effectue en fonction des éléments de preuve déjà en la possession de la Commission. Or, dès lors que la coopération d’Otis et celle de ThyssenKrupp ont précédé celle de Schindler (considérants 96, 98 et 103 de la décision attaquée), la Commission disposait de plus d’éléments de preuve au moment où Schindler a formulé sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 qu’au moment des demandes d’Otis et de ThyssenKrupp.

316    Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que les coopérations de ThyssenKrupp et d’Otis présentaient une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002.

317    En effet, s’agissant de la coopération d’Otis, cette entreprise a fourni à la Commission des « preuves documentaires contemporaines » (considérant 766 de la décision attaquée) et ces éléments de preuve fournissaient des informations, quoique limitées, « sur des faits précédemment ignorés » (considérant 766 de la décision attaquée). Pour ce qui concerne la coopération de ThyssenKrupp, celle-ci présentait également une valeur ajoutée significative, « car elle fourni[ssait] des informations complémentaires sur des projets d’entretien et de modernisation ainsi que des explications détaillées sur le système utilisé pour fixer les prix des contrats d’entretien » (considérant 771 de la décision attaquée).

318    En revanche, s’agissant de la coopération de Schindler, il ressort de l’analyse effectuée aux points 303 à 311 ci-dessus que la Commission a pu considérer à bon droit que celle-ci ne satisfaisait pas aux conditions du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002.

319    Dans ces conditions, les situations des différentes entreprises n’étant pas comparables, c’est sans commettre une violation du principe d’égalité de traitement que la Commission a accordé des réductions du montant des amendes à Otis (40 %) et à ThyssenKrupp (20 %) et qu’elle a refusé à Schindler le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2002.

320    Il ressort de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs de Schindler relatifs à l’application de la communication sur la coopération de 2002 à sa coopération aux fins de l’établissement de l’infraction en Belgique doivent être rejetés.

 Sur la coopération de Schindler aux fins de l’établissement de l’infraction en Allemagne

321    La Commission a décidé, au considérant 805 de la décision attaquée, « d’accorder à Schindler une réduction de l’amende de 15 % dans la fourchette prévue au p[aragraphe] 23, [premier alinéa], [sous] b, [troisième tiret], de la communication sur la coopération [de 2002] » au titre de sa coopération dans l’établissement de l’infraction en Allemagne.

322    Au considérant 803 de la décision attaquée, la Commission explique que l’octroi d’une immunité d’amendes au titre du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2002 ou une réduction de 100 % du montant de l’amende au titre du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de ladite communication était exclue dès lors que, au moment où Schindler a formulé sa demande au titre de cette communication, « [l]a Commission était déjà en possession d’un faisceau de preuves lui permettant de constater une infraction à l’article 81 [CE], notamment sur la période de 1995 à 2000 ».

323    Au considérant 804 de la décision attaquée, la Commission ajoute :

« […] Dans la mesure où Schindler n’a satisfait pleinement à la condition du point 21 qu’après le complément du 25 novembre 2004, soit huit mois après les deux premières demandes [au titre de la communication sur la coopération de 2002], ce retard doit être pris en compte pour le calcul de la réduction, dans le cadre de la fourchette prévue. Pour autant, les déclarations de Schindler ont apporté une valeur ajoutée significative qui a renforcé la capacité de la Commission à prouver l’infraction. Néanmoins, la valeur ajoutée de la demande de Schindler [au titre de ladite communication] demeure limitée dans la mesure où elle reprenait essentiellement ses propres déclarations, ne contenait aucun élément de preuve documentaire et corroborait principalement les éléments de preuve déjà en possession de la Commission. »

324    Les requérantes rappellent, à titre liminaire, que Schindler n’a participé qu’à des ententes concernant des installations d’escaliers mécaniques entre 1995 et 2000, de sorte que seules ces ententes au cours de ladite période sont déterminantes dans l’appréciation de la coopération de Schindler. Cette infraction constituerait une infraction autonome, qui devrait être considérée de manière distincte par rapport aux infractions concernant les escaliers mécaniques et les ascenseurs commises par d’autres entreprises après 2000. Schindler n’aurait pas participé à ces infractions et n’en aurait pas eu connaissance.

325    Premièrement, Schindler soutient qu’elle devrait être considérée comme la première entreprise à avoir fourni, conformément au paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2002, des éléments de preuve de nature à permettre à la Commission de constater une infraction et ainsi bénéficier d’une remise totale de son amende.

326    Certes, la Commission aurait reçu des demandes au titre de la communication sur la coopération de 2002 concernant les ententes en Allemagne de Kone et d’Otis avant de recevoir celle de Schindler. Néanmoins, ces demandes n’auraient pas été de nature à prouver l’existence de l’infraction à l’article 81 CE à laquelle Schindler aurait participé, à savoir des accords concernant des escaliers mécaniques conclus entre 1995 et 2000. En l’absence des éléments de preuve fournis par Schindler, la Commission n’aurait pas été en mesure de constater l’infraction à l’article 81 CE. Dans sa demande et les compléments à celle-ci, Schindler aurait établi l’existence de 33 réunions qui auraient eu lieu en Allemagne entre le 29 avril 1994 et le 6 décembre 2000. Otis n’aurait révélé que trois réunions en 1999 (les 20 janvier, 28 octobre et 22 décembre 1999) et cinq réunions en 2000 (les 20 janvier, 18 février, 3 avril, 16 juin et 6 décembre 2000). Les déclarations de Kone ne permettraient pas non plus d’établir les réunions systématiques concernant les projets liés aux escaliers mécaniques en Allemagne de 1995 à 2000.

327    Deuxièmement, à titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que Schindler n’aurait pas dû, en toute hypothèse, conformément au paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, se voir infliger d’amende, étant donné qu’elle a été la seule à fournir suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’infraction en Allemagne entre 1995 et 2000. Les éléments de preuve fournis par Kone et Otis couvriraient la période postérieure à 2000. Par ailleurs, dans la mesure où la Commission affirmerait, au considérant 803 de la décision attaquée, qu’elle disposait déjà d’éléments de preuve avant la demande de Schindler, sans pour autant préciser les éléments dont il s’agirait, les requérantes invoquent un défaut de motivation de la décision attaquée.

328    Il y a lieu de relever, tout d’abord, que, contrairement à ce que prétend la Commission, le fait que les requérantes ne mettent pas en cause la qualification de l’entente en Allemagne d’infraction unique n’affecte pas la recevabilité de leur argumentation.

329    En effet, la Commission elle-même distingue, dans la décision attaquée, deux volets dans l’infraction en Allemagne, l’une s’étendant d’août 1995 à décembre 2000 et portant uniquement sur les escaliers mécaniques et l’autre s’étendant de décembre 2000 à décembre 2003 et portant à la fois sur les escaliers mécaniques et les ascenseurs (considérants 213, 277 et 278 de la décision attaquée), sans que cette distinction affecte la qualification de cette entente d’infraction unique, dès lors que tous les arrangements poursuivaient les mêmes objectifs et aboutissaient au même résultat (considérant 568 de la décision attaquée). Il est en outre constant que Schindler n’a participé qu’au volet concernant les escaliers mécaniques de l’infraction constatée à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, dès lors que Schindler a quitté l’entente en 2000 (considérant 213 de la décision attaquée).

330    Or, si, comme le prétendent les requérantes, Schindler a été la première entreprise à fournir des éléments de preuve déterminants permettant à la Commission de constater l’existence de l’entente en Allemagne d’août 1995 à décembre 2000, elle aurait droit, conformément au dernier alinéa du paragraphe 23, sous b), de la communication sur la coopération de 2002 et indépendamment d’une éventuelle application du paragraphe 8, sous b), de ladite communication, à une réduction de 100 % du montant de l’amende, dès lors que sa coopération aurait eu une incidence directe sur la durée de l’entente présumée, équivalente à toute la durée de participation de Schindler à celle-ci.

331    Toutefois, il ressort des considérants 214 et 803 de la décision attaquée que la Commission disposait, à la date de la demande de Schindler, le 25 novembre 2004, d’éléments de preuve suffisants lui permettant de constater l’infraction en Allemagne entre 1995 et 2000.

332    Ainsi, dans sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, du 12 février 2004, Kone a fourni des données concrètes sur l’entente en Allemagne, tant pour la période ayant précédé que pour celle ayant suivi le départ de Schindler de l’entente. S’agissant du premier volet de l’infraction, la déclaration de Kone a ainsi informé la Commission de ce qu’une entente concernant la répartition du marché des escaliers mécaniques existait déjà le 1er août 1995, de la liste des participants à l’entente, des principes régissant l’attribution des projets et d’autres éléments concernant la mise en œuvre de l’entente. Kone avait aussi, dans sa demande, clairement indiqué que Schindler avait quitté l’entente « [à] la fin de 2000 ».

333    Dans ses observations d’avril 2004, complétant sa demande de mars 2004, Otis a confirmé l’existence d’une entente en Allemagne sur la répartition du marché des escaliers mécaniques, la liste des participants à l’entente, les principes régissant l’attribution des projets et d’autres informations concernant la mise en œuvre de l’entente ainsi que le départ de Schindler de l’entente en 2000. Dans ses observations complémentaires d’avril 2004, Otis a, en outre, indiqué que l’entente sur le marché des escaliers mécaniques existait depuis les années 80.

334    Partant, au moment du dépôt par Schindler de sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, le 25 novembre 2004, la Commission disposait déjà de deux déclarations concordantes lui permettant de constater le volet de l’entente en Allemagne à laquelle Schindler a participé.

335    Certes, dans sa demande du 25 novembre 2004 et dans son complément du 7 décembre 2004, Schindler a fourni à la Commission des informations dont celle-ci n’avait pas encore connaissance. Il s’agit notamment des dates de certaines réunions entre les participants à l’entente qui ont eu lieu entre le 29 avril 1994 et le 6 décembre 2000. Toutefois, eu égard à ce qui a été constaté au point 334 ci-dessus, la Commission a pu considérer à bon droit qu’il s’agissait d’éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002, donnant droit à une réduction de l’amende, et non pas à une immunité totale de l’amende au titre du paragraphe 8, sous b), ou à une réduction totale du montant de l’amende au titre du paragraphe 23, sous b), dernier alinéa, de ladite communication. En effet, les éléments de preuve concernés n’étaient pas déterminants pour établir l’existence de l’entente en Allemagne pendant toute la durée de la participation de Schindler à celle-ci mais renforçaient la capacité de la Commission à établir l’infraction en corroborant les éléments de preuve déjà en sa possession.

336    Ensuite, eu égard au fait que Schindler était la troisième entreprise à formuler une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, la réduction de l’amende applicable était celle prévue au paragraphe 23, sous b), premier alinéa, troisième tiret, de cette communication. Or, dès lors que les éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative n’ont été communiqués à la Commission que huit mois après les deux premières demandes au titre de ladite communication et qu’il n’est pas contesté que Schindler n’a pas communiqué des preuves documentaires contemporaines, c’est sans excéder de manière manifeste sa marge d’appréciation que la Commission a fixé la réduction du montant de l’amende pour Schindler à 15 %.

337    Enfin, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’article 253 CE, il doit être constaté que le considérant 803 de la décision attaquée expose, de façon claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les éléments de preuve soumis par Schindler dans sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 ne donnaient pas droit à une immunité d’amende. La Commission se réfère à cet effet au fait que, « au moment des observations de Schindler, [elle] était déjà en possession d’un faisceau de preuves lui permettant de constater une infraction à l’article 81 [CE] » (considérant 803 de la décision attaquée). Placés dans leur contexte, ces motifs se réfèrent nécessairement au faisceau de preuves contenu dans les demandes de Kone et d’Otis, dont la valeur ajoutée a été déterminée aux considérants 792 et 799 de la décision attaquée. Les considérants susmentionnés permettaient donc aux intéressés de connaître les justifications du refus de la Commission d’octroyer à Schindler une immunité d’amendes pour sa coopération à l’établissement de l’infraction en Allemagne et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. Partant le grief tiré d’une violation de l’article 253 CE doit être rejeté.

338    Il ressort de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs de Schindler relatifs à l’application de la communication sur la coopération de 2002 à sa coopération aux fins d’établir l’entente en Allemagne doivent être rejetés.

 Sur la coopération de Schindler aux fins de l’établissement de l’infraction au Luxembourg

339    Schindler, qui a été la quatrième entreprise à présenter une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 concernant l’entente au Luxembourg (considérant 830 de la décision attaquée), n’a pas bénéficié d’une réduction du montant de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002 en ce qui concerne ladite infraction (considérant 834 de la décision attaquée). La Commission explique à cet effet aux considérants 831 à 833 de la décision attaquée :

« 831 La demande [au titre de la communication sur la coopération de 2002] de Schindler se compose principalement d’une déclaration écrite de l’entreprise et de documents internes remontant à 2002 qui, selon Schindler, ont été créés dans le cadre de l’activité normale de l’entreprise. La demande […] de Schindler n’a fourni à la Commission aucun élément nouveau à forte valeur ajoutée. Les nouvelles informations recouvrent en réalité des descriptions du secteur à l’époque de l’infraction et d’autres détails de moindre importance. Ces informations mises à part, la demande […] de Schindler confirme essentiellement les informations déjà connues de la Commission.

832      Par ailleurs, Schindler affirme que les accords relatifs aux nouveaux projets d’installations, de modernisation, de réparation et d’entretien d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques étaient en place dès 1993, et qu’elle avait quitté l’entente en 1994 pour ne revenir qu’en 1999. La Commission n’a trouvé aucune indication étayant cette déclaration. La Commission ne peut se reposer sur la déclaration unilatérale et non étayée d’une des parties concernant une question cruciale, susceptible d’entraîner de sérieuses conséquences juridiques pour les autres participants.

833      La Commission en conclut que les observations de Schindler ne contiennent aucun élément nouveau de valeur significative mais corroborent, pour l’essentiel, les faits déjà connus d’elle. Les informations fournies par Schindler, comparées aux éléments de preuve en possession de la Commission au moment de la demande […] de Schindler, n’ont pas renforcé, de manière sensible, la capacité de la Commission à prouver les faits en question. Par conséquent, les conditions du p[aragraphe] 21 de la communication sur la coopération [de 2002] ne sont pas remplies. À la suite de sa demande […], Schindler n’a apporté aucune aide supplémentaire, à l’exception des informations communiquées à la demande de la Commission. »

340    Les requérantes soutiennent que Schindler est en droit de bénéficier d’une réduction du montant de l’amende de 20 % à 30 %, au titre des paragraphes 21 et 23 de la communication sur la coopération de 2002. En effet, Schindler aurait fourni des éléments de preuve d’une valeur ajoutée considérable, concernant des accords dans le domaine des activités d’entretien. En l’absence de la demande de Schindler du 4 novembre 2004, la Commission n’aurait pas été en mesure d’établir l’existence d’accords dans ledit domaine, sur lequel les demandes de Kone et de ThyssenKrupp ne contiendraient que très peu d’informations. Par ailleurs, Otis n’aurait pas expressément reconnu sa participation à des accords dans ce domaine.

341    L’importance de la demande au titre de la communication sur la coopération de 2002 de Schindler s’agissant de l’administration de la preuve par la Commission résulterait également de la fréquence des renvois à celle-ci dans la décision attaquée, par rapport aux renvois aux demandes de Kone et de ThyssenKrupp. La Commission aurait rejeté l’argumentation de Schindler au considérant 831 de la décision attaquée, sans pour autant répondre aux arguments de Schindler figurant dans la réponse à la communication des griefs, ce qui constituerait une motivation insuffisante au sens de l’article 253 CE.

342    Il convient, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 300 ci-dessus, d’examiner si la Commission a manifestement excédé sa marge d’appréciation en constatant que les éléments de preuve fournis par Schindler ne présentaient pas une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en sa possession au moment où ladite entreprise a formulé sa demande au titre de la communication sur la coopération de 2002.

343    À cet égard, il doit être relevé, premièrement, que les requérantes, qui ne dénoncent pas l’octroi d’une immunité d’amendes à Kone au titre du paragraphe 8, sous b), de la communication sur la coopération de 2002, ne contestent pas que les informations fournies par Kone permettaient déjà à la Commission de constater une infraction au Luxembourg (considérant 816 de la décision attaquée). La Commission disposait donc déjà d’éléments de preuve suffisants pour constater une infraction au Luxembourg au moment où Schindler a formulé sa demande au titre de cette communication. En outre, antérieurement à la demande de Schindler, la Commission avait également déjà été saisie d’une demande d’Otis, au titre de ladite communication, en mars 2004, qui a donné lieu à une réduction du montant de l’amende de 40 % (considérants 118 et 823 de la décision attaquée).

344    Deuxièmement, quant à la question de savoir si, conformément aux paragraphes 21 et 22 de la communication sur la coopération de 2002, les éléments de preuve fournis par Schindler présentaient une valeur ajoutée significative en ce qu’ils auraient fortement renforcé la capacité de la Commission d’établir l’infraction au Luxembourg, il y a lieu de constater que les éléments de preuve qui, selon les requérantes, auraient apporté une valeur ajoutée significative ne concernent qu’un des deux volets de l’infraction constatée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, à savoir le partage des marchés concernant les contrats d’entretien et de modernisation (voir également les considérants 293 et 830 de la décision attaquée).

345    Or, il ressort de la demande de Kone du 5 février 2004, telle que complétée par des informations du 19 février 2004, que celle-ci comportait déjà une description claire du volet de l’entente visée ultérieurement par la coopération de Schindler.

346    Troisièmement, les requérantes ne sauraient tirer argument du nombre de références dans la décision attaquée à leur demande au titre de la communication sur la coopération de 2002. En effet, le fait que la Commission ait exploité, dans la décision attaquée, l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait, et donc également les informations communiquées par Schindler dans sa demande du 4 novembre 2004, ne démontre pas pour autant que ces dernières informations présentaient une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont disposait déjà la Commission à cette date.

347    Il ressort de tout ce qui précède que la Commission n’a pas excédé de manière manifeste sa marge d’appréciation en considérant que les éléments de preuve fournis par Schindler n’apportaient pas de valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002.

348    S’agissant du grief tiré d’une violation de l’article 253 CE, il doit être constaté que la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais qu’il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, point 64, et la jurisprudence citée). À cet égard, il y a lieu de relever que, aux considérants 831 à 833 de la décision attaquée, la Commission a suffisamment exposé les raisons pour lesquelles elle a estimé que les éléments de preuve soumis par Schindler dans sa demande du 4 novembre 2004 n’apportaient pas de valeur ajoutée significative au sens du paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002. Ces considérants permettent aux intéressés de connaître les justifications du refus de la Commission d’octroyer à Schindler une réduction du montant de l’amende pour sa coopération à l’établissement de l’infraction au Luxembourg et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. Partant, le grief tiré d’une violation de l’article 253 CE doit être rejeté.

349    Il ressort de tout ce qui précède que l’ensemble des griefs de Schindler relatifs à l’application de la communication sur la coopération de 2002 à sa coopération aux fins de l’établissement de l’infraction au Luxembourg doivent être rejetés.

 Sur le moyen tiré de la violation de la communication sur la coopération de 2002 et des lignes directrices de 1998, en raison de l’insuffisance de la réduction du montant des amendes pour non-contestation des faits

350    Au point 614 de la communication des griefs, la Commission avait annoncé qu’elle « envisage[ait] d’accorder une réduction [de l’amende] pour la coopération en dehors de la communication sur la coopération [de 2002], en particulier lorsqu’une société ne contest[ait] pas ou lorsque celle-ci fourni[ssai]t une aide supplémentaire permettant de clarifier ou de compléter les faits constatés par la Commission ».

351    Au considérant 758 de la décision attaquée, la Commission explique que, « [d]ans la mesure où le point 614 de la communication des griefs créait des attentes en l’espèce, [elle] [avait] décidé d’interpréter ce point en faveur des entreprises qui, sur sa base, ont contribué à l’établissement des faits de l’infraction exposée dans [la] décision [attaquée], en ne contestant pas les faits ou en fournissant d’autres informations ou des précisions complémentaires ».

352    La Commission a ainsi accordé à tous les participants aux quatre infractions, à l’exception, d’une part, des entreprises bénéficiant d’une immunité d’amendes (considérants 762, 817 et 839 de la décision attaquée) et, d’autre part, de Kone dans le cadre de l’entente aux Pays-Bas (considérant 851 de la décision attaquée), une réduction du montant de l’amende de 1 % pour leur coopération en dehors de la communication sur la coopération de 2002, au titre de l’absence de contestation des faits exposés dans la communication des griefs (considérants 768, 774, 777, 794, 801, 806, 813, 824, 829, 835, 845, 854, 855 et 856 de la décision attaquée).

353    Les requérantes estiment, premièrement, qu’elles peuvent prétendre à une réduction du montant de l’amende d’au moins 10 % au lieu du 1 % accordé au titre de leur coopération en dehors de la communication sur la coopération de 2002, ce qui serait conforme à la pratique décisionnelle de la Commission dans d’autres affaires. Deuxièmement, la Commission n’aurait, en dépit d’une demande en ce sens, pas tenu compte du fait que les requérantes avaient coopéré avec elle dans une mesure allant bien au-delà de la simple absence de contestation des faits, ce qui leur donnerait droit à une réduction du montant de l’amende d’au moins 10 %, en vertu de la communication sur la coopération de 2002, ou à une réduction au titre du sixième tiret du titre 3 des lignes directrices de 1998.

354    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’une réduction du montant d’une amende au titre de la coopération lors de la procédure administrative n’est justifiée que si le comportement de l’entreprise en cause a permis à la Commission de constater l’infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d’y mettre fin (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 156 ; Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 222 supra, point 270, et Groupe Danone/Commission, point 57 supra, point 449).

355    En outre, il ressort de la jurisprudence qu’une entreprise qui déclare expressément qu’elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 395, et SCA Holding/Commission, point 354 supra, point 157).

356    Certes, la communication sur la coopération de 2002 ne prévoit, contrairement à la communication sur la coopération de 1996, aucune réduction du montant de l’amende en faveur des entreprises qui ne contestent pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations dans la communication des griefs. Toutefois, la Commission reconnaît au considérant 758 de la décision attaquée que le point 614 de la communication des griefs a créé, pour les entreprises, l’attente légitime que l’absence de contestation des faits entraînerait une réduction du montant de l’amende en dehors de la communication sur la coopération de 2002. Au même considérant, elle a également relevé que « [l]’étendue de la réduction devra prendre en compte que la coopération offerte après la communication des griefs, alors que la Commission a déjà établi tous les éléments de l’infraction, à un moment où l’entreprise a déjà connaissance de tous les éléments de l’enquête et a eu accès au dossier de l’enquête, ne peut, dans le meilleur des cas, aider la Commission que marginalement dans son enquête ». La Commission a également précisé que, « [e]n général, l’admission des faits dans ces circonstances est tout au plus un élément de preuve corroborant des faits que la Commission considérerait normalement comme suffisamment démontrés par d’autres éléments de preuve versés au dossier ».

357    En premier lieu, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission a dérogé à sa pratique antérieure, en vertu de laquelle une entreprise qui ne contesterait pas la matérialité des faits reprochés dans la communication des griefs bénéficierait d’une réduction de 10 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée, conformément à la communication sur la coopération de 1996.

358    Si, certes, la communication sur la coopération de 1996 disposait au point D, sous 2, second tiret, qu’une entreprise pouvait bénéficier « […] d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération […] si […] après avoir reçu la communication des griefs, [elle] inform[ait] la Commission qu’elle ne contest[ait] pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fond[ait] ses accusations », la communication sur la coopération de 2002 ne prévoit plus de réduction du montant de l’amende pour ce motif. Or, ainsi qu’il résulte déjà des points 142 et 143 ci-dessus, seule la communication sur la coopération de 2002 s’applique aux demandes des requérantes, celles-ci ayant d’ailleurs été explicitement formulées en vertu de cette communication.

359    En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé au point 225 ci-dessus, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

360    En second lieu, s’agissant des arguments des requérantes selon lesquels Schindler aurait, tout au long de la procédure, fourni à la Commission des informations relatives aux infractions, qui auraient été citées dans des passages centraux de la décision attaquée, il suffit de constater que les requérantes ne prétendent pas que cette collaboration aurait dépassé celle requise dans le cadre de l’application de la communication sur la coopération de 2002, de sorte que leur grief doit être rejeté. Il en est de même du moyen, soulevé dans la réplique, selon lequel ladite coopération justifierait que Schindler bénéficie d’une circonstance atténuante au titre des lignes directrices de 1998.

361    Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

362    Les requérantes font valoir que les amendes imposées à l’article 2 de la décision attaquée pour chaque infraction violent l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission se serait fondée, pour déterminer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires des entreprises en cause, sur les chiffres d’affaires des sociétés mères des groupes de sociétés concernés, plutôt que sur le chiffre d’affaires des filiales ayant directement participé aux infractions.

363    Les requérantes font valoir qu’il n’est pas possible d’imputer aux sociétés mères les infractions commises par leurs filiales respectives et que, partant, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 devrait être calculé sur la base du chiffre d’affaires desdites filiales.

364    Toutefois, eu égard au fait que les requérantes ne prétendent pas que les amendes infligées dans la décision attaquée excèdent le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé par Schindler Holding au cours de l’exercice social précédent, force est de constater que ce grief se confond avec les griefs examinés aux points 63 à 91 ci-dessus, relatifs à l’imputation à Schindler Holding du comportement de ses filiales. Or, il ressort des développements qui y sont relatifs que c’est à bon droit que la Commission a imputé à Schindler Holding les comportements de ses filiales, avec lesquelles elle forme une unité économique. Ce moyen doit donc être rejeté.

  Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le calcul du montant final des amendes

365    Les requérantes font valoir que le montant final des amendes qui leur ont été imposées est disproportionné, dans la mesure où il ne serait ni nécessaire ni approprié pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir la répression des comportements illégaux et la prévention de la récidive. En l’espèce, il serait question de quatre infractions isolées commises par quatre sociétés différentes, en sorte que les amendes infligées ne devraient pas dépasser 10 % du chiffre d’affaires de chaque société. Les requérantes estiment également que, si l’argument de la Commission selon lequel une amende n’est pas disproportionnée lorsqu’elle n’excède pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée devait être retenu, l’application du principe de proportionnalité serait pratiquement exclue. En l’espèce, Schindler Belgique et Schindler Luxembourg se seraient vu infliger des amendes correspondant à [confidentiel] % des chiffres d’affaires moyens consolidés de Schindler Belgique et de Schindler Luxembourg [confidentiel]. S’agissant de Schindler Pays-Bas, l’amende correspondrait [confidentiel].

366    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 96, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

367    Il s’ensuit que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (arrêt du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, point 366 supra, point 224). En outre, dans la détermination du montant des amendes, la Commission est fondée à prendre en considération la nécessité de garantir à celles-ci un effet suffisamment dissuasif (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 54 supra, point 108, et arrêt Europa Carton/Commission, point 125 supra, point 89).

368    Il y a lieu de relever, premièrement, que les ententes consistaient en l’espèce principalement en une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se répartissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques (sauf en Allemagne, où l’activité d’entretien et de modernisation n’a pas fait l’objet de discussions entre les membres de l’entente). Or, de telles infractions figurent, par leur nature même, parmi les violations les plus graves de l’article 81 CE (considérant 658 de la décision attaquée).

369    Deuxièmement, la Commission, lors du calcul du montant des amendes, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’unité économique agissant en qualité d’entreprise au sens de l’article 81 CE. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’entreprise pertinente à prendre en considération dans la présente espèce ne correspond pas à chaque filiale ayant participé aux infractions constatées à l’article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, de la décision attaquée. Au contraire, il ressort de l’analyse qui précède que les infractions reprochées à Schindler ont été commises par Schindler Holding et ses filiales. Dans ces conditions, les arguments des requérantes qui se limitent à établir une disproportion entre le montant des amendes infligées par la Commission et le chiffre d’affaires réalisé par lesdites filiales, à l’exclusion de leur société mère, doivent être rejetés.

370    Troisièmement, s’agissant de la proportionnalité des amendes par rapport à la taille et à la puissance économique des unités économiques concernées, il convient de rappeler qu’il ressort des développements qui précèdent que celles-ci n’excèdent pas le plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, lequel a pour objectif d’éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise (voir, en ce sens, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 54 supra, point 119, et arrêt du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, point 366 supra, point 229). À cet égard, il ressort d’ailleurs du dossier que le montant total des amendes imposées à Schindler par la décision attaquée représente environ 2 % du chiffre d’affaires consolidé de Schindler Holding au cours de l’exercice social précédent l’adoption de la décision attaquée, ce qui ne saurait être considéré comme disproportionné par rapport à la taille de cette entreprise.

371    Eu égard aux considérations qui précèdent, le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le calcul du montant final des amendes doit être rejeté.

372    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

373    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Enfin, aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

374    Il y a lieu de constater que le présent recours, pour autant qu’il a été introduit par Schindler Management, est devenu sans objet à la suite de la rectification de la décision attaquée par la Commission. Eu égard au fait que tous les moyens du recours ont été soulevés indistinctement par l’ensemble des requérantes ainsi qu’au fait que Schindler Holding, Schindler Belgique, Schindler Allemagne, Schindler Luxembourg et Schindler Pays-Bas ont succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens de la Commission. Le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours pour autant qu’il a été introduit par Schindler Management AG.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Schindler Holding Ltd, Schindler SA, Schindler Deutschland Holding GmbH, Schindler Sàrl et Schindler Liften BV sont condamnées aux dépens.

4)      Schindler Management supportera ses propres dépens.

5)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2011.

Signatures

Table des matières


Procédure administrative

1.  Enquête de la Commission

Belgique

Allemagne

Luxembourg

Pays-Bas

2.  Communication des griefs

3.  Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

Sur la demande de non-lieu à statuer en ce qui concerne Schindler Management

Sur le fond

1.  Observations liminaires

2.  Sur la demande d’annulation de la décision attaquée dans son ensemble

Sur le moyen tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH

Sur le moyen tiré de l’illégalité de la décision attaquée, en ce qu’elle est adressée à Schindler Holding, en raison de l’absence de notification valable

Sur le moyen tiré de l’illégalité de la décision attaquée, en ce qu’elle a engagé la responsabilité solidaire de Schindler Holding

3.  Sur la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée

Sur l’exception d’illégalité relative à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, tirée de la violation du principe de légalité des peines

Sur l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998, tirée de la violation du principe de non-rétroactivité

Sur l’exception d’illégalité des lignes directrices de 1998, tirée de l’absence de compétence de la Commission et, à titre subsidiaire, de leur absence de transparence et de prévisibilité

Sur l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, tirée de la violation du principe de non-rétroactivité et du principe de la protection de la confiance légitime

Sur l’exception d’illégalité de la communication sur la coopération de 2002, tirée de la violation des principes généraux de droit nemo tenetur, in dubio pro reo et de proportionnalité ainsi que d’un abus du pouvoir d’appréciation

Sur le premier grief, tiré de la violation du principe nemo tenetur

Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe in dubio pro reo

Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Sur le quatrième grief, tiré d’un abus du pouvoir d’appréciation

Sur le moyen tiré du caractère confiscatoire, en violation du droit international, de la décision attaquée

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur le moyen tiré d’une violation des lignes directrices de 1998 et de l’obligation de motivation dans la fixation du montant de départ des amendes

Observations liminaires

Décision attaquée

Sur la qualification des infractions de « très graves »

Sur la prétendue illégalité des montants de départ des amendes

–  Sur le prétendu défaut de motivation

–  Sur les montants de départ généraux des amendes

–  Sur les montants de départ spécifiques des amendes

Sur le moyen tiré de la violation des lignes directrices de 1998, du principe de l’adéquation entre la faute et la peine, du principe de proportionnalité et de l’obligation de motivation dans la prise en compte des circonstances atténuantes

Sur le moyen tiré d’une violation de la communication sur la coopération de 2002, du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation dans l’octroi des réductions du montant des amendes

Sur la communication sur la coopération de 2002

Sur la marge d’appréciation de la Commission et le contrôle du juge de l’Union

Sur la coopération de Schindler aux fins de l’établissement de l’infraction en Belgique

Sur la coopération de Schindler aux fins de l’établissement de l’infraction en Allemagne

Sur la coopération de Schindler aux fins de l’établissement de l’infraction au Luxembourg

Sur le moyen tiré de la violation de la communication sur la coopération de 2002 et des lignes directrices de 1998, en raison de l’insuffisance de la réduction du montant des amendes pour non-contestation des faits

Sur le moyen tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité dans le calcul du montant final des amendes

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.


1 – Données confidentielles occultées.