Language of document : ECLI:EU:F:2007:178

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

18 octobre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaire stagiaire – Article 34 du statut – Licenciement d’un fonctionnaire stagiaire – Pouvoir d’appréciation – Obligation de motivation – Devoir de sollicitude – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire F‑112/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Erika Krcova, ancienne fonctionnaire stagiaire de la Cour de justice des Communautés européennes, demeurant à Trnava (Slovaquie), représentée par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. M. Schauss, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 22 septembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 septembre suivant), Mme Krcova demande l’annulation de la décision de la Cour de justice des Communautés européennes, du 17 octobre 2005, par laquelle elle a été licenciée à la fin de sa période de stage (ci-après la « décision attaquée ») et, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision de la Cour, du 16 septembre 2005, portant seconde prolongation de son stage pour une durée de deux mois, à compter du 1er août 2005, ainsi que de son troisième rapport de stage, daté du 12 septembre 2005, concluant à l’impossibilité de proposer sa nomination à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

 Cadre juridique 

2        Aux termes de l’article 34 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« 1. Tout fonctionnaire est tenu d’effectuer un stage de neuf mois avant de pouvoir être titularisé.

[…]

2. En cas d’inaptitude manifeste du stagiaire, un rapport peut être établi à tout moment du stage.

Ce rapport est communiqué à l’intéressé qui peut formuler, par écrit, dans un délai de huit jours francs, ses observations. Le rapport et les observations sont immédiatement transmis par le supérieur hiérarchique du stagiaire à l’[AIPN], laquelle recueille, dans un délai de trois semaines, l’avis du comité des rapports, composé d’une façon paritaire, sur la suite à donner au stage. L’[AIPN] peut décider de licencier le fonctionnaire stagiaire, avant l’expiration de la période de stage, moyennant un préavis d’un mois, sans que la durée du service puisse dépasser la durée normale du stage.

Toutefois, l’[AIPN] peut, à titre exceptionnel, autoriser la continuation du stage avec affectation du fonctionnaire à un autre service. Dans ce cas, la nouvelle affectation doit comporter une durée minimale de six mois dans les limites prévues au paragraphe 4.

3. Un mois au plus tard avant l’expiration de la période de stage, le fonctionnaire stagiaire fait l’objet d’un rapport sur ses aptitudes à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Le rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit, dans un délai de huit jours francs, ses observations.

S’il conclut au licenciement ou, à titre exceptionnel, à la prolongation du stage, le rapport et les observations sont immédiatement transmis par le supérieur hiérarchique du stagiaire à l’[AIPN], qui recueille, dans un délai de trois semaines, l’avis du comité des rapports, composé d’une façon paritaire, sur la suite à donner au stage.

Le fonctionnaire stagiaire qui n’a pas fait preuve de qualités professionnelles suffisantes pour être titularisé est licencié. Toutefois, l’[AIPN] peut, à titre exceptionnel, prolonger le stage pour une durée maximale de six mois, éventuellement avec affectation du fonctionnaire à un autre service.

4. La durée totale du stage ne peut en aucun cas dépasser quinze mois.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

3        Lauréate du concours général CJ/LA/12/13 pour la constitution d’une réserve de recrutement de juristes linguistes de langue slovaque, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire de la Cour au grade A*7, échelon 2, en qualité de juriste linguiste à compter du 1er juillet 2004.

4        Du 1er juillet 2004 au 31 mars 2005, la requérante a effectué un stage de neuf mois conformément à l’article 34 du statut.

5        Avant la fin de cette période, un premier rapport de stage a été établi par son notateur, le directeur de la direction de la traduction, après que celui-ci avait recueilli l’avis du chef d’unité adjoint ad interim de la division de la traduction slovaque et s’était entretenu avec la requérante. Dans ce rapport, daté du 17 mars 2005, le notateur a souligné ce qui suit :

« [l]es traductions fournies par [la requérante] n’ont pas atteint le niveau de qualité que l’on attend d’un juriste linguiste de la Cour […]. Son style de rédaction trop littérale, les erreurs et omissions qu’elle commet et une mauvaise exploitation des fonds documentaires et de recherche rendent nécessaire une révision approfondie de ses traductions.

Les problèmes constatés au niveau de la qualité sont encore plus inquiétants dans la mesure où ils s’accompagnent d’un rendement quantitatif bas. »

6        Dans ces conditions, le notateur a proposé une prolongation du stage pour une durée de quatre mois, en prévoyant, afin de permettre l’évaluation des « progrès » accomplis par l’intéressée pendant cette période de stage supplémentaire, l’établissement d’« une fiche d’évaluation de qualité » pour chaque traduction produite.

7        Le premier rapport de stage a été remis à la requérante le 11 avril 2005, laquelle l’a retourné à son notateur le lendemain en contestant son contenu. Dans ses observations écrites, la requérante a notamment affirmé être un « juriste hautement qualifié » en se prévalant de ses diplômes délivrés par l’université de Paris, l’Académie de droit international de La Haye, l’Institut européen de Florence et l’École nationale d’administration « de Paris », ainsi que de sa parfaite connaissance de la langue française. Elle a également soutenu que son rendement quantitatif correspondait à la moyenne de la division de la traduction slovaque et a contesté l’appréciation, dénuée à son avis de tout fondement, selon laquelle ses traductions auraient été de qualité insuffisante.

8        Le comité des rapports, saisi du rapport de stage de la requérante le 2 mai 2005, a rendu un avis conforme aux conclusions du notateur le 23 mai suivant. Par décision du 9 juin 2005, notifiée le 4 juillet suivant, l’AIPN a prorogé le stage de la requérante jusqu’au 31 juillet 2005.

9        Le 6 juillet 2005, un deuxième rapport de stage a été établi. Le notateur y a conclu que la requérante n’avait toujours pas fait preuve des qualités suffisantes pour être titularisée en observant, en particulier, ce qui suit :

« […] la qualité des traductions effectuées par [la requérante] pendant cette période additionnelle a continué à nécessiter une révision très approfondie, et les fiches de contrôle de qualité établies par les réviseurs font état d’un nombre inacceptable d’erreurs, d’autant plus inquiétant qu’il s’agit de traductions effectuées à partir du français, langue que la fonctionnaire stagiaire connaît très bien.

Or, aux problèmes constatés au niveau de la qualité s’ajoutent des problèmes au niveau du rendement quantitatif. En effet, pendant la période de référence, [la requérante] a produit 133 pages en 35,5 jours effectifs. La moyenne qui en résulte (3,75 pages par jour) est insatisfaisante, et la plus basse de la division slovaque.

Enfin, la [requérante] a montré également des faiblesses pour ce qui est du respect des délais. »

10      Tenant compte des congés annuels, ayant raccourci la période de stage effective, le notateur a néanmoins proposé une nouvelle prolongation du stage de la requérante pour une période de deux mois.

11      Ce deuxième rapport de stage a été remis le 8 juillet 2005 à la requérante, qui l’a retourné le jour même au notateur sans émettre d’observation. Le comité des rapports a été saisi du deuxième rapport de stage de la requérante le 27 juillet 2005 et a rendu un avis conforme aux conclusions du notateur le 31 août 2005. Le 16 septembre 2005, l’AIPN a décidé de proroger une seconde fois le stage de la requérante jusqu’au 30 septembre suivant. Cette décision a été notifiée à cette dernière le 29 septembre 2005.

12      Un troisième rapport de stage a été établi le 12 septembre 2005. Le notateur a estimé que la requérante n’avait finalement pas démontré qu’elle possédait les qualités suffisantes pour être titularisée :

« En effet, les traductions effectuées par la [requérante] tout au long de son stage comportent des erreurs inacceptables qui montrent non seulement une difficulté pour transposer des notions juridiques d’une langue vers une autre mais aussi un manque d’attention qui est source de contresens et d’omissions fréquentes.

Les graves problèmes constatés au niveau de la qualité des traductions s’ajoutent en outre à un rendement quantitatif insuffisant, avec une moyenne de 3,7 pages par jour depuis le début de son stage, la plus basse de la division [de la traduction] slovaque et cela malgré ses connaissances approfondies de la langue française.

Par ailleurs, une analyse détaillée du travail accompli par la [requérante] ne permet pas de conclure à une amélioration progressive de ses prestations. Ainsi, sur le plan de la qualité, des contresens ont été constatés dans chacune des traductions réalisées pendant les deux prolongations de stage. En ce qui concerne le rendement quantitatif, la moyenne a été respectivement de 3,8 pages pendant la première période de stage, 3,6 pages pendant la première prolongation du stage, et 3,8 pendant la deuxième prolongation du stage. »

13      Le notateur a proposé en conséquence de ne pas titulariser la requérante à la fin de la période de stage.

14      Le troisième rapport de stage a été remis, le 13 septembre 2005, à la requérante, qui l’a retourné au notateur le 15 septembre suivant en contestant son contenu. Dans ses observations, la requérante met notamment en cause l’objectivité et l’impartialité du contrôle de la qualité des traductions qu’elle effectuait, contrôle assuré par le chef d’unité adjoint de la division de la traduction slovaque dans le cadre de la procédure de révision des traductions.

15      Le comité des rapports, saisi du troisième rapport de stage de la requérante le 19 septembre 2005, s’est réuni le 21 septembre 2005 et a demandé au notateur des informations complémentaires sur le rendement quantitatif de la requérante. Un document contenant ces informations a été transmis au comité des rapports le 22 septembre 2005. Le 27 septembre suivant, ledit comité a fait part de son souhait d’entendre personnellement la requérante et lui a remis une copie du document susmentionné en l’invitant à faire connaître sa position sur son contenu. Le comité des rapports a auditionné la requérante le 7 octobre 2005. Le 10 octobre suivant, il a émis un avis recommandant de suivre la proposition du notateur. Parmi les six membres du comité des rapports, un membre a formulé un avis dissident.

16      Le 17 octobre 2005, l’AIPN a décidé de ne pas titulariser la requérante. Les visas de cette décision renvoient, notamment, au rapport de stage du 12 septembre 2005 et à l’avis du comité des rapports du 10 octobre 2005. La décision attaquée a été notifiée à la requérante le 19 octobre 2005 et a pris effet à cette date, au soir.

17      Le 13 décembre 2005, la requérante a introduit deux réclamations dirigées respectivement contre la décision de l’AIPN, du 16 septembre 2005, portant seconde prolongation de son stage et contre le troisième rapport de stage, daté du 12 septembre 2005.

18      Le 19 janvier 2006, la requérante a introduit une troisième réclamation dirigée contre la décision attaquée.

19      En raison des liens qui unissaient ces trois réclamations, le comité chargé des réclamations les a examinées ensemble. Par décision du 30 mai 2006, réceptionnée par la requérante le 12 juin suivant, il a rejeté les réclamations dans leur intégralité.

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que, pour autant que de besoin, la décision, du 16 septembre 2005, prolongeant son stage de deux mois, et le rapport de stage du 12 septembre 2005 concluant à son licenciement,

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

21      La partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé,

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur les conclusions à fin d’annulation du troisième rapport de fin de stage

22      Ainsi que le Tribunal l’a jugé, le rapport de fin de stage, sur lequel se fonde l’AIPN pour prendre une décision de licenciement, constitue un acte préparatoire, non susceptible de faire grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (ordonnance du Tribunal du 24 mai 2007, Lofaro/Commission, F‑27/06 et F‑75/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 59).

23      Une telle conclusion n’a pas pour conséquence de priver la requérante d’un recours juridictionnel effectif, dès lors que, en cas de licenciement à l’issue de son stage, elle dispose de la faculté d’introduire un recours contre cette décision et de faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui y seraient étroitement liés. Ainsi, en l’espèce, l’intéressée a fait usage de cette faculté et conteste, à l’appui de son recours, le contenu du troisième rapport de fin de stage, daté du 12 septembre 2005.

24      Par suite, la requérante n’est pas recevable à demander l’annulation du troisième rapport de fin de stage.

 Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision attaquée et de la décision du 16 septembre 2005 prolongeant le stage de deux mois

25      À l’appui de son recours, la requérante développe, en substance, trois moyens, tirés respectivement :

–        de la violation de l’article 34 du statut, du devoir de sollicitude et des principes de bonne gestion et de bonne administration, en ce que l’AIPN n’aurait pas respecté les délais impartis par ledit article 34, ne lui aurait pas permis d’accomplir son stage dans des conditions normales et n’aurait pas examiné la possibilité de l’affecter à un autre service, ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation,

–        du détournement de pouvoir et de procédure, et

–        de la violation des droits de la défense.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 34 du statut, du devoir de sollicitude et des principes de bonne gestion et de bonne administration ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation

26      Le premier moyen comporte, en substance, cinq griefs, tirés respectivement du non-respect des délais prévus à l’article 34 du statut, de l’existence de conditions de stage anormales, d’une erreur manifeste d’appréciation, du défaut ou, à tout le moins, d’une insuffisance de motivation et de l’omission d’avoir examiné la possibilité d’affecter la requérante à un autre service.

27      Il y a lieu d’examiner ensemble les griefs tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut de motivation.

 Sur le grief tiré du non-respect des délais fixés par l’article 34 du statut

–       Arguments des parties

28      La requérante observe que, le 9 juin 2005, l’AIPN a décidé de prolonger son stage d’une durée de quatre mois à compter du 1er avril précédent et que cette décision ne lui a été notifiée que le 4 juillet suivant, soit plus de trois mois après le début de cette période de stage supplémentaire. Dans le rapport de stage de la requérante, du 17 mars 2005, le notateur précisait que, pendant la période de stage supplémentaire, le chef d’unité devait établir une fiche d’évaluation pour chaque traduction faite par l’intéressée et en donner copie à celle-ci.

29      Or, le retard dans l’adoption et la notification de la décision de prolongation du stage n’aurait pas permis à la requérante de bénéficier des instructions et conseils appropriés qui lui auraient été indispensables pour mener à bien son travail.

30      Il en serait de même de la décision de l’AIPN, du 16 septembre 2005, de prolongation du stage de la requérante pour une durée de deux mois, avec effet au 1er août 2005. Cette décision ne lui aurait été notifiée que le 29 septembre 2005, soit un jour avant la fin du stage complémentaire que ladite décision prévoyait. De ce fait, la requérante n’aurait pas non plus pu bénéficier des instructions et conseils appropriés qui lui auraient été indispensables pour mieux comprendre les besoins spécifiques de son emploi et s’y adapter.

31      En conséquence, à défaut d’avoir respecté les délais impartis par l’article 34 du statut, l’AIPN aurait méconnu, non seulement cet article et les formes substantielles, mais également son devoir de sollicitude à l’égard de la requérante.

32      Selon la partie défenderesse, la requérante n’identifierait pas précisément les délais prescrits par l’article 34 du statut qui n’auraient pas été respectés en l’espèce, n’expliquerait pas dans quelle mesure leur prétendu non-respect l’aurait empêchée de bénéficier d’instructions et de conseils appropriés ni n’établirait que les délais visés audit article sont prescrits à peine de nullité. Dans ces conditions, la partie défenderesse estime ne pas être en mesure de répondre à ce grief.

–       Appréciation du Tribunal

33      Ainsi que la Cour l’a jugé, l’objectif de l’article 34 du statut est de garantir à l’intéressé le droit de soumettre ses observations éventuelles à l’AIPN et d’assurer que ces observations seront prises en considération par cette autorité (arrêts de la Cour du 12 juillet 1973, Di Pillo/Commission, 10/72 et 47/72, Rec. p. 763, point 16, et du 25 mars 1982, Munk/Commission, 98/81, Rec. p. 1155, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 21 septembre 1999, Trigari-Venturin/Centre de traduction, T‑98/98, RecFP p. I‑A‑159 et II‑821, point 57).

34      À cet effet, la procédure mise en place par l’article 34, paragraphe 3, du statut comporte plusieurs étapes : au plus tard un mois avant l’expiration de la période de stage, un rapport doit être établi par le notateur et communiqué au stagiaire qui peut formuler ses observations par écrit dans un délai de huit jours francs. Si le rapport conclut au licenciement ou à la prolongation du stage, le rapport et les observations éventuelles sont immédiatement transmis à l’AIPN qui recueille, dans un délai de trois semaines, l’avis du comité des rapports sur la suite à donner au stage.

35      Dès lors que le fonctionnaire stagiaire a été mis en mesure de faire valoir auprès de l’administration son point de vue sur les appréciations du notateur, le retard dans l’établissement du rapport de fin de stage ou dans la consultation du comité des rapports, s’il constitue une irrégularité au regard des exigences expresses du statut, ne saurait, aussi regrettable qu’elle soit, être de nature à mettre en cause la validité du rapport ou, le cas échéant, de la décision de licenciement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 octobre 1981, Tither/Commission, 175/80, Rec. p. 2345, point 13 ; Munk/Commission, précité, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 1er avril 1992, Kupka-Floridi/CES, T‑26/91, Rec. p. II‑1615, point 20, et du 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 68). En d’autres termes, les délais prévus à l’article 34 du statut ne constituent pas des délais de préavis mais visent à garantir que le fonctionnaire puisse faire valoir ses observations et que l’institution dispose ensuite d’un délai suffisant pour prendre une décision relative à la titularisation de l’intéressé à une date coïncidant, dans la mesure du possible, avec la date d’expiration de la période de stage (voir, en ce sens, arrêt Trigari-Venturin/Centre de traduction, précité, point 74).

36      En l’espèce :

–        le notateur, après consultation du chef d’unité adjoint ad interim, a établi le 17 mars 2005, soit près de deux semaines avant l’expiration de la période de stage, un premier rapport proposant une prolongation de cette période pour une durée de quatre mois ; ce rapport a été remis le 11 avril 2005 à la requérante qui l’a retourné au notateur le 12 avril 2005 avec des observations écrites ; le comité des rapports a été saisi le 2 mai 2005 et a rendu un avis le 23 mai suivant ; la décision de l’AIPN portant première prolongation du stage jusqu’au 31 juillet 2005 a été adoptée le 9 juin 2005 et notifiée à la requérante le 4 juillet suivant ;

–        un deuxième rapport proposant une nouvelle prolongation de la période de stage pour une durée de deux mois a été établi, après consultation du chef d’unité adjoint ad interim, le 6 juillet 2005, soit près de trois semaines avant l’expiration de ladite période ; ce rapport a été communiqué à la requérante le 8 juillet 2005, qui l’a retourné au notateur le même jour, sans observations ; le comité des stages a été saisi le 27 juillet 2005 et a rendu son avis le 31 août suivant ; l’AIPN a adopté, le 16 septembre 2005, une décision portant nouvelle prolongation du stage jusqu’au 30 septembre suivant et l’a notifiée à la requérante le 29 septembre 2005 ;

–        un rapport de fin de stage proposant la non-titularisation de la requérante a été établi, après consultation du chef d’unité adjoint ad interim, le 12 septembre 2005 et communiqué à la requérante le lendemain, laquelle l’a retourné au notateur le 15 septembre 2005, avec des observations écrites ; le comité des rapports a été saisi le 19 septembre 2005 et, après avoir auditionné la requérante le 7 octobre suivant, a rendu son avis le 10 octobre 2005 ; l’AIPN a adopté la décision attaquée le 18 octobre suivant.

37      Il ressort ainsi du dossier que la finalité de l’article 34 du statut, telle que rappelée au point 33 du présent arrêt, a été atteinte, dès lors que la requérante a, pour chacun des rapports de stage la concernant, été en mesure de faire valoir son point de vue auprès de l’administration, qui l’a communiqué au comité des rapports avant que l’AIPN décide de prolonger la période de stage à deux reprises et, finalement, de ne pas la titulariser.

38      Il résulte de ce qui précède que l’on ne saurait faire droit au grief tiré de la violation de l’article 34 du statut.

 Sur le grief tiré de l’impossibilité, pour la requérante, d’accomplir son stage dans des conditions normales

–       Arguments des parties

39      La requérante fait grief à la partie défenderesse de ne pas lui avoir permis d’accomplir, dans des conditions normales, le stage prévu par l’article 34 du statut. Elle aurait ainsi manqué d’encadrement et de conseils appropriés. En particulier, selon la requérante, les fiches d’évaluation, comportant uniquement des cases, assorties d’une appréciation préimprimée, qui ont été cochées sans être accompagnées d’une motivation suffisante, ne sauraient constituer des mesures d’encadrement suffisantes. La requérante met en cause le système de la double révision qui lui aurait été appliqué et estime avoir été victime de harcèlement psychologique de la part du chef adjoint de l’unité dans laquelle elle travaillait.

40      La requérante déplore également ne plus avoir reçu de travail à compter du 1er septembre 2005. En s’abstenant d’informer le directeur de la direction de la traduction et l’AIPN de cette dernière circonstance, son supérieur hiérarchique aurait non seulement commis une faute de service, qui mettrait gravement en cause son impartialité et ses compétences, mais aurait également fourni des éléments inexacts sur lesquels l’AIPN et le directeur de la direction de la traduction auraient fondé leur appréciation.

41      De l’ensemble de ces éléments, la requérante conclut que la partie défenderesse a manqué à son devoir de sollicitude.

42      La partie défenderesse estime que les critiques de la requérante quant aux conditions de déroulement du stage manquent en fait et ne sont pas pertinentes.

43      Selon la partie défenderesse, l’encadrement d’un juriste linguiste est normalement assuré au moyen d’un ensemble d’instructions et de consignes à suivre concernant notamment la terminologie et la phraséologie, publiées sur le serveur de l’unité, ainsi que par la révision des traductions effectuées par l’intéressé. L’opération de révision permettrait précisément au juriste linguiste stagiaire de se rendre compte des exigences de la fonction, des qualités et faiblesses de ses traductions, des progrès qu’il réalise et de ce qui est attendu de lui. Des entretiens entre le réviseur et le stagiaire compléteraient les indications fournies au cours de la révision.

44      En l’espèce, la requérante aurait bénéficié, tout au long de son stage, de conseils appropriés, particulièrement pendant les neuf premiers mois de stage, dans le cadre du système appliqué pour le suivi de tous les fonctionnaires stagiaires de la division de la traduction slovaque. De plus, elle aurait été entourée d’un encadrement appuyé. En effet, des fiches d’évaluation de ses travaux de traduction auraient été établies et notifiées à la requérante dès le début du mois d’avril 2005, conformément à la demande de son notateur. Au vu de la persistance des problèmes rencontrés, ce système de suivi aurait été renforcé à partir de juin 2005, de manière à permettre à la requérante de faire part à son notateur de ses commentaires sur chacune des notes d’évaluation. De fréquentes réunions auraient également été organisées avec la requérante ou avec une personne de confiance désignée par celle-ci, au cours desquelles des encouragements et des conseils lui auraient été prodigués. Enfin, n’ayant pas fait preuve de qualités suffisantes pour être titularisée à l’issue des neuf premiers mois et ayant mis en doute l’impartialité de son supérieur hiérarchique, la requérante aurait toutefois bénéficié d’un encadrement spécifique de révision de ses traductions, laquelle aurait été assurée par deux juristes linguistes expérimentés.

45      La partie défenderesse ajoute que, pendant les quinze mois de stage de la requérante, il aurait incombé à celle-ci de faire la preuve de ses aptitudes.

46      Par ailleurs, la requérante n’apporterait aucun élément étayant l’allégation selon laquelle elle aurait fait l’objet de pressions ou d’un harcèlement psychologique de la part de son supérieur hiérarchique.

47      La requérante n’aurait pas systématiquement reçu de nouveaux documents à traduire, en particulier depuis le 1er septembre 2005, au motif qu’elle n’avait pas encore achevé les tâches qui lui avaient été confiées antérieurement.

–       Appréciation du Tribunal

48      Selon une jurisprudence bien établie de la Cour et du Tribunal de première instance, si le stage ne peut pas être assimilé à une période de formation, il n’en est pas moins impératif que le fonctionnaire stagiaire soit mis en mesure, durant cette période, de faire la preuve de ses qualités (arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 95). Cette condition répond aux exigences de bonne administration et d’égalité de traitement, ainsi que du devoir de sollicitude, lequel reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Elle signifie en pratique que le fonctionnaire stagiaire doit non seulement bénéficier de conditions matérielles adéquates, mais également d’instructions et de conseils appropriés, compte tenu de la nature des fonctions exercées, afin d’être en mesure de s’adapter aux besoins spécifiques de l’emploi qu’il occupe (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 1956, Mirossevich/Haute Autorité, 10/55, Rec. p. 365, 387 et suivantes ; du 15 mai 1985, Patrinos/CES, 3/84, Rec. p. 1421, points 20 et 21 ; arrêts Kupka-Floridi/CES, précité, point 44 ; du Tribunal de première instance du 30 novembre 1994, Correia/Commission, T‑568/93, RecFP p. I‑A‑271 et II‑857, point 34 ; Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 95, et du 27 juin 2002, Tralli/BCE, T‑373/00, T‑27/01, T‑56/01 et T‑69/01, RecFP p. I‑A‑97 et II‑453, point 69).

49      En l’espèce, il y a lieu d’observer tout d’abord que, comme l’a souligné la partie défenderesse, sans être contredite par la requérante, tout juriste linguiste stagiaire bénéficie, au premier chef, de l’ensemble des instructions et consignes publiées sur le serveur de l’unité à laquelle il est affecté ainsi que de la révision de ses traductions, laquelle lui permet de prendre conscience des exigences de la fonction, des qualités et faiblesses de ses traductions, des progrès réalisés et des attentes de sa hiérarchie. Des entretiens entre le réviseur et le stagiaire doivent également permettre de préciser les indications fournies au cours de la révision.

50      Ensuite, conformément à ce qui avait été décidé par le notateur dans le premier rapport de stage, du 17 mars 2005, un encadrement spécifique a été mis en place, à compter du début du mois d’avril 2005, afin de permettre à la requérante d’améliorer la qualité de ses prestations. Ainsi, chaque traduction effectuée par elle a fait l’objet d’une fiche d’évaluation qui lui a été communiquée ; des réunions, au cours desquelles des conseils furent prodigués, ont été organisées avec elle, à l’initiative du directeur de la direction de la traduction ; de plus, la révision des traductions de la requérante a été assumée par deux juristes linguistes expérimentés, ce qui ne pouvait que renforcer l’encadrement dont a pu bénéficier l’intéressée.

51      Au demeurant, chaque fonctionnaire et fonctionnaire stagiaire, surtout s’il est de catégorie A, doit prendre l’initiative, en cas de doute, d’interroger ses supérieurs et collègues sur la conduite à tenir et la qualité attendue de ses prestations.

52      Quant à l’allégation de harcèlement psychologique, force est de constater que ce grief n’est étayé par aucun élément, étant entendu qu’une évaluation des prestations d’un fonctionnaire stagiaire par un supérieur hiérarchique, fût-elle critique, ne saurait comme telle être qualifiée de harcèlement psychologique.

53      Enfin, quant au reproche selon lequel la requérante n’aurait plus reçu de nouveaux documents à traduire à compter du 1er septembre 2005, soit au cours du quinzième et dernier mois de la période de stage, il suffit de constater que l’explication fournie par la partie défenderesse à cet égard, selon laquelle la requérante n’avait pas encore achevé les traductions dont elle avait été chargée, n’a pas été sérieusement démentie par la requérante.

54      Pour toutes ces raisons, il n’a pas été établi que la requérante ne s’était pas vu accorder la possibilité d’accomplir un stage dans des conditions normales. Le deuxième grief doit donc également être rejeté.

 Sur les griefs tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut de motivation

–       Arguments des parties

55      La requérante estime que ses différents rapports de stage se fondent sur des données erronées tant au niveau quantitatif que qualitatif et sont, en conséquence, entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.

56      Il ressortirait, à cet égard, de la base de données de la division de la traduction slovaque qu’elle a traduit 438 pages pour la période allant du 1er janvier au 9 septembre 2005, ce qui représenterait la quatrième meilleure performance parmi les onze traducteurs de ladite division. Ces données établiraient également que la productivité journalière moyenne de la requérante était supérieure non seulement au chiffre de 3,62 pages qui aurait été retenu par l’AIPN pour adopter les décisions litigieuses, mais également à la moyenne de 6,23 pages traduites par les fonctionnaires stagiaires de ladite division. Dans la mesure où la décision attaquée se fonde elle-même sur les trois rapports de stage de la requérante, elle serait également entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

57      La requérante fait également grief au comité chargé des réclamations de ne pas avoir examiné l’ensemble des arguments invoqués par elle à l’appui de sa réclamation, ce qui constituerait à la fois une erreur manifeste d’appréciation et un défaut de motivation.

58      Selon la partie défenderesse, l’évaluation des prestations de la requérante pendant le stage aurait été effectuée dans des conditions régulières tant en ce qui concerne son rendement quantitatif, au moyen des chiffres issus de la base de données de la direction de la traduction, que son rendement qualitatif, à la lumière des révisions effectuées.

59      Plus précisément, les chiffres avancés par la requérante ne seraient pas fiables. La base de données de la division de la traduction slovaque, constituée par les juristes linguistes eux-mêmes, d’où ces chiffres seraient tirés, ne refléterait qu’une partie des tâches réalisées et ne permettrait pas de décompter le nombre de pages traduites, les absences, le nombre réel d’heures de travail fournies, la contribution à d’autres tâches, l’ampleur des révisions effectuées et les délais d’exécution n’ayant pas été pris en compte. De plus, la requérante n’aurait pas démontré que l’appréciation de ses traductions, fournie dans le cadre de la révision, est erronée.

–       Appréciation du Tribunal

60      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le stage avant titularisation a pour fonction de permettre à l’administration de porter un jugement plus concret sur les aptitudes du fonctionnaire stagiaire à s’acquitter des tâches que comporte la fonction en cause ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Tréfois/Cour de justice, 290/82, Rec. p. 3751, point 24).

61      Ainsi que la Cour l’a souligné dans son arrêt Tréfois/Cour de justice (précité, points 24 et 25 ; voir, également arrêt Patrinos/CES, précité, point 13 ; arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 113), une décision de non-titularisation se distingue par nature d’un « licenciement » proprement dit d’une personne ayant bénéficié d’une nomination en tant que fonctionnaire titulaire. Alors que, dans ce dernier cas, s’impose un examen minutieux des motifs justifiant de mettre un terme à un rapport d’emploi établi, dans les décisions relatives à la titularisation des stagiaires, l’examen doit être global et porter sur l’existence, ou non, d’un ensemble d’éléments positifs révélés au cours de la période de stage faisant apparaître la titularisation du stagiaire comme étant dans l’intérêt du service.

62      En outre, l’administration dispose d’une grande marge quant à l’appréciation des aptitudes et des prestations d’un fonctionnaire stagiaire selon l’intérêt du service. Il n’appartient donc pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des institutions en ce qui concerne le résultat d’un stage et les aptitudes d’un candidat à une nomination définitive dans le service public communautaire, son contrôle se limitant à celle de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêts Munk/Commission, précité, point 16 ; Tréfois/Cour de justice, précité, point 29 ; de la Cour du 5 avril 1984, Alvarez/Parlement, 347/82, Rec. p. 1847, point 16 ; Patrinos/CES, précité, point 25 ; du 13 décembre 1989, Patrinos/CES, C‑17/88, Rec. p. 4249, publication sommaire, point 33 ; arrêts Kupka-Floridi/CES, précité, point 52 ; Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 112, et Tralli/BCE, précité, point 76).

63      C’est à la lumière de ces considérations que doit être examiné le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.

64      Les appréciations « insuffisant » de la grille destinée à évaluer la compétence et le rendement de la requérante, figurant dans le rapport de fin de stage du 12 septembre 2005, ont été motivées comme suit par le notateur :

–        s’agissant de la compétence : « [l]e travail effectué par la notée pendant la prolongation de son stage ne permet pas de conclure qu’elle dispose du niveau de compétence requis pour exercer le métier de juriste linguiste à la Cour […] » ;

–        s’agissant du rendement :

« – [q]ualité des traductions irrégulière et insuffisante ;

– rendement quantitatif insatisfaisant,

– difficultés à respecter les délais. »

65      Ces observations spécifiques ont été accompagnées d’une appréciation générale, d’où il ressort que « les traductions effectuées par la notée tout au long de son stage comport[ai]ent des erreurs inacceptables [montrant] non seulement une difficulté pour transposer des notions juridiques d’une langue vers une autre mais aussi un manque d’attention qui [était] source de contresens et d’omissions fréquentes ». À ce constat s’ajoutait celui d’« un rendement quantitatif insuffisant, avec une moyenne journalière de 3,7 pages […] depuis le début [du] stage [de la requérante], la plus basse de la division [de la traduction] slovaque et cela malgré ses connaissances approfondies de la langue française ». Le notateur concluait comme suit :

« […] une analyse détaillée du travail accompli par la notée ne permet pas de conclure à une amélioration progressive de ses prestations. Ainsi, sur le plan de la qualité, des contresens on été constatés dans chacune des traductions réalisées pendant les deux prolongations de stage. En ce qui concerne le rendement quantitatif, la moyenne a été respectivement de 3,8 pages pendant la première période de stage, 3,6 pages pendant la première prolongation du stage, et 3,8 pendant la deuxième prolongation du stage. »

66      Dans son recours, la requérante se borne à faire valoir le manque d’objectivité et d’impartialité du chef d’unité adjoint ad interim, ainsi que la circonstance qu’elle aurait traduit, selon les chiffres enregistrés dans la base de données de la division de la traduction slovaque, 438 pages pour la période allant du 1er janvier au 9 septembre 2005, ce qui démontrerait une productivité journalière supérieure à la moyenne de 6,23 pages traduites par les fonctionnaires stagiaires.

67      De telles considérations ne sont pas de nature à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, à supposer même que la production journalière de la requérante ait été supérieure au nombre de pages prises en considération par le directeur de la traduction pour la période allant du 1er juillet 2004 au 21 septembre 2005, pour fonder son appréciation relative au rendement quantitatif de l’intéressée, force est de constater que cette circonstance n’est pas en elle-même de nature à remettre en cause les appréciations particulièrement négatives, quant à la qualité des traductions, figurant dans les trois rapports de stage et qui n’ont jamais été infirmés par le comité des rapports, à savoir le style de rédaction trop littéral, les omissions fréquentes, les contresens dans chacune des traductions, y compris au cours des deux prolongations de stage, et le nombre inacceptable d’erreurs. De telles faiblesses peuvent valablement à elles seules justifier la décision attaquée, compte tenu du large pouvoir d’appréciation qu’il faut reconnaître à l’AIPN, quant au point de savoir si la requérante avait fait preuve des aptitudes nécessaires à la fonction à laquelle elle aspirait.

68      En conséquence, il n’a pas été établi que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

69      Quant au grief tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation, il y a lieu de constater que la décision attaquée renvoie au rapport de fin de stage de la requérante du 12 septembre 2005 et à l’avis du comité des rapports du 10 octobre suivant. Il ressort des points 5 à 14 du présent arrêt, ainsi que de l’examen du grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, que la requérante a reçu communication de ses différents rapports de stage lesquels, lus de manière combinée, lui permettaient très clairement de comprendre les objections soulevées à l’encontre de sa titularisation et a été en mesure de défendre pleinement ses intérêts, ce qu’elle a fait dans le cadre de ses observations écrites transmises à l’AIPN après qu’elle eut pris connaissance des premier et troisième rapports de stage, lors de son audition devant le comité des rapports, le 7 octobre 2005, et à l’occasion de l’introduction de ses réclamations des 13 décembre 2005 et 19 janvier 2006.

70      Dès lors, le grief tiré du défaut de motivation doit également être rejeté.

 Sur le grief tiré de l’omission d’avoir examiné la possibilité d’une réaffectation dans un autre service

–       Arguments des parties

71      La requérante fait grief à l’AIPN de ne pas avoir examiné, ainsi que le prévoit l’article 34, paragraphe 3, du statut, la possibilité de l’affecter à un autre service, ce en raison de la tardiveté de l’établissement des deux premiers rapports de stage. Or, une telle possibilité pourrait être envisagée lorsque l’appréciation des aptitudes du fonctionnaire stagiaire laisse subsister un doute chez l’AIPN.

72      La requérante aurait ainsi été privée de la possibilité, soumise, certes, à l’appréciation de l’AIPN, d’être affectée à un autre service, sans qu’elle ait pu, en raison de l’irrégularité de la procédure, fournir à ladite AIPN, en vue d’une éventuelle nouvelle affectation, des précisions quant à son expérience professionnelle et à ses aptitudes. L’AIPN aurait, en conséquence, méconnu l’article 34 du statut ainsi que les droits de la défense.

73      Selon la partie défenderesse, le droit pour le fonctionnaire stagiaire de faire connaître utilement son point de vue ne va pas jusqu’à lui reconnaître la possibilité de se prononcer sur la décision à prendre en conséquence du caractère négatif du rapport de stage (arrêt Di Pillo/Commission, précité, point 16).

74      En l’espèce, le fait que la requérante n’ait pas été invitée expressément à se prononcer sur l’opportunité d’une éventuelle affectation dans un autre service ne permettrait pas d’établir une atteinte aux droits de la défense dans la mesure où elle a pu faire valoir utilement toutes ses observations, y compris les précisions quant à son expérience professionnelle et à ses aptitudes, ce avant que l’AIPN ne prenne sa décision sur la suite à donner au stage.

–       Appréciation du Tribunal

75      À cet égard, il convient d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans leur organisation interne en fonction des missions qui leur sont confiées (voir notamment, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 juillet 2003, Commission/BEI, C‑15/00, Rec. p. I‑7281, point 67 ; du 14 octobre 2004, Pflugradt/BCE, C‑409/02 P, Rec. p. I‑9873, point 34, et du 26 mai 2005, Tralli/BCE, C‑301/02 P, Rec. p. I‑4071, point 58). En particulier, la procédure organisée par l’article 34 du statut ne vise pas à donner au fonctionnaire stagiaire concerné l’occasion de se prononcer sur la décision à prendre en conséquence du caractère négatif du rapport de stage (voir, en ce sens, arrêt Di Pillo/Commission, précité, point 16).

76      La partie défenderesse n’avait donc pas, en l’espèce, l’obligation d’inviter la requérante à présenter ses observations sur une éventuelle réaffectation dans un autre service en conséquence du caractère négatif du rapport de fin de stage.

77      De plus, il ne ressort nullement des termes de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du statut que, lorsqu’un fonctionnaire stagiaire n’a pas fait preuve de qualités professionnelles suffisantes pour être titularisé, l’AIPN a l’obligation d’envisager la prolongation de son stage avec affectation à un autre service. Au contraire, l’emploi des termes « à titre exceptionnel » à ladite disposition démontre clairement que l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de déterminer, selon les faits de l’espèce et les circonstances individuelles, dans quelle situation une prolongation de la période de stage est souhaitable, ce dont la requérante a d’ailleurs pu bénéficier à deux reprises. Il en est ainsi à plus forte raison, en cas de prolongation de la période de stage, de la réaffectation elle-même, laquelle est présentée comme une simple éventualité, étant entendu que la durée totale du stage ne peut en aucun cas dépasser quinze mois, selon le paragraphe 4 du même article.

78      Dans ces conditions, le grief tiré de l’omission par l’AIPN d’avoir examiné les possibilités de réaffectation de la requérante dans un autre service ne saurait prospérer et doit donc être rejeté.

79      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré du détournement de pouvoir et de procédure

 Arguments des parties

80      Selon la requérante, la décision du 16 septembre 2005, portant seconde prolongation du stage, n’a pas été adoptée dans le but de lui permettre de démontrer son aptitude à exercer son emploi, mais afin de légitimer le licenciement auquel concluait le troisième rapport de stage, ce en évitant une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, avec toutes les garanties qu’elle comporte. En effet, la date à laquelle la prolongation de stage a été décidée n’aurait permis ni à la requérante de démontrer ses aptitudes ni à sa hiérarchie de lui fournir les instructions et les conseils dont elle avait besoin pour mieux comprendre les exigences spécifiques de son emploi et s’y adapter.

81      La partie défenderesse rétorque que, faute pour la requérante d’avoir démontré les irrégularités dont elle se plaint, la prémisse de son raisonnement manque en l’espèce et la conclusion à laquelle elle aboutit, l’existence d’un détournement de pouvoir, ne saurait dès lors être tirée. Le deuxième moyen ne serait, en tout état de cause, pas fondé. En effet, il ne suffirait pas de constater un ensemble d’irrégularités pour pouvoir en inférer que la décision attaquée a été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées, condition nécessaire pour établir l’existence d’un détournement de pouvoir.

 Appréciation du Tribunal

82      Il convient de rappeler qu’une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que s’il est prouvé à suffisance de droit, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que cette décision a été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt de la Cour du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes, 135/87, Rec. p. 2901, point 27 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, T‑103/01, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, point 28, et du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, RecFP p. I‑A‑309 et II‑1479, point 100).

83      Or, l’affirmation de la requérante selon laquelle la deuxième prolongation du stage, compte tenu de la date à laquelle elle a été décidée, ne pouvait avoir pour finalité de lui permettre de démontrer ou d’améliorer ses qualités professionnelles ni à sa hiérarchie de lui fournir les instructions ou conseils appropriés à cet effet, ne saurait démontrer à suffisance de droit que la Cour a commis un détournement de pouvoir en prolongeant dans ces circonstances la période de stage de deux mois.

84      Il ressort, en effet, du deuxième rapport de stage que la décision « d’épuiser les possibilités de prolongation offertes par le statut » a été prise dans l’intérêt même de la requérante, afin que cette dernière ne fut pas pénalisée en raison de l’imputation de ses congés annuels (de 12,5 jours) et d’un congé de maladie (de 11 jours) sur la période effective de stage. Cette explication, relevant du bon sens, ne saurait être remise en cause par les simples suppositions avancées par la requérante, sans autres indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance.

85      En tout état de cause, l’argument tiré de ce que, après l’expiration de la période de stage, seule la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle prévue pour les fonctionnaires titularisés aurait pu être mise en oeuvre ne peut être accueilli. En effet, compte tenu, d’une part, des nécessités d’un accomplissement régulier de la procédure de licenciement, entamée, en l’espèce, pendant la période de stage, et, d’autre part, du fait que le fonctionnaire stagiaire n’a pas un droit inconditionnel à la titularisation à la fin de son stage, mais seulement une vocation, la titularisation exigeant du fonctionnaire stagiaire qu’il ait fait preuve de qualités professionnelles suffisantes, la requérante, même en l’absence d’une seconde prolongation, n’aurait pas pu prétendre avoir d’autre position statutaire que celle de fonctionnaire stagiaire, relevant à ce titre de la procédure de licenciement organisée à l’article 34 du statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 février 2007, Fernández Ortiz/Commission, F‑1/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, points 55 et 56).

86      En conséquence, et sans qu’il soit besoin de vérifier si la deuxième décision de prolongation de stage a fait grief à la requérante en affectant directement et immédiatement ses intérêts et en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

 Arguments des parties

87      La requérante fait grief à la partie défenderesse de ne pas l’avoir mise en mesure, en raison des irrégularités de la procédure, de faire valoir son expérience professionnelle et ses aptitudes, en particulier pour permettre à l’AIPN d’examiner l’opportunité de l’affecter à un autre service.

88      La partie défenderesse rétorque que, selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense exige que les destinataires d’une décision, qui affecte de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C‑32/95 P, Rec. p. I‑5373, point 21). Toutefois, cette exigence n’irait pas jusqu’à donner au fonctionnaire stagiaire l’occasion de se prononcer sur la décision à prendre en conséquence du caractère négatif du rapport de stage (arrêt Di Pillo/Commission, précité, point 16).

89      En l’espèce, la requérante aurait pu faire connaître ses observations sur l’ensemble des appréciations portées à son égard dans le cadre de la procédure organisée par l’article 34 du statut. Elle aurait été entendue par le notateur préalablement à l’établissement de chaque rapport de stage et aurait été invitée à formuler des observations sur chacun d’eux. À partir du mois de juin 2005, elle aurait également pu transmettre ses commentaires concernant les fiches d’évaluation relatives à ses traductions. Elle aurait, enfin, été entendue par le comité des rapports avant qu’il rende son avis sur sa non-titularisation.

 Appréciation du Tribunal

90      Il convient de rappeler que le respect des droits de la défense exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt Commission/ Lisrestal e.a., précité, point 21). La procédure organisée à l’article 34 du statut tend précisément, ainsi qu’il ressort du point 33 du présent arrêt, à garantir cette exigence.

91      En l’espèce, il ressort des développements contenus aux points 35 et 36 du présent arrêt que la requérante a été en mesure de faire connaître ses observations sur l’ensemble des appréciations portées par son notateur, puis par l’AIPN, sur ses aptitudes à une nomination définitive dans le service public communautaire.

92      Quant à l’opportunité qu’avait l’AIPN d’affecter la requérante à un autre service, il y a lieu de se référer aux développements contenus aux points 75 à 78 du présent arrêt.

93      En conséquence, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

94      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

95      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7).

96      Ainsi, aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.