Language of document : ECLI:EU:C:2012:711

Affaires jointes C‑539/10 P et C‑550/10 P

Stichting Al-Aqsa
contre
Conseil de l’Union européenne

et

Royaume des Pays-Bas
contre
Stichting Al-Aqsa

«Pourvoi — Politique étrangère et de sécurité commune — Lutte contre le terrorisme — Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités — Gel des fonds — Position commune 2001/931/PESC — Article 1er, paragraphes 4 et 6 — Règlement (CE) no 2580/2001 — Article 2, paragraphe 3 — Inscription et maintien d’une organisation sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme — Conditions — Décision prise par une autorité compétente — Abrogation d’une mesure nationale — Recours en annulation — Recevabilité du pourvoi — Droit au respect de la propriété — Principe de proportionnalité — Article 253 CE — Obligation de motivation»

Sommaire — Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 15 novembre 2012

1.        Pourvoi — Moyens — Conclusions tendant à obtenir une substitution de motifs — Irrecevabilité

(Règlement de procédure de la Cour, art. 113, § 1)

2.        Procédure juridictionnelle — Autorité de la chose jugée — Portée

3.        Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Décision de gel des fonds — Autorité compétente

(Position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 4; règlement du Conseil no 2580/2001)

4.        Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Décision de gel des fonds — Abrogation de la décision nationale de gel des fonds — Absence d’incidence sur le gel des fonds prescrit par un règlement de l’Union

(Position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 4 et 6)

5.        Droit de l’Union européenne — Effet direct — Obligations des États membres

6.        Pourvoi — Pourvoi incident — Objet — Annulation totale ou partielle de l’arrêt attaqué pour un motif non soulevé dans le pourvoi

(Règlement de procédure de la Cour, art. 117, § 2)

7.        Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme — Gel des fonds d’une organisation impliquée dans des actes de terrorisme — Restrictions au droit de propriété — Violation du principe de proportionnalité — Absence

(Position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 4; règlement du Conseil no 2580/2001, art. 5 et 6)

8.        Droit de l’Union européenne — Principes — Proportionnalité — Caractère proportionné d’une mesure — Critères d’appréciation

9.        Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée — Décision de gel des fonds prise à l’encontre de certaines personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme

(Art. 253 CE; position commune du Conseil 2001/931, art. 1er, § 4; règlement du Conseil no 2580/2001, art. 2, § 1 et 3)

1.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 43-45)

2.        L’autorité de la chose jugée s’étend seulement aux motifs d’un arrêt qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et en sont, de ce fait, indissociables.

(cf. point 49)

3.        L’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, permet au Conseil de se fonder sur une décision qui, à la suite d’une enquête portant sur l’implication de la personne concernée dans le financement d’activités terroristes, impose des mesures préventives tel qu’un gel de fonds.

En effet, il découle des considérants de cette position commune ainsi que du règlement no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, que leur but essentiel et leur objet consistent à combattre le terrorisme international, en le coupant de ses ressources financières par le gel des fonds et des ressources économiques des personnes ou entités soupçonnées d’être impliquées dans des activités qui y sont liées. Ainsi, ces actes tendent non pas à accompagner et à supporter des procédures pénales nationales, mais à prévenir la commission de nouveaux actes terroristes.

En outre, il résulte de la référence à une décision nationale prise par une autorité compétente ainsi que de la mention «d’informations précises» et «des preuves ou des indices sérieux et crédibles» figurant à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, que celui-ci a pour objectif de protéger les personnes concernées en assurant que leur inscription dans la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide, et que ladite position commune vise à atteindre cet objectif en recourant à l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale. Ladite protection des personnes concernées n’est pas mise en cause si la décision prise par l’autorité nationale s’inscrit non pas dans le cadre d’une procédure visant à infliger des sanctions pénales, mais dans celui d’une procédure ayant pour objet des mesures de type préventif. Cette protection est également assurée lorsque la décision prise par l’autorité nationale est non pas celle qui ouvre l’enquête, mais celle qui tire des conséquences d’une enquête en imposant une mesure de type préventif à la personne concernée, sans être une condamnation pénale. Cette conclusion est corroborée par le fait que l’inscription dans la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme peut également être fondée sur une sanction ordonnée par le Conseil de sécurité des Nations unies. En effet, dans la mesure où de telles sanctions ne revêtent, en règle générale, pas de caractère pénal, un gel de fonds tel que celui imposé par la décision nationale est tout à fait comparable à une sanction décidée par ledit Conseil de sécurité.

(cf. points 67, 68, 70-73, 104)

4.        Le libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, fait référence à la décision prise par une autorité nationale en exigeant l’existence d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise. Or, il ne ressort ni dudit libellé ni de celui de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 que, au-delà de cette condition, la décision prise dans le passé doit nécessairement encore être en vigueur ou produire des effets juridiques au moment où le Conseil décide le maintien d’une personne sur la liste figurant en annexe à cette position commune. En outre, il y a lieu de tenir compte de la fonction de la référence à une décision nationale prise sur la base de preuves ou d’indices sérieux et crédibles qui vise à assurer que la décision du Conseil soit prise sur une base factuelle suffisante permettant à ce dernier de conclure à l’existence d’un danger que, en l’absence de la prise de mesures inhibitives, la personne concernée poursuive son implication dans des activités terroristes. Dans ces circonstances, la question qui importe lors de l’examen du maintien d’une personne sur la liste en cause est celle de savoir si, depuis l’inscription du nom de cette personne dans ladite liste ou depuis le réexamen précédent, la situation factuelle a changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de la personne en question dans des activités terroristes.

Dès lors que l’abrogation de la décision nationale de gel de fonds n’a aucunement été fondée sur la survenance de faits ou de preuves nouveaux selon lesquels la personne faisant l’objet d’un gel de fonds ne serait plus impliquée dans le financement du terrorisme ou sur une modification de l’appréciation d’une telle implication par les autorités nationales compétentes, mais a uniquement été justifiée par l’objectif d’éviter un chevauchement entre la mesure nationale de gel de fonds et la mesure de gel de fonds prescrite au niveau de l’Union, cette abrogation ne suffit pas pour rendre le maintien de la personne dans la liste en cause incompatible avec les paragraphes 4 et 6 dudit article 1er de la position commune 2001/931.

(cf. points 79-84, 89)

5.        Les États membres ne sauraient adopter un acte par lequel la nature communautaire d’une règle juridique et les effets qui en découlent seraient dissimulés aux justiciables.

(cf. point 87)

6.        Voir le texte de la décision.

(cf. point 94)

7.        Le droit de propriété ne jouit pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis. Au regard d’un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la lutte par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à l’égard de la paix et de la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme, le gel des fonds, des avoirs financiers et d’autres ressources économiques des personnes identifiées selon les règles prévues par le règlement no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et par la position commune 2001/931, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, ne saurait, en soi, passer pour inadéquat.

Quant au caractère proportionné du maintien d’une organisation sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme, les articles 5 et 6 du règlement no 2580/2001 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques. En outre, ce maintien fait l’objet d’un réexamen périodique en vue d’assurer que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer dans la liste litigieuse en soient radiées.

(cf. points 121, 123, 127, 129)

8.        Voir le texte de la décision.

(cf. point 122)

9.        L’article 253 CE, qui prévoit que les actes adoptés par les institutions de l’Union doivent être motivés, ne saurait être interprété en ce sens qu’il exige que le Conseil réponde de manière détaillée aux observations soulevées par une personne lors de sa consultation avant l’adoption d’une décision la concernant. Dès lors que l’exposé des motifs notifié à cette personne indique les raisons individuelles et spécifiques ayant amené le Conseil à considérer, conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, sur la base d’informations considérées comme fiables par une autorité nationale, que ladite personne était impliquée dans le financement du terrorisme, cette dernière est en mesure de comprendre ce qui lui est reproché.

Il ressort du paragraphe 1, sous c), de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’article 2, paragraphes 1 et 3, du règlement no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, que le gel des fonds des personnes impliquées dans les actes de terrorisme constitue la règle. Dès lors, il ne saurait être reproché au Conseil de ne pas avoir indiqué de raisons supplémentaires pouvant l’avoir amené à considérer que la personne concernée devait effectivement faire l’objet d’une mesure de gel des fonds.

(cf. points 141, 142, 144)