Language of document : ECLI:EU:T:2011:47

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

17 février 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Friboi – Marque nationale verbale antérieure FRIBO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑324/09,

J & F Participações SA, établie à Sorocaba (Brésil), représentée par MA. Fernández Fernández-Pacheco, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. F. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Plusfood Wrexham Ltd, établie à Llay, Wrexham (Royaume-Uni), représentée par MG. van Roeyen, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 22 avril 2009 (affaire R 824/2008‑1), relative à une procédure d’opposition entre Fribo Foods Ltd et Agropecuaria Friboi, Ltda,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, J. Schwarcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 août 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 3 décembre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 10 février 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 novembre 2004, Agropecuaria Friboi, Ltda, devenue J & F Participações SA, la requérante, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 26/2005, du 27 juin 2005.

5        Le 27 septembre 2005, Fribo Foods Ltd, devenue Plusfood Wrexham Ltd, l’intervenante, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque verbale FRIBO n° 984691, enregistrée au Royaume-Uni le 13 décembre 1972 pour les produits suivants relevant de la classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier, non vivants ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés ou cuits ; lait et produits laitiers pour l’alimentation ; huiles comestibles et graisses comestibles » ;

–        les marques figuratives FRIBO n° 39719930 et n° 97676401 reproduites ci-après, respectivement enregistrées en Allemagne le 9 juillet 1997 et en France le 5 mai 1997 pour les produits suivants relevant de la classe 29 : « Produits à base de viande surgelés » :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Au cours de la procédure, la requérante a contesté l’existence d’un risque de confusion et a demandé que l’intervenante apporte la preuve de l’usage sérieux de ses marques antérieures, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009). L’OHMI a transmis cette demande à l’intervenante, qui a produit la documentation visant à rapporter cette preuve dans le délai imparti.

9        Par décision du 28 mars 2008, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, pour tous les produits visés, sur le fondement de la seule marque du Royaume-Uni verbale antérieure FRIBO (ci-après la « marque antérieure »).

10      Le 27 mai 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition. Elle a, d’une part, soutenu que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été apportée et, d’autre part, qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en raison des différences existant aussi bien entre les signes en conflit qu’entre les produits concernés.

11      Par décision du 22 avril 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a fait partiellement droit à ce recours, a rejeté la demande de marque communautaire pour les produits « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes », et a accueilli ladite demande pour les produits « œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ».

12      En substance, la chambre de recours a estimé, tout d’abord, que la documentation produite par l’intervenante, considérée globalement, constituait la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure au Royaume-Uni pour les seuls produits « viande, volaille (à l’exception du gibier), non vivants ; légumes en conserve ou cuits », de sorte que ladite marque n’était réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits.

13      Ensuite, la chambre de recours a considéré que, en raison du degré élevé de similitude entre les signes en conflit, sur les plans visuel et phonétique, de leur absence de sens en langue anglaise, sur le plan conceptuel, et de l’identité partielle ou de la similitude entre les produits en cause, il existait un risque de confusion concernant les produits « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ». En revanche, s’agissant des produits « œufs, lait et dérivés laitiers ; huiles et graisses comestibles », la chambre de recours a considéré qu’il n’existait aucun risque de confusion, en raison de leurs différences par rapport aux produits pour lesquels la marque antérieure était réputée enregistrée, tels que définis au point 12 ci-dessus.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

15      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens, respectivement tirés d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 et d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

 Arguments des parties

17      La requérante conteste la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Elle affirme que la seule preuve pertinente de cet usage fournie par l’intervenante est constituée de factures émises par celle-ci et adressées à Plusfood UK Ltd, et indiquant que l’intervenante est une société du groupe Plusfood Nederland.

18      L’intervenante et Plusfood UK étant des sociétés liées, les factures émises par l’une à l’attention de l’autre ne peuvent, selon la requérante, constituer la preuve que les produits ont été placés sur le marché, ni par conséquent indiquer un usage public. Les factures présentées se référeraient toutes à des opérations internes effectuées entre des sociétés du même groupe et, par conséquent, elles seraient sans pertinence pour apporter la preuve d’un usage sérieux.

19      Pour le surplus, les documents présentés par l’intervenante, souvent non datés, ne démontreraient pas que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux. S’agissant plus particulièrement des brochures de Plusfood UK, la requérante soutient qu’elles ne sauraient être considérées comme une preuve de l’usage de la marque antérieure, dès lors que celle-ci est enregistrée au nom de l’intervenante. De plus, aucune date ne figurerait sur ces brochures et certaines d’entre elles ne feraient pas apparaître que la marque antérieure est liée à un produit.

20      La requérante fait par ailleurs grief à la chambre de recours d’avoir, au point 30 de la décision attaquée, fondé son appréciation de la similitude des signes en conflit sur les marques allemande et française figuratives antérieures. Elle rappelle que, dans l’appréciation de la similitude des signes en conflit, il faut comparer les signes dans la forme sous laquelle ils ont été enregistrés. Or, les signes en conflit en l’espèce seraient la marque antérieure et la marque demandée.

21      La requérante développe ensuite une argumentation tendant à démontrer que, au titre d’une appréciation d’ensemble, tenant compte des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit, lesdites marques allemande et française figuratives antérieures ne sont nullement similaires à la marque demandée.

22      L’OHMI et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

23      Il n’apparaît pas nécessaire d’établir si les dispositions applicables en l’espèce, ratione temporis, sont celles de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, dont la violation est formellement invoquée, ou celles de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, dès lors que celles-ci sont d’un contenu identique. Dans la suite du présent arrêt, il y sera fait indifféremment référence.

24      Aux termes de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 :

« 2.      Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure, qui a formé opposition, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3.      Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, [sous] a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée. »

25      Aux termes de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1) :

« 3.      Les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 4.

4.      Les preuves sont produites conformément aux règles 79 et 79 bis et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 76, paragraphe 1, [sous] f), du règlement. »

26      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37).

27      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, précité, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, précité, point 43). Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient donc de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt VITAFRUIT, précité, point 42).

28      En l’espèce, il convient tout d’abord de constater que l’appréciation de la chambre de recours, au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle aucun usage sérieux de la marque antérieure n’a été démontré pour les produits « poisson, gibier, non vivants ; extraits de viande ; fruits en conserve, séchés ou cuits ; légumes séchés ; lait et produits laitiers pour l’alimentation ; huiles et graisses comestibles » n’est remise en cause par aucune des parties.

29      Il reste donc à vérifier si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage sérieux avait été rapportée pour les produits « viande, volaille (à l’exception du gibier), non vivants ; légumes en conserve ou cuits ».

30      À cet égard, la chambre de recours a plus particulièrement relevé ce qui suit, au point 31 de la décision attaquée :

« Concernant l’étendue de l’usage, les factures [produites] ont été émises par [l’intervenante], titulaire de la marque, et adressées à Plusfood UK [...] [Ces deux sociétés] appartiennent au même groupe, Plusfood Group, Nederland. Toutefois, selon la chambre de recours, ce fait ne permet pas de conclure que les factures ne devraient pas être prises en considération, comme le soutient la requérante. Il est vrai que l’usage seulement interne de la marque par un groupe de sociétés ne constitue pas un usage sérieux. Il faut démontrer que la marque est utilisée sur le marché vers l’extérieur et publiquement. En l’espèce, les preuves démontrent que les produits sont fabriqués par le titulaire de la marque [antérieure], puis sont placés sur le marché par Plusfood UK [...], ainsi que le confirment les brochures et les barèmes de prix des grossistes. Ceci doit être considéré comme un usage [sérieux] de la marque [...] »

31      L’argumentation invoquée par la requérante en vue de contester cette appréciation procède d’une appréciation séparée des divers facteurs pertinents, chacun considéré isolément, contrairement à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus. Elle doit donc être rejetée.

32      En effet, d’une part, les factures produites par l’intervenante, adressées par elle à Plusfood UK, apparaissent authentiques et sincères. D’autre part, les brochures permettent de constater que les produits en cause, fabriqués par l’intervenante et facturés par elle à la société de distribution faisant partie du même groupe, sont écoulés par celle-ci sur le marché. Il s’agit là d’un mode d’organisation commerciale courant dans la vie des affaires, impliquant un usage de la marque qui ne saurait être considéré comme étant un usage purement interne par un groupe de sociétés, dès lors que la marque est également utilisée vers l’extérieur et publiquement. Il convient d’ajouter que l’usage de la marque d’une société de production par une société de distribution économiquement liée à celle-ci est présumé être un usage de ladite marque fait avec le consentement du titulaire et est donc à considérer comme fait par le titulaire, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt VITAFRUIT, précité, points 24 à 26).

33      Certes, les brochures en question ne sont pas datées, à la différence des factures, mais, dans le cadre d’une appréciation globale, elles peuvent néanmoins être prises en considération, en combinaison avec d’autres éléments de preuve datés, tels que les factures et les tarifs des grossistes, afin d’établir que les produits sont bien fabriqués par l’intervenante, puis distribués par Plusfood UK.

34      Par ailleurs, la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la chambre de recours, au point 32 de la décision attaquée, selon laquelle, au vu des quantités importantes de produits FRIBO mentionnées sur lesdites factures (entre 500 et 19 000 kg par facture), il n’est pas question en l’espèce d’un usage symbolique.

35      Quant à l’argumentation de la requérante résumée au point 20 ci-dessus, il convient de rappeler que, en vertu des dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 30, et la jurisprudence citée].

36      La chambre de recours a donc pu légitimement tenir compte, au point 30 de la décision attaquée, de l’usage de la marque antérieure sous une forme figurative identique aux marques figuratives n° 39719930 enregistrée en Allemagne et n° 97676401 enregistrée en France, dès lors qu’elle estimait que l’élément verbal « fribo » restait l’élément distinctif et dominant du signe utilisé et que les autres éléments ne seraient pas considérés par les consommateurs comme remplissant la fonction de distinguer les produits concernés de ceux d’autres entreprises, mais comme un simple ruban ou une simple étiquette.

37      Pour le surplus, l’argumentation de la requérante résumée au point 21 ci-dessus est dénuée de toute pertinence dès lors que le point 30 de la décision attaquée ne concerne pas la question du risque de confusion, mais celle de la preuve de l’usage.

38      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, dans son appréciation globale de la documentation produite par l’intervenante, que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été rapportée pour les produits en cause, tels que précisés au point 33 de la décision attaquée (voir point 29 ci-dessus).

39      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

40      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort à l’absence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement n° 207/2009.

41      À cet égard, il n’apparaît pas nécessaire d’établir si les dispositions applicables en l’espèce, ratione temporis, sont celles de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, dont la violation est formellement invoquée, ou celles de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dès lors que celles-ci sont d’un contenu identique. Dans la suite du présent arrêt, il y sera fait indifféremment référence.

42      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

43      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

44      En outre, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

45      La chambre de recours a considéré, au point 39 de la décision attaquée, que les produits visés par les signes en conflit comprenaient des denrées alimentaires destinées au grand public. Elle a ajouté que le Royaume-Uni constituait le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Cette appréciation n’est remise en cause par aucune des parties.

 Sur la comparaison des produits

46      La chambre de recours a considéré, aux points 45 et 46 de la décision attaquée, que les produits « œufs, lait et produits laitiers », d’une part, et « huiles et graisses comestibles », d’autre part, étaient différents des produits visés par la marque antérieure, tels que précisés au point 12 ci-dessus, de sorte qu’il n’existe aucun risque de confusion pour ce qui les concerne. Cette appréciation n’est remise en cause par aucune des parties.

47      S’agissant des autres produits visés par la demande de marque, la chambre de recours a considéré à bon droit, aux points 40 à 44 de la décision attaquée, qu’ils étaient soit identiques, soit similaires aux produits visés par la marque antérieure, tels que précisés au point 12 ci-dessus.

48      Tout en reconnaissant que lesdits produits sont à tout le moins similaires, la requérante fait valoir que leur nature est un élément essentiel qui doit être pris en considération lors de l’analyse du risque de confusion. Or, selon elle, d’après les documents fournis comme preuve de l’usage sérieux, les produits désignés par la marque antérieure sont des produits précuits ou manufacturés, alors que les produits désignés par la marque demandée constituent une ligne spéciale de viande fraîche de boeuf.

49      Toutefois, cet argument est dénué de toute pertinence, ainsi que le relève l’OHMI, dès lors que les produits « viande, volaille (à l’exception du gibier) » sont visés tant par la marque antérieure que par la marque demandée. En outre, même si l’usage de la marque antérieure n’avait été démontré que pour des « produits précuits ou manufacturés » à base de viande, ce qui n’est pas le cas, ces produits n’en seraient pas moins très similaires à de la viande fraîche. En tout état de cause, l’OHMI relève à bon droit que les factures présentées par l’intervenante mentionnent des morceaux de viande fraîche tels que « range ribs bbq » (travers de porc barbecue), « lamb cutlette » (côtelette d’agneau), « chopsteaks » (hamburgers de bœuf) et « chicken cutlettes » (côtelettes de poulet), identifiés sous la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes en conflit

50      En l’espèce, la requérante reconnaît que les signes en conflit sont, d’une part, la marque verbale antérieure FRIBO et, d’autre part, la marque figurative demandée, composée de l’élément verbal « friboi » et d’un élément figuratif constitué d’une police de caractères noirs sur fond blanc.

51      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe et OHMI, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 60).

52      Sur le plan visuel, la chambre de recours a considéré, au point 48 de la décision attaquée, qu’il existait une forte similitude entre les signes en conflit. Elle a relevé que la marque demandée reproduit toutes les lettres de la marque antérieure, dans un ordre identique, mais comprend une lettre supplémentaire, « i », à la fin, ainsi qu’un élément figuratif composé d’une police de caractères noire très courante sur fond blanc. Cinq des six lettres sont identiques. La chambre de recours a considéré que les signes étaient, par conséquent, hautement similaires sur le plan visuel.

53      La requérante reconnaît que l’impression visuelle globale produite par des signes verbaux ou principalement verbaux dépend, dans une large mesure, du nombre de lettres et de la structure des mots. En l’espèce, elle admet que les signes en conflit coïncident au niveau des lettres « f », « r », « i », « b » et « o », qui se présentent dans le même ordre, et que cinq lettres sur six sont identiques, les signes ne différant qu’au niveau de la lettre « i » présente dans la marque demandée.

54      Elle ajoute, toutefois, que la longueur des signes peut avoir un impact sur l’effet produit par les différences entre les signes. Plus le signe serait court, plus le public pourrait percevoir tous ses éléments individuels. Par conséquent, de faibles différences entre des mots courts pourraient fréquemment conduire à une impression d’ensemble différente. Tel serait le cas en l’espèce.

55      En outre, sur de nombreux marchés, tel celui pertinent en l’espèce, il serait courant d’utiliser un nom de marque court, qui peut être une abréviation du nom d’une société ou se référer aux produits concernés. Le public serait conscient de cette pratique et habitué à faire la distinction entre de nombreuses abréviations, sans être aisément induit en erreur.

56      Il convient de rejeter cette argumentation, comme le proposent l’OHMI et l’intervenante, dès lors que les éléments verbaux des signes en conflit, constitués respectivement de cinq et de six lettres, sont suffisamment longs pour que la différence d’une seule lettre, en finale, ne produise pas une impression d’ensemble différente, et ce quelle que soit la prétendue exposition du public pertinent à la pratique des marques courtes sur le marché concerné.

57      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré, au point 49 de la décision attaquée, qu’il existait une forte similitude entre les signes en conflit. Elle a relevé, en particulier, que ceux-ci étaient tous deux bisyllabiques, qu’ils avaient en commun la première syllabe, « fri », et que leurs secondes syllabes, « bo » et « boi », étaient similaires.

58      La requérante fait valoir que, bien que les signes en conflit aient chacun deux syllabes, la lettre supplémentaire « i » rend la prononciation de la marque demandée « complètement différente ».

59      Cet argument doit être rejeté comme manquant en fait, le Tribunal estimant, à l’instar de l’OHMI et de l’intervenante, que la prononciation des signes en conflit produit une impression phonétique similaire en langue anglaise.

60      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré, au point 50 de la décision attaquée, qu’aucun des deux signes en conflit n’avait de signification en anglais, de sorte que la comparaison conceptuelle n’avait aucune incidence sur l’appréciation de la similitude des signes.

61      La requérante expose que, historiquement, la marque demandée est une contraction des mots portugais « frigorífico », signifiant réfrigérateur industriel, et « boi », signifiant bœuf. Un tel signe, signifiant, en portugais, « frigoríficos de boi » (réfrigérateurs de bœufs), aurait un très haut degré de créativité et d’originalité. Il existerait ainsi des différences conceptuelles entre les signes en conflit, puisque la marque antérieure n’a pas de signification.

62      Cet argument doit être rejeté comme dénué de toute pertinence, comme le proposent l’OHMI et l’intervenante, dès lors que, à supposer même que les explications avancées par la requérante s’avèrent exactes, le public pertinent est celui du Royaume-Uni et non celui du Portugal. Or, le grand public du Royaume‑Uni ne saura pas que « fri » est une abréviation d’un mot portugais, ni que « boi » est le mot désignant le bœuf en portugais. Il convient, au contraire, de confirmer l’appréciation selon laquelle le terme « friboi » n’a aucune signification claire et déterminée en anglais, que ce soit globalement ou en le décomposant en ses deux éléments, « fri » et « boi ».

63      Il découle des considérations qui précèdent que les signes en conflit sont fortement similaires.

 Sur le risque de confusion

64      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association entre les deux marques que pourrait faire le public et du degré de similitude entre les signes en conflit et entre les produits ou les services désignés (voir, en ce sens, arrêts OHMI/Shaker, précité, point 34, et Aceites del Sur-Coosur/Koipe et OHMI, précité, point 59).

65      En l’espèce, prenant en compte, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, l’identité partielle ou la similitude des produits concernés ainsi que la forte similitude entre les signes, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent pour les produits « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ».

66      Ainsi que la chambre de recours l’a laissé entendre au point 47 de la décision attaquée, cette conclusion, fondée sur une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents identifiés par la jurisprudence, ne saurait être remise en cause par l’appréciation purement subjective et non autrement étayée de la requérante selon laquelle les deux marques en conflit peuvent être facilement différenciées et coexister paisiblement sur le marché pour tous les produits qu’elles désignent.

67      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la comparaison entre les signes ne peut pas se limiter à l’examen du seul élément qu’ils ont en commun, il suffit de relever que, en l’espèce, la chambre de recours a bien procédé à une appréciation d’ensemble, ainsi qu’il ressort, notamment, des points 37, 38 et 52 de la décision attaquée.

68      La requérante soutient encore que, au titre de l’impression d’ensemble, la marque demandée, qui jouirait d’une importante crédibilité et serait facilement mémorisable, a un fort caractère distinctif. En revanche, la marque antérieure n’aurait pas de caractère distinctif élevé. Comme le relève l’OHMI, toutefois, la circonstance que la marque demandée possède un degré élevé de caractère distinctif, à la supposer même établie, n’explique pas en quoi ce facteur influerait sur la perception des signes par le consommateur moyen du Royaume-Uni.

69      Au vu de ce qui précède, compte tenu de l’impression d’ensemble, du principe d’interdépendance, de l’identité partielle et de la similitude des produits concernés ainsi que de la forte similitude des signes, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, pour les produits mentionnés au point 13 ci-dessus.

70      Partant, le second moyen doit être rejeté et, avec lui, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      J & F Participações SA est condamnée aux dépens.

Forwood

Schwarcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 février 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.