Language of document : ECLI:EU:T:2016:189

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE ÉLARGIE DU TRIBUNAL

15 mars 2016 (*)

« Intervention – Demande de participation à la phase écrite de la procédure – Article 227 du règlement de procédure du Tribunal – Article 115, paragraphe 1, et article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 »

Dans l’affaire T‑577/14,

Gascogne Sack Deutschland GmbH, établie à Wieda (Allemagne),

Gascogne, établie à Saint-Paul-les-Dax (France),

représentées par Mes F. Puel et E. Durand, avocats,

parties requérantes,

contre

Union européenne, représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, représentée initialement par M. A. Placco, puis par M. J. Inghelram et Mme S. Chantre, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par les requérantes en raison de la durée déraisonnable de la procédure, devant le Tribunal, dans le cadre des affaires T‑72/06, Groupe Gascogne/Commission, et T‑79/06, Sachsa Verpackung/Commission,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE ÉLARGIE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 août 2014, les requérantes, Gascogne Sack Deutschland GmbH et Gascogne, ont introduit le présent recours contre l’Union européenne représentée par la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « Cour de justice »).

2        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 novembre 2014, la Cour de justice a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

3        Par ordonnance du 2 février 2015, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne (T‑577/14, EU:T:2015:80), le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Cour de justice.

4        Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 mars 2015, la Cour de justice a formé un pourvoi, enregistré sous la référence C‑125/15 P, contre l’ordonnance Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne, point 3 supra (EU:T:2015:80).

5        Par ordonnance du 14 avril 2015, le président de la troisième chambre du Tribunal a, à la demande de la Cour de justice, suspendu la procédure dans la présente affaire jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant depuis lors donné lieu à l’ordonnance du 18 décembre 2015, Cour de justice/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne (C‑125/15 P, EU:C:2015:859).

6        Par ordonnance Cour de justice/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne, point 5 supra (EU:C:2015:859), l’affaire a été radiée du registre de la Cour.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2016, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Cour de justice.

8        La demande d’intervention a été signifiée aux parties principales conformément à l’article 144, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La Cour de justice et les requérantes ont déposé leurs observations, respectivement, les 1er et 17 février 2016.

 Sur la demande d’intervention

9        La Commission fait valoir que le délai de six semaines, dans lequel une demande d’intervention doit être présentée et qui est visé à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure, ne saurait être appliqué à sa demande d’intervention.

10      Les requérantes soulèvent des objections à cet égard. Pour sa part, la Cour de justice soutient la demande d’intervention.

11      À titre liminaire, il convient de relever que, en vertu de l’article 227, paragraphe 6, du règlement de procédure, les dispositions de l’article 115, paragraphe 1, et de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991 restent applicables aux recours pendants devant le Tribunal avant le 1er juillet 2015.

12      Ainsi, les dispositions de l’article 115, paragraphe 1, et de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991 sont applicables au présent recours.

13      Aux termes de l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la demande d’intervention est présentée au plus tard soit avant l’expiration d’un délai de six semaines qui prend cours à la publication visée par l’article 24, paragraphe 6, de ce règlement, soit, sous réserve de l’article 116, paragraphe 6, dudit règlement, avant la décision d’ouvrir la phase orale de la procédure prévue à l’article 53 du même règlement.

14      L’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991 dispose que, si la demande d’intervention a été présentée après l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, dudit règlement, l’intervenant peut, sur la base du rapport d’audience qui lui est communiqué, présenter ses observations lors de la phase orale de la procédure.

15      Il résulte de ces dispositions que les droits procéduraux de l’intervenant sont différents selon que celui-ci a présenté sa demande d’intervention avant l’expiration du délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991 ou après l’expiration de ce délai mais avant la décision d’ouvrir la phase orale de la procédure. En effet, lorsque l’intervenant a présenté sa demande avant l’expiration de ce délai, il est en droit de participer tant à la phase écrite de la procédure qu’à la phase orale de la procédure, de recevoir communication des actes de procédure et de présenter un mémoire en intervention. En revanche, lorsque l’intervenant a présenté sa demande après l’expiration dudit délai, il est uniquement en droit de participer à la phase orale de la procédure, de recevoir communication du rapport d’audience et de présenter ses observations sur la base de celui-ci lors de l’audience (arrêt du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, Rec, EU:C:2009:191, point 36).

16      Ces dispositions présentant un caractère impératif, elles ne sont à la disposition ni des parties, ni même du juge (ordonnances du 28 avril 2005, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec, EU:T:2005:149, point 42, et du 23 mai 2014, SNCF/Commission, T‑242/12, EU:T:2014:313, point 44).

17      En l’espèce, la communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991 a été publiée le 6 octobre 2014. Il est donc manifeste que la demande d’intervention, déposée par la Commission, a été présentée après l’expiration du délai de six semaines visé à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement, augmenté du délai de distance prévu à l’article 102, paragraphe 2, dudit règlement.

18      Dans ces conditions, et dans la mesure où le Tribunal n’a pas encore adopté la décision d’ouvrir la phase orale de la procédure dans la présente affaire, la Commission peut uniquement prétendre aux droits procéduraux prévus par l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

19      La Commission fait valoir, premièrement, qu’elle n’a pas demandé à intervenir dans le délai de six semaines à compter de la publication au Journal officiel du résumé de la requête introductive d’instance, au motif qu’elle était informée, depuis le 10 septembre 2014, de la position de la Cour de justice exprimée, d’abord, dans l’exception d’irrecevabilité soulevée dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 janvier 2015, Kendrion/Union européenne (T‑479/14, EU:T:2015:2), et, ensuite, dans l’exception d’irrecevabilité soulevée dans la présente affaire. Deuxièmement, la Commission souligne qu’elle a été admise à intervenir dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Cour de justice/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne, point 5 supra (EU:C:2015:859), et que c’est uniquement à partir du 6 janvier 2016, date à laquelle ladite ordonnance lui a été signifiée, qu’elle a été en mesure de présenter des arguments au soutien des conclusions de la Cour de justice.

20      À cet égard, il convient de relever que l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice prévoit qu’aucune déchéance tirée de l’expiration des délais ne peut être opposée lorsque l’intéressé établit l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.

21      Selon une jurisprudence constante, l’application stricte des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure répond à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêts du 12 juillet 1984, Ferriera Valsabbia/Commission, 209/83, Rec, EU:C:1984:274, point 14, et du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, Rec, EU:C:2015:407, point 14).

22      L’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice, qui fait exception à ce principe et doit donc être interprété strictement, s’applique aux délais de procédure à caractère impératif dont l’expiration entraîne la déchéance du droit jusqu’alors ouvert à une personne physique ou morale d’introduire un recours ou de présenter une demande d’intervention (ordonnances Microsoft/Commission, point 16 supra, EU:T:2005:149, point 48, et SNCF/Commission, point 16 supra, EU:T:2014:313, point 51).

23      Pour autant que l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice s’applique également au délai de six semaines prévu par l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, dont l’expiration entraîne, non pas la déchéance du droit de présenter une demande d’intervention, mais, comme en l’espèce, la limitation des droits procéduraux conférés à l’intervenant, il est de jurisprudence constante que ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, que cet article permet de déroger aux dispositions relatives aux délais de procédure (voir ordonnance Microsoft/Commission, point 16 supra, EU:T:2005:149, point 49 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, la Commission se limite à mentionner les circonstances particulières de la présente affaire et n’invoque pas expressément l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.

25      Ainsi, les arguments de la Commission, tirés uniquement des circonstances particulières de la présente affaire, ne sauraient justifier de déroger au délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

26      En tout état de cause, et à supposer que la Commission ait entendu se prévaloir d’un cas fortuit ou de force majeur, il y a lieu de rappeler que les notions de cas fortuit et de force majeure comportent, d’une part, un élément objectif tenant à l’existence d’un événement anormal et étranger à la volonté de l’intéressé et, d’autre part, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de cet événement en prenant des mesures appropriées et, en particulier, en surveillant le déroulement de la procédure et en faisant preuve de diligence (voir ordonnance Microsoft/Commission, point 16 supra, EU:T:2005:149, point 50 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Cour de justice dans la présente affaire est certes un événement étranger à la volonté de la Commission.

28      Toutefois, d’une part, cette exception d’irrecevabilité ne constitue pas un événement anormal.

29      En effet, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Cour de justice constitue un incident de procédure expressément prévu à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

30      Par ailleurs, il ressort de l’article 24, paragraphe 7, du règlement de procédure du 2 mai 1991 que la transmission à la Commission d’une copie de la requête et du mémoire en défense ou, en l’occurrence, d’une copie de l’exception d’irrecevabilité est prévue uniquement pour permettre à la Commission de constater si l’inapplicabilité d’un de ses actes est invoquée au sens de l’article 277 TFUE.

31      D’autre part, la Commission ne démontre pas qu’elle s’est acquittée de l’obligation qui lui incombait de se prémunir contre les conséquences de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Cour de justice.

32      À cet égard, la Commission ne démontre pas, par exemple, qu’elle a cherché, dans le délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, à déposer une demande d’intervention dont la rédaction aurait été adaptée aux circonstances de l’espèce. En effet, il était loisible à la Commission de demander, dans le délai de six semaines susmentionné, à intervenir au soutien des conclusions de la Cour de justice dans l’hypothèse où l’exception d’irrecevabilité soulevée par cette dernière aurait été rejetée (ordonnance du 8 mai 1985, Koyo Seiko/Conseil et Commission, 256/84, Rec, EU:C:1985:178 ; ordonnance du 8 mai 1985, Koyo Seiko/Conseil et Commission, 256/84, non publiée ; ordonnance du 12 mai 2009, CHEMK et KF/Conseil et Commission, T‑190/08, EU:T:2009:154, point 9, et arrêt du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, EU:T:2011:477, point 36).

33      En second lieu, la circonstance que la Commission a été admise à intervenir devant la Cour, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Cour de justice/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne, point 5 supra (EU:C:2015:859), est sans incidence sur les droits procéduraux de la Commission dans le cadre de la présente procédure.

34      En effet, d’une part, la procédure dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Cour de justice/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne, point 5 supra (EU:C:2015:859), a pris fin à la suite de la radiation de cette affaire du registre de la Cour, consécutive au désistement de la Cour de justice. C’est ainsi que, dans la présente affaire, la procédure a repris au stade où elle se trouvait avant sa suspension (voir point 5 ci-dessus).

35      D’autre part, le désistement de la Cour de justice et la radiation consécutive de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Cour de justice/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne, point 5 supra (EU:C:2015:859), du registre de la Cour ne sauraient être qualifiés d’événements anormaux dans la mesure où ils sont prévus à l’article 148 du règlement de procédure de la Cour.

36      En outre, il ressort des points 31 et 32 ci-dessus que la Commission n’a pas mis en œuvre toutes les diligences pour demander à intervenir dans le délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

37      Par conséquent, la Commission n’a pas démontré l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure qui justifierait de déroger au délai de six semaines prévu à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

38      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, les droits de la Commission seront ceux prévus à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE ÉLARGIE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La Commission européenne est admise à intervenir dans l’affaire T‑577/14, au soutien des conclusions de la Cour de justice de l’Union européenne.

2)      La Commission pourra présenter ses observations lors de la phase orale de la procédure, sur la base du rapport d’audience qui lui sera communiqué par les soins du greffier.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 mars 2015.

Le greffier

 

             Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : le français.