Language of document : ECLI:EU:T:2004:192

Ordonnance du Tribunal

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)
28 juin 2004 (1)

« Taxation des dépens – Honoraires de solicitors et de barristers – Honoraires d'économistes – Frais de TVA »

Dans l'affaire T-342/99 DEP,

Airtours plc, représentée par M. M. Nicholson, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Lyal, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la Commission à Airtours plc à la suite de l'arrêt du Tribunal du 6 juin 2002, Airtours/Commission (T-342/99, Rec. p. II-2585),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),



composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas, J. D. Cooke, P. Mengozzi et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges,

greffier : M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Faits, procédure et conclusions des parties

1
Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 2 décembre 1999, Airtours plc (aujourd’hui dénommée My Travel Group plc) a introduit un recours en annulation contre la décision de la Commission du 22 septembre 1999 déclarant une concentration incompatible avec le marché commun et avec l’accord sur l’Espace économique européen (affaire IV/M.1524 – Airtours/First Choice, ci-après la « Décision ») publiée sous le numéro 2000/276/CE (JO 2000, L 93, p. 1).

2
Par arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission (T-342/99, Rec. p. II-2585, ci‑après l’« arrêt Airtours »), le Tribunal a annulé la Décision et a condamné la Commission aux dépens.

3
Par lettre du 10 septembre 2002, la requérante a demandé à la Commission le remboursement de la somme de 1 464 441,55 livres sterling (GBP) au titre des honoraires versés à ses conseils et des frais autres que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à laquelle s’ajoute la somme de 253 543,47 GBP au titre de la TVA, soit un montant total de 1 717 985,02 GBP.

4
Par lettre du 14 octobre 2002, la Commission a rejeté cette demande au motif qu’elle n’était pas justifiée et fait une contre-proposition pour les dépens exposés par Airtours qui s’élevait à 130 000 GBP.

5
Par lettre du 30 janvier 2003, la requérante a exposé à la Commission les raisons pour lesquelles les sommes demandées lui apparaissaient justifiées et a rejeté la proposition de paiement d’une somme de 130 000 GBP.

6
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2003, la requérante a formé une demande de taxation des dépens dans laquelle elle a invité le Tribunal à fixer, en application de l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal, le montant total des dépens récupérables à 1 464 441,55 GBP, au titre des honoraires et des frais autres que la TVA, plus 253 543,47 GBP au titre de la TVA, soit un montant total de 1 717 985,02 GBP.

7
Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2003, la Commission a déposé ses observations et invite le Tribunal à fixer le total des dépens récupérables, y compris les frais afférents à la présente instance, à 170 000 GBP.


En droit

8
La requérante invoque, en substance, deux séries d’arguments à l’appui de sa demande de taxation des dépens. En premier lieu, elle fait valoir que, par analogie avec le droit anglais de la procédure, elle a droit à une fixation généreuse des dépens dans la présente affaire. En second lieu, elle soutient que le montant demandé satisfait aux critères posés par la jurisprudence en matière de dépens récupérables et couvre des dépens qui devaient nécessairement être encourus dans la présente affaire.

A – Sur le droit à une fixation généreuse des dépens

Arguments des parties

9
La requérante fait valoir qu’elle a droit à une fixation généreuse de ses dépens. Elle estime que l’évaluation du montant des dépens récupérables doit prendre en considération la sévérité des critiques du Tribunal à l’encontre de la Décision (arrêt Airtours, point 294). Elle souligne également que l’évaluation de ce montant doit tenir compte de la nécessité d’avoir un contrôle juridictionnel efficace, notamment dans le cadre du contrôle des concentrations, et évoque sur ce point le communiqué de presse de la Commission à la suite du prononcé de l’arrêt Airtours, plusieurs articles parus dans la presse ainsi que le rapport publié le 23 juillet 2002 par le Comité sur l’Union européenne de la Chambre des Lords britannique.

10
La requérante soutient que, par analogie avec le droit anglais de la procédure, elle est en droit d’être remboursée sur une base indemnitaire. Tous les dépens occasionnés par le recours devraient donc lui être remboursés, à moins qu’ils soient d’un montant déraisonnable ou qu’ils aient été déraisonnablement encourus. En effet, s’il en était autrement, cela contribuerait à dissuader le justiciable d’introduire un recours ou l’inciterait à ne pas engager trop de frais, de sorte que le Tribunal ne pourrait disposer de tous les éléments factuels, économiques et juridiques à même de lui permettre d’exercer son contrôle de manière satisfaisante.

11
La Commission relève que la jurisprudence ne prévoit pas la possibilité d’une majoration des dépens à titre de sanction de la partie qui succombe.

Appréciation du Tribunal

12
Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure :

« S’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations. »

13
Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (ordonnances du Tribunal du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, Rec. p. II-217, point 28, et du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T-226/00 DEP et T-227/00 DEP, Rec. p. II‑685, point 33).

14
En application de ces principes, le montant des dépens récupérables ne peut dépasser le montant des frais indispensables qui ont été exposés par la requérante aux fins de la procédure devant le Tribunal. La requérante ne peut donc se prévaloir du contenu de l’arrêt Airtours, des prises de position de la Commission ou de la Chambre des Lords britannique à la suite de cet arrêt, ou, plus généralement, de la nécessité d’avoir un contrôle juridictionnel efficace, pour obtenir plus que ce à quoi elle a droit au titre de l’article 91, sous b), du règlement de procédure.

15
En outre, il y a lieu de relever que les règles applicables à la fixation du montant des dépens récupérables sont définies dans le règlement de procédure et ne sauraient être déduites, par analogie, du droit anglais de la procédure invoqué par la requérante.

16
C’est donc en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

B – Sur l’évaluation du montant des dépens récupérables

17
Il est de jurisprudence constante que le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnances du Tribunal du 8 novembre 1996, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T‑120/89 DEP, Rec. p. II-1547, point 27, et du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T-80/97 DEP, Rec. p. II-1, point 26).

18
Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour du 26 novembre 1985, Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 318/82 DEP, Rec. p. 3727, point 3, et ordonnance Starway/Conseil, précitée, point 27).

1. Sur l’objet et la nature du litige, son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que les difficultés de la cause

Arguments des parties

19
La requérante fait valoir que l’objet et la nature du litige soulevaient, en l’espèce, des questions économiques et juridiques nouvelles et complexes, qu’illustre la longueur de la Décision, de la requête et de l’arrêt. Elle souligne, également, que l’arrêt Airtours a profondément influencé la matière du contrôle des concentrations, tant du point de vue de la définition de la notion de position dominante collective que du point de vue de l’efficacité du contrôle juridictionnel, ainsi que cela ressort des nombreux articles de presse et de doctrine qui ont suivi cet arrêt. En particulier, la requérante fait observer que le Tribunal ne s’est pas contenté de reprendre mécaniquement le test défini dans l’arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission (T-102/96, Rec. p. II‑753), mais a profité des données de l’espèce pour développer et préciser le test applicable à des situations de position dominante collective, s’agissant notamment de la question de savoir si la Commission peut interdire une opération de concentration lorsque le marché en cause est oligopolistique et non collusif.

20
La Commission reconnaît que le litige soulevait de nombreuses questions de fait et de droit. Néanmoins, elle ne considère pas que l’affaire a eu une influence déterminante sur l’évolution du droit communautaire. Quant à la définition de la position dominante collective, la Commission soutient que les principaux éléments de cette notion avaient déjà été examinés dans l’arrêt Gencor/Commission, précité, et qu’ils ont été amplement explicités dans les ouvrages juridiques de base. La requérante ne pourrait ainsi prétendre avoir remis la Commission « sur le droit chemin » de cette jurisprudence après qu’elle eut tenté d’appliquer de nouveaux critères dans la Décision, puisque cette prétention repose sur une interprétation erronée et tendancieuse de la Décision. La Commission reconnaît, toutefois, qu’il y a eu un désaccord sur la nature du mécanisme de rétorsion, question relativement mineure. Quant à l’efficacité du contrôle juridictionnel, la Commission ne comprend pas dans quelle mesure la présente affaire revêt une importance particulière, dès lors que l’examen détaillé auquel a procédé le Tribunal correspond à celui qu’il effectue dans le cadre de n’importe quel recours. En outre, la Commission fait valoir que, même si l’examen d’une telle affaire exige un travail considérable, le montant des dépens demandé par la requérante s’avère en tout état de cause particulièrement excessif.

Appréciation du Tribunal

21
Il y a lieu, tout d’abord, de relever que le recours concernait l’application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1, tel que rectifié, JO 1990, L 257, p. 13), et plus particulièrement une décision de la Commission, adoptée à l’issue d’une procédure d’examen approfondie, déclarant le projet d’acquisition notifié par la requérante incompatible avec le marché commun. De plus, en dehors des difficultés inhérentes à la matière du contrôle des concentrations, qui nécessite une analyse prospective du marché de référence, la Décision présentait la particularité d’interdire la réalisation de l’opération envisagée au motif qu’elle allait créer une position dominante collective, ce qui suppose un examen approfondi des effets de cette opération sur la concurrence.

22
Ensuite, il convient de souligner que, même si la notion de position dominante collective dans le cadre du règlement n° 4064/89 avait déjà fait l’objet de deux arrêts de la Cour et du Tribunal (arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, dit « Kali & Salz », C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, et arrêt Gencor/Commission, précité), elle n’en reste pas moins délicate à définir et à mettre en œuvre.

23
Ainsi, la présente affaire a soulevé des points nouveaux relatifs à la définition et à la caractérisation d’une position dominante collective, qui n’est pas définie dans la réglementation applicable, à l’existence d’une coordination tacite entre les membres d’un oligopole dominant, à la nécessité d’identifier des facteurs de dissuasion pour assurer la cohésion interne d’un tel oligopole et – plus généralement – au degré de preuve requis de la part de la Commission quand elle entend interdire la réalisation d’une opération de concentration au motif qu’elle aboutirait à la création d’une position dominante collective qui aurait comme effet d’entraver la concurrence de manière significative dans le marché commun. À cet égard, il y a lieu de relever que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Gencor, précité, qui concernait la création d’un duopole relatif au platine, une matière première négociable dans le monde entier, la présente affaire concernait la création d’un oligopole, concrétisée par la disparition d’un des quatre grands voyagistes britanniques, sur un marché de services saisonniers. La notion de position dominante collective était donc plus délicate à mettre en œuvre dans le cadre de la présente affaire.

24
En conséquence, l’affaire en cause était importante au regard du droit communautaire de la concurrence et soulevait de nombreuses et complexes questions économiques et juridiques, lesquelles ont dû être examinées par les conseils de la requérante dans le cadre du recours en annulation.

2. Sur les intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties

Arguments des parties

25
La requérante souligne que l’acquisition de First Choice par Airtours a été évaluée à environ 850 millions de GBP, ce qui représente un intérêt économique considérable, et qu’une telle opération n’a pas pu être réalisée du fait de la Décision. La requérante relève également qu’elle a été privée d’une opportunité de croître et de réaliser des économies et des synergies du fait de la fusion projetée. En outre, elle n’a pas pu participer à la consolidation de l’industrie du tourisme qui serait intervenue par la suite.

26
La Commission reconnaît que la requérante a souffert de la perte d’une chance. Elle relève, toutefois, que son intérêt financier est difficile à évaluer en raison du fait qu’il était peu probable qu’Airtours eût été en mesure d’acquérir First Choice à la suite de l’arrêt du Tribunal. L’intérêt financier de la requérante résiderait surtout dans la définition de sa position en vue d’opérations futures. Or, sur ce point, la Décision n’aurait pas eu pour effet d’exclure Airtours de la consolidation ultérieure du marché, dès lors que cette consolidation (affaires COMP/M.2002−Preussag/Thomson et COMP/M.2228−C&N/Thomas Cook) a pris la forme de fusions transfrontalières et que rien n’empêchait la requérante d’effectuer de telles opérations.

Appréciation du Tribunal

27
Il convient de constater que la Décision a empêché l’acquisition d’une entreprise évaluée à environ 850 millions de GBP. En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier l’évolution du marché en cause à la suite de la Décision, il y a lieu de considérer que la présente affaire représentait un intérêt économique important pour la requérante.

3. Sur l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux conseils de la requérante

a)     Considérations générales

28
À titre liminaire, le Tribunal relève qu’il résulte des considérations qui précèdent que le litige a pu effectivement demander aux conseils de la requérante un travail important.

29
Cependant, il importe de constater que les conseils de la requérante disposaient déjà d’une connaissance étendue de l’affaire pour avoir représenté Airtours lors de la procédure administrative d’enquête approfondie. La requérante avait ainsi déjà avancé, lors de cette procédure administrative, certains des arguments présentés devant le Tribunal, s’agissant notamment de la définition du marché et de la coordination tacite entre les membres de l’oligopole dominant. Cette considération est de nature à avoir, en partie, facilité le travail et réduit le temps consacré à la préparation de la requête (ordonnances du Tribunal du 8 novembre 2001, Kish Glass/Commission, T-65/96 DEP, Rec. p. II‑3261, point 25, et Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, précitée, point 43).

30
En outre, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (ordonnances du Tribunal du 30 octobre 1998, Kaysersberg/Commission, T-290/94 DEP, Rec. p. II-4105, point 20 ; du 15 mars 2000, Enso-Gutzeit/Commission, T-337/94 DEP, Rec. p. II‑479, point 20, et Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, précitée, point 44). À cet égard, la possibilité pour le juge communautaire d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (ordonnance de la Cour du 9 novembre 1995, Ahlström e.a./Commission, C-89/85 DEP, non publiée au Recueil, point 20, et ordonnance Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, précitée, point 31).

31
C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’apprécier le montant des différentes catégories de dépens dont le remboursement est demandé à la Commission.

32
La requérante précise, sur ce point, que la somme totale de 1 464 441,55 GBP hors taxe (1 717 985,02 GBP avec la TVA), dont elle demande le remboursement, se décompose de la manière suivante :

    GBP

Conseils juridiques spécialisés

(MM. J. Swift, QC, et R. Anderson, barrister)

HonorairesTVA

279 375,00 48 890,62

Conseils juridiques (solicitors)

HonorairesFrais (excepté TVA)

TVA

850 000,00 19 509,68 152 163,33

Conseil économique (Lexecon)

HonorairesTVA

281 051,52 49 184,02

Experts économiques (K. Binmore et D. Neven)

HonorairesTVA

33 885,35  3 305,50

Conseil pour signification au Luxembourg

Honoraires et frais

620,00

Total

1 464 441,55 (hors TVA) 1 717  985,02 (avec TVA)

b)     Conseils juridiques (barristers et solicitors)

Arguments des parties

33
Au titre des dépens récupérables concernant les frais de conseils juridiques, la requérante demande d’abord le remboursement de 279 375 GBP au titre des honoraires facturés par deux barristers spécialisés en droit de la concurrence (soit 150 500 GBP pour M. J. Swift, QC, et 128 875 GBP pour M. R. Anderson), qui sont intervenus tout au long de la procédure devant le Tribunal. Sur ce point, elle souligne que, comme devant les juridictions anglaises, le recours aux services de deux barristers pour compléter le travail des solicitors est justifié par l’importance et la complexité de l’affaire.

34
La requérante demande, également, le remboursement de 850 000 GBP au titre des honoraires facturés par le cabinet de solicitors Slaughter & May. À ce titre, elle relève que l’équipe en charge de la procédure comprenait un solicitor associé (qui aurait travaillé 413 heures et 45 minutes), assisté tout au long de la procédure par un solicitor senior (qui aurait travaillé 315 heures et 25 minutes) et par un autre solicitor (307 heures étant assurées au début de la procédure par un premier solicitor, lequel a été remplacé par un autre solicitor, qui aurait travaillé 204 heures et 45 minutes à la fin de la procédure). Cette équipe aurait également fait intervenir plusieurs stagiaires aux divers stades de la procédure. Ainsi, deux stagiaires auraient travaillé 115 heures et 100 heures et 15 minutes respectivement au stade de la requête, un autre stagiaire aurait travaillé 193 heures et 20 minutes au stade de la réplique, et treize stagiaires seraient intervenus pour des périodes allant de 15 minutes à 35 heures (soit 110 heures et 30 minutes au total), ce qui s’expliquerait par le fait qu’ils changeaient d’affectation tous les trois mois et que la procédure judiciaire a duré près de trois ans. La requérante fait ainsi valoir que le cabinet de solicitors a consacré 1 760 heures à l’affaire et que le cœur de l’équipe responsable du dossier est resté au niveau minimal permettant d’assurer le service dû au client.

35
La requérante précise que, sur les 1 760 heures de travail facturées par les 19 personnes du cabinet de solicitors qui se sont succédé de la préparation du recours à compter de la fin du mois de septembre 1999 à l’audience du 11 octobre 2001, environ 500 heures ont été consacrées à la préparation de l’analyse de la Décision et à la préparation de la requête (d’octobre à décembre 1999), environ 500 heures à l’analyse de la défense et à la préparation de la réplique (de mars à avril 2000), quelques heures ont été consacrées à l’analyse de la duplique (juin 2000), environ 100 heures à la préparation des réponses aux mesures d’organisation de la procédure (de juillet à août 2001) et environ 500 heures à la lecture du rapport d’audience et à la préparation de l’audience, à laquelle cinq personnes ont assisté afin de représenter Airtours (de septembre à octobre 2001).

36
La Commission conteste tant le nombre d’avocats (barristers et solicitors) impliqués que le montant des honoraires et le nombre d’heures de travail facturés.

37
S’agissant du nombre d’avocats, elle estime que seuls les honoraires de deux avocats, voire trois au maximum, peuvent être considérés comme récupérables. Ainsi, la Commission souligne que l’emploi de 19 personnes par Slaughter & May résulte d’un gaspillage d’efforts. Si la Commission reconnaît que seules six de ces 19 personnes ont consacré beaucoup de temps au dossier, elle estime en tout état de cause qu’une telle équipe est plus grande que nécessaire. De plus, deux barristers auraient complété cette équipe, ce qui serait excessif et nullement indispensable. En effet, cette équipe de huit personnes comprenait trois avocats chevronnés, alors qu’un seul, appuyé par une petite équipe compétente, aurait largement suffi. En comparaison, au sein de la Commission, le dossier aurait été préparé et présenté par un seul membre de son service juridique, avec l’appui de deux économistes de la direction générale de la concurrence qui avaient participé à la procédure administrative.

38
S’agissant du nombre d’heures consacrées au dossier, la Commission conteste qu’il ait été nécessaire ou raisonnable d’y consacrer plus de 1 760 heures (et même bien plus de 2 000 heures si l’on tient compte du travail des deux barristers), compte tenu notamment du fait que ces avocats représentaient déjà la requérante dans la procédure administrative et qu’ils avaient donc une bonne connaissance des faits de l’espèce et des questions économiques. De plus, la répartition du temps consacré aux différentes étapes de la procédure contentieuse indiquerait un gaspillage de ce temps. Il serait ainsi difficile de comprendre comment il a pu être nécessaire de consacrer 500 heures (environ trois mois de travail) à l’analyse de la Décision et à la préparation du recours en annulation ou qu’il ait été possible de passer le même nombre d’heures à analyser et à répondre au mémoire en défense de la Commission à un moment où le dossier ne pouvait plus contenir d’éléments nouveaux. 700 heures apparaîtraient plus raisonnables que les 1 760 heures facturées.

39
S’agissant du montant des honoraires facturés, la Commission estime qu’il est exorbitant. La facture de 850 000 GBP pour 1 760 heures de travail implique un taux horaire de près de 500 GBP, et ce pour toutes les catégories de juristes impliquées (associé, collaborateur senior, collaborateur et stagiaire). Or, à l’époque, il serait rare de verser des honoraires de plus de 350 GBP, sauf aux avocats les plus chevronnés des cabinets les plus en vue. À Bruxelles, les tarifs des avocats spécialisés en droit communautaire seraient généralement inférieurs. En principe, les taux horaires des collaborateurs (assistant solicitors) ne dépasseraient pas, en fonction de leur expérience, 200 GBP, tandis que ceux des stagiaires devraient avoisiner les 50 à 80 GBP. Compte tenu de la répartition normale des tâches entre le personnel plus ou moins expérimenté et du fait que les avocats chevronnés sont rémunérés davantage, un taux horaire moyen raisonnable pour une équipe devrait être largement inférieur à 200 GBP.

Appréciation du Tribunal

40
Dans la présente affaire, la requérante a choisi de se faire représenter à la fois par des barristers (« counsel ») et par des solicitors. Elle demande donc le remboursement de 1 129 375 GBP au titre des dépens récupérables concernant les frais de ses conseils juridiques, soit 279 375 GBP pour les honoraires des barristers et 850 000 GBP pour les honoraires des solicitors.

41
Il incombe, par conséquent, au Tribunal de déterminer si, et dans quelle mesure, ces honoraires constituent des frais qui étaient indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal au sens de l'article 91, sous b), du règlement de procédure.

42
À cet égard, il convient de relever que dans plusieurs juridictions de common law dont celle d'Angleterre et du pays de Galles, la profession d'avocat se caractérise par le fait qu'elle est divisée en deux branches, les solicitors, d'une part, et les barristers, d'autre part, entre lesquelles il existait jusqu'à récemment une répartition des fonctions, qui étaient complémentaires mais distinctes. Le solicitor agissait en tant que conseiller de son client dans de multiples domaines du droit ; il n'avait pas le droit de plaider devant les juridictions supérieures mais, lorsque c'était nécessaire, avait recours aux services du barrister à cette fin. Le barrister était spécialisé dans la défense orale de l'affaire et ne pouvait être engagé directement par les clients.

43
S'agissant des litiges devant les juridictions communautaires, les règles professionnelles pertinentes ont été modifiées, de sorte qu'aujourd'hui il n'existe pas d'obstacle légal ou déontologique à ce qu'une partie puisse se faire représenter exclusivement soit par un solicitor soit par un barrister d'Angleterre et du pays de Galles aux fins tant de la procédure écrite que de la procédure orale. Il ne s'ensuit toutefois pas que, lorsqu'un client décide de se faire représenter à la fois par un solicitor et par un barrister, les honoraires dus à l'un et à l'autre ne doivent pas être considérés comme des frais indispensables aux fins de la procédure au sens de l'article 91, sous b), du règlement de procédure.

44
Pour procéder à la taxation des dépens dans ces circonstances, il incombe au Tribunal d'examiner la mesure dans laquelle les prestations effectuées par l'ensemble des conseils concernés étaient nécessaires pour le déroulement de la procédure judiciaire et de s'assurer que l'engagement des deux catégories de conseils n'a pas entraîné une duplication inutile des frais. Lorsque, comme en l'espèce, la partie requérante entend, par son recours, obtenir l'annulation d'une décision de la Commission adoptée à l'issue d'une procédure administrative au cours de laquelle elle était représentée par la même équipe de conseils juridiques, les frais indispensables exposés devant le Tribunal consistent pour l'essentiel en ceux afférant à la préparation et à la rédaction des mémoires et des réponses aux mesures d'organisation ou d'instruction ordonnées par le Tribunal et à la participation à l'audience.

45
Il s'ensuit que, par exemple, lorsqu'un client décide, sur le conseil de son solicitor, d'avoir recours aux services d'un barrister afin que celui-ci le conseille sur l'introduction d'un éventuel recours en annulation et que ce barrister est mandaté pour rédiger les écritures et représenter le client lors de la procédure orale, les coûts indispensables du solicitor se limitent aux frais afférant au fait de mandater le barrister, à l'exécution des actes conseillés par celui-ci, au fait de mettre en forme et de déposer les mémoires et à la participation à l'audience.

46
En l’espèce, il ressort premièrement du dossier que, si les différentes notes d’honoraires des deux barristers ne permettent pas d’identifier le nombre d’heures qu’ils ont consacré à l’affaire, ces documents fournissent toutefois une brève description des prestations effectuées pour le compte de la requérante. Ainsi, les notes d’honoraires de M. R. Anderson évoquent la préparation d’une note sur la procédure devant le Tribunal, la lecture de documents à différents stades de la procédure (« perusing papers »), le temps passé à intervenir dans le cadre de conférences avec les solicitors (« advising in conference ») ou avec M. J. Swift, la rédaction et la correction de la requête, la rédaction de la réplique, les recherches et la préparation des réponses aux mesures d’organisation de la procédure, la préparation de l’audience, ainsi que les frais de voyage et de séjour au Luxembourg. De même, les notes d’honoraires de M. J. Swift font état de plusieurs interventions sur le contenu des mémoires (« settling application » ou « reading and considering rejoinder »), du temps passé à discuter avec les solicitors ou avec M. R. Anderson, s’agissant en particulier des réponses aux mesures d’organisation de la procédure, de la préparation de l’audience, ainsi que des frais de voyage et de séjour au Luxembourg. Le Tribunal constate donc que le travail des barristers a concerné toutes les étapes de la procédure contentieuse.

47
Deuxièmement, il convient de relever que, en sus des deux barristers précités, l’affaire en cause faisait également intervenir deux solicitors confirmés disposant d’une certaine expérience en matière de droit de la concurrence, lesquels étaient assistés en permanence par un solicitor (un solicitor au début de la procédure, puis un autre à sa fin) et par plus d’une douzaine de stagiaires.

48
De plus, la comparaison entre le nombre d’heures consacrées par le cabinet de solicitors aux différentes étapes de la procédure contentieuse et les notes d’honoraires des barristers permet de constater que le travail du cabinet de solicitors recoupait largement le travail effectué par les barristers. À titre d’exemple, la requérante indique que le cabinet de solicitors a consacré 500 heures à la préparation de la requête, ce qui représente 62 jours de travail sur la base de 8 heures facturées par jour. Or, les notes d’honoraires de M. R. Anderson indiquent que, après avoir lu différents documents entre le 9 et le 12 novembre 1999, celui-ci a travaillé à la rédaction ou à la correction de la requête entre le 15 novembre et le 1er décembre 1999. Les notes d’honoraires de M. J. Swift indiquent également que celui-ci a travaillé le 29 et le 30 novembre 1999 à la lecture de la requête. Les barristers ont également travaillé, selon les mêmes modalités, à la préparation et à la rédaction de la réplique, alors même que la requérante indique que le cabinet de solicitors a consacré 500 heures à la préparation de ce mémoire.

49
Ainsi, l’utilisation combinée de deux barristers et de deux solicitors confirmés fait largement double emploi, leur travail ayant eu pour partie le même objet.

50
Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, tout comme les barristers, le cabinet de solicitors représentait la requérante dans le cadre de la procédure administrative d’enquête approfondie. De plus, les mémoires de la Commission se limitaient à réfuter les arguments de la requérante sans introduire de nouveaux développements susceptibles de modifier l’analyse présentée dans la requête et la réplique, ce qui était de nature à faciliter le travail des barristers et des solicitors dans le cadre de la procédure contentieuse.

51
Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que le nombre d’heures de travail consacrées au dossier selon la requérante est excessif et qu’il ne saurait, dans sa totalité, constituer des « frais indispensables » au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure.

52
En outre, il y a lieu de souligner que les informations communiquées par la requérante en ce qui concerne les honoraires du cabinet de solicitors ne précisent pas le taux horaire facturé par les différentes catégories de personnes intervenues sur le dossier, à savoir un solicitor associé, un solicitor senior, deux solicitors et plusieurs stagiaires. En l’absence d’une telle information, il convient de constater qu’en divisant la somme demandée (850 000 GBP) par le nombre d’heures facturées (1 760 heures) le taux horaire moyen de ces différentes catégories de personnes est d’environ 483 GBP. Or, si un taux horaire d’un tel montant peut le cas échéant être éventuellement envisagé pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, il ne saurait incontestablement s’appliquer à toutes les catégories de personnes impliquées dans ce dossier, tels le solicitor senior, les solicitors et les stagiaires qui ont ensemble effectué 1 346 des 1 760 heures facturées par le cabinet de solicitors, soit plus de 75 % du travail.

53
Dès lors, il sera fait une juste appréciation des honoraires des conseils juridiques récupérables auprès de la Commission en fixant leur montant à 420 000 GBP, soit 95 000 GBP, en ce qui concerne M. Swift, 75 000 GBP, en ce qui concerne M. Anderson, et 250 000 GBP, en ce qui concerne le cabinet de solicitors.

c)     Conseils et experts économiques

54
La requérante soutient que l’implication d’économistes était nécessaire dans la présente affaire.

55
À cet égard, le Tribunal relève que, compte tenu de la nature essentiellement économique des appréciations effectuées par la Commission dans le cadre du contrôle des opérations de concentration, l’intervention de conseils ou d’experts économiques spécialisés dans ce domaine en complément du travail des conseils juridiques peut parfois s’avérer indispensable et entraîner ainsi des dépens susceptibles d’être récupérés en application de l’article 91, sous b), du règlement de procédure (voir, dans un autre domaine économique, ordonnances du Tribunal du 8 juillet 1998, Branco/Commission, T-85/94 DEP et T‑85/94 OP-DEP, Rec. p. II-2667, point 27, et du 17 septembre 1998, Branco/Commission, T‑271/94 DEP, Rec. p. II-3761, point 21).

56
Pour autant, il convient de constater que le nombre d’économistes impliqués dans la procédure contentieuse est considérable. En effet, l’affaire en cause a fait intervenir une équipe de trois consultants économiques, assistés de plusieurs chercheurs, et deux experts supplémentaires. La requérante n’explique d’ailleurs pas en quoi la présente affaire pouvait nécessiter l’intervention de cinq économistes.

i) Honoraires de Lexecon

–     Arguments des parties

57
S’agissant du remboursement de la somme de 281 051,52 GBP au titre des honoraires facturés par Lexecon, la requérante relève que ce cabinet est intervenu au stade de la préparation de la requête, de la réplique et des réponses aux mesures d’organisation de la procédure, et que l’importance de sa contribution ressort de l’arrêt Airtours, notamment pour ce qui est des arguments relatifs à la définition de la position dominante collective et à la nécessité de caractériser un mécanisme de dissuasion. En réponse à l’argument de la Commission, selon lequel il ne serait pas possible de comprendre pourquoi Lexecon a consacré 1 501 heures à l’examen du dossier, alors qu’il intervenait déjà dans le cadre de la procédure administrative, la requérante indique que la participation de Lexecon à cette procédure permet de s’assurer qu’il n’y a pas eu de temps de lecture non nécessaire.

58
La Commission fait observer que la somme demandée pour le cabinet Lexecon, qui avait déjà conseillé la requérante au cours de la procédure administrative, est considérable. Selon la Commission, une nouvelle analyse n’était pas nécessaire, puisqu’il n’y avait aucune différence entre les questions économiques soulevées dans le cadre de la procédure administrative et devant le Tribunal. La Commission note également que la requérante n’a pas été en mesure de montrer en quoi Lexecon a contribué réellement à l’examen du dossier.

モ Appréciation du Tribunal

59
Il y a lieu de constater que la somme de 281 051,52 GBP demandée recouvre 1 501 heures de travail effectuées par une équipe composée de trois personnes assistée de plusieurs chercheurs. À cet égard, les seules informations communiquées par la requérante tiennent, d’une part, au détail du travail exercé par les membres de l’équipe en charge du dossier, à savoir MM. B. Bishop (18 heures à 360 GBP l’heure) et A. Overd (643 heures à 220 GBP l’heure), Mme D. Jackson (709 heures à 180 GBP l’heure), et des « Research Economists/Associates » (131 heures à 120 GBP l’heure), et, d’autre part, à l’indication suivant laquelle ce travail concernait des « services professionnels » effectués entre novembre 1999 et octobre 2001 sans plus de précision.

60
Or, si la nature du litige pouvait justifier la présence d’un conseil économique à tous les stades de la procédure devant le Tribunal, le nombre d’heures de travail facturées apparaît excessif, en raison de la participation de Lexecon à la procédure administrative et de l’absence de précision des notes d’honoraires transmises par la requérante.

61
En conséquence, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables en fixant leur montant en ce qui concerne Lexecon à 30 000 GBP.

ii) Honoraires des professeurs K. Binmore et D. Neven

–     Arguments des parties

62
S’agissant du remboursement de la somme de 18 900 GBP au titre des honoraires de M. le professeur Binmore, la requérante fait observer que les travaux de celui-ci concernaient notamment la préparation d’un rapport annexé à la requête et mentionné dans le rapport d’audience. Les coûts occasionnés par ces travaux seraient donc justifiés.

63
De même, s’agissant du remboursement de la somme de 14 985,35 GBP au titre des honoraires de M. le professeur Neven, la requérante note que les travaux de celui-ci concernaient notamment la préparation d’un rapport annexé à la requête et mentionné dans le rapport d’audience. De plus, le Tribunal se serait appuyé à plusieurs reprises sur un autre rapport économique du même auteur préparé dans le cadre de la procédure administrative. Les coûts occasionnés par ces travaux d’expertise seraient donc justifiés.

64
La Commission estime que les contributions de MM. les professeurs Binmore et Neven n’étaient pas nécessaires. La mention de leur rapport dans le rapport d’audience serait normale, puisque tel est le but de ce type de document. En outre, la requérante justifierait l’importance de l’intervention du professeur Neven en se référant aux observations qu’il a présentées dans le cadre de la procédure administrative et non dans celui de la procédure judiciaire.

–     Appréciation du Tribunal

65
Il y a lieu de relever, tout d’abord, que la somme de 18 900 GBP demandée en remboursement des dépens relatifs aux honoraires facturés par M. le professeur Binmore se compose, d’une part, de la somme de 16 400 GBP, au titre de sa contribution à la préparation de la documentation afférente à la requête, et, d’autre part, de la somme de 2 500 GBP, au titre de la préparation d’un rapport intitulé « The Failure of the Commission to Understand the Economics of Tacit Collusion », annexé à la réplique.

66
Or, les notes d’honoraires transmises par la requérante ne fournissent aucune information permettant de comprendre en quoi a consisté la contribution de M. le professeur Binmore à la préparation des annexes à la requête. Les différentes analyses économiques communiquées en annexe de la requête étaient constituées d’extraits de différents manuels ou revues. À cet égard, le Tribunal estime que, si ces analyses lui ont permis de bénéficier d’un aperçu économique général relatif à certains aspects de l’affaire en cause, il ne saurait être considéré comme indispensable de dépenser 16 400 GBP à la réunion de tels documents.

67
S’agissant du rapport intitulé « The Failure of the Commission to Understand the Economics of Tacit Collusion », préparé par M. le professeur Binmore et annexé à la réplique, le Tribunal relève que ce rapport examinait la question des concepts économiques relatifs à la collusion implicite et peut donc être considéré comme indispensable dans le cadre de la présente affaire.

68
En conséquence, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables en ce qui concerne M. le professeur Binmore en fixant leur montant à 4 500 GBP (soit 2 000 GBP pour la préparation de la documentation afférente à la requête et 2 500 GBP pour le rapport).

69
Le Tribunal relève, ensuite, que la somme de 14 985,35 GBP demandée en remboursement des dépens relatifs aux honoraires facturés par M. le professeur Neven recouvre, premièrement, la somme de 5 583,17 GBP, au titre de la préparation d’un rapport intitulé « Case No IV/M.1524 Airtours/First Choice : an Economic Analysis of the Commission Decision », qui était annexé à la requête, deuxièmement, la somme de 3 479,40 GBP, au titre de la contribution de M. le professeur Neven à la préparation de la réplique et de la préparation d’un rapport intitulé « Airtours vs. Commission of the European Communities – Case T‑342/99 : Collective Dominance in the Commission’s Statement of Defence, A Comment », qui était annexé à la réplique, et, troisièmement, la somme de 5 922,78 GBP, au titre de la préparation et de la participation à l’audience.

70
À cet égard, le Tribunal observe que les contributions que M. le professeur Neven a présentées dans le cadre de la procédure judiciaire ont été nécessaires pour permettre au Tribunal de disposer d’un rapport économique précis, détaillé et argumenté relatif à plusieurs aspects de la présente affaire s’agissant tant de la Décision que du contenu de la défense.

71
En conséquence, les dépens relatifs aux honoraires payés à M. le professeur D. Neven ayant été objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, il doit donc être procédé au remboursement de la somme de 14 985,35 GBP encourus à ce titre.

72
En conclusion, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables en fixant leur montant au titre des conseils et experts économiques de la requérante à 49 485,35 GBP (soit 30 000 GBP, au titre de la contribution de Lexecon, 4 500 GBP, au titre de la contribution de M. le professeur Binmore, et 14 985,35 GBP, au titre de la contribution de M. le professeur Neven).

d)     Frais de domiciliation au Luxembourg

73
La requérante demande le remboursement de 620 GBP au titre des frais de domiciliation au Luxembourg, lesquels constituent des frais indispensables. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ce point.

74
Les frais de domiciliation au Luxembourg étant nécessairement encourus à l’époque où le recours a été déposé et leur montant n’étant pas contesté par la Commission, il convient donc d’en accorder le remboursement.

e)     Frais autres que la TVA

75
La requérante demande le remboursement de 19 509,68 GBP au titre des dépens liés à des frais autres que la TVA, au motif que ces frais sont relatifs aux frais raisonnables de photocopie, de déplacement et d’hébergement (y compris ceux relatifs à plus d’un avocat et aux conseils économiques) et doivent être considérés comme des frais nécessairement encourus. La Commission n’a pas présenté d’observations sur ce point.

76
Ces frais n’étant pas contestés par la Commission, il convient de les admettre en tant que dépens récupérables et d’en ordonner le remboursement.

f)     TVA

77
La requérante demande le remboursement de 253 543,47 GBP au titre des dépens liés à la TVA sur les dépens récupérables, laquelle serait également récupérable (ordonnance Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, précitée, point 4).

78
La Commission conteste cette analyse et évoque à cet égard le point 20 de l’ordonnance de la Cour du 16 décembre 1999, Hüls/Commission (C-137/92 P-DEP, non publiée au Recueil).

79
Le Tribunal relève que, la requérante étant assujettie à la TVA, elle a le droit de récupérer auprès des autorités fiscales la TVA payée sur les biens et les services qu’elle achète. La TVA ne représente donc pas pour elle une dépense et partant elle ne peut pas demander le remboursement de la TVA payée sur les dépens récupérables auprès de la Commission en application de l’article 91, point b), du règlement de procédure. En effet, la TVA acquittée sur les honoraires et frais d’avocat ne saurait faire l’objet d’un remboursement, dès lors qu’il n’est pas contesté que la requérante a pu déduire les montants payés à ce titre et n’a donc pas eu à en supporter la charge (voir, en ce sens, ordonnance Hüls/Commission, précitée, point 20).


Conclusion

80
Compte tenu de ce qui précède, le montant des dépens récupérables par la requérante auprès de la Commission est fixé à 489 615,03 GBP hors TVA, soit 420 000 GBP au titre des honoraires des conseils juridiques (95 000 GBP, en ce qui concerne M. Swift, 75 000 GBP, en ce qui concerne M. Anderson, et 250 000 GBP, en ce qui concerne le cabinet de solicitors), 30 000 GBP au titre des honoraires de Lexecon, 4 500 GBP au titre des honoraires de M. le professeur Binmore, 14 985,35 GBP au titre des honoraires de M. le professeur Neven, 620 GBP au titre des frais de domiciliation et 19 509,68 GBP au titre des frais autres que la TVA.

81
Étant donné que ce montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur le remboursement des frais exposés par la requérante aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir, en ce sens, ordonnances Groupe Origny/Commission, précitée, point 44, et Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, précitée, point 49).


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)



ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par la Commission à Airtours est fixé à 489 615,03 GBP (quatre cent quatre-vingt neuf mille six cent quinze livres sterling et trois pence).

Fait à Luxembourg, le 28 juin 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1
Langue de procédure : l'anglais.