Language of document : ECLI:EU:F:2009:55

ORDONNANCE DU 4. 6. 2009 – AFFAIRE F-56/08

DE BRITTO PATRICIO-DIAS / COMMISSION

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

4 juin 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Régime commun d’assurance maladie – Couverture à titre primaire des enfants à charge par le régime commun d’assurance maladie – Absence de réclamation – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑56/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Jorge de Britto Patricio-Dias, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Massaux, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et M. D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel (rapporteur), et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juin 2008, le requérant conteste la décision par laquelle la Commission des Communautés européennes a refusé que ses enfants à charge soient couverts à titre primaire par le régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (ci-après le « régime commun »).

 Faits à l’origine du litige

2        Par trois décisions datées du 7 juin 2007 et notifiées au requérant le 11 juin suivant, l’unité « Assurance maladie et accidents » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (ci-après le « bureau liquidateur ») a rejeté les demandes de remboursement présentées par le requérant, fonctionnaire de la Commission exerçant ses fonctions au sein de la direction générale « Énergie et transports », concernant des prestations médicales dont avaient bénéficié son épouse et ses enfants à charge.

3        Par note du 13 juin 2007, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre des décisions du 7 juin 2007.

4        Par décision du 11 septembre 2007, le bureau liquidateur a décidé de rembourser, à titre exceptionnel, les frais médicaux qui avaient fait l’objet de la réclamation.

5        Par note du 12 novembre 2007, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision du 11 septembre 2007, critiquant le fait que la Commission ait décidé seulement « à titre exceptionnel » de rembourser les frais médicaux. Par ailleurs, dans la même note, le requérant a demandé que ses enfants à charge, qui étaient couverts à titre complémentaire par le régime commun, le soient désormais à titre primaire.

6        Par décision du 10 mars 2008, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a, d’une part, rejeté la réclamation introduite à l’encontre de la décision du 11 septembre 2007, d’autre part, refusé de faire droit à la demande tendant à ce que les enfants à charge du requérant soient couverts à titre primaire par le régime commun. Pour justifier ce dernier refus, l’AIPN a d’abord relevé que l’épouse de l’intéressé résidait en Espagne et « [avait] droit, de ce fait, à la couverture gratuite du régime national pour elle et pour ses enfants résidant dans ce même pays », puis en a déduit que, « en application de la réglementation en vigueur, les enfants du [requérant devaient] d’abord bénéficier, de la part de leur mère, de la couverture gratuite du régime national espagnol, et n’[avaient] droit qu’à titre complémentaire à la couverture du [régime commun] ».

 Procédure et conclusions des parties

7        Le requérant a introduit le présent recours le 9 juin 2008.

8        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      annuler la décision de l’[AIPN] […] datée du 10 mars 2008 et notifiée le 11 mars 2008 ;

–        dire pour droit que les enfants du requérant bénéficient du régime primaire ;

–        condamner la [Commission] aux dépens de l’instance. »

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –       déclarer irrecevable la seconde conclusion du recours et non fondée la première ;

–        condamner le requérant aux dépens. »

10      Conformément à l’article 77 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à formuler toute observation concernant la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 10 mars 2008, au regard de la règle suivant laquelle un fonctionnaire doit, préalablement à la saisine des juridictions communautaires, introduire une réclamation à l’encontre d’un acte faisant grief. En réponse à cette invitation, la Commission a conclu à l’irrecevabilité des conclusions susmentionnées pour défaut de respect de la procédure précontentieuse. De son côté, le requérant a souligné que ces conclusions étaient recevables dès lors que la décision du 10 mars 2008 constituait un acte lui faisant grief.

 En droit

11      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

12      En l’espèce, le Tribunal, suite aux observations transmises par les parties sur la fin de non-recevoir qu’il a soulevée d’office, s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que les enfants du requérant « bénéficient du régime primaire »

13      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, des conclusions qui visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains des moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation sont irrecevables parce qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), de faire des déclarations en droit (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Peroulakis/Commission, T‑69/91, Rec. p. II‑185, point 14, et du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, RecFP p. I‑A‑2‑107 et II‑A‑2‑485, point 15). Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la « décision de l’[AIPN] […] datée du 10 mars 2008 et notifiée le 11 mars 2008 »

 Sur la portée des conclusions

14      En l’espèce, il importe de relever que, dans sa note du 12 novembre 2007, le requérant, en même temps qu’il introduisait une réclamation à l’encontre de la décision du 11 septembre 2007, a saisi l’administration d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut tendant à ce que ses enfants à charge soient couverts à titre primaire par le régime commun. Or, si, dans la décision du 10 mars 2008, la Commission a successivement rejeté cette réclamation et cette demande, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne conteste la décision de la Commission qu’en tant que celle-ci a refusé de faire droit à sa demande visant à ce que ses enfants soient couverts à titre primaire par le régime commun. C’est donc dans cette mesure qu’il sera statué sur les conclusions susmentionnées.

15      En tout état de cause, à supposer même que le requérant ait entendu également critiquer le fait que la Commission ait décidé, le 11 septembre 2007, de ne rembourser les frais médicaux exposés par son épouse et ses enfants à charge qu’« à titre exceptionnel », de telles conclusions seraient irrecevables. En effet, il convient de rappeler que seuls peuvent faire l’objet d’un recours en annulation les actes faisant grief, c’est-à-dire les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts des fonctionnaires en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de ces derniers. Or, en l’espèce, il est constant que la décision du 11 septembre 2007 ne constitue pas un acte faisant grief au requérant puisqu’elle lui a accordé ce qu’il sollicitait, à savoir le remboursement des frais médicaux exposés par sa femme et ses enfants à charge. Quant aux motifs de cette décision, selon lesquels un tel remboursement n’a été accordé qu’« à titre exceptionnel », ils ne sauraient faire l’objet en tant que tels d’un recours en annulation, dès lors qu’ils ne constituent pas le support nécessaire du dispositif d’un acte faisant grief (voir arrêt du Tribunal de première instance du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II‑2181, point 31).

 Sur la recevabilité des conclusions

16      Les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d’un recours introduit par un fonctionnaire contre l’institution à laquelle il appartient à la condition d’un déroulement régulier de la procédure administrative préalable (voir, notamment, ordonnance du Tribunal de première instance du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T‑108/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1205, point 19). En particulier, selon l’article 91, paragraphe 2, du statut, un recours à l’encontre d’un acte faisant grief n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, et dans le délai y prévu et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

17      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’acte faisant grief attaqué, en l’occurrence la décision du 10 mars 2008 en tant qu’elle a rejeté la demande tendant à ce que les enfants à la charge du requérant soient couverts à titre primaire par le régime commun, n’a fait l’objet d’aucune réclamation, alors que les dispositions précitées de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 2, du statut imposaient qu’une telle réclamation fût formée.

18      Dans ces conditions, faute pour le requérant d’avoir satisfait aux exigences de la procédure précontentieuse, les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

19      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

20      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

21      Il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours de M. de Britto Patricio-Dias est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. de Britto Patricio-Dias est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 4 juin 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.