Language of document : ECLI:EU:T:2019:633

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 septembre 2019 (*)

« Aides d’État – Marché de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables – Mesures fixant un prix de rachat minimal de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ou accordant une prime aux producteurs de cette électricité – Modification des mesures initiales – Décision déclarant le régime d’aide compatible avec le marché intérieur au terme de la phase préliminaire d’examen – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Bénéficiaires de l’aide et actionnaires des bénéficiaires – Confiance légitime – Ressources d’État – Compétence de la Commission pour examiner la compatibilité des mesures avec d’autres dispositions du droit de l’Union que celles propres aux aides d’État »

Dans l’affaire T‑217/17,

FVE Holýšov I s. r. o., établie à Prague (République tchèque), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Mes A. Reuter, H. Wendt, C. Bürger, T. Christner, W. Schumacher, A. Compes et T. Herbold, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes L. Armati, P. Němečková et M. T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil, T. Müller, O. Serdula et Mme L. Dvořáková, en qualité d’agents,

par

Royaume d’Espagne, représenté initialement par Mme A. Gavela Llopis, puis par M. A. Rubio González et Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

par

République de Chypre, représentée par Mmes E. Symeonidou et E. Zachariadou, en qualité d’agents,

et par

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová et M. M. Kianička, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision C(2016) 7827 final de la Commission, du 28 novembre 2016, relative à l’aide d’État SA.40171 (2015/NN), concernant la promotion de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 69, p. 2),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, MM. E. Bieliūnas et A. Kornezov (rapporteur), juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 mai 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par lettre du 16 décembre 2003, deux associations tchèques actives dans le secteur des énergies renouvelables, l’Association tchèque pour l’énergie éolienne et Eurosolar, ont adressé une plainte à la Commission des Communautés européennes, concernant, en particulier, le caractère supposément contraire aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État d’un projet de loi de la République tchèque visant à promouvoir l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables (ci-après les « SER »), en lui demandant de prendre contact avec les autorités tchèques afin qu’elles procédassent à la notification du régime d’aide projeté. La Commission a informé les plaignantes, par lettre du 27 juillet 2004 (ci-après la « lettre de 2004 »), que, sur la base des éléments en sa possession, elle considérait que le système de promotion envisagé ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étant donné qu’il n’impliquait pas de ressources étatiques.

2        Le projet de loi mentionné au point 1 ci-dessus a été adopté en tant que Zákon o podpoře výroby elektřiny z obnovitelných zdrojů energie a o změně některých zákonů (zákon o podpoře využívání obnovitelných zdrojů) (loi sur la promotion de la production d’électricité à partir de SER et modifiant diverses lois), du 31 mars 2005 (180/2005 Sb.) (ci-après le « régime initial »).

3        Le régime initial instaurait un certain nombre de mesures au bénéfice d’opérateurs utilisant des installations produisant de l’électricité à partir de SER (ci-après les « producteurs concernés »), notamment des installations photovoltaïques.

4        Les mesures instaurées par le régime initial, garanties pendant la durée de vie des installations (20 ans en ce qui concerne les installations photovoltaïques), pouvaient prendre deux formes :

–        soit, pour les producteurs concernés qui choisissaient de vendre toute l’électricité qu’ils produisaient à un opérateur du réseau d’électricité, celle d’un prix de rachat minimal, fixé annuellement par l’Energetický regulační úřad (Office de régulation de l’énergie tchèque, ci-après l’« ORE »), établi sur la base, notamment, des coûts d’investissement et d’exploitation des installations photovoltaïques, lesquels devaient être récupérés pendant les quinze premières années d’exploitation, les cinq années restantes constituant ainsi le profit desdits producteurs (ci-après le « prix de rachat »). Toute diminution potentielle du prix de rachat par rapport à celui fixé l’année précédente était soumise à une limite de 5 % (ci-après la « limite de 5 % ») ; autrement dit, le prix de rachat établi pour une technologie donnée fondée sur les SER mise en service lors d’une année donnée ne pouvait être inférieur à 95 % du prix de rachat de l’année précédente pour la même technologie ;

–        soit celle d’une « prime verte », venant majorer le prix du marché, pour les producteurs concernés qui choisissaient de vendre leur électricité sur le marché.

5        Les mesures instaurées par le régime initial étaient financées exclusivement par un prélèvement spécial (ci-après le « prélèvement SER »), sous forme d’un supplément imposé sur les tarifs de transmission et de distribution d’électricité, payé par les consommateurs finals d’électricité au gestionnaire du réseau de transport d’électricité (ci-après le « GRT ») et aux sociétés régionales de distribution d’électricité (ci-après les « SRD »), de sorte que les consommateurs finals supportaient intégralement la charge du financement desdites mesures. Ce prélèvement fut mis en œuvre par décret de l’ORE et son montant arrêté par ce dernier lors de l’adoption de décisions sur les prix.

6        En 2010, la République tchèque a modifié à trois reprises le régime initial, à savoir le 21 avril, le 30 novembre et le 14 décembre. La République tchèque a mis en avant le fait que le régime initial ainsi modifié (ci-après le « régime modifié ») visait à éviter un risque de surcompensation, lié à l’effet combiné de la limite de 5 % et de la baisse des coûts des installations photovoltaïques, qui a été supérieure à 5 % certaines années.

7        Par conséquent, avec effet au 1er janvier 2011, la République tchèque a imposé aux producteurs concernés, notamment, un prélèvement sur les prix de rachat et les primes vertes, dit « taxe solaire », accordés aux installations photovoltaïques mises en service entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 (à l’exception de certaines installations de petite taille, d’une capacité opérationnelle de moins de 30 kilowatts).

8        La taxe solaire était égale à 26 % du prix de rachat pour la période couvrant les années 2011 à 2013 et à 10 % du prix de rachat à partir du 1er janvier 2014. Concomitamment, la prime verte visée au point 4 ci-dessus était taxée à hauteur de 28 % pour la période couvrant les années 2011 à 2013 et de 11 % à partir du 1er janvier 2014.

9        D’autres mesures ont également été adoptées dans le cadre du régime modifié. Ainsi, la limite de 5 % a été supprimée pour certaines installations mises en service après le 1er janvier 2011 et il a été mis fin, le 31 décembre 2010, à l’exonération de l’impôt sur le revenu, qui devait à l’origine être applicable pour une durée de six ans.

10      Le régime modifié a donc eu pour effet de réduire l’ampleur des mesures bénéficiant aux producteurs concernés utilisant des installations photovoltaïques au titre de la promotion de la production d’électricité à partir de SER.

11      Ainsi, à partir du 1er janvier 2011, le régime modifié a été financé en partie par le prélèvement SER et en partie par le budget de l’État.

12      Le 11 décembre 2014, la République tchèque a, en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, notifié à la Commission le régime de promotion de la production d’électricité à partir de SER, produite par des installations mises en service entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2012.

13      Le 28 novembre 2016, la Commission a adopté la décision C(2016) 7827 final, relative à l’aide d’État SA.40171 (2015/NN), concernant la promotion de la production d’électricité à partir de SER, dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 69, p. 2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

14      Tout d’abord, aux paragraphes 68 à 84 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les quatre conditions cumulatives relatives à l’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étaient réunies en l’espèce et que, par conséquent, les mesures en cause constituaient une aide d’État.

15      Ensuite, aux paragraphes 87 à 90 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les mesures en cause constituaient une aide nouvelle, la lettre de 2004 ne pouvant être considérée comme une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

16      Au paragraphe 93 de la décision attaquée, la Commission a considéré les mesures en cause, au regard de leur objectif environnemental, comme un régime d’aide compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et à la lumière de la communication relative à l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 2001, C 37, p. 3) et des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement (JO 2008, C 82, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2008 »).

17      Par ailleurs, la Commission a pris note du fait que les autorités tchèques avaient pris l’engagement de mettre en place un mécanisme de contrôle destiné à prévenir le risque de surcompensation pouvant résulter soit d’un cumul de mesures d’aide à l’investissement avec d’autres types d’aide au fonctionnement, soit d’une surestimation de n’importe quel élément de coût pris en compte dans le cadre du prix de rachat ou de la prime verte (ci-après le « mécanisme de contrôle »). Il ressortirait de cet engagement que ce mécanisme aurait dû entrer en vigueur en février 2019 pour les installations mises en service durant la période couvrant les années 2006 à 2008.  

18      En outre, au titre 5 de la décision attaquée, la Commission a répondu aux observations des parties intéressées, estimant notamment, s’agissant du principe de protection de la confiance légitime, que les bénéficiaires actuels ou potentiels du régime initial ne pouvaient fonder de confiance légitime dans une aide d’État illégale et que la lettre de 2004 contenait seulement une appréciation provisoire concernant un projet de loi (paragraphes 136 et 137 de ladite décision). Concernant la violation alléguée de traités bilatéraux d’investissement ainsi que du traité sur la Charte de l’énergie, signé à Lisbonne le 17 décembre 1994 (JO 1994, L 380, p. 24, ci-après le « TCE »), la Commission a indiqué que tout traité bilatéral d’investissement (ci-après « TBI ») comportant une clause permettant de recourir à des juridictions arbitrales pour trancher un différend interne à l’Union entre un investisseur et un État membre était contraire à plusieurs dispositions du traité UE et du traité FUE (paragraphes 143 et 144 de cette décision) et qu’il résultait du libellé, de la finalité et du contexte du TCE que celui-ci ne s’appliquait pas aux situations internes à l’Union (paragraphe 147 de la même décision).

19      Enfin, dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’il était regrettable que la République tchèque ait déjà mis en œuvre la mesure d’aide en question, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, a déclaré le régime d’aide notifié comme étant compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et, partant, a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre dudit régime d’aide.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 avril 2017, les requérants, FVE Holýšov I s. r. o. et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, ont introduit le présent recours.

21      Le 3 juillet 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal.

22      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 17 juillet, le 1er, le 2 et le 9 août 2017, le Royaume d’Espagne, la République slovaque, la République de Chypre et la République tchèque ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Ces interventions ont été admises par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 17 novembre 2017. Les intervenants ont déposé leurs mémoires et les parties principales ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

23      De plus, les requérants ayant demandé, conformément à l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure du Tribunal, par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017, d’une part, que certaines informations figurant dans l’annexe A 2 de la requête, à caractère confidentiel, ne fussent pas communiquées à la République tchèque et, d’autre part, que ces mêmes informations ainsi que d’autres données de même nature, contenues dans d’autres annexes de la requête, fussent également omises lors de la communication de la requête aux autres intervenants, le président de la septième chambre du Tribunal, dans l’ordonnance mentionnée au point 22 ci-dessus, a provisoirement limité la communication de la requête à la version non confidentielle produite par les requérants, en attendant les éventuelles observations des intervenants sur les demandes de traitement confidentiel.

24      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 20 novembre 2017.

25      Par lettre du 13 décembre 2017, la République tchèque a émis des objections concernant la demande de traitement confidentiel formée par les requérants à son égard.

26      Le 30 janvier 2018 a été déposé au greffe du Tribunal la duplique.

27      Par ordonnance du 25 juin 2018, le président de la septième chambre du Tribunal a rejeté la demande de traitement confidentiel présentée par les requérants à l’égard de la République tchèque et a ordonné de communiquer à celle-ci une version complète de l’annexe A 2 de la requête.

28      Le 13 et le 24 août 2018 respectivement, les requérants et la Commission se sont prononcés en faveur de la tenue d’une audience.

29      Le 24 août 2018 également, en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Commission a fait une offre de preuve.

30      Le 5 octobre 2018, les requérants ont pris position sur l’offre de preuve faite par la Commission, indiquant que ladite offre ne présentait pas de caractère confidentiel. Ils ont, à leur tour, fait une offre de preuve.

31      Le 26 octobre 2018, la Commission a demandé au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure, en vertu de l’article 89 du règlement de procédure, afin que la sentence arbitrale à laquelle avaient fait référence les requérants fût produite dans son intégralité.

32      Respectivement le 2 novembre 2018 et le 4 janvier 2019, la République tchèque a déposé au greffe du Tribunal ses observations concernant, d’une part, l’offre de preuve faite par la Commission le 24 août 2018 et celle faite par les requérants le 5 octobre 2018 et, d’autre part, la demande de mesure d’organisation de la procédure proposée par la Commission.

33      Le 18 janvier 2019, les requérants ont produit dans son intégralité le document demandé par la Commission (voir point 31 ci-dessus), laquelle a présenté, le 11 février 2019, ses observations à cet égard, imitée par le Royaume d’Espagne le 27 février 2019.

34      Le 28 mars 2019, la République slovaque a informé le greffe du Tribunal de sa renonciation à participer à l’audience.

35      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;  

–        condamner les intervenants ou la Commission aux dépens liés aux interventions.

36      La Commission et la République slovaque concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

37      La République tchèque indique partager les arguments de la Commission et conclut au rejet du recours comme dépourvu de fondement ainsi qu’à la condamnation des requérants aux dépens.  

38      Le Royaume d’Espagne soutient les conclusions de la Commission en ce qu’elle conclut au rejet du recours.

39      La République de Chypre, sans présenter de conclusions particulières, concentre ses développements sur l’analyse de la Commission figurant aux paragraphes 143 à 150 de la décision attaquée, qu’elle estime pleinement fondée.

 En droit

 Sur la recevabilité

40      La Commission, sans avoir soulevé formellement d’exception d’irrecevabilité par acte séparé au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, soutenue sur ce point par la République slovaque, fait valoir notamment que le recours n’est pas recevable pour défaut d’intérêt à agir. Elle estime que la décision attaquée est favorable aux requérants, puisqu’elle déclare inconditionnellement le régime d’aide compatible avec le marché intérieur. Selon elle, l’intérêt tiré de ce que certains requérants seraient parties à des procédures d’arbitrage engagées contre la République tchèque, dans le cadre desquelles ladite décision serait pertinente, n’est pas légitime, au motif que ces procédures, fondées sur un TBI conclu entre deux États membres ou sur le TCE et relatives à des investissements internes à l’Union, seraient incompatibles avec le droit de l’Union.

41      Il y a lieu de rappeler à cet égard que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, selon les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 14 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑57/15, non publié, EU:T:2016:470, point 84).

42      En l’espèce, il est justifié d’examiner au fond le recours et, le cas échéant, de ne pas statuer sur sa recevabilité.

 Sur le fond

43      Les requérants avancent sept moyens au soutien du recours, dont ils ont précisé, lors de l’audience, qu’il tendait à l’annulation de la décision attaquée en tant que la Commission y qualifiait le régime initial d’aide d’État, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

44      Les requérants font valoir, premièrement, que la lettre de 2004 constitue une décision définitive par laquelle la Commission a conclu à l’absence d’aide d’État, deuxièmement, que la Commission a méconnu le principe de protection de la confiance légitime à leur égard et le principe de sécurité juridique, troisièmement, que les mesures en cause ne constituent pas une aide d’État, quatrièmement, que la Commission a fait preuve d’exigences excessives dans l’appréciation de la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur, cinquièmement, que la décision attaquée est entachée d’un vice de procédure, sixièmement, que la Commission a méconnu l’article 5, paragraphe 1, TUE et, septièmement, que la décision attaquée est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la lettre de 2004 constitue une décision définitive encore en vigueur

45      Les requérants font valoir, en substance, que la lettre de 2004, dans laquelle la Commission a conclu que le régime initial ne constituait pas une aide d’État, est une décision définitive contraignante et que, par conséquent, la Commission ne pouvait adopter la décision attaquée en raison du caractère définitif de cette « décision de 2004 », qui serait toujours en vigueur. En d’autres termes, la Commission aurait dû abroger cette « décision » avant de procéder à l’adoption de la décision attaquée, ce qu’elle n’a pas fait.

46      La Commission, soutenue par la République tchèque, conteste les arguments des requérants.

47      Il convient d’indiquer, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, constituent en principe des décisions au sens de l’article 288 TFUE les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission au terme d’une procédure administrative et qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, qui n’ont pas de tels effets (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 42 et jurisprudence citée).

48      Comme le font valoir les requérants, il est, en principe, sans incidence sur la qualification de l’acte concerné que celui-ci satisfasse ou non certaines exigences formelles, à savoir qu’il soit dûment intitulé par son auteur, qu’il soit suffisamment motivé ou qu’il mentionne les dispositions qui constituent sa base légale. Il est ainsi sans pertinence que cet acte ne soit pas désigné comme une « décision » ou que la Commission ne se soit pas référée à l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, du règlement no 659/1999, alors applicable. Il s’ensuit que, pour déterminer si un acte en matière d’aides d’État constitue une « décision » au sens de l’article 4 dudit règlement, il convient de vérifier si, compte tenu de la substance de celui-ci et de l’intention de la Commission, cette dernière a définitivement fixé par l’acte examiné, au terme de la phase préliminaire d’examen, sa position sur la mesure dénoncée et, partant, si elle a conclu que celle-ci constituait ou non une aide, qu’elle ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur ou qu’elle suscitait de tels doutes (voir arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 44 et 46 et jurisprudence citée). Cette question doit être appréciée en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de l’acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur (voir arrêt du 13 février 2014, Hongrie/Commission, C‑31/13 P, EU:C:2014:70, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 59).

49      En premier lieu, s’agissant du contenu de la lettre de 2004, il y a lieu de relever que celui-ci ne permet pas de conclure que ladite lettre revêtait le caractère d’une décision. Si, certes, certains passages de cette lettre indiquent que les services de la Commission « ont conclu » qu’il n’y avait pas de raisons suffisantes pour continuer l’enquête ou que la mesure en cause n’impliquait pas de ressources d’État, il y a lieu de constater que lesdits services ont précisé, d’une part, que leurs appréciations étaient fondées « sur la base de l’information disponible », à savoir, notamment, un « projet législatif », et, d’autre part, en fin de courrier, qu’ils invitaient les plaignantes, si elles devaient avoir à leur disposition de nouveaux éléments de nature à démontrer une violation des règles relatives aux aides d’État, à les en informer dès que possible. Il s’ensuit que ces services se réservaient la possibilité de revenir sur leur position si de nouveaux éléments devaient leur être apportés, ce qui démontre également que la lettre en question ne revêtait pas un caractère décisionnel ou définitif. Cela est davantage confirmé par l’absence de dispositif susceptible de produire des effets de droit obligatoires. Une telle lettre doit donc être regardée comme un simple avis juridique, accompagné d’une invitation à fournir aux services de la Commission de nouveaux éléments, qui n’est pas de nature à produire des effets de droit (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 62). De surcroît, il y a lieu de souligner qu’il ressort d’une lettre de la Commission du 9 février 2010, produite dans l’annexe A 17.b de la requête (voir note en bas de page no 1), que celle-ci « n’a jamais formellement exprimé son opinion sous la forme d’une décision concernant [les mesures en cause] ».

50      En deuxième lieu, s’agissant des pouvoirs de la Commission, il y a lieu de constater que la lettre de 2004 fait suite à une plainte présentée par deux associations le 16 décembre 2003, dans laquelle elles invoquaient l’incompatibilité avec les règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État, notamment, d’un projet de loi concernant la promotion de l’électricité produite à partir de SER. Il ressort de la teneur de cette lettre que celle-ci ne portait donc que sur un projet de législation. Il est, en outre, constant que les mesures faisant l’objet de ce projet n’étaient, à l’époque de l’envoi de cette lettre, ni notifiées par les autorités tchèques ni mises à exécution.

51      Or, le règlement no 659/1999 n’autorisait pas la Commission à adopter de décision à la suite d’une plainte faisant état d’un projet d’aide qui n’était ni notifié ni mis à exécution.

52      En effet, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, sur lequel s’appuient les requérants, « si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision ». À l’évidence, cette disposition s’appliquait uniquement aux procédures concernant les aides notifiées, ainsi que l’indique par ailleurs l’intitulé même du chapitre II dudit règlement, sous le titre duquel se trouve l’article en question, à savoir « Procédure concernant les aides notifiées ». Toutefois, lorsque la lettre de 2004 a été envoyée, une telle procédure faisait défaut.

53      Les requérants font également valoir que la lettre de 2004 constitue une décision en vertu des articles 10 et 13 du règlement no 659/1999. Toutefois, ces deux dispositions font partie du chapitre III de ce règlement, intitulé « Procédure en matière d’aides illégales ». Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement, « [l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai ». Selon l’article 13, paragraphe 1, première phrase, du même règlement, « [l]’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4 ». Il s’ensuit que lesdites dispositions trouvaient à s’appliquer, comme le souligne à bon droit la Commission, aux seules procédures en matière d’aides « illégales ». L’article 1er, sous f), du règlement en question définissait une aide illégale comme « une aide nouvelle mise à exécution en violation de l’article 93, paragraphe 3, du traité [CE] ». Or, ainsi qu’il a été constaté au point 50 ci-dessus, la mesure dénoncée dans la plainte en cause et sur laquelle portait ladite lettre n’était pas une aide illégale, puisque celle-ci, au stade de simple proposition législative, n’avait pas encore été mise à exécution.

54      Par conséquent, la lettre de 2004 ne pouvait constituer une décision au sens du règlement no 659/1999, contrairement à ce que font valoir les requérants.

55      Les requérants n’ont pas non plus raison de soutenir que cette interprétation aboutit à un contournement des règles relatives aux aides d’État par les États membres, au motif qu’« il [leur] suffirait tout simplement de ne pas procéder à une notification ». Il suffit de remarquer à cet égard, d’une part, que, s’agissant d’une mesure non notifiée, la Commission est compétente, en vertu des dispositions citées au point 53 ci-dessus, pour adopter des décisions lorsqu’une telle mesure est mise à exécution en violation de l’obligation de notification et, d’autre part, que, si une mesure non notifiée est restée au stade de projet et n’a pas été mise en œuvre, elle n’est pas susceptible de fausser ou de menacer de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions au sens de l’article 107 TFUE, de sorte qu’elle ne rentre pas dans le champ d’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État.

56      Par ailleurs, il y a lieu de constater que la lettre de 2004 a été signée par le directeur de la direction « Aides d’État 1 » de la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission. Or, conformément à l’article 219 CE (devenu article 250 TFUE) et à l’article 1er du règlement intérieur de la Commission [C(2000) 3614] (JO 2000, L 308, p. 26), alors applicable, les décisions de la Commission en la matière sont adoptées par le collège des commissaires. Cela démontre également que cette lettre n’a pas de caractère décisionnel.

57      En troisième lieu, s’agissant du contexte dans lequel la lettre de 2004 a été adressée aux requérants, il convient de préciser, ainsi qu’il a été relevé au point 50 ci-dessus, que cette lettre faisait suite à une plainte dénonçant des mesures figurant dans un projet de législation qui n’avaient été ni notifiées par les autorités tchèques ni mises à exécution. À cet égard, lors de l’audience, la Commission a précisé, sans être contredite sur ce point par les requérants, que l’envoi de ladite lettre s’inscrivait dans le cadre d’une pratique courante de sa part visant, dans le respect du principe de bonne administration, à donner une réponse utile aux requérants dans un contexte, comme celui de l’espèce, où elle n’avait pas le pouvoir d’adopter une décision. Par ailleurs, de l’aveu même des requérants, à la suite de la lettre en question, les services de la Commission se sont adressés à plusieurs reprises aux autorités tchèques en leur demandant des informations supplémentaires et des éclaircissements concernant le régime initial, ce qui démontre également que ladite lettre ne revêtait pas un caractère décisionnel ou définitif.

58      Au demeurant, même à supposer que la lettre de 2004 constitue une décision au sens du traité ou du règlement no 659/1999, elle ne saurait empêcher la Commission d’adopter une décision telle que la décision attaquée, ni d’ailleurs la contraindre à « révoquer » d’abord la « décision de 2004 » avant d’adopter la décision attaquée.

59      En effet, à l’instar de la Commission et de la République tchèque, il convient d’indiquer que le régime de promotion de la production d’électricité à partir de SER, qui a été notifié en 2014, est substantiellement différent de celui ressortant du projet de loi, mentionné au point 1 ci-dessus, qui avait été porté à l’attention de la Commission en 2003. En particulier, il y a lieu de relever, ainsi que la Commission le fait valoir sans être contredite par les requérants, que, à la différence du régime initial, ledit projet de loi ne faisait pas apparaître que le prélèvement SER, par lequel ce régime allait être financé, serait imposé aux consommateurs finals par acte des autorités publiques. Or, cet élément était, de l’avis de la Commission, décisif quant à la question de savoir si ce dernier régime impliquait des ressources d’État (voir points 96 à 127 ci-après). Partant, le fait que, dans la lettre de 2004, les services de la Commission avaient considéré, sur la base de ce projet de loi, que la mesure envisagée n’impliquait pas de telles ressources n’empêchait pas la Commission de conclure, dans la décision attaquée, et ce sans devoir au préalable « révoquer » ladite lettre, que le régime en question constituait une aide d’État sur la base notamment de la loi adoptée en 2005 et des diverses mesures édictées postérieurement aux fins de son exécution.

60      Enfin, dans la réplique, les requérants ajoutent que la Commission était également liée par une « décision de 2006 » qu’elle avait rendue à la suite d’une enquête de 2005.  Cependant, d’une part, faute pour les requérants d’identifier avec précision ladite « décision » et de la verser au dossier, le Tribunal n’est pas en mesure de se prononcer utilement sur ce grief, de sorte que celui-ci doit être rejeté comme étant irrecevable en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 24 mars 1993, Benzler/Commission, T‑72/92, EU:T:1993:27, point 18). D’autre part, ce grief est irrecevable également au motif de sa tardiveté, celui-ci étant avancé, pour la première fois, dans la réplique, sans aucune justification pour sa présentation tardive, contrairement aux exigences de l’article 84, paragraphe 1, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 71).

61      Il convient, par conséquent, de rejeter le premier moyen comme étant non fondé en ce qui concerne la « décision de 2004 » et comme étant irrecevable en ce qui concerne la « décision de 2006 ».

 Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

62      Les requérants soutiennent que les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique s’opposaient à ce que la Commission conclût, dans la décision attaquée, que le régime initial constituait une aide d’État. Ils avancent plusieurs éléments susceptibles de démontrer, selon eux, qu’ils pouvaient s’attendre légitimement à ce que ledit régime ne fût pas constitutif d’une aide d’État.

63      Ainsi, les requérants font valoir que, même si la lettre de 2004 ne devait pas être regardée comme une décision, ils avaient pu légitimement croire, sur la base de cette lettre, que les investissements qu’ils avaient effectués dans le cadre du régime initial, lesquels requerraient, s’agissant des énergies renouvelables, un besoin de sécurité juridique et de confiance légitime encore plus grand que dans d’autres domaines, n’étaient pas soumis aux règles applicables en matière d’aides d’État. En effet, dans ladite lettre, la Commission aurait pris en compte non seulement le projet de loi mentionné au point 1 ci-dessus, joint à la plainte de 2003, mais également les informations supplémentaires reçues, à l’époque, de la République tchèque. En outre, au cours des années 2005, 2007 et 2009, après avoir demandé à cet État membre, ainsi qu’il ressort de la requête, « essentiellement les mêmes informations […] que celles […] demandées en 2004 », la Commission n’aurait ni ouvert une nouvelle enquête ni adopté une autre décision, ce qui démontrerait, selon les requérants, qu’elle estimait que la lettre de 2004 statuait de manière correcte, suffisante et adéquate sur la question.

64      La Commission estime que ce moyen est inopérant et, en tout état de cause, dénué de fondement.

65      Quant au caractère inopérant du deuxième moyen, la Commission estime tout d’abord qu’il repose sur la prémisse erronée que la lettre de 2004 constitue une décision. Tel n’étant pas le cas, le deuxième moyen devrait, selon elle, être rejeté.

66      Selon la jurisprudence, pour qu’un moyen relatif à la violation du principe de protection de la confiance légitime puisse être accueilli, le justiciable concerné doit prouver qu’une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (arrêt du 12 octobre 2016, Land Hessen/Pollmeier Massivholz, C‑242/15 P, non publié, EU:C:2016:765, point 63).

67      Or, dans le cadre de leur deuxième moyen, les requérants font valoir notamment que la lettre de 2004, indépendamment de son caractère décisionnel ou non, a fait naître chez eux une confiance légitime quant à l’absence d’aide en ce qui concerne le régime initial. Puisque la jurisprudence mentionnée au point 66 ci-dessus n’exige pas que les « assurances » fournies par l’institution en cause, pour être susceptibles de fonder une confiance légitime, revêtent un caractère décisionnel, précisant au contraire que la forme de ces assurances est sans importance, l’objection de la Commission doit être écartée.

68      De plus, la Commission fait valoir que, en matière d’aides d’État, un moyen tiré du principe de protection de la confiance légitime ne pourrait concerner que le recouvrement de l’aide, alors que, en l’espèce, la décision attaquée n’ordonne pas le recouvrement de l’aide en cause. Toutefois, force est de constater qu’aucune règle du droit de l’Union ne limite l’invocation du principe de protection de la confiance légitime en matière d’aides d’État à la seule question de la récupération d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur. En effet, le principe de protection de la confiance légitime est un principe général du droit de l’Union (arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 15), qui, comme tel, a vocation à s’appliquer dans tout contexte relevant du champ d’application de ce droit. En l’espèce, les requérants peuvent donc se prévaloir de ce principe afin de soutenir que la Commission a fait naître chez eux une confiance légitime dans le fait que le régime initial ne constituait pas une aide d’État.

69      Partant, les objections de la Commission quant au caractère inopérant du deuxième moyen doivent être écartées.

70      Quant au fond, premièrement, il échet de relever, comme cela a déjà été mentionné au point 49 ci-dessus, que, certes, la lettre de 2004 indique que, sur la base des informations dont disposait la Commission à l’époque, le projet de loi mentionné au point 1 ci-dessus n’était pas susceptible d’instituer une aide d’État. Toutefois, il ne saurait être soutenu que, par cette lettre, la Commission avait fourni des renseignements précis, inconditionnels et concordants quant à l’absence de caractère d’aide du régime initial tel que notifié et tel qu’il fait l’objet de la décision attaquée.

71      En effet, d’une part, ainsi qu’il a également été relevé au point 49 ci-dessus, dans la lettre de 2004, les services de la Commission se réservaient la possibilité de revenir sur leur position si de nouveaux éléments devaient leur être apportés, de sorte que les renseignements contenus dans celle-ci ne sauraient être regardés comme inconditionnels.

72      D’autre part, comme cela a été indiqué au point 59 ci-dessus, les services de la Commission n’avaient pas connaissance du fait que le régime envisagé allait être financé par un prélèvement imposé aux consommateurs finals par un acte des autorités publiques, cet élément ne ressortant pas du projet de loi mentionné au point 1 ci-dessus. Par ailleurs, ledit prélèvement ne s’est concrétisé que lors de l’adoption, à partir de 2005, des décrets et des décisions sur les prix de l’ORE mentionnés au paragraphe 21 de la décision attaquée et à la note en bas de page no 10 s’y rapportant. Or, les services de la Commission ne disposant pas, en 2004, de ces éléments, la lettre de 2004 ne saurait être regardée, pour cette raison également, comme contenant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes que le régime de promotion de la production d’électricité à partir de SER, tel que notifié en 2014 et tel qu’il ressort de la loi adoptée en 2005, des décrets et des décisions sur les prix de l’ORE, adoptés postérieurement à l’envoi de cette lettre, ne constituait pas une aide d’État.

73      Par conséquent, ce grief ne saurait prospérer.

74      Deuxièmement, selon les requérants, la Commission aurait encouragé la République tchèque à intensifier ses efforts pour attirer des investisseurs dans le secteur des énergies renouvelables, au motif qu’elle n’avait pas atteint les objectifs fixés dans la réglementation de l’Union en ce qui concerne le pourcentage d’électricité devant être produite à partir de SER. Ils citent à cet égard la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 10 janvier 2007, intitulée « Actions à la suite du Livre vert – Rapport sur les progrès réalisés dans le domaine de l’électricité d’origine renouvelable » [COM(2006) 849 final] et la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 24 avril 2009, intitulée « Rapport sur les progrès des énergies renouvelables – Rapport de la Commission conformément à l’article 3 de la directive 2001/77/CE et à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/30/CE, et sur la mise en œuvre du plan d’action dans le domaine de la biomasse » [COM(2009) 192 final].

75      Cependant, les rapports mentionnés au point 74 ci-dessus examinent uniquement la question de savoir si les États membres ont atteint les objectifs fixés dans la réglementation de l’Union, notamment en termes de pourcentage annuel de l’énergie devant être produite à partir de SER. Ils n’ont donc pas pour objet l’application dans le secteur en cause des règles de l’Union en matière d’aides d’État et procèdent à de simples renvois à cet égard, par exemple en rappelant que, en cas de versements compensatoires, ceux-ci doivent être conformes à la réglementation relative aux aides d’État (communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 10 janvier 2007, p. 9). Par suite, ils ne contiennent aucune prise de position sur la question de savoir si le régime initial mis en place par la République tchèque constitue ou non une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.

76      Troisièmement, les requérants font valoir une lettre datée du 11 janvier 2011 et adressée aux autorités tchèques dans laquelle deux membres de la Commission auraient critiqué les modifications du régime initial envisagées, en insistant sur le fait que le régime en cause devait être prévisible afin d’éviter les conséquences négatives sur la confiance légitime des investisseurs. Toutefois, force est de constater que, si ladite lettre attire l’attention des autorités tchèques sur leur obligation de respecter le principe de protection de la confiance légitime, il s’agit là d’un respect de ce principe qui engage lesdites autorités, et non la Commission. Or, la question de savoir si la République tchèque a respecté ce principe ne fait pas l’objet du deuxième moyen. De surcroît, cette lettre ne mentionne même pas les règles de l’Union en matière d’aides d’État et ne prend aucune position quant à la qualification d’aide d’État du régime initial.

77      Quatrièmement, selon les requérants, il ressortirait du compte rendu d’une réunion entre la Commission et la République tchèque du 21 octobre 2014 que cette institution aurait alors « dissuadé » ledit État membre de notifier le régime d’aide en cause. Cependant, ce grief manque en fait, car le compte rendu de cette réunion, produit dans l’annexe A 19.b de la requête, ne fait aucunement ressortir que la Commission ait, lors de cette dernière, pris position d’une quelconque façon sur le caractère d’aide d’État dudit régime. Les passages de ce compte rendu cités par les requérants au point 88 de la requête corroborent d’ailleurs cette analyse. Ainsi, la teneur de cette réunion ne saurait elle non plus avoir fait naître une confiance légitime dans le fait que, une fois ce régime notifié, la Commission considérerait que celui-ci ne constituait pas une aide d’État.

78      Cinquièmement, les requérants estiment que la Commission a mis un temps déraisonnablement long à adopter la décision attaquée, contrevenant ainsi à son obligation de diligence et accroissant leur confiance légitime. Cependant, il convient d’indiquer que la durée de la procédure administrative, même à la supposer excessive, ou bien le fait que, entre 2004 et 2014, aucune enquête ou « aucune mesure supplémentaire » n’ait été mise en place par la Commission ne peuvent en aucune façon être regardés comme constituant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de l’absence d’aide d’État.

79      Sixièmement, les requérants estiment se trouver dans des « circonstances exceptionnelles » et se prévalent à cet égard des conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire SFEI e.a. (C‑39/94, EU:C:1995:445, point 76). Toutefois, ladite affaire se distingue nettement de la présente affaire. Dans l’arrêt rendu à la suite de ces conclusions, la Cour a précisé qu’une juridiction nationale saisie d’une demande visant à ce qu’elle tire les conséquences de la violation de l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE, alors que la Commission était parallèlement saisie et n’avait pas encore statué sur la question de savoir si les mesures étatiques en cause constituaient des aides d’État, devait faire droit à une demande d’ordonner la restitution des aides, si elle constatait que les aides n’avaient pas été notifiées à la Commission, à moins que, en raison de circonstances exceptionnelles, la restitution ne fût inappropriée (arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, point 71). Or, la présente affaire ne concerne ni la restitution de l’aide en cause ni une situation où une juridiction nationale serait saisie d’une pareille demande, alors que la Commission n’aurait pas encore statué sur la question de savoir si les mesures étatiques en cause constituaient des aides d’État.

80      Septièmement, s’agissant de l’argument des requérants tiré de ce que le principe de protection de la confiance légitime faisait obligation à la Commission de leur accorder une période de transition avant que les modifications au régime initial ne leur fussent applicables, conformément à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), et, en l’espèce, de fixer cette période à 20 ans, il échet d’indiquer ce qui suit.

81      Dans l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), la Cour a constaté que la Commission avait fait naître chez les bénéficiaires de l’aide en cause, à savoir les centres de coordination dont une demande de renouvellement de l’agrément était pendante à la date de notification de la décision contestée dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt ou dont l’agrément expirait concomitamment ou à brève échéance après la notification de celle-ci, une confiance légitime dans le fait qu’une période transitoire leur serait octroyée afin de leur permettre de s’adapter aux conséquences découlant de ladite décision, déclarant l’aide d’État incompatible avec le marché intérieur. En effet, d’abord, dans lesdites affaires, la Commission avait adopté deux décisions antérieures dans lesquelles elle concluait à l’absence d’élément d’aide. Ensuite, dans la décision contestée dans ces affaires, elle reconnaissait avoir changé d’appréciation quant à la mesure en cause et, par ailleurs, admettait elle-même l’existence d’une confiance légitime en ce qui concernait les bénéficiaires de ladite aide. Enfin, elle y avait elle-même accordé une période transitoire aux centres de coordination dont l’agrément était en cours à la date de notification de la décision contestée, mais en excluant de cette période les autres centres susmentionnés.

82      Or, force est de constater qu’aucune de ces circonstances n’est présente en l’espèce. En effet, à la différence des affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), la Commission n’a fait naître, dans la présente affaire, de confiance légitime à l’égard des requérants ni quant au fait que le régime initial serait maintenu tel quel, sans modification quelconque, ni quant au fait que celui-ci ne constituait pas une aide d’État. Elle n’a pas non plus déclaré l’aide incompatible avec le marché intérieur. Il n’est pas davantage avéré que la Commission ait changé d’appréciation relativement à cette mesure, ainsi que cela ressort, en particulier, des points 59 et 72 ci-dessus. Enfin, la Commission n’a pas accordé de période de transition en faveur de certains seulement des bénéficiaires de l’aide, à l’exclusion des autres. Les requérants ne sauraient donc se prévaloir utilement de cet arrêt.

83      Enfin, huitièmement, les requérants ont fait valoir, lors de l’audience, qu’il convenait d’interpréter le principe de protection de la confiance légitime à la lumière de l’arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol (C‑201/08, EU:C:2009:539). Dans cet arrêt, la Cour a relevé que le principe de protection de la confiance légitime ne s’opposait pas, en principe, à ce qu’un régime d’exonération fiscale fût supprimé avant la date d’expiration prévue initialement dans la réglementation applicable et qu’une telle suppression n’exigeait pas l’existence de circonstances exceptionnelles. Elle a précisé, à cet égard, qu’il y avait lieu de procéder à une appréciation globale effectuée in concreto, en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce, afin d’examiner si ledit principe était respecté (arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 67). Parmi les circonstances mentionnées par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, lesquelles sont également pertinentes dans la présente affaire, figure notamment le contexte réglementaire pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, points 61 et 62). En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 140 à 142 ci-après, le cadre juridique de l’Union en matière d’aides d’État faisait obstacle à ce que les mesures en cause puissent, d’une quelconque manière, aboutir à une surcompensation. Par conséquent, les requérants ne sauraient fonder une confiance légitime sur le fait que le droit de l’Union leur garantissait le maintien d’un régime susceptible d’aboutir à une telle surcompensation.

84      Par ailleurs, s’agissant de la confiance qu’un opérateur pourrait avoir quant à l’application d’un avantage fiscal, la Cour a jugé que, lorsqu’une directive en matière fiscale laissait de larges pouvoirs aux États membres, une modification législative adoptée conformément à la directive ne saurait être considérée comme imprévisible (arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 54). En transposant à la présente affaire les principes ainsi dégagés par la Cour, il convient de relever que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux mesures à adopter en vue d’atteindre les objectifs fixés dans la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), et que, en tout état de cause, les requérants ne sauraient se prévaloir d’un quelconque droit au maintien d’un régime d’aide d’État (voir, en ce sens, ordonnance du 23 novembre 2015, Milchindustrie-Verband et Deutscher Raiffeisenverband/Commission, T‑670/14, EU:T:2015:906, point 29). Quoi qu’il en soit, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir enfreint, en adoptant la décision attaquée en 2016, la supposée confiance légitime des requérants en n’imposant pas une phase transitoire aux fins de l’entrée en vigueur du régime modifié, adopté en 2011.

85      Partant, compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que le régime initial ne constitue pas une aide d’État

86      Le troisième moyen comporte deux branches. Par une première branche, les requérants relèvent que la conclusion de la Commission selon laquelle le régime initial prévoyait un prélèvement obligatoire devant être perçu auprès des consommateurs finals était fondée sur des faits incorrects, ledit régime prévoyant en réalité uniquement la possibilité d’une répercussion sur les consommateurs finals, par le GRT et les SRD, du surcoût résultant du prix d’achat de l’énergie produite à partir de SER. Par une seconde branche, ils font valoir que ce régime n’impliquait aucune ressource d’État et le budget de ce dernier n’aurait donc pas été affecté par le régime en question.

–       Sur la première branche du troisième moyen

87      Selon les requérants, il était simplement fait obligation au GRT et aux SRD d’acheter l’électricité produite à partir de SER à un prix minimal, leur laissant la possibilité de demander à leurs clients un supplément de prix pour couvrir ce surcoût. Or, il résulterait de la jurisprudence que la fixation de prix minimaux par l’État ou ses autorités ne constitue pas une aide d’État. La circonstance que certains des opérateurs en question soient publics ne modifierait pas cette conclusion. En particulier, aucune garantie de l’État ne serait prévue pour compenser les coûts supplémentaires liés à l’achat d’électricité produite à partir de SER. La décision attaquée méconnaîtrait donc l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence.  

88      La Commission, soutenue par la République tchèque, conteste ces arguments.

89      Au paragraphe 21 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le régime initial était entièrement financé par le prélèvement SER payé au GRT et aux SRD par les consommateurs finals d’électricité. Ledit prélèvement fut imposé, selon ladite décision, par différents décrets adoptés par l’ORE (d’abord par la modification, en 2005, du décret 438/2001, puis par l’adoption du décret 150/2007 et du décret 140/2009, modifié par la suite, ainsi qu’il est indiqué en note en bas de page no 10 de cette décision) et par des décisions sur les prix adoptées par celui-ci, mentionnées aux notes en bas de page nos 10 et 11 de la même décision. Au paragraphe 22 de la décision attaquée, la Commission a constaté que le cadre réglementaire en vigueur au cours des années 2006 à 2010 prévoyait que le GRT et les SRD répercutaient l’ensemble des coûts supplémentaires résultant de l’achat d’énergie renouvelable sur les consommateurs finals sous la forme des charges de transmission et de distribution, de sorte que les consommateurs finals supportaient entièrement la charge du financement du régime initial.

90      Ces considérations ne sont entachées d’aucune erreur de fait. En effet, ainsi que l’expliquent la Commission et la République tchèque, le cadre réglementaire régissant le régime initial prévoyait l’instauration du prélèvement SER, prélèvement spécial et obligatoire, imposé par la loi aux consommateurs finals et destiné au financement de ce régime. À cet égard, il convient de relever, en particulier, que, ainsi qu’il ressort du cadre réglementaire, partiellement annexé à la requête et auquel ont fait référence tant la Commission que la République tchèque dans leurs écritures, aux termes du point 5 de la décision no 14/2005 de l’ORE du 30 novembre 2005, « le coût afférent à la couverture des frais supplémentaires relatifs à la promotion de l’électricité issue de sources renouvelables […] s’élève à 28,26 [couronnes tchèques] CZK/MWh. Le prix est facturé par le GRT et les SRD sur la base de la quantité d’électricité fournie aux consommateurs finals ». Le libellé de cette disposition, et notamment l’emploi des termes « le prix est facturé », implique le caractère impératif de la facturation, ainsi que l’a confirmé la République tchèque lors de l’audience. De même, aux termes de la section 5, points 5 et 6, du décret no 541/2005 de l’ORE, le prix réglementé « doit être payé » (is to be paid dans la traduction en anglais produite par les requérants), ce prix incluant, dans le cas des consommateurs finals, le prix destiné à compenser les dépenses relatives à la promotion de l’énergie produite à partir de SER. Le caractère obligatoire dudit prélèvement ressort également, ainsi que le fait valoir la République tchèque dans son mémoire en intervention (point 48), des termes de l’article 32, paragraphe 1, de ce décret, selon lequel la facturation de la distribution ou de la transmission de l’électricité à un client final « contient toujours » des renseignements quantifiables séparément concernant notamment le prix destiné à couvrir les surcoûts associés à la promotion de l’électricité issue de SER. Pour les années suivantes, la Commission et la République tchèque ont indiqué que des dispositions analogues figuraient dans les décrets nos 150/2007 et 140/2009 de l’ORE.

91      Il ne découle pas des textes mentionnés aux points 89 et 90 ci-dessus que le prélèvement SER soit « facultatif », comme l’allèguent les requérants, ou que le GRT et les SRD restent libres de choisir s’ils répercutent sur les consommateurs finals ou s’ils absorbent eux-mêmes le surcoût relatif à l’achat de l’énergie produite à partir de SER.

92      En effet, si les requérants font valoir que le prélèvement SER n’était pas obligatoire, ils ne font référence à aucune disposition spécifique de droit national susceptible d’étayer leur thèse. S’ils se réfèrent à cet égard à l’article 50 de la loi no 458/2000 et à l’article 2 du décret no 150/2007 de l’ORE, dont ils ont fourni une copie en annexe à la requête, il convient de relever que ces dispositions ne régissent pas l’imposition dudit prélèvement. En effet, l’article 50 de ladite loi se borne, dans ses paragraphes 4 et 5, à prévoir que le GRT et les SRD, respectivement, s’engagent à transmettre le montant convenu d’électricité aux producteurs, aux commerçants d’énergie ou aux consommateurs et que ces derniers s’engagent à payer le prix réglementé. L’article 2 dudit décret prévoit, quant à lui, que l’ORE réglemente le prix de compensation des dépenses relatives à la promotion de l’énergie produite à partir de SER. Il ne ressort donc aucunement de ces dispositions que le GRT et les SRD ne soient pas juridiquement obligés de facturer ce prélèvement aux consommateurs finals.

93      Les requérants ajoutent que l’absence de caractère obligatoire du prélèvement SER découlerait du fait que la relation entre le GRT et les SRD et leurs clients étaient des relations contractuelles et qu’il ne s’agirait donc pas d’une obligation de droit public. Toutefois, il suffit de relever à cet égard que ni le prix d’achat ni l’imposition dudit prélèvement ne résultent de l’exercice de la liberté de contracter, mais d’actes des autorités publiques. D’ailleurs, la République tchèque fait valoir, à cet égard, dans son mémoire en intervention, que, si ce prélèvement n’était pas facturé au client final, alors le GRT et les SRD seraient passibles de sanctions administratives. En tout état de cause, les requérants n’apportent aucune preuve susceptible de démontrer l’existence de cas où le prélèvement en question n’aurait pas été imposé ou de contrats stipulant l’exclusion de l’obligation de s’acquitter du même prélèvement.

94      Enfin, les requérants présentent, en annexe à leur requête, l’avis d’un avocat dont il ressort notamment que, au cours des années 2006 à 2012, le droit de la République tchèque « ne prévoyait pas d’obligation pour le GRT et/ou les SRD de facturer le supplément SER aux clients » (annexe A 21, p. 279 in limine). Toutefois, il suffit de constater à cet égard que ledit avis ne mentionne même pas les dispositions indiquées aux points 89 et 90 ci-dessus. Cet avis ne dresse donc pas une analyse complète du cadre réglementaire applicable au régime initial, de sorte que ses conclusions ne peuvent être corroborées.

95      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission a constaté, sans commettre d’erreur, que, dans le cadre du régime initial, le prélèvement SER était un prélèvement obligatoire imposé par la loi aux consommateurs finals. Par voie de conséquence, il y a lieu d’écarter la première branche du troisième moyen.

–       Sur la seconde branche du troisième moyen

96      Les requérants estiment, en substance, que le régime initial ne mobilisait pas de ressources d’État et ne saurait donc être qualifié d’aide, conformément à la jurisprudence issue des arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268). S’ils admettent, aux points 150 et 152 de la requête, que les mesures notifiées par la République tchèque le 11 décembre 2014 font état, en partie, d’un financement direct par le budget de l’État, cela ne serait exact qu’en ce qui concerne le régime modifié, et non le régime initial. Or, il résulte des précisions apportées à l’audience par les requérants que leur demande d’annulation de la décision attaquée vise uniquement la qualification d’aide d’État du régime initial (voir point 43 ci-dessus).

97      Il y a lieu de préciser, d’emblée, à cet égard, que, si la qualification d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu’il existe une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, qu’elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 15 et jurisprudence citée), la seconde branche du troisième moyen porte uniquement sur la première de ces conditions.

98      Pour que des avantages puissent être qualifiés d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 27, et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 16).

99      Concernant, en premier lieu, la condition tenant à l’imputabilité de la mesure, il convient d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées dans l’adoption de cette mesure (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 17 et jurisprudence citée).

100    À cet égard, force est de constater que le régime initial a été institué par une loi adoptée en 2005 (voir point 2 ci-dessus) et que le prélèvement SER a été imposé en vertu des décrets et des décisions sur les prix de l’ORE mentionnés aux points 89 et 90 ci-dessus et qu’ils doivent donc être considérés comme imputables à l’État.

101    Concernant, en second lieu, la condition tenant à ce que l’avantage soit accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, il y a lieu de rappeler que des mesures ne comportant pas un transfert de ressources d’État peuvent relever de la notion d’aide (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 19 et jurisprudence citée).

102    En effet, la notion d’intervention au moyen de ressources d’État vise à inclure, outre les avantages accordés directement par l’État, ceux accordés par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l’aide (voir arrêts du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C‑72/91 et C‑73/91, EU:C:1993:97, point 19 ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 20 et jurisprudence citée, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 52).

103    La distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 58, et du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 26).

104    En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23 ; du 9 novembre 2017, Commission/TV2/Danmark, C‑656/15 P, EU:C:2017:836, point 45, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 54).

105    Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas nécessaire d’établir, dans tous les cas, qu’il y a eu un transfert de ressources d’État pour que l’avantage accordé à une ou à plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 36 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 34, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 55).

106    L’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe, en effet, tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37 ; du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 35, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 57).

107    Il a également été jugé que des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre, gérés et répartis conformément à cette législation, pouvaient être considérés comme des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 35 ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 58).

108    L’élément décisif, à cet égard, est constitué par le fait que de telles entités sont mandatées par l’État pour gérer une ressource d’État, et non pas simplement tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres (voir arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 59 et jurisprudence citée).

109    C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’examiner la seconde branche du troisième moyen.

110    En l’espèce, il y a lieu de constater que le régime initial était entièrement financé par le prélèvement SER imposé par des actes des autorités publiques de nature réglementaire. Ce prélèvement était obligatoirement facturé aux consommateurs finals par le GRT et les SRD, lesquels collectaient ainsi les recettes provenant dudit prélèvement. Pour les raisons exposées aux points 90 à 95 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument des requérants selon lequel le régime initial se limitait à prévoir une obligation d’achat à des prix minimaux et la possibilité, mais non l’obligation, pour le GRT et les SRD de répercuter sur les consommateurs finals le prix plus élevé de l’énergie produite à partir de SER résultant des prix d’achat.

111    Premièrement, il apparaît ainsi que le prélèvement SER facturé, en vertu de la loi, aux consommateurs finals, et dont le caractère obligatoire a été relevé aux points 90 à 95 ci-dessus, revêt, en substance, le caractère d’une taxe parafiscale qui frappe l’électricité selon un critère objectif qui est la quantité de kilowatts/heure transportés. Les montants provenant de ce prélèvement ont donc pour origine une ressource d’État (voir, par analogie, arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 66).

112    Deuxièmement, aux fins de la collecte de ce prélèvement, la République tchèque a mandaté le GRT et les SRD dans le but de facturer le prélèvement SER et de recueillir les fonds en résultant. À cet égard, il convient de constater que le GRT est entièrement détenu par ledit État, ainsi que cela ressort du mémoire en intervention de la République tchèque, lequel État détient également majoritairement la plus grande des SRD, à savoir ČEZ, elle-même détenant à son tour cinq des huit SRD initiales, ainsi qu’il ressort d’une lettre du 18 octobre 2005 adressée par les autorités tchèques à la Commission annexée à la requête. La Commission avait elle-même indiqué, au point 74 de la décision attaquée, que le GRT et les SRD étaient en majorité détenus par les autorités publiques.

113    Troisièmement, le GRT et les SRD ont été désignés par la loi afin d’administrer le régime initial sous le contrôle de l’État.

114    Ainsi, d’une part, les fonds récoltés par le GRT et les SRD font l’objet d’un mécanisme d’égalisation arrêté et contrôlé par l’État, comme cela ressort du point 111 du mémoire en défense et de l’annexe A 16.b, point 3, deuxième alinéa, de la requête. Ce mécanisme, mentionné en note en bas de page no 11 de la décision attaquée, vise à équilibrer les différentes expositions des SRD aux coûts relatifs à l’achat d’énergie produite à partir de SER. En effet, en l’absence d’un tel mécanisme, le régime en cause aurait encouru le risque de créer de grands déséquilibres régionaux pouvant affecter la situation financière des SRD, certaines régions pouvant présenter beaucoup de producteurs concernés, mais moins de consommateurs, ce qui pourrait avoir pour résultat que des fonds très importants dussent être versés auxdits producteurs, alors que les recettes provenant du prélèvement SER ne permettraient pas de couvrir ces versements. Il ressort à cet égard de ladite annexe que l’ORE décide des montants des fonds récoltés à partir du supplément SER devant être transférés mutuellement entre les SRD.

115    D’autre part, le régime initial vise à affecter l’ensemble des recettes du prélèvement SER au financement de ce régime et à éviter ainsi que celles-ci n’aboutissent à des profits ou des pertes pour le GRT et les SRD. En effet, tout déficit ou excédent résultant de la différence, sur une base annuelle, entre les revenus de la vente d’énergie produite à partir de SER et le prix d’achat de celle-ci est reflété dans le montant dudit prélèvement arrêté pour l’année suivante, ainsi qu’il résulte de la note en bas de page no 11 de la décision attaquée et de l’annexe A 16.b de la requête. Cela démontre que le régime initial n’est pas financé par les moyens financiers propres du GRT et des SRD.

116    Ces mécanismes prouvent donc, contrairement à ce que prétendent les requérants, d’une part, que les fonds résultant du prélèvement SER collectés par le GRT et les SRD ne sont pas à leur libre disposition, mais font l’objet d’une redistribution obligatoire, dont les montants sont décidés par l’ORE, et, d’autre part, qu’ils restent de la sorte constamment sous le contrôle de l’ORE. En outre, ces fonds ne peuvent donner lieu, en principe, ni à des pertes ni à des profits pour le GRT et les SRD, puisque tout déficit ou excédent est répercuté, par décision de l’ORE, sur le montant dudit prélèvement pour l’année suivante. Il s’ensuit que les montants ainsi perçus par le GRT et les SRD ont pour origine une taxe parafiscale, restent sous le contrôle de l’ORE et ne peuvent avoir d’autre affectation que celle prévue par la loi.

117    Il convient, en outre, de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 107 ci-dessus, « des fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre, gérés et répartis conformément à cette législation, peuvent être considérés comme des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils sont gérés par des entités distinctes de l’autorité publique », ce qui s’applique à la présente espèce.

118    Les requérants se prévalent cependant des arrêts du 24 janvier 1978, Van Tiggele (82/77, EU:C:1978:10), du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), faisant valoir que le régime initial et ceux faisant l’objet de ces arrêts seraient similaires, ces derniers ayant été considérés par la Cour comme n’impliquant pas de ressources d’État.

119    Cette argumentation ne saurait prospérer. Tout d’abord, s’agissant de l’arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C‑405/16 P, EU:C:2019:268), invoqué par les requérants lors de l’audience, il échet de relever notamment que, à la différence de celui caractérisant la présente affaire, le cadre réglementaire allemand instituant la mesure en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt n’obligeait pas les fournisseurs d’électricité à répercuter sur les clients finals les montants versés au titre du prélèvement pour l’énergie produite à partir de SER (point 71 dudit arrêt). Or, cette circonstance était l’un des éléments décisifs permettant à la Cour de conclure que la mesure en cause dans cette affaire n’impliquait pas de ressources étatiques. En revanche, dans la présente affaire, le prélèvement SER est obligatoirement imposé aux consommateurs finals et constitue ainsi, en substance, une taxe parafiscale.

120    Ensuite, s’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), la Cour a jugé, dans cet arrêt, que ne pouvait être considérée comme une intervention au moyen de ressources d’État l’obligation faite à des entreprises privées d’approvisionnement d’électricité d’acheter à des prix minimaux fixés l’électricité produite à partir de SER, dans la mesure où aucun transfert direct ou indirect de ressources d’État aux entreprises productrices de ce type d’électricité n’était induit par cette obligation. En effet, comme la Cour a eu l’occasion de le relever (arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 74), dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160), les entreprises privées n’étaient pas mandatées par l’État membre concerné pour gérer une ressource d’État, mais étaient tenues à une obligation d’achat au moyen de leurs ressources financières propres.

121    Or, le régime initial diffère substantiellement de celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, EU:C:2001:160). En effet, ledit régime ne prévoit pas une obligation d’achat à un prix imposé par l’État financé par les ressources propres du GRT et des SRD. À la différence de cette affaire, ce régime est entièrement financé par le prélèvement SER imposé obligatoirement par la loi aux consommateurs finals, de sorte que le régime en question n’est pas financé par les ressources financières propres du GRT et des SRD.

122    Enfin, dans l’arrêt du 24 janvier 1978, Van Tiggele (82/77, EU:C:1978:10), la Cour a dit pour droit que la fixation, par l’État, de prix minimaux au détail ne constituait pas une aide d’État. Toutefois, ainsi qu’il a été souligné à maintes reprises, le régime initial ne se limite pas, en l’espèce, à prévoir des prix réglementés de l’énergie produite à partir de SER.

123    En revanche, la présente affaire se rapproche plus de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), dans lequel la Cour a qualifié de « taxe » le supplément de prix imposé aux acheteurs d’électricité en cause dans cette affaire, au motif notamment que ce supplément de prix constituait une charge unilatéralement imposée par la loi, que les consommateurs étaient tenus de payer (points 45, 47 et 66 de cet arrêt). Tel est en effet précisément le cas dans la présente affaire.

124    En outre, dans l’arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413), la Cour a jugé que des règles nationales imposant un tel supplément, supporté par les consommateurs, au prix du transport d’électricité perçu par les opérateurs de réseaux et transféré à une société désignée à cette fin, qui, à son tour, était chargée de gérer et de répartir les fonds, mettaient en jeu des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le régime en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt n’est, certes, pas identique au régime initial en cause dans la présente affaire, dans la mesure où la « société désignée » était, dans le cas du régime néerlandais, un intermédiaire supplémentaire (par rapport au GRT et aux SRD) centralisant les fonds récoltés par le gestionnaire de réseau et cédant une partie de ces fonds, au-delà d’un certain seuil, au ministère compétent (arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, point 67). Toutefois, cette différence, et en particulier l’absence de « centralisation » des fonds récoltés, soulignée par les requérants, ne saurait suffire à écarter la pertinence de cet arrêt. En effet, il résulte des points 72 et 73 de cet arrêt que les éléments décisifs du régime en cause, pour que celui-ci puisse être qualifié par la Cour de régime impliquant des ressources d’État, étaient, d’une part, le fait que le montant perçu par la « société désignée » « a[vait] pour origine une taxe et ne p[ouvai]t pas avoir d’autre affectation que celle prévue par la loi » (point 72) et, d’autre part, le fait que l’attribution des montants récoltés aux producteurs concernés « a[vait] été décidée par le législateur » (point 73 in fine). Tel est également le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 110 à 116 ci-dessus.

125    Les requérants objectent, en outre, que le GRT et les SRD n’ont pas de comptes séparés spécialement dévolus à la gestion du prélèvement spécial, ainsi que l’admet d’ailleurs la Commission (voir paragraphes 73 et 74 de la décision attaquée et points 160 et 161 du mémoire en défense). Toutefois, d’une part, il résulte de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Autriche/Commission, T‑251/11, EU:T:2014:1060, point 71) que cette circonstance n’est qu’un indice « additionnel » devant être pris en compte. D’autre part, il ressort de la décision attaquée que le GRT et les SRD sont néanmoins soumis à une obligation de rapporter à l’ORE les fonds versés aux bénéficiaires de l’aide et les fonds récoltés auprès des consommateurs finals par le biais du prélèvement SER (note en bas de page no 11 de ladite décision), la République tchèque précisant, dans son mémoire en intervention, que cette obligation résulte des décrets nos 404/2005 et 408/2009 de l’ORE et de leurs annexes.

126    Les requérants font valoir, par ailleurs, que certaines SRD seraient des entités privées. À cet égard, d’une part, s’il est vrai que certaines SRD sont des entités privées, il n’en reste pas moins que le GRT est entièrement détenu par l’État et que la plus grande des SRD, à savoir ČEZ, est elle-même détenue majoritairement par l’État et détient à son tour cinq des huit SRD initiales. D’autre part, et en tout état de cause, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 102 et 107 ci-dessus, la question de savoir si le GRT et les SRD sont des entités de droit public ou de droit privé n’est pas en soi décisive. Ce qui importe, c’est de savoir si ces organismes ont été « désignés » ou « mandatés » par l’État en vue de gérer l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, points 20 et 30). En l’espèce, tel est le cas : le GRT et les SRD sont désignés et mandatés par l’État en vue de gérer la collecte du prélèvement SER et la redistribution des fonds ainsi récoltés sous le contrôle de l’État. Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que le régime initial impliquait l’utilisation de ressources étatiques.

127    Partant, la seconde branche du troisième moyen doit également être écartée. Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’exigences excessives de la Commission dans l’appréciation de la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur

128    Les requérants font valoir que, même à supposer que le régime initial soit considéré comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission a « exigé » de la République tchèque la mise en place d’un mécanisme de contrôle allant au-delà de ce qu’imposeraient les lignes directrices applicables aux investissements en cause, réalisés entre 2008 et 2010, à savoir les lignes directrices de 2008. Il résulterait du paragraphe 109, sous b), de ces lignes directrices que, afin de déterminer le montant de l’aide au fonctionnement, toute aide à l’investissement doive être déduite des coûts de production. Ce serait en raison de l’absence d’un tel dispositif dans le régime initial que la Commission aurait demandé à la République tchèque, au cours de la procédure de notification, de mettre en place un mécanisme de contrôle. Or, il ressortirait des paragraphes 56 et 57 de la décision attaquée que le mécanisme « requis » par la Commission viserait à éviter la surcompensation résultant non seulement du cumul des aides à l’investissement avec des aides au fonctionnement, mais également d’une surestimation des coûts pris en considération dans le calcul du niveau de l’aide en cause.  Ce mécanisme serait donc contraire aux lignes directrices de 2008 et discriminatoire à l’encontre des investisseurs, faisant peser sur eux le risque lié à l’augmentation des coûts tout en les privant de tout bénéfice lié à la baisse de ces coûts. Le mécanisme en question compromettrait en outre la stabilité réglementaire et porterait atteinte à la confiance légitime des requérants.  

129    La Commission réfute ces arguments.

130    Il y a lieu de constater d’emblée que le quatrième moyen concerne exclusivement la légalité du mécanisme de contrôle.

131    À cet égard, il convient de souligner que le mécanisme de contrôle n’a pas été « imposé » par la Commission, mais que la République tchèque s’est volontairement engagée à le mettre en œuvre. S’agissant de tels engagements des États membres, non imposés par la Commission en tant que condition de la compatibilité de l’aide, il ressort de la jurisprudence que la mesure notifiée et les engagements présentés par l’État membre revêtent un caractère indissociable et que, par conséquent, il n’est pas loisible à une partie requérante de fonder une demande en annulation seulement sur certains des engagements retranscrits dans une décision prise sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999 (voir, en ce sens, ordonnance du 1er décembre 2015, Banco Espírito Santo/Commission, T‑814/14, non publiée, EU:T:2015:936, point 32).

132    Il s’ensuit que le quatrième moyen est inopérant.

133    À titre surabondant, quant au fond, il y a lieu de rejeter l’argument des requérants selon lequel le mécanisme de contrôle est « excessif », car il va au-delà des exigences prévues dans les lignes directrices de 2008. En effet, cet argument procède d’une lecture partielle desdites lignes directrices. À cet égard, il convient de relever que le paragraphe 107 de ces lignes directrices énonce que les aides au fonctionnement pour la production d’énergies renouvelables peuvent être justifiées pour couvrir la différence entre le coût de production de l’énergie produite à partir de SER et le prix de marché du type d’énergie en cause. Cela vaut pour l’énergie renouvelable produite aux fins de sa vente ultérieure sur le marché ainsi que de sa consommation par l’entreprise. À cette fin, les États membres peuvent accorder une aide en faveur des énergies renouvelables selon trois modalités. Il est constant, en l’espèce, que la République tchèque a mis en place la première de ces modalités, décrite au paragraphe 109 des mêmes lignes directrices. Selon le paragraphe 109, sous a), des lignes directrices de 2008, les États membres peuvent accorder une aide au fonctionnement pour compenser la différence entre le coût de production de l’énergie produite à partir de SER, y compris l’amortissement des investissements supplémentaires pour la protection de l’environnement, et le prix de marché du type d’énergie en cause. Cette aide au fonctionnement peut être accordée jusqu’à ce que l’installation ait été complètement amortie selon les règles comptables ordinaires. L’énergie supplémentaire produite par l’installation en cause ne pourra bénéficier d’aucun soutien. Toutefois, l’aide peut aussi couvrir la rentabilité normale de l’installation. Selon le paragraphe 109, sous b), des lignes directrices de 2008, pour déterminer le montant de l’aide au fonctionnement, toute aide à l’investissement versée à l’entreprise en cause conformément au sous a) pour la réalisation de ses nouvelles installations doit être déduite des coûts de production. Lors de la notification de régimes d’aide à la Commission, les États membres doivent déclarer avec précision les mécanismes de soutien et, en particulier, les modalités de calcul du montant de l’aide qu’ils appliquent.

134    Or, la simple lecture des paragraphes 107 et 109 des lignes directrices de 2008 démontre que le montant de l’aide au fonctionnement ne doit aboutir ni à une surcompensation résultant d’un versement de montants dépassant la différence entre le coût de production et le prix de marché, tout en tenant compte de la rentabilité normale de l’installation [paragraphe 109, sous a), desdites lignes directrices], ni à une surcompensation résultant d’un cumul de l’aide au fonctionnement et de l’aide à l’investissement.

135    Enfin, pour ce qui est du non-respect allégué de la « stabilité réglementaire » et du principe de protection de la confiance légitime qui résulterait du fait qu’un tel mécanisme de contrôle ait été prévu, il convient de souligner que les requérants ne sauraient fonder une confiance légitime sur le fait que le droit de l’Union leur garantirait de bénéficier d’une surcompensation en vertu du régime d’aide en cause.

136    Partant, le quatrième moyen ne peut qu’être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’existence d’un vice de procédure

137    Les requérants soutiennent que les faits supposément erronés indiqués dans le cadre du troisième moyen, à savoir que le GRT et les SRD étaient obligés d’imposer le prélèvement SER à leurs clients, constituent « un vice de procédure ». Selon eux, la décision attaquée également est entachée d’un tel vice en ce qu’elle a été adoptée en violation du droit des requérants d’être entendus, garanti par les principes généraux du droit et l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ce droit porterait non seulement sur la possibilité de présenter des observations, mais également sur la possibilité de voir ses observations prises en considération lors de l’adoption d’une décision. Or, la « plupart » des arguments et des observations factuelles des requérants auraient été délaissés ou examinés superficiellement.  Dans la réplique, les requérants précisent que la Commission ne les a pas entendus sur les aspects de la décision attaquée ne relevant pas des règles relatives aux aides d’État.

138    La Commission conclut au rejet du moyen.

139    S’agissant du premier grief du cinquième moyen, dans le cadre duquel il est reproché à la Commission d’avoir erronément constaté les faits, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que cette question fait l’objet de la première branche du troisième moyen (voir points 87 à 95 ci-dessus). L’examen de cette dernière a permis de démontrer que l’erreur factuelle alléguée par les requérants n’était pas établie. En outre, une telle erreur, même à la supposer avérée, ne saurait constituer « un vice de procédure ». En conséquence, il échet de rejeter ce premier grief.

140    S’agissant du second grief du cinquième moyen, relatif à la violation du droit d’être entendu, il convient de préciser que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, les bénéficiaires de l’aide ou les actionnaires de ceux-ci, comme le sont en l’espèce les requérants, ne peuvent se prévaloir de véritables droits de la défense. En effet, il convient de rappeler que la procédure de contrôle des aides d’État est une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide. Cette procédure n’étant pas ouverte à l’encontre du bénéficiaire de l’aide, ce dernier ne saurait se prévaloir des droits de la défense. Les intéressés disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 81 et 83, et du 15 septembre 2016, FIH Holding et FIH Erhvervsbank/Commission, T‑386/14, EU:T:2016:474, point 99).

141    Il a été jugé que la charte des droits fondamentaux n’avait pas pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité ou de conférer à des tiers un droit de regard que l’article 108 TFUE ne prévoit pas (arrêt du 13 décembre 2018, Transavia Airlines/Commission, T‑591/15, EU:T:2018:946, point 50).

142    Cela étant précisé, premièrement, il y a lieu de constater, en l’espèce, que les arguments des requérants ont été clairement et correctement résumés au paragraphe 7 de la décision attaquée et que, dans celle-ci, la Commission a répondu à l’ensemble de ces arguments.

143    Deuxièmement, force est de relever que les requérants se bornent à faire valoir que la Commission n’a pas répondu à la « plupart » de leurs arguments, sans pour autant préciser quels arguments exactement la Commission aurait omis de prendre en compte ou n’aurait que « superficiellement » examiné.

144    Troisièmement, quant au reproche, plus concret, quoiqu’avancé pour la première fois dans la réplique, selon lequel la Commission n’a pas entendu les requérants « sur les aspects de la décision attaquée ne relevant pas des règles d’aides d’État » (point 116 de la réplique), il convient d’indiquer, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, qu’il manque en fait. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, au titre 5 de la décision attaquée, intitulé « Appréciation des observations des tierces parties », elle rend compte des arguments des tierces parties, y compris des requérants, sur plusieurs sujets et présente son analyse à cet égard. Il en résulte que, dans ce point, la Commission ne fait que répondre aux arguments soulevés au cours de la procédure administrative, de sorte que les requérants ne sauraient valablement se prévaloir d’une supposée violation de leur droit d’être entendus.

145    Cela suffit donc pour rejeter comme non fondé le second grief du cinquième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, et, par suite, ledit moyen dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré de ce que la Commission a méconnu l’article 5, paragraphe 1, TUE

146    Selon les requérants, la décision attaquée contient plusieurs passages, notamment en ses paragraphes 133 et suivants, dans lesquels la Commission sort du champ des règles applicables en matière d’aides d’État et se prononce sur les droits des requérants en dehors de ces règles, notamment en affirmant, premièrement, que la procédure d’arbitrage engagée entre les investisseurs et la République tchèque est contraire au droit de l’Union, deuxièmement, que lesdits investisseurs ne sont pas en droit d’invoquer le TCE ni le TBI germano-tchèque, troisièmement, que la République tchèque n’a pas méconnu le principe de protection de la confiance légitime en droit national ou en droit de l’Union et, quatrièmement, que toute éventuelle indemnisation accordée par une juridiction arbitrale violerait l’article 108 TFUE et ne pourrait donc recevoir exécution.  

147    Les requérants précisent que les première et deuxième affirmations résumées au point 146 ci-dessus sont sans pertinence en l’espèce et ne font donc pas l’objet du présent recours, mais que sont en revanche contestées les troisième et quatrième affirmations.

148    Selon les requérants, les troisième et quatrième affirmations résumées au point 146 ci-dessus sont erronées et dépourvues de tout fondement en fait comme en droit. Elles traduiraient également la méconnaissance par la Commission de ses compétences, de telles conclusions n’étant ni requises ni utiles pour l’application des règles relatives aux aides d’État, ce qui contreviendrait en outre à l’article 5 TUE et constituerait un « abus de pouvoir ».  

149    En outre, en se prononçant sur le comportement de la République tchèque, la Commission aurait également excédé sa compétence, puisque la présente affaire ne concernerait pas le comportement de cet État au regard du principe de protection de la confiance légitime.

150    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, la République de Chypre et la République slovaque, conteste les arguments des requérants.

151    Il convient de s’en tenir au petitum exprimé par les requérants dans le cadre du sixième moyen et, par conséquent, de contrôler la légalité des troisième et quatrième « affirmations » de la Commission résumées au point 146 ci-dessus, à savoir que la République tchèque n’a pas violé le principe de protection de la confiance légitime en vertu du droit national ou du droit de l’Union et que toute indemnisation qu’accorderait un tribunal arbitral constituerait une aide d’État en soi, violerait l’article 108 TFUE et ne serait pas exécutoire.

152    À cet égard, il échet de rappeler que la Commission, en tant que gardienne des traités, est assurément dans son rôle et la limite de ses compétences lorsque, statuant dans un domaine particulier du droit de l’Union, en l’espèce l’examen de mesures susceptibles de constituer des aides d’État, elle relève l’incompatibilité de certains aspects desdites mesures (ou d’autres mesures connexes ou envisagées) avec d’autres dispositions du droit de l’Union que celles régissant la matière au titre de laquelle elle est saisie. En effet, il résulte de l’économie générale du traité que la procédure en cause ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, points 41 et 42 et jurisprudence citée).

153    C’est à la lumière de la jurisprudence citée au point 152 ci-dessus qu’il convient d’examiner si la Commission a méconnu l’article 5 TUE en exposant les troisième et quatrième affirmations résumées au point 146 ci-dessus.

154    S’agissant, premièrement, de l’argument des requérants selon lequel la Commission n’avait pas compétence pour se prononcer sur le respect du principe de protection de la confiance légitime par la République tchèque, il convient d’indiquer que, au paragraphe 134 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les mesures faisant l’objet de son examen constituaient la mise en œuvre des obligations dudit État membre en application du droit de l’Union, notamment de la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2001, L 283, p. 33), et de la directive 2009/28, et que, par conséquent, les principes généraux du droit de l’Union s’appliquaient aux mesures examinées.

155    Au paragraphe 135 de la décision attaquée, la Commission a fait observer que, selon la jurisprudence, les opérateurs économiques n’étaient pas prémunis contre les changements affectant une situation en cours et l’application immédiate du nouvel état du droit constitue la règle générale d’application des lois dans le temps. En application de ces principes, elle a estimé, à l’instar de l’Ústavní soud (Cour constitutionnelle, République tchèque), que le régime modifié n’était pas rétroactif et ne méconnaissait pas le principe de protection de la confiance légitime. Selon elle, il en va d’autant plus ainsi que le régime initial ne garantissait pas un certain prix de rachat ou de prime verte, mais simplement un retour sur investissement sur une durée de quinze ans. Par conséquent, le prélèvement sur les producteurs d’énergie photovoltaïque aurait été calculé pour assurer ce simple retour sur investissement, rien de plus.

156    Au paragraphe 149 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que la République tchèque n’avait violé les principes de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement ni selon le droit national ni selon le droit de l’Union. Selon elle, le droit de l’Union étant une composante du droit applicable en vertu tant du TCE que du traité germano-tchèque sur les investissements bilatéraux, le principe de protection de la confiance légitime, en vertu de la stipulation relative au traitement juste et équitable figurant dans ces traités, devait être interprété en conformité avec le contenu de ce principe tel qu’existant en droit de l’Union.

157    Il s’ensuit que, aux paragraphes 134, 135 et 149 de la décision attaquée, la Commission a examiné si la République tchèque, en octroyant l’aide d’État en cause et en agissant de cette manière dans le champ d’application du droit de l’Union, avait respecté les principes généraux de ce droit, dont le principe de protection de la confiance légitime. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 152 ci-dessus, la Commission agit dans les limites de sa compétence lorsque, statuant dans le domaine des aides d’État, elle examine si les mesures en cause sont conformes à d’autres dispositions du droit de l’Union que celles régissant la matière au titre de laquelle elle est saisie. En effet, la Commission ne saurait autoriser une mesure qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité et aux principes généraux du droit de l’Union. Il s’ensuit que, en examinant si la République tchèque avait méconnu le principe de protection de la confiance légitime en droit de l’Union, lorsqu’elle a accordé la mesure d’aide en cause, la Commission n’a pas enfreint l’article 5 TUE.

158    Certes, au paragraphe 149 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la République tchèque n’avait violé le principe de protection de la confiance légitime ni selon le droit de l’Union ni « selon le droit national ». S’il est évident que la Commission n’est pas compétente pour se prononcer quant au respect, par un État membre, de son droit national, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un motif surabondant de ladite décision, ne pouvant donc en emporter l’annulation, de sorte que le grief des requérants sur ce point doit être rejeté comme inopérant.

159    S’agissant, deuxièmement, de l’argument selon lequel la Commission n’avait pas compétence pour relever, au paragraphe 150 de la décision attaquée, que toute indemnisation qu’accorderait un tribunal arbitral dans le cadre d’un litige interne à l’Union entre un investisseur d’un État membre et un autre État membre constituerait une aide d’État en soi, violerait l’article 108, paragraphe 3, TFUE et ne serait pas exécutoire, il suffit de relever, à cet égard, qu’il s’agit là également d’un motif surabondant de ladite décision. En effet, ce paragraphe vise, par définition, une situation hypothétique et ne fait donc pas partie des motifs nécessaires de cette décision, de sorte qu’il demeure, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 9 décembre 2009, Marcuccio/Commission, C‑528/08 P, EU:C:2009:761, point 51, et arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑264/11 P, EU:T:2013:461, point 66). Partant, cet argument doit être rejeté comme inopérant.

160    S’agissant, troisièmement, de l’argument des requérants selon lequel les troisième et quatrième affirmations résumées au point 146 ci-dessus constituent un abus de pouvoir, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir ou de procédure que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du 12 novembre 1996, Royaume‑Uni/Conseil, C‑84/94, EU:C:1996:431, point 69, et du 16 septembre 1998, IECC/Commission, T‑133/95 et T‑204/95, EU:T:1998:215, point 188). En outre, lorsqu’il existe une pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se trouve mêlé aux motifs valables, la décision n’est pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (voir arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, EU:T:2005:333, point 87 et jurisprudence citée).

161    En l’espèce, même à supposer que certains des passages de la décision attaquée aient été exposés en vue d’éclairer les débats tenus dans le cadre de procédures d’arbitrage nées ou à venir, cela ne peut que demeurer sans incidence sur la légalité de ladite décision, dès lors que rien ne permet d’établir que cette dernière n’a pas été adoptée aux fins de l’application des règles d’aide d’État au régime en cause ou, en toute hypothèse, notamment en vue d’une telle fin.

162    S’agissant, quatrièmement et enfin, de l’argument des requérants selon lequel les troisième et quatrième affirmations résumées au point 146 ci-dessus sont « erronées et dépourvues de tout fondement en fait comme en droit » (point 174 de la requête), il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, à l’appui du présent moyen, les requérants n’avancent aucun argument tendant à démontrer l’existence d’erreurs de fait ou d’erreurs de droit autres que celles examinées ci-dessus.

163    Il convient donc de rejeter le sixième moyen.

 Sur le septième moyen, tiré de ce que la décision attaquée est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation

164    Selon les requérants, les premier à sixième moyens démontrent que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation. Elle n’aurait pas abordé l’affaire de manière impartiale, mais aurait façonné la décision attaquée pour aboutir à la conclusion que le régime initial constituait une aide d’État. Elle n’aurait notamment pas procédé à une analyse approfondie de cette affaire, ce qui apparaîtrait clairement aux paragraphes 71 et suivants de ladite décision.

165    La Commission estime que le septième moyen est irrecevable comme contraire aux exigences de l’article 76 du règlement de procédure.

166    Il échet, en effet, de rejeter le septième moyen comme irrecevable, en application de l’article 76 du règlement de procédure. D’une part, un moyen présenté comme un simple résumé des six moyens précédents ne présente aucun caractère autonome et encourt, pour cette seule raison, le rejet. D’autre part, il convient de souligner que les assertions qui y sont contenues, notamment celles alléguant un manque d’impartialité, sont extrêmement sommaires et aucunement étayées.

167    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les sept moyens du recours doivent être rejetés.

 Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction

168    Tant les requérants que la Commission ont demandé au Tribunal d’ordonner diverses mesures d’organisation de la procédure et d’instruction. Il s’agit, pour les requérants, de la proposition d’audition de plusieurs témoins et de la demande de production des dossiers de la Commission relatifs aux procédures de cette dernière auxquelles il est fait allusion aux points 52 à 95 de la requête ou, à tout le moins, de sa correspondance et de ses notes relatives aux réunions tenues avec la République tchèque ainsi qu’avec des tiers. Il s’agit, pour la Commission, de la demande de production des mémoires soumis par les requérants concernés dans le cadre des procédures d’arbitrage en matière d’investissement et de communication dans son intégralité d’une sentence arbitrale à laquelle ont fait référence les requérants.

169    À cet égard, il convient de rappeler que c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 417 et jurisprudence citée). En particulier, il est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée).

170    Il appartient ainsi au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande d’audition de témoins par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 78 et jurisprudence citée).

171    S’agissant, d’abord, de la demande de communication dans son intégralité d’une sentence arbitrale formulée par la Commission le 26 octobre 2018 (voir point 31 ci-dessus), il y a lieu de constater que celle-ci est devenue sans objet, dès lors que ladite sentence a été versée au dossier par les requérants le 18 janvier 2019 (voir point 33 ci-dessus).

172    S’agissant, ensuite, de la demande de production d’autres documents et d’audition de témoins, il convient de relever que les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de l’audience sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

173    Il s’ensuit que les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction doivent être écartées.

174    Il convient, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

 Sur les dépens

175    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

176    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

177    La République tchèque, le Royaume d’Espagne, la République de Chypre et la République slovaque supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      FVE Holýšov I s. r. o. et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République tchèque, le Royaume d’Espagne, la République de Chypre et la République slovaque supporteront leurs propres dépens.

Tomljenović

Bieliūnas

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.