Language of document : ECLI:EU:C:2011:29

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

27 janvier 2011 (*)

«Propriété industrielle et commerciale – Directive 98/71/CE – Protection juridique des dessins ou modèles – Article 17 – Obligation de cumul de la protection des dessins ou modèles avec celle du droit d’auteur – Législation nationale excluant ou rendant inopposable pour une certaine période la protection par le droit d’auteur pour les dessins ou modèles tombés dans le domaine public avant son entrée en vigueur – Principe de protection de la confiance légitime»

Dans l’affaire C‑168/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale di Milano (Italie), par décision du 12 mars 2009, parvenue à la Cour le 12 mai 2009, dans la procédure

Flos SpA

contre

Semeraro Casa e Famiglia SpA,

en présence de:

Assoluce – Associazione nazionale delle Imprese degli Apparecchi di Illuminazione,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, U. Lõhmus (rapporteur) et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Flos SpA, par Mes G. Casucci et N. Ferretti, avvocati,

–        pour Semeraro Casa e Famiglia SpA, par Mes G. Floridia et F. Polettini, avvocati,

–        pour Assoluce – Associazione nazionale delle Imprese degli Apparecchi di Illuminazione, par Mes C. Galli, M. Bogni et C. Paschi, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par M. H. Krämer et Mme S. La Pergola, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17 et 19 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO L 289, p. 28).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Flos SpA (ci-après «Flos»), société active dans la production de luminaires design, à Semeraro Casa e Famiglia SpA (ci-après «Semeraro») au sujet d’une atteinte aux droits d’auteur qu’elle prétend détenir pour un modèle de lampe dénommé «Arco».

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 93/98/CEE

3        La directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO L 290, p. 9), énonce, à son deuxième considérant, que les disparités entre les législations nationales régissant les durées de protection du droit d’auteur et des droits voisins sont susceptibles d’entraver la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services et de fausser les conditions de concurrence dans le marché commun et qu’il convient, dès lors, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d’harmoniser les législations des États membres de manière que les durées de protection soient identiques dans toute l’Union européenne.

4        L’article 1er, paragraphe 1, de la même directive prévoit la protection par le droit d’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique, au sens de l’article 2 de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 juillet 1979, durant toute la vie de l’auteur de cette œuvre et pendant 70 ans après sa mort.

5        L’article 10 de ladite directive, intitulé «Applicabilité dans le temps», dispose à ses paragraphes 1 à 3:

«1.      Lorsqu’une durée de protection plus longue que la durée de protection correspondante prévue à la présente directive a déjà commencé à courir dans un État membre à la date visée à l’article 13 paragraphe 1, la présente directive n’a pas pour effet de la raccourcir dans cet État membre.

2.      Les durées de protection prévues à la présente directive s’appliquent à toutes les œuvres et à tous les objets qui, à la date visée à l’article 13 paragraphe 1, sont protégés dans au moins un État membre dans le cadre de l’application des dispositions nationales relatives au droit d’auteur ou aux droits voisins ou qui répondent aux critères de protection énoncés dans la directive 92/100/CEE [du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO L 346, p. 61)].

3.      La présente directive s’entend sans préjudice des actes d’exploitation accomplis avant la date visée à l’article 13 paragraphe 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour protéger notamment les droits acquis des tiers.»

6        En vertu de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 93/98, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 1er à 11 de celle-ci avant le 1er juillet 1995.

 La directive 98/71

7        Selon les deuxième et troisième considérants de la directive 98/71, la disparité des protections juridiques des dessins ou modèles offertes par les législations des États membres a une incidence directe sur l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur pour les produits incorporant des dessins ou modèles et elle peut fausser le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, de sorte que le rapprochement des législations nationales relatives à la protection des dessins ou modèles est nécessaire pour le bon fonctionnement dudit marché.

8        Aux termes du huitième considérant de ladite directive, «en l’absence d’harmonisation de la législation sur les droits d’auteur, il importe de consacrer le principe du cumul, d’une part, de la protection spécifique des dessins ou modèles par l’enregistrement et, d’autre part, de la protection par le droit d’auteur, tout en laissant aux États membres la liberté de déterminer l’étendue de la protection par le droit d’auteur et les conditions auxquelles cette protection est accordée».

9        L’article 12 de la même directive, intitulé «Droits conférés par l’enregistrement», dispose:

«1.      L’enregistrement d’un dessin ou modèle confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son consentement de l’utiliser. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit aux fins précitées.

2.      Pour autant que, en vertu de la législation d’un État membre, les actes visés au paragraphe 1 n’aient pas pu être empêchés avant la date d’entrée en vigueur des dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive, les droits conférés par l’enregistrement du dessin ou modèle ne peuvent être invoqués pour empêcher la poursuite de tels actes par toute personne ayant commencé à se livrer auxdits actes avant cette date.»

10      L’article 17 de la directive 98/71, intitulé «Rapports avec le droit d’auteur», prévoit:

«Un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, conformément aux dispositions de la présente directive, bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État à partir de la date à laquelle le dessin ou modèle a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis, sont déterminées par chaque État membre.»

11      L’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive énonce que les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 28 octobre 2001.

 La directive 2001/29/CE

12      L’article 1er de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10), intitulé «Champ d’application», énonce, à son paragraphe 1, que cette directive porte sur la protection juridique du droit d’auteur et des droits voisins dans le cadre du marché intérieur, avec une importance particulière accordée à la société de l’information.

13      L’article 2 de ladite directive dispose sous le titre «Droit de reproduction»:

«Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie:

a)      pour les auteurs, de leurs œuvres;

[…]»

 La réglementation nationale

14      La protection des dessins et des modèles est accordée en vertu du décret royal n° 1411, du 25 août 1940, portant des dispositions législatives en matière de brevets pour des modèles industriels (Gazzetta ufficiale n° 247, du 21 octobre 1940). Dans sa version applicable jusqu’au 19 avril 2001, l’article 5 de ce décret royal prévoyait:

«Peuvent faire l’objet d’un brevet pour des modèles et des dessins ornementaux les nouveaux modèles ou dessins qui sont en mesure de donner à certains produits industriels une ornementation spéciale par la forme ou par une combinaison particulière de lignes, de couleurs ou d’autres éléments. Les dispositions relatives au droit d’auteur ne s’appliquent pas aux modèles et dessins susmentionnés […]»

15      L’article 2, paragraphe 1, point 4, de la loi n° 633, du 22 avril 1941, relative au droit d’auteur et aux autres droits liés à son exercice (Gazzetta ufficiale n° 166, du 16 juillet 1941, ci-après la «loi n° 633/1941»), dans sa version applicable jusqu’au 19 avril 2001, soumettait la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles à la condition de la «séparabilité» («scindibilità»), en disposant que jouissent de la protection de ce droit «les œuvres […], même appliquées à l’industrie, dès lors que leur valeur artistique est séparable du caractère industriel du produit auquel elles sont associées».

16      L’article 22 du décret législatif n° 95, du 2 février 2001, portant application de la directive 98/71/CE (GURI n° 79, du 4 avril 2001, ci-après le «décret législatif n° 95/2001»), qui est entré en vigueur le 19 avril 2001, a modifié l’article 2, paragraphe 1, point 4, de la loi n° 633/1941, en supprimant la condition de «séparabilité» et en ajoutant au catalogue des œuvres protégées, dans un nouveau point 10, les «œuvres de dessin industriel qui présentent un caractère créatif et une valeur artistique intrinsèques».

17      Le décret législatif n° 164, du 12 avril 2001, portant application de la directive 98/71/CE (GURI n° 106, du 9 mai 2001, ci-après le «décret législatif n° 164/2001»), en ajoutant un article 25 bis au décret législatif n° 95/2001, a introduit, à titre transitoire, un moratoire décennal, à compter du 19 avril 2001, pendant lequel «la protection accordée aux dessins et modèles au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 10, de la loi [n° 633/1941] n’est pas opposable à l’égard uniquement de ceux qui, avant ladite date, ont entrepris de fabriquer, d’offrir ou de commercialiser des produits réalisés selon des dessins ou des modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public».

18      Cette disposition a par la suite été reprise à l’article 239 du code de la propriété industrielle italien (ci-après le «CPI»), qui a été promulgué en 2005.

19      L’article 4, paragraphe 4, du décret-loi n° 10, du 15 février 2007, concernant l’application des obligations communautaires et internationales (GURI n° 38, du 15 février 2007), converti en loi par la loi n° 46, du 6 avril 2007, a notamment supprimé le moratoire décennal instauré par le décret législatif n° 164/2001, en modifiant l’article 239 du CPI. Cet article, ainsi modifié, disposait:

«La protection accordée aux dessins et aux modèles industriels au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 10, de la loi [n° 633/1941], n’est pas opposable aux produits réalisés selon des dessins ou des modèles qui étaient, ou étaient tombés, dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur du décret législatif [n° 95/2001].»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Le 23 novembre 2006, Flos a assigné Semeraro devant le Tribunale di Milano pour avoir importé de Chine et commercialisé en Italie des lampes, dénommées «Fluida», qui, selon elle, imitaient toutes les caractéristiques stylistiques et esthétiques de la lampe Arco, œuvre de design industriel dont Flos estime détenir les droits patrimoniaux.

21      Il ressort de la décision de renvoi que, lors d’une procédure en référé qui a précédé la procédure au fond ayant donné lieu à cette décision, il a été constaté que la lampe Arco, créée en 1962 et tombée dans le domaine public avant le 19 avril 2001, bénéficiait de la protection par le droit d’auteur sur les œuvres de design industriel au titre de la loi n° 633/1941, telle que modifiée par le décret législatif n° 95/2001, et que le modèle de lampe importé par Semeraro en «imitait servilement toutes les caractéristiques stylistiques et esthétiques». Le juge des référés a dès lors prescrit, par ordonnance du 29 décembre 2006, la mise sous séquestre des lampes importées et a interdit à Semeraro de continuer à les commercialiser.

22      S’agissant de la procédure au fond, la juridiction de renvoi relève que, depuis l’introduction de cette procédure, sont intervenues des modifications législatives relatives à la protection par le droit d’auteur pour les œuvres de design industriel, lesquelles suscitent des doutes quant à leur conformité avec la directive 98/71, et plus particulièrement avec le principe du cumul des protections instauré par l’article 17 de celle-ci.

23      En particulier, la juridiction de renvoi se réfère à cet égard à l’article 239 du CPI, tel que modifié par l’article 4, paragraphe 4, du décret-loi n° 10, du 15 février 2007.

24      Dans ces circonstances, le Tribunale di Milano a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter les articles 17 et 19 de la directive [98/71] en ce sens que, dans l’application d’une loi […] d’un État membre qui – aux fins de ladite directive – a introduit dans son ordre interne la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles, la faculté reconnue à cet État membre de déterminer de manière autonome [la portée et les conditions d’obtention de cette protection] puisse aller jusqu’à lui permettre d’exclure cette protection, s’agissant de dessins ou de modèles qui – bien qu’ils présentent les conditions requises pour la protection par le droit d’auteur – sont à considérer comme étant tombés dans le domaine public avant la date d’entrée en vigueur des dispositions légales qui ont introduit la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles dans l’ordre interne, dès lors qu’ils n’ont jamais été enregistrés comme tels ou que l’enregistrement était déjà expiré à cette date?

2)      En cas de réponse négative à la première question, convient-il d’interpréter les articles 17 et 19 de la directive [98/71] en ce sens que, dans l’application d’une loi nationale d’un État membre qui – aux fins de ladite directive – a introduit dans son ordre interne la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles, la faculté reconnue à cet État membre de déterminer de manière autonome [la portée et les conditions d’obtention de cette protection] puisse aller jusqu’à lui permettre d’exclure cette protection, s’agissant de dessins ou modèles qui – bien qu’ils présentent les conditions requises pour la protection par le droit d’auteur – sont à considérer comme étant tombés dans le domaine public avant la date d’entrée en vigueur des dispositions légales qui ont introduit la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles dans l’ordre interne et alors qu’un tiers – sans y avoir été autorisé par le titulaire du droit d’auteur sur ces dessins et modèles – a déjà produit et commercialisé sur le territoire national des produits réalisés d’après ces dessins et modèles?

3)      En cas de réponse négative à la première et à la deuxième question, convient-il d’interpréter les articles 17 et 19 de la directive [98/71] en ce sens que, dans l’application d’une loi nationale d’un État membre qui – aux fins de ladite directive – a introduit dans son ordre interne la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles, la faculté reconnue à cet État membre de déterminer de manière autonome [la portée et les conditions d’obtention de cette protection] puisse aller jusqu’à lui permettre d’exclure cette protection, s’agissant de dessins ou modèles qui – bien qu’ils présentent les conditions requises pour la protection par le droit d’auteur – sont à considérer comme étant tombés dans le domaine public avant la date d’entrée en vigueur des dispositions légales qui ont introduit la protection par le droit d’auteur pour les dessins et modèles dans l’ordre interne et alors qu’un tiers – sans y avoir été autorisé par le titulaire du droit d’auteur sur ces dessins et modèles – a déjà produit et commercialisé sur le territoire national des produits réalisés d’après ces dessins et modèles et que cette exclusion est prévue pour une durée substantielle (égale à dix ans)?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

25      Semeraro et la Commission européenne émettent des doutes sur la pertinence de l’article 19 de la directive 98/71 au regard de la solution du litige au principal dès lors que cet article se limite à fixer le délai au terme duquel les États membres devaient se conformer aux dispositions de cette directive.

26      À cet égard, il y a lieu de relever que la décision de renvoi ne contient pas d’explication concernant la pertinence, pour la solution du litige au principal, de l’expiration du délai de transposition de la directive 98/71. En effet, dans les motifs de la présente demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi se réfère uniquement à l’article 17 de cette directive.

27      Dès lors, il convient de considérer que les questions ont été posées essentiellement au sujet de l’article 17 de ladite directive et, partant, il appartient à la Cour de répondre à celles-ci au regard de ce seul article.

 Sur la première question

28      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de la protection par le droit d’auteur les dessins ou modèles qui se trouvent ou sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur des dispositions législatives ayant introduit une telle protection dans l’ordre juridique interne de cet État, soit parce qu’ils n’ont jamais été enregistrés comme tels, soit parce que leur enregistrement avait cessé de produire des effets à cette date, bien qu’ils satisfassent à toutes les conditions requises pour bénéficier d’une telle protection.

29      La juridiction de renvoi envisage ainsi deux hypothèses, à savoir, d’une part, celle selon laquelle les dessins ou modèles qui, avant la date de l’entrée en vigueur de la législation nationale transposant la directive 98/71, à savoir le 19 avril 2001, se trouvent dans le domaine public à défaut d’un enregistrement en tant que dessins ou modèles et, d’autre part, celle dans laquelle, avant cette date, ceux-ci sont tombés dans le domaine public en raison du fait que la protection résultant d’un enregistrement a cessé de produire des effets.

30      À cet égard, même si Flos a mentionné, lors de l’audience, qu’elle n’avait pas enregistré en tant que dessin ou modèle la lampe en cause au principal, aucune précision à ce sujet ne résulte de la décision de renvoi.

31      Il convient dès lors de répondre à la première question en tenant compte des deux hypothèses mentionnées au point 29 du présent arrêt. C’est à la juridiction de renvoi de vérifier si ladite lampe a été enregistrée ou non en tant que dessin ou modèle.

32      S’agissant de la première hypothèse, à savoir celle où les dessins ou modèles n’ont jamais fait l’objet d’un enregistrement en tant que tels, il convient de constater que, en vertu de l’article 17 de la directive 98/71, seul un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, conformément aux dispositions de cette directive, peut bénéficier, au titre de celle-ci, de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État.

33      Il s’ensuit que les dessins ou modèles qui, avant la date de l’entrée en vigueur de la législation nationale transposant la directive 98/71 dans l’ordre juridique d’un État membre étaient dans le domaine public en raison de l’absence d’un enregistrement ne relèvent pas du champ d’application dudit article.

34      Toutefois, il ne saurait être exclu que la protection par le droit d’auteur des œuvres que peuvent constituer des dessins ou modèles non enregistrés puisse résulter d’autres directives en matière de droit d’auteur, et notamment de la directive 2001/29, dans la mesure où les conditions dans lesquelles celle-ci s’applique sont remplies, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

35      S’agissant de la seconde hypothèse, à savoir celle où les dessins ou modèles sont tombés dans le domaine public en raison du fait que la protection résultant de l’enregistrement a cessé de produire des effets, il y a lieu de rappeler que, si la première phrase de l’article 17 de la directive 98/71 dispose qu’un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État à partir de la date à laquelle le dessin ou modèle a été créé ou fixé sous une forme quelconque, la seconde phrase du même article permet aux États membres de déterminer la portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis.

36      Toutefois, cette seconde phrase ne saurait être interprétée en ce sens que les États membres ont la faculté d’octroyer ou non la protection par le droit d’auteur pour un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre si ce dessin ou modèle remplit lesdites conditions d’obtention.

37      En effet, il découle clairement du libellé de l’article 17 de cette directive, et plus particulièrement de l’emploi du terme «également» figurant dans la première phrase de cet article, que la protection par le droit d’auteur doit être accordée à tous les dessins ou modèles ayant fait l’objet de l’enregistrement dans ou pour l’État membre concerné.

38      La volonté du législateur de l’Union d’octroyer cette protection ressort en outre du huitième considérant de la directive 98/71 qui consacre, en l’absence d’harmonisation de la législation sur les droits d’auteur, le principe du cumul de la protection spécifique des dessins ou modèles par l’enregistrement et de la protection par le droit d’auteur.

39      En outre, la faculté pour les États membres de déterminer la portée et les conditions d’obtention de la protection par le droit d’auteur ne peut pas non plus concerner la durée de cette protection, cette durée ayant déjà fait l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union par la directive 93/98.

40      À cet égard, l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/98 prévoit la protection par le droit d’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique, au sens de l’article 2 de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, durant toute la vie de l’auteur de cette œuvre et pendant 70 ans après sa mort. L’article 10, paragraphe 2, de la même directive dispose que cette durée s’applique à toutes les œuvres et à tous les objets qui, au 1er juillet 1995, étaient protégés dans au moins un État membre par le droit d’auteur.

41      Il s’ensuit que, en vertu de l’article 17 de la directive 98/71, les dessins ou modèles qui ont fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre et qui remplissaient les conditions d’obtention de la protection par le droit d’auteur prévues par les États membres, notamment celle relative au degré d’originalité, et pour lesquels la durée fixée à l’article 1er de la directive 93/98, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 2, de celle-ci, n’avait pas encore pris fin, devaient bénéficier de la protection par le droit d’auteur de cet État membre.

42      À cet égard, ainsi que la Cour l’a constaté aux points 18 à 20 de l’arrêt du 29 juin 1999, Butterfly Music (C‑60/98, Rec. p. I‑3939), il ressort clairement de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 que l’application des durées de protection prévues par celle-ci peut avoir pour conséquence, dans les États membres dont la législation prévoyait une durée de protection moins longue, de protéger à nouveau des œuvres ou objets tombés dans le domaine public. La Cour a considéré que cette conséquence résulte de la volonté expresse du législateur de l’Union et que cette solution a été retenue en vue d’atteindre le plus rapidement possible l’objectif d’harmonisation des législations nationales régissant les durées de protection par le droit d’auteur et les droits voisins, énoncé, notamment, au deuxième considérant de la même directive, et d’éviter que certains droits ne soient éteints dans certains États membres, alors qu’ils sont protégés dans d’autres.

43      Il convient de considérer que ce raisonnement doit également trouver à s’appliquer s’agissant de la renaissance de la protection par le droit d’auteur des dessins et modèles antérieurement protégés par un autre droit de propriété intellectuelle. En effet, au regard des deuxième et troisième considérants de la directive 98/71, la réglementation nationale transposant celle-ci ne saurait exclure, sans porter atteinte à l’application uniforme de cette directive sur l’ensemble du territoire de l’Union ainsi qu’au bon fonctionnement du marché intérieur pour les produits incorporant des dessins ou modèles, la protection par le droit d’auteur des dessins ou modèles, qui, bien qu’appartenant au domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette réglementation, présentent, à cette date, toutes les conditions requises pour bénéficier d’une telle protection.

44      En conséquence, il convient de répondre à la première question que l’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de la protection par le droit d’auteur de cet État membre les dessins ou modèles qui ont fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre et qui sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette législation, bien qu’ils satisfassent à toutes les conditions requises pour bénéficier d’une telle protection.

 Sur les deuxième et troisième questions

45      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut, soit pour une période substantielle, à savoir pendant dix ans, soit totalement, de la protection par le droit d’auteur les dessins ou modèles qui, bien qu’ils satisfassent à toutes les conditions requises pour bénéficier de cette protection, sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette législation, à l’égard des tiers qui ont fabriqué et commercialisé sur le territoire national des produits réalisés selon lesdits dessins ou modèles.

46      Concernant la renaissance de la protection par un droit de propriété intellectuelle, à savoir le droit d’auteur, des dessins ou modèles qui se trouvaient dans le domaine public, Flos, le gouvernement italien et la Commission, dans leurs observations écrites, ainsi que Semeraro, lors de l’audience, soutiennent que cette protection est susceptible de donner lieu à un conflit entre, d’une part, les intérêts légitimes des titulaires ainsi que des ayants droit des droits d’auteur et, d’autre part, les intérêts des tiers agissant de bonne foi, qui s’étaient prévalus du caractère libre de ces dessins ou modèles pour fabriquer ou commercialiser des produits réalisés selon ces derniers.

47      Certes, une réglementation nationale transposant la directive 98/71, telle que le décret législatif n° 164/2001, ajoutant l’article 25 bis au décret législatif n° 95/2001, et l’article 239 du CPI, fixant un moratoire décennal qui rend la protection des dessins ou modèles concernés inopposable à l’égard d’une catégorie de tiers ayant réalisé des produits selon ces dessins ou modèles avant le 19 avril 2001, est susceptible de faire naître dans le chef des tiers producteurs de ces produits une confiance légitime quant au fait de pouvoir continuer cette exploitation.

48      Cependant, en ce qui concerne l’application de la protection par le droit d’auteur aux dessins ou modèles, la directive 98/71, à la différence de l’article 10, paragraphe 3, de la directive 93/98, ne contient aucune disposition explicite relative à son applicabilité dans le temps en vue de protéger les droits acquis et la confiance légitime des tiers.

49      À cet égard, il convient de relever que l’article 12, paragraphe 2, de la directive 98/71, qui concerne la poursuite des actes d’exploitation de dessins ou modèles par toute personne ayant commencé à se livrer auxdits actes avant la date de l’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant cette directive, a uniquement trait aux droits conférés par l’enregistrement du dessin ou du modèle, ainsi qu’il résulte du libellé même de cette disposition, et ne saurait donc être appliqué à la protection par le droit d’auteur.

50      Toutefois, l’absence d’une disposition visant explicitement la protection, au profit des tiers, des droits acquis et de la confiance légitime au regard de la renaissance de la protection par le droit d’auteur prévue à l’article 17 de la directive 98/71 ne saurait exclure l’application du principe du respect des droits acquis et du principe de protection de la confiance légitime, lesquels font partie des principes fondamentaux du droit de l’Union.

51      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément au principe selon lequel les lois modificatives d’une disposition législative s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir, notamment, arrêts du 14 avril 1970, Brock, 68/69, Rec. p. 171, point 6; du 10 juillet 1986, Licata/CES, 270/84, Rec. p. 2305, point 31, ainsi que Butterfly Music, précité, point 24), les actes accomplis avant la date de l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation demeurent régis par la loi ancienne. Ainsi, la renaissance de la protection par le droit d’auteur n’a pas d’incidence sur les actes d’exploitation définitivement accomplis par un tiers avant la date à laquelle de tels droits sont devenus applicables.

52      En revanche, en vertu dudit principe, l’application de cette protection par le droit d’auteur aux effets futurs de situations non définitivement fixées signifie que celle-ci a une incidence sur les droits d’un tiers à poursuivre l’exploitation d’un objet à nouveau couvert par la protection d’un droit de propriété intellectuelle (voir, en ce sens, arrêt Butterfly Music, précité, point 24).

53      Il convient également de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une réglementation nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure (voir en ce sens, notamment, arrêts du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission, 278/84, Rec. p. 1, point 36; du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, 203/86, Rec. p. 4563, point 19; du 22 février 1990, Busseni, C-221/88, Rec. p. I‑495, point 35, et Butterfly Music, précité, point 25).

54      En l’occurrence, l’État membre concerné a adopté deux types de mesures législatives destinées à protéger les droits acquis et la confiance légitime d’une certaine catégorie de tiers.

55      En ce qui concerne, en premier lieu, la mesure législative prévoyant une période transitoire visant une catégorie déterminée de tiers afin de protéger leurs intérêts légitimes, il ressort des principes du respect des droits acquis et de protection de la confiance légitime que l’article 17 de la directive 98/71 ne s’oppose pas à une telle disposition, pour autant qu’elle n’a pas pour effet de différer pendant une période substantielle l’application de la nouvelle réglementation de protection par le droit d’auteur des dessins ou modèles de façon à l’empêcher de s’appliquer à la date prévue par cette directive (voir, en ce sens, arrêt Butterfly Music, précité, points 23 et 28).

56      À cet égard, l’appréciation de la compatibilité de la durée de cette période transitoire ainsi que de la catégorie des tiers visée par ladite mesure législative doit être effectuée au regard du principe de proportionnalité.

57      Ainsi, la mesure législative adoptée par l’État membre concerné doit être propre à atteindre l’objectif poursuivi par la législation nationale et nécessaire à cet effet, à savoir garantir le respect de l’équilibre entre, d’une part, les droits acquis et la confiance légitime des tiers visés ainsi que, d’autre part, les intérêts des titulaires du droit d’auteur. Il convient, en outre, de veiller à ce qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer cet équilibre.

58      À cet effet, ladite mesure ne peut être considérée comme appropriée que si elle vise une catégorie de tiers pouvant se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, c’est-à-dire des personnes qui ont déjà accompli des actes d’exploitation de dessins ou modèles appartenant au domaine public à la date de l’entrée en vigueur de la législation transposant dans le droit interne de l’État membre concerné l’article 17 de la directive 98/71.

59      En outre, une telle mesure législative devrait se limiter à la période d’usage desdits dessins ou modèles par ces tiers qui est nécessaire à ces derniers en vue soit d’une cessation progressive de l’activité en tant qu’elle repose sur l’usage antérieur desdits dessins et modèles, soit d’un écoulement des stocks. 

60      La mesure ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir l’équilibre des droits en présence si elle ne diffère pas le bénéfice de la protection par le droit d’auteur pendant une période substantielle.

61      En l’occurrence, s’agissant de la définition de la catégorie de tiers à l’égard desquels est prévue une inopposabilité temporaire de la protection par le droit d’auteur, les dispositions du décret législatif n° 95/2001 et de l’article 239 du CPI peuvent être considérées comme appropriées dès lors qu’elles visent uniquement les personnes qui ont acquis leurs droits avant l’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant la directive 98/71.

62      En revanche, une inopposabilité pendant une période transitoire de dix ans n’apparaît pas justifiée par la nécessité de garantir les intérêts économiques des tiers agissant de bonne foi, dès lors qu’il apparaît qu’une période plus brève serait également de nature à permettre une cessation progressive de l’activité dans les limites de l’usage antérieur et, a fortiori, pour un écoulement des stocks.

63      En outre, un moratoire décennal de la protection par le droit d’auteur apparaît aller au-delà de ce qui est nécessaire, dès lors que, en déduisant dix années de la période de protection d’une œuvre, à savoir, en principe, 70 ans après la mort de l’auteur, l’application de la protection par le droit d’auteur est différée pour une période substantielle.

64      S’agissant, en second lieu, de l’article 4, paragraphe 4, du décret-loi n° 10, du 15 février 2007, abolissant le moratoire et instituant l’inopposabilité illimitée de la protection par le droit d’auteur pour les produits créés d’après des dessins ou modèles se trouvant dans le domaine public avant le 19 avril 2001, il résulte de ce qui précède qu’une telle mesure vide de sa substance l’article 17 de la directive 98/71, dès lors qu’elle a pour conséquence d’empêcher, d’une manière générale, l’application de la nouvelle protection, à savoir celle afférente au droit d’auteur. Cette mesure ne vise pas non plus à limiter la catégorie de tiers pouvant se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime. Au contraire, elle élargit l’application de l’inopposabilité du droit d’auteur dès lors que, selon cette disposition, il n’est pas nécessaire pour un tiers d’avoir entamé l’exploitation desdits dessins ou modèles avant le 19 avril 2001.

65      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut, soit pour une période substantielle de dix ans, soit totalement, de la protection par le droit d’auteur les dessins ou modèles qui, bien qu’ils satisfassent à toutes les conditions requises pour bénéficier de cette protection, sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette législation, à l’égard de tout tiers qui a fabriqué ou commercialisé sur le territoire national des produits réalisés selon lesdits dessins et modèles, et ce quelle que soit la date à laquelle ces actes ont été accomplis.

 Sur les dépens

66      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 17 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut de la protection par le droit d’auteur de cet État membre les dessins ou modèles qui ont fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre et qui sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette législation, bien qu’ils satisfassent à toutes les conditions requises pour bénéficier d’une telle protection.

2)      L’article 17 de la directive 98/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui exclut, soit pour une période substantielle de dix ans, soit totalement, de la protection par le droit d’auteur les dessins ou modèles qui, bien qu’ils satisfassent à toutes les conditions requises pour bénéficier de cette protection, sont tombés dans le domaine public avant la date de l’entrée en vigueur de cette législation, à l’égard de tout tiers qui a fabriqué ou commercialisé sur le territoire national des produits réalisés selon lesdits dessins et modèles, et ce quelle que soit la date à laquelle ces actes ont été accomplis.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.