Language of document : ECLI:EU:T:2012:165

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 mars 2012 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Registres des assistants d’anciens membres du Parlement européen – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel – Règlement (CE) n° 45/2001 »

Dans l’affaire T‑190/10,

Kathleen Egan et Margaret Hackett, demeurant respectivement à Athboy (Irlande) et à Borris-in-Ossory (Irlande), représentées par M. K. Neary, solicitor, M. C. MacEochaidh, SC, et Mme J. Goode, barrister,

parties requérantes,

soutenues par

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté initialement par MM. H. Kranenborg et H. Hijmans, puis par M. Kranenborg et Mme I. Chatelier, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Lorenz, N. Görlitz et D. Moore, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement européen du 12 février 2010, dans la mesure où elle refuse d’accorder aux requérantes l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement européen,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 novembre 2011,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Mmes Kathleen Egan et Margaret Hackett, les requérantes, prétendent avoir exercé les fonctions d’assistantes auprès d’anciens membres du Parlement européen, à savoir, respectivement, M. James (Jim) Fitzsimons, de juin 1984 à juin 2004, et M. Liam Hyland, de juin 1994 à juin 2004, avec une interruption d’activité entre juin 1997 et juillet 1998. À la cessation de leurs fonctions, les requérantes auraient découvert qu’elles ne recevraient aucune pension.

2        Entre 2005 et 2009 s’est engagée une importante correspondance entre les requérantes et le Parlement. Une lettre du 11 mai 2006 du Parlement a informé les requérantes de l’existence de deux documents concernant des demandes d’allocations d’assistance parlementaire, déposées par MM. Fitzsimons et Hyland pour deux personnes autres que les requérantes. La lettre précisait toutefois que les requérantes ne pouvaient, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), y avoir accès.

3        Le 16 décembre 2009, les requérantes ont adressé au Parlement une lettre demandant l’accès à certains documents (ci-après la « demande initiale ») dans les termes suivants :

« Premièrement, nous souhaitons obtenir une copie des règles régissant le paiement des frais et des indemnités des membres dans leur version actuelle et dans leur version au 1er janvier 1984, et toute modification apportée à celles-ci dans l’intervalle […].

Deuxièmement, nous souhaitons obtenir toutes les instructions accompagnant et/ou complétant lesdites règles, dans leur version actuelle et dans chacune de leurs versions antérieures, et en particulier les documents émis par le collège des questeurs eu égard à ces règles régissant le paiement des frais et des indemnités des membres.

Troisièmement, nous souhaitons obtenir une copie des fondements légaux sur la base desquels lesdites règles et ou lesdites instructions sont ou ont été adoptées.

Pour qu’il ne subsiste aucun doute, précisons qu’en ce qui concerne les trois demandes ci-dessus nous souhaitons obtenir l’ensemble des documents du Parlement en vigueur depuis le 1er janvier 1984 régissant le paiement des frais et indemnités des membres.

Quatrièmement, nous voudrions faire référence à nos demandes antérieures, et à vos refus antérieurs, de communication du nom des prestataires de services engagés par M. Liam Hyland du 19 août 1994 au 31 décembre 2000, et par M. Jim Fitzsimons du 27 août 1984 au 31 décembre 2000. Nous réitérons notre demande de communication des mêmes noms.

Pour qu’il ne subsiste aucun doute, précisons que nous souhaitons obtenir ces informations aux fins spécifiques, explicites et légitimes de, notamment, i) nous permettre de finaliser la procédure juridique contre les membres précités et contre l’Union européenne au titre de l’article 340, paragraphe 1, TFUE, ii) nous permettre de finaliser la procédure juridique contre l’Union européenne au titre de l’article 340, paragraphe 2, TFUE, et iii) nous permettre de confirmer qui lesdits membres ont fait inscrire comme assistants parlementaires auprès du Parlement européen, en sorte qu’une décision puisse être prise sur l’éventualité de joindre ces personnes au litige.

Cinquièmement, nous référant au point 9 de la communication du 20 novembre 2009 du Parlement européen, Collège des questeurs, nous souhaitons obtenir toutes les listes de noms des assistants parlementaires, qui sont ou devraient être ouvertes au public en vue de leur examen.

Sixièmement, nous référant à la note 22 des règles régissant le paiement des frais et des indemnités des membres (version 2003), faisant elle‑même référence aux règles régissant l’accréditation des assistants adoptées par le Bureau le 26 septembre 1988, nous souhaitons obtenir toutes les listes de noms des assistants dits ‘assistants accrédités’ et en particulier de tout assistant accrédité associé aux anciens membres Liam Hyland et Jim Fitzsimons.

Septièmement, nous souhaitons obtenir toutes les listes publiques d’assistants qui étaient ou auraient dû être ouvertes au public depuis le 1er janvier 1984 inclus.

Huitièmement, nous souhaitons obtenir une copie des règles régissant l’accréditation des assistants, adoptées par le Bureau le 26 septembre 1988.

Neuvièmement, nous référant au point e), 4, de la communication du Parlement européen, Collège des questeurs, nous souhaitons obtenir une copie de tous les registres publics des intérêts financiers des assistants parlementaires qui étaient ou auraient dû être ouverts au public depuis le 1er janvier 1984 inclus […] »

4        Le 20 janvier 2010, le Parlement a indiqué aux requérantes, par télécopie et par courrier électronique, que le délai de traitement de leur demande avait été prolongé au 12 février 2010, compte tenu des différentes questions juridiques soulevées dans la demande initiale et du grand nombre de documents concernés, devant pour la plupart être extraits de ses archives. En raison de problèmes techniques, la télécopie et le courrier électronique ont dû être une nouvelle fois envoyés le lendemain.

5        Le 28 janvier 2010, les requérantes, considérant ne pas avoir obtenu de réponse à leur demande initiale, ont adressé une nouvelle lettre au Parlement, lui reprochant de ne pas respecter ses obligations, y compris celles s’agissant du respect des délais fixés à l’article 7 du règlement n° 1049/2001, et lui ont demandé de considérer cette nouvelle lettre comme une demande confirmative au titre de l’article 8 du même règlement (ci-après la « demande du 28 janvier 2010 »).

6        Par lettre du 10 février 2010, le Parlement a apporté des réponses à certains des points exposés dans la demande initiale et indiqué que, « en ce qui concerne vos autres demandes, le Secrétaire général du Parlement européen vous adressera une réponse complète dans les prochains jours ».

7        Par lettre du 12 février 2010 (ci-après la « décision attaquée »), le Secrétaire général du Parlement a apporté des réponses à d’autres points soulevés dans la demande initiale.

8        Le quatrième paragraphe de la décision attaquée indique que, « [e]n ce qui concerne le nom des personnes physiques engagées par M. Liam Hyland du 19 août 1994 au 31 décembre 2000, ainsi que par M. Jim Fitzsimons du 27 août 1984 au 31 décembre 2000 […], comme nous vous l’avons expliqué à plusieurs occasions, ces noms constituent des données à caractère personnel dont la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, au sens du règlement (CE) n° 45/2001 et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1049/2001 ».

9        Le cinquième paragraphe de la décision attaquée indique que « […] la question de la possibilité d’accès aux listes de noms des assistants parlementaires, qu’ils soient accrédités ou locaux […], les informations selon lesquelles ces assistants ont travaillé pour un membre du Parlement en particulier concernent des ‘données à caractère personnel’ au sens du règlement (CE) n° 45/2001 et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1049/2001 ». Après avoir rappelé que « la divulgation de ces données n’est en principe pas autorisée », il précise que, « toutefois, à titre d’exception, les listes des noms des assistants sont ouvertes au public durant la période de leur activité professionnelle auprès d’un membre du Parlement » et que « cette exception est justifiée par la considération selon laquelle le public doit être informé du nom de ceux qui peuvent exercer une influence sur un membre du Parlement donné ». Il ajoute que, « dès lors que l’intéressé n’est plus assistant du membre en cause, l’intérêt public spécifique se réduit » et que, « contrairement aux membres, les assistants ne sont pas des personnes qui présentent un intérêt pour le public ». Il conclut que, « par conséquent, les données à caractère personnel en cause ne peuvent plus être traitées en vue de leur divulgation au public, conformément à l’article 4 du règlement (CE) n° 45/2001 et à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1049/2001 ».

10      Le sixième paragraphe de la décision attaquée indique que, « [e]n ce qui concerne les registres des intérêts financiers des assistants […], les documents contenant des données à caractère personnel ne peuvent, conformément aux règlements (CE) n° 45/2001 et [n°] 1049/2001, faire l’objet d’une divulgation publique ».

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2010, les requérantes ont introduit le présent recours.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2010, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions des requérantes. Le 10 août 2010, le Parlement a déposé ses observations sur la demande en intervention du CEPD.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 août 2010, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Le 2 septembre 2010, le Parlement a déposé ses observations sur la demande en intervention du Royaume de Danemark.

14      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 26 août 2010, les requérantes ont introduit des demandes d’aide judiciaire.

15      Par ordonnance du 10 septembre 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis l’intervention du CEPD au soutien des conclusions des requérantes. Le CEPD a déposé son mémoire en intervention dans le délai imparti.

16      Par ordonnance du 13 septembre 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Royaume de Danemark au soutien des conclusions des requérantes.

17      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2011, le Royaume de Danemark a informé le Tribunal de son intention de retirer son intervention.

19      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 3 mars 2011, le Royaume du Danemark a été radié de l’affaire en tant qu’intervenant.

20      Par ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal du 10 mai 2011, Mme Egan a été admise au bénéfice de l’aide judiciaire et la demande d’aide judiciaire de Mme Hackett a été rejetée.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 9 novembre 2011.

22      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle refuse de leur accorder l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

23      Le CEPD, intervenant au soutien des conclusions des requérantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

24      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation de la décision attaquée au motif qu’il est irrecevable ;

–        déclarer qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur le recours en annulation de la décision attaquée ;

–        rejeter le recours en annulation de la décision attaquée comme étant non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

25      À titre liminaire, il convient de relever qu’il résulte de l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal que l’intervenant ne peut pas élargir les conclusions de la partie au soutien desquelles il intervient (arrêt du Tribunal du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission, T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, Rec. p. II‑1337, point 137).

26      Cependant, si les conclusions des requérantes visent l’annulation de la décision attaquée « dans la mesure où elle refuse d’accorder aux requérantes l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement européen », alors que les conclusions du CEPD visent l’annulation de la décision attaquée sans spécifier de limites, il y a lieu de constater que ces dernières ne dépassent en réalité pas le cadre du litige tel que fixé par les requérantes. En effet, les conclusions de celles-ci, comme celles du CEPD, visent l’annulation de la décision attaquée refusant de donner accès aux registres demandés.

27      Les conclusions du CEPD sont, dès lors, entièrement recevables.

28      Par ailleurs, sans soulever une exception d’irrecevabilité par acte séparé conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement soutient que le recours dirigé contre la décision attaquée est irrecevable pour trois raisons.

29      Premièrement, le Parlement avance que la requête est manifestement irrecevable dans son intégralité au motif que les requérantes n’ont pas respecté les articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001 relatifs aux procédures précontentieuses.

30      La demande du 28 janvier 2010 ne pourrait être considérée comme une demande confirmative au sens de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, car le Parlement, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement, aurait régulièrement prolongé de quinze jours ouvrables son délai de réponse à la demande initiale par sa télécopie et son courrier électronique du 20 janvier 2010. En effet, dès lors, d’une part, que la demande initiale n’aurait été reçue par le Parlement que le 22 décembre 2009 et, d’autre part, que les bureaux du Parlement étaient fermés du 24 décembre 2009 au 4 janvier 2010, le délai de quinze jours ouvrables dont disposait le Parlement pour répondre à la demande initiale, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, n’expirait que le 21 janvier 2010.

31      Le Parlement précise que la prolongation du délai, dans cette télécopie et ce courrier électronique du 20 janvier 2010, était motivée par l’indication suivante : « [C]ompte tenu des différentes questions juridiques soulevées par la demande et du grand nombre d’anciens documents concernés, dont la plupart doivent être extraits de nos archives […] ». Le Parlement expose qu’en raison d’une coupure d’électricité en Irlande, il a dû de nouveau envoyer cette télécopie et ce courrier électronique le lendemain, soit le 21 janvier 2010.

32      Ainsi, les lettres du Parlement des 10 et 12 février 2010 seraient une réponse à la demande initiale et la demande du 28 janvier 2010 ne saurait être considérée comme une demande confirmative, dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes dans ladite lettre, celle-ci aurait été transmise prématurément, c’est-à-dire avant la fin du délai prolongé, expirant le 12 février 2010.

33      Dans son mémoire en duplique, le Parlement souligne qu’il a retenu la date du 22 décembre 2009 comme point de départ du délai de traitement de la demande initiale, même si le service compétent pour traiter cette demande, à savoir le registre public du Parlement, n’a enregistré cette demande que le 4 janvier 2010, date qui lui serait encore plus favorable. Le Parlement ajoute que le 23 décembre 2009 était exceptionnellement pour lui un jour férié, si bien que le délai pour répondre à la demande initiale expirait le 12 février 2010.

34      Deuxièmement et à titre subsidiaire, le Parlement considère que la requête doit être déclarée irrecevable dans la mesure où elle concerne exclusivement l’accès à des « informations » et non à des « documents » précis et aux informations qu’ils contiennent, les requérantes voulant connaître l’identité des deux personnes pour lesquelles MM. Fitzsimons et Hyland avaient déposé des demandes d’allocations d’assistance parlementaire afin de finaliser la procédure juridique contre ces membres, ainsi qu’indiqué au quatrième point de la demande initiale. Or, seul l’accès aux documents relèverait du champ d’application du règlement n° 1049/2001.

35      De plus, la présente requête ne viserait pas à défendre l’intérêt du public à accéder aux documents du Parlement. Par conséquent, aucun intérêt public ne serait en jeu lorsque les requérantes demandent à avoir accès à tout document détenu par le Parlement. L’intérêt subjectif des requérantes d’utiliser les documents demandés dans le cadre d’une procédure judiciaire impliquerait que l’intérêt dont elles se prévalent n’est pas un intérêt général, mais un intérêt privé.

36      Le Parlement ajoute encore que, selon la jurisprudence, l’accès à des informations ne peut être assuré que si elles figurent dans des documents, ce qui présuppose l’existence de ceux-ci.

37      Troisièmement, le Parlement soutient que la requête devrait être déclarée irrecevable en raison de l’incohérence manifeste entre les moyens invoqués et les conclusions. Cette incohérence entraînerait le risque que le Tribunal statue ultra petita ou omette de statuer sur un chef de conclusions.

38      Le Parlement fait ainsi valoir, en substance, que les conclusions de la requête visent « l’annulation de la décision du Parlement européen du 12 février 2010 dans la mesure où elle refuse aux requérantes le droit d’accéder aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement », alors que les moyens de la requête font référence aux quatrième, cinquième, sixième, septième et neuvième points de la demande initiale, dont aucun ne concerne explicitement ce droit. Le Parlement souligne également que les cinquième, sixième et septième points de la demande initiale visent des « listes » et non, comme la requête, des « registres ». Il précise en outre que les cinquième, sixième, septième et neuvième points de la demande initiale concernent non seulement les assistants des anciens membres du Parlement, mais aussi, à la différence de la requête, les assistants des membres actuels.

39      Par ailleurs, les conclusions de la requête différeraient de la demande initiale dans la mesure où elles ne couvriraient pas clairement l’ensemble de ces points.

40      Les requérantes contestent ces arguments.

41      Le CEPD considère qu’il n’est pas de sa compétence de prendre part à la discussion sur la recevabilité.

42      Concernant la première fin de non-recevoir soulevée par le Parlement, il convient de rappeler que la procédure d’accès aux documents de cette institution, régie par les articles 6 à 8 du règlement n° 1049/2001 et par l’article 97 du règlement intérieur du Parlement, se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, le demandeur doit adresser au Parlement une demande initiale d’accès aux documents. En principe, le Parlement doit répondre à la demande initiale dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de l’enregistrement de ladite demande. Dans un second temps, en cas de refus total ou partiel, le demandeur peut présenter, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse initiale du Parlement, une demande confirmative auprès de celui-ci, demande à laquelle ce dernier doit, en principe, répondre dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de l’enregistrement de ladite demande. En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut former un recours juridictionnel contre le Parlement ou présenter une plainte au Médiateur européen, selon les conditions prévues respectivement aux articles 263 TFUE et 228 TFUE (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05, Rec. p. II‑3233, point 69).

43      Il ressort de l’application combinée de l’article 97, paragraphe 4, du règlement intérieur du Parlement, relatif à l’accès du public aux documents, et de l’article 8 du règlement n° 1049/2001 que la réponse à la demande initiale ne constitue qu’une première prise de position, conférant au demandeur la possibilité d’inviter l’institution concernée à réexaminer la position en cause (voir, par analogie, Brink’s Security Luxembourg/Commission, précité, point 70, et la jurisprudence citée).

44      Par conséquent, seule la mesure adoptée à la suite de ce réexamen, ayant la nature d’une décision et remplaçant intégralement la prise de position précédente, est susceptible de produire des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du demandeur et, partant, de faire l’objet d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE (voir, par analogie, Brink’s Security Luxembourg/Commission, précité, point 71, et la jurisprudence citée).

45      Cependant, en l’espèce, à supposer que le Parlement a bien, par sa télécopie et son courrier électronique du 20 janvier 2010, réitérés le lendemain, prolongé de quinze jours ouvrables le délai pour répondre à la demande initiale, force est de constater que les réponses contenues dans la lettre du 10 février 2010 et dans la décision attaquée du 12 février 2010, qui constituent des réponses initiales du Parlement, sont entachées d’un vice de forme. Le Parlement a en effet omis dans ces réponses d’informer les requérantes, comme le lui impose l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, de leur droit de présenter une demande confirmative.

46      Si, en principe, seule la décision définitive est susceptible de recours, cette irrégularité a pour conséquence de rendre recevable, à titre exceptionnel, un recours en annulation contre la réponse à la demande initiale. S’il en était autrement, le Parlement pourrait se soustraire au contrôle du juge de l’Union en raison d’un vice de forme qui lui est imputable. Or, l’Union étant une union de droit dans laquelle les institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes avec le traité, les modalités procédurales applicables aux recours dont le juge de l’Union est saisi doivent être interprétées, dans toute la mesure du possible, d’une manière telle que ces modalités puissent recevoir une application qui contribue à la mise en œuvre de l’objectif de garantir une protection juridictionnelle effective des droits que tirent les justiciables du droit de l’Union. L’exigence d’un contrôle juridictionnel constitue en effet un principe général de droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Le droit à un recours effectif a, en outre, été réaffirmé par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1) (voir, par analogie, Brink’s Security Luxembourg/Commission, précité, point 75, et la jurisprudence citée).

47      La première fin de non-recevoir soulevée par le Parlement, tenant au prétendu non-respect des articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001, doit donc être rejetée.

48      Concernant la deuxième fin de non-recevoir soulevée par le Parlement, selon laquelle, notamment, la requête doit être déclarée irrecevable dans la mesure où elle concerne exclusivement l’accès à des « informations » et non à des « documents », il s’agit d’une question de fond, supposant l’analyse de l’objet de la demande des requérantes, et non de recevabilité. Cette question sera donc examinée ci‑après dans ce cadre.

49      Concernant la troisième fin de non-recevoir soulevée par le Parlement, tenant à une prétendue incohérence entre les moyens invoqués et les conclusions de la requête, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués (arrêt du Tribunal du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, non encore publié au Recueil, point 48). En outre, selon la jurisprudence, les conclusions doivent être exposées de manière précise et non équivoque, puisque, à défaut, le Tribunal risquerait de statuer infra ou ultra petita et les droits de la partie défenderesse risqueraient de se trouver méconnus (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 décembre 1962, Meroni/Haute Autorité, 46/59 et 47/59, Rec. p. 783, 801).

50      À cet égard, la requête indique que le recours a pour objet l’annulation de la décision attaquée « dans la mesure où [le Parlement] refuse d’accorder aux requérantes l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement européen ».

51      D’une part, il convient de relever qu’il ne résulte pas des termes des articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001 que les conclusions présentées dans le recours juridictionnel doivent recouvrer l’intégralité des demandes de documents formulées dans la demande initiale.

52      Rien n’empêche donc les requérantes d’abandonner certaines demandes au stade du recours juridictionnel, d’autant que certaines des demandes ont été satisfaites par le Parlement par sa lettre du 10 février 2010 et par la décision attaquée.

53      D’autre part, il convient de vérifier si l’accès auxdits registres a bien été demandé dans la demande initiale.

54      Or, les conclusions de la requête portent sur des documents compris dans le neuvième point de la demande initiale, demandant, de manière beaucoup plus large, l’accès à une « copie de tous les registres publics des intérêts financiers des assistants parlementaires qui étaient ou auraient dû être ouverts au public depuis le 1er janvier 1984 inclus ».

55      Enfin, il convient de constater que ce n’est pas dans le cadre de l’exposé des « moyens » que les requérantes ont rappelé les différents points de leur demande initiale, mais dans la partie de la requête intitulée « résumé des faits ».

56      Dès lors, l’exposé des arguments des requérantes figurant dans la requête permet au Parlement de se défendre et au Tribunal d’effectuer son contrôle.

57      La troisième fin de non-recevoir soulevée par le Parlement, relative à une prétendue incohérence entre les moyens invoqués et les conclusions de la requête, doit donc être rejetée.

58      Il s’ensuit que l’allégation d’irrecevabilité soulevée par le Parlement doit être rejetée.

59      Par ailleurs, lors de l’audience, en réponse à des questions posées par le Tribunal, les requérantes ont semblé vouloir également obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce que cette décision leur a refusé l’accès aux deux documents cités dans la lettre du 11 mai 2006 (voir point 2 ci-dessus).

60      Le Parlement a considéré qu’une telle demande serait irrecevable.

61      À cet égard, il convient, d’une part, de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, un requérant a l’obligation de désigner l’objet du litige dans sa requête et ne peut en cours d’instance introduire de nouvelles conclusions de nature à modifier l’objet même du recours.

62      D’autre part, en tout état de cause, à la suite de cette lettre du 11 mai 2006, par laquelle le Parlement a informé les requérantes de l’existence de deux documents concernant les personnes dont elles recherchent l’identité, mais leur en a refusé l’accès, les requérantes, par un courrier du 8 août 2006, ont déposé une demande confirmative contre ce refus. Or, elles n’ont pas, dans les délais prévus dans le cadre du recours en annulation, introduit un recours contre la lettre du Parlement du 7 septembre 2006 réitérant le refus du Parlement de leur donner accès à ces deux documents.

63      À la supposer même présentée, une telle demande tendant à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle refuse l’accès aux deux documents en cause serait donc irrecevable.

 Sur le fond

64      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent cinq moyens, tirés, premièrement, d’une invocation inappropriée du règlement n° 1049/2001 et du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), comme fondement du refus d’un accès à des documents déjà dans le domaine public, deuxièmement, ou à titre subsidiaire, d’une violation de l’obligation de motivation, troisièmement, ou à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, quatrièmement, ou à titre subsidiaire, d’une violation des principes de démocratie, de transparence, de proportionnalité, d’égalité et de non‑discrimination et, cinquièmement, ou à titre subsidiaire, d’une violation des exigences procédurales essentielles.

65      À titre liminaire, il convient de relever que le Parlement, dans son mémoire en défense, décrit l’historique de l’ouverture progressive des registres des assistants parlementaires pour la période concernée par la demande des requérantes, c’est‑à‑dire celle s’écoulant de juin 1984 à juin 2004.

66      Il ressort de cet historique que ce n’est qu’en juin 1993 qu’a été créé un registre des intérêts financiers des assistants, accrédités ou non et ayant des liens avec un organisme extérieur, des membres du Parlement, accessible au public pour consultation. Le Parlement détient toujours les documents figurant dans ce registre dans son Centre archivistique et documentaire situé à Luxembourg. Cependant, le Parlement affirme que les deux personnes physiques, anciennes assistantes de MM. Fitzsimons et Hyland, n’ont pas établi des déclarations de nature à être intégrées dans ce registre, de sorte qu’aucune déclaration établie par l’une ou l’autre de ces anciennes assistantes ne figure dans ledit registre au titre de la période concernée. Lors de l’audience, le Parlement a expliqué que les anciennes assistantes dont les requérantes recherchaient l’identité n’avaient sans doute pas de liens avec des organismes extérieurs et qu’elles n’avaient donc probablement pas eu à faire une telle déclaration. Cela expliquerait que leurs noms n’apparaissent pas dans le registre en cause.

67      En décembre 1997 a été créé un deuxième registre, également accessible au public, dans lequel sont consignées les déclarations des assistants accrédités concernant leurs activités professionnelles ainsi que toute autre activité ou fonction rémunérée. Ce deuxième registre existe toujours. Selon le Parlement, seul M. Fitzsimons a demandé qu’un assistant soit accrédité, uniquement pour la période comprise entre juillet 1999 et décembre 2000. Le Parlement précise qu’il a toujours en sa possession ce deuxième registre pour la période concernée, à savoir la législature de juillet 1999 à juillet 2004, dans ses locaux à Bruxelles. Il indique toutefois qu’aucune des déclarations écrites présentes dans ce deuxième registre ne concerne des assistants accrédités par MM. Fitzsimons ou Hyland. Lors de l’audience, le Parlement a précisé que seuls les assistants accrédités, qui travaillent dans ses locaux, sont dans l’obligation de faire cette déclaration afin de se voir délivrer un badge permettant d’y pénétrer. Or, les anciennes assistantes dont les requérantes recherchent l’identité n’auraient pas été des assistantes accréditées. À cet égard, la personne pour laquelle M. Fitzsimons a demandé une accréditation n’aurait finalement pas été accréditée.

68      Depuis février 2003, la liste des assistants accrédités, précisant le nom du membre employant l’assistant, est publiée sur le site Internet du Parlement. Les assistants peuvent s’opposer, à titre exceptionnel et en motivant leur demande, à cette publication. Le Parlement indique que, ni M. Fitzsimons ni M. Hyland n’ayant demandé qu’un assistant soit accrédité depuis cette date, aucun nom d’assistant accrédité auprès de l’un de ces anciens membres n’a été publié sur son site Internet.

69      Par conséquent, le Tribunal doit, selon le Parlement, déclarer la requête non fondée.

70      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord le premier moyen, tiré de l’applicabilité, dans la présente affaire, des règlements n° 1049/2001 et 45/2001, puis le troisième moyen, concernant une prétendue violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.

 Sur le premier moyen, tiré de l’invocation inappropriée des règlements n° 1049/2001 et 45/2001 comme fondement du refus d’un accès à des documents déjà dans le domaine public

71      Les requérantes soutiennent que les règlements n° 1049/2001 et n° 45/2001, qui visent à empêcher la divulgation de données sensibles à caractère personnel dans le domaine public, ne peuvent être invoqués à propos de documents ayant été antérieurement mis dans ledit domaine. Par ailleurs, le terme « divulgation », employé dans l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, signifierait nécessairement que le document concerné n’ait pas été antérieurement rendu public.

72      Le CEPD, bien qu’intervenant au soutien des conclusions des requérantes, ne partage pas leur position sur ce point.

73      Le Parlement expose que ce moyen ne trouve aucun fondement dans le libellé même des dispositions des deux règlements en cause.

74      À cet égard, il y a lieu de relever que ni l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, aux termes duquel ce « règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne », ni l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 45/2001, aux termes duquel ce « règlement s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier », ne contiennent une restriction de nature à exclure de leurs champs d’application respectifs les documents qui ont été accessibles, mais qui ne le sont plus. Aucune autre disposition de ces règlements ne prévoit une telle exclusion.

75      Ainsi, faute de disposition prévoyant une telle limite, il ne saurait être donné au terme « divulgation », employé dans l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, l’acception stricte que lui donnent les requérantes. Ce terme signifie « rendre accessible un document qui ne l’est pas ». Or, force est de constater que c’est bien parce que les documents qui les intéressaient ne leur étaient pas accessibles que les requérantes en ont fait la demande.

76      Les règlements n° 1049/2001 et n° 45/2001 sont ainsi applicables aux documents qui ont été accessibles au public, mais qui ne le sont plus.

77      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001

78      À titre subsidiaire, les requérantes estiment que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant que la divulgation de documents contenant les noms des personnes en cause violerait les intérêts de ces personnes en matière de vie privée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. L’exception à l’accès aux documents des institutions, prévue par cette disposition, devrait être interprétée de manière stricte. Or, le Parlement n’expliquerait par pour quels motifs la divulgation des documents contenant le nom des assistants des anciens membres du Parlement porterait concrètement et effectivement atteinte au respect de leur vie privée, alors que les requérantes demandent l’accès à des documents rassemblés dans le contexte de la vie professionnelle et dans l’intérêt public. En outre, les requérantes soulignent qu’elles demandent l’accès à des registres publics qui ont été mis antérieurement à la disposition du public.

79      Les requérantes ajoutent que, étant donné que, selon le Parlement, les listes des noms des assistants sont ouvertes au public, exceptionnellement, durant la période de leur activité professionnelle auprès d’un membre, aucune disposition légale conçue pour protéger la vie privée ne l’empêcherait de rassembler les registres publics des assistants parlementaires après cette période. Or, le Parlement ne démontrerait pas en quoi l’accès à un document qui a été auparavant accessible au public affecterait les personnes concernées.

80      Enfin, les requérantes, qui considèrent avoir été les seules personnes employées par MM. Hyland et Fitzsimons, soutiennent que, en raison d’importants doutes quant à la légalité de l’utilisation des fonds publics en l’espèce, il existe un intérêt public indéniable à leur permettre d’avoir accès aux registres publics des assistants parlementaires.

81      Le CEPD, dans son intervention au soutien des conclusions des requérantes, d’une part, fait valoir que le Parlement aurait dû procéder à une appréciation concrète et individuelle visant à déterminer si les documents demandés relevaient de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 et non appliquer cette exception de manière automatique.

82      D’autre part, le Parlement a, selon le CEPD, ignoré les possibilités de divulguer les données aux requérantes sur la base de l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001, lequel prévoit le transfert de données à caractère personnel au destinataire qui « démontre la nécessité de leur transfert » et « s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée ».

83      Le Parlement expose que les données revêtant un caractère professionnel s’apparentent à des données à caractère personnel au sens des dispositions en vigueur en matière de protection des données, à savoir l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 16 TFUE, le règlement n° 45/2001 et l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.

84      Quant à l’argument des requérantes tenant au fait que les données relatives aux anciens assistants des membres ont été auparavant accessibles, le Parlement avance que l’information selon laquelle telle personne a travaillé pour un membre du Parlement révèle des données qui, traduisant les opinions politiques de celle-ci, sont des données sensibles au sens de l’article 10 du règlement n° 45/2001. Si, à titre exceptionnel, les listes des noms des assistants sont ouvertes au public pour examen tant que se poursuit leur activité professionnelle avec un membre du Parlement, cette exception se justifiant par le fait que le public devrait savoir qui est susceptible d’exercer une influence sur un membre donné, l’intérêt public prendrait fin lorsque l’assistant n’exerce plus son activité.

85      De plus, les requérantes ne chercheraient pas à obtenir un accès à des noms pour un motif d’intérêt public, mais dans leur propre intérêt privé, afin de se préparer à engager une action en justice.

86      Par ailleurs, le Parlement considère que la décision attaquée est suffisamment motivée, car elle est une réponse supplémentaire venant étoffer une longue série d’échanges de lettres ayant débuté en 2005. Le Parlement ajoute qu’il est indiqué dans la décision attaquée que le traitement des données à caractère personnel des assistants n’est autorisé qu’à titre exceptionnel, c’est-à-dire pendant la période où la personne concernée travaille pour le membre du Parlement.

87      Le Parlement, dans ses observations sur le mémoire en intervention du CEPD, avance notamment, à propos de la référence à l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001, qu’il n’appartient pas à un intervenant de soulever un argument nouveau, d’autant que les requérantes ont exclu l’applicabilité de ce règlement dans le cadre de leur premier moyen. De plus, il ne ressortirait pas clairement de ce mémoire si le CEPD avance que l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001 doit s’appliquer séparément ou conjointement à l’article 4, paragraphe 1, sous b) du règlement n° 1049/2001. Enfin, les conditions posées par cette disposition au transfert de données personnelles ne seraient pas réunies.

88      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exceptions à l’accès aux documents doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de façon à ne pas tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (arrêts de la Cour du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, Rec. p. I‑11389, point 66, et du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 36 ; arrêt du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 84). Par ailleurs, le principe de proportionnalité exige que les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Toland/Parlement, T‑471/08, non encore publié au Recueil, point 28).

89      En outre, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. En effet, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié si l’accès au document porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé. D’autre part, le risque d’atteinte à l’intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt Toland/Parlement, précité, point 29). Cet examen doit ressortir des motifs de la décision (arrêts du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, point 69 ; Franchet et Byk/Commission, précité, point 115, et Toland/Parlement, précité, point 29).

90      Ainsi, si le Parlement décide de refuser l’accès à un document dont la divulgation lui a été demandée, il lui incombe de fournir des explications quant aux questions de savoir comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt Suède et Turco/Conseil, précité, point 49).

91      Une telle explication ne saurait donc consister en une simple affirmation selon laquelle l’accès à certains documents porterait atteinte à la vie privée au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.

92      Or, en l’espèce, force est de constater que le Parlement ne justifie, au quatrième, au cinquième et au sixième paragraphes de la décision attaquée, son refus de donner aux requérantes l’accès aux documents contenant les noms des personnes dont elles recherchent l’identité qu’en des termes très généraux. Le Parlement n’explique notamment pas pourquoi, comme il l’indique dans son quatrième paragraphe, les noms que les requérantes recherchent « constituent des données à caractère personnel dont la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu au sens du règlement […] n° 45/2001 et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement […] n° 1049/2001 », ni pourquoi, « en ce qui concerne les registres des intérêts financiers des assistants […], les documents contenant des données à caractère personnel ne peuvent, conformément aux règlements […] n° 45/2001 et [n°] 1049/2001, faire l’objet d’une divulgation publique ».

93      De la sorte, le Parlement a considéré que, de manière systématique, le public ne devait pas avoir accès aux documents révélant l’identité d’anciens assistants de membres du Parlement et il n’a pas procédé à un examen démontrant que cet accès porterait concrètement et effectivement atteinte à leur vie privée au sens des dispositions en cause, ni vérifié si le risque d’atteinte à l’intérêt protégé était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

94      De même, en se bornant à se prévaloir des dispositions et des stipulations mentionnées au point 83 ci-dessus, le Parlement ne démontre pas dans quelle mesure la divulgation des documents contenant le nom des assistants des anciens membres du Parlement porterait concrètement et effectivement atteinte au respect de leur vie privée.

95      À cet égard, il convient de rappeler que le Parlement prétend que la requête est irrecevable en ce que les requérantes demanderaient l’accès à des informations et non à des documents (voir point 34 ci-dessus).

96      Certes, le droit d’accès du public à un document des institutions ne vise que des documents et non des informations entendues de manière plus générale. Il n’implique pas pour les institutions le devoir de répondre à toute demande de renseignements d’un particulier (arrêt du Tribunal du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, non encore publié au Recueil, point 129).

97      Cependant, les requérantes, en concluant à l’annulation de la décision attaquée « dans la mesure où elle refuse [de leur] accorder […] l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement », demandent bien l’accès à des documents, et non à des informations. En effet, des registres publics sont bien des documents.

98      L’argument du Parlement selon lequel les requérantes demandent l’accès à des « informations », et non à des « documents », ne peut donc être retenu.

99      Par ailleurs, le fait que les requérantes, par le quatrième point de la demande initiale, ont donné la raison pour laquelle elles souhaitent accéder à certains documents est, contrairement à ce qu’avance le Parlement, sans pertinence, le demandeur d’accès, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, n’étant pas tenu de justifier sa demande et n’ayant donc pas à démontrer un quelconque intérêt pour avoir accès aux documents demandés (arrêt Franchet et Byk/Commission, précité, point 82).

100    L’argument du Parlement selon lequel la demande des requérantes repose sur un intérêt privé, et non un intérêt général, ne peut donc pas non plus être retenu.

101    De plus, en réponse à l’argument des requérantes selon lequel les données relatives aux anciens assistants des membres ont été auparavant accessibles, le Parlement a évoqué, dans son mémoire en défense, qu’il ne peut révéler de telles données, car elles traduiraient leurs opinions politiques et seraient donc des données sensibles au sens de l’article 10 du règlement n° 45/2001 (voir point 84). Or, cet argument, qui n’est d’ailleurs nullement étayé, ne saurait, en tout état de cause, pallier l’absence de démonstration, dans la décision attaquée, des raisons pour lesquelles la divulgation de ces données porterait concrètement et effectivement atteinte à leur vie privée au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001. En effet, s’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents auxquels l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement n° 1049/2001 (arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 60), et non apporter les éléments justifiant ce refus au stade du mémoire en défense. Cet argument ne peut donc pas non plus être retenu.

102    Enfin, il y a lieu de relever que si le Parlement expose que, en tout état de cause, les registres comprenant les noms des assistantes de MM. Fitzsimons et Hyland n’existent pas, parce que, ainsi que l’explique le Parlement dans son mémoire en défense et lors de l’audience (voir points 36, 66 et 67 ci-dessus), ces personnes n’ont pas établi de déclaration, il convient de rappeler que ce motif, n’ayant pas été exposé dans la décision attaquée, malgré, notamment, la neuvième question de la demande initiale, demandant précisément que soient accessibles aux requérantes « tous les registres publics des intérêts financiers des assistants parlementaires qui étaient ou auraient dû être ouverts au public depuis le 1er janvier 1984 inclus », ne constitue pas le motif ayant déterminé l’adoption de cette décision.

103    Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Parlement de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels la décision attaquée est fondée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Leite Mateus/Commission, T‑10/04, RecFP p. I‑A‑2‑59 et II‑A‑2‑249, point 45).

104    Il résulte de ce qui précède que le Parlement n’a pas démontré à suffisance de droit, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles il a refusé l’accès aux documents demandés.

105    Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen, fondé sur une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001.

106    Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument soulevé par le CEPD concernant l’article 8, sous b), du règlement n° 45/2001, ni les deuxième, quatrième et cinquième moyens, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans la mesure où elle refuse d’accorder aux requérantes l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement européen.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens supportés par les requérantes, conformément aux conclusions de celles-ci.

108    Conformément à l’article 97, paragraphe 3, du règlement de procédure, Mme Egan ayant été admise au bénéfice de l’aide judiciaire et le Tribunal ayant condamné le Parlement à supporter les dépens exposés par les requérantes, le Parlement sera tenu de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées au titre de l’aide judiciaire.

109    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En l’espèce, la partie intervenue au soutien de la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen du 12 février 2010 est annulée dans la mesure où elle refuse d’accorder à Mmes Kathleen Egan et Margaret Hackett l’accès demandé aux registres publics des assistants d’anciens membres du Parlement européen.

2)      Le Parlement est condamné à supporter les dépens exposés par Mmes Egan et Hackett ainsi qu’à rembourser les sommes avancées par la caisse du Tribunal au titre de l’aide judiciaire au bénéfice de Mme Egan.

3)      Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.