Language of document : ECLI:EU:F:2013:137

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

30 septembre 2013 (*)

« Fonction publique – Personnel de Frontex – Agent temporaire – Rapport d’évaluation de carrière contenant des appréciations négatives du validateur non communiquées à l’intéressé – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée – Décision basée sur l’avis du validateur – Droits de la défense – Violation – Litige à caractère pécuniaire – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire F‑124/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

Daniele Possanzini, ancien agent temporaire de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, demeurant à Pise (Italie), représenté par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), représentée par MM. S. Vuorensola et H. Caniard, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. K. Bradley, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 novembre 2011, M. Possanzini demande, en substance, l’annulation de la décision du directeur exécutif de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), du 28 mars 2011, de ne pas renouveler son contrat d’agent temporaire.

 Cadre juridique

2        En vertu de l’article 17 du règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil, du 26 octobre 2004, portant création d’une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (JO L 349, p. 1), le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») s’appliquent au personnel de Frontex.

 Le régime applicable aux autres agents

3        L’article 8, premier alinéa, du RAA prévoit :

« L’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée. »

4        L’article 39, paragraphe 1, du RAA est rédigé comme suit :

« Lors de la cessation de ses fonctions, l’agent visé à l’article 2 a droit à la pension d’ancienneté, au transfert de l’équivalent actuariel ou au versement de l’allocation de départ dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et à l’annexe VIII du statut. […] »

5        En ce qui concerne la fin de l’engagement, l’article 47 du RAA prévoit :

« Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

a)      à la fin du mois au cours duquel l’agent atteint l’âge de 65 ans […]

b)      pour les contrats à durée déterminée :

i)      à la date fixée dans le contrat ;

      […] »

 Le statut

6        Le titre V, chapitre 3, du statut, auquel renvoie l’article 39, paragraphe 1, du RAA cité ci-dessus, dispose à l’article 77, premier alinéa :

« Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté. Toutefois, il a droit à cette pension sans condition de durée de service s’il est âgé de plus de 63 ans, s’il n’a pu être réintégré au cours d’une période de disponibilité, ou en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service. »

 Les dispositions internes concernant la procédure d’évaluation du personnel de Frontex

7        Aux termes de l’article 2 de la décision du directeur exécutif de Frontex, du 27 août 2009, établissant une procédure d’évaluation du personnel (ci-après la « décision du 27 août 2009 ») :

« 2. L’évaluateur est chargé d’effectuer l’évaluation, d’organiser un entretien (dialogue formel annuel) avec le titulaire du poste et de rédiger le rapport d’évaluation.

[…]

Le validateur est chargé de veiller à l’application cohérente des critères d’évaluation dans tous les rapports d’évaluation qu’il contresigne.

[…] »

8        Conformément à l’article 3 de la décision du 27 août 2009 :

« 1. L’évaluateur est, par défaut, le supérieur hiérarchique direct du titulaire du poste au début de l’exercice. Le directeur de division exerce les fonctions d’évaluateur à l’égard des chefs d’unité, le directeur exécutif adjoint exerce les fonctions d’évaluateur à l’égard des directeurs de division.

2. Le validateur est, par défaut, le supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur au début de l’exercice.

Si le directeur exécutif est l’évaluateur du titulaire du poste, il assume en outre le rôle de validateur.

Le rôle des validateurs est de garantir l’application cohérente des critères d’évaluation […] »

9        L’article 11, paragraphes 3 à 6, de la décision du 27 août 2009 prévoit :

« 3.       Si le validateur est en accord avec le rapport [d’évaluation], il le contresigne et l’envoie à l’évaluateur, qui le transmet au titulaire du poste.

4.       Si le validateur est en désaccord avec le rapport, il convoque l’évaluateur et, si nécessaire, le titulaire du poste à une réunion de concertation pour tenter de parvenir à un accord.

5.       En cas d’accord, le validateur contresigne le rapport modifié en fonction du résultat de la réunion et l’envoie à l’évaluateur, qui le transmet à son tour au titulaire du poste.

6.       En cas d’échec de la réunion de concertation, la décision finale appartient au validateur qui la transmet à l’évaluateur et au titulaire du poste. »

10      L’article 12 de la décision du 27 août 2009 dispose :

« 1.      Dès réception du rapport, le titulaire du poste remplit les sections réservées à ses observations éventuelles.

2.      S’il est d’accord avec le contenu, le titulaire du poste signe le rapport et le renvoie à son évaluateur, qui le signe immédiatement et le transmet au département des ressources humaines pour classement dans le dossier personnel du titulaire du poste.

3.      Si le titulaire du poste n’est pas d’accord avec le contenu du rapport, il informe immédiatement l’évaluateur et le validateur des motifs de sa requête et indique, dans la section du rapport réservée aux observations, sa volonté d’en discuter avec le validateur.

4.      Dans un délai de dix […] jours ouvrables, le validateur organise une discussion avec le titulaire du poste et l’évaluateur en vue de parvenir à un accord. […]

À la fin de la discussion, le rapport est modifié ou confirmé. Le validateur transmet une nouvelle fois le rapport au titulaire du poste.

5.      À compter du […] 60e […] jour ouvrable suivant la date de début de l’exercice d’évaluation, si le titulaire du poste s’abstient, soit de signer le rapport d’évaluation, soit de l’envoyer à l’évaluateur, soit de rechercher une discussion avec le validateur, il est réputé avoir accepté le contenu dudit rapport.

6.       Si le validateur ne respecte pas les délais à ce stade, le titulaire du poste est autorisé à considérer l’absence de réponse comme un refus […] »

11      Il ressort du modèle de rapport d’évaluation joint en annexe à la décision du 27 août 2009 que l’appréciation globale de la performance de l’agent, qui inclut la réalisation des objectifs fixés, la compétence, le rendement et la conduite dans le service, fait l’objet d’un classement sur une échelle de cinq niveaux, allant du niveau IV, le plus faible, lorsque la performance de l’agent n’a pas répondu aux attentes, au niveau IA, le plus élevé, lorsque la performance de l’agent au cours de la période évaluée a dépassé constamment les attentes. Le niveau de performance III est octroyé à l’agent qui a seulement répondu en partie aux attentes, alors que le niveau IB est accordé à l’agent qui a dépassé fréquemment les attentes.

 La politique de renouvellement des contrats d’agent temporaire au sein de Frontex

12      Frontex a établi un document intitulé « Politique de renouvellement des contrats d’agent temporaire » (ci-après les « règles sur le renouvellement des contrats »). Ce document, distribué au personnel de Frontex par la note administrative no 40, du 26 juillet 2010, approuvée par le directeur de la division administrative (ci-après la « note administrative no 40 »), rappelle dans son introduction que tous les « contrats d’agent temporaire (à l’exception de ceux du directeur exécutif et du directeur exécutif adjoint) sont des contrats à long terme » et que, à cette fin, Frontex est disposée à utiliser la possibilité de renouveler les contrats des agents.

13      En vertu du point 2 des règles sur le renouvellement des contrats, consacré au formulaire de renouvellement et aux étapes de la procédure :

« a.      La première étape avant tout préparatif administratif pour le renouvellement des contrats consiste à s’enquérir auprès de l’agent concerné de son intérêt pour le renouvellement de son contrat. À cette fin, le département des ressources humaines […] envoie à ce sujet un courrier électronique à l’agent concerné [quatorze] mois avant l’expiration du contrat.

b.      En cas de réponse positive de la part de l’agent concerné (il est intéressé par le renouvellement de son contrat), [le département des ressources humaines] prépare le formulaire de renouvellement du contrat […] et en transmet une copie électronique à l’évaluateur de l’agent concerné pour suite à donner.

c.      L’évaluateur complète la section 4 du formulaire à l’aide de toutes les informations pertinentes proposant ou non le renouvellement du contrat pour une nouvelle durée déterminée (dans le cas d’un premier renouvellement) ou pour une durée indéterminée (dans le cas d’un deuxième renouvellement). Une fois la section 4 complétée, l’évaluateur imprime le formulaire, y appose sa signature et le transmet au validateur pour examen.

d.      Le validateur évalue ensuite la proposition de l’évaluateur et, en cas d’accord, contresigne la section 4. En cas de désaccord, il en donne les motifs dans la section réservée aux remarques mais signe malgré tout la section 4. Après signature de la section 4 par le validateur, celui-ci transmet le formulaire de renouvellement du contrat au directeur de la division pour approbation et commentaires indiquant sa recommandation.

e.      Après avoir complété la section 5 du formulaire, le directeur de la division renvoie le formulaire au [département des ressources humaines], qui le transmet au directeur exécutif de Frontex pour décision finale sur le renouvellement du contrat de l’agent concerné (section 6). Après signature du formulaire, le directeur exécutif le renvoie au [département des ressources humaines] pour suite à donner. »

14      Le point 3 des règles sur le renouvellement des contrats, qui établit la procédure à suivre par le département des ressources humaines une fois le formulaire de renouvellement signé par le directeur exécutif, prévoit :

« Après réception du formulaire signé par le directeur exécutif, le [département des ressources humaines] traite le dossier en fonction de l’issue de la décision du directeur exécutif ([trois] possibilités) :

a.      [r]enouvellement du contrat pour une nouvelle période de cinq ans

b.      [r]enouvellement du contrat pour une durée indéterminée

c.      [n]on-renouvellement du contrat

[…]

c.      Non-renouvellement du contrat

Si le directeur exécutif décide de ne pas renouveler le contrat, [le département des ressources humaines] rédige une lettre mentionnant les arguments fournis par l’évaluateur (motifs liés à l’intérêt du service, motifs liés à la performance ou une combinaison des deux). Cette lettre est signée par le directeur exécutif et transmise à l’agent concerné [douze] mois avant l’expiration du contrat en vigueur. »

15      La note administrative no 40 indique au personnel, notamment, que l’agent employé par Frontex sera informé de la décision de renouveler ou non son contrat environ douze mois avant la date d’expiration.

 Faits à l’origine du litige

16      Le requérant a été recruté le 1er août 2006 par Frontex sur la base de l’article 2, sous a), du RAA en tant qu’administrateur (AD), au grade AD 10, échelon 2, pour une durée de cinq ans, soit jusqu’au 31 juillet 2011, afin d’occuper le poste de responsable du département des technologies de l’information et de la communication (ci-après le « département des TIC »), au sein de l’unité des services administratifs de la division administrative de Frontex.

17      Frontex ayant débuté ses activités le 1er mai 2005, l’exercice d’évaluation pour la période allant du 1er août 2006 au 31 décembre 2008, réalisé en 2009, a été le premier exercice d’évaluation du personnel. Lors de cette évaluation, la performance du requérant a été appréciée positivement par son supérieur hiérarchique, M. A, lequel, en tant qu’évaluateur, a proposé, le 5 mai 2009, de lui attribuer le niveau de performance IB. En revanche, le validateur, M. B, directeur de la division administrative, a présenté des observations négatives dans le rapport d’évaluation et recommandé, le 30 octobre 2009, un niveau de performance III.

18      Par courriel du 29 avril 2009 envoyé à tous les membres du personnel, le directeur exécutif adjoint de Frontex a signalé qu’il n’y aurait pour les membres du personnel aucune conséquence négative résultant du premier exercice d’évaluation pour la période 2006/2008.

19      Lors de l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2009, l’évaluateur du requérant, M. A, a de nouveau noté positivement le requérant et proposé, le 20 janvier 2010, le même niveau de performance IB, alors que le validateur, M. B, a de nouveau formulé des observations négatives et recommandé un niveau de performance III le 20 juin 2010.

20      À la suite d’une réorganisation de la division administrative décidée le 10 décembre 2009 par le directeur de la division administrative, M. B, ce dernier est devenu le supérieur hiérarchique direct du requérant et son évaluateur pour l’exercice d’évaluation portant sur la période débutant le 1er janvier 2010.

21      Le 2 août 2010, soit un an avant l’expiration du contrat du requérant, le coordonnateur du département des ressources humaines a envoyé un courriel au requérant pour l’informer de ce que, par application de l’article 8 du RAA, son contrat pouvait être renouvelé une fois pour une durée déterminée. Par la même occasion, le coordonnateur du département des ressources humaines lui a demandé s’il était intéressé par un tel renouvellement afin, le cas échéant, de commencer la procédure de renouvellement du contrat douze mois avant que celui-ci ne vienne à échéance. Enfin, dans ce courriel, il était demandé au requérant de répondre rapidement à cette demande. Par courriel du même jour, le requérant a répondu qu’il était intéressé par cette proposition. Toujours le 2 août 2010, le requérant a reçu confirmation de ce que la procédure de renouvellement de son contrat allait débuter immédiatement.

22      Le 24 janvier 2011, le requérant s’est entretenu avec M. B, son supérieur hiérarchique direct et évaluateur, lequel l’a informé de son opposition au renouvellement de son contrat. Le requérant a transmis cette information, par courriel du même jour, au coordonnateur du département des ressources humaines. Dans ce courriel, le requérant demandait à recevoir le plus rapidement possible la décision formelle du directeur exécutif de Frontex concernant le renouvellement de son contrat.

23      Par courriel du 25 janvier 2011, adressé notamment au requérant, M. B a confirmé la tenue de la discussion de la veille, et a indiqué son intention de compléter le formulaire de renouvellement et de le faire suivre afin de recueillir les signatures nécessaires.

24      Le 28 février 2011, M. B a signé le formulaire de renouvellement du contrat du requérant et a proposé de ne pas renouveler ledit contrat au motif que la performance professionnelle du requérant au cours des années 2009 et 2010 n’avait pas été satisfaisante.

25      Le 7 mars 2011, le directeur exécutif adjoint, qui, à la suite de la réorganisation de la division administrative de décembre 2009, était devenu le validateur du requérant en ce qui concerne l’évaluation de sa performance, a signé le formulaire de renouvellement du contrat du requérant et a soutenu la proposition de non-renouvellement de M. B.

26      Le 28 mars 2011, suivant à cet égard la recommandation du directeur exécutif adjoint, le directeur exécutif de Frontex a formellement adopté la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant, décision qui a été communiquée à ce dernier le 13 avril 2011.

27      Par lettre du 16 mai 2011, le requérant a présenté une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 28 mars 2011 de ne pas renouveler son contrat. La réclamation a été complétée par une lettre datée du 21 juillet 2011. La décision du 11 août 2011 du directeur exécutif de Frontex, portant rejet de la réclamation complétée, a été notifiée au requérant le 16 août suivant (ci-après la « décision du 11 août 2011 »).

28      Lors de l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2010, l’évaluateur du requérant, M. B, a noté négativement le requérant et proposé, le 19 juillet 2011, le niveau de performance III, ce qui a été confirmé par le directeur exécutif adjoint en sa qualité de validateur le 21 juillet 2011.

 Conclusions des parties et procédure

29      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 28 mars 2011 du directeur exécutif de Frontex de ne pas renouveler son contrat ;

–        annuler la décision du 11 août 2011 ;

–        condamner Frontex aux dépens.

30      Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

31      Dans un premier temps, Frontex a été invitée, par lettre du greffe du 17 janvier 2013, à répondre à plusieurs mesures d’organisation de la procédure. Frontex a déféré à cette invitation par mémoire du 11 février 2013.

32      Dans un second temps, les parties ont été invitées, par lettre du greffe du 27 février 2013, à répondre à des mesures d’organisation de la procédure complémentaires, invitation à laquelle le requérant et Frontex ont déféré par mémoires, respectivement, des 11 et 12 mars 2013.

33      Les parties ont été invitées, dans le rapport préparatoire d’audience qui leur a été envoyé par lettre du greffe du 27 mars 2013, à répondre par écrit à des mesures d’organisation de la procédure additionnelles. Les parties ont déféré à cette demande.

 En droit

 Sur l’objet du recours

34      Par son second chef de conclusions, le requérant demande l’annulation de la décision du 11 août 2011.

35      Il y a lieu de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal du 15 septembre 2011, Munch/OHMI, F‑6/10, point 25).

36      En l’espèce, le Tribunal constate que la décision du 11 août 2011 ne fait que confirmer la décision du 28 mars 2011 dans la mesure où elle ne contient pas de réexamen de la situation du requérant en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux ni ne modifie ou ne complète la décision du 28 mars 2011. Les conclusions en annulation de la décision du 11 août 2011 étant, comme telles, dépourvues de contenu autonome, elles se confondent en réalité avec les conclusions en annulation de la décision du 28 mars 2011. Dans ces conditions, le recours doit être regardé comme dirigé contre la seule décision du 28 mars 2011 (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur le fond

37      À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la méconnaissance du principe du respect de la confiance légitime, le deuxième, d’une violation des formes substantielles, le troisième, du défaut de motivation adéquate et cohérente et, le quatrième, d’un détournement de pouvoir.

38      Le deuxième moyen, tiré de la violation des formes substantielles, est divisé en deux branches, fondées, la première, sur le fait que le formulaire de renouvellement du contrat n’aurait pas été correctement rempli et, la seconde, sur la violation du devoir de notification de la décision attaquée dans le délai établi.

39      Le troisième moyen, tiré du défaut de motivation adéquate et cohérente, comprend trois branches, fondées, la première, sur le caractère inapproprié de la motivation de la décision attaquée, la deuxième, sur la violation des droits de la défense et, la troisième, sur le caractère incohérent de la motivation de la décision attaquée.

40      Le Tribunal examinera en premier lieu la seconde branche du deuxième moyen, puis successivement les première et deuxième branches du troisième moyen.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation du devoir de notification de la décision attaquée dans le délai établi

–       Arguments des parties

41      Le requérant fait grief à Frontex de ne pas lui avoir notifié la décision attaquée dans le délai de douze mois avant l’expiration de son contrat. Frontex aurait dû respecter ce délai dans la mesure où celui-ci est prévu dans les règles sur le renouvellement des contrats, lesquelles constituent une directive interne que Frontex s’est imposée à elle-même et qui réduit donc sa marge de manœuvre.

42      Frontex fait valoir que le délai de douze mois, établi au point 3, sous c), des règles sur le renouvellement des contrats, « constitue une simple indication » et que son respect doit être interprété comme une obligation de moyens vis-à-vis des membres du personnel. En tout état de cause, la violation d’une éventuelle obligation de notification dans le délai établi ne serait pas susceptible d’affecter la légalité de la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

43      Il est de jurisprudence constante qu’une décision d’une institution ou d’un organisme de l’Union communiquée à l’ensemble du personnel et visant à garantir aux fonctionnaires et agents concernés un traitement identique, dans un domaine dans lequel ladite institution ou ledit organisme dispose d’un large pouvoir d’appréciation conféré par le statut, constitue une directive interne et doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite indicative que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement, T‑92/96, point 46 ; arrêt du Tribunal du 30 janvier 2013, Wahlström/Frontex, F‑87/11, point 56).

44      En l’espèce, les règles sur le renouvellement des contrats, qui posent un certain nombre de règles en matière de renouvellement des contrats d’agent temporaire au sein de Frontex, constituent une directive interne au sens de la jurisprudence susmentionnée (arrêt Wahlstrom/Frontex précité, point 57).

45      Concrètement, le point 3, sous c), des règles sur le renouvellement des contrats prévoit qu’en cas de non-renouvellement du contrat d’un agent temporaire une lettre motivée, signée par le directeur exécutif de Frontex, est transmise à l’agent concerné douze mois avant l’expiration du contrat de celui-ci. Il résulte de cette disposition que toute décision de non-renouvellement du contrat d’un agent temporaire doit être notifiée à l’agent concerné au plus tard douze mois avant l’expiration du contrat. Contrairement à ce que prétend Frontex, ce point ne saurait donc s’interpréter comme contenant une obligation de moyens ni comme une simple indication.

46      En l’occurrence, il est constant que la décision attaquée a été notifiée au requérant le 13 avril 2011, soit trois mois et demi avant la date d’expiration de son contrat, prévue le 31 juillet 2011. Par conséquent, le requérant est fondé à soutenir que Frontex a violé son devoir de lui notifier la décision attaquée dans le délai établi par les règles sur le renouvellement des contrats.

47      Toutefois, il y a également lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle une irrégularité procédurale ne saurait être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée que s’il est établi que cette irrégularité procédurale a pu influer sur le contenu de la décision (arrêt Wahlstrom/Frontex, précité, point 58). Or, en l’espèce, le non-respect du délai de notification établi dans les règles sur le renouvellement des contrats n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée dès lors que ce non-respect n’a pas pu influer sur le contenu de cette décision.

48      Il s’ensuit que la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation du devoir de notification de la décision attaquée dans le délai établi, doit être rejetée.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée du caractère inapproprié de la motivation de la décision attaquée

–       Arguments des parties

49      Le requérant reproche à M. B d’avoir, lorsqu’il a formulé sa proposition de non-renouvellement, répondu par la négative, dans la section 4 du formulaire de renouvellement, à la question de savoir si une décision de non-renouvellement du contrat aurait des conséquences personnelles et sociales exceptionnelles, comme par exemple une situation de chômage à l’approche de la retraite. En effet, le requérant et son épouse ont quitté leurs emplois en Italie pour qu’il puisse rejoindre Frontex en Pologne. Au moment de l’introduction du recours, le requérant avait 57 ans, âge auquel il serait difficile de retrouver un emploi. L’avis préparatoire de la décision de non-renouvellement, formulé par M. B, contenait donc une motivation inappropriée. Le directeur exécutif adjoint ayant soutenu la proposition de non-renouvellement de M. B et le directeur exécutif ayant suivi la recommandation du directeur exécutif adjoint, la décision attaquée n’était pas correctement motivée.

50      Frontex rétorque qu’un éventuel retour du requérant dans son pays d’origine et la possibilité d’un non-renouvellement de son contrat d’agent temporaire, à l’âge de 57 ans, étaient totalement prévisibles et ne constituent pas des conséquences exceptionnelles découlant de la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

51      Le Tribunal observe que le requérant a eu 57 ans environ deux mois après l’adoption de la décision attaquée et que, par application de l’article 77, premier alinéa, du statut, auquel renvoie l’article 39, paragraphe 1, du RAA, il aurait eu droit à une pension d’ancienneté à l’âge de 63 ans si à cet âge il était toujours en fonctions. Or, il est plus difficile de retrouver un emploi, dans des conditions équivalentes ou similaires à celui occupé à Frontex et en accord avec l’expérience professionnelle acquise, à l’âge de 57 ans qu’à un âge plus éloigné de l’âge de départ à la retraite. En outre, il est constant entre les parties que le requérant et son épouse avaient quitté leurs emplois en Italie pour s’installer en Pologne. De même, le renouvellement du contrat du requérant pour une seconde période de cinq ans lui aurait permis d’accomplir dix années de service et d’acquérir, avant ses 63 ans, le droit à une pension d’ancienneté. Dans ces circonstances, le requérant est fondé à se plaindre du fait que M. B a répondu par la négative à la question de savoir si le non-renouvellement de son contrat aurait des conséquences personnelles ou sociales exceptionnelles.

52      Toutefois, s’il est vrai que le formulaire de renouvellement des contrats d’agent temporaire dispose que l’évaluateur de l’agent concerné doit examiner si le non-renouvellement du contrat aurait des conséquences personnelles ou sociales exceptionnelles, tel que le chômage à l’approche de la retraite, il demeure que le requérant n’invoque aucune disposition dont il ressortirait que de telles conséquences obligeraient l’autorité habilitée à conclure les contrats à renouveler le contrat en question.

53      Par ailleurs, à supposer même que l’avis préparatoire de la décision attaquée est incorrectement motivé, cet avis, dans son ensemble, n’est pas manifestement erroné, car les critères principaux à prendre en compte sont, selon le point 3 des règles sur le renouvellement des contrats, la performance du requérant et l’intérêt du service.

54      Il s’ensuit des considérations qui précèdent que la première branche du troisième moyen, tirée du caractère inapproprié de la motivation de la décision attaquée, doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen, prise de la violation des droits de la défense.

–       Arguments des parties

55      Le requérant fait valoir que la décision attaquée est illégale dans la mesure où elle est fondée sur des considérations inappropriées de la proposition de l’évaluateur de ne pas renouveler son contrat, contenues à la section 3 du formulaire de renouvellement du contrat, consacrée au résumé de sa performance durant sa période d’engagement à Frontex. M. B y aurait fait figurer l’opinion divergente qu’il avait exprimée, en tant que validateur, par rapport à l’avis de l’évaluateur sur la performance du requérant dans le rapport d’évaluation portant sur l’année 2009. Or, ce rapport d’évaluation n’aurait pas été établi en conformité avec la décision du 27 août 2009, car cette opinion divergente n’aurait jamais été notifiée au requérant, en violation de l’article 11, paragraphe 6, de la décision du 27 août 2009 et de ses droits de la défense. Ce serait seulement dans le contexte du non-renouvellement de son contrat que le requérant aurait appris que M. B n’avait pas confirmé l’avis positif de l’évaluateur exprimé dans le rapport d’évaluation portant sur l’année 2009. L’opinion divergente susvisée ayant été exprimée de façon irrégulière dans ledit rapport d’évaluation, elle n’aurait pas dû être prise en considération dans le cadre du renouvellement du contrat du requérant.

56      Frontex fait valoir que le requérant avait eu connaissance des observations divergentes formulées par M. B dans son rapport d’évaluation portant sur l’année 2009. Étant donné que le requérant n’avait pas contesté ces observations, Frontex n’avait pu que conclure qu’il était satisfait du résultat de l’évaluation réalisée et considérer qu’il avait accepté ledit rapport comme étant définitif.

57       À l’audience, Frontex a soutenu que la décision de M. B du 10 décembre 2009 par laquelle le département des TIC avait été restructuré avait été prise à cause de la mauvaise gestion du requérant. Cette restructuration aurait impliqué que le requérant se serait vu privé de la supervision de 20 membres du personnel qui jusqu’à cette date avaient travaillé sous ses ordres et que ses fonctions auraient été réduites aux services liés aux marchés passés par Frontex. Selon Frontex, le requérant aurait dû se rendre compte que cette restructuration avait été décidée par M. B au motif que ce dernier estimait que la performance du requérant ne répondait pas aux attentes.

–       Appréciation du Tribunal

58      D’une part, le Tribunal constate que, conformément à l’article 11, paragraphes 4, 5 et 6, de la décision du 27 août 2009, lorsque le validateur est en désaccord avec l’avis que l’évaluateur a exprimé dans un rapport d’évaluation, il doit rencontrer ce dernier afin de tenter de parvenir à un accord. À l’issue de cette réunion, il incombe au validateur de contresigner le rapport, le cas échéant modifié, et de le transmettre au titulaire du poste ou bien de le transmettre à l’évaluateur pour que ce dernier le transmette à son tour au titulaire du poste. De même, l’article 12, paragraphe 5, de la décision du 27 août 2009 dispose que, si le titulaire du poste, passé le délai de 60 jours ouvrables à compter du début de l’exercice d’évaluation, s’abstient de signer le rapport d’évaluation, de l’envoyer à l’évaluateur ou de chercher à dialoguer avec le validateur, il sera réputé avoir accepté le contenu dudit rapport.

59      D’autre part, il convient de rappeler que l’article 26 du statut prévoit la constitution, pour chaque fonctionnaire, d’un dossier individuel contenant toutes pièces touchant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement, de même que les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces. L’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces si elles ne lui ont pas été communiquées avant leur classement dans son dossier. Selon la jurisprudence, ces dispositions ont pour but de garantir les droits de la défense du fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, point 275).

60      Il en résulte qu’une institution commet une violation de l’article 26 du statut et des droits de la défense d’un fonctionnaire lorsqu’elle adopte une décision lui faisant grief sans lui avoir préalablement communiqué les appréciations sur sa compétence qui justifient l’adoption de cette décision. À cet égard, il y a lieu de préciser que la seule connaissance de ces appréciations, même avérée, par le fonctionnaire intéressé ne saurait être considérée comme une preuve suffisante de ce que le fonctionnaire concerné a eu la possibilité de défendre utilement ses intérêts préalablement à l’adoption de la décision qui lui fait grief. Pour que le respect des droits de la défense du fonctionnaire soit assuré, encore faut-il que l’institution démontre, par tout moyen, qu’elle avait préalablement mis ledit fonctionnaire en mesure de comprendre que les appréciations en question qui ne lui avaient pas été communiquées avant leur classement dans son dossier individuel étaient de nature à justifier la décision lui faisant grief. À défaut, la communication exigée par l’article 26 du statut ne peut être réputée intervenue (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho/Commission et Commission/de Brito Sequeira Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, point 94).

61      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que l’autorité habilitée à conclure les contrats a décidé de ne pas renouveler le contrat d’agent temporaire du requérant en raison de la qualité insuffisante du travail de celui-ci pendant l’année 2009, suivant ainsi l’avis exprimé en ce sens par M. B, validateur du requérant, dans le rapport d’évaluation portant sur l’année 2009, ainsi qu’en raison de la qualité insuffisante du travail du requérant pendant l’année 2010.

62      Frontex soutient que le requérant avait eu connaissance de l’opinion divergente de M. B par rapport à l’avis que M. A avait exprimé dans le rapport d’évaluation portant sur l’année 2009. Or, le Tribunal constate que, s’il est vrai que ce rapport d’évaluation a été signé par M. A en tant qu’évaluateur le 20 janvier 2010, que l’évaluation faite par ce dernier a été signée et approuvée par le requérant le 21 janvier 2010 et que M. B a rempli et signé le rapport en tant que validateur le 20 juin 2010, il demeure que ledit rapport n’a pas été signé par le requérant à la suite des observations et de la signature par le validateur. Interrogé sur ce point dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, Frontex n’a pas fourni de document ou d’autre preuve dont il ressortirait que le rapport d’évaluation portant sur l’année 2009 a été notifié au requérant après signature par M. B en tant que validateur, conformément à l’article 11, paragraphes 4, 5 et 6, de la décision du 27 août 2009. Frontex n’a pas non plus été en mesure d’expliquer de quelle façon elle avait établi dans le dossier personnel du requérant que, passé le délai de 60 jours ouvrables suivant le début de l’exercice d’évaluation portant sur l’année 2009, le requérant était réputé avoir accepté le rapport d’évaluation établi dans le cadre de cet exercice, faute de l’avoir contesté.

63      En réponse aux mesures d’organisation de la procédure, Frontex a toutefois apporté une déclaration sur l’honneur de M. B selon laquelle ce dernier, après avoir signé, le 20 juin 2010, le rapport d’évaluation du requérant portant sur l’année 2009, avait donné ledit rapport en mains propres au requérant la semaine suivante. En outre, M. B déclare avoir rencontré le requérant à deux occasions, les 28 mai et 17 juin 2010, pour lui expliquer son opinion divergente par rapport à l’avis de M. A. À l’appui de cette déclaration sur l’honneur de M. B, Frontex a produit un échange de courriels dont il ressort que le requérant a accepté de rencontrer M. B aux deux dates susmentionnées. En outre, Frontex a fourni un échange de courriels du 20 juillet 2010 entre le coordonnateur du département des ressources humaines et le requérant qui montre que le requérant avait été informé du fait que l’exercice d’évaluation 2010 avait été finalisé.

64      À cet égard, le Tribunal constate, d’une part, que l’échange de courriels du 20 juillet 2010 ne démontre pas que le requérant a été en mesure de prendre connaissance de l’opinion divergente de M. B par rapport à l’avis positif que M. A avait exprimé dans le rapport d’évaluation portant sur l’année 2009. D’autre part, les courriels produits par Frontex portant sur les réunions tenues les 28 mai et 17 juin 2010 ne permettent pas de connaître les sujets abordés lors de ces réunions. Dans ces conditions, le Tribunal estime que, sans pour autant mettre en doute la bonne foi de Frontex et en particulier celle de M. B, ni la déclaration sur l’honneur de ce dernier, accompagnée de l’échange de courriels portant sur les réunions susmentionnées, ni les courriels du 20 juillet 2010 n’ont de valeur probante suffisante au sens de la jurisprudence citée au point 60 du présent arrêt. Dès lors, étant donné que Frontex n’a pas démontré à suffisance de droit que l’opinion divergente de M. B sur l’évaluation du requérant par rapport à celle formulée par l’évaluateur a été formellement communiquée au requérant dans le cadre de l’établissement du rapport d’évaluation portant sur l’année 2009, il y a lieu de conclure que la décision attaquée est entachée d’illégalité dans la mesure où elle se fonde sur ladite opinion divergente.

65      Certes, il est très probable que le requérant ait pris connaissance de cette opinion divergente au plus tard lors de la réunion avec M. B le 24 janvier 2011, avant l’adoption de la décision attaquée. Toutefois, une telle communication, compte tenu de sa tardiveté, ne lui a pas permis, en violation de ses droits de la défense, de faire valoir utilement ses commentaires sur les critiques de M. B, ni de les contester dans une procédure administrative, voire judiciaire, ni de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la qualité de son travail par la suite afin d’obtenir une meilleure évaluation pour l’année 2010.

66      Ne saurait non plus prospérer l’argument de Frontex, exposé lors de l’audience, selon lequel le requérant aurait dû se rendre compte, lors de la restructuration du département des TIC en décembre 2009, que M. B estimait que son travail ne répondait pas aux attentes. En effet, s’il est vrai que la décision de M. B du 10 décembre 2009 portait sur une restructuration du département des TIC, il demeure que rien dans cette décision ne permettait de conclure que celle-ci était motivée par le mécontentement de M. B par rapport au travail du requérant.

67      Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du troisième moyen est fondée.

68      Par conséquent, il n’y a plus lieu d’examiner ni le premier moyen, ni la première branche du deuxième moyen, ni la troisième branche du troisième moyen, ni le quatrième moyen.

69      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit aux conclusions en annulation de la décision attaquée.

 Sur les dommages et intérêts

70      Selon une jurisprudence constante, l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut confère au Tribunal, dans les litiges à caractère pécuniaire, une compétence de pleine juridiction dans le cadre de laquelle il est investi du pouvoir, s’il y a lieu, de condamner d’office la partie défenderesse au paiement d’une indemnité pour le préjudice causé par sa faute et, dans un tel cas, d’évaluer, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, le préjudice subi ex aequo et bono (arrêt de la Cour du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, point 44).

71      Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, peut donner naissance à un litige de caractère pécuniaire au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut le recours par lequel un fonctionnaire tente d’obtenir l’annulation d’une décision affectant sa position statutaire (arrêt Gogos/Commission, précité, point 46).

72      En particulier, la Cour a déjà jugé que le recours par lequel un fonctionnaire demande au juge de l’Union de se prononcer sur la légalité de son classement déclenche un litige ayant un caractère pécuniaire. Cette conclusion est fondée sur la prémisse selon laquelle la décision de classement prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination a non seulement des effets sur la carrière de l’intéressé et sur sa position au sein de la hiérarchie, mais a également des conséquences directes sur ses droits pécuniaires, en particulier sur le montant de sa rémunération due au titre du statut (arrêt Gogos/Commission, précité, point 47).

73      Par conséquent, lorsque, comme en l’espèce, un ancien agent temporaire demande au juge de l’Union de se prononcer sur la légalité de la décision de ne pas renouveler son contrat, il y a lieu de comprendre, à plus forte raison, que son recours déclenche également un litige à caractère pécuniaire. En effet, la décision de non-renouvellement du contrat a des effets directs sur la continuité de l’intéressé dans sa position d’agent temporaire au sein de l’institution concernée, et donc sur sa rémunération et ses droits pécuniaires.

74      Il s’ensuit que le recours introduit par le requérant a un caractère pécuniaire au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut. Partant, le Tribunal dispose en l’espèce d’une compétence de pleine juridiction qui l’investit de la mission de donner au litige une solution complète (arrêt Gogos/Commission, précité, point 49).

75      Cette compétence vise notamment à permettre aux juridictions de l’Union de garantir l’efficacité pratique des arrêts d’annulation qu’elles prononcent dans les affaires de fonction publique, de sorte que, si l’annulation d’une décision erronée en droit prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination ne suffit pas pour faire prévaloir les droits du fonctionnaire concerné ou pour préserver ses intérêts de manière efficace, le juge de l’Union peut d’office lui accorder une indemnisation (arrêt Gogos/Commission, précité, point 50).

76      Le Tribunal a invité les parties à aborder, lors de l’audience, la question de savoir s’il dispose dans la présente affaire d’une compétence de pleine juridiction au titre de l’article 91, paragraphe 1, seconde phrase, du statut et si, compte tenu du fait que le requérant n’a pas formulé de conclusions indemnitaires, le Tribunal a la possibilité de lui accorder d’office une indemnisation.

77      En réponse, le requérant a soutenu que le Tribunal dispose en l’espèce d’une telle compétence de pleine juridiction et qu’il devrait lui accorder une indemnisation substantielle. Frontex, en revanche, sans toutefois nier que le Tribunal ait une telle compétence de pleine juridiction, a fait valoir que, au vu des circonstances de la présente affaire, le Tribunal ne devrait pas faire usage de cette compétence pour trois raisons principales : la première tenant à ce que la décision attaquée n’aurait pas occasionné un dommage moral dans la mesure où la clause établissant un préavis de douze mois ne contiendrait qu’une obligation de moyens, la deuxième tenant à ce que le requérant n’a pas droit au renouvellement de son contrat, et la troisième à ce que le requérant a trouvé un nouvel emploi où il percevrait à peu près la même rémunération. En tout état de cause, à supposer que le Tribunal souhaite accorder une indemnisation, Frontex estime que celle-ci devrait être symbolique.

78      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il a été jugé au point 46 du présent arrêt que Frontex a violé son devoir de notifier la décision attaquée dans le délai de douze mois établi par les règles sur le renouvellement des contrats. Frontex a dès lors commis une faute de service susceptible de justifier une indemnisation. De même, il ressort du point 51 que M. B a incorrectement répondu par la négative à la question de savoir si le non-renouvellement du contrat du requérant aurait des conséquences personnelles ou sociales exceptionnelles. En outre, ne saurait prospérer l’argument de Frontex selon lequel grâce à son nouvel emploi la décision attaquée n’aurait causé qu’un préjudice financier minime au requérant. En effet, il ressort du dossier qu’en janvier 2012, le requérant a été recruté par une autre agence de l’Union européenne au grade AD 8 et qu’un coefficient correcteur supérieur à 100 lui est appliqué, alors qu’un coefficient correcteur inférieur à 100 était appliqué à la rémunération qu’il touchait en tant qu’agent de grade AD 10 de Frontex.

79      Or, conformément à l’article 64 du statut et à l’article 20 du RAA, la rémunération des fonctionnaires et agents temporaires est affectée d’un coefficient correcteur fixé en fonction des conditions de vie dans leur lieu d’affectation, afin que, indépendamment de celui-ci, ils bénéficient d’un pouvoir d’achat équivalent (arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1997, Apostolidis e.a./Commission, T‑81/96, point 3). L’application d’un coefficient correcteur ne peut donc être prise en compte aux fins de comparer le niveau des rémunérations perçues par ces agents et fonctionnaires. Il s’ensuit que, même s’il s’avère que la rémunération nette actuellement perçue par le requérant, agent de grade AD 8, est similaire à celle qu’il percevait comme agent de grade AD 10 à Frontex, il y a lieu de conclure qu’en tant qu’agent de grade AD 8 il perçoit une rémunération inférieure à celle qu’il percevait à Frontex.

80      Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal considère que l’annulation de la décision attaquée ne suffit pas pour préserver utilement les intérêts du requérant. Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal, évaluant le préjudice subi ex aequo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 5 000 euros constitue une indemnisation adéquate du requérant.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

82      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que Frontex est la partie qui succombe. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que Frontex soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, Frontex doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 28 mars 2011 de ne pas renouveler le contrat d’agent temporaire de M. Possanzini, adoptée par le directeur exécutif de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, est annulée.

2)      L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne est condamnée à verser à M. Possanzini la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

3)      L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Possanzini.

Rofes i Pujol

Boruta

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’anglais.