Language of document : ECLI:EU:C:2019:466

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

4 juin 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne ‐ Demande d’enregistrement de la marque verbale ALDI – Procédure d’opposition ‐ Rejet de l’opposition – Conditions de représentation de la marque antérieure – Règle 19 du règlement (CE) no 2868/95 »

Dans l’affaire C‑822/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 décembre 2018,

Aldo Supermarkets, établie à Varna (Bulgarie), représentée par Me M. Thewes, avocat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme C. Toader, présidente de chambre, MM. L. Bay Larsen (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Aldo Supermarkets demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2018, Aldo Supermarkets/EUIPO – Aldi Einkauf (ALDI) (T‑359/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:720), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 mars 2017 (affaire R 976/2016–4), relative à une procédure d’opposition entre Aldo Supermarkets et Aldi Einkauf GmbH & Co. OHG.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens, tirés, respectivement, d’une interprétation erronée de la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), d’une double contradiction dans les motifs de l’arrêt attaqué et d’un défaut de motivation de cet arrêt.

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 28 mars 2019, pris la position suivante :

« 1.      Pour les raisons qui suivent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans la présente affaire sur le fondement d’une ordonnance adoptée au titre de l’article 181 du règlement de procédure, et de condamner la requérante, Aldo Supermarkets, aux dépens, conformément à l’article 137 et à l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement.

2.      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une interprétation erronée de la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95. Le deuxième moyen, pouvant être subdivisé en deux branches, est tiré d’une double contradiction dans les motifs de l’arrêt attaqué. Le troisième moyen est tiré d’un défaut de motivation de cet arrêt.

 Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée de la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95

3.      Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir erronément interprété la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 2868/95, en considérant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que les termes “copie du certificat d’enregistrement correspondant” exigent la transmission d’une copie “qui soit identique en tous points à l’original détenu par le titulaire de la marque, en sorte que la copie doit être totalement fidèle à l’original et comporter ainsi les mêmes couleurs que l’original, sans modification ni altération”.

4.      Il y a lieu de rappeler, ainsi que l’a déjà fait à cet égard le Tribunal au point 37 de l’arrêt attaqué, que l’exigence de produire le certificat d’enregistrement n’est pas une fin en soi, mais vise à permettre à l’EUIPO de disposer d’une preuve fiable de l’existence de la marque sur laquelle l’opposition est fondée (voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 62).

5.      À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 48 de l’arrêt attaqué, que “en tout état de cause, [...] les différentes variations de représentations de la marque antérieure (en orange, bleu et blanc le 31 juillet 2014, en noir et blanc le 22 septembre 2014 et en rouge, noir et blanc le 10 décembre 2015) ne répondent certainement pas à la condition de précision et de fiabilité qui est inhérente à la règle 19 du règlement no 2868/95 et ne permettent donc pas de considérer que l’EUIPO dispose d’une preuve fiable de l’existence de la marque sur laquelle l’opposition est fondée et d’établir quelle est la marque antérieure dont l’EUIPO doit vérifier la matérialité et l’étendue de la protection”. Il s’ensuit que la question de savoir si la copie du certificat d’enregistrement doit être totalement fidèle à l’original de ce certificat et comporter aussi les mêmes couleurs que cet original est sans pertinence pour la résolution de l’affaire.

6.      Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner si le Tribunal a pu, à bon droit, estimer que la copie exigée par la règle 19 du règlement no 2868/95 devait nécessairement être “totalement fidèle à l’original”.

7.      Le premier moyen est donc manifestement inopérant.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une double contradiction dans les motifs de l’arrêt attaqué

8.      Le deuxième moyen invoqué peut être divisé en deux branches.

9.      Par la première branche, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir tiré les conclusions nécessaires de ses propres observations, qui ne sont pas contestées, selon lesquelles elle a fourni une copie du certificat d’enregistrement de la marque antérieure incluant une représentation en couleur de cette marque.

10.      Cette première branche du deuxième moyen repose sur une lecture erronée du point 50 de l’arrêt attaqué.

11.      Contrairement à la prémisse sur laquelle se fonde la requérante, le Tribunal n’a pas statué, au point 50 de l’arrêt attaqué, sur le caractère suffisant de la preuve apportée par la requérante en ce qui concerne l’existence, la validité et l’étendue de la marque antérieure. Ainsi qu’il ressort clairement du point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a en effet statué sur la marge d’appréciation dont dispose la chambre de recours concernant les exigences formelles de cette preuve dans une situation où cette dernière ne répond pas à la condition de précision et de fiabilité.

12.      La première branche du deuxième moyen est par conséquent manifestement non fondée.

13.      Par la seconde branche du deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir confirmé que la chambre de recours avait rejeté, à bon droit, l’opposition formée par la requérante sur le fondement de la règle 19 du règlement no 2868/95, sur lequel elle n’avait jamais été entendue, violant ainsi le principe du contradictoire. La requérante fait notamment valoir que, par la motivation développée aux points 70 à 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a admis que ni la partie intervenante en première instance ni l’EUIPO n’a soulevé d’argument tiré de la violation de la règle 19 du règlement no 2868/95. Au contraire, selon la requérante, le Tribunal a reconnu, au point 73 de l’arrêt attaqué que “[la partie intervenante en première instance] se référait à la règle 15 [du règlement no 2868/95] et non à la règle 19 [de ce même règlement]” et a jugé, au point 71 de l’arrêt attaqué, que, “[m]ême si [la partie intervenante en première instance] renvoyait à la règle 15 du règlement no 2868/95, elle invoquait néanmoins précisément une absence de preuve par la requérante de ses droits antérieurs, en sorte qu’il ne saurait être valablement soutenu que la chambre de recours aurait soulevé d’office cette question”. Selon la requérante, il en résulte une contradiction de motifs manifeste compte tenu de la distinction opérée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué entre les deux étapes d’examen d’une procédure d’opposition, à savoir la recevabilité de l’opposition et l’examen au fond de celle-ci.

14.      À cet égard, il ressort des points 73 et 74 de l’arrêt attaqué qu’il ne saurait être valablement soutenu que la chambre de recours a soulevé d’office l’absence de preuve par la requérante de l’existence, de la validité et de l’étendue de la marque antérieure. En effet, la partie intervenante en première instance avait déjà soutenu, antérieurement à la décision de la division d’opposition, que la requérante n’avait pas prouvé l’existence de ses droits antérieurs dans la mesure où elle avait uniquement fourni, aux fins de démontrer l’existence de la marque antérieure, une copie en noir et blanc de cette marque. En outre, ainsi que le Tribunal l’a déjà rappelé au point 74 de l’arrêt attaqué, conformément à la jurisprudence existante, la chambre de recours n’est habilitée, dans le cadre de l’examen au fond de la demande d’opposition, ni à fournir des indications concernant la production des éléments de preuve ni à aider un opposant à établir les faits, preuves ou arguments qu’il doit présenter pour démontrer l’existence de son droit antérieur (arrêt du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑122/12 P, EU:C:2013:628, point 40).

15.      Il s’ensuit que la seconde branche du deuxième moyen est manifestement non fondée.

16.      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, dans son intégralité, manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué

17.      Par son troisième moyen, la requérante invoque un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce que, au point 79 de cet arrêt, le Tribunal a conclu, en une phrase, que l’opposition devait être rejetée. Or, la requérante estime avoir produit de nombreux éléments de preuve démontrant l’usage sérieux de la marque antérieure. Selon la requérante, ces éléments de preuve n’ont ni été mentionnés par le Tribunal ni fait l’objet d’une analyse de leur appréciation par l’EUIPO.

18.      Il convient de rappeler que l’obligation de motiver les arrêts résulte de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal. Selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation d’un arrêt du Tribunal doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de celui-ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission, C‑288/11 P, EU:C:2012:821, point 83 ainsi que jurisprudence citée).

19.      Or, il convient de constater que, au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué les raisons pour lesquelles il n’y avait pas lieu d’examiner l’usage sérieux de la marque antérieure. Selon le Tribunal, il résultait déjà de l’examen des premier à troisième moyens présentés devant lui par la requérante que la chambre de recours avait considéré, à bon droit, que la preuve de l’existence de la marque antérieure n’avait pas été apportée, de sorte que l’opposition devait être rejetée sur le fondement de ce motif. En effet, les points de la décision de la chambre de recours attaqués par la requérante devant le Tribunal ne concernaient qu’un motif examiné à titre surabondant.

20.      Par conséquent, l’arrêt attaqué n’est pas entaché d’un défaut de motivation et le troisième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

21.      Dans ces circonstances, il convient de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant manifestement non fondé. »

6        En ce qui concerne la seconde branche du deuxième moyen, il importe de relever qu’il ressort du point 71 de l’arrêt attaqué, d’une part, que la partie intervenante en première instance avait déjà soutenu, antérieurement à la décision de la division d’opposition, que la requérante n’avait pas prouvé l’existence de ses droits antérieurs dans la mesure où elle avait uniquement fourni, aux fins de démontrer l’existence de sa marque antérieure, une copie en noir et blanc de cette marque. D’autre part, la partie intervenante en première instance a réitéré le grief selon lequel la requérante n’avait pas prouvé l’existence de sa marque antérieure dans le cadre de son recours formé devant la chambre de recours, dirigé contre la décision de la division d’opposition. Or, ainsi qu’il ressort du point 4 de la prise de position de M. l’avocat général, c’est la règle 19, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 qui exige que soit produit, notamment, le certificat d’enregistrement afin de permettre à l’EUIPO de disposer d’une preuve fiable de l’existence de la marque sur laquelle l’opposition est fondée. Dès lors, le Tribunal a pu constater à bon droit que, même si la partie intervenante en première instance renvoyait à la règle 15 du règlement no 2868/95, elle invoquait néanmoins précisément une absence de preuve par la requérante de ses droits antérieurs, en sorte qu’il ne saurait être valablement soutenu que la chambre de recours a soulevé d’office cette question (voir, par analogie, arrêts du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, EU:C:1998:558, point 21, et du 28 février 2019, Alfamicro/Commission, C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 41). Ainsi, le Tribunal n’a pas méconnu le principe du contradictoire et l’arrêt attaqué n’est pas entaché d’une contradiction de motifs.      

7        Dès lors, la seconde branche du deuxième moyen est, ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général au point 15 de sa prise de position, manifestement non fondée.

8        Pour les motifs exposés aux points 6 et 7 de la présente ordonnance ainsi que pour ceux retenus par M. l’avocat général dans sa prise de position, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement inopérant et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

9        En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que Aldo Supermarkets supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement inopérant et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Aldo Supermarkets supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.