Language of document : ECLI:EU:C:2017:1024

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

20 décembre 2017 (*)

« Procédure accélérée »

Dans l’affaire C‑661/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par décision du 21 novembre 2017, parvenue à la Cour le 27 novembre 2017, dans la procédure

M.A.,

S.A.,

A.Z.

contre

International Protection Appeals Tribunal,

Minister for Justice and Equality,

Attorney General,

Ireland,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

le juge rapporteur, M. C. G. Fernlund, et l’avocat général, M. E. Tanchev, entendus,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 6 et 17 ainsi que de l’article 20, paragraphe 3, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M.A., S.A. et A. Z. à l’International Protection Appeals Tribunal (tribunal d’appel pour la protection internationale, Irlande), au Minister for Justice and Equality (ministre de la Justice et de l’Égalité, Irlande), à l’Attorney General et à l’Ireland (Irlande), au sujet de la décision de transfert prise à leur égard dans le cadre du règlement Dublin III.

3        Il ressort de la décision de renvoi que S.A. est entrée au Royaume-Uni avec un visa pour étudiant au cours de l’année 2010 et que, l’année suivante, M. A. l’a rejointe sur la base d’un visa pour personne à charge. A.Z., leur enfant, est né au Royaume-Uni au mois de février 2014. Les parents ont renouvelé leur visa chaque année jusqu’à la fermeture du collège où S.A. étudiait, laquelle a entraîné l’expiration de leurs visas.

4        S.A. et M. A. se sont alors rendus en Irlande où, le 12 janvier 2016, ils ont déposé des demandes d’asile. La demande concernant l’enfant était incluse dans celle concernant sa mère.

5        Le 7 avril 2016, le Refugee Application Commissioner (commissaire aux réfugiés, Irlande) a adressé au Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord une requête aux fins de prise en charge des demandes d’asile.

6        Le 1er mai 2016, ce dernier État membre a donné son accord pour la prise en charge.

7        Les requérants ont invoqué devant le commissaire aux réfugiés des ennuis de santé rencontrés par M. A. ainsi que le fait que l’enfant faisait l’objet d’une évaluation par le Health Service Executive (administration des services de santé, Irlande) concernant un problème de santé.

8        Le commissaire aux réfugiés a recommandé le transfert vers le Royaume-Uni en estimant, par une décision défavorable aux requérants, qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 17 du règlement Dublin III.

9        Les requérants ont contesté la décision de transfert auprès de l’International Protection Appeals Tribunal (tribunal d’appel pour la protection internationale), en se fondant principalement sur cet article 17.

10      Le 10 janvier 2017, cette juridiction a confirmé la décision de transfert après avoir fait observer qu’elle n’était pas compétente pour exercer le pouvoir discrétionnaire visé audit article 17. Elle a également rejeté les arguments relatifs au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne au motif que la situation pertinente pour apprécier la légalité de cette décision était celle qui existait à la date où elle était appelée à statuer.

11      La High Court (Haute Cour, Irlande) souligne que les termes utilisés par la réglementation irlandaise applicable et qui reprennent ceux figurant dans le règlement Dublin III doivent se voir conférer le même sens que ces derniers. Cette juridiction en déduit qu’il est nécessaire d’interpréter ce règlement aux fins de déterminer si la réglementation irlandaise réserve au seul ministre de la Justice et de l’Égalité la compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire visé à l’article 17 dudit règlement.

12      C’est dans ces conditions que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel d’une demande d’interprétation des articles 6 et 17 ainsi que de l’article 20, paragraphe 3, du règlement Dublin III.

13      La juridiction de renvoi demande également à la Cour de soumettre la présente affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. À l’appui de sa demande, elle fait d’abord valoir que les problèmes de santé présentés par l’enfant justifient que le sort de ce dernier soit fixé le plus rapidement possible. Ensuite, toute demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation du règlement Dublin III appellerait une réponse donnée avec célérité. En outre, la question relative au retrait du Royaume-Uni de l’Union étant d’intérêt général et soumise à un calendrier propre, il serait utile d’obtenir une réponse de la Cour bien avant la survenance de ce retrait, prévue pour le mois de mars 2019. Enfin, en plus de la présente affaire, un très grand nombre d’affaires pendantes devant la High Court (Haute Cour) seraient potentiellement concernées par les questions posées.

14      À cet égard, s’agissant, en premier lieu, des problèmes de santé de l’enfant, il ressort de la décision de renvoi que celui-ci a besoin d’un environnement stable et qu’un transfert vers le Royaume-Uni entraînerait des retards dans son traitement qui lui seraient préjudiciables.

15      Toutefois, un rejet de la demande tendant à ce que la présente affaire soit soumise à la procédure accélérée sera dépourvu de toute incidence sur l’environnement de l’enfant, dans la mesure où il ne ressort pas des éléments dont dispose la Cour que, dans ce cas, celui-ci ne pourra plus être suivi par l’administration des services de santé au cours de l’examen par la Cour des questions préjudicielles.

16      S’il est vrai qu’un tel rejet aura pour effet de retarder le moment où la Cour statuera sur ces questions et, par suite, celui où les requérants au principal seront fixés sur la probabilité de faire l’objet d’un transfert vers le Royaume-Uni, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’incertitude juridique affectant les parties dans l’affaire au principal ainsi que leur intérêt légitime à connaître le plus rapidement possible la portée des droits qu’elles tirent du droit de l’Union ne sont pas susceptibles de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une telle procédure (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 29 novembre 2017, Bosworth et Hurley, C‑603/17, non publiée, EU:C:2017:933, point 10).

17      En deuxième lieu, l’argument tiré de ce que toute demande de décision préjudicielle portant sur le règlement Dublin III exigerait une réponse donnée avec célérité ne saurait suffire par lui-même à justifier que la présente affaire soit soumise à la procédure accélérée visée à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, étant donné que cette dernière constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 10 janvier 2012, Arslan, C‑534/11, non publiée, EU:C:2012:4, point 6). Ainsi, les termes « la nature de l’affaire » figurant à cette disposition renvoient non pas à un type d’affaire particulier mais aux circonstances propres à l’affaire concernée, au sujet de laquelle une demande de procédure accélérée est introduite.

18      Force est donc de constater que la thèse de la juridiction de renvoi selon laquelle toute demande de décision préjudicielle portant sur le règlement Dublin III appellerait une réponse urgente va à l’encontre de la jurisprudence mentionnée au point précédent, qui subordonne la mise en œuvre de la procédure accélérée à la condition que les circonstances propres à l’affaire concernée établissent l’urgence extraordinaire de statuer sur les questions posées à titre préjudiciel.

19      S’agissant, en troisième lieu, de l’argument selon lequel le retrait du Royaume-Uni de l’Union justifierait l’application de la procédure accélérée, il convient de rappeler que la Cour est saisie de questions portant sur le règlement Dublin III, lesquelles devraient permettre de déterminer l’État membre responsable de l’examen des demandes de protection internationale déposées par les requérants au principal. La circonstance que le Royaume-Uni pourrait dans un terme proche ne plus faire partie de l’Union et, le cas échéant, ne plus être soumis aux dispositions de ce règlement n’est pas par elle-même de nature à créer une situation d’urgence pour les parties au principal. En tout état de cause, la juridiction de renvoi n’indique pas pour quelle raison il en serait autrement.

20      Enfin, en quatrième et dernier lieu, le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par les questions posées dans la présente affaire n’est pas non plus susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 1er octobre 2010, NS, C‑411/10, non publiée, EU:C:2010:575, point 7, ainsi que du 29 novembre 2017, Bosworth et Hurley, C‑603/17, non publiée, EU:C:2017:933, point 11).

21      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater qu’aucun des motifs présentés par la juridiction de renvoi à l’appui de sa demande tenant à ce que la présente affaire soit soumise à la procédure accélérée ne justifie, à lui seul ou en combinaison avec les autres motifs, qu’il soit fait droit à cette demande. Dans ces conditions, ladite demande doit être rejetée.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :

La demande de la High Court (Haute Cour, Irlande) tendant à ce que l’affaire C661/17 soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour est rejetée.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.