Language of document : ECLI:EU:C:2009:537

ARRÊT DU 10. 9. 2009 – AFFAIRE C-100/08

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 septembre 2009 (*)

«Manquement d’État – Articles 28 CE et 30 CE – Protection des espèces de faune et de flore sauvages – Réglementation relative à la détention et à la commercialisation d’oiseaux nés et élevés en captivité légalement mis sur le marché dans d’autres États membres»

Dans l’affaire C‑100/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 3 mars 2008,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme S. Pardo Quintillán et M. R. Troosters, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. T. Materne, en qualité d’agent, assisté de Me G. Van Calster, avocat,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–        en soumettant l’importation, la détention et la vente d’oiseaux nés et élevés en captivité, qui ont été légalement mis sur le marché dans d’autres États membres, à des conditions restrictives imposant aux opérateurs concernés du marché de modifier le marquage des spécimens pour qu’il réponde aux conditions spécifiquement requises par la législation belge et en n’admettant pas le marquage accepté dans d’autres États membres ni les certificats délivrés conformément au règlement (CE) n° 338/97 du Conseil, du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce (JO 1997, L 61, p. 1) (ci-après les «certificats ‘CITES’»), et

–        en privant les marchands de la faculté d’obtenir des dérogations à l’interdiction de détenir des oiseaux européens indigènes légalement mis sur le marché dans d’autres États membres,

le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 Le règlement n° 338/97

2        Le troisième considérant du règlement n° 338/97, ce dernier étant fondé sur l’article 130 S du traité CE (devenu, après modification, article 175 CE), énonce:

«[L]es dispositions du présent règlement ne préjugent pas des mesures plus strictes pouvant être prises ou maintenues par les États membres, dans le respect du traité, notamment en ce qui concerne la détention de spécimens d’espèces relevant du présent règlement».

3        Conformément à l’article 2, sous b), du même règlement, on entend par «convention», aux fins de ce règlement, «la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)».

4        L’article 3 dudit règlement dispose:

«1.      Figurent à l’annexe A:

a)      les espèces inscrites à l’annexe I de la convention pour lesquelles les États membres n’ont pas émis de réserve;

b)      toute espèce:

i)      qui fait ou peut faire l’objet d’une demande dans la Communauté ou pour le commerce international et qui est soit menacée d’extinction, soit si rare que tout commerce, même d’un volume minime, compromettrait la survie de l’espèce

         ou

ii)      appartenant à un genre dont la plupart des espèces, ou constituant une espèce dont la plupart des sous-espèces, sont inscrites à l’annexe A en vertu des critères établis aux points a) ou b) i) et dont l’inscription à l’annexe est essentielle pour assurer une protection efficace de ces taxons.

2.      Figurent à l’annexe B:

a)      les espèces inscrites à l’annexe II de la convention autres que celles inscrites à l’annexe A et pour lesquelles les États membres n’ont pas émis de réserve;

b)      les espèces inscrites à l’annexe I de la convention qui ont fait l’objet d’une réserve;

c)      toute autre espèce non inscrite aux annexes I et II de la convention:

i)      qui fait l’objet d’un commerce international dont le volume pourrait compromettre:

–        sa survie ou la survie de populations de certains pays

ou

–        la conservation de la population totale à un niveau compatible avec le rôle de cette espèce dans les écosystèmes dans lesquels elle est présente

ou

ii)      dont l’inspection à l’annexe en raison de sa ressemblance avec d’autres espèces inscrites à l’annexe A ou à l’annexe B est essentielle pour assurer l’efficacité des contrôles du commerce des spécimens appartenant à cette espèce;

d)      des espèces dont il est établi que l’introduction de spécimens vivants dans le milieu naturel de la Communauté constitue une menace écologique pour des espèces de faune et de flore sauvages indigènes de la Communauté.

3.      Figurent à l’annexe C:

a)      les espèces inscrites à l’annexe III de la convention, autres que celles figurant aux annexes A ou B, et pour lesquelles les États membres n’ont pas émis de réserve;

b)      les espèces inscrites à l’annexe II de la convention qui ont fait l’objet d’une réserve.

4.      Figurent à l’annexe D:

a)      des espèces non inscrites aux annexes A à C dont l’importance du volume des importations communautaires justifie une surveillance;

b)      les espèces inscrites à l’annexe III de la convention qui ont fait l’objet d’une réserve.

5.      Dans le cas où l’état de conservation d’espèces couvertes par le présent règlement nécessite leur inclusion dans l’une des annexes de la convention, les États membres contribuent aux modifications nécessaires.»

5        Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 338/97:

«À l’exception de l’application de l’article 8, les spécimens d’espèces inscrites à l’annexe A qui sont nés et élevés en captivité ou reproduits artificiellement sont traités conformément aux dispositions applicables aux spécimens des espèces inscrites à l’annexe B.»

6        L’article 8 du même règlement énonce:

«1.      Il est interdit d’acheter, de proposer d’acheter, d’acquérir à des fins commerciales, d’exposer à des fins commerciales, d’utiliser dans un but lucratif et de vendre, de détenir pour la vente, de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d’espèces inscrites à l’annexe A.

2.      Les États membres peuvent interdire la détention de spécimens, notamment, d’animaux vivants appartenant à des espèces de l’annexe A.

3.      Conformément aux exigences des autres actes législatifs communautaires relatifs à la conservation de la faune et de la flore sauvages, il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 à condition d’obtenir de l’organe de gestion de l’État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré cas par cas, lorsque les spécimens:

[…]

d)      sont des spécimens nés et élevés en captivité d’une espèce animale ou des spécimens reproduits artificiellement d’une espèce végétale, ou une partie ou un produit obtenu à partir de tels spécimens

[…]

5.      Les interdictions prévues au paragraphe 1 s’appliquent également aux spécimens d’espèces inscrites à l’annexe B, sauf lorsque l’autorité compétente de l’État membre concerné a la preuve que ces spécimens ont été acquis et, s’ils ne proviennent pas de la Communauté, qu’ils y ont été introduits conformément à la législation en vigueur en matière de conservation de la faune et de la flore sauvages.

[…]»

7        L’article 11, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Sans préjudice des mesures plus strictes que les États membres peuvent adopter ou maintenir, les permis et les certificats délivrés par les autorités compétentes des États membres au titre du présent règlement sont valables dans l’ensemble de la Communauté.»

 Le règlement (CE) n° 865/2006

8        Aux termes de l’article 59, paragraphes 2 et 5, du règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission, du 4 mai 2006, portant modalités d’application du règlement n° 338/97 (JO L 166, p. 1):

«2.      La dérogation prévue pour les spécimens visés à l’article 8, paragraphe 3, point d), du règlement […] n° 338/97 n’est accordée que si le demandeur a démontré à l’organe de gestion compétent, après que celui-ci a consulté une autorité scientifique compétente, que les conditions visées à l’article 48 du présent règlement sont remplies et que les spécimens concernés sont nés et ont été élevés en captivité ou ont été reproduits artificiellement conformément aux articles 54, 55 et 56 du présent règlement.

[…]

5.      Une dérogation prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement […] n° 338/97 ne peut être octroyée pour des vertébrés vivants que si le demandeur a démontré à l’organe de gestion compétent que les dispositions applicables de l’article 66 du présent règlement sont satisfaites.»

9        L’article 66, paragraphes 2 et 8, du même règlement dispose:

«2.      Les oiseaux nés et élevés en captivité sont marqués conformément au paragraphe 8 ou, lorsque l’organe de gestion compétent est convaincu que cette méthode ne convient pas en raison des propriétés physiques ou comportementales de l’animal, au moyen d’un transpondeur à micropuce inaltérable portant un numéro spécifique et répondant aux normes ISO 11784:1996 (E) et 11785:1996 (E).

[…]

8.      Les oiseaux nés et élevés en captivité, de même que ceux nés dans un milieu contrôlé, sont marqués à l’aide d’une bague fermée sans soudure portant un marquage distinctif.

Une bague fermée sans soudure est une bague ou un ruban en cercle continu, sans aucune rupture ou joint, qui n’a subi aucune manipulation frauduleuse, dont la taille ne permet pas de l’enlever de la patte de l’oiseau devenu adulte après avoir été placée dans les premiers jours de la vie de l’oiseau, et qui a été fabriquée commercialement à cette fin.»

10      L’article 68, paragraphe 1, du règlement n° 865/2006 énonce:

«Les autorités compétentes des États membres reconnaissent les méthodes de marquage approuvées par les autorités compétentes d’autres États membres et conformes à l’article 66.»

 La réglementation nationale

 L’arrêté royal du 9 septembre 1981

11      L’arrêté royal du 9 septembre 1981 relatif à la protection des oiseaux en Région flamande (Moniteur belge du 31 octobre 1981, p. 13879), tel que modifié ultérieurement (ci-après l’«arrêté royal de 1981»), dispose à son article 1er:

«Le présent arrêté s’applique à tous les oiseaux appartenant à une des espèces d’oiseaux, en ce compris toutes les sous-espèces, races ou variétés de ces espèces, vivant à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres des Communautés européennes, quelle que soit leur origine géographique et que ces oiseaux soient vivants, morts ou naturalisés.

Toutefois, les dispositions du présent arrêté ne s’appliquent pas:

[…]

3°      aux oiseaux nés et élevés en captivité, énumérés à l’annexe I qui sont munis d’une bague fermée, suivant les conditions énoncées à l’article 7 ter;

[…]»

12      Conformément à l’article 3, premier alinéa, du même arrêté royal:

«Il est interdit en tout temps et en tous lieux de capturer, de tuer ou de détruire, de transporter, de transporter en transit et, même temporairement, d’importer ou d’exporter, les oiseaux visés à l’article 1er, les parties facilement reconnaissables de ces oiseaux ou les produits obtenus de ces oiseaux, ainsi que leurs œufs, sauf les dérogations prévues par le présent arrêté.»

13      L’article 5 dudit arrêté royal dispose:

«Il est interdit en tout temps et en tous lieux de détenir, de détenir en vue de la vente, d’acheter, de vendre, d’exposer en vente, de demander d’acheter et de livrer les oiseaux visés à l’article 1er, les parties facilement reconnaissables de ces oiseaux ou les produits obtenus de ces oiseaux, ainsi que leurs œufs, sauf dérogations ci-après.»

14      L’article 7 bis de l’arrêté royal de 1981 est libellé comme suit:

«Les oiseaux qui n’appartiennent pas aux espèces énumérées à l’annexe I du présent arrêté peuvent être tenus en captivité et être élevés, s’ils sont pourvus d’une bague fermée approuvée par le Ministre et délivrée par une association agréée par le Ministre en vertu de l’article 11 du présent arrêté et pour autant que l’éleveur détient des parents obtenus légalement qui figurent comme tels dans la banque de données visée au présent article et dans la mesure où peut être prouvée la descendance de ces parents légalement en captivité le jour de l’entrée en vigueur de l’arrêté modificateur du 18 décembre 1998.

Cette bague doit être adaptée à la taille de la patte et doit être fixée de telle manière qu’elle ne puisse être enlevée sans dommages ou altérations. Il importe de ne pas blesser l’articulation de la patte lors de la fixation de la bague.

Les oiseaux ainsi bagués peuvent être exposés et être transportés pendant toute l’année. Le transport et le négoce d’œufs desdits oiseaux est interdit.

Les oiseaux vivants doivent être inscrits sur un inventaire qui répond aux formes prescrites par le Ministre.

Il est interdit aux marchands d’oiseaux de détenir ces oiseaux dans leurs magasins, cours, entrepôts ou maisons attenantes.

Pour chaque oiseau figurant sur cet inventaire, le détenteur de l’oiseau remplit une fiche individuelle dont la forme et le mode de délivrance sont arrêtés par le Ministre.

Les détenteurs d’oiseaux et les marchands d’oiseaux sont tenus d’admettre le contrôle des agents de l’autorité énumérés à l’article 24 de la loi sur la chasse du 28 février 1882 et de prendre toutes les mesures pour faciliter ce contrôle. Cela peut impliquer la capture des oiseaux en volière au profit du contrôle.

Les associations agréées par le Ministre en vertu de l’article 11 du présent arrêté introduisent les inventaires de leurs membres dans une banque de données configurée suivant les critères fixés par le Ministre.

Les personnes élevant lesdits oiseaux doivent se faire enregistrer au préalable aux conditions que le Ministre fixe. Seules ces personnes sont autorisées à commercialiser ces oiseaux et cela après l’entrée en fonctions de la banque de données.»

15      Aux termes de l’article 7 ter dudit arrêté royal:

«Les oiseaux nés et élevés en captivité qui appartiennent aux espèces énumérées à l’annexe I du présent arrêté doivent être munis d’une bague fermée approuvée par le Ministre et délivrée par une association agréée par le Ministre en vertu de l’article 11 du présent arrêté.

Cette bague doit être adaptée à la taille de la patte et doit être fixée de telle manière qu’elle ne puisse être enlevée sans dommages ou altérations.

Il importe de ne pas blesser l’articulation de la patte lors de la fixation de la bague.

Les associations agréées par le Ministre en vertu de l’article 11 du présent arrêté communiquent au chef de service provincial de la division de la Nature les personnes auxquelles elles ont délivré des bagues, avec mention du nombre. La notification se fait suivant les conditions arrêtées par le Ministre.

[…]»

16      L’article 11 du même arrêté royal dispose:

«Le Ministre peut agréer des groupements d’amateurs d’oiseaux ou de pinsonniers. Pour pouvoir être agréés, ces groupements doivent satisfaire aux conditions suivantes:

–        […]

–        déployer une activité indépendante dans au moins deux provinces flamandes, depuis trois ans.

[…]»

 L’arrêté ministériel du 14 septembre 1981

17      L’article 2 de l’arrêté ministériel du 14 septembre 1981, réglant la détention d’oiseaux et permettant un approvisionnement temporaire d’oiseaux, par application des dispositions de l’arrêté royal du 9 septembre 1981 relatif à la protection des oiseaux en Région flamande (Moniteur belge du 13 novembre 1981, p. 14325), tel que modifié ultérieurement (ci-après l’«arrêté ministériel de 1981»), énonce:

«[…]

Sont munis d’une bague fermée: les oiseaux de l’annexe I [de l’arrêté royal de 1981] et les oiseaux visés à l’article 7 bis dudit arrêté royal qui sont nés en captivité.

Les bagues doivent répondre aux normes prescrites par l’annexe 4 du présent arrêté.

[…]

Les bagues fermées, dont le diamètre est adapté à l’espèce d’oiseau, sont délivrées aux détenteurs d’oiseaux par les groupements agréés d’amateurs d’oiseaux et des pinsonniers. Ces bagues doivent être fixées à la patte de l’oiseau au plus tard le dixième jour qui suit sa naissance.»

18      Parmi les normes prévues à l’annexe 4 de l’arrêté ministériel de 1981 figure, ainsi que l’a relevé le Royaume de Belgique, l’obligation d’anodiser les bagues.

 L’arrêté royal du 26 octobre 2001

19      L’arrêté royal du 26 octobre 2001 portant mesures relatives à l’importation, à l’exportation et au transit de certaines espèces d’oiseaux sauvages non indigènes (Belgisch Staatsblad, 6 décembre 2001, p. 41999, ci-après l’«arrêté royal de 2001») énonce à son article 1er:

«Pour l’application du présent arrêté on entend par:

1.      Importation: l’introduction sur le territoire de la Belgique de spécimens en provenance d’États membres ou de pays tiers, y compris les spécimens en transit et les spécimens destinés à être transbordés;

2.      Exportation: l’expédition à partir du territoire de la Belgique de spécimens à destination d’un État membre ou d’un pays tiers;

[…]

5.      Espèces non indigènes: toutes les espèces ou sous-espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres, quoique ne vivant pas naturellement à l’état sauvage sur le territoire de la Belgique, ainsi que les sous-espèces d’oiseaux ne vivant naturellement à l’état sauvage qu’en dehors du territoire européen des États membres, dès lors que l’espèce à laquelle elles appartiennent ou d’autres sous-espèces de celle-ci vivent naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen;

Pour l’application du présent arrêté, n’est pas considérée comme espèce non indigène, une espèce d’oiseaux qui, d’une part, ne se trouve pas sur le territoire belge, mais vit dans un autre État membre dans lequel sa chasse est autorisée tant par les dispositions de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages [JO L 103, p. 1] que par la législation de cet autre État membre et qui, d’autre part, n’est ni migratrice ni menacée au sens de cette directive.

[…]»

20      Aux termes de l’article 3 dudit arrêté royal:

«1.      L’importation, l’exportation et le transit de spécimens d’espèces non indigènes sont interdits. Sont également interdits leur détention, leur vente, leur mise en vente, leur offre en vente, leur transport pour la vente ou l’achat lorsque de telles opérations concernent des spécimens faisant ou ayant fait l’objet d’une importation, d’une exportation ou d’un transit.

2.      Les dispositions du § 1er ne sont pas d’application pour les spécimens issus d’un élevage en captivité. Toutefois, les oiseaux vivants ou morts nés et élevés en captivité doivent être identifiés à l’aide d’une bague individuelle formée d’un anneau cylindrique d’une seule pièce et complètement fermé qui, après avoir été placée dans les premiers jours de la vie de l’oiseau, ne peut être enlevée de la patte de l’oiseau devenu adulte. Lorsque cette méthode d’identification ne peut pas être appliquée en raison des propriétés physiques ou comportementales de l’espèce ou pour des oiseaux élevés à l’étranger, le Ministre ou son délégué reconnaîtra d’autres méthodes d’identification équivalentes à condition que ces méthodes d’identification offrent la même garantie que la méthode susmentionnée.»

 La procédure précontentieuse

21      Le 18 octobre 2005, la Commission a, en application de l’article 226 CE, adressé une lettre de mise en demeure au Royaume de Belgique, dans laquelle elle invitait ce dernier à lui faire part, dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre, de ses observations à l’égard des griefs qu’elle formulait à l’encontre de certains aspects de la réglementation belge en matière de détention et de commercialisation des oiseaux nés et élevés en captivité (ci-après la «réglementation litigieuse»).

22      Les autorités belges ont répondu, d’abord, par une lettre du 22 décembre 2005, dont il ressort que, selon le ministre de l’Agriculture wallon, la Région wallonne n’est pas compétente en la matière, ensuite, par une lettre du 23 décembre 2005, demandant une prolongation du délai de réponse, laquelle n’a pas été accordée par la Commission pour cause de tardiveté, et, enfin, par une lettre du 27 mars 2006, dans laquelle lesdites autorités ont pris position à l’égard des reproches formulés par la Commission.

23      La Commission, estimant que cette dernière lettre n’apportait pas une réponse convaincante aux griefs que cette institution avait émis dans ladite lettre de mise en demeure, a adressé, le 18 octobre 2006, un avis motivé au Royaume de Belgique, dans lequel elle énonçait les griefs qui font l’objet de la présente procédure et invitait ledit État membre à lui faire part de ses observations dans un délai de deux mois suivant la réception de cet avis.

24      Les autorités belges ont répondu audit avis motivé par lettres des 16 janvier, 1er février et 14 juin 2007. Elles soutenaient en substance, dans celles-ci, que la reconnaissance de bagues agréées dans d’autres États membres n’était pas exclue dans tous les cas par la réglementation litigieuse. En outre, la réglementation communautaire pertinente autoriserait l’application de mesures nationales plus strictes que celles résultant de cette dernière. Même si l’article 28 CE était applicable, les limitations et interdictions instituées par cette réglementation seraient, en tout état de cause, justifiées par la protection de la vie des animaux et proportionnées à cet objectif. Dans ladite lettre du 14 juin 2007, le Royaume de Belgique exprime l’intention de tenir compte, en particulier en ce qui concerne la Région flamande, des griefs formulés par la Commission et d’apporter à cet effet les modifications nécessaires à la réglementation concernée.

25      Considérant que les réponses fournies par le Royaume de Belgique n’étaient pas satisfaisantes et en l’absence d’autres informations communiquées par cet État membre, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Considérations liminaires

26      L’arrêté royal de 1981 contient des dispositions ayant trait à la protection, en Région flamande, des oiseaux vivant à l’état sauvage sur le territoire de la Communauté (ci-après les «oiseaux indigènes européens»). Cet arrêté royal s’applique aux oiseaux sauvages ainsi qu’aux oiseaux nés et élevés en captivité.

27      Les articles 3 et 5 de l’arrêté royal de 1981 interdisent, respectivement, l’importation et l’exportation, la détention, l’achat et la vente des oiseaux indigènes européens visés à l’article 1er du même arrêté.

28      En ce qui concerne les spécimens nés et élevés en captivité d’espèces mentionnées à l’annexe I de l’arrêté royal de 1981, l’article 1er, second alinéa, 3°, de celui-ci dispose que ces spécimens n’entrent pas dans le champ d’application de cet arrêté et ne sont donc pas visés par les interdictions prévues aux articles 3 et 5 de celui-ci s’ils portent une bague fermée conforme aux dispositions de l’article 7 ter du même arrêté. Cette dernière disposition prévoit notamment que la bague doit être fixée de manière à ce qu’elle ne puisse pas être enlevée sans dommages ou altérations, qu’elle doit être approuvée par le ministre compétent et délivrée par une association agréée. L’article 11 dudit arrêté royal dispose que seules peuvent être agréées des associations actives dans au moins deux provinces flamandes depuis trois ans.

29      En ce qui concerne les spécimens nés et élevés en captivité d’espèces qui ne figurent pas à l’annexe I de l’arrêté royal de 1981, l’article 7 bis, premier et deuxième alinéas, de celui-ci dispose que ces spécimens peuvent être détenus et élevés à condition notamment d’être munis d’une bague fermée approuvée par le ministre compétent, fixée de manière à ce qu’elle ne puisse être enlevée sans dommages ou altérations, et délivrée par une association agréée répondant aux prescriptions de l’article 11 du même arrêté. Par ailleurs, conformément à l’article 7 bis, cinquième alinéa, de cet arrêté royal, la dérogation en ce qui concerne la détention des oiseaux qui ne sont pas visés à l’annexe I ne s’applique pas aux marchands d’oiseaux, lesquels ne peuvent détenir de tels oiseaux, que ce soit dans leurs magasins, sur leurs terrains, dans leurs entrepôts ou dans des maisons attenantes.

30      Le Royaume de Belgique observe que, en vertu de l’annexe 4, partie A, de l’arrêté ministériel de 1981, les bagues doivent être anodisées, alors que la condition relative à la délivrance des bagues par des associations agréées ne s’appliquerait pas aux bagues des oiseaux provenant de régions autres que la Région flamande.

31      L’article 3, paragraphe 1, de l’arrêté royal de 2001 interdit, pour sa part, l’importation, l’exportation et le transit, ainsi que la détention et la vente liée à l’importation, l’exportation et le transit, des spécimens d’oiseaux indigènes européens qui ne sont pas indigènes sur le territoire belge. Le paragraphe 2 du même article prévoit une dérogation à ladite interdiction pour des spécimens élevés en captivité, à condition qu’ils portent une bague formée d’un anneau cylindrique d’une seule pièce et complètement fermé. Lorsque cette méthode d’identification ne peut pas être appliquée en raison des propriétés physiques ou comportementales de l’espèce ou pour les oiseaux élevés à l’étranger, le ministre compétent reconnaît d’autres méthodes équivalentes offrant la même garantie que la bague fermée.

32      Si, dès lors, l’arrêté royal de 2001 a pour objet le commerce intracommunautaire d’oiseaux indigènes européens qui ne sont pas indigènes sur le territoire belge, l’arrêté royal de 1981 porte, entre autres, sur le commerce intracommunautaire desdits oiseaux qui sont indigènes sur le territoire belge, de même que le commerce, la détention et la vente sur celui-ci de tous les oiseaux indigènes européens.

33      Par son recours, la Commission fait grief au Royaume de Belgique de maintenir en vigueur la réglementation litigieuse, d’une part, en ce qu’elle soumet l’importation, la détention et la vente d’oiseaux nés et élevés en captivité légalement commercialisés dans d’autres États membres à des conditions restrictives imposant aux opérateurs concernés de modifier le marquage des oiseaux tel qu’il est reconnu dans ces États afin que celui-ci réponde aux exigences résultant de ladite réglementation et, d’autre part, en ce que cette dernière interdit, sans aucune possibilité de dérogation, aux marchands d’oiseaux de détenir certains spécimens d’oiseaux même lorsque ceux-ci sont munis d’une bague fermée répondant aux exigences de cette réglementation.

 Sur le premier grief

 Argumentation des parties

–       Sur l’applicabilité de l’article 28 CE

34      La Commission fait valoir que le refus du Royaume de Belgique de reconnaître, en ce qui concerne des spécimens d’espèces inscrites à l’annexe A du règlement n° 338/97, les certificats «CITES» délivrés dans d’autres États membres et couvrant des spécimens nés et élevés en captivité provenant de ces derniers doit être examiné au regard de l’article 28 CE. Un tel refus constituerait une mesure plus stricte, au sens de l’article 176 CE, que celles qui sont prévues par les règlements nos 338/97 et 865/2006.

35      Il en irait de même de l’interdiction d’utiliser à des fins commerciales des spécimens d’espèces inscrites à l’annexe B du règlement n° 338/97, laquelle, dès lors qu’elle s’applique à des spécimens en provenance d’autres États membres, serait de nature à entraver le commerce intracommunautaire au sens de l’article 28 CE (arrêt du 23 octobre 2001, Tridon, C-510/99, Rec. p. I‑7777, point 49). Les interdictions et modalités de dérogation prévues respectivement à l’article 8, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 338/97 s’appliqueraient non seulement aux spécimens d’espèces inscrites à l’annexe A de ce règlement, mais également à celles inscrites à l’annexe B de celui-ci. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 2 du même article, les États membres pourraient interdire la détention de spécimens d’espèces inscrites à cette annexe B.

36      L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 338/97 n’étant pas applicable aux espèces inscrites aux annexes C et D de celui-ci ni à des spécimens d’espèces qui ne figurent pas dans les annexes de ce règlement, la compatibilité des mesures d’interdiction concernant ces espèces doit, selon la Commission, être examinée également au regard de l’article 28 CE.

37      Le Royaume de Belgique fait valoir, à titre principal, que la réglementation litigieuse constitue une mise en œuvre correcte des règlements nos 338/97 et 865/2006. En application de l’article 11 du règlement n° 338/97, la Région flamande aurait adopté des mesures plus strictes que celles résultant de celui-ci, à savoir, en fait, la non-reconnaissance des certificats «CITES» pour la réalisation des objectifs poursuivis par ce règlement si la bague en question n’est pas anodisée.

38      L’exigence selon laquelle les bagues fermées doivent être anodisées correspondrait à celle prévue à l’article 66, paragraphe 8, du règlement n° 865/2006. Le même raisonnement vaudrait pour les oiseaux indigènes européens n’étant pas présents sur le territoire belge, réglementés par l’arrêté royal de 2001. Les diverses bagues qui sont utilisées pour le marquage des oiseaux dans de nombreux États, telles les bagues en métal, en aluminium ou en acier inoxydable, seraient probablement reconnues et les autres méthodes d’identification, telles que des chaînes et des plaquettes sur l’aile, le seraient également dès lors qu’elles offrent la même protection que le marquage par une bague.

39      Selon le Royaume de Belgique, le règlement n° 338/97 doit être compris comme contenant une harmonisation exhaustive de la reconnaissance mutuelle et des conditions, à cette fin, des permis et des certificats pertinents. L’article 11 de ce règlement édicterait une clause de sauvegarde laissant clairement aux États membres une large marge d’appréciation en dehors du cadre de référence des articles 28 CE à 30 CE. Dans ce cas, la non-reconnaissance des certificats «CITES» en ce qui concerne les oiseaux énumérés aux annexes A et B dudit règlement ne devrait plus être appréciée par rapport aux dispositions du traité CE (voir, par analogie, arrêts du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler, C‑324/99, Rec. p. I-9897, et du 23 janvier 2003, Commission/Autriche, C‑221/00, Rec. p. I-1007). En tout état de cause, il se déduirait de l’article 11, paragraphe 1, du même règlement qu’il ne saurait être conclu à une reconnaissance mutuelle absolue desdits certificats, délivrés au titre de ce règlement, sous peine de méconnaître l’effet utile de cette disposition.

40      À titre subsidiaire, le Royaume de Belgique fait valoir que l’interprétation du chapitre XVI du règlement n° 865/2006, dont relève l’article 66 de celui-ci, ne peut pas mettre en cause l’effet utile du chapitre XV du même règlement, dont fait partie l’article 59 de ce dernier. Or, selon cet État membre, «l’organe de gestion compétent» au sens dudit article 59, paragraphe 2, couvre également cet organe dans l’État d’importation. L’objectif de protection des règlements nos 338/97 et 865/2006 ne serait atteint que si le parcours des spécimens est pris en considération de A à Z et si l’autorité compétente dans l’État d’importation a également son mot à dire (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 1990, Commission/France, C-182/89, Rec. p. I-4337, et du 16 décembre 2004, EU-Wood-Trading, C-277/02, Rec. p. I-11957).

41      En conclusion, le Royaume de Belgique fait valoir que, dans la mesure où la réglementation litigieuse est compatible avec le droit communautaire dérivé, qui a harmonisé de manière exhaustive le domaine en question, il n’y a pas lieu d’apprécier cette réglementation au regard de l’article 28 CE.

–       Sur l’existence d’entraves aux échanges communautaires

42      La Commission observe que la réglementation litigieuse contient une interdiction de principe de l’importation, de la détention et de la vente des oiseaux indigènes européens élevés en captivité légalement mis sur le marché dans un autre État membre. Or, une telle interdiction entrave les échanges intracommunautaires de ces oiseaux au sens de l’article 28 CE (voir, notamment, arrêts du 5 février 1981, Koninklijke Kaasfabriek Eyssen, 53/80, Rec. p. 409, et Tridon, précité). En outre, les conditions d’obtention d’une dérogation à ladite interdiction, telles qu’elles sont prévues aux articles 7 bis et 7 ter de l’arrêté royal de 1981 ainsi que 3, paragraphe 2, de l’arrêté royal de 2001 méconnaîtraient l’article 28 CE.

43      Le Royaume de Belgique observe que, comme indiqué au point 38 du présent arrêt, des bagues et des méthodes de marquage utilisées dans d’autres États membres peuvent satisfaire aux exigences de la réglementation litigieuse. Cela serait d’autant plus vrai que l’arrêté ministériel de 1981, et en particulier son article 2, lu en combinaison avec la partie A, point 6, de son annexe 4, dispenserait de l’exigence selon laquelle le marquage de spécimens d’oiseaux doit être fait par des associations actives en Flandre, même si cet arrêté aurait pu énoncer plus clairement une telle dispense.

44      Selon le Royaume de Belgique, si, contrairement à la thèse qu’il défend, les mesures édictées par la réglementation litigieuse devaient être qualifiées de mesures interdites, équivalentes à une restriction quantitative au sens de l’article 28 CE, de telles mesures seraient, en tout état de cause, justifiées au titre de l’article 30 CE.

–       Sur les éventuelles justifications des mesures litigieuses

45      Le Royaume de Belgique fait valoir que la réglementation litigieuse ne vise pas à régir les échanges entre les États membres, mais a pour seul but d’assurer une protection efficace des espèces protégées d’oiseaux vivant en liberté par l’introduction d’une exception à la liberté de détention des oiseaux concernés et par l’obligation pour ceux-ci de porter des bagues fermées. Cet intérêt correspondrait à l’objectif de protection de l’environnement poursuivi par les règlements nos 338/97 et 865/2006 et reconnu par la jurisprudence de la Cour.

46      Il existerait en Flandre un groupe de détenteurs d’oiseaux provenant de la capture illégale et présentés comme issus d’un élevage en captivité. La réglementation litigieuse aurait pour objet de protéger la vie et la santé des animaux, y compris au regard du maintien de la biodiversité (voir, à propos de ce dernier aspect, arrêt du 3 décembre 1998, Bluhme, C-67/97, Rec. p. I-8033, point 33).

47      Le fait qu’un État membre impose des règles moins strictes que celles applicables dans un autre État membre ne signifierait pas, par lui-même, que les règles plus strictes sont disproportionnées.

48      En ce qui concerne l’exigence selon laquelle les bagues fermées doivent être anodisées en Région flamande, elle serait nécessaire eu égard aux possibilités de fraude inhérentes aux autres méthodes de marquage, selon lesquelles il serait possible de faire passer pour des oiseaux élevés en captivité des oiseaux capturés illégalement dans la nature. En effet, la possibilité nettement plus importante de trafiquer des bagues non anodisées inciterait davantage au baguage illégal d’oiseaux nés dans la nature, qui seraient arrachés du nid ou capturés illégalement à un âge un peu plus avancé et sur lesquels serait posée une bague fermée. Dans les deux cas, une telle bague ne pourrait plus être posée, sans qu’elle soit trafiquée, au-delà de l’articulation de la patte de l’oiseau et sans blesser celle-ci. En outre, les bagues en aluminium anodisé seraient préférables aux bagues en plastique pour le bien-être des oiseaux, ainsi qu’il ressortirait d’études scientifiques annexées au mémoire en défense. Enfin, ladite exigence respecterait pleinement l’article 66, paragraphe 8, du règlement n° 865/2006 qui évoque «une bague […] qui n’a subi aucune manipulation frauduleuse».

49      En ce qui concerne la non-reconnaissance de facto, dans l’arrêté royal de 1981, du marquage d’oiseaux nés en captivité au moyen d’une micropuce, les mêmes raisons justifient, selon le Royaume de Belgique, l’exigence de l’anodisation des bagues fermées. En outre, si une bague fermée anodisée ne permet la fraude qu’en volant des œufs ou des petits dans la nature, l’utilisation d’une micropuce pourrait donner lieu à une fraude plus importante. Une micropuce pourrait d’ailleurs être facilement introduite dans le corps d’un oiseau adulte. Ce serait l’existence de fraudes à grande échelle, dans lesquelles des oiseaux capturés dans la nature sont présentés comme ayant été élevés en captivité, qui justifierait la non-reconnaissance de ladite méthode.

50      Pour autant que la protection des espèces d’oiseaux indigènes européens qui ne sont pas indigènes sur le territoire belge est visée par la réglementation litigieuse, elle serait justifiée par la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 et approuvée au nom de la Communauté économique européenne par la décision 82/72/CEE du Conseil, du 3 décembre 1981 (JO 1982, L 38, p. 1), par la directive 79/409 et par la convention internationale sur la protection des oiseaux, signée à Paris le 18 octobre 1950. Compte tenu de la vocation internationale de la biodiversité et de la protection des oiseaux, ni le traité ni le droit communautaire dérivé n’empêcheraient que les législations belge et flamande puissent s’appliquer à des espèces d’oiseaux non indigènes (voir, par analogie, arrêt Eu-Wood-Trading, précité).

51      Quant à la protection de la vie et de la santé des animaux, y compris les «aspects de biodiversité», sur laquelle se fonde le Royaume de Belgique, la Commission estime que ce dernier ne démontre pas quelle faune indigène aux propriétés spécifiques est protégée par les dispositions de la réglementation litigieuse, lesquelles portent également sur des espèces qui ne sont pas indigènes sur le territoire belge.

52      La Commission admet l’importance de la protection de l’environnement, à laquelle se réfère également le Royaume de Belgique, et qu’une justification fondée sur la protection d’espèces rares (voir, à propos des espèces inscrites à l’annexe B du règlement n° 338/97, arrêt Tridon, précité, point 50) puisse en principe être invoquée, mais elle souligne qu’une telle justification n’est possible que pour des espèces menacées (voir arrêt du 23 mai 1990, Van den Burg, C‑169/89, Rec. p. I-2143, points 14 et 15), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

53      En tout état de cause, la réglementation litigieuse ne satisferait pas aux conditions de nécessité et de proportionnalité. La non-reconnaissance généralisée en Belgique des méthodes reconnues dans les autres États membres, l’obligation d’anodiser les bagues, qui exclurait toutes les bagues non métalliques, telles les bagues en plastique, et le refus de reconnaître le marquage par micropuce seraient disproportionnés, car des mesures moins strictes seraient possibles.

54      Quant à l’application des exigences de la réglementation litigieuse en matière de marquage à des spécimens européens non indigènes sur le territoire belge, la justification tirée de la protection de la biodiversité supposerait que cette protection concerne une population ayant des propriétés spécifiques, et ce même si la protection des populations avicoles a une portée internationale.

 Appréciation de la Cour

–       Sur l’applicabilité de l’article 28 CE

55      Ainsi qu’il ressort des points 27 et 31 du présent arrêt, la réglementation litigieuse contient une interdiction de principe d’importer, d’exporter, de détenir, d’acheter et de vendre des spécimens d’oiseaux indigènes européens nés et élevés en captivité qui ont été légalement mis sur le marché dans d’autres États membres. Les exceptions et les dérogations à cette interdiction, qui sont prévues par ladite réglementation, sont subordonnées au respect de spécifications nationales, notamment en matière de marquage des spécimens en question, ce qui implique que les méthodes de marquage acceptées dans d’autres États membres et les certificats «CITES» délivrés au titre du règlement n° 338/97 ne sont pas automatiquement reconnus par le Royaume de Belgique.

56      Pour autant que la réglementation belge s’applique à des spécimens nés et élevés en captivité qui sont couverts par l’annexe A du règlement n° 338/97, il convient de relever d’emblée que l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement interdit de manière générale toute utilisation commerciale de spécimens d’espèces relevant de cette annexe (voir, en ce sens, arrêts Tridon, précité, point 33, ainsi que du 19 juin 2008, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, C-219/07, Rec. p. I-4475, point 18) et que le paragraphe 2 du même article permet aux États membres d’interdire également la détention de tels spécimens.

57      Toutefois, selon l’article 8, paragraphe 3, sous d), du règlement n° 338/97, les États membres peuvent déroger à l’interdiction prévue au paragraphe 1 de ce même article lorsqu’il s’agit de spécimens nés et élevés en captivité, à condition d’obtenir de l’organe de gestion de l’État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat «CITES» délivré au cas par cas à cet effet.

58      En application de l’article 59, paragraphe 5, du règlement n° 865/2006, la dérogation prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 338/97 peut être octroyée pour des oiseaux nés et élevés en captivité si le demandeur a démontré à l’organe de gestion compétent que les dispositions de l’article 66 du même règlement sont satisfaites, à savoir, notamment, si les oiseaux sont marqués à l’aide d’une bague fermée sans soudure portant un marquage distinctif ou, si l’organe de gestion compétent est convaincu que cette méthode de marquage ne convient pas en raison des propriétés physiques ou comportementales de l’animal, au moyen d’un transpondeur à micropuce inaltérable.

59      L’article 68, paragraphe 1, du règlement n° 865/2006 dispose que les autorités compétentes des États membres reconnaissent les méthodes de marquage approuvées par les autorités d’autres États membres qui sont conformes à l’article 66 de ce même règlement. Enfin, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 338/97, les certificats «CITES» sont valables dans l’ensemble de la Communauté, sans préjudice des mesures plus strictes que les États membres peuvent adopter ou maintenir.

60      Dans ces conditions, ainsi que la Commission le soutient à bon droit, la non-reconnaissance par le Royaume de Belgique de certificats «CITES» délivrés à l’effet d’obtenir une dérogation à l’interdiction prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 338/97, en ce qui concerne les spécimens nés et élevés en captivité appartenant à des espèces qui sont inscrites à l’annexe A dudit règlement, doit être qualifiée de mesure plus stricte au sens de l’article 176 CE que celles qui sont prévues aux articles 11, paragraphe 1, du règlement n° 338/97 et 68, paragraphe 1, du règlement n° 865/2006.

61      En effet, ces dernières dispositions ne prévoient pas de conditions supplémentaires telles que l’approbation de la méthode de marquage par le ministre compétent et la délivrance de la bague par une association agréée active dans la région concernée. À cet égard, il convient de constater que, comme l’admet d’ailleurs le Royaume de Belgique, la dispense de l’exigence expressément énoncée aux articles 7 bis et 7 ter de l’arrêté royal de 1981, selon laquelle la bague doit être délivrée par une association reconnue qui est active en Flandre, ne résulte pas clairement de la réglementation litigieuse.

62      En vertu de l’article 176 CE, les mesures de protection qui, comme le règlement n° 338/97, sont arrêtées en vertu de l’article 175 CE ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées, qui doivent être compatibles avec le traité (voir, notamment, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 15).

63      Par conséquent, le refus du Royaume de Belgique de reconnaître des certificats «CITES» délivrés par d’autres États membres, pour autant que les oiseaux en question relèvent de l’annexe A du règlement n° 338/97, doit être examiné au regard de l’article 28 CE.

64      Il est constant que le règlement n° 338/97 ne comporte pas une interdiction générale d’importation et de commercialisation des espèces autres que celles qui sont visées à son annexe A (arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 18).

65      S’agissant plus particulièrement des spécimens d’espèces figurant à l’annexe B du règlement n° 338/97, l’utilisation commerciale de ces espèces est autorisée pour autant que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement sont remplies (arrêt Tridon, précité, point 44), et les modalités de dérogation établies au paragraphe 3 du même article leur sont également applicables. En vertu du paragraphe 2 de cet article, les États membres peuvent interdire la détention desdites espèces.

66      Dans ces conditions, l’application de la réglementation litigieuse, dans la mesure où elle comporte une interdiction d’importation, de détention et de commercialisation de ces espèces d’oiseaux et la non-reconnaissance de certificats «CITES» délivrés par d’autres États membres en ce qui concerne ces espèces, doit également être qualifiée de mesure plus stricte au sens de l’article 176 CE (voir en ce sens, notamment, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 19).

67      Tel est encore le cas en ce qui concerne les spécimens d’espèces inscrites aux annexes C et D du règlement n° 338/97, ce dernier ne contenant aucune disposition spécifique comportant une interdiction d’utilisation commerciale de ceux-ci. La même conclusion s’impose à plus forte raison en ce qui concerne les spécimens d’espèces qui ne sont pas visées par ce règlement, aucune mesure d’harmonisation au niveau communautaire portant interdiction de l’utilisation commerciale de ceux-ci n’ayant été adoptée (voir, en ce sens, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 19).

68      En conséquence, la réglementation litigieuse, en ce qu’elle s’applique à des spécimens d’espèces qui ne sont pas mentionnées à l’annexe A du règlement n° 338/97, doit également être examinée au regard de l’article 28 CE (voir, en ce sens, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 20).

69      Ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, la conclusion selon laquelle la réglementation litigieuse relève du champ d’application de l’article 28 CE ne saurait être remise en question par l’argumentation du Royaume de Belgique selon laquelle cette réglementation représenterait une mise en œuvre correcte des règlements nos 338/97 et 865/2006 qui constitueraient une harmonisation exhaustive du domaine visé.

70      Tout d’abord, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, le règlement n° 338/97 n’a pas procédé à une harmonisation complète du domaine qu’il couvre. Si des mesures plus strictes peuvent être prises ou maintenues par les États membres, il n’en demeure pas moins que celles-ci doivent être compatibles avec l’article 28 CE (voir, notamment, arrêts précités Tridon, points 45 et 46, ainsi que Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, points 14 et 15).

71      Aucune conclusion en sens contraire ne saurait être inférée des arrêts précités DaimlerChrysler et Commission/Autriche, qui concernaient des réglementations différentes de celle en cause dans le présent litige, le premier arrêt ayant trait au règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1), et le second portant sur la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997 (JO L 43, p. 21). Par ailleurs, dans ces arrêts, la Cour a précisément jugé, à l’opposé de ce qui est le cas en l’espèce, que la réglementation communautaire applicable, à savoir le règlement n° 259/93 (arrêt DaimlerChrysler, précité, points 42 et 43) et la directive 79/112 (arrêt Commission/Autriche, précité, point 42), avait harmonisé les domaines concernés.

72      En outre, contrairement aux allégations du Royaume de Belgique, la non-reconnaissance générale et systématique par les autorités belges des certificats «CITES» et des contrôles des autorités compétentes d’autres États membres ne saurait trouver aucun fondement dans le règlement n° 865/2006.

73      D’une part, les exigences relatives aux méthodes de marquage prévues par la réglementation litigieuse ne résultent nullement de l’article 66, paragraphe 8, du règlement n° 865/2006. En effet, outre la circonstance que, en tout état de cause, cette disposition ne s’applique qu’aux espèces d’oiseaux inscrites à l’annexe A du règlement n° 338/97, ainsi que, le cas échéant, à celles figurant à l’annexe B de celui-ci, il suffit de constater qu’elle n’exige pas que les bagues soient anodisées pour lesdites espèces et elle n’influe pas sur l’applicabilité du paragraphe 1 du même article, qui ne prohibe pas le marquage des oiseaux au moyen de micropuces.

74      D’autre part, l’article 59, paragraphe 5, du règlement n° 865/2006, selon lequel la dérogation prévue pour les spécimens visés à l’article 8, paragraphe 3, point d), du règlement n° 338/97 n’est accordée que si le demandeur a démontré à l’«organe de gestion compétent» que les spécimens concernés sont nés et ont été élevés en captivité ou ont été reproduits artificiellement conformément aux articles 54 à 56 de ce règlement, doit être interprété comme visant seulement l’organe de gestion de l’État membre d’origine, et non pas, comme le soutient le Royaume de Belgique, également l’organe de gestion de l’État membre de destination.

75      En effet, outre que les dispositions en question visent manifestement une situation de première reconnaissance, l’interprétation défendue par le Royaume de Belgique priverait de tout effet utile le principe de reconnaissance mutuelle énoncé à l’article 68 du règlement n° 865/2006.

76      L’interprétation défendue par ledit État membre n’est pas non plus corroborée par les arrêts précités EU-Wood-Trading et Commission/France, qui concernaient des situations de droit et de fait différentes de celle en cause dans la présente procédure.

77      À cet égard, il suffit de relever que, d’une part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt EU-Wood-Trading, précité (voir, notamment, point 16 de celui-ci), portait sur l’interprétation d’une disposition du règlement n° 259/93, relatif au transfert des déchets, prévoyant expressément l’intervention des «autorités compétentes de destination et d’expédition». D’autre part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/France, précité, concernait non pas, comme en l’espèce, une situation de transit intracommunautaire, mais l’importation dans la Communauté de spécimens provenant d’un État tiers, régie à l’époque par le règlement (CEE) n° 3626/82 du Conseil, du 3 décembre 1982, relatif à l’application dans la Communauté de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (JO L 384, p. 1), qui subordonnait l’importation des espèces visées à la présentation d’un permis d’importation délivré, à l’époque, conformément à l’article 10, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et, actuellement, par un organe de gestion de l’État membre de destination dans les conditions prévues à l’article 4 du règlement n° 338/97.

78      L’argumentation du Royaume de Belgique, en ce qu’elle est fondée sur la conformité de la réglementation litigieuse avec les règlements nos 338/97 et 865/2006, ne saurait en tout état de cause être retenue s’agissant des espèces d’oiseaux inscrites aux annexes C et D du règlement n° 338/97 et celles qui ne figurent pas dans les annexes de ce règlement. Or, les dispositions nationales portant sur la détention et la commercialisation de ces espèces doivent être conformes aux articles 28 CE à 30 CE.

79      Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, il convient de conclure que la réglementation litigieuse doit être examinée au regard de l’article 28 CE en ce qui concerne les spécimens nés et élevés en captivité appartenant tant aux espèces qui sont inscrites dans les différentes annexes du règlement n° 338/97 qu’à celles qui ne figurent dans aucune de ces annexes.

–       Sur l’existence d’entraves aux échanges communautaires

80      Selon une jurisprudence constante, toute réglementation commerciale des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 28 CE (voir, notamment, arrêt du 10 février 2009, Commission/Italie, C-110/05, non encore publié au Recueil, point 33).

81      L’article 28 CE reflète l’obligation de respecter les principes de non-discrimination et de reconnaissance mutuelle des produits légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres États membres, ainsi que celle d’assurer aux produits communautaires un libre accès aux marchés nationaux (arrêt Commission/Italie, précité, point 34).

82      Ainsi, constituent des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives les entraves à la libre circulation des marchandises résultant, en l’absence d’harmonisation des législations nationales, de l’application à des marchandises en provenance d’autres États membres, où elles sont légalement fabriquées et commercialisées, de règles relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces marchandises, même si ces règles sont indistinctement applicables à tous les produits (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 35 et jurisprudence citée).

83      Ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, les restrictions à l’importation, à la vente et à la détention de spécimens nés et élevés en captivité, qui résultent de la réglementation litigieuse, constituent des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 28 CE.

84      Ladite réglementation, dans la mesure où elle s’applique, en Région flamande et dans les autres parties du territoire belge, à des spécimens nés et élevés en captivité en provenance d’autres États membres et relevant d’espèces qui ne sont pas mentionnées à l’annexe A du règlement n° 338/97, est de nature à entraver le commerce intracommunautaire en violation de l’article 28 CE, en ce qu’elle contient une interdiction de principe de l’importation, de la détention et de la vente desdits spécimens, bien qu’ils aient été légalement mis sur le marché dans un autre État membre (voir en ce sens, notamment, arrêts précités Tridon, point 49, ainsi que Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, points 20 et 21).

85      S’agissant plus particulièrement des conditions d’obtention d’une dérogation à l’interdiction de principe d’importer, de détenir et de vendre des spécimens nés et élevés en captivité, lesquelles sont énoncées respectivement aux articles 7 bis et 7 ter de l’arrêté royal de 1981 ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 2, de l’arrêté royal de 2001, elles constituent une entrave aux échanges entre les États membres dans la mesure où elles reviennent à obliger les marchands d’oiseaux à modifier la présentation des spécimens tels qu’ils sont légalement commercialisés dans d’autres États membres. Dès lors que lesdits oiseaux ne sont pas marqués selon une méthode reconnue par la réglementation litigieuse, ceux-ci doivent faire l’objet d’un nouveau marquage afin de satisfaire aux exigences de cette réglementation, en méconnaissance du principe de reconnaissance mutuelle (voir en ce sens, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 35).

86      En effet, ainsi qu’il a été relevé précédemment, d’une part, l’arrêté royal de 1981 exige que la bague présente certaines caractéristiques, qu’elle soit approuvée par le ministre compétent et qu’elle soit délivrée par une association agréée active en Flandre, en sorte que les bagues qui ont été admises dans d’autres États membres ne sont pas pour autant reconnues en Région flamande, mais doivent également satisfaire aux exigences définies par la réglementation litigieuse.

87      D’autre part, l’arrêté royal de 2001, applicable aux oiseaux indigènes européens qui ne sont pas indigènes sur le territoire belge, exige le marquage au moyen d’une bague fermée ou effectué par une autre méthode approuvée par le ministre compétent. La condition selon laquelle les méthodes d’identification reconnues dans les autres États membres doivent assurer «la même protection» que celle garantie par les mesures prévues par la réglementation litigieuse et l’affirmation du Royaume de Belgique, selon laquelle des bagues reconnues dans d’autres États membres seront «probablement» reconnues en Belgique, confirment également que ladite réglementation énonce des exigences plus strictes que celle découlant de la simple vérification qu’un marquage a effectivement été apposé selon les méthodes reconnues dans d’autres États membres.

88      Constitue de même une entrave aux échanges entre les États membres la non-reconnaissance par la réglementation litigieuse de certificats «CITES» délivrés conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 338/97 et aux dispositions du règlement n° 865/2006 en ce qui concerne les spécimens d’oiseaux relevant des espèces inscrites aux annexes A et B du règlement n° 338/97, lesquels ne peuvent être importés, détenus et commercialisés que s’ils répondent également aux exigences relatives au marquage des oiseaux définies par cette réglementation.

89      Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que certaines bagues admises dans d’autres États membres peuvent, le cas échéant, être reconnues comme accordant une protection équivalente à celle que procurent les méthodes de marquage prévues par la réglementation litigieuse, alors notamment que, comme l’admet le Royaume de Belgique, des méthodes telles que les bagues en plastique ou les micropuces ne sauraient en aucun cas répondre aux exigences de cette réglementation et alors surtout que la constatation d’une entrave au commerce intracommunautaire ne suppose pas nécessairement que tous les oiseaux subissent les effets restrictifs de ladite réglementation.

–       Sur les éventuelles justifications des mesures prévues par la réglementation litigieuse

90      Le Royaume de Belgique soutient en substance que la réglementation litigieuse introduit une exception à la liberté de détenir des oiseaux et que l’obligation pour ces derniers de porter une bague fermée anodisée est prévue dans le seul but de protéger la vie et la santé des animaux, y compris sous l’aspect de la biodiversité, en luttant contre une fraude organisée à grande échelle portant sur la capture illégale d’oiseaux vivant dans la nature et présentés comme étant nés et élevés en captivité.

91      Il convient de relever que la protection du bien-être des animaux constitue un objectif légitime d’intérêt général dont l’importance s’est traduite, notamment, par l’adoption par les États membres du protocole sur la protection et le bien-être des animaux, annexé au traité instituant la Communauté européenne (JO 1997, C 340, p. 110). La Cour a, par ailleurs, constaté à plusieurs reprises l’intérêt que la Communauté porte à la santé et à la protection des animaux (voir, notamment, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 27).

92      Selon l’article 30 CE, les dispositions des articles 28 CE et 29 CE ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons, notamment, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, pourvu que ces interdictions ou restrictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres, et la Cour a jugé que la protection de la santé et de la vie des animaux constitue une exigence fondamentale reconnue par le droit communautaire (arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 28).

93      S’agissant du maintien de la biodiversité, la Cour a jugé que les mesures de préservation d’une population animale indigène qui présente des caractéristiques distinctes contribuent à maintenir la biodiversité en garantissant la subsistance de la population concernée. Ce faisant, elles visent à protéger la vie de ces animaux et sont susceptibles d’être justifiées en vertu de l’article 30 CE (arrêt Bluhme, précité, point 33).

94      Il convient de relever également que, si le principe de proportionnalité, qui est à la base de la dernière phrase de l’article 30 CE, exige que la faculté des États membres d’interdire l’importation, la détention et la vente d’animaux en provenance d’autres États membres dans lesquels ils sont légalement commercialisés soit limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de protection légitimement poursuivis, il y a lieu de prendre en compte la nature particulière des espèces concernées ainsi que les intérêts et exigences rappelés aux points 91 et 92 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 30).

95      Par ailleurs, le fait qu’un État membre impose des règles moins strictes que celles applicables dans un autre État membre ne signifie pas en soi que ces dernières sont disproportionnées et, partant, incompatibles avec le droit communautaire. En effet, la seule circonstance qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions prises en la matière (voir, notamment, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 31).

96      Il y a lieu toutefois d’écarter d’emblée la justification tirée de la protection de la biodiversité, le Royaume de Belgique n’ayant pas été en mesure de préciser quelle «population animale indigène qui présente des caractéristiques distinctes» est protégée par les restrictions instituées par la réglementation litigieuse, lesquelles s’appliquent d’ailleurs de la même manière aux oiseaux européens qu’ils soient indigènes ou non sur le territoire belge.

97      Une réglementation qui, telle que celle visée par le présent recours, soumet l’importation, la détention et la vente d’oiseaux à l’autorisation, au cas par cas, par le ministre compétent de la méthode de baguage utilisée, qui s’applique également aux spécimens qui sont légalement détenus dans d’autres États membres, n’est par ailleurs conforme au droit communautaire que si plusieurs conditions sont remplies (voir, par analogie, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 33).

98      D’abord, une telle réglementation doit reposer sur des critères objectifs et non discriminatoires (voir, par analogie, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 34).

99      Ensuite, ladite réglementation doit être assortie d’une procédure aisément accessible, ce qui suppose qu’elle soit expressément prévue dans un acte de portée générale et qu’elle puisse être menée à son terme dans des délais raisonnables, et, si elle débouche sur une décision de refus, lequel doit être motivé, celui-ci doit pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel (voir, par analogie, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 35).

100    Enfin, un rejet de la méthode de marquage par les autorités administratives compétentes d’un État membre ne peut être décidé que si celle-ci présente un risque réel pour la sauvegarde ou le respect des intérêts et des exigences mentionnés aux points 91 et 92 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 36).

101    En tout état de cause, une méthode de marquage ne peut être rejetée par les autorités compétentes que sur la base d’une évaluation approfondie du risque qu’elle représente pour la sauvegarde des intérêts et exigences mentionnés aux points 91 et 92 du présent arrêt, établie à partir des données scientifiques disponibles les plus fiables et des résultats les plus récents de la recherche internationale (voir par analogie, notamment, arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 37).

102    Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque envisagé en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé des animaux persiste dans l’hypothèse où ce risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (arrêt Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, précité, point 38).

103    Toutefois, en l’occurrence, la non-reconnaissance automatique, généralisée et indifférenciée des certificats «CITES» ainsi que des méthodes de marquage admises dans les États membres autres que le Royaume de Belgique, en ce que, d’une part, l’arrêté royal de 1981 oblige les marchands d’oiseaux à prévoir le marquage des oiseaux par une bague fermée délivrée par une association agréée et, d’autre part, l’arrêté royal de 2001 impose le marquage des oiseaux par une bague fermée ou d’autres méthodes «équivalentes» qui seront reconnues par le ministre compétent si elles «offrent la même garantie» que le marquage par une bague fermée, ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme satisfaisant à l’exigence de proportionnalité de la réglementation litigieuse.

104    En ce qui concerne plus particulièrement la règle selon laquelle les bagues doivent être anodisées, le Royaume de Belgique n’a pas été en mesure de démontrer que, contrairement à ce que soutient la Commission, d’autres types de bagues qui ne sont pas reconnus par cet État membre, telles les bagues en plastique, matériau qui est susceptible de répondre aux exigences de l’article 66, paragraphe 8, du règlement n° 865/2006, seraient insuffisants pour combattre efficacement la fraude alléguée en Région flamande. Par ailleurs, l’interdiction faite aux marchands d’oiseaux de détenir des espèces portant une bague anodisée démontre que, selon les autorités belges elles-mêmes, l’anodisation n’est pas un remède suffisant à la fraude alléguée. À cela s’ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’obligation d’utiliser une méthode de marquage unique des oiseaux, sans égard à l’espèce et à la taille de ceux-ci, risque précisément de porter préjudice au bien-être des oiseaux.

105    Quant au refus du Royaume de Belgique de reconnaître le marquage des oiseaux par micropuce, méthode expressément autorisée sous certaines conditions par l’article 66, paragraphe 2, du règlement n° 865/2006, il y a lieu de constater que cet État membre, qui impose d’ailleurs lui-même le marquage par micropuce pour garantir l’identification d’autres animaux, tels que les chiens, n’a pas non plus démontré que, contrairement à ce que soutient la Commission, la méthode de marquage par baguage ne saurait être recommandée pour les grands oiseaux, tels que les rapaces, les cigognes ou les ibis, afin notamment de prévenir des blessures ou d’autres accidents dus au marquage à l’aide d’une bague. Il convient de relever dans ce contexte que, s’agissant plus particulièrement du commerce des oiseaux relevant du règlement n° 338/97 et pour lesquels un certificat «CITES» est requis, ce dernier comporte les indications nécessaires à l’identification du spécimen en question et n’est délivré que si la demande est accompagnée d’un certificat vétérinaire et justifie la décision de ne pas utiliser de bague.

106    Enfin, quant à l’application des exigences en matière de marquage aux spécimens européens non indigènes sur le territoire belge, la directive 79/409 ne saurait être invoquée, celle-ci ne visant pas des spécimens nés et élevés en captivité (arrêt du 8 février 1996, Vergy, C-149/94, Rec. p. I-299, point 15). Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé précédemment, la protection de la biodiversité invoquée par le Royaume de Belgique suppose que celle-ci concerne une population indigène ayant des propriétés spécifiques, alors que la protection d’espèces non indigènes, qui ne sont pas naturellement présentes sur le territoire belge, ne répond précisément pas à cette condition.

107    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier grief doit être accueilli.

 Sur le second grief

 Argumentation des parties

108    La Commission fait valoir que l’interdiction pour les commerçants de détenir ou d’exposer en Flandre des oiseaux non inscrits à l’annexe I de l’arrêté royal de 1981, que ce soit dans un but commercial ou en tant qu’amateurs d’oiseaux, équivaut à une interdiction d’utilisation par cette catégorie de personnes qui réduit leur possibilité de commercer et d’avoir des clients pour ces spécimens d’oiseaux. Ladite interdiction, qui est applicable même lorsque ceux-ci sont munis d’une bague fermée, serait disproportionnée et ne saurait dès lors être justifiée au titre de l’article 30 CE.

109    Le Royaume de Belgique observe que l’interdiction pour les marchands d’oiseaux de détenir des oiseaux, même correctement marqués à l’aide d’une bague fermée, qui est prévue à l’article 7 bis, cinquième alinéa, dudit arrêté royal, est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les oiseaux qui ne sont pas mentionnés sur la liste de l’annexe I de cet arrêté afin de limiter les risques de braconnage ainsi que de vol tant des œufs que des jeunes oiseaux vivant dans la nature, puisque la mise en place de bagues anodisées est possible lorsque sont prélevés par braconnage de jeunes spécimens. Cette interdiction serait la seule mesure adaptée pour empêcher une éventuelle fraude à grande échelle. Ces risques augmenteraient en effet au fur et à mesure de l’accroissement de la demande du fait de la possibilité pour les marchands de détenir les spécimens en question.

 Appréciation de la Cour

110    Pour les mêmes raisons que celles énoncées dans le cadre de l’appréciation du premier grief, constitue une mesure plus stricte que celles prévues par les règlements nos 338/97 et 865/2006 et ayant un effet équivalent à une restriction quantitative au sens de l’article 28 CE, l’interdiction édictée à l’article 7 bis, cinquième alinéa, de l’arrêté royal de 1981, selon laquelle les marchands d’oiseaux ne peuvent en aucun cas détenir des oiseaux qui n’appartiennent pas aux espèces énumérées à l’annexe I de cet arrêté dans leurs magasins, cours, entrepôts ou maisons attenantes, alors même qu’ils sont pourvus d’une bague fermée approuvée par le ministre compétent et délivrée par une association agréée par ce dernier en vertu de l’article 11 du même arrêté.

111    Ladite interdiction absolue de détenir les espèces en question, qui constitue manifestement un obstacle considérable à l’utilisation et au commerce desdites espèces par les marchands d’oiseaux établis en Région flamande, ne saurait être regardée comme nécessaire pour atteindre l’objectif de lutte contre la fraude de grande envergure invoqué par le Royaume de Belgique.

112    En effet, dans la mesure où le Royaume de Belgique soutient pour sa part que le marquage au moyen d’une bague fermée anodisée est de nature à assurer la protection des oiseaux contre ladite fraude, cet État membre n’a pas démontré en quoi une interdiction absolue de détention par les marchands d’oiseaux, édictée par ailleurs à l’article 7 bis, cinquième alinéa, de l’arrêté royal de 1981 et qui touche indistinctement tous les spécimens d’oiseaux non mentionnés à l’annexe I de cet arrêté, serait proportionnée à l’objectif allégué de lutte contre la fraude.

113    Ladite interdiction, en privant les marchands d’oiseaux de la faculté d’obtenir des dérogations, apparaît comme étant d’autant plus disproportionnée qu’elle constitue une entrave au commerce de l’ensemble de ces marchands, partant, même ceux qui ne participent pas à la fraude internationale alléguée par le Royaume de Belgique, alors pourtant que cet État membre n’a pas démontré que ces derniers seraient l’exception et que, par ailleurs, la détention et le commerce desdits spécimens par les particuliers ne sont pas prohibés.

114    Dans ces conditions, le second grief doit également être accueilli.

115    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que:

–        en soumettant l’importation, la détention et la vente d’oiseaux nés et élevés en captivité, qui ont été légalement mis sur le marché dans d’autres États membres, à des conditions restrictives imposant aux opérateurs concernés du marché de modifier le marquage des spécimens pour qu’il réponde aux conditions spécifiquement requises par la législation belge et en n’admettant pas le marquage accepté dans d’autres États membres ni les certificats délivrés conformément au règlement n° 338/97, et

–        en privant les marchands de la faculté d’obtenir des dérogations à l’interdiction de détenir des oiseaux indigènes européens légalement mis sur le marché dans d’autres États membres,

le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

 Sur les dépens

116    En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le Royaume de Belgique,

–        en soumettant l’importation, la détention et la vente d’oiseaux nés et élevés en captivité, qui ont été légalement mis sur le marché dans d’autres États membres, à des conditions restrictives imposant aux opérateurs concernés du marché de modifier le marquage des spécimens pour qu’il réponde aux conditions spécifiquement requises par la législation belge et en n’admettant pas le marquage accepté dans d’autres États membres ni les certificats délivrés conformément au règlement (CE) n° 338/97 du Conseil, du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce, et

–        en privant les marchands de la faculté d’obtenir des dérogations à l’interdiction de détenir des oiseaux indigènes européens légalement mis sur le marché dans d’autres États membres,

a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.