Language of document : ECLI:EU:F:2010:78

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

8 juillet 2010 (*)

« Fonction publique — Nomination — Agents temporaires nommés fonctionnaires — Candidats inscrits sur une liste de réserve avant l’entrée en vigueur du nouveau statut — Règles transitoires de classement en grade lors du recrutement — Classement en grade en application des nouvelles règles moins favorables — Article 5, paragraphe 4, et article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut »

Dans l’affaire F‑64/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Ragnar Bergström, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Linkebeek (Belgique), représenté initialement par Mes T. Bontinck et J. Feld, avocats, puis par Mes T. Bontinck et S. Woog, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et I. Šulce, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. P. Mahoney, président, H. Tagaras et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Cidéron, assistante,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 22 mai 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 1er juin suivant), M. Bergström, lauréat d’un concours publié antérieurement au 1er mai 2004, demande l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 10 août 2005, le nommant administrateur stagiaire à compter du 16 septembre 2005, en ce que cette décision le classe à un grade inférieur à celui annoncé dans l’avis de concours susmentionné.

 Cadre juridique

2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (ci-après le « statut »), et le régime applicable aux autres agents de l’Union, tel que modifié par le même règlement (ci-après le « RAA »), sont entrés en vigueur, ainsi que prévu par l’article 2 dudit règlement, le 1er mai 2004.

3        Le règlement no 723/2004 a introduit un nouveau système de carrières dans la fonction publique européenne en substituant les nouveaux groupes de fonctions d’administrateurs (AD) et d’assistants (AST) aux anciennes catégories de fonctionnaires A, B, C et D.

4        L’article 31 du statut dispose :

« 1. Les candidats […] sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis du concours auquel ils ont été reçus.

2. Sans préjudice de l’article 29, paragraphe 2, les fonctionnaires sont recrutés uniquement aux grades AST 1 à AST 4 ou AD 5 à AD 8. Le grade de l’avis de concours est déterminé par l’institution, conformément aux critères suivants :

a) l’objectif de recruter les fonctionnaires possédant les plus hautes qualités visées à l’article 27 ;

b) la qualité de l’expérience professionnelle requise.

Afin de répondre aux besoins spécifiques des institutions, les conditions du marché du travail [de l’Union] peuvent également être prises en considération lors du recrutement de fonctionnaires.

3. Par dérogation au paragraphe 2, l’institution peut, le cas échéant, autoriser l’organisation de concours aux grades AD 9, AD 10, AD 11 ou, exceptionnellement, AD 12. Le nombre total de candidats nommés aux emplois vacants à ces grades n’excède pas 20 % du nombre total annuel des nominations dans le groupe de fonctions AD en application de l’article 30, deuxième alinéa. »

5        L’annexe XIII du statut envisage les mesures transitoires consécutives à l’entrée en vigueur du règlement n 723/2004.

6        L’article premier de l’annexe XIII du statut prévoit :

« 1. Pendant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 du statut sont remplacés par le texte suivant :

‘1. Les emplois relevant du statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A*, B*, C*, D*.

2. La catégorie A* comprend douze grades, la catégorie B* neuf grades, la catégorie C* sept grades et la catégorie D* cinq grades.’

2. Toute référence à la date de recrutement s’entend comme faite à la date d’entrée en service. »

7        L’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut est rédigé comme suit :

« Le 1er mai 2004 et sous réserve de l’article 8 de la présente annexe, les grades des fonctionnaires placés dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut sont renommés comme suit :

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

Ancien grade

Nouveau grade (intermédiaire)

A 1

A*16

      

A 2

A*15

      

A 3/LA 3

A*14

      

A 4/LA 4

A*12

      

A 5/LA 5

A*11

      

A 6/LA 6

A*10

B 1

B*10

    
        

A 7/LA 7

A*8

B 2

B*8

    

A 8/LA 8

A*7

B 3

B*7

C 1

C*6

  
  

B 4

B*6

C 2

C*5

  
  

B 5

B*5

C 3

C*4

D 1

D*4

    

C 4

C*3

D 2

D*3

    

C 5

C*2

D 3

D*2

      

D 4

D*1

 »

8        L’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XIII du statut fixe les traitements mensuels de base pour chaque grade et chaque échelon. Il prévoit, notamment, que les « nouveaux grades intermédiaires » A*8 et A*10 correspondent, en ce qui concerne la rémunération, aux anciens grades A 7 et A 6.

9        Selon, l’article 4 de l’annexe XIII du statut :

« Aux fins de l’application du statut et de ses annexes pendant la période visée à la phrase d’introduction de l’article 1er de la présente annexe :

a) les termes ‘groupe de fonctions’ sont remplacés par le terme ‘catégorie’

i) aux articles suivants du statut :

–        […]

–        l’article 31, paragraphe 1,

[…] ».

10      Aux termes de l’article 5, paragraphes 3 et 4, de l’annexe XIII du statut :

« 3. Les articles 1 à 11 de la présente annexe s’appliquent aux agents temporaires recrutés avant le 1er mai 2004 qui sont recrutés après cette date comme fonctionnaires conformément au paragraphe 4.

4. Les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne sont classés, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie. »

11      L’article 12 de l’annexe XIII du statut dispose :

« 1. Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 30 avril 2006, toute référence faite aux grades des groupes de fonctions AST et AD à l’article 31, paragraphe[s] 2 et 3, du statut, doit être comprise selon les modalités qui suivent :

–        AST 1 à AST 4 : C*1 à C*2 et B*3 à B*4

–        AD 5 à AD 8 : A*5 à A*8

–        AD 9, AD 10, AD 11, AD 12 : A*9, A*10, A*11, A*12.

2. Les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, du statut, ne s’appliquent pas aux fonctionnaires recrutés sur des listes d’aptitude établies à la suite de concours publiés avant le 1er mai 2004.

3. Les fonctionnaires inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006 sont classés :

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A*, B* ou C*, dans le grade publié dans l’avis de concours,

–        lorsque la liste a été établie pour la catégorie A, LA, B ou C, selon le tableau suivant :

Grade du concours

Grade du recrutement

A/LA 8

A*5

A/LA 7 et A/LA 6

A*6

A/LA 5 et A/LA 4

A*9

A/LA 3

A*12

A 2

A*14

A 1

A*15

B 5 et B 4

B*3

B 3 et B 2

B*4

C 5 et C 4

C*1

C 3 et C 2

C*2

 »

 Faits à l’origine du litige

12      Le requérant a été recruté comme agent auxiliaire de catégorie A le 16 novembre 1998.

13      Il est devenu agent temporaire de grade A 6, échelon 3, le 16 janvier 2002.

14      La Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne le 25 juillet 2002 (JO C 177 A, p. 25) l’avis de concours général COM/A/3/02 visant à constituer une liste de réserve d’administrateurs de grades A 7 et A 6 dans le domaine de la recherche (ci-après le « concours COM/A/3/02 »).

15      Au titre D intitulé « Informations générales », sous la rubrique « Conditions de recrutement », l’avis de concours précisait :

« L’inscription des lauréats sur les listes de réserve leur donne vocation à être recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires au fur et à mesure des besoins des services de la Commission […] ».

16      En outre, dans un nota bene en fin de ce même titre figurait la mention suivante :

« La Commission a formellement transmis au Conseil [de l’Union européenne] une proposition de modification du statut. Cette proposition comporte notamment le nouveau système de carrière. Les lauréats de ce concours pourraient donc se voir proposer un recrutement sur la base des dispositions du nouveau statut, suivant l’adoption de celles-ci par le Conseil. »

17      Le requérant s’est porté candidat à ce concours.

18      Il a été informé, par lettre du 23 avril 2004, qu’il figurait parmi les lauréats du concours COM/A/3/02.

19      Le 1er mai 2004, le grade A 6 qu’il détenait en qualité d’agent temporaire a été renommé grade A*10.

20      Le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A*6, échelon 2, par une décision du 10 août 2005, prenant effet le 16 septembre suivant (ci-après la « décision attaquée »).

21      Le 23 décembre 2005, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée, en ce que celle-ci ne maintenait pas son classement au grade A*10, échelon 4.

22      Le 14 février 2006, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a informé le requérant qu’il était couvert par l’engagement qu’elle avait pris d’étendre les effets d’un éventuel arrêt annulant une décision de classement en grade à l’entrée en fonction prise, depuis le 1er mai 2004, en application de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut. En conséquence, l’AIPN a estimé qu’une réponse explicite à la réclamation était superfétatoire.

 Conclusions des parties et procédure

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

24      Il ressort toutefois des développements de la requête que le requérant demande seulement l’annulation de la décision attaquée en tant que celle-ci fixe son classement au grade A*6, échelon 2.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

26      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 juillet 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 7 juillet suivant), le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions de la Commission. Le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande par ordonnance du 25 septembre 2006.

27      Par son mémoire en intervention sur le fond, parvenu au greffe du Tribunal le 10 novembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 15 novembre suivant), la partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le moyen tiré de l’illégalité du règlement no 723/2004. Par décision du 22 novembre 2006, le président de la deuxième chambre n’a pas autorisé le requérant et la Commission à déposer des observations sur ce mémoire.

28      Par ordonnance du 10 janvier 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑58/05, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

29      Après le prononcé de l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission (T‑58/05, Rec. p. II‑2523, ci-après l’« arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla ») et au vu du pourvoi introduit devant la Cour de justice des Communautés européennes le 21 septembre 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 15 novembre 2007, décidé de suspendre de nouveau la procédure jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑443/07 P, Centeno Mediavilla e.a./Commission.

30      Après le prononcé de l’arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, Rec. p. I‑10945, ci-après l’« arrêt de la Cour Centeno Mediavilla »), et à la demande du Tribunal, les parties ont été invitées par lettre du greffe du Tribunal du 18 mars 2009, à faire part de leurs observations sur les conséquences éventuelles dudit arrêt sur la suite de la procédure. La Commission, le Conseil et le requérant ont déféré à cette demande, respectivement les 26 mars, 2 avril et 22 avril 2009.

31      Par ordonnance du président de la deuxième chambre, du 3 février 2010, la présente affaire et les affaires F-126/06, Magazzu/Commission, et F-130/06, Sotgia/Commission, ont été jointes aux fins de la procédure orale.

32      Dans le rapport préparatoire d’audience, le requérant et la Commission ont été invités à faire valoir, lors de celle-ci, leurs observations éventuelles sur le mémoire en intervention du Conseil.

 En droit

33      À l’appui de son recours, le requérant a invoqué deux moyens. Le premier moyen était tiré de la violation de l’article 31 du statut, ainsi que de l’article 2, paragraphes 1 et 2, et de l’article 5, paragraphes 3 et 4, de l’annexe XIII du statut. Le second moyen était déduit de la violation des « principes généraux du droit de la fonction publique ». Au vu de ses développements, il y a lieu de considérer que le second moyen comportait trois branches fondées, la première, sur le principe de confiance légitime, la deuxième, sur l’obligation de préserver les droits acquis et la troisième, sur le principe d’égalité de traitement entre les fonctionnaires consacré par l’article 1er quinquies du statut.

34      Au cours de l’audience, compte tenu du prononcé des arrêts du Tribunal de première instance puis de la Cour, dans les affaires Centeno Mediavilla, le requérant a uniquement maintenu le premier moyen en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, de l’annexe XIII du statut, en ce compris le grief tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement, et le second moyen en ce qu’il est déduit de la violation du principe du maintien des droits acquis, à propos de la perte des points de mérite accumulés en qualité d’agent temporaire.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, de l’annexe XIII du statut

 Arguments des parties

35      Selon le requérant, l’article 5, paragraphes 3 et 4, de l’annexe XIII du statut doit être interprété en tenant compte de sa finalité, laquelle consisterait à préserver la continuité de la carrière des agents temporaires qui, avant le 1er mai 2004, possédaient déjà cette qualité et qui ont été recrutés après cette date comme fonctionnaires. Tout en concédant que l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise expressément les agents temporaires inscrits sur une liste de lauréats d’un concours interne et non d’un concours général, il estime, néanmoins, qu’il n’y a pas lieu d’avoir égard à cette précision en raison de la finalité de cette disposition et du fait que l’effort fourni pour réussir un concours général ou un concours interne est comparable.

36      Le requérant fait également valoir que l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut ne pourrait avoir créé une différence de traitement entre les agents temporaires lauréats d’un concours interne et ceux qui, comme lui, ont réussi un concours général. De même, il fait valoir qu’une application littérale de l’article 5, paragraphe 4, de ladite annexe conduirait à une discrimination par rapport à des agents temporaires de catégorie B ayant réussi un concours de passage en catégorie A.

37      Dans ses observations sur les conséquences éventuelles de l’arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, le requérant déduit de cet arrêt et de l’arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla que les lauréats d’un même concours ne font pas nécessairement partie de la même catégorie de personnes. Au vu de cette jurisprudence, il estime que, en tant qu’ancien agent temporaire, il ne pouvait être considéré comme faisant partie de la même catégorie que les candidats extérieurs, lauréats du concours COM/A/3/02. Cette différence résulterait, en substance, de la circonstance que les agents temporaires ont vocation à devenir fonctionnaires en vertu de l’article 32 du statut et de l’article 8 du RAA. Le requérant en conclut que son classement en grade ne pouvait être opéré, comme pour les candidats extérieurs, lauréats du concours en question, sur la base de l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII au statut. Ce dernier violerait ainsi le principe d’égalité en traitant de la même manière des fonctionnaires se trouvant dans une situation différente.

38      Le Conseil et la Commission relèvent que les champs d’application respectifs des articles 5 et 12 de l’annexe XIII du statut doivent être distingués selon la nature des concours en cause. En faisant référence aux agents temporaires inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut envisagerait seulement les épreuves internes destinées à permettre un changement de catégorie ou la nomination d’agents temporaires en tant que fonctionnaires.

39      En revanche, l’article 12, paragraphe 3, de la même annexe utiliserait le terme « recrutés » de manière à couvrir les premiers recrutements de candidats externes mais aussi les changements de catégorie à la suite de la réussite de concours généraux, et cela quel que soit le statut du candidat. Selon le Conseil et la Commission, le classement du requérant, qui était lauréat d’un concours général, devait, par conséquent, être déterminé conformément à l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut et non sur la base de l’article 5, paragraphe 4, de ladite annexe.

 Appréciation du Tribunal

40      Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, les agents temporaires inscrits avant le 1er mai 2006 « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ou sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne » sont, si le recrutement a lieu après le 1er mai 2004, classés « dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie ».

41      Le paragraphe 3 de l’article 5 de l’annexe XIII du statut, invoqué par le requérant, se borne à prévoir que les articles 1 à 11 de ladite annexe « s’appliquent aux agents temporaires recrutés avant le 1er mai 2004 qui sont recrutés après cette date comme fonctionnaires conformément au paragraphe 4 », ce qui, en l’espèce, soulève la question de savoir si le requérant a effectivement été recruté au titre de l’article 5, paragraphe 4.

42      Afin de déterminer si, ainsi que le prétend le requérant, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut lui était applicable au moment de son recrutement en qualité de fonctionnaire stagiaire, il convient de délimiter le champ d’application personnel de cette disposition.

43      En premier lieu, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise les agents temporaires qui étaient inscrits « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie ». À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 45, paragraphe 2, du statut, dans sa version applicable jusqu’au 30 avril 2004, le passage de fonctionnaires ou d’agents dans une autre catégorie ne pouvait avoir lieu qu’après concours. Il convient d’admettre, ainsi que l’a fait observer la Commission au cours de l’audience, que, en mentionnant précisément les agents temporaires « inscrits sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », le législateur a entendu viser les candidats ayant passé avec succès ce type de concours.

44      L’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut vise également, plus largement, les agents temporaires « inscrits sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne ». Bien qu’un concours de « passage de catégorie » soit également, par nature, un concours interne, il convient d’interpréter la disposition en cause de façon à lui conférer un effet utile, en évitant, dans la mesure du possible, toute interprétation qui conduirait à la conclusion que cette disposition est redondante. Au regard des explications fournies par la Commission au cours de l’audience, il apparaît que le législateur a entendu viser, par « concours interne », les concours dits de titularisation dont l’objet est de permettre, dans le respect de l’ensemble des dispositions statutaires régissant l’accès à la fonction publique européenne, le recrutement, en tant que fonctionnaires, d’agents qui ont déjà une certaine expérience de l’institution et qui ont fait preuve de leur aptitude à occuper les postes à pourvoir (voir, en ce qui concerne la portée des concours de titularisation, arrêts du Tribunal de première instance du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, RecFP p. I‑A‑47 et II‑135, points 45 et 46, et du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T‑294/97, RecFP p. I‑A‑601 et II‑1819, point 51). Cette interprétation est corroborée par les termes du paragraphe 2 de l’article 5 de l’annexe XIII du statut, lesquels ne visent que les fonctionnaires inscrits « sur une liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », sans faire mention des fonctionnaires « inscrits sur une liste de candidats lauréats d’un concours interne ». Une telle mention aurait manqué de justification dès lors qu’il n’y a précisément pas matière à titularisation d’agents qui sont déjà fonctionnaires.

45      En second lieu, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut dispose que les intéressés sont classés « dans le même grade et le même échelon que ceux qu’ils détenaient en qualité d’agent temporaire dans l’ancienne catégorie et, à défaut, au premier échelon du grade de base de la nouvelle catégorie ». Il découle de cette rédaction que les intéressés doivent avoir changé de catégorie à l’occasion de leur recrutement.

46      Il y a lieu de souligner, à cet égard, qu’à chacun des grades des deux nouveaux groupes de fonctions AD et AST, il est possible de faire correspondre un grade de l’une des anciennes catégories A*, B*, C* et D*. Ainsi, les grades AD 16 à AD 5 correspondent aux anciens grades A*16 à A*5, les grades AST 11 à AST 3, aux anciens grades B*11 à B*3, les grades AST 7 à AST 1, aux anciens grades C*7 à C*1, et les grades AST 5 à AST 1, aux anciens grades D*5 à D*1, de telle sorte qu’il est toujours possible de vérifier s’il y a eu un changement de catégorie à la suite du recrutement, en qualité de fonctionnaire, d’un agent temporaire inscrit sur une liste de lauréats de concours avant le 1er mai 2006. Il n’existe cependant pas d’ancien grade B*2 correspondant au grade AST 2 (anciennement C*2), raison pour laquelle le législateur a prévu la possibilité de classer le fonctionnaire stagiaire, non pas dans le même grade et le même échelon que ceux détenus en qualité d’agent temporaire dans l’« ancienne catégorie », mais au premier échelon du grade de base de la « nouvelle catégorie ».

47      Il ressort de ce qui précède que, pour que soit applicable l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, il faut qu’il y ait passage d’une « ancienne catégorie » à une « nouvelle catégorie », à l’issue soit d’un concours qui conduit à l’établissement d’une « liste de candidats aptes à passer dans une autre catégorie », soit d’un concours interne de titularisation, ayant eu pour effet d’entraîner un tel passage de catégorie.

48      Le législateur s’est ainsi écarté, dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation en matière à la fois de dispositions transitoires et de critères de classement, de la règle générale en matière de classement de fonctionnaires nouvellement recrutés, énoncée à l’article 31, paragraphe 1, du statut, tel que complété par l’article 12, paragraphe 3, et l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe XIII dudit statut, concernant les lauréats inscrits sur une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés respectivement entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, et après le 1er mai 2006, en réservant le bénéfice du classement dans un grade autre que celui indiqué dans l’avis de concours aux agents recrutés en qualité de fonctionnaires stagiaires ayant déjà une expérience de l’institution et fait preuve, à l’issue des concours visés ci-dessus, de leur aptitude à occuper des postes dans une catégorie supérieure.

49      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater, d’une part, que le requérant, agent temporaire lauréat, avant le 1er mai 2006, du concours COM/A/3/02, ne relève d’aucune des deux catégories de candidats lauréats de concours visés à l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut.

50      D’autre part, initialement classé au grade A 6, lors de son engagement, le 16 janvier 2002, en tant qu’agent temporaire, le requérant a vu son grade renommé grade A*10, au 1er mai 2004, en application de l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Ainsi, tant à la date de son inscription sur la liste d’aptitude du concours COM/A/3/02, antérieure au 1er mai 2006, qu’à la date de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, le requérant était, en tant qu’agent temporaire, classé dans un grade de la catégorie A*.

51      Le recrutement du requérant, le 16 septembre 2005, en tant que fonctionnaire stagiaire n’a donc pas eu pour effet d’opérer un passage de catégorie.

52      L’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII, défendue par le requérant, selon laquelle cette disposition viserait tous types de concours, même les concours généraux, et sans qu’il y ait nécessairement « passage de catégorie » des lauréats, méconnaît la portée même de la disposition transitoire en cause, telle que circonscrite ci-dessus. En effet, comme indiqué au point 48 du présent arrêt, l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII s’écarte de la règle générale énoncée à l’article 31, paragraphe 1, du statut, selon laquelle un fonctionnaire nouvellement recruté est classé au grade indiqué dans l’avis de concours, étant entendu que pour trouver application aux concours organisés avant la mise en place de la nouvelle structure de carrière une telle règle doit être complétée par les règles de conversion contenues à l’article 12, paragraphe 3, et à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut. Or, il n’y a aucune raison de penser, en l’absence d’indication précise en ce sens, que le législateur ait voulu étendre le bénéfice du régime de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut aux lauréats d’un concours général, lequel s’adresse aux candidats extérieurs aux institutions de l’Union, ainsi qu’aux fonctionnaires et agents, lesquels peuvent également être admis à se présenter à un tel concours (voir, en ce sens arrêt de la Cour du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil, 176/73, Rec. p. 1361, point 8).

53      Ne saurait non plus être accueillie la thèse du requérant selon laquelle l’interprétation large de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut s’imposerait pour garantir l’égalité de traitement entre les agents temporaires lauréats d’un concours général ou interne. En effet, force est de constater que les agents temporaires d’un concours organisé en vue de pourvoir à des emplois de la catégorie à laquelle ils appartiennent déjà ne se trouvent pas dans la même situation que celle des lauréats d’un concours ayant pour objet ou pour effet de permettre le passage dans une catégorie supérieure et donc un avancement décisif dans leur carrière. La circonstance que le législateur ait veillé, en adoptant l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, à ce que ces agents temporaires puissent exceptionnellement être nommés, en qualité de fonctionnaires stagiaires, dans le grade qu’ils détenaient dans l’ancienne catégorie n’a pas pour résultat d’opérer une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, par rapport aux agents temporaires recrutés en tant que fonctionnaires, à l’issue d’un concours général, dans la catégorie à laquelle ils appartenaient (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, RecFP p. I‑A‑65 et II‑267, point 65).

54      De surcroît, la thèse du requérant serait de nature à rompre l’égalité de traitement entre les lauréats d’un même concours, lesquels, selon la jurisprudence, se trouvent dans une situation de fait et de droit comparable et doivent, en l’absence de raisons objectives justifiant une différenciation, pouvoir bénéficier du même traitement, notamment en matière de classement (voir, par exemple , arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T‑92/96, RecFP p. I‑A‑195 et II‑573, point 55). Il est vrai que, dans leurs arrêts Centeno Mediavilla, la Cour et le Tribunal de première instance ont admis que les lauréats d’un même concours général aient pu être traités différemment en matière de classement. Toutefois cette différence de traitement, qui, en l’occurrence, s’était opérée selon que le recrutement avait eu lieu avant ou après l’entrée en vigueur de la réforme du statut, pouvait objectivement se justifier par la nécessité de préserver la liberté du législateur de l’Union d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service, même si ces dispositions s’avèrent moins favorables aux fonctionnaires que les anciennes (arrêt de la Cour Centeno Mediavilla, point 79, et arrêt du Tribunal de première instance Centeno Mediavilla, point 86).

55      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen, tel que redéfini par le requérant lors de l’audience.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe du maintien des droits acquis

 Arguments des parties

56      Le requérant rappelle, de façon générale, que, selon le principe du maintien des droits acquis, une modification du statut ne peut méconnaître les droits que le personnel a acquis en vertu de celui-ci. Il soutient aussi qu’en vertu de ce principe la carrière des fonctionnaires doit pouvoir prospérer lorsqu’ils changent de catégorie. Il considère, dès lors, qu’une modification du statut ne pourrait le placer dans une situation moins favorable que celle dont il bénéficiait précédemment ou que celle qui aurait été la sienne, sous l’empire des anciennes dispositions, en cas de « passage de catégorie ».

57      La Commission fait valoir que, selon l’article 45 du statut, l’examen comparatif des mérites en vue d’une promotion doit être effectué parmi les fonctionnaires du même grade. Elle en déduit qu’en cas de nomination d’un agent temporaire en tant que fonctionnaire, les points que celui-ci avait accumulés doivent être omis. À défaut, la comparaison des mérites serait faussée.

 Appréciation du Tribunal

58      Force est de constater, à titre liminaire, que le requérant n’a pas identifié, dans ses conclusions à l’appui du recours, une quelconque décision lui retirant des points de mérite accumulés en sa qualité d’agent temporaire.

59      En tout état de cause, indépendamment de la recevabilité du moyen, il suffit d’observer, sur le fond, ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission, que, sous peine de fausser la comparaison des mérites, l’article 45 du statut s’oppose à ce qu’un agent temporaire emporte les points qu’il a accumulés dans son « sac à dos » et qu’il puisse ainsi les comptabiliser aux fins d’une promotion à un grade supérieur en tant que fonctionnaire, alors qu’il n’aurait pas encore fait preuve de ses mérites dans cette nouvelle qualité.

60      Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le second moyen tel que redéfini par le requérant lors de l’audience.

61      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans dans son ensemble.

 Sur les dépens

62      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de l’Union pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

64      Selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

65      Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Tagaras

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure  : le français.