Language of document : ECLI:EU:T:2019:422

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 juin 2019 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut – Répétition de l’indu – Article 85, premier alinéa, du statut – Caractère évident de l’irrégularité du versement »

Dans l’affaire T‑828/17,

Alessandro Quadri di Cardano, agent contractuel de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), demeurant à Alicante (Espagne), représenté initialement par Mes N. de Montigny et J.-N. Louis, puis par Me de Montigny, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission du 28 février 2017 relative à la répétition des sommes indûment versées au requérant au titre de l’indemnité de dépaysement et des frais de voyage annuel pour la période d’activité exercée à l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME), du 16 mai 2014 au 15 juillet 2016, et, pour autant que de besoin, des fiches de salaire « régularisées » à la suite de cette décision,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 mai 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Le requérant, M. Alessandro Quadri di Cardano, est né le 19 avril 1980 à Bologne (Italie), d’un père italien et d’une mère belge et possède la double nationalité italienne et belge.

2        Le requérant a résidé en Italie jusqu’en 2006, en y accomplissant ses études primaires, secondaires et universitaires.

3        Depuis le 21 septembre 2007, le requérant est inscrit au consulat italien, à Bruxelles (Belgique). Le 6 décembre 2008, il s’est marié à Bruxelles, avec une ressortissante belge, résidant à Bruxelles, avec laquelle il a eu trois enfants, nés à Bruxelles en 2010, en 2013 et en 2015. Depuis le 18 février 2009, le requérant est inscrit au registre de la population de Schaerbeek (Belgique).

4        Du 1er août 2009 au 31 janvier 2010, le requérant a travaillé au Parlement européen, à Bruxelles, comme assistant parlementaire accrédité et, pour cette période d’activité, le Parlement lui a accordé l’indemnité de dépaysement, en application de l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

5        Du 1er février 2010 au 31 janvier 2013, le requérant a travaillé à la direction générale (DG) « Recherche et innovation » de la Commission européenne comme agent contractuel auxiliaire et, pour cette période d’activité, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) lui a accordé l’indemnité de dépaysement.

6        Le 28 octobre 2010, le lieu d’origine du requérant a été fixé à Bologne, avec effet au 1er février 2010.

7        Du 1er février au 31 juillet 2013 et du 1er au 13 septembre 2013, le requérant a travaillé à la DG « Recherche et innovation » comme agent intérimaire, ayant signé à cet effet une série de contrats de travail intérimaire avec une société de travail intérimaire (ci-après la « période de travail intérimaire »).

8        Pendant le mois d’août 2013, le requérant a bénéficié des prestations de chômage du régime de l’Union européenne, après avoir été exclu du bénéfice du chômage du régime belge.

9        Du 16 septembre 2013 au 15 mai 2014, le requérant a travaillé au Parlement comme agent contractuel. Par décision du Parlement du 24 octobre 2013, l’indemnité de dépaysement lui a été refusée pour cette période d’activité.

10      Le 24 janvier 2014, le requérant, par l’intermédiaire de son premier conseil, a introduit une réclamation administrative contre la décision du Parlement lui refusant l’indemnité de dépaysement.

11      Par lettre recommandée avec accusé de réception, du 27 mai 2014, adressée au premier conseil du requérant, le Parlement a communiqué sa décision de rejet de la réclamation. L’accusé de réception de cette lettre a été signé le 30 mai 2014.

12      Par courriels des 3 et 22 mars 2017, le requérant, par l’intermédiaire de son second conseil, a demandé à la Commission une copie de la décision du Parlement rejetant la réclamation, en faisant valoir que ni lui ni son conseil n’auraient jamais eu une copie de cette décision. Par courriel du 22 mars 2017, la Commission a répondu que, selon le Parlement, le bureau du premier conseil du requérant avait signé, le 30 mai 2014, l’accusé de réception de la lettre communiquant le rejet de la réclamation.

13      Le requérant n’a pas introduit de recours juridictionnel contre la décision du Parlement lui refusant l’indemnité de dépaysement.

14      Du 16 mai 2014 au 15 juillet 2016, le requérant a travaillé à l’Agence exécutive pour les petites et moyennes entreprises (EASME) comme agent contractuel et, pour cette période d’activité, le PMO lui a accordé le versement de l’indemnité de dépaysement ainsi que des frais de voyage annuel (ci-après le « versement litigieux »).

15      À partir du 16 juillet 2016, le requérant a travaillé à l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA) comme agent contractuel. Par décision du PMO du 19 juillet 2016, l’indemnité de dépaysement lui a été refusée pour la période à compter du 16 juillet 2016.

16      Par lettre du 28 février 2017, le PMO a notifié au requérant sa décision de procéder à la répétition des sommes qui lui avaient été indûment accordées au titre du versement litigieux (ci-après la « décision attaquée »).

17      Le 29 mai 2017, le requérant a saisi l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (AHCC) de la Commission d’une réclamation administrative contre la décision attaquée, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

18      Par décision du 25 septembre 2017, l’AHCC a rejeté cette réclamation, au motif, en substance, que les conditions prévues à l’article 85 du statut pour la répétition de l’indu étaient remplies.

19      Par arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480), le Tribunal a rejeté le recours introduit par le requérant contre la décision du PMO du 19 juillet 2016 en ce qu’elle lui avait refusé l’indemnité de dépaysement lors de son entrée en service à l’INEA.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2017, le requérant a introduit le présent recours.

21      Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 22 janvier 2018, la procédure a été suspendue jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑273/17.

22      À la suite de l’arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480), la suspension de la procédure a pris fin, conformément à l’article 71, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

23      Le 10 octobre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

24      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 3 décembre 2018 et le 18 janvier 2019.

25      Dans le cadre, respectivement, de la réplique et de la duplique, le requérant et la Commission ont présenté leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480).

26      Par lettre du 30 janvier 2019, le requérant a demandé au Tribunal d’être entendu personnellement lors de l’audience de plaidoiries sur le fait qu’il n’aurait pas eu connaissance de la décision du Parlement du 27 mai 2014 rejetant sa réclamation.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 mai 2019.

28      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, les fiches de salaire « régularisées » à la suite de cette décision ;

–        condamner la Commission aux dépens.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Considérations liminaires

30      En premier lieu, il y a lieu de constater que, à l’appui du recours, le requérant a initialement soulevé deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut et, le second, de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de bonne administration. Toutefois, au stade de la réplique, dans le cadre des observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480), le requérant a renoncé à ce second moyen.

31      En second lieu, il y a lieu de constater que, également au stade de la réplique, dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut, le requérant ne conteste plus que le versement litigieux est irrégulier.

32      Il s’ensuit que, à l’appui de son recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut, en ce que la Commission n’aurait pas établi qu’il eût eu connaissance de l’irrégularité du versement litigieux, ni que cette irrégularité fût si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut

33      Le requérant fait valoir, d’une part, qu’il n’a eu connaissance de l’irrégularité du versement litigieux qu’au moment du prononcé de l’arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480), et, d’autre part, qu’il ne s’agissait pas d’une irrégularité évidente qu’il aurait dû déceler.

34      À cet égard et en premier lieu, le requérant soutient que l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut a fait l’objet d’interprétations divergentes au sein des différentes institutions de l’Union et que la Commission ne serait pas tenue de suivre la même interprétation que celle du Parlement, d’autant plus que, à l’époque, il y avait une discussion pendante au sein de la Commission concernant les droits futurs des agents contractuels engagés temporairement en qualité d’intérimaires.

35      En deuxième lieu, le requérant soutient que la notion d’« exercice de fonctions dans un service d’un État ou d’une organisation internationale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut serait une notion complexe qui devrait être interprétée au regard des spécificités du cas d’espèce, telles que la courte période de travail intérimaire et le fait qu’il occuperait le même poste qu’avant cette période.

36      En troisième lieu, le requérant soutient que le fait que le Parlement lui avait refusé l’indemnité de dépaysement n’était pas pertinent en l’espèce. Selon le requérant, bien qu’il ait introduit une réclamation contre cette décision, il n’aurait pas eu connaissance de la décision explicite du Parlement rejetant sa réclamation. De plus, la décision du Parlement rejetant la réclamation serait postérieure à son entrée en fonctions à l’EASME. Dans ce contexte, et compte tenu du montant de l’indemnité qui était en cause, le requérant et son conseil auraient décidé de ne pas introduire un recours en annulation contre la décision implicite du Parlement.

37      En quatrième lieu, le requérant soutient que, lors de son entrée en fonctions à l’EASME, sa situation personnelle était connue et inchangée, étant donné qu’il avait toujours fourni à la Commission toutes les informations concernant sa situation personnelle et professionnelle et, en particulier, la période de travail intérimaire. De plus, la personne chargée de l’examen de ses droits individuels lors de son entrée en fonctions à l’EASME était la même personne qui avait examiné ses droits lors de la fixation de son lieu d’origine à Bologne en 2010. Dans ces circonstances, auxquelles s’ajoutait le contexte de négociations entre la Commission et les agents contractuels, le requérant serait en droit de considérer que sa situation avait bien été prise en considération par le PMO et, partant, que le versement litigieux n’était pas irrégulier. En revanche, le PMO aurait commis une faute en manquant de diligence dans l’analyse du dossier soumis par le requérant lors de son entrée en fonctions à l’EASME. Par ailleurs, le requérant soutient que l’arrêt du 11 octobre 1979, Berghmans/Commission (142/78, EU:C:1979:233), serait applicable par analogie au cas d’espèce, en ce sens que les conditions exigées par l’article 85, premier alinéa, du statut ne seraient pas remplies en l’espèce.

38      La Commission conteste ces arguments. À cet égard, la Commission fait valoir que :

–        premièrement, le libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut était suffisamment clair, en ce sens qu’un fonctionnaire ou un agent possédant la nationalité de l’État du lieu d’affectation devrait démontrer qu’il n’avait pas une résidence habituelle dans cet État pendant la période décennale de référence « pour une raison autre que l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale ». Or, il ressortirait du fait que le requérant avait indiqué qu’il voulait travailler uniquement pour les institutions et les organismes de l’Union qu’il serait bien informé des conditions prévues à cet article. Le requérant aurait dû, dès lors, savoir que la période de travail intérimaire ne pouvait pas être considérée comme l’exercice de fonctions dans une organisation internationale au sens de cet article ;

–        deuxièmement, le requérant aurait fait face à deux décisions divergentes quant à la fixation de ses droits individuels, à savoir celle du Parlement qui lui refusait l’indemnité de dépaysement et celle de l’EASME qui lui accordait cette indemnité. De plus, ces deux décisions sont intervenues après la période de travail intérimaire. En outre, le requérant devrait être au courant des motifs du refus du Parlement ainsi que des motifs du rejet de la réclamation qu’il avait introduite contre ce refus, d’autant plus qu’il avait été assisté d’un avocat ;

–        troisièmement, il en résulterait que la situation du requérant correspondrait à celle envisagée par la jurisprudence, selon laquelle un fonctionnaire ou un agent qui éprouve des doutes sur le bien-fondé de versements doit contacter l’administration pour qu’elle vérifie sa situation. Le fait que, lors de son engagement par l’EASME, le requérant ait présenté un dossier très complet sur sa vie personnelle et professionnelle ne serait pas suffisant pour attirer l’attention du PMO sur les doutes qui résulteraient desdites décisions divergentes. Le requérant se serait ainsi placé, par son propre comportement, dans une situation irrégulière.

39      En l’espèce, s’agissant de l’irrégularité du versement litigieux, il convient de constater que la Commission, dans la décision attaquée, a estimé que, compte tenu de la période de travail intérimaire, le requérant ne remplissait pas les conditions pour l’octroi de l’indemnité de dépaysement, prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut. Par conséquent, les frais de voyage annuel ne lui étaient pas dus au titre de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.

40      En outre, il y a lieu de relever que le requérant ne conteste plus l’irrégularité du versement litigieux. En effet, dans le cadre de la réplique, le requérant admet que cette irrégularité découle de l’arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480).

41      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission (T‑273/17, EU:T:2018:480), le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit par le requérant contre la décision du 19 juillet 2016 du PMO en ce qu’elle lui avait refusé l’indemnité de dépaysement lors de son entrée en service à l’INEA. Le Tribunal a considéré, en substance, que, pendant la période de travail intérimaire, le requérant n’avait pas exercé de fonctions dans une organisation internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, et que, par conséquent, il n’avait pas établi que, pendant la période décennale de référence, il avait sa résidence habituelle en dehors de l’État d’affectation, en l’occurrence le Royaume de Belgique, dont il avait la nationalité (arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, points 80, 91 et 93).

42      Un tel raisonnement est transposable en l’espèce, ainsi que le requérant l’admet lui-même dans la réplique. En effet, il s’agit de la même période de travail intérimaire, qui, dans un cas comme dans l’autre, ne peut pas être considérée comme l’exercice de fonctions dans une organisation internationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut.

43      Ainsi, en l’espèce, étant constant que le versement litigieux était irrégulier, il y a lieu de vérifier si les conditions concernant la répétition de l’indu sont remplies.

44      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 85, premier alinéa, du statut, dont les dispositions concernant la répétition de l’indu sont applicables au cas d’espèce par renvoi de l’article 116 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, prévoit que toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Pour justifier la répétition de l’indu, il suffit donc que l’une des deux conditions exigées par l’article 85, premier alinéa, du statut soit remplie.

45      S’agissant de la première de ces conditions, il appartient à l’administration de prouver que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement (voir arrêt du 14 juin 2018, Spagnolli e.a./Commission, T‑568/16 et T‑599/16, EU:T:2018:347, point 147 et jurisprudence citée).

46      S’agissant de la seconde de ces conditions, deux éléments sont à prendre en considération lors de l’examen de la question de savoir si l’irrégularité du versement était si évidente que le fonctionnaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, à savoir la clarté des dispositions applicables, d’une part, et le grade et l’expérience du fonctionnaire, d’autre part (arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission, T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 25).

47      Plus particulièrement, il ressort de la jurisprudence que l’expression « si évidente » qui caractérise l’irrégularité du versement au sens de l’article 85, premier alinéa, du statut ne signifie pas que le bénéficiaire de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle. Au contraire, cette restitution est due dès qu’il s’agit d’une erreur qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent, qui est censé connaître les règles régissant son traitement (voir arrêt du 14 décembre 2017, Trautmann/SEAE, T‑611/16, non publié, EU:T:2017:917, point 108 et jurisprudence citée).

48      Les éléments pris en considération par le juge de l’Union afin d’apprécier la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires concernent son niveau de responsabilité, son grade et son ancienneté, le degré de clarté des dispositions statutaires définissant les conditions d’octroi de la prestation en cause ainsi que l’importance des modifications intervenues dans sa situation personnelle ou familiale, lorsque le versement de la somme litigieuse est lié à l’appréciation par l’administration d’une telle situation (voir arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission, T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 27 et jurisprudence citée).

49      Par ailleurs, ainsi qu’il a été précisé par une jurisprudence bien établie, il n’est pas nécessaire que le fonctionnaire concerné, dans l’exercice du devoir de diligence qui lui incombe, puisse déterminer avec précision l’étendue de l’erreur commise par l’administration. Il suffit, à cet égard, qu’il éprouve des doutes sur le bien-fondé des versements en question pour qu’il soit obligé de se manifester auprès de l’administration, afin que celle-ci effectue les vérifications nécessaires (voir arrêts du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 157 et jurisprudence citée, et du 27 janvier 2016, DF/Commission, T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 28 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, il suffit d’examiner si l’irrégularité du versement litigieux était si évidente que le requérant ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

51      À cet égard et en premier lieu, il convient de constater que, dans la mesure où le requérant a la double nationalité belge et italienne et habitait et exerçait ses activités professionnelles à Bruxelles, il ne satisfaisait pas a priori aux critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut, qui supposent clairement une situation de dépaysement. Ce n’est qu’en satisfaisant aux critères de l’exception à la règle générale, contenus dans la dernière phrase de ladite disposition, c’est-à-dire en démontrant que sa résidence avait été fixée en Belgique pour des raisons ayant uniquement trait à l’exercice de fonctions auprès d’un État ou d’une organisation internationale pendant toute la période de dix années expirant lors de son entrée en service à l’EASME, que le requérant aurait néanmoins pu bénéficier de l’indemnité de dépaysement et, par conséquent, des frais de voyage annuel.

52      En deuxième lieu, il y a lieu de relever que, compte tenu de son expérience professionnelle et notamment de ses multiples changements de contrats avec les institutions de l’Union, donnant lieu à une nouvelle fixation de ses droits individuels lors de chaque entrée en service, le requérant était, dès lors, nécessairement avisé des dispositions encadrant son droit à l’indemnité de dépaysement. En effet, avant que le requérant soit entré en fonctions à l’EASME, ses droits individuels, y compris l’indemnité de dépaysement, avaient déjà été fixés par trois fois : en 2009, dans le cadre de ses fonctions comme assistant parlementaire accrédité au sein du Parlement, puis en 2010, alors qu’il exerçait les fonctions d’agent contractuel auxiliaire au sein de la DG « Recherche et innovation », et, enfin, en 2013, à la suite de son entrée en fonctions comme agent contractuel au sein du Parlement (voir points 4, 5 et 9 ci-dessus).

53      En troisième lieu, il convient de constater que, le 16 mai 2014, lors de son entrée en fonctions à l’EASME, le requérant avait déjà connaissance de la décision du Parlement du 24 octobre 2013 lui refusant l’indemnité de dépaysement. De plus, il avait connaissance des motifs de ce refus, qu’il a d’ailleurs contesté dans la réclamation administrative qu’il a introduit, par l’intermédiaire de son conseil, le 24 janvier 2014 (voir points 9 et 10 ci-dessus).

54      En outre, il y a lieu de relever que la décision attaquée est fondée sur le même motif qui avait déjà motivé la décision du Parlement du 24 octobre 2013 lui refusant l’indemnité de dépaysement, à savoir que, compte tenu de la période de travail intérimaire, le requérant ne remplissait pas les conditions pour l’octroi de l’indemnité de dépaysement, prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut.

55      Il résulte de ce qui précède que, lors de son entrée en fonctions à l’EASME, le requérant aurait au moins dû avoir des doutes quant à la question de savoir s’il remplissait les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut et, en particulier, si la période de travail intérimaire pouvait être qualifiée d’« exercice de fonctions dans une organisation internationale » au sens de cet article.

56      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation du requérant.

57      En effet, tout d’abord, le fait, invoqué par le requérant, selon lequel il n’aurait pas eu connaissance de la décision du Parlement du 27 mai 2014 rejetant sa réclamation n’infirme aucunement la constatation figurant au point 53 ci-dessus. En effet et en tout état de cause, lors de son entrée en fonctions à l’EASME, le requérant avait connaissance de la décision du Parlement du 24 octobre 2013 lui refusant l’indemnité de dépaysement ainsi qu’il avait connaissance des motifs de ce refus, qu’il avait d’ailleurs contesté dans la réclamation administrative introduite le 24 janvier 2014.

58      Ensuite, l’argument tiré des prétendues difficultés concernant l’application de la notion d’« exercice de fonctions auprès d’un État ou d’une organisation internationale » aux prétendues circonstances particulières du cas d’espèce ne saurait être pertinent. Au contraire, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 49 ci-dessus, dans l’exercice du devoir de diligence qui incombe au requérant, il n’est pas nécessaire qu’il puisse déterminer avec précision l’étendue de l’erreur commise par l’administration. Il suffit, à cet égard, qu’il éprouve des doutes sur le bien-fondé du versement litigieux pour qu’il soit obligé de se manifester auprès de l’administration, afin que celle-ci effectue les vérifications nécessaires.

59      Or, en l’espèce, le requérant aurait dû éprouver des doutes sur le bien-fondé du versement litigieux, étant donné que cette indemnité lui avait déjà été refusée par décision du Parlement du 24 octobre 2013. Cela signifie que le requérant s’est trouvé en présence de décisions contradictoires concernant le même type de bénéfice et le même type de contrat d’engagement, à savoir le bénéfice de l’indemnité de dépaysement dans le cadre d’un contrat d’agent contractuel avec une institution de l’Union.

60      À cet égard, il y a lieu de rejeter d’emblée l’argument du requérant tiré d’une prétendue différence entre la position du Parlement et celle de la Commission, puisque, en tout état de cause, ces deux institutions sont également censées respecter les conditions d’octroi de l’indemnité de dépaysement prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut.

61      Enfin, l’argument du requérant tiré du fait qu’il aurait toujours fourni à la Commission toutes les informations concernant sa situation personnelle et professionnelle n’est pas pertinent. En effet, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’article 85, paragraphe 1, du statut doit être interprété en ce sens qu’il ne s’agit pas de savoir si l’erreur était ou non évidente pour l’administration, mais si elle l’était pour l’intéressé (voir arrêts du 30 novembre 2006, J/Commission, T‑379/04, EU:T:2006:368, point 100 et jurisprudence citée, et du 19 septembre 2018, HD/Parlement, T‑604/16, non publié, EU:T:2018:562, point 107 et jurisprudence citée).

62      De surcroît, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le raisonnement sous-jacent à l’arrêt du 11 octobre 1979, Berghmans/Commission (142/78, EU:C:1979:233), n’est pas transposable en l’espèce. Ainsi qu’il ressort du point 16 de cet arrêt, l’irrégularité en cause ne présentait pas un caractère évident, puisque le comportement de l’administration pouvait avoir créé dans l’esprit de l’intéressé la certitude raisonnable d’avoir droit à ce qui lui était versé. En revanche, en l’espèce, le comportement de l’administration, du fait des décisions contradictoires concernant l’indemnité de dépaysement, était susceptible de créer des doutes dans l’esprit du requérant quant à la régularité du versement litigieux. 

63      Ainsi, même s’il est regrettable qu’il ait fallu un certain délai à la Commission pour se rendre compte de l’irrégularité du versement litigieux, il n’en demeure pas moins que le requérant, bénéficiaire de l’indemnité en cause, loin d’être dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, aurait dû détecter une erreur qui ne pouvait pas échapper à un fonctionnaire normalement diligent (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 161).

64      Au vu de ce qui précède, force est de constater que l’irrégularité du versement litigieux était si évidente que le requérant ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

65      Une des conditions prévues à l’article 85, premier alinéa, du statut étant remplie, le moyen unique doit être écarté et le recours rejeté.

66      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité, tout comme la demande du requérant d’être entendu personnellement (voir point 26 ci-dessus), étant donné que les éléments contenus dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Alessandro Quadri di Cardano est condamné aux dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

E. Buttigieg


*      Langue de procédure : le français.