Language of document : ECLI:EU:T:2019:82

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 février 2019 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Djili – Marque nationale verbale antérieure GILLY – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001  » 

Dans l’affaire T‑231/18,

Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam, établie à Dulovo (Bulgarie), représentée par Me C.-R. Romiţan, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par M. D. Gája et Mme D. Walicka, puis par MM. Gája et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Victor Lupu, demeurant à Bucarest (Roumanie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 31 janvier 2018 (affaire R 1902/2017-5), relative à une procédure d’opposition entre M. Lupu et Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2018,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 4 avril 2018,

vu les observations sur la demande de suspension déposées au greffe du Tribunal par l’EUIPO le 27 avril 2018,

vu la décision du 4 juin 2018 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 juin 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juin 2016, la requérante, Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Gelées, confitures, compotes, pâtes à tartiner de fruits et de légumes ; cacahuètes ; fèves ; pommes chips ; champignons séchés comestibles ; fruits en conserve ; conserves de légumes ; dattes ; haricots ; pistaches préparées ; noix préparées ; semences de citrouille traitées ; graines de tournesol comestibles ; graines de tournesol préparées ; graines préparées ; figues séchées ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 2016/106 , du 9 juin 2016.

5        Le 31 août 2016, l’opposant, M. Victor Lupu, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés dans la classe 29.

6        L’opposition était fondée sur la marque roumaine verbale antérieure GILLY, enregistrée le 21 septembre 2009, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles, y compris de graines et cacahuètes grillées ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001).

8        Le 31 juillet 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition pour tous les produits visés par la marque demandée, dès lors qu’elle a conclu à l’absence de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

9        Le 31 août 2017, l’opposant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 31 janvier 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours. En particulier, elle a considéré qu’un risque de confusion entre les deux marques en conflit ne saurait être exclu, dans la mesure où, notamment, elles présentaient un degré moyen de similitude, les produits visés par celles-ci étaient en partie identiques et en partie fortement similaires et le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter le recours de l’opposant ;

–        condamner l’opposant aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En substance, elle fait valoir que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs s’agissant de la perception des signes sur les plans phonétique et conceptuel ainsi que dans l’appréciation globale du risque de confusion, au regard, notamment, des différences de prononciation des signes en cause et de l’utilisation de la marque demandée sur le marché avec d’autres signes dont la requérante fait usage pour identifier ses produits tandis que l’opposant aurait cessé d’utiliser le signe GILLY en 2010.

14      L’EUIPO conteste cette argumentation.

 Observations liminaires

15      La requérante fait valoir, à titre préliminaire, que, d’une part, l’opposant a enregistré la marque antérieure de mauvaise foi, dans le but de créer la confusion et l’association avec ses produits et, d’autre part, il a cessé de l’utiliser à partir de 2010.

16      S’agissant de ce premier argument, il y a lieu de rappeler que la mauvaise foi, en tant que comportement abusif, est un facteur particulièrement pertinent dans le contexte d’une demande en nullité fondée sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En revanche, elle ne constitue pas un élément qui doit être pris en compte dans le contexte d’une procédure d’opposition introduite sur la base de l’article 8 du règlement 2017/1001 [voir, par analogie, arrêt du 3 mai 2012, Conceria Kara/OHMI – Dima (KARRA), T‑270/10, non publié, EU:T:2012:212, point 84 et jurisprudence citée].

17      S’agissant du second argument, ainsi que l’a mis en exergue une jurisprudence constante, la question de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure doit être formulée expressément et en temps utile devant la division d’opposition, l’usage sérieux de la marque constituant une question qui, une fois soulevée par le demandeur de la marque, doit être réglée avant qu’il ne soit décidé sur l’opposition proprement dite [voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, points 34 et 37 et jurisprudence citée]. Dès lors, cette question ne peut être soulevée pour la première fois ni devant la chambre de recours (voir, par analogie, arrêt du 22 mars 2007, PAM PLUVIAL, T‑364/05, EU:T:2007:96, point 39) ni devant le Tribunal [voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2007, NV Marly/OHMI – Erdal (Top iX), T‑57/06, non publié, EU:T:2007:333, point 18].

18      En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante n’a pas formulé de demande en temps utile pour réclamer la production de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure lors de la procédure devant l’EUIPO.

19      Partant, il convient d’écarter l’argumentation de la requérante tirée de ce que, d’une part, l’opposant aurait enregistré la marque antérieure de mauvaise foi et, d’autre part, il aurait cessé de l’utiliser à partir de 2010.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 32 et jurisprudence citée].

22      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

23      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 24 de la décision attaquée, que le public pertinent était le grand public, dont le niveau d’attention était moyen dans la mesure où les produits en cause sont des produits de grande consommation [voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2011, Oetker Nahrungsmittel/OHMI – Bonfait (Buonfatti), T‑471/09, non publié, EU:T:2011:307, point 75 et jurisprudence citée, et du 25 septembre 2014, Giorgis/OHMI – Comigel (Forme de deux gobelets emballés), T‑474/12, EU:T:2014:813, points 16 et 17 et jurisprudence citée].

25      Il convient, par ailleurs, de rappeler qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 que l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée par rapport au public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée (voir point 20 ci-dessus). Dès lors que, en l’espèce, la marque antérieure est une marque roumaine, le public pertinent est celui de la Roumanie.

 Sur la comparaison des produits

26      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

27      En l’espèce, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté à juste titre, sans être contredite sur ce point par la requérante, que les produits désignés par les marques en conflit étaient en partie identiques et en partie fortement similaires.

  Sur la comparaison des signes

28      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       Sur la comparaison des signes sur le plan visuel

29      La chambre de recours a d’abord estimé à juste titre, aux points 37 à 39 de la décision attaquée, que, d’une part, les signes en conflit différaient en particulier par leurs lettres initiales et finales et, d’autre part, les deux signes étaient constitués de cinq lettres, dont les deux lettres en commun « i » et « l », la lettre « l » étant, en outre, placée en quatrième position dans chacun des deux signes.

30      En ce que la chambre de recours a ensuite constaté, au point 37 de la décision attaquée et sans que la requérante le conteste, que l’apparence visuelle et la stylisation du signe contesté n’avaient pas d’équivalent dans la marque antérieure, il convient de rappeler que, dans la mesure où la marque antérieure est une marque verbale, l’apparence visuelle et la stylisation du signe demandé sont sans pertinence pour la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2007, Ontex/OHMI – Curon Medical (CURON), T‑353/04, non publié, EU:T:2007:47, point 74 et jurisprudence citée].

31      Dans la mesure où les signes en conflit sont également composés de cinq lettres mais où ils diffèrent notamment par trois de ces cinq lettres, et où une seule de ces dernières est identique et placée à la même position dans chacun de ces deux signes, il convient néanmoins de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, sans être contestée par la requérante sur ce point, qu’il existait un faible degré de similitude visuelle entre lesdits signes.

–       Sur la comparaison des signes sur le plan phonétique

32      Contrairement à la division d’opposition, la chambre de recours a considéré que la prononciation des éléments verbaux « dji » et « gi », respectivement de la marque demandée et de la marque antérieure, était quasi identique. Le son produit par la lettre « d » de la marque demandée serait en effet à peine perceptible pour le public roumain dans la mesure où elle est suivie des lettres « j » et « i ». Ainsi, la combinaison de ces trois lettres serait perçue comme le son produit par la combinaison des lettres « g » et « i » de la marque antérieure. Afin d’étayer ces affirmations, et tout en convenant que l’élément verbal « dji » n’était pas courant en roumain, la chambre de recours s’est appuyée sur l’exemple de la prononciation du terme « djinn » qui existerait dans cette langue, ainsi que sur celui de la prononciation du terme « gimnastic ». Ces deux termes démontreraient que leurs éléments initiaux « dji » et « gi » se prononcent de manière quasi identique en roumain. De plus, la chambre de recours a souligné que le son produit par la prononciation de la lettre « l » de la marque demandée serait identique à celui produit par la prononciation de l’élément « ll » de la marque antérieure. Enfin, le son produit par la prononciation de la lettre finale « i » de la marque demandée serait également perçu par les consommateurs roumains comme identique à celui produit par la prononciation de la lettre finale « y » de la marque antérieure. La chambre de recours a donc considéré que les signes en cause étaient très similaires, sinon quasi identiques sur le plan phonétique.

33      La requérante conteste cette appréciation en faisant valoir que le mot « djinn » n’existerait pas en roumain, celui-ci provenant d’un terme étranger qui a été adapté en roumain, et que la conclusion de la chambre de recours qui se fonde sur ce point n’est donc pas correcte. Elle ajoute que la prononciation en roumain du terme « gymnastique » ne correspond pas à celle exposée par la chambre de recours.

34      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

35      Il convient d’emblée de rappeler que les règles de prononciation des langues de l’Union ne sont pas à la disposition des parties et qu’il appartient à la chambre de recours d’évaluer elle-même la prononciation des marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Novartis/EUIPO – Meda (Zymara), T‑214/15, non publié, EU:T:2017:637, point 101].

36      À cet égard, il y a lieu de constater que, indépendamment des exemples spécifiques qu’elle invoque au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « gi » de la marque antérieure se prononcerait presque comme l’élément verbal « dji » de la marque demandée, en roumain. En ce sens, l’EUIPO fait valoir dans ses écrits que la combinaison des lettres « d », qui se prononce [d], et « ji », qui se prononce [ʒi], se prononcera nécessairement [ʤi] en roumain, tandis que la combinaison des lettres « g » et « i » se prononcera également [ʤi] en roumain.

37      Par ailleurs, il convient d’observer que, si la requérante conteste l’appréciation réalisée par la chambre de recours en ce qui concerne la prononciation des signes en conflit, elle n’expose pas clairement de quelle manière il conviendrait, selon elle, de prononcer lesdits signes en roumain.

38      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le mot « djinn », sur lequel serait fondée la conclusion de la chambre de recours établissant que les éléments « dji » et « gi » se prononcent de manière quasi identique, n’est pas un mot roumain, il y a lieu de constater que le fait que ce terme soit, ou non, d’origine étrangère est sans pertinence en l’espèce. En effet, cette origine étrangère n’est pas susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours exposée au point 36 ci-dessus selon laquelle l’élément verbal « dji » sera prononcé [ʤi] en roumain. L’argumentation de la requérante échoue donc à remettre en cause l’affirmation de la chambre de recours par laquelle elle a considéré que la prononciation de l’élément verbal « dji » du terme « djinn », qu’elle évoque à titre d’exemple, sera presque identique à celle de l’élément verbal « gi » en roumain.

39      De plus, en ce que la requérante conteste également l’appréciation de la chambre de recours en ce qui concerne la prononciation du terme « gimnastic », en faisant valoir que cette dernière se serait fondée sur la prononciation anglaise du terme « gymnastique » et non sur sa prononciation roumaine, il y a lieu d’observer que la requérante ne produit aucun élément de preuve à l’appui de son argumentation selon laquelle, en roumain, l’élément verbal « gi » du terme « gimnastic » se prononcera [gi]. De nouveau, cette dernière échoue donc à remettre en cause les appréciations de la chambre de recours résumées au point 36 ci-dessus.

40      Enfin, il convient de rappeler que la chambre de recours a souligné, sans être contestée par la requérante sur ces points, que le son produit par la prononciation de la lettre « l » de la marque demandée sera identique à celui produit par la prononciation de l’élément « ll » de la marque antérieure. De plus, le son produit par la prononciation de la lettre finale « i » de la marque demandée sera également perçu par le public pertinent comme identique à celui produit par la prononciation de la lettre finale « y » de la marque antérieure.

41      Dès lors, au regard de ces éléments, il convient de constater qu’aucun des arguments soulevés par la requérante n’est susceptible de remettre en cause l’appréciation par laquelle la chambre de recours a constaté que les signes en conflit étaient très similaires, sinon quasi identiques, d’un point de vue phonétique.

–       Sur la comparaison des signes sur le plan conceptuel

42      La chambre de recours a relevé que les signes n’avaient pas de signification pour le public roumain et que la comparaison conceptuelle était donc sans pertinence en l’espèce.

43      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours et considère que la comparaison conceptuelle des signes en cause est pertinente en l’espèce. À cet égard, elle fait valoir que l’opposant aurait enregistré la marque antérieure dans le but de créer la confusion et une association entre ses propres produits et ceux de la requérante. Au soutien de son argumentation, cette dernière dénonce également les similitudes entre un autre signe figuratif, dont elle a demandé l’enregistrement auprès de l’EUIPO le 3 juillet 2009, et celui que l’opposant aurait utilisé jusqu’en 2010.

44      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

45      À cet égard, il y a lieu de constater qu’aucun des arguments de la requérante ne remet en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent n’attribuera de signification à aucun des deux signes en conflit. En effet, ni les allégations selon lesquelles la marque antérieure aurait été enregistrée de mauvaise foi, ni la prétendue similitude entre des éléments extérieurs à l’objet du recours ne sont susceptibles d’établir une quelconque signification pour l’un ou l’autre des deux signes en conflit. Par conséquent, la chambre de recours a conclu à juste titre au point 45 de la décision attaquée qu’aucune comparaison conceptuelle des signes n’était possible en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2012, Retractable Technologies/OHMI – Abbott Laboratories (RT), T‑371/09, non publié, EU:T:2012:244, point 41].

 Sur le risque de confusion

46      La chambre de recours a considéré, en l’espèce, qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit pour le public pertinent, au regard de l’identité partielle et de la forte similitude partielle des produits ainsi que du degré très élevé de similitude phonétique des signes. En effet, elle a notamment estimé que ce facteur était particulièrement pertinent à prendre en compte, dans la mesure où les produits en cause étaient tous susceptibles d’être achetés ou recommandés oralement.

47      La requérante considère qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit. Tout d’abord, elle fait valoir que la marque antérieure n’est pas utilisée par son titulaire et qu’elle ne l’a été que pendant quelques mois en 2009 et 2010. Ensuite, la requérante soutient, en substance, que l’opposant aurait mis en œuvre une stratégie afin d’usurper la marque demandée et, à cette fin, aurait enregistré plusieurs marques dont la marque roumaine verbale DJILI, annulée par les tribunaux roumains. Enfin, la requérante fait valoir que l’utilisation de la marque demandée sur le marché empêchera le consommateur de la confondre avec la marque antérieure.

48      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

49      Pour les raisons évoquées aux points 15 à 19 ci-dessus, il convient d’écarter d’emblée les arguments de la requérante selon lesquels, la marque antérieure n’étant plus utilisée par l’opposant, et cette dernière l’ayant enregistrée dans le seul but d’usurper la marque demandée, il y aurait lieu d’écarter tout risque de confusion entre les marques en conflit.

50      De plus, en ce que la requérante fait valoir les modalités particulières d’utilisation de la marque demandée sur le marché, c’est-à-dire accolée à un élément figuratif représentant un perroquet, pour établir que le public pertinent ne pourra pas confondre les marques en conflit, il suffit de rappeler que la demande d’enregistrement de la marque demandée ne portait que sur le seul signe figuratif repris au point 2 ci-dessus qui ne comporte pas ledit élément figuratif représentant un perroquet. En effet, il ressort de la jurisprudence que, en principe, l’appréciation du risque de confusion s’effectue sur la base d’une comparaison entre la marque demandée telle que décrite dans le registre de l’EUIPO et la marque antérieure telle qu’enregistrée [voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2015, Cosmowell/OHMI – Haw Par (GELENKGOLD), T‑599/13, EU:T:2015:262, point 35]. Partant, cet argument doit être considéré comme non fondé.

51      Enfin, la chambre de recours a considéré que, en l’espèce, la perception visuelle des signes en conflit était susceptible de jouer un rôle important. De plus, elle a précisé que la perception phonétique de ces signes ne saurait cependant être ignorée. À cet égard, elle a rappelé que, en l’occurrence, la prononciation desdits signes était quasi identique et que les produits en cause, qui se recoupent, étaient susceptibles d’être achetés ou recommandés oralement. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

52      Il convient donc de constater qu’aucun des arguments soulevés par la requérante n’est susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, dans la mesure où à la fois il existait un faible degré de similitude visuelle entre les signes en conflit et ils étaient très similaires sinon identiques sur le plan phonétique, où la perception phonétique desdits signes ne saurait être ignorée en l’espèce et où ils portaient sur des produits en partie identiques et en partie fortement similaires, un risque de confusion entre les marques en cause existe.

53      Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il convient de rejeter le moyen unique et, partant, le premier chef de conclusions de la requérante comme non fondés.

 Sur le chef de conclusions tendant à la réformation de la décision attaquée

54      La requérante demande au Tribunal de rejeter le recours de l’opposant et ainsi, en substance, la réformation de la décision attaquée.

55      Or, il y a lieu de rappeler que le contrôle que le Tribunal exerce conformément à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO et qu’il ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs énoncés à l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 (voir arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 71 et jurisprudence citée).

56      Le moyen invoqué par la requérante au soutien des conclusions en annulation devant être rejeté, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, la décision attaquée n’est entachée d’aucune des illégalités visées à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Il n’y a donc pas lieu d’accéder à la demande de la requérante de réformer la décision attaquée et le deuxième chef de conclusions doit être rejeté.

57      Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.