Language of document : ECLI:EU:C:2019:946

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

31 octobre 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Lettre du Conseil de l’Union européenne déclarant son incompétence pour modifier le règlement de procédure de la Cour – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité manifeste du recours en première instance – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑408/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 mai 2019,

Hochmann Marketing GmbH, établie à Neu-Isenburg (Allemagne), représentée par Me J. Jennings, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, faisant fonction de président de chambre, MM. C. Vajda et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Hochmann Marketing GmbH demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2019, Hochmann Marketing/Conseil (T‑657/18, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:188), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant manifestement irrecevable son recours tendant, d’une part, à obtenir l’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre du 17 septembre 2018, que le Conseil de l’Union européenne lui avait adressée et dans laquelle ce dernier s’était déclaré incompétent pour modifier le règlement de procédure de la Cour, ainsi que, d’autre part, à adresser des injonctions à cette institution de l’Union européenne.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 novembre 2018, la requérante a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision qui aurait été prétendument contenue dans la lettre du 17 septembre 2018 que lui avait adressée le Conseil et dans laquelle ce dernier s’était déclaré incompétent pour modifier le règlement de procédure de la Cour ainsi que, d’autre part, à adresser des injonctions à cette institution de l’Union. La requérante avait en effet demandé au Conseil qu’il modifie ou, à tout le moins, qu’il propose la modification de ce règlement de procédure et, en particulier, de l’article 181 de celui-ci.

3        Au soutien de son recours, la requérante avait fait valoir des « divergences » entre ledit règlement de procédure et le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui lui auraient causé un préjudice en raison du rejet de son pourvoi par l’ordonnance du 28 juin 2018, Hochmann Marketing/EUIPO (C‑118/18 P, non publiée, EU:C:2018:522), sur le fondement de l’article 181 du même règlement de procédure.

4        Le Tribunal a fait application de l’article 126 de son règlement de procédure et a adopté l’ordonnance attaquée, en considérant que le recours dont il était saisi était manifestement irrecevable.

5        Le Tribunal a rappelé, au point 9 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci.

6        À cet égard, le Tribunal a rappelé, aux points 12 et 13 de l’ordonnance attaquée, la procédure selon laquelle le règlement de procédure de la Cour est arrêté.

7        Le Tribunal en a conclu, au point 14 de l’ordonnance attaquée, que le Conseil n’était pas compétent pour proposer une modification du règlement de procédure de la Cour ni, a fortiori, pour le modifier lui-même, comme la requérante le demandait à celui-ci. Le Conseil n’était donc pas en mesure d’adopter un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à modifier de façon caractérisée sa situation juridique à la suite du rejet de son pourvoi par l’ordonnance du 28 juin 2018, Hochmann Marketing/EUIPO (C‑118/18 P, non publiée, EU:C:2018:522), sur le fondement de l’article 181 du même règlement de procédure.

8        Le Tribunal a ainsi rejeté le recours dont il était saisi comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il fût nécessaire de se prononcer sur la demande d’injonction formulée par la requérante.

 Les conclusions de la requérante

9        Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée et

–        de condamner le Conseil aux dépens.

 Sur le pourvoi

10      En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

11      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

12      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La requérante fait valoir à cet égard que son argumentation relative à la possibilité pour le Conseil de remédier à la divergence existant entre l’article 181 du règlement de procédure de la Cour et l’article 59, paragraphe 2, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas été prise en considération par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée.

 Argumentation de la requérante

13      Afin de démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit en violant son droit à être entendue, la requérante fait, tout d’abord, valoir, aux points 40 à 68 de son pourvoi, que la lettre du Conseil du 17 septembre 2018 contenait des indications erronées.

14      Ensuite, la requérante allègue, au point 72 de ce pourvoi, que le Tribunal a violé son droit à être entendue, au motif qu’il n’aurait pas pris connaissance de l’intégralité de son argumentation. En particulier, elle précise, aux points 77 à 79 dudit pourvoi, qu’elle ne contestait pas que le Conseil fût incompétent pour modifier le règlement de procédure de la Cour, mais faisait valoir que cette institution de l’Union pouvait, à tout le moins indirectement, faire en sorte que ce règlement de procédure soit modifié.

15      Enfin, la requérante reproche au Tribunal, aux points 81 et 82 du même pourvoi, de ne pas avoir demandé au Conseil de présenter ses observations et d’avoir mis fin arbitrairement à la procédure, en faisant application de l’article 126 de son règlement de procédure.

 Appréciation de la Cour

16      Il y a lieu de relever que le Tribunal a rejeté le recours dont il était saisi comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il fût nécessaire de se prononcer sur la demande d’injonction formulée par la requérante, au motif qu’il était dirigé contre un acte qui n’était pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

17      À ce titre, le Tribunal a indiqué, au point 14 de l’ordonnance attaquée, que le Conseil n’était pas en mesure d’adopter un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à modifier de façon caractérisée la situation de la requérante à la suite du rejet du pourvoi qu’elle avait introduit dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 juin 2018, Hochmann Marketing/EUIPO (C‑118/18 P, non publiée, EU:C:2018:522), dans la mesure où cette institution n’était compétente ni pour proposer une modification du règlement de procédure de la Cour ni pour le modifier elle-même.

18      À cet égard, ainsi que le Tribunal l’a rappelé à juste titre aux points 9 à 13 de cette ordonnance, il résulte d’une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui visent à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Total et Elf Aquitaine, C-351/15 P, EU:C:2017:27, point 36 et jurisprudence citée). En outre, il ressort de l’article 253, sixième alinéa, TFUE que la Cour établit son règlement de procédure, lequel est soumis à l’approbation du Conseil.

19      Il convient d’ajouter que, dans son pourvoi, la requérante se borne à faire valoir que le Tribunal n’a pas pris en considération l’ensemble des arguments de fond qu’elle avait invoqués dans le cadre de son recours introduit en première instance et que, en faisant application de l’article 126 de son règlement de procédure, le Tribunal a porté atteinte à son droit à être entendue.

20      S’agissant de l’absence de prise en considération par le Tribunal de l’ensemble des arguments de fond invoqués par la requérante dans le cadre de son recours introduit en première instance, en particulier ceux relatifs aux indications erronées figurant dans la lettre du Conseil, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence également constante, un pourvoi doit indiquer de façon claire et précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à ces exigences un moyen ne comportant aucune argumentation juridique visant à démontrer une erreur de droit et qui constitue une simple demande de réexamen de la requête présentée en première instance (ordonnance du 6 avril 2017, Gaki/Parlement, C‑610/16 P, non publiée, EU:C:2017:289, point 13 et jurisprudence citée).

21      Or, il y a lieu de constater que les arguments invoqués par la requérante aux points 48 à 60 de son pourvoi sont la reproduction mot pour mot de ceux qu’elle avait invoqués dans le cadre du recours introduit en première instance, celle-ci n’identifiant précisément aucune erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal ni ne développant aucune argumentation spécifique à cet égard. Dans ces conditions, une telle argumentation est manifestement irrecevable.

22      Dans la mesure où les arguments invoqués aux points 76 à 79 de ce pourvoi visent à critiquer le point 14 de l’ordonnance attaquée, il y a lieu également de les rejeter. Selon la requérante, le Conseil aurait pu faire usage de son pouvoir d’approbation du règlement de procédure de la Cour, en vertu de l’article 253, sixième alinéa, TFUE, ou de la possibilité qui lui est reconnue, en vertu de l’article 241 TFUE, de demander à la Commission européenne de procéder avec le Parlement européen à des modifications du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en vue d’amener la Cour à adapter son règlement de procédure. À cet égard, il suffit de constater que ces arguments ne permettent pas d’établir une quelconque erreur de droit dans le raisonnement suivi par le Tribunal au point 14 de l’ordonnance attaquée, selon lequel le Conseil n’était pas compétent pour proposer une modification du règlement de procédure de la Cour, ce qui, d’ailleurs, n’est pas contesté par la requérante, ainsi que cela ressort explicitement du point 76 du pourvoi. En effet, d’une part, le pouvoir d’approbation d’un règlement n’équivaut aucunement au pouvoir de le modifier. D’autre part, le fait de demander à la Commission de proposer une modification du statut de la Cour de justice de l’Union européenne n’implique nullement que le Conseil puisse modifier le règlement de procédure de la Cour.

23      Quant à l’allégation figurant au point 80 dudit pourvoi, selon laquelle le Tribunal aurait omis de statuer sur lesdits arguments, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal, conformément à l’article 36 du statut de la Cour du justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et aux articles 117 et 119 du règlement de procédure du Tribunal, n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, de telle sorte que la motivation du Tribunal peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, ordonnance du 6 juin 2013, Transports Schiocchet – Excursions/Conseil et Commission, C‑397/12 P, non publiée, EU:C:2013:372, point 37 et jurisprudence citée).

24      Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit au motif qu’il n’a pas répondu à l’intégralité des arguments de la requérante, dès lors que, en application de l’article 126 de son règlement de procédure, celui-ci peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable. En l’espèce, en déclarant l’irrecevabilité manifeste du recours dont il était saisi, le Tribunal a statué au regard des conditions de recevabilité de ce recours.

25      Quant à la prétendue violation du droit d’une partie à être entendue, tel qu’il est consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, violation qui résulterait de l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de rappeler que l’application de la procédure prévue à cette disposition ne porte pas atteinte, par elle-même, à une procédure juridictionnelle régulière et effective, dès lors que cette disposition n’est applicable qu’aux affaires dans lesquelles le recours soumis au Tribunal est manifestement irrecevable (voir, par analogie, ordonnance du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, EU:C:2005:355, point 9, ainsi que arrêt du 19 février 2009, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, C‑308/07 P, EU:C:2009:103, point 36).

26      Ainsi, l’application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal ne garantit pas le déroulement d’une phase orale, celui-ci pouvant statuer au terme d’une procédure uniquement écrite (voir, par analogie, arrêt du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C‑417/04 P, EU:C:2006:282, point 37, ainsi que ordonnance du 4 mai 2016, Pannonhalmi Főapátság/Parlement, C‑607/15 P, non publiée, EU:C:2016:329, point 21).

27      Or, le Tribunal ayant statué non pas sur le fond, mais sur la recevabilité du recours dont il était saisi, il apparaît que celui-ci a pu fonder sa décision sur des informations qui étaient suffisantes et figuraient dans la requête, sans qu’il fût nécessaire d’entendre le Conseil en ses explications orales.

28      En outre, et pour autant que la requérante semble soutenir que le Tribunal aurait dû demander au Conseil de présenter des observations qui auraient permis d’éclaircir les faits, il suffit de rappeler que le droit de la partie requérante à être entendue n’implique nullement une obligation de faire participer la partie défenderesse à la procédure.

29      En tout état de cause, afin de contester une ordonnance adoptée en application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, il appartenait à la requérante de démontrer que le Tribunal avait considéré à tort que les conditions d’application de cette disposition étaient réunies, ce qu’elle n’a pas fait.

30      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

31      En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

32      En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse en première instance et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Hochmann Marketing GmbH supporte ses propres dépens

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.