Language of document : ECLI:EU:T:2010:342

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

2 septembre 2010  (*) 

« Recours en annulation – Concentrations – Abandon du projet de concentration – Décision de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 139/2004 – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑58/09,

Schemaventotto SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes M. Siragusa, G. Scassellati Sforzolini, G. Rizza et M. Piergiovanni, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Abertis Infraestructuras, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes M. Roca Junyent et P. Callol García, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et É. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la ou des décisions prétendument contenues dans la lettre de la Commission du 13 août 2008 concernant la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), en ce qui concerne une opération de concentration entre l’intervenante et Autostrade SpA (affaire COMP/M.4388 – Abertis/Autostrade),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Le règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), prévoit un système de contrôle par la Commission européenne des opérations de concentration ayant une dimension communautaire, telles que définies aux articles 1er et 3 dudit règlement. Ces opérations de concentration doivent être notifiées à la Commission avant leur réalisation (article 4 du règlement n° 139/2004). La Commission examine leur compatibilité avec le marché commun (article 2 du règlement n° 139/2004).

2        L’article 21 du règlement n° 139/2004 dispose :

« Application du règlement et compétence

1. Le présent règlement est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3, et les règlements du Conseil (CE) n° 1/2003, (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87 ne sont pas applicables, sauf aux entreprises communes qui n’ont pas de dimension communautaire et qui ont pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes.

2. Sous réserve du contrôle de la Cour de justice, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues au présent règlement.

3. Les États membres n’appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux concentrations de dimension communautaire.

Le premier alinéa ne préjuge pas du pouvoir des États membres de procéder aux enquêtes nécessaires à l’application de l’article 4, paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 2, et de prendre, après renvoi, conformément à l’article 9, paragraphe 3, premier alinéa, [sous] b), ou paragraphe 5, les mesures strictement nécessaires en application de l’article 9, paragraphe 8.

4. Nonobstant les paragraphes 2 et 3, les États membres peuvent prendre les mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le présent règlement et compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire.

Sont considérés comme intérêts légitimes, au sens du premier alinéa, la sécurité publique, la pluralité des médias et les règles prudentielles.

Tout autre intérêt public doit être communiqué par l’État membre concerné à la Commission et reconnu par celle-ci après examen de sa compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant que les mesures visées ci-dessus puissent être prises. La Commission notifie sa décision à l’État membre concerné dans un délai de vingt-cinq jours ouvrables à dater de ladite communication. »

 Antécédents du litige

3        La requérante, Schemaventotto SpA, est une société italienne. Elle contrôle Atlantia SpA, anciennement Autostrade SpA, qui contrôle à son tour Autostrade per l’Italia SpA (ASPI), organisme concessionnaire de construction et de gestion d’autoroutes à péage en Italie. L’intervenante, Abertis Infraestructuras, SA, est une entreprise espagnole dont l’activité principale est la gestion d’autoroutes à péage.

4        Le 23 avril 2006, les conseils d’administration d’Autostrade et de l’intervenante ont approuvé la « concentration Abertis/Autostrade », un projet d’union qui devait entraîner la fusion par incorporation d’Autostrade dans l’intervenante et la création d’une nouvelle société ayant son siège en Espagne. Cette concentration a ensuite été approuvée par les assemblées d’actionnaires d’Autostrade et de l’intervenante.

5        Par avis contraignant du 4 août 2006, le ministre des Infrastructures italien, le ministre de l’Économie et des Finances italien et, par décision du 5 août 2006, l’Azienda nazionale autonoma delle Strade (ANAS, entité publique responsable de l’attribution des concessions autoroutières en Italie) ont rejeté la demande d’autorisation de la concentration entre l’intervenante et Autostrade, présentée par cette dernière. Selon l’ANAS, la concentration était soumise à l’autorisation préalable de l’administration, parce qu’elle donnait lieu à une modification du titulaire de la concession.

6        Le 18 août 2006, Autostrade et l’intervenante ont notifié le projet de concentration à conformément au règlement n° 139/2004. Par décision du 22 septembre 2006, , ayant constaté que la concentration était de dimension communautaire et que l’opération n’aurait pas pour effet d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, a décidé de ne pas s’opposer à la concentration notifiée et l’a déclarée compatible avec le marché commun.

7        Bien que la Commission ait approuvé la concentration, Autostrade et l’intervenante ont interrompu la mise en œuvre de celle-ci en raison du refus de l’ANAS d’accorder son autorisation. Elles craignaient que, en cas de réalisation de l’opération en l’absence d’autorisation, les autorités italiennes révoquent la concession autoroutière en Italie, qui constituait l’actif principal d’Autostrade.

8        Le 29 septembre 2006, le gouvernement italien a adopté le decreto-legge n° 262 (su) disposizioni urgenti in materia tributaria e finanziaria (décret-loi n° 262 portant dispositions urgentes en matière fiscale et financière, GURI n° 230, du 3 octobre 2006, ci-après le « décret-loi n° 262 »). Le 24 novembre 2006, le décret-loi n° 262 a été converti en loi, après modification, par la legge n° 286 (loi n° 286, supplément ordinaire à la GURI n° 277, du 28 novembre 2006).

9        Le décret-loi n°  introduit un modèle de convention unique, prévoyant que toutes les conventions de concessions autoroutières conclues après son entrée en vigueur seraient rédigées selon le même modèle et respecteraient les mêmes principes. Cette convention unique devait remplacer toutes les conventions autoroutières existantes lors de leur première révision périodique suivant l’entrée en vigueur du décret-loi n° 262, sous peine de révocation automatique d’une convention existante en cas de non-acceptation des nouvelles conditions par le concessionnaire.

10      Par lettre du 18 octobre 2006, la Commission, ayant pris acte des développements évoqués ci-dessus, a informé les autorités italiennes de son appréciation préliminaire selon laquelle la République italienne avait violé l’article 21 du règlement n° 139/2004 en faisant obstacle de manière injustifiée à la concentration.

11      Après avoir reçu l’appréciation préliminaire de la Commission, les autorités italiennes ont décidé de priver d’effet l’avis contraignant du 4 août 2006 rendu conjointement par le ministre des Infrastructures italien et par le ministre de l’Économie et des Finances italien ainsi que la décision de l’ANAS du 5 août 2006.

12      Le 14 novembre 2006, a ouvert une procédure en manquement contre la République italienne en vertu de l’article 226 CE concernant une possible violation des articles 43 CE et 56 CE dans le cadre de la réforme du système de concession de l’exploitation des autoroutes en Italie et du projet de fusion entre Autostrade et l’intervenante.

13      Le 13 décembre 2006, Autostrade et l’intervenante ont décidé de renoncer à réaliser la concentration, étant donné l’impossibilité d’accomplir l’opération pour l’échéance du 31 décembre 2006, prévue par le projet de fusion que les actionnaires de chacune des entreprises avaient approuvé. Parmi les motifs de cette décision, les deux sociétés ont mentionné dans leur communiqué de presse du 13 décembre 2006, en plus de l’entrée en vigueur du décret-loi n° 262, la difficulté d’obtenir l’autorisation de l’ANAS dans le contexte d’une nouvelle réglementation.

14      Le 31 janvier 2007, la Commission a communiqué aux autorités italiennes une nouvelle appréciation préliminaire au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Elle est parvenue à la conclusion préliminaire que le fait que les autorités italiennes n’avaient pas déterminé à l’avance et de façon suffisamment claire les critères d’intérêt public invoqués pour l’application de la procédure d’autorisation et le fait qu’elles n’avaient pas adopté la décision d’autorisation demandée par Autostrade et ASPI constituaient des mesures au sens de l’article 21 du règlement n° 139/2004 qui avaient contribué à interdire de facto ou à compromettre fortement la réalisation d’une opération de concentration de dimension communautaire. La mise en œuvre de telles mesures sans notification préalable et sans accord de la Commission aurait constitué une violation, par les autorités italiennes, des obligations de communication et de « ne pas agir » prévue à l’article 21 du règlement n° 139/2004. Les mesures en question auraient été incompatibles avec le principe de sécurité juridique et auraient semblé, sur la base des informations disponibles, restreindre de manière injustifiée la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement (articles 43 CE et 56 CE). La Commission a ajouté que, si cette appréciation préliminaire était confirmée, elle pourrait adopter une décision déclarant que la République italienne avait violé l’article 21 du règlement n° 139/2004.

15      Le 18 juillet 2007, après discussions avec les autorités italiennes, la Commission a publié un communiqué de presse dans lequel elle s’est déclarée favorable à la proposition de directive interministérielle, présentée par les autorités italiennes, destinée à clarifier le cadre juridique pour les autorisations de transfert de concessions autoroutières en Italie. La Commission a indiqué que, lorsque cette directive et ses dispositions d’application entreraient en vigueur, elle pourrait clore la procédure qu’elle avait engagée à l’encontre de la République italienne en application de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

16      Le 30 juillet 2007, le ministre des Infrastructures italien, en concertation avec le ministre de l’Économie et des Finances italien, a adopté la Direttiva (su) criteri di autorizzazione alle modificazioni del concessionario autostradale derivanti da concentrazione comunitaria (directive portant critères d’autorisation pour les modifications du concessionnaire autoroutier à la suite des concentrations communautaires, GURI n° 224, du 26 septembre 2007). Le décret d’exécution a été adopté le 29 février 2008 (GURI n° 52, du 3 mars 2008).

17      Par lettre du 19 mars 2008, la requérante a demandé à la Commission de conclure la procédure ouverte à l’égard de la République italienne au sujet de la concentration par une décision déclarant que celle-ci avait violé l’article 21 du règlement n° 139/2004.

18      Le 22 mai 2008, la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a informé la requérante de son intention de proposer l’adoption d’une décision de classement de la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 et l’a invitée à communiquer ses observations sur ce point. La requérante a répondu par lettre du 5 juin 2008.

19      Le 13 août 2008, la Commission a envoyé aux autorités italiennes la lettre qui fait l’objet du présent recours

20      Dans cette lettre, la Commission a informé les autorités italiennes qu’elle accueillait favorablement les développements récents et a indiqué qu’elle estimait notamment que la publication de la directive du 30 juillet 2007 ainsi que l’adoption et la publication du décret d’exécution du 29 février 2008 assuraient que les préoccupations exprimées dans ses appréciations préliminaires adoptées, en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004, respectivement les 18 octobre 2006 et 31 janvier 2007 ne se manifesteraient plus à l’avenir. Au vu de ces considérations, la Commission a indiqué avoir décidé de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 concernant d’éventuelles infractions identifiées lors de l’examen préliminaire du 31 janvier 2007.

21      Elle a ajouté dans cette lettre que, même si elle considérait qu’il n’était plus approprié de poursuivre la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, le cadre réglementaire relatif à la procédure d’autorisation pour le transfert des concessions devait en tout état de cause remplir les conditions générales prévues par les règles du marché intérieur. La Commission a précisé qu’elle réservait sa position à cet égard.

22      Par ailleurs, la Commission a indiqué que, en tout état de cause, elle continuerait de contrôler toute mesure spécifique adoptée en application du nouveau cadre réglementaire, éventuellement applicable à de futures concentrations de dimension communautaire.

23      Enfin, la Commission a précisé dans cette lettre qu’elle ne préjugeait d’aucune autre enquête présente ou future, en particulier de procédures spécifiques instruites par la DG « Marché intérieur » et par la DG « Énergie et transports ».

24      Par lettres du 4 septembre 2008, la Commission a informé la requérante et l’intervenante de sa lettre du 13 août 2008.

25      Par lettre du 15 octobre 2008, la requérante a demandé à la Commission une copie de la lettre du 13 août 2008.

26      Le 16 octobre 2008, la Commission a également clos la procédure en manquement contre la République italienne, ouverte le 14 novembre 2006 en vertu de l’article 226 CE, concernant des restrictions à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement dans le cadre de la réforme du système de concession de l’exploitation des autoroutes en Italie et du projet de fusion entre Autostrade et l’intervenante.

27      Par lettre du 1er décembre 2008, la Commission a transmis à la requérante sa lettre du 13 août 2008.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 2009, la requérante a introduit le présent recours.

29      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

30      Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 25 mai 2009, l’intervenante a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 23 juillet 2009.

31      La requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 15 juin 2009.

32      L’intervenante a déposé son mémoire en intervention limité à la question de la recevabilité du recours le 29 septembre 2009. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 novembre 2009, la requérante a présenté ses observations sur ce mémoire. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ce mémoire.

33      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la ou les décisions contenues dans la lettre de la Commission du 13 août 2008 concernant la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 en ce qui concerne l’opération de concentration entre l’intervenante et Autostrade ;

–        condamner aux dépens ;

–        ordonner toute autre mesure, y compris d’instruction, qu’il juge appropriée.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable sans engager le débat au fond ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

35      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante soutient que le recours est recevable et confirme les conclusions formulées dans la requête.

36      Dans son mémoire en intervention, l’intervenante soutient que le recours est recevable.

 En droit

37      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Ce dernier estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

38      Au soutien de ses conclusions, la Commission soulève une fin de non-recevoir, tirée de la nature de l’acte attaqué.

 Arguments des parties

39      La Commission fait valoir que sa lettre du 13 août 2008 n’a pas le contenu que lui attribue la requérante.

40      En effet, ladite lettre ne contiendrait ni une approbation explicite des mesures réglementaires adoptées par les autorités italiennes en juillet 2007 et en février 2008, ni une appréciation implicite de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures nationales qui avaient fait l’objet de la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Cette lettre ferait seulement état de la décision de ne pas poursuivre la procédure précédemment ouverte au titre de l’article 21 dudit règlement.

41      S’agissant de la nature et de la fonction des décisions prises en vertu de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, la Commission serait compétente pour adopter une décision relative à la compatibilité avec les principes généraux et avec les autres dispositions du droit communautaire des intérêts publics protégés par un État membre autres que ceux expressément reconnus comme légitimes au deuxième alinéa du même paragraphe, même en l’absence de communication de ces intérêts par l’État membre concerné.

42      Selon la Commission, l’article 21 du règlement n° 139/2004 vise à sauvegarder la répartition des interventions des autorités nationales et des autorités communautaires. Le législateur aurait voulu attribuer à la Commission la compétence exclusive pour le contrôle des concentrations de dimension communautaire et garantir que ce contrôle puisse s’effectuer dans de brefs délais.

43      Cela aurait deux corollaires. Premièrement, lorsqu’un État membre adopte des mesures qui ne sont pas justifiées au sens de l’article 21, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 139/2004, la décision que la Commission serait compétente pour adopter au sens du troisième alinéa de cette disposition remplirait une fonction analogue à celle d’une procédure au titre de l’article 226 CE. Deuxièmement, cette décision constituerait un instrument particulièrement adéquat pour répondre aux exigences spécifiques de rapidité inhérentes au contrôle des concentrations, puisqu’elle viserait à obtenir une décision communautaire dans les brefs délais visés par le règlement n° 139/2004 et à éviter le risque qu’une décision de ce genre n’intervienne qu’après que les mesures nationales ont déjà définitivement compromis l’opération de concentration de dimension communautaire.

44      La Commission affirme que la décision de la Commission de ne pas donner suite à une procédure au titre de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004 n’est pas un acte attaquable.

45      À cet égard, elle fait observer que, selon une jurisprudence constante, une demande d’annulation dirigée contre une décision de la Commission de ne pas engager de procédure en manquement contre un État membre est irrecevable. Il résulterait de l’économie de l’article 226 CE que la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure au sens de cette disposition, mais qu’elle dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d’exiger de l’institution qu’elle prenne position dans un sens déterminé et d’introduire un recours en annulation contre son refus d’agir.

46      Le même principe aurait été affirmé à propos des recours dirigés contre le refus, de la part de la Commission, d’adopter une décision adressée à un État membre en vertu de l’article 86, paragraphe 3, CE.

47      Selon la Commission, comme dans le cas d’un refus d’engager ou de poursuivre une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE ou d’adopter une décision au titre de l’article 86, paragraphe 3, CE, le refus d’adopter une décision en vertu de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, ou, en tout état de cause, d’engager ou de poursuivre la procédure, ne produit pas d’effets juridiques contraignants et ne peut faire l’objet d’un recours en annulation de la part d’un particulier.

48      La décision de la Commission au titre de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004 impliquerait l’exercice d’un très large pouvoir discrétionnaire. Il appartiendrait à la Commission de déterminer si, comment et quand il convient d’engager ou de poursuivre la procédure en question, comme dans les situations analogues de violation présumée du droit communautaire de la part d’un État membre, qui peuvent faire l’objet d’une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE ou d’une décision en vertu de l’article 86, paragraphe 3, CE. Ce raisonnement s’appliquerait a fortiori en cas d’absence de notification de la part de l’État membre.

49      La Commission souligne que la situation en cause en l’espèce n’est pas comparable à celle des plaintes en matière d’aides d’État. En effet, la jurisprudence, qui consacrerait l’obligation incombant à la Commission d’adopter une décision adressée à l’État membre à la suite d’une telle plainte et qui admettrait la recevabilité des recours en annulation introduits par les plaignants contre ces décisions, se fonderait sur le constat décisif que la Commission possède une compétence exclusive en ce qui concerne la constatation de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché commun.

50      La Commission ne disposerait d’aucune compétence exclusive pour évaluer la compatibilité des mesures adoptées par un État membre avec l’article 21 du règlement n° 139/2004 ou avec d’autres normes de droit communautaire. L’article 21 du règlement n° 139/2004 serait une disposition d’un règlement qui, en vertu de l’article 249, deuxième alinéa, CE, est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre. Tout juge national pourrait l’appliquer.

51      La Commission ajoute que les dispositions susceptibles d’être enfreintes par les mesures nationales, dont la Commission serait appelée à vérifier la compatibilité par la voie d’une décision au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, sont d’effet direct. Il s’agirait des dispositions du traité CE relatives aux libertés fondamentales, notamment des articles 43 CE et 56 CE.

52      Même si la Commission n’adoptait pas de décision au titre de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, les justiciables pourraient saisir une juridiction nationale pour faire constater la violation soit dudit article 21, soit des dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement. La Commission précise que c’est à cet égard que réside la différence fondamentale entre le mécanisme en cause en l’espèce et celui applicable aux aides d’État. Dans ce dernier cas, le juge national ne jouerait qu’un rôle subalterne dans l’examen de la compatibilité réservé à la Commission.

53      Il en découlerait que la protection juridictionnelle est garantie sans qu’il soit nécessaire de solliciter une décision de la part de la Commission ni de saisir le juge communautaire.

54      Enfin, la Commission fait observer que le recours est à plus forte raison irrecevable que les entreprises concernées ont renoncé à la concentration. La Commission aurait pris sa décision de ne pas poursuivre la procédure au titre de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004 après que les parties à la concentration ont renoncé à la mettre en œuvre.

55      La Commission ne serait pas tenue d’adopter une décision dès lors que la concentration qui devait en faire l’objet a été abandonnée et que, après l’adoption de la décision, il ne serait plus possible que l’État membre s’y conforme. Il conviendrait de reconnaître à la Commission le pouvoir discrétionnaire de renoncer à poursuivre la procédure à plus forte raison lorsque, comme cela serait le cas en l’espèce, le cadre réglementaire national a été modifié de manière positive dans l’intervalle.

56      La requérante rétorque que la lettre de la Commission du 13 août 2008 contient une « décision complexe », voire deux décisions distinctes.

57      En effet, la première, formulée en termes explicites, consisterait en l’approbation par la Commission des mesures réglementaires relatives aux procédures d’autorisation pour le transfert des concessions autoroutières, introduites dans l’ordre juridique italien en juillet 2007 et en février 2008. La seconde, formulée en termes implicites, concernerait l’appréciation de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures nationales qui ont fait l’objet de la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

58      La décision implicite se déduirait de la clôture de la procédure en question, communiquée à la République italienne par la lettre du 13 août 2008. Cette clôture exclurait logiquement la constatation de l’existence de la violation du droit communautaire envisagée initialement dans l’appréciation préliminaire de la Commission du 31 janvier 2007 en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Si, au contraire, la Commission avait considéré la violation comme existante, elle aurait dû, au lieu de clore la procédure, constater formellement cette violation par une décision formelle. La requérante ajoute que, dans le cas où la lettre du 13 août 2008 ne contiendrait pas la décision implicite, cela impliquerait que la Commission n’avait pas encore pris position quant à l’existence de la violation du droit communautaire envisagée initialement dans l’appréciation préliminaire, ce qui rendrait la décision explicite arbitraire et illogique.

59      Selon la requérante, cette appréciation de la lettre du 13 août 2008 ressort notamment de la comparaison de cette dernière avec les appréciations préliminaires du 18 octobre 2006 et du 31 janvier 2007. En effet, à ces dates, la Commission aurait considéré les mesures prises par la République italienne comme illégales. À la suite de la modification de l’ordre juridique italien en juillet 2007 et en février 2008, ces mesures n’auraient plus fait obstacle à la clôture de la procédure. La lettre du 13 août 2008 serait donc le résultat d’une appréciation nouvelle et différente de ces mesures.

60      La requérante ajoute que son interprétation de la lettre du 13 août 2008 est confirmée par les explications de la Commission dans sa lettre du 16 mars 2009 adressée à l’intervenante (voir également points 74 et 75 ci-après).

61      La requérante rappelle que la procédure en manquement ouverte le 14 novembre 2006, en vertu de l’article 226 CE, concernant une possible violation des articles 43 CE et 56 CE, a été close le 16 octobre 2008. Cette clôture aurait ôté tout effet juridique à la réserve, contenue dans la lettre du 13 août 2008, concernant la compatibilité du cadre réglementaire italien relatif à la procédure d’autorisation de transfert des concessions autoroutières avec les règles du marché intérieur.

62      Selon la requérante, la procédure ouverte en vertu de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 ne peut pas être assimilée complètement à une procédure ouverte en vertu de l’article 226 CE. En effet, les pouvoirs de la Commission, dans le cadre d’une vérification en vertu de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004, seraient strictement liés au contexte de l’appréciation d’une opération de concentration spécifique et de dimension communautaire à laquelle se rapportent les mesures nationales litigieuses. Il en découlerait la nécessité qu’une décision soit adoptée dans les délais les plus brefs compatibles avec les intérêts commerciaux des parties à l’opération. La procédure en manquement au titre de l’article 226 CE ne serait pas en mesure de satisfaire à cette exigence. En outre, la procédure en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004 conduirait à l’adoption par la Commission d’une décision juridiquement contraignante à l’égard d’un État membre et susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation de la part de ce dernier, contrairement à ce qui se passerait dans le cas d’une procédure en vertu de l’article 226 CE.

63      Selon la requérante, la Commission n’a pas le pouvoir d’apprécier s’il convient ou non de procéder à l’examen des mesures nationales de blocage d’une opération fondée sur des intérêts différents de ceux mentionnés à l’article 21, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 139/2004, et elle ne peut pas non plus décider du moment opportun pour introduire un éventuel recours. La Commission devrait agir immédiatement, avant que son action ne soit rendue tardive et inutile par l’abandon de la concentration, à laquelle les parties – malgré l’autorisation effective de l’opération par la Commission – seraient contraintes par le blocage effectué par l’État membre concerné. Il serait logique que la Commission n’ait pas non plus le pouvoir, une fois ouverte la procédure en vertu de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004, de ne pas poursuivre l’examen de l’affaire.

64      La requérante souligne également les différences entre la procédure prévue par l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 et celle prévue par l’article 86, paragraphe 3, CE. En effet, la première procédure viserait, contrairement à la seconde, à garantir le principe de la compétence exclusive de la Commission en matière de contrôle des concentrations de dimension communautaire. En outre, l’important pouvoir d’appréciation dont disposerait la Commission en vertu de l’article 86, paragraphe 3, CE devrait être relié à l’obligation qu’a la Commission en vertu du paragraphe 2 de cet article de tenir compte des exigences inhérentes au rôle particulier des entreprises concernées et au fait que les autorités des États membres disposent dans certains cas d’un pouvoir d’appréciation tout aussi large pour réglementer certaines matières pouvant faire partie du secteur d’activité desdites entreprises. Ce principe ne serait pas applicable aux pouvoirs dont la Commission dispose en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

65      Contrairement à ce qu’allèguerait la Commission, une décision de clore une procédure d’examen en vertu de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 aurait des effets juridiques contraignants pour les parties à la concentration, a fortiori si cette dernière est autorisée. En effet, à la lumière du caractère exclusif de la compétence de la Commission pour l’application de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004, une telle décision aurait l’effet juridique contraignant de rendre « définitif et inamovible », sauf par la voie juridictionnelle, l’obstacle à la réalisation de l’opération qui est à l’origine de la mesure nationale de blocage. Une décision de la Commission de clore une procédure d’examen en vertu de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 pourrait être comparée à une décision de ne pas autoriser une opération de concentration qui, après examen, serait considérée comme incompatible avec le marché commun en vertu de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, cette dernière décision étant manifestement considérée comme ayant des effets juridiques contraignants.

66      En outre, la requérante fait valoir que, pour apprécier tant la légitimité des intérêts différents de ceux qui sont expressément qualifiés de légitimes par le deuxième alinéa de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004, que la compatibilité avec le droit communautaire des mesures que l’État membre entend adopter, la Commission jouit d’une compétence exclusive en vertu du paragraphe 2 de cet article. Par conséquent, si le recours était déclaré irrecevable, la requérante serait privée du droit à une protection juridictionnelle effective. De plus, à la lumière des obligations de notification et de « ne pas agir » prévues à l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 pour l’État membre concerné, la procédure en cause s’apparenterait étroitement à celle du contrôle des aides d’État.

67      Contrairement à ce qu’affirmerait la Commission, les juridictions nationales n’auraient pas de compétence concurrente avec celle de la Commission dans l’application de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004. Ce règlement reposerait sur le principe d’une répartition précise des compétences entre les autorités de contrôle nationales et communautaires. La Commission serait seule compétente pour prendre toutes les décisions relatives aux opérations de concentration de dimension communautaire. Ainsi qu’il ressortirait de son considérant 17, le règlement n° 139/2004 conférerait à la Commission, sous réserve du contrôle de la Cour, une compétence exclusive pour son application.

68      À cet égard, la requérante ajoute qu’il ne serait pas concrètement possible de mettre en œuvre l’hypothèse de la compétence concurrente du juge national dans la mesure où il n’existerait aucun critère de coordination clair et applicable.

69      Le juge national auquel les parties s’adresseraient devrait se déclarer incompétent dans la mesure où l’appréciation de la compatibilité des intérêts visés à l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, ainsi que de leur caractère adéquat, proportionnel et non discriminatoire, serait réservée à la Commission selon le paragraphe 2 de cet article. La possibilité, pour la requérante, d’obtenir devant un juge national la protection de ses droits, fondés sur le droit communautaire et lésés par les mesures de blocage nationales, serait exclue à plus forte raison dans la mesure où la décision de clore la procédure dans l’affaire en cause serait implicitement fondée sur une appréciation de la compatibilité des mesures nationales qui auraient fait l’objet de la procédure ouverte en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Se poserait donc la question de savoir pourquoi le juge national devrait adopter une approche divergente de celle déjà adoptée par la Commission.

70      Aux fins d’éviter un refus de protection juridictionnelle, la jurisprudence selon laquelle un particulier, directement et individuellement concerné par une décision et ayant un intérêt à en obtenir l’annulation, pourrait demander cette dernière au juge dans le cas d’une décision de la Commission de ne pas ouvrir de procédure en vertu de l’article 88 CE à l’égard d’un État membre devrait être transposable au cas d’espèce. La décision de la Commission visant à ne pas poursuivre la procédure en vertu de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 serait donc un acte attaquable.

71      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel le recours est irrecevable en raison de l’abandon de la concentration décidé par Autostrade et l’intervenante le 13 décembre 2006, la requérante affirme que, si un tel argument était pertinent, il faudrait qualifier de contraire au principe de bonne administration le comportement de la Commission qui aurait notifié sa seconde appréciation préliminaire le 31 janvier 2007 aux autorités italiennes.

72      L’intérêt concret et actuel de la requérante serait également lié à son intention de faire valoir la responsabilité de la République italienne pour violation du droit communautaire, en agissant au civil devant les juridictions nationales pour obtenir réparation du préjudice subi en conséquence de l’abandon forcé de la concentration.

73      La jurisprudence invoquée par la Commission, selon laquelle un recours en manquement doit être considéré sans objet si l’abandon d’une concentration par les parties a lieu avant l’échéance du délai prévu pour le « retrait de l’infraction », fixé par la Commission dans un avis motivé adopté en vertu de l’article 226 CE, ne serait pas pertinente en l’espèce. En effet, la Commission n’aurait pas exercé les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 226 CE.

74      L’intervenante soutient l’argumentation de la requérante. S’agissant du contenu de la lettre du 13 août 2008, elle ajoute que la Commission l’en a informée, par lettre du 4 septembre 2008. En raison du manque de clarté de la lettre du 4 septembre 2008, elle aurait, par lettre du 9 mars 2009, demandé à la Commission des explications, qu’elle aurait obtenues le 16 mars 2009.

75      La lettre de la Commission du 16 mars 2009 confirmerait l’interprétation de la requérante selon laquelle la Commission a adopté une décision explicite d’approbation des mesures réglementaires adoptées par les autorités italiennes en juillet 2007 et en février 2008. En effet, dans cette lettre, la Commission indiquerait qu’elle a décidé de ne pas poursuivre la procédure d’infraction au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 parce qu’elle estimait que le cadre réglementaire mis en place par les autorités italiennes, en explicitant la procédure de transfert des concessions autoroutières en Italie, mettait fin aux doutes exprimés par la Commission dans son appréciation préliminaire adressée à la République italienne le 31 janvier 2007.

76      En outre, selon l’intervenante, l’interprétation de la lettre du 13 août 2008 effectuée par la Commission est incohérente avec la formulation de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004 dans la mesure où, en vertu de ce même article, la Commission devrait examiner la compatibilité des mesures nationales avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant de reconnaître l’intérêt public en cause.

77      S’agissant de la prétendue analogie entre les procédures au titre de l’article 226 CE et de l’article 86, paragraphe 3, CE, d’une part, et la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, d’autre part, l’intervenante soutient que l’objet et la finalité de l’article 21 dudit règlement diffèrent de ceux de l’article 226 CE et de l’article 86, paragraphe 3, CE.

78      À cet égard, l’intervenante souligne que l’article 21 du règlement n° 139/2004, qui viserait à protéger la compétence exclusive de la Commission, doit être interprété dans son contexte et dans le cadre des objectifs poursuivis par ce règlement. Dans la mesure où le règlement n° 139/2004 réglementerait les transactions entre personnes privées, la procédure au titre de l’article 21 dudit règlement ne saurait être séparée des droits et des attentes des parties concernées par la concentration en cause, surtout lorsque ces derniers ont été violés par l’action de l’État que l’article 21 du règlement n° 139/2004 aurait pour objectif de réprimer. Ces considérations s’opposeraient à l’« objectif généraliste » de l’article 226 CE, dans le cadre duquel une transaction entre personnes privées ne serait pas en jeu, et à l’exigence de protéger une compétence exclusive.

79      De plus, selon l’intervenante, l’article 21 du règlement n° 139/2004 revêt le caractère de lex specialis par rapport à l’article 226 CE.

80      L’intervenante fait valoir que les considérations qui s’opposent à l’analogie entre l’article 226 CE et l’article 21 du règlement n° 139/2004 permettent mutatis mutandis de rejeter l’analogie entre cette dernière disposition et l’article 86, paragraphe 3, CE.

81      En outre, en raison de la compétence exclusive de la Commission pour prendre toutes les décisions relatives aux opérations de concentration de dimension communautaire, la requérante serait privée, en cas d’irrecevabilité du recours, du droit à une protection juridictionnelle effective.

82      S’agissant de l’analogie entre la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 et celle au titre de l’article 88 CE, l’intervenante ajoute que la Commission dispose du pouvoir tant de déclarer la compatibilité des opérations de concentration de dimension communautaire avec le marché commun que d’apprécier la compatibilité des aides d’État avec les règles du marché commun. En outre, les deux procédures prévoiraient les obligations de notification préalable et de « ne pas agir », et répondraient à des exigences de rapidité. De plus, tout comme dans le cas de l’article 88, paragraphe 3, CE, dont la dernière phrase aurait des effets directs, le juge national pourrait, en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004, empêcher que soient adoptées des dispositions étatiques portant atteinte à la compétence exclusive de la Commission.

83      En tout état de cause, le juge national ne saurait accueillir une demande en réparation de dommages, fondée sur une infraction à l’obligation de « ne pas agir » visée à l’article 21 du règlement n° 139/2004, si cette demande se fonde sur le blocage de la concentration prévue. En effet, le juge national ne serait pas en mesure d’établir l’existence d’un lien de causalité entre les dommages causés et la violation de l’obligation de « ne pas agir ». Il appartiendrait à la Commission de déclarer que les obligations prévues à l’article 21 du règlement n° 139/2004 ont été violées. La Commission devrait donc se prononcer sur cette violation afin que le juge national puisse statuer sur la réparation des dommages. La décision de la Commission de ne pas poursuivre la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 aurait privé la requérante et l’intervenante du droit à l’obtention d’une réparation par l’État, découlant d’une décision qui aurait seulement pu être adoptée par la Commission en vertu de cette même disposition.

84      En outre, selon l’intervenante, à la différence de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE qui permet à l’État membre concerné de récupérer l’aide versée, la procédure prévue à l’article 21 du règlement n° 139/2004 ne prévoit pas la possibilité pour les parties à la concentration de retrouver la situation initialement approuvée par la Commission, une fois qu’elles ont dû renoncer à l’opération prévue. Il serait donc nécessaire que la Commission adopte une décision de compatibilité en vertu de l’article 21 dudit règlement.

85      S’agissant de l’argumentation de la Commission relative à l’abandon de la concentration en cause, l’intervenante fait observer que les intérêts des parties à la concentration peuvent être protégés seulement si la Commission adopte une décision en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004. La Commission serait la seule institution compétente pour adopter une telle décision. En outre, l’interprétation de la Commission priverait de contenu la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 dans la mesure où, si la Commission n’est pas tenue de prendre une décision une fois que cette procédure est engagée, tout État souhaitant bloquer une opération de concentration pourrait le faire en adoptant des dispositions visant à empêcher la mise en œuvre d’une concentration approuvée par la Commission.

 Appréciation du Tribunal

86      Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. Pour déterminer si un acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance. La forme dans laquelle des actes ou des décisions sont pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité de les attaquer par un recours en annulation (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et ordonnance du Tribunal du 22 février 2008, Base/Commission, T‑295/06, non publié au Recueil, point 56, et la jurisprudence citée).

87      Le présent recours a pour objet la ou les décisions contenues dans la lettre du 13 août 2008 dans laquelle la Commission informe la République italienne de sa décision de ne pas poursuivre la procédure ouverte dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 concernant d’éventuelles infractions identifiées lors de l’examen préliminaire du 31 janvier 2007.

88      Selon la requérante, d’une part, cette lettre contient une décision explicite consistant en l’approbation par la Commission des mesures réglementaires relatives aux procédures d’autorisation pour le transfert des concessions autoroutières adoptées par les autorités italiennes, à savoir la directive du 30 juillet 2007 et le décret d’exécution du 29 février 2008 (voir point 16 ci-dessus). D’autre part, cette lettre contiendrait une décision implicite portant appréciation de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures des autorités italiennes faisant l’objet de la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, à savoir le défaut de détermination à l’avance et de façon suffisamment claire des critères d’intérêt public invoqués pour l’application de la procédure d’autorisation et du défaut d’adoption de la décision d’autorisation demandée par Autostrade et ASPI (voir point 14 ci-dessus).

89      En ce qui concerne, premièrement, la prétendue décision explicite concernant les mesures réglementaires italiennes, il convient de relever que le libellé de la lettre du 13 août 2008 n’étaye pas l’interprétation de la requérante. En effet, s’agissant de la directive du 30 juillet 2007 et du décret d’exécution du 29 février 2008, la Commission a indiqué qu’elle accueillait favorablement ces développements et qu’elle estimait que ces mesures normatives assuraient que les préoccupations exprimées dans ses appréciations préliminaires du 18 octobre 2006 et du 31 janvier 2007 ne se reproduiraient plus à l’avenir. Elle a précisé dans cette lettre que, au vu de ces considérations, elle avait décidé de ne pas poursuivre la procédure ouverte dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 concernant d’éventuelles infractions identifiées lors de l’examen préliminaire du 31 janvier 2007 (voir point 20 ci-dessus). À cet égard, la lettre a donc un caractère strictement procédural. En outre, dans cette lettre, une distinction est clairement établie entre l’appréciation de la Commission concernant les mesures réglementaires en cause et sa décision concernant la poursuite de la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

90      Il ressort en effet de la structure de la lettre que les considérations concernant les mesures réglementaires en cause ne visent qu’à expliquer et à motiver la décision prise par la Commission de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

91      Cette interprétation est corroborée par la déclaration de la Commission, dans cette lettre, selon laquelle, même si elle considère qu’il n’est plus approprié de poursuivre la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, le cadre réglementaire relatif à la procédure d’autorisation pour le transfert de concessions doit en tout état de cause remplir les conditions générales prévues par les règles du marché intérieur. La Commission précise ainsi qu’elle réserve sa position à cet égard (voir point 21 ci-dessus).

92      Il convient de surcroît de rappeler que la Commission avait ouvert, par acte séparé, le 14 novembre 2006, une procédure en manquement contre la République italienne en vertu de l’article 226 CE concernant une possible violation des articles 43 CE et 56 CE dans le cadre de la réforme du système de concession de l’exploitation des autoroutes en Italie et du projet de fusion entre Autostrade et l’intervenante, qui avait été close le 16 octobre 2008 (voir points 12 et 26 ci-dessus). Au moment de la clôture de la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, l’examen du cadre réglementaire applicable au transfert de concessions autoroutières n’était donc pas encore terminé.

93      Quant à l’argument de la requérante et de l’intervenante relatif au libellé de la lettre de la Commission du 16 mars 2009, il convient de relever que la Commission a joint à celle-ci sa lettre du 13 août 2008 supposée contenir la prétendue décision explicite. À cet égard, force est de constater que, au vu du contenu non ambiguë de la lettre du 13 août 2008 concernant la question de savoir si la Commission a adopté la prétendue décision explicite (voir points 89 à 91 ci-dessus), cet argument ne saurait être accueilli.

94      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la lettre du 13 août 2008 ne contient pas de décision explicite de la Commission approuvant la directive du 30 juillet 2007 et le décret d’exécution du 29 février 2008.

95      En ce qui concerne, deuxièmement, la prétendue décision implicite concernant les mesures des autorités italiennes relatives au projet de concentration en cause, la requérante fonde son argumentation, en substance, sur une comparaison de la lettre du 13 août 2008 avec les appréciations préliminaires du 18 octobre 2006 et du 31 janvier 2007. Elle affirme que, étant donné que les mesures des autorités italiennes faisant l’objet de ces appréciations préliminaires ne faisaient plus obstacle à la clôture de la procédure en cause, la lettre en cause contient implicitement une appréciation nouvelle et différente de ces mesures.

96      À cet égard, il convient de relever qu’une telle interprétation ne trouve aucun appui dans le libellé de la lettre du 13 août 2008.

97      Il est vrai que, aux termes des appréciations préliminaires du 18 octobre 2006 et du 31 janvier 2007, la Commission estimait, en ce qui concerne l’opération de concentration envisagée entre Autostrade et l’intervenante, que la République italienne avait enfreint l’article 21 du règlement n° 139/2004 et que les mesures prises par les autorités italiennes étaient incompatibles avec le principe de sécurité juridique et semblaient restreindre de manière injustifiée la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement (voir points 10 et 14 ci-dessus).

98      Cependant, il ressort de la lettre du 13 août 2008 que la décision de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 a été prise au vu des développements réglementaires intervenus en Italie après l’adoption de l’appréciation préliminaire du 31 janvier 2007 par la Commission. Ce motif de clôture de la procédure en cause ressort également du communiqué de presse du 18 juillet 2007 de la Commission, dans lequel cette dernière se déclare favorable à la proposition des autorités italiennes de directive interministérielle destinée à clarifier le cadre juridique pour les autorisations de transfert de concessions autoroutières en Italie. La Commission y a en effet indiqué que, lorsque cette directive et ses dispositions d’application entreraient en vigueur, elle pourrait clore la procédure qu’elle avait engagée à l’encontre de la République italienne en application de l’article 21 du règlement n° 139/2004 (voir point 15 ci-dessus). La clôture de la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, dudit règlement a donc été effectuée indépendamment de l’appréciation, par la Commission, de la compatibilité avec le droit communautaire des mesures des autorités italiennes faisant l’objet de cette procédure.

99      En outre, il ressort de l’appréciation préliminaire du 31 janvier 2007 de la Commission que cette dernière estimait disposer d’un pouvoir discrétionnaire concernant la poursuite d’une procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004. En effet, après avoir constaté dans cette appréciation que la République italienne avait violé l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 et que les mesures des autorités italiennes étaient incompatibles avec le droit communautaire, la Commission a indiqué que, si son appréciation était confirmée, elle pourrait adopter une décision déclarant que la République italienne avait violé l’article 21 dudit règlement (voir point 14 ci-dessus). La Commission estimait donc avoir la faculté, mais non l’obligation, d’adopter une telle décision. La République italienne, en tant que destinataire de la lettre du 13 août 2008, devait donc comprendre que la Commission ne voulait qu’exercer son pouvoir discrétionnaire allégué de ne plus poursuivre la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004.

100    La requérante a également été informée du fait que la Commission estimait disposer d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard. En effet, dans sa lettre du 22 mai 2008 adressée à la requérante (voir point 18 ci-dessus), la Commission a informé celle-ci de son intention de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. À cet égard, elle a précisé qu’elle disposait du pouvoir discrétionnaire d’ouvrir et de poursuivre une procédure au titre de cette disposition et qu’elle pouvait décider de ne pas le faire si, à son avis, l’avantage dérivé du comportement coopératif des autorités nationales contrebalançait la nécessité de sanctionner les manquements de ces autorités dans le passé.

101    Par conséquent, la décision de la Commission de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 n’impliquait pas l’adoption d’une appréciation nouvelle des mesures nationales en cause.

102    Quant à l’argumentation de la requérante et de l’intervenante, selon laquelle la lettre du 13 août 2008 devait contenir la prétendue décision implicite en raison de la formulation de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004, il y a lieu de relever que celle-ci ne tient pas compte du pouvoir discrétionnaire évoqué par la Commission (voir points 99 et 100 ci-dessus). Au lieu de prendre une décision concernant la compatibilité des mesures nationales en cause avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire, la Commission a indiqué expressément dans la lettre du 13 août 2008 qu’elle avait décidé de ne pas poursuivre la procédure au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004. Cette décision a été fondée sur le prétendu pouvoir discrétionnaire de la Commission à cet égard. Contrairement à ce qu’allèguent la requérante et l’intervenante, une telle décision n’équivaut pas à une décision sur la compatibilité des mesures des autorités italiennes relatives au projet de concentration en cause.

103    Par conséquent, la lettre du 13 août 2008 ne contient pas la décision implicite évoquée par la requérante.

104    Dans cette lettre, la Commission communique donc seulement sa décision de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 concernant d’éventuelles infractions identifiées lors de l’examen préliminaire du 31 janvier 2007.

105    Il convient dès lors d’examiner si cette mesure constitue un acte attaquable au sens de la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus.

106    La mesure en cause concerne une procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004.

107    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que l’article 21 du règlement n° 139/2004 concerne l’application dudit règlement et la répartition des compétences entre la Commission et les États membres. Les opérations de concentration qui ne sont pas visées par ce règlement relèvent en principe de la compétence des États membres. Inversement, la Commission est seule compétente pour prendre toutes les décisions relatives aux opérations de concentration de dimension communautaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 25 septembre 2003, Schlüsselverlag J.S. Moser e.a./Commission, C‑170/02 P, Rec. p. I‑9889, point 32, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, Rec. p. I‑6079, point 50).

108    Il ressort de l’article 21, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 139/2004 que la compétence exclusive de la Commission, telle qu’énoncée au paragraphe 2 de cet article, ne concerne que la protection des intérêts qui sont pris en considération par ledit règlement, à savoir les intérêts relatifs à la protection de la concurrence. À l’égard de ces intérêts, la Commission est habilitée à prendre une décision déclarant une concentration compatible ou incompatible avec le marché commun, en vertu de l’article 8, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 139/2004.

109    En revanche, cette compétence exclusive de la Commission ne s’oppose pas à ce que les États membres puissent prendre des mesures appropriées afin d’assurer la protection d’intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le règlement n° 139/2004, ainsi que le souligne le considérant 19 dudit règlement. Toutefois, à cet égard, la Commission dispose, en vertu de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, d’un pouvoir de contrôle relatif au respect des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire par l’État membre pour assurer l’effectivité de sa décision prise en vertu de l’article 8 du même règlement.

110    Deuxièmement, il convient de constater que le règlement n° 139/2004 ne concerne que le contrôle d’opérations concrètes de concentration entre entreprises. En effet, selon l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement, les concentrations de dimension communautaire visées par ce règlement doivent être notifiées à la Commission avant leur réalisation et après la conclusion de l’accord, la publication de l’offre publique d’achat ou d’échange ou l’acquisition d’une participation de contrôle. En outre, selon l’article 8, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 139/2004, la Commission est habilitée à prendre une décision relative à la concentration notifiée déclarant celle-ci compatible ou incompatible avec le marché commun.

111    Il ressort de ce qui précède que la procédure prévue à l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 a trait au contrôle d’opérations concrètes de concentration par la Commission en vertu dudit règlement. S’agissant des intérêts relatifs à la protection de la concurrence, visés par le règlement n° 139/2004, la Commission dispose d’une compétence exclusive pour prendre une décision déclarant une opération de concentration compatible ou incompatible avec le marché commun en vertu de l’article 8 dudit règlement. S’agissant des intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le règlement n° 139/2004, leur contrôle par la Commission, prévu à l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, dudit règlement, assure l’effectivité de la décision de la Commission prise en vertu de l’article 8 du même règlement.

112    Lorsqu’un État membre communique un intérêt public, autre que ceux pris en considération par le règlement n° 139/2004, dont il souhaite assurer la protection, la Commission ouvre la procédure de contrôle prévue à l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, de ce règlement. Elle est tenue, ensuite, de procéder à l’examen de la compatibilité de cet intérêt avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant de notifier sa décision à l’État membre concerné dans un délai de 25 jours ouvrables à dater de ladite communication, en évitant, dans la mesure du possible, que sa décision n’intervienne qu’après que les mesures nationales ont déjà définitivement compromis l’opération de concentration envisagée (voir, par analogie, arrêt Portugal/Commission, point 107 supra, point 55). Dans un tel cas, la Commission est donc obligée, afin d’assurer l’effectivité de sa décision prise en vertu de l’article 8 du règlement n° 139/2004, d’adopter à l’égard de l’État membre concerné une décision consistant ou bien en la reconnaissance de l’intérêt en cause au vu de sa compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire, ou bien en la non-reconnaissance de cet intérêt au vu de son incompatibilité avec ces principes et dispositions.

113    Ces mêmes considérations sont valables dans les cas, comme en l’espèce, où la procédure prévue à l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 n’a pas été déclenchée par une communication de l’État membre, mais a été engagée par la Commission d’office, comme admis par la Cour dans l’arrêt Portugal/Commission, point 107 supra (point 60), dès lors que le caractère de la procédure en cause n’a pas changé pour ce qui est du reste.

114    Or, il convient de relever que, en l’espèce, le projet de concentration entre Autostrade et l’intervenante a été abandonné le 13 décembre 2006. La décision de ces deux sociétés de renoncer à réaliser ce projet a été rendue publique par celles-ci dans un communiqué de presse du même jour (voir point 13 ci-dessus).

115    À cet égard, premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il a été exposé aux points 107 à 111 ci-dessus, la procédure au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 se réfère au contrôle des opérations concrètes de concentration par la Commission prévu dans le règlement. Le contrôle des intérêts, par la Commission, visés à l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, dudit règlement, a pour objectif d’assurer l’effectivité des décisions de la Commission prises en vertu de l’article 8 du même règlement.

116    Deuxièmement, la compétence de la Commission pour adopter une décision au titre de l’article 8 du règlement n° 139/2004 dépend, comme le précise l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement, de la « conclusion de l’accord » de concentration. De même que la Commission n’est pas compétente pour adopter une décision au titre du règlement n° 139/2004 avant la conclusion d’un tel accord, elle cesse d’être compétente aussitôt que cet accord vient à être résilié, quand bien même les entreprises concernées poursuivraient leurs négociations en vue de la conclusion d’un accord « sous une autre forme » (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 89).

117    Par conséquent, en raison de l’abandon du projet de concentration en cause par Autostrade et l’intervenante le 13 décembre 2006 et étant donné que le contrôle des intérêts visés à l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 a pour objectif d’assurer l’effectivité des décisions prises par la Commission en vertu de l’article 8 du règlement n° 139/2004, celle-ci n’était plus compétente pour clore la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, dudit règlement par une décision relative à la reconnaissance d’un intérêt public protégé par les mesures nationales en cause.

118    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que la procédure prévue à l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 n’a pas seulement une fonction objective, mais aussi une fonction subjective, à savoir celle de protéger les intérêts des entreprises concernées relatifs au projet de concentration envisagé dans l’optique d’assurer la sécurité juridique et la célérité de la procédure prévue par ledit règlement. À cet égard, il convient de relever que, en raison de l’abandon du projet de concentration par les entreprises concernées, la fonction subjective était devenue caduque. Dès lors que le projet de concentration en cause a été abandonné, il n’y avait plus lieu de protéger les intérêts des entreprises concernées relatifs à ce projet.

119    C’est également en raison de l’abandon du projet de concentration que la clôture par la Commission de la procédure en cause ne saurait équivaloir à une décision de la Commission déclarant une concentration incompatible avec le marché commun en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004. Cette dernière disposition concerne en effet uniquement les cas où le projet de concentration n’a pas été abandonné par les entreprises concernées (voir point 116 ci-dessus).

120    Il convient donc de conclure que la Commission n’était plus compétente pour clore la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 par une décision relative à la reconnaissance d’un intérêt public protégé par les mesures nationales en cause. À cet égard, il y a lieu de relever que rien n’indique que, en l’espèce, la Commission a pris une décision excédant ses compétences. La décision du 13 août 2008 n’a donc pas produit d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci. La Commission ne pouvait que prendre la décision formelle de classer la procédure en cause. La décision du 13 août 2008 de ne plus poursuivre ladite procédure n’a pas eu d’autre effet et ne peut donc constituer un acte attaquable.

121    L’argumentation de la requérante selon laquelle le recours en annulation conserverait à tout le moins un intérêt en tant que fondement d’un recours éventuel en responsabilité à l’encontre de la République italienne ne saurait compenser le fait que, en raison de l’abandon du projet de concentration le 13 décembre 2006, la décision du 13 août 2008 ne produit pas d’effets juridiques obligatoires pour la requérante.

122    Cette conclusion est corroborée par le fait que, après l’abandon du projet de concentration en cause, la procédure effectivement menée par la Commission au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 revêtait le caractère d’une procédure d’infraction introduite à l’encontre de la République italienne.

123    En effet, dans ses conclusions de son appréciation préliminaire du 31 janvier 2007, la Commission a défini tout d’abord les mesures prises par les autorités italiennes au sens de l’article 21 du règlement n° 139/2004 avant de constater que, en les mettant en œuvre, la République italienne avait violé l’article 21, paragraphe 4, dudit règlement et que ces mesures étaient incompatibles avec le droit communautaire. La Commission a indiqué ensuite que, si cette appréciation préliminaire était confirmée, elle pourrait adopter une décision déclarant que la République italienne avait violé l’article 21 du règlement n° 139/2004.

124    Par la poursuite de la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004, après l’abandon du projet de concentration en cause, la Commission n’envisageait donc plus de prendre une décision relative à la reconnaissance d’un intérêt public protégé par les mesures nationales en cause, mais plutôt une décision déclarant que la République italienne avait violé l’article 21 dudit règlement. Ce faisant, elle a donc effectivement quitté le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 en poursuivant celle-ci en tant que procédure en manquement telle que celle prévue à l’article 226 CE ou à l’article 86, paragraphe 3, CE.

125    Or, la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour mettre en œuvre des procédures en manquement en vertu de l’article 226 CE (arrêts de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, Rec. p. 291, point 11, et du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission, C‑87/89, Rec. p. I‑1981, point 6 ; ordonnance de la Cour du 10 juillet 2007, AEPI/Commission, C‑461/06 P, non publiée au Recueil, point 24), et de l’article 86, paragraphe 3, CE (arrêt de la Cour du 22 février 2005, Commission/max.mobil, C‑141/02 P, Rec. p. I‑1283, point 69).

126    Par conséquent, c’est également en raison du fait que, après l’abandon du projet de concentration en cause, la procédure effectivement menée par la Commission au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 revêtait le caractère de procédure d’infraction que la décision contenue dans la lettre du 13 août 2008 ne constitue pas un acte attaquable.

127    La conclusion selon laquelle la décision de la Commission du 13 août 2008 de ne pas poursuivre l’examen de l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 ne constitue pas un acte attaquable n’est pas infirmée par les autres arguments de la requérante et de l’intervenante.

128    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a violé le principe de bonne administration au motif qu’elle a adopté, après l’abandon du projet de concentration le 13 décembre 2006, son appréciation préliminaire du 31 janvier 2007, il convient de relever que, même en supposant que cette adoption soit constitutive d’une violation du principe de bonne administration, celle-ci ne pourrait avoir pour effet ni de conférer à la Commission la compétence de prendre une décision relative à la reconnaissance d’un intérêt public protégé par les mesures nationales en cause, ni de conférer le caractère d’acte attaquable à la décision de ne pas poursuivre la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004.

129    S’agissant de l’argument de la requérante et de l’intervenante selon lequel, en cas d’irrecevabilité du recours, la requérante serait privée du droit à une protection juridictionnelle effective, il convient de relever que les dispositions susceptibles d’être enfreintes par les mesures nationales en l’espèce, à savoir les articles 43 CE et 56 CE, sont d’effet direct et que les justiciables peuvent saisir une juridiction nationale pour faire constater leur violation.

130    Enfin, la requérante et l’intervenante invoquent la jurisprudence admettant la recevabilité d’un recours formé par le concurrent d’un bénéficiaire d’une aide d’État et visant à faire constater l’omission par la Commission d’adopter une décision dans le cadre de la phase préliminaire d’examen des aides d’État prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission, T‑95/96, Rec. p. II‑3407, points 49 à 70).

131    À cet égard, il convient de relever que, alors que, en l’espèce, le projet de concentration a été abandonné par les entreprises concernées, les dotations en cause dans l’arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, point 130 supra, n’avaient pas été récupérées.

132    En outre, tandis que la Commission possède une compétence exclusive en ce qui concerne la constatation de l’incompatibilité éventuelle d’une aide d’État avec le marché commun (voir arrêt Gestevisión Telecinco/Commission, point 130 supra, point 54, et la jurisprudence citée), en l’espèce, le juge national peut se prononcer sur la compatibilité des mesures nationales en cause avec les articles 43 CE et 56 CE, de sorte que la requérante n’est pas privée du droit à une protection juridictionnelle effective (voir point 129 ci-dessus).

133    Compte tenu de ces différences, la jurisprudence citée au point 130 ci-dessus n’est donc pas transposable au cas d’espèce.

134    Au vu de tout ce qui précède, il y a donc lieu de constater que la décision de la Commission de ne pas poursuivre la procédure ouverte dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004 ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

135    Dès lors, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

136    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

137    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Schemaventotto SpA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Abertis Infraestructuras, SA supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 septembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’italien.