Language of document : ECLI:EU:C:2018:11

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

16 janvier 2018 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Demande d’enregistrement de la marque figurative comportant l’élément verbal “медведь” – Rejet de la demande »

Dans l’affaire C‑570/17 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 25 septembre 2017,

Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik GmbH, établie à Bühl (Allemagne), représentée par Me A. Lingenfelser, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. E. Levits, président de chambre, M. A. Borg Barthet (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 juillet 2017, Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik/EUIPO (медведь) (T‑432/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:527), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 17 mai 2016 (affaire R 240/2016-1), relative à une demande d’enregistrement du signe figuratif « медведь » comme marque de l’Union européenne.

2        Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik demande également à la Cour d’admettre cette demande d’enregistrement.

3        À l’appui de son pourvoi, Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik a soulevé deux moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), et, deuxièmement, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

 Sur le pourvoi

4        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

5        M. l’avocat général a, le 28 novembre 2017, pris la position suivante :

« 1.      Par son pourvoi, la requérante, Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik [...], demande à la Cour, premièrement, d’annuler l’arrêt [attaqué], par lequel le Tribunal a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’[EUIPO] du 17 mai 2016 (affaire R 240/2016-1), relative à une demande d’enregistrement de la marque figurative de l’Union européenne медведь, et, deuxièmement, d’admettre la demande d’enregistrement.

2.      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens, dont le premier, divisé en trois branches, est tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement [no 207/2009] et, le second, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

3.      Pour les raisons exposées ci-après, je propose à la Cour, conformément à l’article 181 du règlement de procédure, de rejeter le pourvoi dans l’affaire sous objet comme étant manifestement irrecevable.

4.      Par la première branche de son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, de la même façon que la chambre de recours, apprécié de façon erronée le public concerné par la demande d’enregistrement, en limitant l’examen du caractère distinctif de la marque litigieuse à la perception du public russophone. La requérante affirme que, au contraire, ce public ne serait pas concerné par ladite marque, dans la mesure où il ne fait pas partie de l’Union. Elle fait valoir, en outre, que la majeure partie du public pertinent est composée de personnes ne connaissant pas l’alphabet cyrillique, pour lesquelles la marque litigieuse ne peut, en tout état de cause, être considérée comme descriptive et dépourvue de caractère distinctif.

5.      Il convient cependant de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les constatations relatives aux caractéristiques du public pertinent et à l’attention ou à l’attitude de celui-ci relèvent du domaine des appréciations de nature factuelle (ordonnance du 11 décembre 2014, Compagnie des bateaux mouches/OHMI, C‑368/14 P, non publiée, EU:C:2014:2480, point 23 et jurisprudence citée).

6.      Or, en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 21 avril 2016, Borde et Carbonium/Commission, C‑279/15 P, non publiée, EU:C:2016:297, point 28 et jurisprudence citée).

7.      En l’espèce, force est de constater que la requérante, qui n’a allégué aucune dénaturation des faits, se borne, par son argumentation, à remettre en cause l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal aux points 28 à 30 de l’arrêt attaqué quant aux caractéristiques du public pertinent, ainsi que la conclusion, figurant au point 31 dudit arrêt, selon laquelle la chambre de recours a, à juste titre, indiqué que le public pertinent devait être considéré comme un public russophone composé de citoyens des États baltes, parlant, lisant ou comprenant le russe, et de citoyens de l’Union présentant un intérêt pour la culture russe ou ayant étudié le russe. La première branche du premier moyen doit, par conséquent, être écartée comme étant manifestement irrecevable.

8.      Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante affirme que les produits alimentaires concernés par l’enregistrement de la marque litigieuse n’ont aucun rapport avec la viande d’ours, dont la commercialisation sous quelque forme que ce soit serait interdite, et qu’ils ne peuvent donc y être associés. La requérante propose en outre d’apposer la mention « à l’exclusion de la viande d’ours » sur l’emballage desdits produits, à titre de clarification.

9.      Il y a lieu néanmoins de relever que la requérante se borne, à cet égard, à réitérer les arguments présentés en première instance, qui ont été rejetés par le Tribunal, respectivement aux points 41 à 43 et aux points 48 à 49 de l’arrêt attaqué, sans invoquer une quelconque erreur de droit dont serait entaché l’examen de ces arguments.

10.      Plus spécifiquement, sur la limitation de la liste de produits proposée, la requérante n’avance, en outre, aucun argument de nature à remettre en cause le raisonnement suivi par la chambre de recours et validé par le Tribunal, aux points 53 et 54 de l’arrêt attaqué, selon lequel une telle limitation ne permet pas de supprimer le risque de tromperie, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous g), du règlement no 207/2009, résultant de l’association de la marque litigieuse à la viande d’ours par le public pertinent.

11.      Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte [de l’article] 256 TFUE, [de l’article] 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et [de l’article]  169, paragraphe 2, du règlement de procédure [...] qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir ordonnance du 11 septembre 2014, Think Schuhwerk/OHMI, C‑521/13 P, EU:C:2014:2222, point 27 et jurisprudence citée).

12.      Ainsi, il apparaît que, par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante tente en réalité d’obtenir un simple réexamen de ses arguments, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, en ce sens, ordonnance du 13 janvier 2015, Asos/OHMI, C‑320/14 P, non publiée, EU:C:2015:6, point 26 et jurisprudence citée). Aucune dénaturation des faits n’étant alléguée par la requérante en l’espèce, il y a lieu de rejeter ladite branche comme étant manifestement irrecevable.

13.      Par la troisième branche du premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal a, à tort, considéré que la marque litigieuse était descriptive des produits alimentaires visés puisque sa signification est à rechercher non pas en lien avec l’animal, mais dans les caractéristiques propres, telles que la force ou la grandeur, associées au mot « ours » lui‑même. La requérante demande que soit réalisée une expertise, afin de déterminer quelle est la perception, pour le public russophone, de ladite marque par rapport aux produits visés, et elle a joint une telle expertise à sa requête.

14.      Il convient de relever, en premier lieu, que, au travers de son argumentation relative à la signification de la marque litigieuse, la requérante se limite à répéter textuellement les moyens et les arguments présentés devant le Tribunal, lesquels ont été rejetés par ce dernier aux points 36 à 39 de l’arrêt attaqué, en application de la jurisprudence, rappelée à bon droit par le Tribunal, selon laquelle doit être refusé à l’enregistrement un signe qui, en au moins une de ses significations potentielles, désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (voir, en ce sens, ordonnance du 16 octobre 2013, medi/OHMI, C‑410/12 P, non publiée, EU:C:2013:702, point 9 et jurisprudence citée).

15.      Quant à la demande de la requérante tendant à ce que soit réalisée une expertise, il importe de rappeler, en second lieu, que le pourvoi étant limité aux questions de droit, toute demande de nouvelle expertise est, à ce stade, irrecevable.

16.      La requérante cherchant, en réalité, par l’ensemble de ses arguments, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal et à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à celle du Tribunal, la troisième branche du premier moyen doit être écartée comme étant manifestement irrecevable, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 12 de la présente prise de position.

17.      En ce qui concerne le deuxième moyen du pourvoi, force est de constater que, par celui-ci, la requérante se borne à invoquer une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sans indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

18.      Ce deuxième moyen ne répondant manifestement pas aux exigences de précision requises par les dispositions et la jurisprudence rappelées au point 11 de la présente prise de position, il convient de l’écarter comme étant manifestement irrecevable et, par voie de conséquence, de rejeter le pourvoi dans son intégralité. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

7        En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik GmbH supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.