Language of document : ECLI:EU:F:2008:45

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

23 avril 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Coefficients correcteurs – Transfert d’une partie des émoluments en dehors du pays d’affectation – Pensions – Procédure par défaut – Application dans le temps du règlement de procédure du Tribunal – Fiches de rémunération – Exception d’illégalité – Égalité de traitement entre fonctionnaires – Principe de protection de la confiance légitime, droits acquis, principe de sécurité juridique et devoir de sollicitude – Obligation de motivation »

Dans l’affaire F‑103/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Stephen Pickering, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à La Hulpe (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Joris et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et M. Simm, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras (rapporteur) et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juillet 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 17 octobre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 octobre suivant), le requérant demande l’annulation de ses fiches de rémunération pour les mois de décembre 2004, janvier et février 2005, ainsi que de toutes ses fiches de rémunération subséquentes, dans la mesure où elles font application des dispositions prétendument illégales du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), du règlement (CE, Euratom) n° 856/2004 du Conseil, du 29 avril 2004, fixant, à compter du 1er mai 2004, les coefficients correcteurs (ci-après les « CC ») dont sont affectés les transferts d’une partie des émoluments et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO L 161, p. 6), et du règlement (CE, Euratom) n° 31/2005 du Conseil, du 20 décembre 2004, adaptant, à compter du 1er juillet 2004, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les CC dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2005 L 8, p. 1), en ce que ces dispositions, d’une part, réduisent tant la partie des émoluments transférable en dehors du pays d’affectation que les CC applicables au transfert, d’autre part, réduisent les CC applicables aux droits à pension acquis avant le 1er mai 2004, introduisent une nouvelle condition de résidence pour l’application de ces CC réduits et suppriment les CC pour les droits à pensions acquis à compter du 1er mai 2004. De surcroît, le requérant demande, en tant que de besoin, l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), du 4 juillet 2005, portant rejet de la réclamation qu’il avait introduite à l’encontre de ses fiches de rémunération.

 Cadre juridique

 Concernant le transfert d’une partie des émoluments, affectée de CC

2        L’article 17, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version antérieure au 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut »), disposait :

« 2. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire peut :

a)      faire transférer régulièrement, par l’entremise de l’institution dont il relève, une partie de ses émoluments ne dépassant pas le montant qu’il perçoit au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation :

–        soit dans la monnaie de l’État membre dont il est ressortissant,

–        soit dans la monnaie de l’État membre dans lequel se trouve situé son domicile propre ou la résidence d’un membre de sa famille à charge,

–        soit dans la monnaie du pays de son affectation précédente ou du pays du siège de son institution, à condition qu’il s’agisse d’un fonctionnaire affecté en dehors du territoire des Communautés ;

b)      faire effectuer des transferts réguliers dépassant le plafond indiqué [sous] a) in limine pour autant qu’ils soient destinés à couvrir des dépenses résultant notamment de charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions ;

c)      être autorisé, à titre tout à fait exceptionnel et pour des cas dûment justifiés, à faire transférer, indépendamment des transferts réguliers précités, les montants dont il désirerait pouvoir disposer dans les monnaies visées [sous] a).

3. Les transferts prévus au paragraphe 2 s’effectuent aux taux de change visés à l’article 63, deuxième alinéa, [de l’ancien] statut ; les montants transférés sont affectés du coefficient résultant du rapport qui existe entre le [CC] fixé pour le pays dans la monnaie duquel le transfert est effectué et le [CC] fixé pour le pays d’affectation du fonctionnaire. »

3        L’article 17, paragraphes 2 à 4, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2004 (ci-après le « statut »), dispose désormais :

« 2. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire peut faire transférer régulièrement une partie de ses émoluments vers un autre État membre par l’entremise de l’institution dont il relève.

Peuvent faire l’objet d’un tel transfert, séparément ou ensemble :

a)      pour tout enfant à charge qui fréquente un établissement d’enseignement dans un autre État membre, le montant maximal par enfant à charge correspondant au montant de l’allocation scolaire effectivement perçu au titre de cet enfant ;

b)      sur présentation de pièces justificatives valables, les versements réguliers au profit de toute autre personne résidant dans l’État membre concerné et vis-à-vis [de laquelle] le fonctionnaire démontre avoir des obligations en vertu d’une décision de justice ou d’une décision de l’autorité administrative compétente.

Les transferts visés [sous] b) ne peuvent être supérieurs à 5 % du traitement de base du fonctionnaire.

3. Les transferts prévus au paragraphe 2 s’effectuent au taux de change visé à l’article 63, deuxième alinéa, du statut. Les montants transférés sont affectés d’un coefficient représentant la différence entre le [CC] du pays vers lequel le transfert est opéré, tel que défini à l’article 3, paragraphe 5, deuxième tiret, de l’annexe XI du statut et le [CC] appliqué aux émoluments du fonctionnaire (article 3, paragraphe 5, premier tiret, de l’annexe XI du statut).

4. Indépendamment de ce qui précède, le fonctionnaire peut demander un transfert régulier vers un autre État membre, au taux de change mensuel et sans application d’un quelconque coefficient. Ce transfert ne peut dépasser 25 % du traitement de base du fonctionnaire. »

4        Les références faites par le paragraphe 3 de l’article 17 de l’annexe VII du statut aux premier et deuxième tirets de l’article 3, paragraphe 5, de l’annexe XI du statut doivent être comprises, ainsi qu’il ressort des autres versions linguistiques, comme visant les dispositions sous a) et b) de l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, de ladite annexe.

5        Le considérant 24 du règlement n° 723/2004 (ci‑après le « considérant 24 ») apporte la justification suivante quant au choix fait par le législateur de limiter la partie des émoluments transférable en dehors du pays d’affectation :

« Du fait que le coût des [CC] appliqués au transfert d’une partie de la rémunération vers d’autres États membres est devenu disproportionné, il convient de limiter le transfert avec application des [CC] à une part moins importante de la rémunération et aux cas où le transfert est nécessaire pour permettre au fonctionnaire de faire face à des dépenses résultant d’obligations légales à l’égard de membres de sa famille dans d’autres États membres. »

6        L’article 17 de l’annexe XIII du statut prévoit :

« Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, par dérogation à l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, le fonctionnaire peut transférer un montant supplémentaire, sous réserve du respect des conditions suivantes :

a)      ce montant doit avoir été transféré régulièrement avant le 1er mai 2004 et les conditions requises pour l’autorisation doivent toujours être remplies ;

b)      ce montant supplémentaire ne peut avoir pour effet d’augmenter le total des transferts au-delà des seuils suivants, exprimés en pourcentage du montant total transféré chaque mois avant le 1er mai 2004 :

1er mai – 31 décembre 2004 : 100 %

1er janvier – 31 décembre 2005 : 80 %

1er janvier – 31 décembre 2006 : 60 %

1er janvier – 31 décembre 2007 : 40 %

1er janvier – 31 décembre 2008 : 20 % »

 Concernant l’application de CC aux pensions

7        L’article 82, paragraphe 1, de l’ancien statut énonçait :

« Les pensions prévues […] sont établies sur la base des échelles de traitement en vigueur le premier jour du mois de l’ouverture du droit à pension.

Elles sont affectées du [CC] fixé pour le pays, situé à l’intérieur des Communautés où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.

Si le titulaire de la pension fixe sa résidence dans un pays situé à l’extérieur des Communautés, le [CC] applicable est égal à 100.

[…] »

8        L’article 82, paragraphe 1, du statut dispose désormais :

« Les pensions prévues […] sont établies sur la base des échelles de traitement en vigueur le premier jour du mois de l’ouverture du droit à pension.

Aucun […] ne s’applique aux pensions.

[…] »

9        Aux termes du considérant 30 du règlement n° 723/2004, « [l]’intégration accrue de l’Union européenne et la liberté dont disposent les pensionnés pour choisir leur lieu de résidence dans l’Union européenne ont rendu obsolète le système des [CC] pour les pensions[ ; c]e système a également engendré des problèmes concernant la vérification du lieu de résidence des pensionnés, qu’il convient de régler[ ; p]ar conséquent, il y a lieu de supprimer ledit système en prévoyant une transition appropriée pour les pensionnés ainsi que pour les fonctionnaires recrutés avant l’entrée en vigueur du présent règlement ».

10      L’article 20 de l’annexe XIII du statut est libellé comme suit :

« 1. La pension du fonctionnaire mis à la retraite avant le 1er mai 2004 est affectée du [CC] mentionné à l’article 3, paragraphe 5, [sous] b), de l’annexe XI du statut, pour les États membres où il justifie avoir établi sa résidence principale.

Le [CC] minimal applicable est 100.

Si le fonctionnaire établit sa résidence dans un pays tiers, le [CC] applicable est égal à 100.

Par dérogation à l’article 45 de l’annexe VIII, la pension du bénéficiaire qui réside dans un État membre est payée dans la monnaie de l’État membre de résidence dans les conditions déterminées à l’article 63, deuxième alinéa, du […] statut.

2. Par dérogation au paragraphe 1, premier alinéa, à compter du 1er mai 2004 et jusqu’au 1er mai 2009, la pension fixée avant le 1er mai 2004 est adaptée par l’application de la moyenne des [CC] mentionnés à l’article 3, paragraphe 5, [sous a) et b)], de l’annexe XI du statut, utilisée pour l’État membre où le bénéficiaire de la pension justifie avoir établi sa résidence principale. Cette moyenne est calculée sur la base du [CC] figurant dans le tableau suivant :


À compter du

1er mai 2004

1er mai 2005

1er mai 2006

1er mai 2007

1er mai 2008

%

80 % [sous] a)

20 % [sous] b)

60 % [sous] a)

40 % [sous] b)

40 % [sous] a)

60 % [sous] b)

20 % [sous] a)

80 % [sous] b)

100 % [sous] b)


Lorsqu’au moins l’un des coefficients visés à l’article 3, paragraphe 5, de l’annexe XI est modifié, la moyenne l’est également avec effet à la même date.

3. Lors de la fixation des droits à pension du fonctionnaire recruté avant le 1er mai 2004 et qui n’est pas bénéficiaire d’une pension à cette date, la méthode de calcul des paragraphes qui précèdent est applicable :

a)      aux annuités de pension au sens de l’article 3 de l’annexe VIII, acquises avant le 1er mai 2004, et

b)      aux annuités de pension résultant d’un transfert au sens de l’article 11 de l’annexe VIII concernant les droits à pension acquis dans le système d’origine avant le 1er mai 2004 par un fonctionnaire en service avant le 1er mai 2004.

La pension est affectée du [CC] uniquement si le fonctionnaire réside dans le pays de son lieu d’origine au sens de l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe VII. Toutefois, pour des raisons d’ordre familial ou médical, le fonctionnaire titulaire d’une pension peut, à titre exceptionnel, demander à l’[AIPN] de faire modifier son lieu d’origine. Cette décision est prise sur présentation par le fonctionnaire concerné des justificatifs appropriés.

Par dérogation à l’article 45 de l’annexe VIII, la pension du bénéficiaire qui réside dans un État membre est payée dans la monnaie de l’État membre de résidence dans les conditions déterminées à l’article 63, deuxième alinéa, du […] statut.

[…] »

11      L’article 24, paragraphes 1 et 2, de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1. Dans le cas d’une pension fixée avant le 1er mai 2004, les droits à pension du bénéficiaire restent fixés après cette date selon les règles en vigueur au moment de la fixation initiale de ses droits. Ce principe s’applique également à la couverture par le régime commun d’assurance maladie. Toutefois, les règles concernant les allocations familiales et les [CC] en vigueur à partir du 1er mai 2004 s’appliquent immédiatement, sans préjudice de l’application de l’article 20 de la présente annexe.

Par dérogation au premier alinéa, les bénéficiaires d’une pension d’invalidité ou d’une pension de survie peuvent demander à bénéficier des dispositions en vigueur à partir du 1er mai 2004.

2. Lors de l’entrée en vigueur des présentes dispositions, le montant nominal de la pension nette perçue avant le 1er mai 2004 est garanti. Ce montant garanti est toutefois adapté en cas de changement de la situation familiale ou du pays de résidence du bénéficiaire. Pour le fonctionnaire qui prend sa retraite entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2007, le montant nominal de la pension nette perçue lors de sa mise à la retraite est garanti en prenant pour référence les dispositions statutaires en vigueur le jour de sa mise à la retraite.

Pour l’application du premier alinéa, si la pension calculée sur la base des dispositions en vigueur est inférieure à la pension nominale telle que définie ci-dessous, un montant compensatoire égal à la différence est octroyé.

Pour le bénéficiaire d’une pension avant le 1er mai 2004, la pension nominale est calculée chaque mois en prenant en compte la situation familiale et le pays de résidence au moment du calcul, et les règles du statut en vigueur le jour précédant le 1er mai 2004.

Pour le fonctionnaire qui prend sa retraite entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2007, la pension nominale est calculée chaque mois en prenant en compte la situation familiale et le pays de résidence au moment du calcul, et les règles du statut en vigueur.

[…] »

 Concernant le mécanisme de calcul des CC

12      L’article 64 de l’ancien statut disposait :

« La rémunération du fonctionnaire exprimée en euros, après déduction des retenues obligatoires visées au présent statut ou aux règlements pris pour son application, est affectée d’un [CC] supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d’affectation.

Ces coefficients sont fixés par le Conseil statuant, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue au paragraphe 2, second alinéa, premier tiret, des articles 148 du traité instituant la Communauté économique européenne et 118 du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique. Le [CC] applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés aux sièges provisoires des Communautés est, à la date du 1er janvier 1962, égal à 100 %. »

13      La méthode de calcul des CC affectant les rémunérations des fonctionnaires en activité était spécifiée à l’article 3 de l’annexe XI de l’ancien statut, dont le paragraphe 5 était libellé comme suit :

« Les [CC] applicables dans les capitales et les lieux d’affectation autres que Bruxelles et Luxembourg sont déterminés par les rapports entre les parités économiques visées à l’article 1er et les taux de change prévus à l’article 63 d[e l’ancien] statut pour les pays correspondants.

Toutefois, sont applicables les modalités prévues à l’article 8 qui concernent la rétroactivité de l’effet des [CC] applicables dans les lieux d’affectation qui subissent une forte inflation. »

14      L’article 1er, paragraphe 3, sous a), de l’annexe XI de l’ancien statut énonçait, quant à lui :

« L’Office statistique calcule, en accord avec les instituts nationaux, les parités économiques qui établissent les équivalences de pouvoir d’achat entre les rémunérations payées aux fonctionnaires des Communautés européennes en service à l’intérieur des États membres dans les capitales et certains autres lieux d’affectation prévus à l’article 9, par référence à Bruxelles. »

15      Aucune disposition spécifique de l’ancien statut n’ayant arrêté la méthode de calcul des CC applicables aux pensions, ces dernières ont, en pratique, été affectées des CC calculés pour les rémunérations des fonctionnaires en activité ; la même solution a été retenue pour les CC applicables au transfert d’une partie des émoluments en dehors du pays d’affectation.

16      À compter du 1er mai 2004, l’article 3, paragraphe 5, de l’annexe XI du statut est rédigé comme suit :

« Aucun [CC] n’est applicable pour la Belgique et pour le Luxembourg.

Les [CC] applicables :

a)      aux rémunérations payées aux fonctionnaires des Communautés européennes en service dans les autres États membres et dans certains autres lieux d’affectation,

b)      par dérogation à l’article 82, paragraphe 1, du statut, aux pensions des fonctionnaires versées dans les autres États membres sur la part correspondant aux droits acquis avant le 1er mai 2004,

sont déterminés par les rapports entre les parités économiques visées à l’article 1er et les taux de change prévus à l’article 63 du statut pour les pays correspondants.

Sont applicables les modalités prévues à l’article 8 de la présente annexe qui concernent la rétroactivité de l’effet des [CC] applicables dans les lieux d’affectation qui subissent une forte inflation. »

17      L’article 1er, paragraphe 3, de l’annexe XI du statut, intitulé « Évolution du coût de la vie en dehors de Bruxelles (parités économiques et indices implicites) », dispose :

« a)      Eurostat calcule, en accord avec les instituts statistiques nationaux et autres autorités compétentes des États membres, les parités économiques qui établissent les équivalences de pouvoir d’achat :

i)      des rémunérations versées aux fonctionnaires des Communautés européennes en service dans les capitales des États membres, à l’exception des Pays-Bas, où l’indice de La Haye est utilisé plutôt que celui d’Amsterdam, et dans certains autres lieux d’affectation, par référence à Bruxelles,

ii)      des pensions des fonctionnaires versées dans les États membres, par référence à la Belgique.

b)      Les parités économiques se réfèrent au mois de juin de chaque année.

c)      Les parités économiques sont calculées de manière à ce que chaque position élémentaire puisse être actualisée deux fois par an et vérifiée par enquête directe au moins une fois tous les cinq ans. Aux fins de l’actualisation des parités économiques, Eurostat utilise les indices les plus appropriés, tels qu’ils sont définis par le ‘groupe article 64 du statut’ visé à l’article 13.

d)      L’évolution du coût de la vie à l’extérieur de la Belgique et du Luxembourg au cours de la période de référence est mesurée à l’aide des indices implicites. Ces indices correspondent au produit de l’indice international de Bruxelles et de la variation de la parité économique. »

 Règlements portant fixation des taux effectifs des CC

18      Il résulte des dispositions précitées qu’avant le 1er mai 2004, pour un seul lieu, il existait un seul CC, applicable indistinctement aux rémunérations, aux pensions et aux transferts d’une partie des émoluments. Les derniers CC communs étaient ceux fixés par le règlement (CE, Euratom) n° 2182/2003 du Conseil, du 8 décembre 2003, adaptant à compter du 1er janvier 2004, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les CC dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 327, p. 3). Pour le Royaume-Uni, pays vers lequel le requérant transférait déjà une partie de ses émoluments sous le régime de l’ancien statut et dans lequel il est probable qu’il s’établisse en tant que retraité, le CC était 139,6 (111,5 pour Culham).

19      Il découle également des dispositions précitées que les règles applicables depuis le 1er mai 2004 prévoient deux CC par lieu ; le premier applicable aux rémunérations [article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, sous a), de l’annexe XI du statut] et le second applicable aux droits à pension acquis avant le 1er mai 2004 [article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, sous b), de la même annexe], ce dernier étant aussi applicable aux transferts (article 17, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut). Cependant, par dérogation à la disposition prévoyant l’application à la pension fixée avant le 1er mai 2004 du CC mentionné à l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, sous b), de l’annexe XI du statut, la règle transitoire de l’article 20, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, prévoit, concernant les pensions fixées avant la date susmentionnée, l’application, jusqu’au 30 avril 2008, d’une moyenne des deux CC de l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, de l’annexe XI du statut, pondérée conformément au tableau figurant audit article 20, paragraphe 2, de l’annexe XIII, reproduit au point 10 du présent arrêt ; en vertu de l’article 20, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, la même méthode de calcul est applicable pour les droits à pension, acquis avant le 1er mai 2004, du fonctionnaire recruté avant le 1er mai 2004 et qui n’est pas bénéficiaire d’une pension à cette date. En outre, l’article 24, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut prévoit la garantie du montant nominal de la pension nette perçue par un fonctionnaire avant le 1er mai 2004, ainsi que la garantie du montant nominal de la pension nette perçue par un fonctionnaire lors de sa mise en retraite, lorsque cette dernière intervient entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2007.

20      La première fixation du CC de l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, sous b), de l’annexe XI du statut, ainsi que le premier calcul de la moyenne prévue par l’article 20, paragraphe 2, de l’annexe XIII du même statut, ont été faits par le règlement n° 856/2004. Pour le Royaume-Uni, à compter du 1er mai 2004, le CC de l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, sous b), de l’annexe XI du statut, qui est appelé CC « transfert » (dans la mesure où, même s’il est prévu dans une disposition visant les pensions, il ne s’applique en tant que tel qu’aux seuls transferts), a été fixé à 112,6, tandis que le calcul de la moyenne prévue par le tableau de l’article 20, paragraphe 2, de l’annexe XIII, applicable aux pensions, a conduit à un CC de 134,2.

21      Le règlement n° 31/2005 a adapté, à compter du 1er juillet 2004, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes. Pour le Royaume-Uni, il a, rétroactivement, avec effet au 1er juillet 2004, augmenté les CC applicables aux rémunérations à 142,7 (et à 115,4 pour Culham) et fixé le CC applicable aux pensions, à savoir la moyenne prévue par le tableau de l’article 20, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut, à 137,5, puis à 132,2 à compter du 1er mai 2005, cette réduction étant le résultat du changement de pondération, dans le tableau susmentionné, des CC prévus à l’article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, sous a) et b), de l’annexe XI du statut ; le même règlement a également fixé, avec effet au 1er janvier 2005, le CC « transfert » pour le Royaume-Uni à 116,5.

 Faits à l’origine du litige

22      Le requérant, entré en fonction à la Commission des Communautés européennes en 1974, est actuellement fonctionnaire de celle-ci.

23      Avant le 1er mai 2004, le requérant effectuait régulièrement des transferts d’une partie de ses émoluments vers son pays d’origine, le Royaume-Uni.

24      Le 5 juillet 2004, le requérant a introduit une première réclamation (ci-après la « première réclamation »), visant sa fiche de rémunération du mois de mai 2004, contre les effets négatifs de l’introduction de nouveaux CC, applicables aux transferts d’une partie des émoluments et aux pensions des fonctionnaires, suite à l’entrée en vigueur du règlement n° 723/2004.

25      Par décision du 10 novembre 2004, l’AIPN a rejeté cette réclamation.

26      Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours en annulation.

27      Le 15 mars 2005, le requérant a introduit une nouvelle réclamation (ci-après la « deuxième réclamation »), dirigée cette fois contre ses fiches de rémunération des mois de décembre 2004, janvier et février 2005, ainsi que ses fiches de rémunération subséquentes, réclamation dans laquelle il contestait la légalité des règlements n° 723/2004, n° 856/2004 et n° 31/2005.

28      Le 4 juillet 2005, l’AIPN a adopté une décision portant rejet explicite de cette deuxième réclamation ; elle a considéré que le requérant n’était pas recevable à contester la légalité des règlements n° 723/2004 et n° 856/2004, entrés en vigueur le 1er mai 2004, aux motifs, d’une part, que le délai de réclamation de trois mois prévu par l’article 90, paragraphe 2, du statut était largement expiré au moment de l’introduction de sa réclamation, d’autre part, que cette deuxième réclamation avait le même objet que la première réclamation qu’elle avait déjà rejetée par la décision du 10 novembre 2004. S’agissant, par ailleurs, du règlement n° 31/2005, l’AIPN a relevé qu’il ne modifiait pas la base de calcul des CC et qu’il ne constituait dès lors pas un acte faisant grief au requérant, d’autant qu’en prévoyant l’augmentation des CC applicables au Royaume-Uni, ce règlement serait favorable au requérant.

29      Le requérant, sans être contredit par la partie défenderesse, prétend avoir pris connaissance de cette décision le 22 juillet 2005.

 Procédure et conclusions des parties

30      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑393/05.

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise à ce Tribunal :

–        annuler ses fiches de rémunération pour les mois de décembre 2004, janvier et février 2005, ainsi que toutes ses fiches de rémunération subséquentes, dans la mesure où elles font application de dispositions illégales du règlement n° 723/2004, ainsi que des règlements n° 856/2004 et n° 31/2005 ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de l’AIPN, du 4 juillet 2005, portant rejet de sa deuxième réclamation ;

–        condamner la partie défenderesse aux entiers dépens de l’instance.

32      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal de première instance le 24 novembre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 28 novembre suivant), le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

33      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑103/05.

34      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2006, la partie défenderesse a soulevé, par acte séparé, une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

35      Par mémoire parvenu au greffe du Tribunal le 17 février 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 21 février suivant), le requérant a formulé des observations sur l’exception d’irrecevabilité. Il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer l’exception d’irrecevabilité non fondée et, en conséquence, de lui allouer le bénéfice de ses conclusions, telles que développées dans sa requête introductive d’instance.

36      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal, en date du 15 mars 2006, le Conseil a été admis à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

37      Par un mémoire portant exclusivement sur l’exception d’irrecevabilité, parvenu au greffe du Tribunal le 25 avril 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 26 avril suivant), la partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

38      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 19 mai 2006, la partie défenderesse a fait savoir qu’elle n’avait pas d’observations à formuler sur le mémoire en intervention, tandis que le requérant a fait part de ses observations dans un mémoire parvenu au greffe le 31 mai 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 juin suivant).

39      Par ordonnance du Tribunal du 27 juin 2006, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

40      Par lettre du 28 juin 2006, l’ordonnance portant jonction de l’exception d’irrecevabilité au fond a été signifiée aux parties, la partie défenderesse ayant été invitée à déposer son mémoire en défense pour le 28 juillet 2006.

41      Par courrier du Tribunal du 30 juin 2006, la partie défenderesse a été informée de l’acceptation de sa demande tendant à obtenir une prorogation du délai de dépôt du mémoire en défense jusqu’au 25 août 2006.

42      Le mémoire en défense n’étant parvenu au greffe du Tribunal que le 28 août 2006, à savoir après l’expiration du délai prorogé, le Tribunal a, par lettres du 6 septembre 2006, informé les parties de sa décision de ne pas l’inscrire au registre et invité le requérant à se prononcer sur la suite de la procédure au regard de l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, intervenue le 1er novembre 2007 (JO L 225, p. 1).

43      Par lettres des 7 et 14 septembre 2006, la partie défenderesse a soutenu que l’application de l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance n’était pas justifiée, étant donné qu’elle avait répondu à la requête dans les formes et le délai prescrits en introduisant une exception d’irrecevabilité.

44      De son côté, le requérant, après avoir pris connaissance des courriers susmentionnés de la partie défenderesse, a demandé au Tribunal, par lettre du 22 septembre 2006, de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

45      Par lettre du 27 novembre 2006, le Tribunal a informé les parties que le dépôt de l’exception d’irrecevabilité en temps utile ne permettait pas l’application de la procédure par défaut prévue à l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Le Tribunal a ajouté cependant que si, au cours de l’audience, la partie défenderesse invoquait des moyens ayant trait au fond de l’affaire, il en apprécierait la recevabilité sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Dans la même lettre, le Tribunal invitait la partie intervenante à présenter un mémoire en intervention sur le fond pour le 15 janvier 2007, délai prorogé sur demande de la partie intervenante jusqu’au 29 janvier 2007.

46      Par son mémoire en intervention sur le fond, parvenu au greffe du Tribunal le 29 janvier 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 février suivant), la partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours irrecevable ou, à tout le moins, non fondé. Par lettres du Tribunal du 8 février 2007, les parties ont été invitées à déposer leurs observations sur ledit mémoire pour le 1er mars 2007.

47      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 9 février 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 12 février suivant), le requérant a demandé une prolongation du délai susmentionné jusqu’au 30 mars 2007. Par courriers du 13 février 2007, le Tribunal a informé les parties de la prorogation du délai imparti au requérant jusqu’au 22 mars 2007. Les observations du requérant sur le mémoire en intervention sur le fond sont parvenues au greffe du Tribunal le 22 mars 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 28 mars suivant). Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de lui allouer le bénéfice de ses conclusions, telles que développées dans sa requête introductive d’instance, et de condamner la partie défenderesse et la partie intervenante aux entiers dépens de l’instance. La partie défenderesse n’a pas déposé d’observations sur le mémoire en intervention sur le fond du 29 janvier 2007.

48      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2007, la partie défenderesse a demandé la jonction de la présente affaire et de l’affaire F‑112/05, Bain e.a./Commission. Le requérant et la partie intervenante n’ayant pas exprimé d’objections à cette jonction, le président de la première chambre du Tribunal a, en date du 19 juin 2007, ordonné la jonction des deux affaires aux fins de la procédure orale.

 Sur les conséquences du dépôt hors délai du mémoire en défense

49      Ainsi que le Tribunal l’a notifié aux parties par lettre du 27 novembre 2006 (voir point 45 du présent arrêt), l’exception d’irrecevabilité de la partie défenderesse ayant été déposée régulièrement et en temps utile, le fait que le mémoire en défense ne l’ait pas été dans le délai fixé à cet effet ne permet pas l’application de la procédure par défaut prévue à l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal de première instance. En effet, du fait du dépôt de l’exception d’irrecevabilité, la partie défenderesse ne peut pas être considérée comme n’ayant pas répondu à la requête « dans les formes et le délai prescrits » ; or, ce n’est qu’à défaut d’une telle réponse que la disposition susmentionnée trouve à s’appliquer.

50      Le Tribunal tient à préciser que cette appréciation serait également portée en vertu de l’article 116 de son propre règlement de procédure, entré en vigueur le 1er novembre 2007, qui reprend, dans des termes identiques, l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal de première instance et qui, à compter de cette date, constitue le fondement juridique pour rendre un arrêt par défaut. Cependant, dans la présente affaire, les conséquences du dépôt hors délai du mémoire en défense sont à déterminer en application de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Certes, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (voir arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industrie Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55, et du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, non encore publié au Recueil, point 58) ; de surcroît, ce n’est que pour la question des dépens que le règlement de procédure du Tribunal prévoit expressément, dans son article 122, que le règlement de procédure du Tribunal de première instance continue à s’appliquer aux affaires pendantes devant le Tribunal avant le 1er novembre 2007. Néanmoins, tout comme la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, non encore publiée au Recueil, point 24, et la jurisprudence citée), les conséquences d’un comportement procédural, en rapport notamment avec les conditions d’application d’une procédure par défaut, doivent être déterminées sur le fondement des règles applicables au moment où ce comportement a eu lieu. D’ailleurs, il serait contraire aux principes de sécurité juridique et de protection des droits acquis, y inclus les droits procéduraux, que ces conséquences soient déterminées sur le fondement d’une règle entrée en vigueur ultérieurement (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2007, Duyster/Commission, F‑82/06, non encore publiée au Recueil, point 40).

51      En toute hypothèse, l’application éventuelle de la procédure par défaut ne saurait nullement avoir comme conséquence automatique que le Tribunal fasse droit à la requête. En effet, à supposer même que la procédure par défaut soit déclarée applicable, le paragraphe 2 de la disposition relative à cette procédure (à savoir l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, dont les termes ont été repris, ainsi qu’il vient d’être relevé, intégralement et sans modification, par l’article 116 du règlement de procédure du Tribunal) n’aurait pas permis au Tribunal de rendre son arrêt sans, au préalable, examiner la recevabilité de la requête et vérifier que les formalités aient été régulièrement accomplies et que les conclusions du requérant paraissent fondées. Par conséquent, si la requête ne satisfaisait pas aux conditions de recevabilité d’ordre public, comme par exemple à celles relatives aux délais, elle devrait être rejetée, que le Tribunal décide ou non de statuer en application de la procédure par défaut.

52      Par ailleurs, eu égard à l’absence de dépôt du mémoire en défense dans le délai imparti, le Tribunal, tout en écartant l’application de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal de première instance a, dans la lettre du 27 novembre 2006, et sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, réservé l’appréciation de la recevabilité des moyens qui seraient invoqués par la partie défenderesse au cours de l’audience en rapport avec le fond de l’affaire.

53      La partie défenderesse, présentant des observations au fond le jour de l’audience, a soutenu que ces observations étaient recevables en invoquant le principe général du respect des droits de la défense et le fait que, l’objet du litige étant défini par le requérant, elle ne faisait alors que répondre aux griefs et moyens avancés par celui-ci, ne modifiant en rien le cadre du litige ; cette thèse aurait été confirmée par la Cour de justice dans un arrêt du 15 février 2007, Commission/Pays-Bas (C‑34/04, Rec. p. I‑1387, point 49).

54      Contrairement à ce que soutient la partie défenderesse, le Tribunal, qui s’était réservé un pouvoir d’appréciation à ce sujet (voir points 45 et 52 du présent arrêt), considère que, à défaut de dépôt du mémoire en défense au cours de la procédure écrite dans le délai imparti, la plaidoirie de la partie défenderesse sur le fond équivaut à la production de moyens nouveaux, interdite par l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance ; admettre une interprétation en sens inverse reviendrait à accepter que l’institution, après avoir soulevé une exception d’irrecevabilité par acte séparé, ne soit par la suite pas liée par le délai que le Tribunal lui fixe pour la présentation de son mémoire en défense. À cet égard, le Tribunal observe que l’argument de la partie défenderesse, invoqué au cours de la procédure orale, tiré de l’arrêt Commission/Pays‑Bas, précité, est inopérant dès lors que le point tranché par la Cour dans cette dernière affaire visait les moyens nouveaux qu’un État membre peut soulever en défense dans le cadre d’un recours en manquement, sans les avoir soulevés au préalable lors de la phase précontentieuse, et non, comme dans le cas d’espèce, le droit pour l’institution de plaider sur le fond de l’affaire au cours de la procédure orale, à défaut d’avoir soulevé des moyens sur le fond au cours de la procédure écrite dans le délai imparti. En outre, le Tribunal tient à préciser que la conclusion à laquelle il aboutit au présent point trouverait également à s’appliquer en vertu de son propre règlement de procédure, notamment de son article 43, paragraphe 2, qui a en substance le même contenu que l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, mais qui, pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet des conséquences d’un comportement procédural en rapport avec les conditions d’application d’une procédure par défaut (voir point 50 du présent arrêt), ne saurait écarter en l’espèce l’application de cette dernière disposition. Dès lors, si les moyens sur la recevabilité développés par la partie défenderesse au cours de la procédure orale sont admis par le Tribunal, au contraire, ceux portant sur le fond de l’affaire ne sont pas recevables.

55      En revanche, le Tribunal estime que la partie intervenante était pleinement en droit de présenter des arguments sur le fond, et ce, tant lors de la procédure écrite que lors de l’audience. En effet, conformément à l’exigence posée par l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut et selon lequel les conclusions d’une requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties au litige (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, point 21), force est de constater que les conclusions de la partie intervenante visent précisément le même résultat que les conclusions de la partie défenderesse dans son exception d’irrecevabilité, à savoir le rejet du recours. Elles ne sauraient ainsi être déclarées irrecevables que si elles modifient ou réforment le cadre du litige défini par la requête (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T‑125/96 et T‑152/96, Rec. p. II‑3427, point 183), ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le droit pour la partie intervenante de présenter des arguments sur le fond ne méconnaît pas davantage l’article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, qui énonce que l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention et qui, pour des motifs exposés au point 50 du présent arrêt au sujet des dispositions relatives à la procédure par défaut, doit être déclaré applicable tant à la date à laquelle l’intervention a été admise qu’aux dates auxquelles la partie intervenante a présenté ses arguments sur le fond. En outre, s’agissant, en particulier, comme en l’espèce, d’une requête excipant de l’illégalité de règlements adoptés par la partie intervenante, il serait contraire aux principes du respect des droits de la défense et de bonne administration de la justice que, pour des raisons extérieures à sa volonté et imputables à une autre institution, la partie intervenante ne soit pas autorisée à présenter des observations sur le fond, notamment des observations visant à défendre la légalité des règlements contestés. Le Tribunal observe, par ailleurs, que, à aucun moment de la procédure, le requérant n’a contesté la recevabilité des observations de la partie intervenante sur le fond de l’affaire.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

 Sur la recevabilité du recours

56      La partie défenderesse conteste la recevabilité du recours et soulève des moyens relatifs tant à l’ensemble du recours que, spécifiquement, au système des pensions.

–       Sur la recevabilité de l’ensemble du recours

57      La partie défenderesse fait d’emblée valoir que les contestations présentées par le requérant ont le même contenu que celles auxquelles il a été répondu par la décision de rejet de sa première réclamation introduite contre sa fiche de rémunération du mois de mai 2004.

58      Ensuite, la partie défenderesse rappelle que le présent recours vise à annuler certaines des fiches de rémunération du requérant postérieures au 1er mai 2004, dans la mesure où elles feraient application de dispositions, que l’intéressé juge illégales, de divers règlements du Conseil entrés en vigueur le 1er mai 2004 ou postérieurement à cette date. Dès lors, le seul acte qui ferait réellement grief au requérant serait la fiche de rémunération ayant incorporé les CC résultant de l’application desdits règlements, à savoir celle du mois de mai 2004, dans laquelle la partie défenderesse a adopté une position définitive ; par conséquent, les fiches de rémunération subséquentes ne pourraient plus modifier la situation juridique du requérant et seraient donc de simples actes confirmatifs. Il en résulterait que la seule voie ouverte au requérant pour contester les CC aurait été la poursuite du contentieux, qu’il avait lui-même interrompu après le rejet de sa première réclamation, et que toute autre solution nuirait au principe de sécurité juridique, qui est un principe reconnu par une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand et Garancini, 169/80, Rec. p. 1931, point 17 ; arrêt du Tribunal de première instance du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 38).

59      La partie défenderesse rappelle que le requérant fait valoir que le recours n’est pas dirigé contre la légalité des règlements n° 723/2004, n° 856/2004 et n° 31/2005, mais que l’illégalité de ceux-ci n’est invoquée que par voie d’exception, sur le fondement de l’article 241 CE. Elle considère, toutefois, que les conclusions du requérant, dirigées contre des actes confirmatifs, sont irrecevables. Dès lors, le requérant ne pourrait pas invoquer, au soutien de telles conclusions, une exception tirée de l’illégalité des règlements susmentionnés. Enfin, elle conteste l’intérêt à agir de l’intéressé, eu égard au fait que, après comparaison des règlements n° 856/2004 et n° 31/2005, il doit être constaté que ce dernier n’a fait qu’adapter, en les augmentant, les CC fixés dans le premier, selon le nouveau système établi par le règlement n° 723/2004.

60      En réponse à ces arguments, le requérant observe de prime abord que l’objet de la procédure entamée par sa première réclamation et celui du présent recours sont bien distincts, ces deux procédures visant des fiches de rémunération différentes.

61      Le requérant réfute par ailleurs la position de la partie défenderesse selon laquelle un fonctionnaire ne pourrait soulever une exception d’illégalité que dans un délai de trois mois à compter de l’acte individuel faisant grief, pris en application de la norme générale. Il considère en substance que, dans la mesure où la norme générale concernée ne peut pas faire l’objet d’un recours individuel, l’exception d’illégalité n’est soumise à aucun délai et que, par conséquent, l’interprétation prônée par la partie défenderesse se heurte au libellé de l’article 241 CE. Il insiste, en outre, sur la circonstance que le principe de sécurité juridique ne saurait empêcher la remise en cause de la légalité d’actes, qui, selon lui, ne sont pas confirmatifs de décisions antérieures.

62      Le requérant allègue également qu’il n’attaque pas la réglementation dont les fiches de rémunération font application, mais bien ses fiches de rémunération qui font application de règlements illégaux.

63      Le requérant soutient donc que ni la réclamation ni la requête n’est irrecevable.

64      Par ailleurs, lors de l’audience, le requérant a rappelé la jurisprudence suivant laquelle une fiche de rémunération constitue un acte faisant grief, citant à cet effet l’arrêt de la Cour du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement (262/80, Rec. p. 195, point 4), ainsi que celui du Tribunal de première instance du 27 octobre 1994, Benzler/Commission (T‑536/93, RecFP p. I‑A‑245 et II‑777, point 15), et insistant tout particulièrement sur l’arrêt de la Cour du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice (C‑82/98 P, Rec. p. I‑3855, point 49), arrêt dans lequel il aurait été clairement établi que chacun des bulletins de pension, notifiés mensuellement et individuellement au fonctionnaire, constitue un acte faisant grief, susceptible de faire l’objet d’une réclamation et éventuellement d’un recours. Cette dernière décision serait, selon le requérant, transposable aux fiches de rémunération.

65      La partie intervenante se rallie aux arguments de la partie défenderesse qualifiant les actes de confirmatifs et plaide dans le même sens que celle-ci, en ajoutant qu’il ne serait pas concevable d’accorder, sur le fondement de l’article 241 CE, une voie de recours illimitée dans le temps et en rappelant l’arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission (200/87, Rec. p. 1877, point 14), pour soutenir que le requérant pouvait uniquement attaquer sa fiche de rémunération du mois de mai 2004 ; tel n’ayant pas été le cas, le présent recours serait tardif. En outre, la partie intervenante soulève une exception d’irrecevabilité du moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, des droits acquis, du principe de sécurité juridique, ainsi que du devoir de sollicitude, exception fondée sur l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

–       Sur la recevabilité du recours, en tant qu’il concerne le système des pensions

66      Dans le volet de son exception d’irrecevabilité consacré plus particulièrement aux pensions, la partie défenderesse, invoquant l’arrêt du Tribunal de première instance du 12 février 1992, Pfloeschner/Commission (T‑6/91, Rec. p. II‑141, point 27), insiste sur la circonstance que le requérant est toujours en activité ; elle en conclut à l’irrecevabilité, en toute hypothèse, des conclusions en tant qu’elles concernent les pensions. En effet, au sens de cette jurisprudence, toute décision en matière de pensions prise à l’égard d’un fonctionnaire encore en activité serait « anticipée ».

67      Le requérant considère que les griefs portant sur le système de pensions ne concernent pas la fixation du CC, qui est sujette à variation, mais « l’existence même de ce système de [CC] ». Il ne s’agirait donc pas d’une question de « liquidation » des droits à pension, mais de l’« essence » même de ces droits. Il relève que ses fiches de rémunération contiennent une retenue à titre de contribution à pension et que cette contribution n’a pas diminué, malgré l’entrée en vigueur du statut et la diminution des droits à pension que cela induit pour lui. Dès lors, il disposerait d’un intérêt né et actuel à agir en annulation de ses fiches de rémunération en soulevant l’illégalité des règlements n° 723/2004, n° 856/2004 et n° 31/2005. Enfin, se référant aux arrêts de la Cour du 1er février 1979, Deshormes/Commission (17/78, Rec. p. 189), et du 31 mai 1988, Rousseau/Cour des comptes (167/86, Rec. p. 2705), il met en doute la pertinence de l’arrêt Pfloeschner/Commission, précité, invoqué par la partie défenderesse.

68      La partie intervenante soutient les conclusions de la partie défenderesse et affirme qu’elle ne voit pas comment un fonctionnaire en activité pourrait être légitimé à introduire un recours à propos des CC, inconnus à l’heure actuelle, qui seront applicables à sa future pension d’ancienneté.

 Sur le fond

69      Le requérant soulève en substance une exception d’illégalité de certaines dispositions des règlements n° 723/2004, n° 856/2004 et n° 31/2005.

70      L’exception d’illégalité soulevée par le requérant comporte deux volets, l’un relatif aux transferts d’une partie des émoluments, l’autre au système des pensions. Le requérant invoque trois moyens communs aux deux volets susmentionnés, portant, premièrement, sur la motivation erronée du règlement n° 723/2004, deuxièmement, sur la méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires et, troisièmement, sur la violation des principes de confiance légitime, des droits acquis, de sécurité juridique, ainsi que du devoir de sollicitude. S’agissant particulièrement du système des pensions, le requérant argue d’un moyen supplémentaire, tiré de la méconnaissance de la liberté d’établissement.

71      La partie défenderesse, comme la partie intervenante, considère que les moyens soulevés ne sont pas fondés ; en outre, la partie intervenante fait valoir que le moyen tiré de la violation des principes de confiance légitime, des droits acquis, de sécurité juridique, ainsi que du devoir de sollicitude, est également irrecevable pour méconnaissance de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité

–       En ce qui concerne le transfert d’une partie des émoluments

72      Il est constant qu’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, non encore publié au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du Tribunal du 24 mai 2007, Lofaro/Commission, F‑27/06 et F‑75/06, non encore publiée au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑293/07 P). Une fiche de rémunération, de par sa nature et son objet, n’a pas les caractéristiques d’un acte faisant grief dès lors qu’elle ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions juridiques antérieures, relatives à la situation du fonctionnaire. Ainsi, s’il est vrai que les fiches de rémunération sont communément considérées comme des actes faisant grief (voir arrêt Andersen e.a./Parlement, précité, point 4 ; arrêt Benzler/Commission, précité, point 15), dans la mesure – bien entendu – où elles font apparaître que les droits pécuniaires d’un fonctionnaire ont été négativement affectés, en réalité, le véritable acte faisant grief est la décision prise par l’AIPN de réduire ou de supprimer un paiement dont le fonctionnaire bénéficiait jusqu’alors et qui était indiqué sur ses fiches de rémunération.

73      La distinction entre véritable acte faisant grief et fiche de rémunération apparaît plus clairement en ce qui concerne les décisions affectant la carrière du fonctionnaire, décisions pouvant être considérées comme plus importantes que les décisions de caractère purement pécuniaire. Il a été en effet jugé que les décisions de classement, comme d’ailleurs celles de nomination ou de titularisation, doivent être dûment notifiées à l’intéressé et que l’administration ne saurait s’abstenir de veiller à ce que ce type de décision parvienne effectivement à son destinataire ni se borner à l’en informer par la voie d’une simple fiche de rémunération (voir, en ce sens, arrêt Grünheid/Commission, précité, point 49).

74      Cette même distinction peut également apparaître de manière claire dans des hypothèses où les droits affectés, suite – notamment – à la modification d’un acte de portée générale, sont essentiellement ou purement de caractère pécuniaire. En effet, dans un tel cas, la suppression d’un paiement ou la réduction de son montant, lesquelles ressortent de la fiche de rémunération faisant suite à cette modification, ne peut que résulter de la décision du service compétent d’appliquer l’acte de portée générale en question au fonctionnaire concerné.

75      Il n’en demeure pas moins que la fiche de rémunération conserve pleinement son importance pour la détermination des droits procéduraux du fonctionnaire, tels que ces droits sont prévus par le statut. En particulier, la transmission au fonctionnaire de sa fiche de rémunération remplit une double fonction, une fonction d’information en ce qui concerne la décision prise et une fonction relative aux délais, de sorte que, sous réserve que la fiche fasse apparaître clairement l’existence et la portée de la décision prise, sa communication fait courir le délai de contestation (voir, en ce sens, arrêt Grünheid/Commission, précité, point 42) ; en effet, au plus tard à compter de la notification de la fiche de rémunération, et toujours sous la réserve susmentionnée, le fonctionnaire est censé connaître la décision prise à son égard et pouvoir apprécier l’opportunité d’entamer une procédure à l’encontre de celle-ci. C’est en raison de ces caractéristiques que les parties et le juge communautaire réservent communément aux fiches de rémunération la dénomination d’actes faisant grief. À proprement parler, cependant, l’acte faisant grief n’est pas la fiche elle-même, mais la décision reflétée dans celle-ci.

76      C’est au vu des considérations qui précèdent qu’il échoit de déterminer le délai dans lequel le fonctionnaire doit contester l’atteinte portée à un de ses droits pécuniaires, intervenue suite à l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition statutaire, en soulevant, aux fins de cette contestation, une exception d’illégalité à l’encontre de la disposition concernée. Or, s’agissant en particulier des cas où l’atteinte portée au droit pécuniaire litigieux prend la forme d’une suppression d’un paiement ou d’une réduction de son montant, suppression ou réduction opérée mensuellement et reflétée dans toutes les fiches de rémunération subséquentes à la première fiche ayant reflété cette suppression ou cette réduction, force est de considérer que c’est la réception, par le fonctionnaire, de la première fiche de rémunération reflétant cette suppression ou cette réduction qui fait seule courir le délai de réclamation. En effet, lors de la réception de cette fiche, le fonctionnaire est informé que l’AIPN, considérant que le champ d’application de la nouvelle disposition statutaire englobe le droit pécuniaire litigieux et que l’application en l’espèce de ladite nouvelle disposition statutaire ne heurte aucune règle ou principe supérieur de droit, a décidé de procéder à l’application à son égard de cette disposition, laquelle application emporte les conséquences pécuniaires reflétées dans sa fiche de rémunération. Si le fonctionnaire, à l’issue d’un raisonnement de portée générale ou ayant trait à sa situation individuelle, ne partage pas la position de l’AIPN et, notamment, considère comme entachée d’illégalité la décision de cette dernière, portant application, à son encontre, de l’acte de portée générale, il doit le faire valoir à l’appui de sa réclamation, qui doit être introduite dans le délai règlementaire de trois mois prévu pour attaquer la décision individuelle. Dans la mesure où le même droit pécuniaire continue à être affecté par la même disposition statutaire et de la même manière, à savoir sous forme de suppression d’un paiement ou de réduction de son montant, l’une ou l’autre reflétée dans toutes les fiches de rémunération subséquentes à la première fiche ayant reflété cette suppression ou cette réduction, admettre que l’exception d’illégalité puisse être soulevée à tout moment, même après de nombreux mois, voire des années, d’application au fonctionnaire concerné de la disposition faisant l’objet de l’exception, sans que le fonctionnaire en question ait contesté entre-temps l’application de cette disposition à son encontre, nuirait gravement au principe de sécurité juridique et à la stabilité qui doivent caractériser les rapports entre les institutions et leurs fonctionnaires.

77      En l’espèce il est constant que le règlement n° 856/2004 a modifié, à compter du 1er mai 2004, les CC applicables aux transferts d’une partie des émoluments, en vertu de l’article 17, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, tandis qu’il résulte de la disposition transitoire de l’article 17, sous b), de l’annexe XIII du statut, que la réduction de la partie des émoluments transférable n’a pris effet que le 1er janvier 2005.

78      Par conséquent, la réduction des CC a commencé à se refléter dans les fiches de rémunération du requérant dès le mois de mai 2004, tandis que la réduction de la partie des émoluments transférable ne s’y est reflétée qu’à partir du mois de janvier 2005.

79      Cela apparaît d’ailleurs clairement dans les fiches de rémunération du requérant annexées à la requête.

80      En effet, s’agissant, d’une part, de la réduction du CC applicable aux transferts d’une partie des émoluments, le passage du CC prévu pour le Royaume-Uni de 139,6 pour le mois d’avril 2004 à 112,6 pour le mois de mai 2004 s’est reflété dans la fiche de rémunération de ce dernier mois, car l’équivalent en livres sterling (GBP) de la partie transférable de la rémunération, laquelle partie transférable exprimée en euros était constante, à savoir 3 052,43 euros, est passé de 2 940,64 GBP en avril 2004 à 2 371,90 GBP en mai 2004, soit une différence de 568,74 GBP. D’autre part, concernant la partie des émoluments transférable, sa réduction, à compter du 1er janvier 2005, s’est reflétée dans la fiche de rémunération du mois de janvier 2005 ; en effet, le montant de la partie transférable, qui était de 3 052,43 euros par mois en décembre 2004, est passée à 2 441,94 euros par mois en janvier 2005.

81      Il en résulte que, en ce qui concerne la réduction du CC, la réclamation du requérant devait, pour être recevable, être introduite dans les trois mois à compter de la communication de sa fiche de rémunération du mois de mai 2004 et, s’agissant de la réduction de la partie des émoluments transférable, dans les trois mois à compter de la communication de celle du mois de janvier 2005.

82      Le requérant ayant introduit sa réclamation le 15 mars 2005, il s’ensuit que celle-ci est recevable concernant la partie des émoluments transférable et, au contraire, tardive, s’agissant de la réduction du CC.

83      Pour contester la tardivité de sa réclamation en ce qui concerne la réduction du CC et, partant, pour défendre la recevabilité de son recours quant à ce grief, le requérant a, lors de l’audience, invoqué l’arrêt Kögler/Cour de justice, précité.

84      Dans l’affaire ayant fait l’objet de cet arrêt (ci-après l’« affaire Kögler »), affaire jugée d’abord par le Tribunal de première instance (ordonnance du Tribunal de première instance du 20 janvier 1998, Kögler/Cour de justice, T‑160/96, RecFP p. I‑A‑15 et II‑35), le requérant, a, par demande du 29 janvier 1996 puis par réclamation du 10 mai 1996, contesté le CC appliqué à sa pension pour les versements de la période courant du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994. Le juge communautaire de première instance a rejeté le recours comme irrecevable, en relevant, entre autres, que la réclamation avait été introduite presque deux ans après l’expiration du délai légal pour la contestation du dernier bulletin concerné (ordonnance Kögler/Cour de justice, précitée, point 39). Cette décision a été confirmée par la Cour sur pourvoi, la Cour ayant par ailleurs expressément écarté l’argument du requérant tiré du caractère provisoire des bulletins de pension pour la période concernée ; en effet, la Cour a jugé que, bien que les règlements sur lesquels étaient fondés les bulletins de pension aient fixé de manière provisoire le CC applicable, chacun des bulletins de pension constituait un acte définitif et faisant grief (arrêt Kögler/Cour de justice, précité, point 49).

85      Il est vrai que dans ces deux décisions (ci-après « les décisions Kögler »), le juge communautaire affirme que les bulletins de pension mensuels concernés, à savoir ceux notifiés au requérant entre le 1er juillet 1991 et le 30 juin 1994, « constituent manifestement des actes faisant grief à celui-ci, dans la mesure où ils fixent chaque fois le montant de sa pension » et que, dans la mesure où ces bulletins ont été notifiés individuellement au requérant, « celui-ci aurait dû introduire chaque fois une réclamation dans les trois mois suivants, respectant ainsi le délai prévu à l’article 90 du statut » (voir ordonnance Kögler/Cour de justice, précitée, point 39), mais aussi que « chacun des bulletins de pension, qui établit les droits individuels du requérant pour la période concernée, constitue un acte définitif et faisant grief, au sens des articles 90 et 91 du statut, que l’intéressé aurait dû contester dans le délai de trois mois » (voir arrêt Kögler/Cour de justice, précité, point 49).

86      Cependant, le Tribunal ne peut pas déduire des décisions Kögler qu’un fonctionnaire ayant omis d’attaquer dans le délai la première fiche de rémunération reflétant une atteinte à l’un de ses droits pécuniaires peut ultérieurement, après le dépassement du délai de trois mois à compter de la première fiche, attaquer de manière recevable les fiches ultérieures, en invoquant à leur encontre la même illégalité que celle dont serait entachée la première fiche, les fiches ultérieures ne faisant que refléter et, ainsi, confirmer l’atteinte initiale portée aux droits pécuniaires concernés.

87      Il convient d’abord de relever que l’affaire Kögler concerne un cas d’espèce totalement différent de celui du présent litige. En effet, dans l’affaire Kögler, le litige était né suite à deux arrêts (arrêts du Tribunal de première instance du 27 octobre 1994, Chavanne de Dalmassy e.a./Commission, T‑64/92, RecFP p. I‑A‑227 et II‑723, et Benzler/Commission, précité) annulant les CC appliqués pendant un certain nombre d’années et aux mesures d’exécution de ces arrêts, prises par le Conseil pour remédier à cette illégalité pour l’avenir. C’est dans ce contexte que le requérant, dans cette affaire, avait introduit une demande visant à l’adaptation rétroactive des CC, en invoquant le caractère provisoire, selon lui, des bulletins de pension de la période pour laquelle il demandait l’adaptation rétroactive, demande déclarée irrecevable tant par le Tribunal de première instance que par la Cour. En effet, les deux juridictions ont jugé en substance que, même si les CC étaient provisoires, les bulletins de pension étaient, en revanche, définitifs et constituaient des actes faisant grief, devant faire l’objet de réclamations dans le délai statutaire de trois mois. Au contraire, dans la présente espèce, étrangère à des mesures d’exécution d’un arrêt, le requérant soulève une exception d’illégalité contre une nouvelle disposition statutaire affectant ses droits pécuniaires.

88      En outre, constatant dans les décisions Kögler que le requérant, dans cette affaire, aurait dû attaquer chacun de ses bulletins de pension dans le délai règlementaire de trois mois, le juge communautaire envisage une hypothèse dans laquelle tous les bulletins de la période concernée, à commencer par le premier qui reflétait l’illégalité dont le requérant se plaignait, auraient fait l’objet d’une réclamation ; ainsi, dans cette hypothèse, il n’aurait pas pu être reproché au requérant d’avoir omis d’attaquer la première manifestation de la décision de l’AIPN affectant ses droits litigieux. Or, dans la présente espèce, le requérant a renoncé à la procédure contentieuse après sa première réclamation, laquelle était dirigée contre la première fiche de rémunération affectée de la même illégalité que celle reprochée aux fiches ultérieures attaquées.

89      De surcroît, la formulation utilisée par les décisions Kögler part de l’hypothèse de réclamations dirigées directement contre les bulletins de pension ; dans une telle hypothèse, le requérant, dans cette affaire, aurait effectivement dû attaquer ses bulletins un par un. En revanche, si, en conformité avec les considérations exposées aux points 72 à 74 du présent arrêt, le requérant de l’affaire Kögler avait identifié, comme acte faisant grief, la décision de l’AIPN de lui appliquer un certain CC, qu’il jugeait erroné, il aurait pu introduire une seule réclamation contre cette décision, telle que reflétée dans son premier bulletin de pension émis après la décision en question. En effet, dans une communauté de droit et en application du principe de bonne administration, il doit être admis que, lorsque plusieurs bulletins de pension ou fiches de rémunération établis pour des périodes successives sont entachés de la même illégalité, une réclamation initiale, introduite contre le seul premier bulletin ou fiche contesté et soulevant l’exception d’illégalité concernée, doit normalement suffire pour assurer au requérant, au cas où il obtiendrait gain de cause dans le cadre du recours qu’il introduirait suite au rejet de ladite réclamation, une satisfaction pécuniaire également pour les périodes subséquentes à celle du bulletin ou de la fiche attaqué. Il doit par ailleurs en aller ainsi à plus forte raison si l’intéressé précise ne pas attaquer le bulletin de pension ou la fiche de rémunération en tant que tel, mais la décision affectant ses droits, reflétée dans le bulletin ou la fiche en question par la suppression d’un paiement ou par la réduction de son montant. Certes, rien n’empêche l’intéressé, par mesure de précaution contre des manquements éventuels de l’institution à l’obligation de se conformer à l’arrêt du juge communautaire, d’introduire une procédure distincte pour chaque bulletin de pension ou fiche de rémunération. Tel est, selon le Tribunal, le sens du point 39 de l’ordonnance Kögler/Cour de justice, précitée, ainsi que du point 49 de l’arrêt Kögler/Cour de justice, précité. Encore faut-il, cependant, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, que le requérant n’ait pas omis d’attaquer la première manifestation par l’AIPN de sa décision affectant le droit pécuniaire litigieux de l’intéressé. En effet, dans le cas d’une telle omission (comme c’est le cas en l’espèce), le choix par le requérant de diriger ses réclamations spécifiquement contre les fiches de rémunération, par opposition aux décisions reflétées dans celles-ci et notamment à la décision affectant pour la première fois le droit pécuniaire litigieux, équivaudrait en réalité à une tentative de contourner les règles en matière de délais. Or, selon la jurisprudence, un fonctionnaire ayant omis d’intenter, dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un recours en annulation contre un acte lui faisant grief ne saurait, par le biais d’une demande de réexamen dudit acte ou en indemnisation du préjudice causé par celui-ci, réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours ; cette jurisprudence, suivie de manière constante par le juge communautaire, a même été rappelée dans le cadre de l’affaire Kögler (ordonnance Kögler/Cour de justice, précitée, point 41, et la jurisprudence citée).

90      Il en résulte que les décisions Kögler ne sont pas de nature à remettre en cause l’application en l’espèce de la jurisprudence conformément à laquelle les fiches de rémunération transmises mensuellement au requérant et contenant un décompte de ses droits pécuniaires conforme au premier décompte ne sauraient rouvrir les délais de réclamation (arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec. p. 3709, point 18), que ce premier décompte soit contenu dans une fiche de rémunération antérieure ou dans une décision distincte d’une fiche de rémunération. En effet, un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur constitue un acte purement confirmatif de celui-ci et ne saurait, de ce fait, avoir pour effet d’ouvrir, en faveur du destinataire de l’acte antérieur, un nouveau délai de recours (arrêt de la Cour du 14 avril 1970, Nebe/Commission, 24/69, Rec. p. 145, point 8).

91      En l’espèce, force est de constater que, concernant la réduction du CC, les fiches de rémunération des mois de décembre 2004, janvier et février 2005 étant de caractère confirmatif par rapport à celle du mois de mai 2004, elles ne sauraient rouvrir au profit du requérant de nouveaux délais, faisant suite au délai initial qui a couru à compter de la communication de cette dernière fiche de rémunération (voir points 80 et 81 du présent arrêt). En revanche, la fiche de rémunération du mois de janvier 2005 du requérant n’est pas confirmative de sa fiche du mois de décembre 2004 en ce qui concerne le transfert d’une partie des émoluments, les deux fiches faisant apparaître une différence de plus de 500 euros dans les montants transférés (voir également points 80 et 81 du présent arrêt).

92      Sur cette dernière question, le Tribunal tient à souligner que, ayant constaté que la réduction de 20 %, à compter du 1er janvier 2005, de la partie des émoluments transférable avait eu pour conséquence, pour le requérant, de diminuer celle-ci de plus de 500 euros, il a interrogé la partie défenderesse, lors de l’audience, sur la position qu’elle défendait quant au caractère confirmatif de la fiche de rémunération du mois de janvier 2005 par rapport à celle du mois de décembre 2004 ou, même, du mois de mai 2004, la partie des émoluments transférable étant identique dans ces deux dernières fiches, mais supérieure à celle apparaissant dans la fiche du mois de janvier 2005. L’agent de la partie défenderesse, alléguant que cet aspect de la recevabilité n’avait pas été soulevé par le requérant, a refusé de répondre au Tribunal, malgré le fait que, ainsi que le Tribunal le lui a fait observer, il s’agissait de s’interroger sur le caractère d’acte faisant grief de la fiche de rémunération du mois de janvier 2005, suite précisément à une exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse, qui faisait état du caractère simplement confirmatif de cette fiche de rémunération. L’agent de la partie défenderesse, insistant sur son refus de répondre à la question du Tribunal, a d’ailleurs formulé des observations générales critiques sur la conception que le Tribunal se ferait de sa mission.

93      En toute hypothèse, la position prise par le Tribunal au sujet des fiches de rémunération des mois de décembre 2004, janvier et février 2005 (voir point 91 du présent arrêt) vaut que le grief du requérant consiste dans l’application erronée, selon lui, d’une disposition statutaire ou, comme en l’espèce, dans une exception d’illégalité, soulevée en vertu de l’article 241 CE contre la disposition statutaire servant de fondement aux actes individuels attaqués.

94      En effet, et à l’égard en particulier d’une partie ne disposant pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 230 CE, un recours direct contre un acte de portée générale, l’article 241 CE constitue l’expression d’un principe général lui assurant le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes de portée générale dont elle subit les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 39). Cependant, l’article 241 CE ne crée pas un droit d’action autonome et ne peut être invoqué que de manière incidente, dans le cadre d’un recours recevable, et non constituer l’objet d’un recours (voir arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Agne-Dapper e.a./Commission e.a., T‑35/05, T‑61/05, T‑107/05, T‑108/05 et T‑139/05, non encore publié au Recueil, point 42 et la jurisprudence citée).

95      Force est en outre de constater que faire droit à l’interprétation préconisée par le requérant au sujet de l’article 241 CE porterait atteinte à la sécurité juridique et à la stabilité qui doivent caractériser les rapports entre les institutions et leurs fonctionnaires (voir point 76 du présent arrêt), car cela permettrait à ces derniers de mettre en cause la validité des dispositions statutaires de portée générale de nombreux mois, voire des années, après que celles-ci aient commencé à trouver application à l’égard des fonctionnaires concernés. Telle ne peut pas être la fonction de l’exception d’illégalité de l’article 241 CE.

96      Au surplus, et contrairement à ce que le requérant prétend, accueillir en l’espèce, ne serait-ce que partiellement, l’exception d’irrecevabilité soulevée par les institutions n’équivaut en rien à soumettre l’exception d’illégalité de l’article 241 CE à une condition de délai, non énoncée dans ladite disposition. En effet, l’accueil de l’exception d’irrecevabilité par les considérations développées aux points 72 à 95 du présent arrêt ne remet nullement en cause le droit des fonctionnaires, qui attaquent dans le délai règlementaire de trois mois une décision individuelle leur faisant grief, de soulever une exception d’illégalité à l’encontre de la disposition statutaire servant de fondement à la décision individuelle attaquée, quand bien même cette disposition statutaire avait déjà reçu application dans le passé à leur encontre, sous la seule condition, dans cette dernière hypothèse, que l’application antérieure de la disposition contestée ait porté soit sur un droit autre que celui en cause dans la nouvelle procédure, soit sur le même droit, mais qui aurait fait l’objet d’une interprétation et d’une application différente de la disposition statutaire contestée, étant entendu, dans ces deux cas, que les prestations pécuniaires payées régulièrement, notamment mensuellement, en application d’une même disposition statutaire sont à considérer comme l’expression d’un seul et même droit.

97      Dans ces conditions, les conclusions dirigées contre les fiches de rémunération du requérant pour les mois de décembre 2004, janvier et février 2005, ainsi que contre toutes ses fiches de rémunération subséquentes, dans la mesure où elles font application des dispositions prétendument illégales des règlements n° 723/2004, n° 856/2004 et n° 31/2005, en ce que celles-ci réduisent les CC applicables au transfert, doivent être déclarées irrecevables.

98      Il y a lieu d’admettre, en revanche, que les conclusions dirigées contre les fiches de rémunération du requérant pour les mois de janvier et février 2005, en ce que celles-ci réduisent, en application du règlement n° 31/2005, la partie des émoluments transférable, doivent être déclarées recevables.

–       En ce qui concerne le système des pensions

99      En premier lieu, et en tenant compte de la notion même d’acte faisant grief (voir point 72 du présent arrêt), force est de constater, comme l’a d’ailleurs rappelé la partie défenderesse au cours de la procédure orale, qu’il n’existe, dans le présent litige, aucun acte faisant grief au requérant en matière de pensions. Interrogé sur ce point lors de l’audience, le requérant a fait valoir que l’existence d’une contribution à pension dans chaque fiche de rémunération constituait un élément lié à sa pension future et que de ce fait, chacune de ces fiches constituait un acte faisant grief. Cependant, et nonobstant le fait que le requérant n’a pas encore été admis à la retraite, on ne saurait déduire de la seule contribution pour les droits à pension, contenue dans les fiches de rémunération, l’existence d’actes faisant effectivement grief au requérant ; en effet, il est constant que les fiches en cause ne reflètent aucune détérioration de la situation financière du requérant, de sorte que l’annulation de ces fiches ne pourrait procurer aucun bénéfice à celui-ci. Par ailleurs, ne trouve aucun appui dans la jurisprudence, et doit être écartée, la position du requérant suivant laquelle ses fiches de rémunération doivent être considérées comme lui faisant grief du fait que sa contribution à pension, qui y est indiquée, n’a pas diminué, alors même que l’entrée en vigueur du statut, le 1er mai 2004, induit une diminution de ses droits à pension.

100    Ensuite, et à supposer même que les fiches de rémunération du requérant reflètent les illégalités qu’il reproche au nouveau système de pensions, de sorte que ces fiches puissent alors constituer des actes faisant grief au sens de la jurisprudence communautaire en matière de recevabilité, il convient de relever que la première fiche dans laquelle ces prétendues illégalités seraient reflétées était la fiche du mois de mai 2004, les nouvelles règles en matière de pensions étant entrées en vigueur le 1er mai 2004. Par conséquent, en application du raisonnement développé aux points 72 à 98 du présent arrêt, le requérant aurait dû faire valoir ses griefs dans les trois mois de la réception de la fiche de rémunération du mois de mai 2004. Sa réclamation ayant été introduite en mars 2005, elle est, ainsi, tardive.

101    En outre, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence du Tribunal de première instance, telle qu’invoquée par la partie défenderesse, un fonctionnaire encore en activité ne saurait justifier d’un intérêt né et actuel à obtenir une décision sur le CC qui s’appliquera à sa future pension d’ancienneté, car, en raison notamment de la condition liée au choix du pays de résidence, condition uniquement vérifiable lors de la cessation d’activité de l’intéressé, la fixation du CC ne peut faire l’objet d’une décision anticipée, affectant immédiatement et directement la situation juridique de l’intéressé (voir arrêt Pfloeschner/Commission, précité, point 27). Contrairement à ce qu’a soutenu le requérant, cette jurisprudence s’applique également au cas d’espèce, en dépit du fait que ses griefs ne concernent pas la fixation des CC, mais le système même des CC, supprimé pour les annuités de pension acquises à compter du 1er mai 2004. En effet, l’incertitude quant au pays de résidence choisi par le fonctionnaire après son admission au droit à pension, incertitude qui a conduit le juge communautaire, dans l’arrêt Pfloeschner/Commission, précité, à nier au requérant un intérêt né et actuel, requis pour obtenir une décision sur le CC, caractérise également la situation du requérant de la présente affaire. Ce dernier ne peut non plus être considéré comme ayant un intérêt né et actuel, requis pour la recevabilité de ses griefs relatifs au maintien même du système des CC, étant donné que, en fonction du pays de sa résidence future, en qualité de pensionné, il ne pourrait justifier d’aucun intérêt au maintien et à l’application à son égard du système même des CC.

102    Les considérations développées au point précédent ne sont pas remises en cause par les arrêts Deshormes/Commission et Rousseau/Cour des comptes, précités, que le requérant invoque en vue de défendre la recevabilité de son recours. Force est, en effet, de constater que l’analyse sur laquelle ces arrêts se fondent ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Si le premier d’entre eux (voir, en particulier, point 10) a conclu à la recevabilité d’un recours dirigé contre une décision ne devant recevoir exécution qu’ultérieurement, en basant cette conclusion sur la considération que, en dépit de cette dernière circonstance, la décision en question affectait déjà la situation juridique de l’intéressé de manière immédiate et directe, il importe de relever que ladite décision portait sur les annuités à prendre en compte pour le calcul des droits à pension, à savoir sur une question totalement différente de celle de la présente espèce et à laquelle l’administration apportait une solution dont le caractère, préjudiciable ou non, pour le fonctionnaire concerné, ne pouvait pas, contrairement aux décisions liées aux CC, varier à l’avenir en fonctions d’éléments aléatoires ; d’ailleurs le juge communautaire, avant de conclure à la recevabilité du recours dans l’arrêt Deshormes/Commission, précité, a bien rappelé que la mise à la retraite constitue un événement futur et incertain et que, avant cet événement, les droits à pension sont des droits virtuels. Par ailleurs, si dans l’arrêt Rousseau/Cour des comptes, précité, lequel ne vise pas des questions de pensions, le juge communautaire a admis qu’un fonctionnaire possède un intérêt légitime, né et actuel, suffisamment caractérisé, à faire fixer, dès maintenant, un élément incertain de sa situation administrative (voir, en particulier, point 7), le Tribunal de première instance, par l’arrêt Agne‑Dapper e.a./Commission e.a., précité (voir points 51 et 52), a bien précisé que l’intérêt de M. Rousseau à faire disparaître l’incertitude de sa situation financière n’était pas l’unique critère de recevabilité et que l’intéressé protestait précisément contre des décisions prises à son égard, lesquelles l’avaient mis dans un état d’incertitude ; le Tribunal de première instance en a ainsi conclu que si un fonctionnaire entend voir éclairer sa situation financière future, par exemple en matière de calcul de sa pension, encore faut-il que son état d’incertitude actuel ait été provoqué par un acte administratif qui lui fait grief et à l’encontre duquel il dispose d’un intérêt à agir au moment de l’introduction de son recours. Au contraire, en l’espèce, on ne saurait considérer que les fiches de rémunération, indiquant simplement une contribution pour les droits à pension, constituent des actes qui, de par leur existence, mettent le requérant dans un état d’incertitude concernant sa situation financière future ; dans ces conditions, on ne peut légitimement considérer que, pour contester ses fiches de rémunération, le requérant dispose d’un intérêt analogue à celui reconnu au requérant par l’arrêt Rousseau/Cour des comptes, précité, dans la mesure où le requérant, en l’espèce, tente seulement de contester une nouvelle réglementation, dont les conséquences sur ses droits à pension ne se feront sentir que dans plusieurs années.

103    Le recours, en ce qu’il concerne le système des pensions, est, dès lors, irrecevable.

 Sur le fond

104    Le recours ayant été déclaré recevable uniquement dans la mesure où il vise la réduction de la partie des émoluments transférable, il y a lieu de se prononcer sur les trois moyens invoqués au fond par le requérant à l’appui de son exception d’illégalité (voir points 69 et 70 du présent arrêt), soit, premièrement, la motivation erronée du règlement n° 723/2004, deuxièmement, la méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires et, troisièmement, la violation du principe de protection de la confiance légitime, des droits acquis, du principe de sécurité juridique, ainsi que du devoir de sollicitude.

105    Il convient d’examiner, en premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires.

106    Pour conclure à la violation du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires, le requérant compare sa situation personnelle avec celle d’un fonctionnaire affecté au Royaume-Uni et dont toute la rémunération serait assortie du CC Royaume-Uni ; en particulier, il fait valoir que la réduction de la partie de sa rémunération transférable, avec application du CC Royaume-Uni, a comme conséquence que, pour répondre aux besoins auxquels il satisfaisait antérieurement avec cette partie de sa rémunération, il dispose désormais d’un pouvoir d’achat inférieur à celui du fonctionnaire affecté au Royaume-Uni.

107    Cette argumentation doit être écartée.

108    À cet effet, il y a lieu de commencer par rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement interdit notamment que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du Tribunal du 19 juin 2007, Davis e.a/Conseil, F‑54/06, non encore publié au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée). Il en va de même du principe de non-discrimination, lequel n’est que l’expression spécifique du principe général d’égalité et constitue, conjointement avec ce dernier, un des droits fondamentaux du droit communautaire dont la Cour assure le respect (voir arrêt du Tribunal du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, non encore publié au Recueil, point 59, et la jurisprudence citée).

109    En l’espèce, il est constant que le requérant ne peut être considéré comme étant dans une situation comparable à celle d’un fonctionnaire affecté au Royaume-Uni et qui perçoit sa rémunération, affectée du CC Royaume-Uni, dans ce pays, dans la mesure où l’intéressé, affecté en Belgique, reçoit sa rémunération et expose objectivement une très grande partie de ses dépenses, tenant notamment au logement, à l’alimentation, ainsi qu’aux loisirs, dans ce dernier pays, en effectuant simplement des transferts d’une partie de sa rémunération vers le Royaume-Uni, pays dont il est originaire. Dans ces circonstances, le législateur, lequel dispose dans ce domaine d’un large pouvoir d’appréciation, était en droit de traiter différemment des fonctionnaires se trouvant dans des situations objectivement différentes. Il était, en outre, en droit de prévoir que les fonctionnaires ne pourraient transférer qu’une partie de leurs émoluments, avec application du CC, vers un pays autre que celui de leur affectation, et ce pour faire face à des types de dépenses bien déterminés ; c’est ce que le législateur a d’ailleurs décidé à l’article 17 de l’annexe VII du statut, en modifiant, dans un sens plus restrictif, le même article de l’ancien statut.

110    De surcroît, l’argumentation du requérant repose sur la prémisse selon laquelle, en dépit du fait de son affectation en Belgique, pays dans lequel il effectue objectivement une très grande partie de ses dépenses (voir point précédent), il expose au Royaume-Uni des dépenses correspondant à un pourcentage de sa rémunération supérieur à celui pour lequel il est admis au bénéfice du transfert avec application du CC Royaume-Uni. Or, le Tribunal observe que le requérant ne déclare expressément ni ne prouve que telle est sa situation.

111    Par ailleurs, le requérant, qui prône un système d’égalité en termes de pouvoir d’achat, développe une argumentation qui n’est spécifiquement liée ni à la partie concrète des émoluments pour laquelle il a perdu le droit de transfert, ni au pays, hors lieu d’affectation, dans lequel il exposerait ses dépenses. Suivre l’argumentation du requérant équivaudrait à reconnaître, à la charge de l’administration, une obligation de prendre en considération toute dépense que le fonctionnaire choisirait d’exposer en dehors de son lieu d’affectation, afin que la partie des émoluments dudit fonctionnaire utilisée pour effectuer cette dépense soit affectée du CC du pays dans lequel elle a été engagée. Il est manifeste que, pour des raisons pratiques, un tel système ne peut être mis en œuvre par l’administration.

112    En toute hypothèse, le Tribunal tient à préciser que, contrairement à ce que le requérant semble faire valoir, il n’existe pas de principe supérieur d’égalité de traitement en termes de pouvoir d’achat des fonctionnaires communautaires, mais le principe général d’égalité de traitement et de non‑discrimination, qu’il appartient au législateur de respecter et de mettre en œuvre par la voie et les moyens qu’il considère comme étant les plus appropriés. Ainsi, l’égalité de traitement peut être obtenue par des moyens autres que ceux basés sur le pouvoir d’achat. Cette règle, énoncée par le Tribunal en ce qui concerne les pensions et fondée notamment, sur la considération, propre au régime des pensions, qu’à contribution égale les fonctionnaires recevraient une pension nominale égale (voir arrêt Davis e.a./Conseil, précité, points 78 et 80), doit, a fortiori, trouver application en matière de transfert d’une partie des émoluments des fonctionnaires en activité. En effet, étant donné que l’article 20 du statut impose en principe aux fonctionnaires de résider au lieu de leur affectation, le principe d’égalité de traitement doit être assuré entre fonctionnaires affectés dans un même pays, selon un système en vertu duquel, par analogie avec l’arrêt Davis e.a./Conseil, précité, pour un travail égal dans ce même lieu d’affectation, les fonctionnaires reçoivent une rémunération nominale égale. En revanche, sauf exceptions limitées, déterminées par le législateur dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation (voir point 109 du présent arrêt), l’égalité de traitement ne saurait être invoquée à l’égard de fonctionnaires affectés dans un pays déterminé, par des fonctionnaires affectés dans un autre pays mais souhaitant transférer dans le premier pays une partie de leurs émoluments, en particulier, par des fonctionnaires qui, comme le requérant (voir au point 110 du présent arrêt), n’allèguent, ni ne prouvent, qu’ils exposent dans le pays vers lequel ils effectuent un transfert avec application du CC des dépenses correspondant à un pourcentage de leurs rémunérations supérieur à celui pour lequel ils sont admis au bénéfice du transfert.

113    Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires est, dès lors, non fondé.

114    En deuxième lieu, doit également être écarté le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, des droits acquis, du principe de sécurité juridique, ainsi que du devoir de sollicitude, violation pour laquelle le requérant développe une argumentation commune. Cette argumentation consiste essentiellement à faire valoir, d’une part, que, au moment de son entrée en fonction à la Commission, le requérant a tenu compte de la possibilité octroyée à tout fonctionnaire de transférer une partie de sa rémunération vers son pays d’origine, d’autre part, que les fonctionnaires, ayant à assumer des obligations contractées au Royaume-Uni avant la réforme statutaire auxquelles ils satisfaisaient grâce au système de transfert, se voient désormais dans l’impossibilité de faire face à ces obligations.

115    À l’encontre d’une telle argumentation, il convient de rappeler qu’il a été jugé, s’agissant précisément de la mise en œuvre du principe de sécurité juridique, que le législateur communautaire est libre, selon une jurisprudence bien établie, d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service ainsi que d’adopter, pour l’avenir, des dispositions statutaires plus défavorables pour les fonctionnaires concernés, à condition de fixer une période transitoire d’une durée suffisante, et que les fonctionnaires n’ont ainsi pas droit au maintien du statut tel qu’il existe au moment de leur recrutement (arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, non encore publié au Recueil, point 85, et la jurisprudence citée). Il doit en aller de même en ce qui concerne l’allégation relative aux droits acquis dont le requérant disposerait en matière de transfert d’une partie de ses émoluments avec application de CC (voir, en ce sens, arrêt Campoli/Commission, précité, points 78 à 82 et 105), ainsi qu’en ce qui concerne celle relative au principe de protection de la confiance légitime et au devoir de sollicitude, allégation pour laquelle le requérant ne développe pas d’argumentation particulière et distincte par rapport à celle relative au principe de sécurité juridique et aux droits acquis, et qui se confond en l’espèce avec cette dernière.

116    Ainsi, s’il est vrai que le nouveau système de transfert d’une partie des émoluments est financièrement moins favorable aux fonctionnaires que celui qui existait avant la réforme statutaire, il n’en demeure pas moins que le législateur, qui a adopté des dispositions transitoires énoncées à l’article 17 de l’annexe XIII du statut couvrant la période allant du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, était libre de modifier le statut et d’adopter des dispositions relatives au transfert d’une partie des émoluments plus défavorables pour les fonctionnaires que celles de l’ancien statut. En l’espèce, le régime transitoire de l’article 17 de l’annexe XIII du statut, que le requérant dénonce implicitement comme étant insuffisant, ne saurait être considéré comme tel, dès lors qu’il prévoit que le fonctionnaire peut, pendant la période allant du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, continuer à faire transférer le montant transféré régulièrement, antérieurement à la réforme, si les conditions requises pour l’autorisation du transfert continuent à être remplies, tout en prévoyant la diminution progressive du montant transférable entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2008. En outre, le requérant, qui est entré en fonction à la Commission le 1er janvier 1974, ne peut s’appuyer sur le fait que les nouvelles règles en matière de transfert conduiraient à modifier sa situation personnelle de manière importante, dans la mesure où il apparaît qu’il devrait être admis à la retraite peu de temps après ou peut-être même avant la fin du régime transitoire.

117    Les arguments invoqués par le requérant à l’appui du moyen examiné aux points 114 à 116 du présent arrêt ne sauraient infirmer la position du Tribunal à l’égard de ce moyen. S’agissant de l’argument tiré du fait qu’il aurait tenu compte, lors de son entrée en fonction à la Commission, du système favorable en matière de transfert des émoluments, tel qu’il était octroyé par l’ancien statut, le Tribunal ne peut que constater que, durant la presque totalité de sa vie active de fonctionnaire, à savoir pendant plus de 30 ans, le requérant a pu bénéficier pleinement de l’ancien système de transfert d’une partie des émoluments. Concernant l’argument ayant trait aux obligations contractées avant la réforme statutaire, le Tribunal observe que le requérant a invoqué cet argument de façon générale, en se référant à « des fonctionnaires », sans expliquer de manière précise et concrète, ni dans ses écrits, ni en réponse à une question du Tribunal en ce sens le jour de l’audience, sa situation personnelle, en citant par exemple une éventuelle charge à laquelle il ne pourrait plus faire face du fait du nouveau système de transfert d’une partie des émoluments ; dans ces conditions, le Tribunal ne saurait, notamment, se fonder sur un tel argument pour accueillir le moyen du requérant.

118    En conséquence, il s’ensuit que le moyen du requérant tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, des droits acquis, du principe de sécurité juridique, ainsi que du devoir de sollicitude doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit besoin pour le Tribunal de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre de ce moyen. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, le juge communautaire est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter le recours au fond, sans statuer préalablement sur un grief d’irrecevabilité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, points 51 et 52, ainsi que du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 155).

119    S’agissant enfin du moyen tiré de la motivation prétendument erronée du règlement n° 723/2004, le Tribunal reconnaît que le considérant 24 dudit règlement aurait pu être plus explicite, en énonçant précisément, par exemple, comme le soutient le requérant, à quoi se réfère le législateur lorsqu’il énonce que le coût des CC appliqués à une partie du transfert des émoluments est devenu disproportionné. Il n’en demeure pas moins que le Tribunal estime que le sens de ce considérant est clair et que le législateur a voulu mettre en évidence que les montants correspondants aux CC affectant les transferts étaient devenus très élevés et qu’ils représentaient un coût trop important pour la Communauté. Il n’appartient pas au Tribunal de contrôler et, encore moins de censurer un tel choix du législateur, d’autant que le requérant n’allègue ni ne prouve le caractère erroné du choix en question ou des prémisses sur lesquelles il repose.

120    De plus, le Tribunal observe que, lorsque le requérant reproche au législateur l’« inexactitude » de la référence, faite dans le considérant 24, au coût « disproportionné » des CC applicables aux transferts d’une partie des émoluments, l’intéressé raisonne, ainsi que cela résulte du contenu même des paragraphes de sa requête consacrés au moyen en question, en termes d’égalité de pouvoir d’achat ; il rétorque en effet aux rédacteurs du considérant 24 que les CC « sont en relation d’exacte proportion avec les disparités existant entre le coût de la vie dans les différentes régions de la Communauté ». Ainsi, il en résulte que le moyen tiré de la motivation erronée se confond avec les griefs du requérant relatifs à la prétendue méconnaissance du principe d’égalité de traitement, auxquels il a été répondu aux points 105 à 113 du présent arrêt.

121    En toute hypothèse, la motivation du considérant 24 respecte les exigences de la jurisprudence communautaire, laquelle pose que la motivation d’actes à portée générale peut se borner à indiquer la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et les objectifs généraux que le législateur se propose d’atteindre, sans qu’il soit besoin d’une motivation spécifique à l’appui de tous les détails que peuvent comporter de tels actes. Ainsi, il n’est pas nécessaire de motiver chaque modification apportée au statut, mais il suffit que le législateur explique l’essentiel des mesures, même succinctement, pourvu que l’explication soit claire et pertinente (voir arrêt Campoli/Commission, précité, point 159, et la jurisprudence citée). En l’espèce, il est notoire que la refonte du système des transferts d’une partie des émoluments et, notamment, l’instauration d’un régime transitoire en faveur des fonctionnaires bénéficiant de ces transferts avant cette refonte ne constituent que l’une des composantes de la vaste réforme statutaire que le Conseil a adopté en édictant le règlement n° 723/2004. Dans ces circonstances, la motivation fournie au considérant 24 répond aux critères jurisprudentiels susmentionnés. En effet, elle informe suffisamment les fonctionnaires des raisons de la diminution de la partie des émoluments transférable.

122    Dès lors, le moyen tiré de la motivation erronée du règlement n° 723/2004 doit être écarté.

123    Il découle de toutes les considérations qui précèdent qu’aucun des trois moyens soulevés par le requérant ne saurait être accueilli et que, par suite, les conclusions en annulation dirigées contre les fiches de rémunération de celui-ci des mois de janvier et février 2005, en ce que celles-ci réduisent la partie des émoluments transférable, doivent être rejetées comme non fondées.

 Sur les dépens

124    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement relatives aux dépens et frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

125    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

126    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

127    Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 avril 2008.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.