Language of document : ECLI:EU:F:2012:147

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

25 octobre 2012 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Taxe sur la valeur ajoutée »

Dans l’affaire F‑50/09 DEP,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens récupérables au titre de l’article 92 du règlement de procédure,

Livio Missir Mamachi di Lusignano, demeurant à Kerkhove-Avelgem (Belgique), agissant tant en son nom propre qu’en qualité de représentant légal des héritiers d’Alessandro Missir Mamachi di Lusignano, son fils, ancien fonctionnaire de la Commission européenne,

représenté par Mes F. Di Gianni, G. Coppo et A. Scalini, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, initialement représentée par M. D. Martin et Mmes L. Pignataro-Nolin et B. Eggers, en qualité d’agents, puis par M. D. Martin et Mme L. Pignataro-Nolin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

composé de MM. H. Kreppel (rapporteur), président, E. Perillo et R. Barents, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2012, M. Missir Mamachi di Lusignano a saisi le Tribunal de la présente demande de taxation des dépens de l’affaire F‑50/09, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, au titre de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure.

 Faits et procédure

2        Par arrêt du 12 mai 2011, Missir Mamachi di Lusignano/Commission (F‑50/09, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑401/11 P), le Tribunal a rejeté le recours introduit par M. Missir Mamachi di Lusignano tendant à ce que la Commission européenne soit condamnée à réparer les préjudices patrimoniaux et non patrimoniaux résultant de l’assassinat de son fils et de sa belle fille, mais a mis la totalité des dépens à la charge de la Commission européenne.

3        Pour justifier la condamnation de la Commission aux dépens du requérant, en plus de ses propres dépens, le Tribunal s’est fondé sur les éléments suivants, figurant aux points 230 à 232 de l’arrêt Missir Mamachi di Lusignano/Commission, précité :

« 230       Dans la présente instance, la Commission a, en dépit des raisons légitimes de confidentialité qu’elle a fait valoir, considérablement retardé le déroulement du procès, en refusant, dans un premier temps, de communiquer au Tribunal certains documents et informations et en contraignant le Tribunal à organiser une seconde audience. La Commission a également, sur plusieurs points, donné au Tribunal des réponses inexactes, en particulier en prétendant qu’il n’existait aucun texte relatif aux mesures de sécurité applicables aux logements du personnel des délégations dans les pays tiers et que les mesures évoquées par l’auteur de la réponse écrite du 6 août 2007 n’auraient eu aucune pertinence pour des faits commis l’année précédente. L’opposition de la Commission, finalement levée lors de la seconde audience, à ce que le Tribunal puisse prendre en considération le document de 2006 sur les normes et critères de sécurité, document important pour le règlement du litige, a reflété une attitude peu compatible avec les règles d’un procès équitable. Un tel comportement de la Commission, dans une affaire aussi douloureuse pour le requérant, est d’autant moins approprié que l’institution avait, avant l’introduction de l’instance, fait preuve de dignité et de sollicitude.

231      Par ailleurs, le requérant a pu se croire fondé à introduire son recours. D’une part, le Tribunal a constaté que la Commission avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. D’autre part, l’attitude adoptée par la Commission en cours d’instance a pu convaincre le requérant que l’institution lui avait dissimulé une partie des causes de l’assassinat de son fils et de sa belle-fille.

232      En conséquence, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en mettant à la charge de la Commission, outre ses propres dépens, les dépens raisonnables et dûment justifiés du requérant. »

4        Par courrier du 16 juin 2011, les avocats du requérant ont demandé à la Commission de procéder au paiement des honoraires et frais exposés dans le cadre de l’affaire F‑50/09 pour un montant de 76 023,05 euros.

5        Par courrier du 29 juillet 2011, les avocats du requérant ont communiqué à la Commission plusieurs documents, tels des factures et un relevé détaillé des heures de travail qu’ils auraient consacrées au litige au principal.

6        Par courrier du 25 octobre 2011, la Commission a considéré que la somme sollicitée par les avocats du requérant était manifestement déraisonnable quant à son montant. Toutefois, compte tenu du caractère spécifique de l’affaire en cause, elle s’est déclarée disposée à verser les sommes de 18 000 euros au titre des honoraires et de 1 040,70 euros au titre des frais de voyage et de séjour ainsi qu’au titre des frais administratifs, soit un montant total de 19 040,70 euros.

7        Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 16 février 2012, le requérant a saisi le Tribunal de la présente demande de taxation des dépens.

8        Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 17 avril 2012, la Commission a présenté ses observations sur cette demande.

 Conclusions des parties

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer à 75 976,75 euros le montant des dépens dus par la Commission dans l’affaire F‑50/09.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer à 19 040,70 euros le montant des dépens dus par la Commission au requérant dans l’affaire F‑50/09.

 En droit

 Arguments des parties

11      Le requérant fait valoir que les frais indispensables aux fins de la procédure se seraient élevés à la somme de 75 976,75 euros, soit 61 750 au titre des seuls honoraires d’avocat, 1 040,70 euros au titre des frais divers de procédure (frais de déplacement et frais administratifs) et 13 186,05 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA ») sur les honoraires d’avocat et frais de procédure susmentionnés.

12      S’agissant plus particulièrement des honoraires d’avocat, le requérant souligne que le montant sollicité se justifie par le caractère particulièrement complexe de l’affaire au principal, par le fait que deux audiences ont été tenues au siège du Tribunal à Luxembourg (Luxembourg), par la nécessité pour ses avocats de se déplacer plusieurs fois au greffe du Tribunal et, enfin, par le comportement de la Commission qui a considérablement ralenti le déroulement de la procédure et a rendu nécessaire un investissement considérable en temps et en ressources de la part de ses avocats. Le requérant en déduit que le nombre d’heures que ses avocats ont consacrées au litige, soit 351 heures, ne serait pas excessif et correspondrait à la particularité et à la complexité du litige.

13      En défense, la Commission rétorque que le recours n’a pas soulevé des problèmes juridiques particulièrement complexes ou inédits et propose que le nombre d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure soit fixé à 100, pour un tarif horaire de 180 euros.

14      S’agissant des autres frais de la procédure, la Commission rappelle qu’elle aurait déjà exprimé, dans sa lettre du 25 octobre 2011, son accord pour les prendre en charge.

15      Enfin, la Commission souligne que, conformément à la jurisprudence, le requérant n’aurait pas droit au remboursement de la TVA.

 Appréciation du Tribunal

 Observations préliminaires

16      En premier lieu, aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération du représentant, s’ils sont indispensables ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins. Par ailleurs, il appartient au requérant de produire des justificatifs de nature à établir la réalité des frais dont il demande le remboursement (ordonnances du Tribunal du 10 novembre 2009, X/Parlement, F‑14/08 DEP, point 21, et du 26 avril 2010, Schönberger/Parlement, F‑7/08 DEP, point 23).

17      En deuxième lieu, il ressort d’une jurisprudence constante que le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le juge de l’Union n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnances du Tribunal X/Parlement, précitée, point 22 ; Schönberger/Parlement, précitée, point 24, et du 27 septembre 2011, De Nicola/BEI, F‑55/08 DEP, point 41).

18      En troisième lieu, il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions de nature tarifaire dans le droit de l’Union, le juge doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu nécessiter de la part des agents ou conseils qui sont intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnances X/Parlement, précitée, point 23 ; Schönberger/Parlement, précitée, point 25, et De Nicola/BEI, précitée, point 41).

19      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 En ce qui concerne les honoraires d’avocat

20      S’agissant des conditions tenant à la nature et à l’objet du litige et aux difficultés de la cause, il convient de relever que si, de par sa nature et son objet, l’affaire au principal constituait une affaire de fonction publique, elle n’en présentait pas moins d’évidentes particularités et soulevait des questions délicates, pour certaines inédites. Ainsi, au centre de celle-ci se trouvait posée la question de la méconnaissance par la Commission de son obligation d’assurer la sécurité du personnel des délégations dans les pays tiers, question d’autant plus difficile à traiter pour l’avocat du requérant que les dispositions légales organisant le cadre juridique de cette obligation ne lui étaient pas accessibles. Par ailleurs, l’affaire soulevait d’autres points de droit complexes, telles les conséquences, sur la responsabilité d’une institution, du fait d’un tiers, ou l’éventuelle responsabilité sans faute d’une institution.

21      En ce qui concerne l’ampleur du travail lié à la procédure devant le Tribunal, il appartient au juge de tenir compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de cette procédure (ordonnance Schönberger/Parlement, précitée, point 29).

22      En l’espèce, s’il est vrai que la procédure écrite n’a comporté qu’un seul échange de mémoires, la longueur et le caractère particulièrement argumenté de la requête mettent en évidence que la défense du requérant a effectué un travail inhabituel pour une affaire de responsabilité. En outre, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, les conseils du requérant ont envoyé plusieurs notes et courriers au Tribunal, dont certains, en particulier la note du 12 avril 2010, contenaient des observations amples et argumentées. Par ailleurs, les réponses apportées par la Commission aux nombreuses questions qui lui ont été posées par le Tribunal ont exigé de la défense du requérant un travail important d’analyse et de recherche.

23      Enfin, outre que les représentants du requérant ont dû se rendre à Luxembourg non seulement pour assister aux deux audiences organisées dans le cadre de l’affaire au principal (les 15 décembre 2009 et 8 décembre 2010), ils ont également été amenés, à plusieurs reprises, à se rendre au greffe du Tribunal pour consulter des documents confidentiels communiqués par la Commission et pertinents pour la solution du litige.

24      En ce qui concerne l’intérêt économique du litige, il convient de souligner que celui-ci revêtait une grande importance pour le requérant, puisque ce dernier entendait obtenir, au profit des ayants droit de son fils et de sa belle-fille, la réparation d’un préjudice patrimonial et non patrimonial qu’il évaluait à une somme de près de trois millions d’euros.

25      Pour autant, si le requérant évalue à 351 le nombre d’heures qui, de son point de vue, étaient objectivement indispensables aux fins de la procédure, une telle évaluation apparaît excessive.

26      À cet égard, alors que les notes d’honoraires produites par le requérant mettent en évidence que trois avocats ont travaillé sur l’affaire au principal et lui ont facturé des honoraires, il n’est pas établi que le recours à trois avocats fût justifié par la nature et la complexité du litige. En tout état de cause, le Tribunal rappelle la jurisprudence selon laquelle il appartient au juge de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (ordonnances du Tribunal de première instance du 30 octobre 1998, Kaysersberg/Commission, T‑290/94 DEP, point 20, et du 26 janvier 2006, Camar/Conseil et Commission, T‑79/96 DEP et T‑260/97 DEP, point 66).

27      Il importe également de souligner que la réclamation introduite par le requérant en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne avait été rédigée par l’un des avocats qui ont assisté le requérant dans le cadre du recours qui a suivi. Cet avocat avait donc pu acquérir une connaissance approfondie du dossier lors de la phase précontentieuse, connaissance qui a nécessairement facilité son travail dans l’affaire au principal et, en particulier, a réduit le temps consacré à la préparation de la requête.

28      Enfin, il y a lieu de rappeler que c’est l’attitude dont la Commission a fait preuve au cours de la procédure ayant conduit à l’arrêt au principal, attitude que le Tribunal a dénoncée dans ledit arrêt, qui explique, pour partie, l’importance du travail que la défense du requérant a dû consacrer à l’aspect procédural du dossier (voir point 3 de la présente ordonnance).

29      Ainsi, dans les circonstances particulières de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de l’ampleur du travail objectivement indispensable aux fins de la procédure en fixant le nombre total d’heures de travail à 200.

30      Un tarif horaire de 215 euros peut être retenu comme reflétant la rémunération raisonnable des prestations nécessitées par une affaire de fonction publique présentant une difficulté certaine, difficulté mise en évidence en particulier par l’ampleur (232 points) de l’arrêt au principal.

31      À cet égard, c’est à bon droit que le requérant fait valoir que, au titre des dépens récupérables, il a droit au paiement des honoraires, TVA comprise, que le Tribunal considère comme exposés aux fins de la procédure. En effet, le requérant n’étant pas assujetti à cette taxe, il ne dispose pas de la possibilité de récupérer la TVA payée sur les services que lui ont facturés ses avocats (voir ordonnance du Tribunal de première instance du 8 juillet 2004, De Nicola/BEI, T‑7/98 DEP, T‑208/98 DEP et T‑109/99 DEP, point 37). Ainsi, la TVA payée sur les honoraires jugés indispensables représente pour le requérant des frais exposés aux fins de la procédure au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure.

32      En conséquence, les honoraires d’avocat indispensables exposés par le requérant aux fins de l’affaire F‑50/09 doivent être évalués à la somme de 43 000 euros (soit 200, le nombre d’heures multiplié par 215, le taux horaire en euros), cette somme prenant en compte la TVA que l’intéressé a dû régler à ses avocats.

 En ce qui concerne les frais de procédure

33      Le requérant demande au Tribunal de fixer à 1 040,70 euros, somme à majorer de la TVA au taux de 21 %, le montant des frais de procédure qui auraient été indispensables aux fins de la procédure.

34      L’existence et le montant de tels frais n’étant pas contestés par la Commission, laquelle a, au contraire, exprimé son accord sur cette demande, il y a lieu de faire droit aux prétentions du requérant.

35      Par suite, les frais de procédure indispensables exposés par le requérant dans l’affaire au principal doivent être retenus pour un montant de 1 259,25 euros.

36      Il résulte de ce qui précède que le montant total des dépens récupérables par le requérant auprès de la Commission au titre de l’affaire F‑50/09 s’élève à la somme de 44 259,25 euros.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

Le montant des dépens récupérables par M. Missir Mamachi di Lusignano auprès de la Commission européenne au titre de l’affaire F‑50/09 s’élève à la somme de 44 259,25 euros.

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’italien.