Language of document : ECLI:EU:C:2019:893

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

24 octobre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 1370/2007 – Services publics de transport de voyageurs – Transport par chemin de fer – Contrats de service public – Attribution directe – Obligation de publication préalable d’un avis concernant l’attribution directe – Portée »

Dans l’affaire C‑515/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie), par décision du 4 juillet 2018, parvenue à la Cour le 6 août 2018, dans la procédure

Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

contre

Regione autonoma della Sardegna,

en présence de :

Trenitalia SpA,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. E. Juhász (rapporteur) et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, par Me S. Gattamelata, avvocato,

–        pour la Regione autonoma della Sardegna, par Mes S. Sau et A. Camba, avvocatesse,

–        pour Trenitalia SpA, par Mes L. Torchia et F. G. Albisinni, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Sclafani, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Mölls et G. Conte, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Autorité garante de la concurrence et du marché, Italie) (ci-après l’« AGCM ») à la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie) (ci-après la « Région de Sardaigne ») au sujet de l’attribution directe à Trenitalia SpA, par la Région de Sardaigne, d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 25, 29 et 30 du règlement no 1370/2007 énoncent :

« (25)      Le transport public de voyageurs par chemin de fer pose des questions particulières liées à la lourdeur des investissements et au coût des infrastructures. En mars 2004, la Commission [européenne] a présenté une proposition de modification de la directive 91/440/CEE du Conseil du 29 juillet 1991 relative au développement de chemins de fer communautaires [(JO 1991, L 237, p. 25)], pour assurer à toute entreprise ferroviaire communautaire un accès à l’infrastructure de tous les États membres aux fins de l’exploitation de services internationaux de voyageurs. Le présent règlement n’a pas pour but de poursuivre l’ouverture du marché des services ferroviaires, mais d’instaurer un cadre légal en matière d’octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour les contrats de service public.

[...]

(29)      En vue de l’attribution des contrats de service public, à l’exception des mesures d’urgence et des contrats concernant de petites distances, les autorités compétentes devraient prendre les mesures de publicité nécessaires et faire savoir, au moins un an à l’avance, qu’elles ont l’intention d’attribuer de tels contrats afin de permettre aux éventuels opérateurs de services publics de réagir.

(30)      Les contrats de service public attribués directement devraient faire l’objet d’une plus grande transparence. »

4        L’article 2, sous h), de ce règlement définit l’« attribution directe » comme l’« attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable ».

5        L’article 5, paragraphe 6, dudit règlement dispose :

« Sauf interdiction en vertu du droit national, les autorités compétentes peuvent décider d’attribuer directement des contrats de service public de transport par chemin de fer, à l’exception d’autres modes ferroviaires tels que le métro ou le tramway. Par dérogation à l’article 4, paragraphe 3, la durée de tels contrats ne dépasse pas dix ans, sauf lorsque l’article 4, paragraphe 4, s’applique. »

6        L’article 7, paragraphes 2 à 4, du même règlement prévoit :

« 2.      Chaque autorité compétente prend les mesures nécessaires afin que, au plus tard un an avant le lancement de la procédure de mise en concurrence ou un an avant l’attribution directe, soient publiées au Journal officiel de l’Union européenne au minimum les informations suivantes :

a)      le nom et les coordonnées de l’autorité compétente ;

b)      le type d’attribution envisagée ;

c)      les services et les territoires susceptibles d’être concernés par l’attribution.

Les autorités compétentes peuvent décider de ne pas publier ces informations lorsqu’un contrat de service public porte sur la fourniture annuelle de moins de 50 000 kilomètres de services publics de transport de voyageurs.

En cas de modification de ces informations après leur publication, l’autorité compétente publie un rectificatif dans les meilleurs délais. Ce rectificatif est sans préjudice de la date de lancement de l’attribution directe ou de la mise en concurrence.

Le présent paragraphe ne s’applique pas à l’article 5, paragraphe 5.

3.      En cas d’attribution directe de contrats de service public de transport par chemin de fer telle que prévue à l’article 5, paragraphe 6, l’autorité compétente rend publiques les informations ci-après dans un délai d’un an à compter de cette attribution :

a)      nom de la partie contractante, structure de son capital et, le cas échéant, nom de l’organe ou des organes de contrôle légal ;

b)      durée du contrat de service public ;

c)      description des services de transport de voyageurs à exécuter ;

d)      description des paramètres de calcul de la compensation financière ;

e)      objectifs de qualité, tels que la ponctualité et la fiabilité, ainsi que primes et pénalités applicables ;

f)      conditions relatives aux actifs essentiels.

4.      À la demande de toute partie intéressée, l’autorité compétente lui communique les motifs de sa décision relative à l’attribution directe d’un contrat de service public. »

7        Le règlement no 1370/2007 a été modifié par le règlement (UE) 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016 (JO 2016, L 354, p. 22). Ce règlement modificatif étant entré en vigueur le 24 décembre 2017, il n’est pas d’application aux faits de l’affaire au principal.

 Le droit italien

8        L’article 61 de la legge n. 99 – Disposizioni per lo sviluppo e l’internazionalizzazione delle imprese, nonché in materia di energia (loi no 99, portant dispositions pour le développement et l’internationalisation des entreprises, ainsi qu’en matière d’énergie), du 23 juillet 2009 (GURI no 176, du 31 juillet 2009), dispose :

« Les autorités compétentes afin d’adjuger les contrats de services, y compris par dérogation aux règles sectorielles, peuvent se prévaloir des dispositions de l’article 5, paragraphes 2, 4, 5 et 6, et de l’article 8, paragraphe 2, du [règlement no 1370/2007]. Les sociétés qui, en Italie ou à l’étranger, sont adjudicataires de contrats de services au sens des dispositions dudit [règlement no 1370/2007] ne peuvent pas se voir appliquer l’exclusion visée à l’article 18, paragraphe 2, sous a), du [decreto legislativo n. 422 – Conferimento alle regioni ed agli enti locali di funzioni e compiti in materia di trasporto pubblico locale, a norma dell’articolo 4, comma 4, della legge 15 marzo 1997, n. 59 (décret législatif no 422, concernant le transfert aux régions et aux organismes locaux de fonctions et tâches en matière de transport public local conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la loi no 59, du 15 mars 1997), du 19 novembre 1997 (GURI no 287, du 10 décembre 1997, p. 4)]. »

9        Le decreto legislativo n. 50 – Attuazione delle direttive 2014/23/UE, 2014/24/UE e 2014/25/UE sull’aggiudicazione dei contratti di concessione, sugli appalti pubblici e sulle procedure d’appalto degli enti erogatori nei settori dell’acqua, dell’energia, dei trasporti e dei servizi postali, nonché per il riordino della disciplina vigente in materia di contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture (décret législatif no 50, portant modalités d’application de la directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession, de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et de la directive 2014/25/UE relative à la passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, ainsi que réorganisation de la législation en vigueur en matière de marchés publics de travaux, de services et de fournitures), du 18 avril 2016 (GURI no 91, du 19 avril 2016), constitue le nouveau Codice dei contratti pubblici (code des contrats publics).

10      L’article 4 de ce code dispose :

« L’attribution des marchés publics de travaux, services et fournitures qui sont exclus, en tout ou partie, de l’application du présent code, doit respecter les principes d’économie, d’efficacité, d’impartialité, d’égalité de traitement, de transparence, de proportionnalité, de publicité, de protection de l’environnement et d’efficacité énergétique. »

11      L’article 17, paragraphe 1, sous i), dudit code prévoit :

« Le code ne s’applique pas aux marchés publics et aux concessions de services qui concernent les services de transport public par chemin de fer et métro. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Le 29 décembre 2015, la Région de Sardaigne a publié, au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007, un avis de préinformation concernant une attribution directe de services publics de transport par chemin de fer.

13      À la suite de cette publication, elle a reçu, outre la proposition de l’opérateur historique Trenitalia, deux manifestations d’intérêt de la part d’opérateurs économiques actifs dans ce secteur. Un de ces opérateurs a, dans ce contexte, demandé l’indication, par la Région de Sardaigne, du cadre formel dans lequel se déroulerait la mise en concurrence ainsi qu’une documentation supplémentaire contenant des informations plus détaillées.

14      Estimant ne pas devoir procéder à une mise en concurrence, la Région de Sardaigne a, à la suite d’une négociation avec Trenitalia, attribué directement à celle-ci, par décisions des 27 juin et 17 juillet 2017, le service de transport public de voyageurs par chemin de fer régional, pour la période allant du 1er novembre 2017 au 31 décembre 2025.

15      Ayant reçu un signalement relatif à de prétendus vices affectant cette procédure d’attribution directe, l’AGCM a formé un recours contre cette attribution devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie).

16      Devant cette juridiction, l’AGCM soutient que les attributions directes doivent s’inspirer des principes généraux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence. Cette autorité rappelle que les considérants 29 et 30 du règlement no 1370/2007 prévoient la publication de l’intention d’attribuer des contrats de service public afin de permettre aux éventuels opérateurs de réagir et, en cas d’attribution directe, le respect d’une plus grande transparence. En outre, elle souligne que l’objectif de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement consistant à donner aux intéressés la possibilité d’élaborer une proposition dans le cadre de la procédure d’attribution directe, la Région de Sardaigne aurait dû demander à l’opérateur historique de communiquer toutes les données en sa possession en ce qui concerne le niveau de la demande, les effectifs, le matériel roulant et autres informations, afin de les mettre à la disposition des autres opérateurs économiques ayant manifesté leur intérêt.

17      En effet, selon l’AGCM, une autorité régionale qui a l’intention de procéder à une attribution directe d’un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer doit mettre à la disposition des opérateurs économiques potentiellement intéressés toutes les informations nécessaires pour la formulation d’une offre commerciale. En outre, elle devrait effectuer une analyse comparative des offres soumises à la suite de la préinformation effectuée au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 et motiver le choix de l’opérateur économique auquel le marché est attribué.

18      En revanche, selon la Région de Sardaigne, soutenue par Trenitalia, toutes les exigences procédurales requises dans le cadre d’une procédure d’attribution directe auraient été respectées et une analyse comparative ou une mise en concurrence des offres ou des manifestations d’intérêt éventuellement reçues se heurterait à la nature même de la procédure d’attribution directe, telle que le règlement no 1370/2007 la prévoit.

19      Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens qu’il impose à l’autorité compétente qui a l’intention de procéder à l’attribution directe d’un contrat de prendre les mesures nécessaires pour publier ou communiquer à tous les opérateurs éventuellement intéressés par la gestion du service les informations nécessaires pour élaborer une offre sérieuse et raisonnable ?

2)      L’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1370/2007 doit-il être interprété en ce sens que l’autorité compétente doit, avant de procéder à l’attribution directe du contrat, effectuer une évaluation comparative de toutes les offres de gestion du service éventuellement reçues après la publication de l’avis de préinformation visé au même article 7, paragraphe 4 ? »

 Sur les questions préjudicielles

20      Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1370/2007 doit être interprété en ce sens que les autorités nationales compétentes qui ont l’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer sont tenues, d’une part, de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques intéressés toutes les informations nécessaires afin qu’ils soient en mesure d’élaborer une offre suffisamment détaillée et susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et, d’autre part, d’effectuer une telle évaluation comparative de toutes les offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations.

21      L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 prévoit que chaque autorité compétente prend les mesures nécessaires afin que, au plus tard un an avant le lancement de la procédure de mise en concurrence ou un an avant l’attribution directe, soient publiées au Journal officiel de l’Union européenne au minimum certaines informations que cette disposition mentionne expressément. Aux termes de cette disposition, il s’agit du nom et des coordonnées de l’autorité compétente, du type d’attribution envisagée ainsi que des services et des territoires susceptibles d’être concernés par l’attribution.

22      L’article 7, paragraphe 4, de ce règlement exige que, à la demande de toute partie intéressée, l’autorité compétente lui communique les motifs de sa décision relative à l’attribution directe d’un contrat de service public.

23      Afin de déterminer si, comme le soutient l’AGCM, ces dispositions obligent l’autorité compétente à publier ou à communiquer autant d’informations que nécessaire pour effectuer une évaluation comparative des offres éventuellement reçues et pour réaliser une mise en concurrence effective, il y a lieu, conformément à une jurisprudence constante, de tenir compte non seulement des termes de ces dispositions, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie, la genèse de ces dispositions pouvant également revêtir des éléments pertinents pour leur interprétation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Inspecteur van de Belastingdienst, C-631/17, EU:C:2019:381, point 29 et jurisprudence citée).

24      S’agissant, d’abord, des termes de ces dispositions, il convient de constater qu’ils ne requièrent pas que soient publiées ou communiquées des informations sur l’attribution envisagée qui permettent d’élaborer une offre susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et qu’ils n’envisagent pas non plus que soit organisée une évaluation comparative des offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations.

25      En effet, d’une part, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1370/2007 se limite à énumérer les éléments d’information que l’autorité compétente doit nécessairement publier au Journal officiel de l’Union européenne, au plus tard un an avant l’attribution directe. De surcroît, lesdits éléments d’information ne permettent pas, à eux seuls, de préparer une offre susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative. Il suffit de mentionner, à cet égard, que les seules informations sur le contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer que l’autorité compétente envisage d’attribuer directement, figurant à cette disposition, visent les « services et les territoires susceptibles d’être concernés par l’attribution ». Ces informations ne mettent pas un opérateur intéressé en mesure de discerner les caractéristiques concrètes du contrat envisagé.

26      En ce qui concerne l’obligation de communiquer la motivation de la décision relative à l’attribution directe, visée à l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1370/2007, il convient de relever, d’autre part, qu’il ne saurait être déduit du texte même de cette disposition que cette obligation renvoie non seulement aux raisons qui ont conduit l’autorité compétente à recourir à une attribution directe, mais aussi aux appréciations quantitatives ou qualitatives des offres que l’autorité compétente a éventuellement reçues.

27      Ensuite, en ce qui concerne le contexte des dispositions de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1370/2007 et les objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie, il y a lieu de rappeler, premièrement, que ce règlement établit les règles relatives aux attributions, directes ou au moyen d’une mise en concurrence, des contrats de service public de transport de voyageurs par chemin de fer et par route.

28      L’article 2, sous h), dudit règlement vise à distinguer deux régimes d’attribution des contrats de service public de transport de voyageurs par chemin de fer et par route en définissant la notion d’« attribution directe » comme l’attribution d’un contrat de service public à un opérateur de service public donné en l’absence de toute procédure de mise en concurrence préalable.

29      Par conséquent, l’« attribution directe » exclut toute mise en concurrence préalable.

30      Or, si les dispositions de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1370/2007 devaient être comprises en ce sens qu’elles introduisent un régime de publicité substantiellement analogue à celui qui caractérise la mise en concurrence et qu’elles exigent une évaluation comparative des offres éventuellement reçues, une telle interprétation conduirait à assimiler la procédure d’attribution directe à la procédure de mise en concurrence et méconnaîtrait ainsi les différences importantes que le règlement no 1370/2007 prévoit les concernant.

31      Il convient de rappeler, dans ce contexte, ainsi qu’il est énoncé au considérant 25 du règlement no 1370/2007, que ce règlement a pour but non pas de poursuivre l’ouverture du marché des services ferroviaires, mais d’instaurer un cadre légal en matière d’octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour les contrats de service public.

32      Deuxièmement, il convient de relever que, conformément à son considérant 30, ledit règlement cherche à établir un plus grand degré de transparence pour les contrats de service public attribués directement et que, selon son considérant 29, les mesures de publicité prévues à l’article 7, paragraphe 2, du même règlement visent à permettre aux éventuels opérateurs de services publics de réagir.

33      Il s’ensuit que les informations publiées en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 doivent permettre à un opérateur économique de contester, dès le moment visé à cette disposition, le principe même de l’attribution directe envisagée par l’autorité compétente (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Rudigier, C‑518/17, EU:C:2018:757, points 64 et 66). S’il convient dès lors de veiller à l’effectivité d’un tel droit de contestation, il n’en demeure pas moins qu’une contestation portant sur le principe même de l’attribution directe du contrat de service public peut être utilement introduite par un opérateur économique sans imposer, au préalable, à l’autorité compétente de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques intéressés l’ensemble des informations nécessaires pour que ceux-ci puissent déposer une offre sérieuse et raisonnable.

34      Enfin, la genèse de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1370/2007 confirme également l’interprétation littérale de cette disposition.

35      À cet égard, ainsi que le gouvernement autrichien l’a souligné dans ses observations écrites, le législateur de l’Union européenne n’a pas retenu une proposition de la Commission, déposée dans le cadre des travaux préparatoires du règlement no 1370/2007, allant dans le sens d’une plus grande ouverture à la concurrence. En effet, cette institution avait notamment envisagé, pour les contrats attribués directement, que d’autres opérateurs potentiels puissent, dans les six mois qui suivent l’avis de préinformation, soumettre à l’autorité compétente, à titre optionnel, une offre défiant les résultats obtenus précédemment par l’opérateur auquel était destinée l’attribution directe. Selon cette proposition, l’autorité compétente devait examiner de telles offres et communiquer les motifs de son accord ou de son refus (article 7, paragraphe 2, de la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’action des États membres en matière d’exigences de service public et à l’attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable [COM(2002) 107 final, du 21 février 2002 (JO 2002, C 151 E, p. 146)].

36      En revanche, le législateur de l’Union a opté pour une rédaction de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement no 1370/2007, qui ne fait aucunement mention d’une quelconque obligation d’évaluer comparativement les offres éventuellement reçues après la publication prévue audit article 7, paragraphe 2.

37      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement nº 1370/2007 doit être interprété en ce sens que les autorités nationales compétentes qui ont l’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer ne sont pas tenues, d’une part, de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques éventuellement intéressés toutes les informations nécessaires afin qu’ils soient en mesure d’élaborer une offre suffisamment détaillée et susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et, d’autre part, d’effectuer une telle évaluation comparative de toutes les offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations.

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CE) nº 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil, doit être interprété en ce sens que les autorités nationales compétentes qui ont l’intention d’attribuer directement un contrat de service public de transport de voyageurs par chemin de fer ne sont pas tenues, d’une part, de publier ou de communiquer aux opérateurs économiques éventuellement intéressés toutes les informations nécessaires afin qu’ils soient en mesure d’élaborer une offre suffisamment détaillée et susceptible de faire l’objet d’une évaluation comparative et, d’autre part, d’effectuer une telle évaluation comparative de toutes les offres éventuellement reçues à la suite de la publication de ces informations.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.