Language of document : ECLI:EU:C:2002:734

ARRÊT DE LA COUR

10 décembre 2002 (1)

«Accords internationaux - Convention sur la sûreté nucléaire - Décision d'adhésion - Compatibilité avec le traité CEEA - Compétence externe de la Communauté - Articles 30 à 39 du traité CEEA»

Dans l'affaire C-29/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. F. Cusack et Mme L. Ström, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. S. Marquardt, F. Anton et A. P. Feeney, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation partielle de la décision du Conseil du 7 décembre 1998 portant approbation de l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire,

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric (rapporteur), MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,


greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 5 juin 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 décembre 2001,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 février 1999, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 146 du traité CEEA, demandé l'annulation partielle de la décision, non publiée, du Conseil du 7 décembre 1998 portant approbation de l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire (ci-après la «décision attaquée»).

2.
    Plus spécifiquement, la Commission demande l'annulation du troisième alinéa de la déclaration (ci-après la «déclaration») faite par la Communauté européenne de l'énergie atomique (ci-après la «Communauté») conformément à l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention sur la sûreté nucléaire et faisant partie de la décision attaquée, au motif que, en limitant la portée de cet alinéa, le Conseil chercherait à établir que la compétence de la Communauté dans les domaines couverts par la convention est limitée aux articles 15 et 16, paragraphe 2, de celle-ci et ne s'étend pas aux domaines couverts par les articles 1er à 5, 7, 14, 16, paragraphes 1 et 3, ainsi que 17 à 19 de la convention.

La convention sur la sûreté nucléaire

3.
    La convention sur la sûreté nucléaire (ci-après la «convention») a été adoptée le 17 juin 1994 dans le cadre d'une conférence diplomatique convoquée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (ci-après l'«Agence») et ouverte à la signature le 20 septembre 1994. Elle est entrée en vigueur le 24 octobre 1996. Au 15 avril 2002, 53 États, dont tous les États membres de la Communauté, l'avaient ratifiée.

4.
    En vertu de son article 1er, les objectifs de la convention sont les suivants:

«i)    atteindre et maintenir un haut niveau de sûreté nucléaire dans le monde entier grâce à l'amélioration des mesures nationales et de la coopération internationale, et notamment, s'il y a lieu, de la coopération technique en matière de sûreté;

ii)    établir et maintenir, dans les installations nucléaires, des défenses efficaces contre les risques radiologiques potentiels afin de protéger les individus, la société et l'environnement contre les effets nocifs des rayonnements ionisants émis par ces installations;

iii)    prévenir les accidents ayant des conséquences radiologiques et atténuer ces conséquences au cas où de tels accidents se produiraient.»

5.
    L'article 2 de la convention définit les termes «installation nucléaire», «organisme de réglementation» et «autorisation». Selon l'article 3 de la convention, celle-ci s'applique à la sûreté des installations nucléaires.

6.
    L'article 4 de la convention dispose que chaque partie contractante prend, en droit interne, les mesures législatives, réglementaires et administratives et les autres dispositions qui sont nécessaires pour remplir ses obligations en vertu de la convention. L'article 5 de la convention demande à chaque partie contractante de présenter, avant chaque réunion d'examen prévue à l'article 20 de la convention, un rapport sur les mesures qu'elle a prises pour remplir les obligations énoncées dans la convention.

7.
    L'article 7, paragraphe 1, de la convention demande à chaque partie contractante d'établir et de maintenir en vigueur un cadre législatif et réglementaire pour régir la sûreté des installations nucléaires. En vertu de l'article 7, paragraphe 2, de la convention, ce cadre doit prévoir: i) l'établissement de prescriptions et de règlements de sûreté nationaux pertinents; ii) un système d'autorisation pour les installations nucléaires; iii) un système d'inspection et d'évaluation réglementaires de ces installations, ainsi que iv) des mesures destinées à faire respecter les règlements applicables et les conditions des autorisations.

8.
    En vertu de l'article 14 de la convention, les parties contractantes doivent prendre les mesures appropriées pour qu'il soit procédé à:

«i)    des évaluations de sûreté [...] avant la construction et la mise en service d'une installation nucléaire et pendant toute la durée de sa vie. [...]

ii)    des vérifications [...] afin de veiller à ce que l'état physique et l'exploitation d'une installation nucléaire restent conformes à sa conception, aux exigences nationales de sûreté applicables et aux limites et conditions d'exploitation.»

9.
    L'article 15 de la convention, intitulé «Radioprotection», est libellé comme suit:

«Chaque partie contractante prend les mesures appropriées pour que, dans toutes les conditions normales de fonctionnement, l'exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs et du public due à une installation nucléaire soit maintenue au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre et qu'aucun individu ne soit exposé à des doses de rayonnement qui dépassent les limites de doses prescrites au niveau national.»

10.
    Aux termes de l'article 16 de la convention, intitulé «Organisation pour les cas d'urgence»:

«1. Chaque partie contractante prend les mesures appropriées afin qu'il existe, pour les installations nucléaires, des plans d'urgence internes et externes qui soient testés périodiquement et qui couvrent les actions à mener en cas de situation d'urgence.

Pour toute installation nucléaire nouvelle, de tels plans sont élaborés et testés avant qu'elle ne commence à fonctionner au-dessus d'un bas niveau de puissance approuvé par l'organisme de réglementation.

2. Chaque partie contractante prend les mesures appropriées pour que, dans la mesure où elles sont susceptibles d'être affectées par une situation d'urgence radiologique, sa propre population et les autorités compétentes des États avoisinant l'installation nucléaire reçoivent des informations appropriées aux fins des plans et des interventions d'urgence.

3. Les parties contractantes qui n'ont pas d'installation nucléaire sur leur territoire, dans la mesure où elles sont susceptibles d'être affectées en cas de situation d'urgence radiologique dans une installation nucléaire voisine, prennent les mesures appropriées afin d'élaborer et de tester des plans d'urgence pour leur territoire qui couvrent les actions à mener en cas de situation d'urgence de cette nature.»

11.
    Les articles 17 à 19 de la convention contiennent des obligations spécifiques quant à la sûreté des installations.

12.
    En vertu de l'article 17 de la convention, intitulé «Choix de site», chaque partie contractante doit prendre les mesures nécessaires pour que les procédures appropriées soient mises en place et appliquées en vue:

«i)    d'évaluer tous les facteurs pertinents liés au site qui sont susceptibles d'influer sur la sûreté d'une installation nucléaire pendant la durée de sa vie prévue;

ii)    d'évaluer les incidences qu'une installation nucléaire en projet est susceptible d'avoir, du point de vue de la sûreté, sur les individus, la société et l'environnement;

iii)    de réévaluer, selon les besoins, tous les facteurs pertinents mentionnés aux points i) et ii) de manière à garantir que l'installation nucléaire reste acceptable du point de vue de la sûreté;

iv)    de consulter les parties contractantes voisines d'une installation nucléaire en projet, dans la mesure où cette installation est susceptible d'avoir des conséquences pour elles, et, à leur demande, de leur communiquer les informations nécessaires afin qu'elles puissent évaluer et apprécier elles-mêmes l'impact possible sur leur propre territoire de l'installation nucléaire du point de vue de la sûreté.»

13.
    En vertu de l'article 18 de la convention, intitulé «Conception et construction», les parties contractantes prennent les mesures appropriées afin que, lors de la conception et de la construction d'une installation nucléaire, plusieurs niveaux et méthodes de protection fiables (défense en profondeur) soient prévus contre le rejet de matières radioactives, que les technologies utilisées soient éprouvées par l'expérience ou qualifiées par des essais ou des analyses et que la conception permette un fonctionnement fiable, stable et facilement maîtrisable.

14.
    En vertu de l'article 19 de la convention, intitulé «Exploitation», les parties contractantes veillent à ce que:

«i)    l'autorisation initiale d'exploiter une installation nucléaire se fonde sur une analyse de sûreté appropriée et un programme de mise en service [...];

ii)    les limites et conditions d'exploitation [...] soient définies et révisées si besoin est [...];

iii)    l'exploitation, la maintenance, l'inspection et les essais d'une installation nucléaire soient assurés conformément à des procédures approuvées;

iv)    des procédures soient établies pour faire face aux incidents de fonctionnement prévus et aux accidents;

v)    l'appui nécessaire en matière d'ingénierie et de technologie dans tous les domaines liés à la sûreté soit disponible [...];

vi)    les incidents significatifs pour la sûreté soient notifiés [...];

vii)    des programmes de collecte et d'analyse des données de l'expérience d'exploitation soient mis en place [...];

viii)    la production de déchets radioactifs [...] soit aussi réduite que possible [...].»

15.
    Aux termes de l'article 30, paragraphe 4, de la convention:

«i)    La présente convention est ouverte à la signature ou à l'adhésion d'organisations régionales ayant un caractère d'intégration ou un autre caractère, à condition que chacune de ces organisations soit constituée par des États souverains et ait compétence pour négocier, conclure et appliquer des accords internationaux portant sur des domaines couverts par la présente convention.

ii)    Dans leurs domaines de compétence, ces organisations, en leur nom propre, exercent les droits et assument les responsabilités que la présente convention attribue aux États parties.

iii)    En devenant partie à la présente convention, une telle organisation communique au dépositaire visé à l'article 34 une déclaration indiquant quels sont ses États membres, quels articles de la présente convention lui sont applicables et quelle est l'étendue de sa compétence dans le domaine couvert par ces articles.

iv)    Une telle organisation ne dispose pas de voix propre en plus de celles de ses États membres.»

Le cadre juridique communautaire

16.
    Les signataires du traité CEEA étaient, selon le préambule de celui-ci, «[s]oucieux d'établir les conditions de sécurité qui écarteront les périls pour la vie et la santé des populations».

17.
    Aux termes de l'article 2 du traité CEEA:

«Pour l'accomplissement de sa mission, la Communauté doit, dans les conditions prévues au présent traité:

[...]

b)    établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et veiller à leur application,

[...]

e)    garantir, par les contrôles appropriés, que les matières nucléaires ne sont pas détournées à d'autres fins que celles auxquelles elles sont destinées,

[...]

h)    instituer avec les autres pays et avec les organisations internationales toutes liaisons susceptibles de promouvoir le progrès dans l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.»

18.
    Le titre II du traité CEEA, intitulé «Dispositions favorisant le progrès dans le domaine de l'énergie nucléaire», comprend un chapitre 3, intitulé «La protection sanitaire», qui est composé des articles 30 à 39.

19.
    L'article 30 du traité CEEA est libellé comme suit:

«Des normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des radiations ionisantes sont instituées dans la Communauté.

On entend par ‘normes de base’:

a)    les doses maxima admissibles avec une sécurité suffisante,

b)    les expositions et contaminations maxima admissibles,

c)    les principes fondamentaux de surveillance médicale des travailleurs.»

20.
    L'article 31 du traité CEEA définit la procédure d'élaboration et d'adoption desdites normes de base.

21.
    Selon l'article 32 du traité CEEA, ces normes de base peuvent, à la demande de la Commission ou d'un État membre, être révisées ou complétées suivant la même procédure.

22.
    Sur le fondement des articles 31 et 32 du traité CEEA, le Conseil a adopté la directive 96/29/Euratom, du 13 mai 1996, fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants (JO L 159, p. 1). Cette directive prévoit notamment que les États membres sont tenus de soumettre à un régime de déclaration et d'autorisation préalable certaines pratiques présentant un risque dû aux rayonnements ionisants ainsi que de veiller à la radioprotection de la population en situation normale.

23.
    Aux termes de l'article 33, premier à troisième alinéas, du traité CEEA:

«Chaque État membre établit les dispositions législatives, réglementaires et administratives propres à assurer le respect des normes de base fixées et prend les mesures nécessaires en ce qui concerne l'enseignement, l'éducation et la formation professionnelle.

La Commission fait toutes recommandations en vue d'assurer l'harmonisation des dispositions applicables à cet égard dans les États membres.

À cet effet, les États membres sont tenus de communiquer à la Commission ces dispositions telles qu'elles sont applicables lors de l'entrée en vigueur du présent traité ainsi que les projets ultérieurs de dispositions de même nature.»

24.
    L'article 34 du traité CEEA dispose:

«Tout État membre sur les territoires duquel doivent avoir lieu des expériences particulièrement dangereuses est tenu de prendre des dispositions supplémentaires de protection sanitaire sur lesquelles il recueille préalablement l'avis de la Commission.

L'avis conforme de la Commission est nécessaire lorsque les effets de ces expériences sont susceptibles d'affecter les territoires des autres États membres.»

25.
    L'article 35, premier alinéa, du traité CEEA prescrit aux États membres d'établir «les installations nécessaires pour effectuer le contrôle permanent du taux de la radioactivité de l'atmosphère, des eaux et du sol ainsi que le contrôle du respect des normes de base». Selon le second alinéa de cet article, la Commission a le droit d'accéder à ces installations de contrôle ainsi que d'en vérifier le fonctionnement et l'efficacité.

26.
    L'article 36 du traité CEEA oblige les États membres à communiquer régulièrement à la Commission les renseignements concernant les contrôles visés à l'article 35 de ce traité.

27.
    Aux termes de l'article 37 du traité CEEA:

«Chaque État membre est tenu de fournir à la Commission les données générales de tout projet de rejet d'effluents radioactifs sous n'importe quelle forme, permettant de déterminer si la mise en oeuvre de ce projet est susceptible d'entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l'espace aérien d'un autre État membre.

La Commission, après consultation du groupe d'experts visé à l'article 31, émet son avis dans un délai de six mois.»

28.
    L'article 38, premier et deuxième alinéas, du traité CEEA prévoit:

«La Commission adresse aux États membres toutes recommandations en ce qui concerne le taux de radioactivité de l'atmosphère, des eaux et du sol.

En cas d'urgence, la Commission arrête une directive par laquelle elle enjoint à l'État membre en cause de prendre, dans le délai qu'elle détermine, toutes les mesures nécessaires pour éviter un dépassement des normes de base et pour assurer le respect des réglementations.»

29.
    L'article 39 du traité CEEA charge la Commission d'établir dans le cadre du Centre commun de recherches nucléaires une section de documentation et d'études des questions de protection sanitaire.

30.
    Le titre II du traité CEEA comporte un chapitre 7, intitulé «Le contrôle de sécurité», qui confère à la Communauté certaines compétences relatives à l'objectif fixé à l'article 2, sous e), de ce traité.

31.
    L'article 101, premier et deuxième alinéas, du traité CEEA dispose:

«Dans le cadre de sa compétence, la Communauté peut s'engager par la conclusion d'accords ou conventions avec un État tiers, une organisation internationale ou un ressortissant d'un État tiers.

Ces accords ou conventions sont négociés par la Commission selon les directives du Conseil; ils sont conclus par la Commission avec l'approbation du Conseil, qui statue à la majorité qualifiée.»

L'adhésion de la Communauté à la convention

32.
    Le 15 septembre 1994, la Commission a présenté au Conseil une proposition de décision approuvant l'adhésion de la Communauté à la convention. Le texte de cette proposition comportait une déclaration à effectuer conformément à l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention, aux termes de laquelle la Communauté exposait, d'une part, que les articles 1er à 5, 7 et 14 à 35 de la convention s'appliquent à la Communauté et, d'autre part, que celle-ci possède des compétences dans les domaines couverts par les articles 1er à 5, 7 et 14 à 19 de la convention.

33.
    Le 7 décembre 1998, le Conseil a adopté la décision attaquée. Aux termes de l'article unique de cette décision:

«1. L'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire est approuvée.

2. Le texte de la déclaration de la Communauté européenne de l'énergie atomique, conformément aux dispositions de l'article 30, paragraphe 4, point iii), de la convention sur la sûreté nucléaire, est joint à la présente décision.»

34.
    La déclaration est libellée comme suit:

«Les États suivants sont actuellement membres de la Communauté européenne de l'énergie atomique: le royaume de Belgique, le royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République hellénique, le royaume d'Espagne, la République française, l'Irlande, la République italienne, le grand-duché de Luxembourg, le royaume des Pays-Bas, la république d'Autriche, la République portugaise, la république de Finlande, le royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

La Communauté déclare que l'article 15 et l'article 16, paragraphe 2, de la convention lui sont applicables. Les articles 1er à 5, l'article 7, paragraphe 1, l'article 14, point ii), et les articles 20 à 35 lui sont également applicables, mais uniquement en ce qui concerne les domaines couverts par l'article 15 et l'article 16, paragraphe 2.

La Communauté possède des compétences, partagées avec les États membres mentionnés ci-dessus, dans les domaines couverts par l'article 15 et l'article 16, paragraphe 2, de la convention, comme le prévoit le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique dans son article 2, point b), et dans les articles pertinents du titre II, chapitre 3, intitulé ‘La protection sanitaire’.»

35.
    Par la décision 1999/819/Euratom de la Commission, du 16 novembre 1999, concernant l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) à la convention de 1994 sur la sûreté nucléaire (JO L 318, p. 20), l'adhésion à la convention a été approuvée au nom de la Communauté. Le texte de la déclaration, tel qu'il est reproduit au point précédent, est joint à cette décision. L'acte d'adhésion a été remis au dépositaire de la convention, à savoir le directeur général de l'Agence, le 31 janvier 2000. En vertu de l'article 31, paragraphe 2, de la convention, celle-ci est entrée en vigueur pour la Communauté le 30 avril 2000.

Sur la recevabilité

36.
    Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 9 avril 1999, le Conseil a soulevé une exception d'irrecevabilité conformément à l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par décision du 8 février 2000, la Cour a joint cette exception au fond.

37.
    Le Conseil soutient que le recours est irrecevable pour les motifs suivants:

-    il serait sans objet;

-    il serait dirigé contre une disposition non détachable de la décision attaquée, qui ne pourrait être examinée indépendamment des autres parties de cette décision, et la Commission ne demanderait pas l'annulation de l'ensemble de ladite décision;

-    la Commission chercherait en fait à obtenir un avis sur l'étendue des compétences de la Communauté.

Sur le premier moyen d'irrecevabilité, tiré d'un défaut d'objet

Arguments du Conseil

38.
    Le Conseil fait valoir que l'annulation du troisième alinéa de la déclaration annexée à la décision attaquée ferait disparaître de celle-ci les deux seuls éléments utiles transmis au dépositaire de la convention, à savoir que la Communauté possède des compétences partagées avec les États membres et que ces compétences découlent des articles pertinents du titre II, chapitre 3, du traité CEEA.

39.
    Le Conseil ajoute que la Commission ne conteste aucun de ces deux éléments. Celle-ci ne prétendrait pas que la Communauté dispose, dans les domaines visés, d'une compétence exclusive, mais elle affirmerait simplement que la Communauté possède, dans des domaines couverts par la convention, d'autres compétences qui ne font pas l'objet de la déclaration. Elle ne contesterait pas non plus que la compétence de la Communauté pour adhérer à la convention est fondée sur les articles pertinents du titre II, chapitre 3, du traité CEEA. Comme ces deux éléments seraient les seuls qui apparaissent dans l'alinéa de la déclaration dont la Commission demande l'annulation, le Conseil soutient que le présent recours est dénué d'objet.

Appréciation de la Cour

40.
    La déclaration, dont la Commission demande l'annulation partielle, fait partie intégrante de la décision attaquée, qui, en tant qu'acte produisant des effets juridiques, peut être annulée par la Cour.

41.
    Le présent recours doit être compris en ce sens que la Commission demande l'annulation de la décision attaquée dans la mesure où celle-ci omet d'énoncer que la Communauté est compétente dans d'autres domaines que ceux mentionnés dans la déclaration. Force est de constater qu'un recours qui vise à une telle annulation n'est pas dénué d'objet.

42.
    Le premier moyen d'irrecevabilité doit donc être rejeté.

Sur le deuxième moyen d'irrecevabilité, tiré de l'indivisibilité de la décision attaquée

Arguments du Conseil

43.
    Le Conseil soutient que la déclaration n'est pas détachable de la décision attaquée et qu'une demande d'annulation visant la seule déclaration est par conséquent irrecevable. Le Conseil n'aurait pas approuvé cette décision sans une déclaration complète sur la compétence. Pour lui, la déclaration aurait été une condition sine qua non de l'adoption de la décision attaquée. Il ne serait donc pas possible de maintenir ladite décision tout en annulant la déclaration, en tout ou en partie. Or, la Cour ne pourrait annuler la décision elle-même, puisque cela ne lui a pas été demandé, et elle ne pourrait annuler seulement une partie d'un acte juridique indivisible.

44.
    Le Conseil fait aussi valoir que la Commission demande uniquement l'annulation du troisième alinéa de la déclaration alors que celui-ci forme un tout indissociable avec l'alinéa qui le précède. Ce troisième alinéa découlerait directement et nécessairement du deuxième: la Communauté commencerait par déclarer que les articles 15 et 16, paragraphe 2, de la convention lui sont applicables, puis elle poursuivrait en déclarant qu'elle a des compétences dans les domaines couverts par ces dispositions. Si la Cour devait considérer que les domaines de compétence de la Communauté sont incomplètement mentionnés dans la déclaration et que cette insuffisance constitue une violation du traité CEEA, elle devrait annuler soit le deuxième alinéa de la déclaration, dans la mesure où il n'indique pas toutes les compétences de la Communauté, soit les deuxième et troisième alinéas de la déclaration, ce que la Commission ne demande pas et qui ne pourrait donc être décidé qu'ultra petita. Ce serait en réalité le deuxième alinéa de la déclaration qui constituerait le point central de celle-ci et sa seule disposition utile. Il existerait un lien indissociable entre l'indication des articles de la convention applicables et la question de l'étendue de la compétence de la Communauté quant à ces articles. En outre, le troisième alinéa de la déclaration ne concernerait pas la question de la compétence en tant que telle, mais celle de l'étendue de la compétence, car la Communauté y aurait indiqué qu'elle ne jouissait pas d'une compétence exclusive dans les domaines concernés.

Appréciation de la Cour

45.
    Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'annulation partielle d'une décision est possible pour autant que les éléments dont l'annulation est demandée soient détachables du reste de la décision (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 21, et du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, point 256). Tel est le cas en l'espèce.

46.
    Les éléments dont l'omission entacherait d'illégalité la déclaration ne sont, par définition, pas contenus dans celle-ci et sont, de ce fait, séparables des dispositions qui y figurent. L'annulation du troisième alinéa de la déclaration dans la mesure où certains articles de la convention n'y sont pas mentionnés n'affecterait en rien la portée juridique des dispositions sur lesquelles le Conseil s'est déjà prononcé. Une telle annulation ne modifierait donc pas la substance de la décision attaquée. Dès lors, ces éléments peuvent être considérés comme détachables du reste de la décision attaquée.

47.
    Dans ces conditions, la circonstance que la déclaration fait partie intégrante de la décision attaquée n'empêche pas l'annulation de cette déclaration dans la mesure où elle omet de mentionner des compétences de la Communauté dans les domaines couverts par la convention.

48.
    En ce qui concerne la relation entre les deuxième et troisième alinéas de la déclaration, il y a lieu de constater qu'ils correspondent aux deuxième et troisième types de données à déclarer en vertu de l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention.

49.
    Par les termes «articles [...] applicables», ladite disposition vise tous les articles qui s'imposent juridiquement à une partie contractante, y inclus les articles qui ne créent ni droits ni obligations et à l'égard desquels ne se pose donc pas la question de la compétence de l'organisation régionale. En revanche, en requérant de cette dernière la mention de «l'étendue de sa compétence», l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention vise à obtenir qu'elle communique au dépositaire et ainsi aux autres parties à la convention, d'une part, les domaines couverts par la convention dans lesquels elle est compétente pour assumer les obligations et exercer les droits qui en découlent et, d'autre part, l'étendue desdites compétences.

50.
    Si l'examen du présent recours faisait apparaître que le Conseil a omis de mentionner au troisième alinéa de la déclaration certains articles qui ne sont pas non plus visés à son deuxième alinéa, cela impliquerait que ce deuxième alinéa est également incomplet. Toutefois, la relation entre les deux alinéas n'est pas de nature à empêcher qu'un contrôle de légalité s'exerce sur l'un des deux indépendamment de celui exercé sur l'autre.

51.
    Par conséquent, le deuxième moyen d'irrecevabilité doit également être rejeté.

Sur le troisième moyen d'irrecevabilité, tiré de ce que la Commission chercherait à obtenir un avis

Arguments du Conseil

52.
    Le Conseil soutient que, en réalité, la Commission ne demande pas une annulation véritable d'une partie de la déclaration, mais cherche à obtenir un avis de la Cour sur l'étendue de la compétence de la Communauté dans le contexte de l'adhésion de cette dernière à la convention. Il fait valoir, à cet égard, que le traité CEEA ne prévoit pas, contrairement à l'article 228, paragraphe 6, du traité CE (devenu, après modification, article 300, paragraphe 6, CE), la possibilité de demander à la Cour un avis sur la compatibilité avec le traité d'un accord international envisagé, c'est-à-dire sur la compétence de la Communauté pour conclure un tel accord.

Appréciation de la Cour

53.
    Rien n'indique que la Commission poursuive par le présent recours un but autre que l'annulation partielle de la décision attaquée.

54.
    En outre, le fait que le traité CEEA ne prévoit pas que la Cour peut se prononcer par voie d'avis sur la compatibilité avec ce traité des accords internationaux dont la conclusion est envisagée par la Communauté n'exclut pas que la Cour puisse être saisie d'une demande de contrôle de la légalité d'un acte portant approbation d'une décision d'adhésion à une convention internationale dans le cadre d'un recours en annulation au titre de l'article 146 du traité CEEA (voir, en ce sens, s'agissant de la relation entre le recours en annulation et la procédure d'avis dans le cadre du traité CE, avis 2/00, du 6 décembre 2001, Rec. p. I-9713, point 12).

55.
    Le troisième moyen d'irrecevabilité ne saurait donc être accueilli.

56.
    Il résulte de ce qui précède que l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée.

Sur le fond

Arguments des parties

57.
    La Commission fait valoir que le troisième alinéa de la déclaration enfreint le droit communautaire en ce qu'il ne vise pas l'ensemble des compétences de la Communauté dans les domaines couverts par la convention et que cette disposition doit donc être annulée conformément aux dispositions de l'article 146 du traité CEEA.

58.
    À l'appui de sa thèse, la Commission rappelle que l'article 1er, second alinéa, du traité CEEA prévoit que la Communauté a pour mission de contribuer, par l'établissement des conditions nécessaires à la formation et à la croissance rapides des industries nucléaires, à l'élévation du niveau de vie dans les États membres et au développement des échanges avec les autres pays. L'article 2, sous b), du traité CEEA obligerait la Communauté à établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs ainsi qu'à veiller à leur application.

59.
    L'article 30 du traité CEEA prévoirait l'institution de normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs. L'article 31 de ce traité prévoirait le mécanisme consultatif et législatif d'élaboration desdites normes, puis d'adoption de ces normes par acte législatif du Conseil. Ces dispositions du titre II, chapitre 3, du traité CEEA ne concerneraient pas directement le choix des sites, l'octroi des autorisations, la mise en service ou l'exploitation d'installations nucléaires en tant que telles, mais porteraient sur la protection de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des radiations ionisantes. Cette distinction reposerait sur la vérité technique selon laquelle tout ce qui est nucléaire est radioactif, mais les radiations ne sont pas toutes d'origine nucléaire.

60.
    La Commission fait valoir que l'existence de la directive 96/29 et des actes normatifs adoptés sur le fondement de cette directive prouve que les compétences conférées en la matière par le traité CEEA sont effectivement exercées.

61.
    La Commission conclut que des compétences et des pouvoirs sont ainsi conférés à la Communauté, qui doit pouvoir les exercer. Elle considère que son point de vue est confirmé par l'article 32 du traité CEEA, selon lequel les normes de base peuvent être révisées ou complétées à la demande de la Commission ou d'un État membre.

62.
    Elle soutient aussi que, outre les articles 30 à 32 du traité CEEA, les articles 33 et 35 à 38 de celui-ci confèrent des compétences à la Communauté.

63.
    Elle admet que les dispositions du traité CEEA ne donnent pas à la Communauté la compétence de réglementer la création et le fonctionnement des installations nucléaires. Toutefois, le risque résultant de l'exploitation de telles installations relèverait de la compétence de la Communauté.

64.
    Pour sa part, le Conseil soutient que la Commission n'explique pas en quoi la circonstance que l'adhésion de la Communauté à la convention se serait faite dans des limites trop restrictives constituerait une violation du traité CEEA ou pourrait affecter les règles communes adoptées par la Communauté. Selon le Conseil, la Commission ne fait même pas valoir qu'une telle limitation des compétences de la Communauté porte atteinte aux intérêts de celle-ci.

65.
    Le Conseil soutient que l'ensemble des compétences de la Communauté dans les domaines couverts par la convention est bien visé dans la déclaration et que, en conséquence, la Communauté a «épuisé» ses compétences dans le cadre de l'adhésion à cette convention. Le Conseil fait valoir qu'aucun article du traité CEEA n'attribue à la Communauté la compétence de réglementer la création et le fonctionnement d'installations nucléaires. Cette compétence aurait été conservée par les États membres. La Communauté ne disposerait de compétences qu'en matière de protection de la population et tous les articles de la convention concernant cette protection seraient visés dans la déclaration.

66.
    En réponse à l'argument de la Commission selon lequel la Communauté aurait déjà légiféré en matière de sûreté des installations nucléaires, le Conseil fait valoir que la compétence de la Communauté ne peut pas se déduire d'une disposition de la directive 96/29 parce que, en vertu de son article 2 relatif au champ d'application, cette directive s'applique dans son ensemble à des «pratiques» et non à des «installations».

Sur l'obligation, en droit communautaire, de communiquer au dépositaire de la convention une déclaration de compétences complète

67.
    L'approbation par le Conseil de l'adhésion à une convention internationale, conformément à l'article 101, deuxième alinéa, du traité CEEA, a pour effet juridique d'autoriser la Commission à conclure cette convention à l'intérieur du cadre établi par la décision du Conseil.

68.
    Lorsqu'il approuve l'adhésion à une convention internationale sans aucune réserve, le Conseil est tenu de respecter les conditions prévues par cette convention pour une telle adhésion puisqu'une décision d'adhésion non conforme auxdites conditions violerait les obligations de la Communauté dès son entrée en vigueur.

69.
    En outre, il découle du devoir de coopération loyale entre les institutions (voir, notamment, arrêt du 30 mars 1995, Parlement/Conseil, C-65/93, Rec. p. I-643, point 23) que la décision du Conseil portant approbation de l'adhésion à une convention internationale doit permettre à la Commission de se conformer au droit international.

70.
    En l'espèce, l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention doit, dans l'intérêt des autres parties contractantes, être interprété en ce sens que la déclaration de compétences prévue par cette disposition doit être complète.

71.
    Il résulte de ce qui précède que le Conseil était, en vertu du droit communautaire, tenu de joindre à sa décision approuvant l'adhésion à la convention une déclaration de compétences complète.

Considérations générales sur les compétences de la Communauté en matière de sûreté nucléaire

72.
    Les parties au litige conviennent que la Communauté possède des compétences, partagées avec les États membres, pour prendre:

-    conformément à l'article 15 de la convention, les mesures appropriées afin que, dans toutes les conditions normales de fonctionnement, l'exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs et du public due à une installation nucléaire soit maintenue au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre et qu'aucun individu ne soit exposé à des doses de rayonnement qui dépassent les limites des doses prescrites au niveau national, et

-    conformément à l'article 16, paragraphe 2, de la convention, les mesures appropriées afin que, dans la mesure où elles sont susceptibles d'être affectées par une situation d'urgence radiologique, sa propre population et les autorités compétentes des États avoisinant l'installation nucléaire reçoivent des informations appropriées aux fins des plans et des interventions d'urgence.

73.
    Le litige porte sur la question de savoir si la Communauté dispose d'autres compétences dans les domaines couverts par la convention.

74.
    À cet égard, il y a lieu de constater que le traité CEEA ne contient pas un titre relatif aux installations de production d'énergie nucléaire et que la solution du litige dépend de l'interprétation des dispositions du titre II, chapitre 3, dudit traité.

75.
    Cette interprétation doit être effectuée à la lumière de l'objectif, énoncé dans le préambule du traité CEEA, qui consiste à «établir les conditions de sécurité qui écarteront les périls pour la vie et la santé des populations» (voir, à propos des dispositions du chapitre VII du traité CEEA, délibération 1/78, du 14 novembre 1978, Rec. p. 2151, point 21).

76.
    Elle doit également prendre en considération le fait que le titre II, chapitre 3, du traité CEEA met en oeuvre l'article 2, sous b), de ce traité, qui charge la Communauté d'«établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et [de] veiller à leur application». D'une part, il apparaît que cette protection ne peut pas être atteinte sans un contrôle des sources de rayonnements nocifs. D'autre part, les activités de la Communauté dans le domaine de la protection sanitaire doivent respecter les compétences des États membres définies, notamment, par le titre II, chapitre 3, du traité CEEA lui-même.

77.
    C'est dans cette perspective que le Conseil a adopté la résolution, du 22 juillet 1975, relative aux problèmes technologiques de sécurité nucléaire (JO C 185, p. 1). Le quatrième considérant de cette résolution énonce que «les problèmes technologiques relatifs à la sécurité nucléaire appellent, notamment en raison de leurs implications en matière de santé et d'environnement, une action appropriée sur le plan communautaire, qui tienne compte des prérogatives et responsabilités assumées par les autorités nationales».

78.
    Il convient de relever que, afin de donner un effet utile aux dispositions figurant au titre II, chapitre 3, du traité CEEA, la Cour les a interprétées de manière large à plusieurs reprises.

79.
    Dans son arrêt du 22 septembre 1988, Land de Sarre e.a. (187/87, Rec. p. 5013, point 11), rendu dans une affaire où le litige au principal portait sur la centrale nucléaire de Cattenom (France), la Cour a jugé que les dispositions du chapitre du traité CEEA intitulé «La protection sanitaire» forment un ensemble organisé attribuant à la Commission des compétences assez étendues pour la protection de la population et de l'environnement contre les risques d'une contamination nucléaire. Eu égard à la finalité de l'article 37 du traité CEEA, qui est de prévenir les possibilités de contamination radioactive, la Cour a souligné l'importance du rôle joué en la matière par la Commission, qui dispose seule d'une vision d'ensemble quant aux développements des activités du secteur nucléaire sur l'ensemble du territoire de la Communauté (arrêt Land de Sarre e.a., précité, points 12 et 13). Elle a rejeté sur le fondement de cette considération l'argument selon lequel les données générales d'un projet de rejet d'effluents radioactifs pourraient n'être fournies à la Commission qu'après que ces rejets ont été autorisés par les autorités compétentes de l'État membre concerné (arrêt Land de Sarre e.a., précité, point 20).

80.
    Dans son arrêt du 4 octobre 1991, Parlement/Conseil (C-70/88, Rec. p. I-4529, point 14), qui portait sur le règlement (Euratom) n° 3954/87 du Conseil, du 22 décembre 1987, fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d'urgence radiologique (JO L 371, p. 11), la Cour a refusé de retenir l'interprétation restrictive des articles 30 et suivants du traité CEEA proposée par le Parlement. Elle a jugé que lesdits articles avaient pour objet d'assurer une protection sanitaire cohérente et efficace de la population contre les dangers résultant des radiations ionisantes, «quelle qu'en soit la source».

81.
    La directive 96/29 s'inscrit dans la même perspective. Comme l'indique son sixième considérant, elle tient compte de l'évolution des connaissances scientifiques en matière de radioprotection, évolution qui est décrite en détail par M. l'avocat général aux points 123 à 132 de ses conclusions.

82.
    Eu égard aux points 74 à 81 du présent arrêt, il ne convient pas d'opérer, pour délimiter les compétences de la Communauté, une distinction artificielle entre la protection sanitaire de la population et la sûreté des sources de radiations ionisantes.

83.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il y a lieu de déterminer si la Communauté dispose de compétences dans des domaines couverts par d'autres articles de la convention que ses articles 15 et 16, paragraphe 2.

Sur les compétences de la Communauté dans les domaines couverts par les articles en cause de la convention

Les articles 1er («Objectifs»), 2 («Définitions») et 3 («Champ d'application») de la convention

84.
    Comme le Conseil le soutient à juste titre, les articles 1er à 3 de la convention ne créent ni droits ni obligations, de sorte que la question de la compétence de la Communauté ne se pose pas à leur égard.

85.
    Le Conseil était donc fondé à ne pas mentionner ces articles dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

Les articles 4 («Mesures d'application») et 5 («Présentation de rapports») de la convention

86.
    Il apparaît que l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention doit être interprété en ce sens que la déclaration de compétence qu'il impose doit porter sur les obligations spécifiques, c'est-à-dire seulement sur celles à l'égard desquelles les articles 4 et 5 de la convention établissent des obligations de mise en pratique et de présentation d'un rapport sur cette mise en pratique.

87.
    Dès lors, il n'était pas nécessaire de mentionner les articles 4 et 5 de la convention dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

L'article 7 («Cadre législatif et réglementaire») de la convention

88.
    L'article 7 de la convention fait partie du chapitre 2, sous b), de la convention, intitulé «Législation et réglementation». Il impose l'établissement d'un cadre législatif et réglementaire pour régir la sûreté des installations nucléaires.

89.
    Même s'il est vrai que le traité CEEA n'accorde pas à la Communauté la compétence d'autoriser la construction ou l'exploitation des installations nucléaires, elle dispose, en vertu des articles 30 à 32 du traité CEEA, d'une compétence normative afin d'établir, en vue de la protection sanitaire, un système d'autorisation qui doit être appliqué par les États membres. En effet, un tel acte législatif constitue une mesure complétant les normes de base visées à l'article 30 du traité CEEA.

90.
    En ce qui concerne l'argument du Conseil selon lequel l'article 7, paragraphe 2, sous i), de la convention serait inapplicable à la Communauté, dès lors qu'il vise des prescriptions et des règlements «nationaux», et ne concernerait donc que les États membres, il suffit de constater que, selon l'article 30, paragraphe 4, sous ii), de la convention, les organisations régionales doivent, dans leurs domaines de compétences, assumer les responsabilités que la convention attribue aux États membres.

91.
    L'article 7 de la convention aurait donc dû être mentionné dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

L'article 14 («Évaluation et vérification de la sûreté») de la convention

92.
    Dans le domaine couvert par l'article 14, sous ii), de la convention, la compétence de la Communauté est fondée sur l'article 35 du traité CEEA.

93.
    Quant au domaine couvert par l'article 14, sous i), de la convention, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 33, premier alinéa, du traité CEEA, les États membres sont tenus d'établir les dispositions législatives, réglementaires et administratives propres à assurer le respect des normes de base fixées. À cette fin, ils peuvent, par exemple, imposer des évaluations de sûreté telles que celles prévues par cette disposition de la convention.

94.
    Aux termes de l'article 33, deuxième alinéa, du traité CEEA, la Commission est compétente pour faire «toutes recommandations en vue d'assurer l'harmonisation des dispositions applicables à cet égard dans les États membres». Les États membres sont tenus de communiquer ces dispositions à la Commission, en vertu dudit article, troisième alinéa.

95.
    Or, il est prévu, à l'article 4 de la convention, que les obligations que celle-ci impose aux parties contractantes peuvent être mises en oeuvre non seulement par des mesures législatives et réglementaires, mais aussi par des mesures administratives et d'autres dispositions. L'application de la convention peut ainsi requérir l'adoption de mesures n'ayant pas un caractère impératif pour leurs destinataires, telles que des recommandations. Dans ces conditions, la compétence dévolue à la Commission de faire des recommandations aux États membres dans le domaine couvert par l'article 14, sous i), de la convention aurait dû être prise en compte et cette dernière disposition aurait dû être mentionnée dans la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

96.
    Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la Communauté dispose encore d'autres compétences dans le domaine couvert par l'article 14 de la convention, il convient de conclure que cette disposition aurait dû être mentionnée dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

L'article 16 («Organisation pour les cas d'urgence»), paragraphes 1 et 3, de la convention

97.
    En ce qui concerne l'article 16, paragraphe 1, de la convention, il y a lieu de constater que les articles 30 à 32 du traité CEEA confèrent à la Communauté la compétence d'édicter des normes de base en matière de mesures d'urgence, ce qui comporte le pouvoir de requérir des États membres qu'ils établissent des plans prévoyant de telles mesures pour les installations nucléaires.

98.
    En ce qui concerne l'article 16, paragraphe 3, de la convention, le Conseil ne saurait valablement soutenir que la Communauté n'est pas concernée par cette disposition au motif qu'elle est une partie contractante qui dispose effectivement d'installations nucléaires sur le territoire de ses États membres.

99.
    En effet, l'interprétation de l'article 16 de la convention doit tenir compte de la possibilité qu'une organisation régionale visée à l'article 30, paragraphe 4, sous i), de la convention soit composée d'États membres dont certains disposent d'installations nucléaires sur leur territoire et d'autres pas. Le but de l'article 16 de la convention pourrait être compromis si une telle organisation n'assumait pas les responsabilités découlant de l'article 16, paragraphe 3, de la convention en ce qui concerne ses États membres n'ayant pas d'installation nucléaire sur leur territoire. Dès lors, dans l'hypothèse décrite à la première phrase de ce paragraphe, non seulement l'article 16, paragraphe 1, de la convention, mais également l'article 16, paragraphe 3, de la convention sont applicables à l'organisation régionale concernée.

100.
    Étant donné que certains États membres de la Communauté ne disposent pas d'installation nucléaire sur leur territoire et que, comme indiqué au point 97 du présent arrêt, la Communauté peut édicter, à leur égard, des normes de base en matière de mesures d'urgence, la Communauté dispose d'une compétence dans le domaine couvert par l'article 16, paragraphe 3, de la convention.

101.
    L'article 16, paragraphes 1 et 3, de la convention aurait dû, dès lors, être mentionné dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

L'article 17 («Choix du site») de la convention

102.
    Le choix du site d'une installation nucléaire, dont traite l'article 17 de la convention, inclut nécessairement la prise en compte de facteurs relatifs à la radioprotection, tels que les caractéristiques démographiques du site. Il apparaît que ces facteurs sont visés à l'article 17, sous ii), de la convention.

103.
    Or, selon l'article 37 du traité CEEA, la Communauté dispose d'une compétence au regard de «tout projet de rejet d'effluents radioactifs sous n'importe quelle forme» si la mise en oeuvre de ce projet est susceptible d'entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l'espace aérien d'un autre État membre. Ce constat suffit pour conclure que la Communauté possède des compétences dans le domaine couvert par l'article 17 de la convention.

104.
    Cet article de la convention aurait dû, dès lors, être mentionné dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

Les articles 18 («Conception et construction») et 19 («Exploitation») de la convention

105.
    Les mesures qu'imposent les articles 18 et 19 de la convention en matière de conception, de construction et d'exploitation d'installations nucléaires peuvent faire l'objet des dispositions que les États membres établissent pour assurer, conformément à l'article 33, premier alinéa, du traité CEEA, le respect des normes de base. Or, la Commission est compétente pour faire des recommandations tendant à l'harmonisation de ces dispositions, ainsi qu'il ressort de l'article 33, deuxième alinéa, du traité CEEA, interprété à la lumière des considérations exposées aux points 74 à 83 du présent arrêt. Les États membres sont tenus de contribuer à l'élaboration de ces recommandations par les communications visées à l'article 33, troisième alinéa, du traité CEEA.

106.
    Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 95 du présent arrêt, les articles 18 et 19 de la convention auraient dû être mentionnés dans l'alinéa de la déclaration indiquant les compétences de la Communauté.

    

107.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le troisième alinéa de la déclaration doit être annulé dans la mesure où les articles 7, 14, 16, paragraphes 1 et 3, ainsi que 17 à 19 de la convention n'y sont pas mentionnés.

Sur les dépens

108.
    Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3, premier alinéa, du même article, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission et le Conseil ayant partiellement succombé en leurs moyens, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1)    Le troisième alinéa de la déclaration faite par la Communauté européenne de l'énergie atomique conformément à l'article 30, paragraphe 4, sous iii), de la convention sur la sûreté nucléaire et jointe à la décision du Conseil du 7 décembre 1998 portant approbation de l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire est annulé dans la mesure où les articles 7, 14, 16, paragraphes 1 et 3, ainsi que 17 à 19 de cette convention n'y sont pas mentionnés.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission des Communautés européennes et le Conseil de l'Union européenne supportent leurs propres dépens.

Rodríguez Iglesias
Puissochet
    
Schintgen

Timmermans

Gulmann
Edward

La Pergola

Jann
Skouris

        Macken

            Colneric

von Bahr

Cunha Rodrigues

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 décembre 2002.

Le greffier

Le président

R. Grass

G. C. Rodríguez Iglesias


1: Langue de procédure: l'anglais.