Language of document : ECLI:EU:C:2009:33

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

27 janvier 2009 (*)

«Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu – Déductibilité de dons faits à des organismes reconnus d’intérêt général – Limitation de la déductibilité aux dons faits aux organismes nationaux – Dons en nature – Directive 77/799/CEE – Assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs»

Dans l’affaire C‑318/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 9 juillet 2007, parvenue à la Cour le 11 juillet 2007, dans la procédure

Hein Persche

contre

Finanzamt Lüdenscheid,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, A. Rosas, K. Lenaerts (rapporteur), J.-C. Bonichot et T. von Danwitz, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, P. Kūris et E. Juhász, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 juin 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour le Finanzamt Lüdenscheid, par M. H. Brandenberg, Leitender Ministerialrat,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement grec, par M. S. Spyropoulos ainsi que par Mmes Z. Chatzipavlou et I. Pouli, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par MM. J.-C. Gracia, G. de Bergues et J.-C. Niollet, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par MM. D. O’Hagan et G. Hogan, en qualité d’agents, assistés de Mme E. Barrington, BL,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme I. Rao et M. R. Hill, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et W. Mölls, en qualité d’agents,

–        pour l’Autorité de surveillance AELE, par M. P. Bjørgan et Mme I. Hauger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 octobre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE à 58 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Persche, conseiller fiscal établi en Allemagne, au Finanzamt Lüdenscheid (ci-après le «Finanzamt») au sujet de la déductibilité fiscale d’un don en nature fait à un organisme reconnu d’intérêt général situé au Portugal.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après la «directive 77/799»), dispose:

«Les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune […]»

4        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 77/799 prévoit:

«L’autorité compétente d’un État membre peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1, en ce qui concerne un cas précis. L’autorité compétente de l’État requis n’est pas tenue de donner une suite favorable à cette demande lorsqu’il apparaît que l’autorité compétente de l’État requérant n’a pas épuisé ses propres sources habituelles d’information, qu’elle aurait pu, selon les circonstances, utiliser pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à l’obtention du résultat recherché.»

 La réglementation nationale

5        En vertu de l’article 10b, paragraphe 1, de la loi allemande relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG»), les contribuables peuvent déduire du total de leurs revenus, à titre de charges exceptionnelles déductibles et dans certaines limites, les versements effectués au profit d’œuvres ayant un caractère philanthropique, cultuel, religieux ou scientifique, ou d’œuvres reconnues d’intérêt général. En vertu du paragraphe 3 du même article, une telle déductibilité vaut également pour les dons en nature.

6        Selon l’article 49 du règlement d’application de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuer-Durchführungsverordnung, ci-après l’«EStDV»), la déductibilité fiscale est limitée aux dons dont le bénéficiaire est soit une personne morale nationale de droit public ou un service public national, soit une personne morale, un groupement de personnes ou une masse de biens au sens de l’article 5, paragraphe 1, point 9, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz, ci-après le «KStG»). Cette dernière disposition définit l’ensemble des organismes, à savoir les personnes morales, les groupements de personnes et les masses de biens, qui sont exonérés de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire ceux qui, en application de leur statut et eu égard à leur gestion effective, poursuivent exclusivement et directement des fins d’intérêt général, philanthropiques ou cultuelles. Toutefois, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, point 2, du KStG, cette exonération ne s’applique qu’aux organismes établis sur le territoire allemand.

7        En vertu de l’article 50, paragraphe 1, de l’EStDV, les dons au sens de l’article 10b de l’EStG – sous réserve des dispositions spéciales applicables aux dons d’une valeur maximale de 100 euros – ne peuvent être déduits que sur présentation d’un formulaire administratif rempli par l’organisme bénéficiaire. Dans le cadre de l’imposition du donateur au titre de l’impôt sur le revenu, ce formulaire constitue une preuve suffisante que le bénéficiaire du don remplit les conditions imposées par la loi. Il n’incombe donc pas à l’administration fiscale chargée de la liquidation de l’impôt du donateur de contrôler le respect, par l’organisme bénéficiaire, des conditions qui ouvrent droit à l’exonération de l’impôt sur les sociétés.

8        Les articles 51 à 68 du code général des impôts allemand (Abgabenordnung, ci-après l’«AO») définissent les fins qu’un organisme doit poursuivre et la manière dont ces fins doivent être poursuivies pour bénéficier de l’exonération fiscale.

9        Selon l’article 52, paragraphes 1 et 2, point 2, de l’AO, un organisme exerce son activité à des fins d’intérêt général lorsque son activité vise à promouvoir les intérêts de la collectivité, notamment par le soutien de l’aide à l’enfance et aux personnes âgées. Conformément à l’article 55, paragraphe 1, points 1 et 5, de l’AO, l’organisme doit agir de manière désintéressée, ce qui signifie par exemple qu’il doit employer ses moyens en temps utile et exclusivement aux fins fiscalement favorisées, et non au profit de ses membres. En vertu de l’article 59 de l’AO, un tel organisme ne peut bénéficier d’avantages fiscaux que si ses statuts font apparaître qu’il poursuit exclusivement et directement des fins qui remplissent les conditions définies aux articles 52 à 55 de l’AO.

10      Aux termes de l’article 63, paragraphe 3, de l’AO, il incombe à un tel organisme d’établir, au moyen d’une comptabilité régulière de ses recettes et de ses dépenses, que son activité est effectivement conduite dans l’optique de réaliser exclusivement et directement des fins fiscalement favorisées. En cas de dons en nature, l’article 50, paragraphe 4, seconde phrase, de l’EStDV oblige l’organisme bénéficiaire à conserver des pièces justificatives de la valeur du don qu’il déclare.

11      Conformément aux articles 193 et suivants de l’AO, la question de savoir si un organisme est effectivement géré de manière conforme à ses statuts et si ses moyens sont employés de manière désintéressée ainsi qu’en temps utile peut être vérifiée par un contrôle sur place. Si l’organisme remplit les conditions ouvrant droit à l’exonération fiscale, celui-ci est en droit de délivrer des reçus pour les dons qui lui sont faits, en utilisant le formulaire administratif prévu à cette fin. Si un organisme remplit un reçu de don inexact, que ce soit de manière volontaire ou manifestement négligente, il est responsable de la perte de recettes fiscales subséquente, ainsi que cela ressort de l’article 10b, paragraphe 4, deuxième phrase, de l’EStG.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Dans sa déclaration de revenu pour l’année 2003, M. Persche a demandé la déduction, au titre de charge exceptionnelle déductible, d’un don en nature de linge de lit et de bain ainsi que de déambulateurs et d’automobiles miniatures pour enfants qu’il a fait au Centro Popular de Lagoa (Portugal, ci-après le «centre») pour une valeur totale de 18 180 euros. Ledit centre serait une maison de retraite à laquelle est rattaché un foyer d’enfants et qui se situe dans une localité où le requérant au principal posséderait un logement.

13      M. Persche a joint à sa déclaration fiscale un document en date du 31 juillet 2003 par lequel le centre confirme la réception de ce don ainsi qu’une déclaration du directeur du centre local pour la solidarité et l’assurance sociale de Faro (Portugal), en date du 21 mars 2001, certifiant que ledit centre a été enregistré en 1982 auprès de la direction générale de l’action sociale comme organisme privé de solidarité sociale et qu’il jouit, à ce titre, de l’ensemble des exonérations et des avantages fiscaux que la loi portugaise accorde aux organismes d’intérêt général. Selon le requérant au principal, le reçu original du don suffit, en droit portugais, pour ouvrir droit à une déduction fiscale.

14      Le Finanzamt a refusé la déduction sollicitée dans son avis d’imposition pour l’année 2003. Il a également rejeté comme non fondée la réclamation introduite contre cet avis par le requérant au principal. Le recours que celui-ci a engagé devant le Finanzgericht Münster est également demeuré sans succès. Par la suite, le requérant au principal a introduit un pourvoi en «Revision» devant le Bundesfinanzhof.

15      Dans sa décision de renvoi, cette juridiction fait observer que le Finanzamt a dû refuser la déduction du don en cause dès lors que, au regard du droit allemand, le bénéficiaire du don n’était pas établi en Allemagne et que le contribuable n’avait pas présenté un reçu de ce don en bonne et due forme. Ladite juridiction s’interroge toutefois sur la question de savoir si un don en nature sous forme de biens de consommation courants relève des articles 56 CE à 58 CE et, le cas échéant, si ces articles s’opposent à ce qu’un État membre ne permette la déductibilité fiscale d’un tel don que si le bénéficiaire est établi sur le territoire national.

16      À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, dans son arrêt du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer (C-386/04, Rec. p. I-8203), la Cour a reconnu qu’il incombe aux États membres de décider quels sont les intérêts de la collectivité qu’ils veulent promouvoir par des avantages fiscaux, tout en reprenant l’opinion du juge de renvoi dans cette affaire selon laquelle la promotion desdits intérêts, au sens de l’article 52 de l’AO, n’implique pas que ces mesures de promotion doivent profiter aux ressortissants ou aux résidents allemands. Or, dans l’affaire en cause au principal, la juridiction de renvoi précise que, en droit allemand, cette thèse est débattue.

17      Elle rappelle ensuite que, au point 49 de son arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, la Cour a considéré que la nécessité pour un État membre de vérifier le respect des conditions auxquelles est soumis l’octroi d’une exonération fiscale à une fondation ne justifie pas le refus de cette exonération lorsque la fondation est établie dans un autre État membre dans la mesure où les autorités fiscales du premier État membre peuvent exiger de ladite fondation qu’elle fournisse tous les justificatifs pertinents. À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer que, selon la jurisprudence du Bundesverfassungsgericht, le principe de l’égalité devant l’impôt interdit de liquider un impôt sur le seul fondement d’une déclaration et d’indications fournies par le contribuable, mais exige que la procédure de déclaration puisse être complétée par des vérifications sur place.

18      Dans ce contexte, ladite juridiction de renvoi se demande, d’une part, si l’assistance mutuelle découlant de la directive 77/799 peut contraindre les autorités de l’État membre d’établissement de l’organisme en cause d’effectuer une vérification sur place et, d’autre part, même si cela était possible, s’il ne serait pas contraire au principe de proportionnalité d’exiger des autorités fiscales allemandes, lorsque des situations telles que celle de l’affaire au principal se présentent, qu’elles effectuent des contrôles sur la nature des organismes bénéficiaires afin de déterminer la déductibilité fiscale des dons qui leur sont faits, et ce quelle que soit la valeur de ces dons.

19      Dans ces circonstances, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les dons en nature faits par le ressortissant d’un État membre sous forme de biens de consommation courants à des organismes ayant leur siège dans un autre État membre et reconnus d’intérêt général selon le droit de ce dernier sont-ils soumis au principe de libre circulation des capitaux (article 56 CE)?

2)      En cas de réponse [affirmative] à la première question, une disposition d’un État membre ne favorisant fiscalement les dons à des organismes d’intérêt général que si ces derniers ont leur siège sur le territoire national est-elle contraire au principe de libre circulation des capitaux (article 56 CE), compte tenu, d’une part, de l’obligation incombant à l’administration fiscale de vérifier les déclarations du contribuable et, d’autre part, du principe de proportionnalité (article 5, troisième alinéa, CE)?

3)      En cas de réponse [affirmative] à la deuxième question, la directive [77/799] oblige-t-elle l’administration fiscale d’un État membre à recourir à l’aide d’un autre État membre pour faire la lumière sur un fait relevant de celui-ci ou bien est-il possible d’opposer au contribuable que, en vertu du droit procédural de son État membre, c’est à lui qu’il appartient de prouver les faits survenus à l’étranger (charge de la preuve)?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

20      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, lorsqu’un contribuable sollicite dans un État membre la déductibilité fiscale de dons faits à des organismes établis et reconnus d’intérêt général dans un autre État membre, de tels dons relèvent des dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux, même s’ils sont effectués en nature sous forme de biens de consommation courants.

21      Dans leurs observations, le Finanzamt, les gouvernements allemand, espagnol et français ainsi que l’Irlande font valoir que ces dispositions ne portent que sur des mouvements de capitaux réalisés en vue d’une activité économique et non pas sur les dons faits pour des motifs altruistes à des organismes gérés de manière désintéressée et dont les activités ne doivent pas être lucratives. Le gouvernement grec, quant à lui, estime que le transfert, qui n’est pas effectué à des fins d’investissement, de biens de consommation courants qui ne constituent pas des moyens de paiement relève exclusivement de la libre circulation des marchandises.

22      La Commission des Communautés européennes et l’Autorité de surveillance AELE estiment, quant à elles, que les dons en nature faits à des organismes d’intérêt général établis dans un autre État membre que celui en charge de l’imposition du donateur relèvent des articles 56 CE à 58 CE.

23      Il convient de rappeler que l’article 56, paragraphe 1, CE interdit de façon générale les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres.

24      En l’absence, dans le traité, de définition de la notion de «mouvements de capitaux» au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, la Cour a précédemment reconnu une valeur indicative à la nomenclature annexée à la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), même si celle‑ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (les articles 67 à 73 du traité CEE ont été remplacés par les articles 73 B à 73 G du traité CE, eux-mêmes devenus articles 56 CE à 60 CE), étant entendu que, conformément à son introduction, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir, notamment, arrêts du 23 février 2006, van Hilten‑van der Heijden, C‑513/03, Rec. p. I‑1957, point 39; Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 22, et du 11 septembre 2008, Eckelkamp, C‑11/07, non encore publié au Recueil, point 38). Or, les dons et les dotations apparaissent sous la rubrique XI, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», de l’annexe I de la directive 88/361.

25      Lorsqu’un contribuable d’un État membre sollicite la déductibilité fiscale d’une somme reflétant la valeur de dons faits à des personnes tierces résidant dans un autre État membre, il n’est pas pertinent de savoir, afin de déterminer si la législation nationale en cause relève des dispositions du traité relatives aux mouvements de capitaux, si les dons sous-jacents ont été effectués en espèces ou en nature.

26      En effet, la reprise, sous la rubrique XI de l’annexe I de la directive 88/361, des successions et des legs démontre que, afin de déterminer si le traitement fiscal par un État membre de certaines opérations relève des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux, il n’y a pas lieu de distinguer entre les opérations effectuées en espèces et celles faites en nature. Ainsi, la Cour a rappelé que les successions consistent en une transmission à une ou à plusieurs personnes du patrimoine laissé par une personne décédée ou, en d’autres termes, en un transfert aux héritiers de la propriété des différents biens et droits dont est composé ce patrimoine (voir, notamment, arrêts précités van Hilten‑van der Heijden, point 42, et Eckelkamp, point 39). Il s’ensuit qu’une législation fiscale nationale peut relever des articles 56 CE à 58 CE même si elle concerne le transfert d’un patrimoine susceptible de comprendre tant des sommes d’argent que des biens immeubles et meubles.

27      À l’instar de l’impôt prélevé sur les successions, le traitement fiscal de dons faits en espèces ou en nature relève donc des dispositions du traité relatives aux mouvements de capitaux, à l’exception des cas où les éléments constitutifs des opérations concernées se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt Eckelkamp, précité, point 39 et jurisprudence citée).

28      Quant à la question de savoir si, ainsi que le soutient le gouvernement grec, un don de biens de consommation ne devrait pas plutôt relever des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence à présent bien établie, afin de déterminer si une législation nationale relève de l’une ou l’autre des libertés, il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (voir, notamment, arrêt du 24 mai 2007, Holböck, C‑157/05, Rec. p. I‑4051, point 22 et jurisprudence citée).

29      À cet égard, il suffit de relever que la législation nationale en cause au principal exclut la déductibilité de dons effectués à des organismes établis dans d’autres États membres indépendamment de la question de savoir si ces dons se font en espèces ou en nature et, dans le cas d’un don en nature, du lieu d’achat des biens offerts. Il ne ressort donc aucunement de l’objet de cette réglementation qu’elle relève des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises plutôt que de celles relatives à la libre circulation des capitaux.

30      Il convient donc de répondre à la première question préjudicielle que, lorsqu’un contribuable sollicite dans un État membre la déductibilité fiscale de dons faits à des organismes établis et reconnus d’intérêt général dans un autre État membre, de tels dons relèvent des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, même s’ils sont effectués en nature sous forme de biens de consommation courants.

 Sur les deuxième et troisième questions

31      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui n’accorde le bénéfice de la déduction fiscale qu’aux dons effectués en faveur d’organismes d’intérêt général établis sur le territoire national, compte tenu du fait que les autorités fiscales dudit État membre doivent pouvoir vérifier les déclarations du contribuable et ne sauraient être obligées d’agir en violation du principe de proportionnalité. Elle se demande, dans ce contexte, si la directive 77/799 oblige ces autorités fiscales à recourir à l’aide des autorités compétentes de l’État membre d’établissement de l’organisme bénéficiaire pour obtenir les informations nécessaires ou si, en revanche, lesdites autorités fiscales peuvent exiger du contribuable qu’il apporte lui-même l’ensemble des preuves nécessaires.

32      À cet égard, le Finanzamt, les gouvernements allemand, espagnol et français ainsi que l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni font valoir qu’il n’est pas contraire aux dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux qu’un État membre ne prévoie la déductibilité fiscale de dons que lorsque ceux-ci bénéficient à des organismes situés sur son territoire. Tout d’abord, les organismes d’intérêt général nationaux et ceux établis à l’étranger ne se trouveraient pas dans une situation comparable au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE. En outre, la limitation d’avantages fiscaux aux dons faits à des organismes d’intérêt général nationaux serait justifiée par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

33      Les gouvernements allemand et du Royaume-Uni estiment que, dans le cas d’un don versé par un contribuable à un organisme établi dans un autre État membre, l’État membre d’imposition du donateur (ci-après l’«État membre du donateur») n’est obligé de se procurer les informations nécessaires à l’imposition de ce dernier ni par ses propres moyens ni par le mécanisme d’assistance mutuelle prévue par la directive 77/799.

34      Selon le gouvernement allemand, l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni, il serait, en tout cas, contraire au principe de proportionnalité de contraindre l’État membre du donateur à vérifier ou à faire vérifier le respect des conditions imposées aux organismes d’intérêt général pour chaque don effectué par un contribuable à des organismes situés dans un ou plusieurs autres États membres, et ce quelle que soit la valeur du ou des dons effectués.

35      En revanche, la Commission et l’Autorité de surveillance AELE estiment que la législation nationale en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des capitaux qui ne peut être justifiée par la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux.

36      Selon la Commission, même si la directive 77/799 elle-même n’oblige pas un État membre à recourir à l’aide d’un autre État membre afin de le renseigner sur un fait dont les éléments sont situés dans cet autre État membre, ce premier État serait toutefois tenu, dans le champ d’application de l’article 56 CE, de recourir aux possibilités offertes par cette directive pour exclure tout traitement moins favorable de situations transfrontalières par rapport aux situations purement nationales. L’Autorité de surveillance AELE, quant à elle, estime que, même si le contribuable sollicitant un avantage fiscal peut être tenu d’apporter les preuves nécessaires, les autorités fiscales ne peuvent refuser cet avantage en raison de doutes quant à l’authenticité des informations fournies sans avoir eu recours aux autres moyens disponibles pour obtenir ou vérifier lesdites informations.

37      En l’occurrence, la législation allemande prévoit la déduction fiscale de dons versés à des organismes d’intérêt général situés en Allemagne qui remplissent les autres conditions fixées par cette législation, tout en excluant cet avantage fiscal pour les dons versés à des organismes établis et reconnus d’intérêt général dans un autre État membre.

38      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 47 et 48 de ses conclusions, dès lors que la possibilité d’obtenir une déduction fiscale est susceptible d’influer de façon significative sur l’attitude du donateur, la non-déductibilité en Allemagne des dons versés à des organismes reconnus d’intérêt général lorsqu’ils sont établis dans d’autres États membres est de nature à affecter la disponibilité des contribuables allemands à effectuer des dons à leur profit.

39      Une telle législation constitue donc une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 56 CE.

40      Il est vrai que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, l’article 56 CE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’établir, dans leur législation fiscale, une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne le lieu où leurs capitaux sont investis.

41      Toutefois, il importe de distinguer les traitements inégaux permis au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE des discriminations arbitraires ou des restrictions déguisées interdites par le paragraphe 3 de ce même article. En effet, pour qu’une réglementation fiscale nationale telle que celle en cause au principal, qui opère une distinction entre les organismes nationaux et ceux établis dans un autre État membre, puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, telle que la nécessité de sauvegarder l’efficacité des contrôles fiscaux. En outre, pour être justifiée, la différence de traitement ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’objectif poursuivi par la réglementation en cause soit atteint (voir, en ce sens, arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 32 et jurisprudence citée).

 Sur le caractère comparable des organismes reconnus d’intérêt général nationaux et ceux établis dans un autre État membre

42      Les gouvernements allemand, espagnol et français ainsi que l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni font observer que les dons faits à des organismes nationaux et ceux en faveur des organismes établis dans un autre État membre ne sont pas comparables en ce sens que les États membres concernés, d’une part, peuvent appliquer des notions de bienfaisance ainsi que des conditions de reconnaissance d’œuvres de bienfaisance différentes et, d’autre part, ne sont en mesure de contrôler le respect des exigences qu’ils imposent que par rapport aux organismes nationaux. Les gouvernements allemand, espagnol et français ajoutent que, si un État membre renonce à percevoir certaines recettes fiscales en exonérant les dons effectués au profit des organismes d’intérêt général situés sur son territoire, cela résulte du fait que de tels organismes déchargent cet État membre de certaines missions d’intérêt général qu’il devrait autrement remplir lui-même en employant des recettes fiscales.

43      D’emblée, il convient de relever qu’il incombe à chaque État membre de déterminer si, afin d’encourager certaines activités reconnues comme étant d’intérêt général, il prévoit des avantages fiscaux en faveur tant des organismes privés ou publics qui s’occupent desdites activités que des contribuables qui leur versent des dons.

44      S’il est légitime pour un État membre de réserver l’octroi d’avantages fiscaux aux organismes poursuivant certains de ses objectifs d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 57), un État membre ne saurait toutefois réserver le bénéfice de tels avantages aux seuls organismes établis sur son territoire et dont les activités sont donc susceptibles de le décharger de certaines de ses responsabilités.

45      Certes, en incitant les contribuables, par la perspective d’une déductibilité fiscale des dons faits à des organismes reconnus d’intérêt général, à soutenir les activités de ces derniers, un État membre encourage de tels organismes à développer des activités d’intérêt général dont normalement il se charge ou peut se charger lui-même. Il ne peut donc être exclu qu’une législation nationale prévoyant la déductibilité fiscale des dons effectués au profit d’organismes d’intérêt général puisse encourager de tels organismes à se substituer aux autorités publiques dans la prise en charge de certaines responsabilités, ni qu’une telle prise en charge puisse conduire à une réduction des dépenses de l’État membre concerné susceptible de compenser, au moins partiellement, la diminution de ses recettes fiscales qu’entraîne la déductibilité des dons.

46      Toutefois, il n’en résulte pas pour autant qu’un État membre puisse introduire une différence de traitement, en matière de déductibilité fiscale de dons, entre les organismes reconnus d’intérêt général nationaux et ceux établis dans un autre État membre au motif que les dons effectués au profit de ces derniers, et ce même si leurs activités s’inscrivent dans les objectifs de la législation du premier État membre, ne peuvent conduire à une telle compensation budgétaire. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que la nécessité de prévenir la réduction de recettes fiscales ne figure ni parmi les objectifs énoncés à l’article 58 CE, ni parmi les raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à une liberté instituée par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 49, et Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 59; voir, par analogie, pour ce qui concerne la libre prestation des services, arrêts du 3 octobre 2002, Danner, C-136/00, Rec. p. I‑8147, point 56, ainsi que du 11 septembre 2007, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C-76/05, Rec. p. I-6849, point 77).

47      En revanche, il est loisible à un État membre, dans le cadre de sa législation relative à la déductibilité fiscale de dons, d’appliquer une différence de traitement entre les organismes reconnus d’intérêt général nationaux et ceux établis dans d’autres États membres lorsque ces derniers poursuivent des objectifs autres que ceux préconisés par sa propre législation.

48      En effet, tout comme la Cour l’a jugé dans son arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité (point 39), le droit communautaire n’impose pas aux États membres de faire en sorte que les organismes étrangers reconnus d’intérêt général dans leur État membre d’origine bénéficient automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire. Les États membres disposent, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation qu’ils doivent exercer conformément au droit communautaire. Ils sont libres, dans ces conditions, de définir les intérêts de la collectivité qu’ils veulent promouvoir, en octroyant des avantages à des associations et à des organismes qui poursuivent de manière désintéressée des objectifs liés auxdits intérêts et respectent les exigences relatives à la mise en œuvre desdits objectifs.

49      Il n’en demeure pas moins que, lorsqu’un organisme reconnu d’intérêt général dans un État membre remplit les conditions imposées à cette fin par la législation d’un autre État membre et a comme objectif la promotion d’intérêts de la collectivité identiques, de sorte qu’il serait susceptible d’être reconnu d’intérêt général dans ce dernier État membre, ce qu’il appartient aux autorités nationales de ce même État membre, y compris les juridictions, d’apprécier, les autorités de cet État membre ne sauraient refuser à cet organisme le droit à l’égalité de traitement pour la seule raison qu’il n’est pas établi sur le territoire dudit État membre (voir, en ce sens, arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 40; voir, par analogie, pour ce qui concerne la libre prestation de services, arrêt Schwarz et Gootjes-Schwarz, précité, point 81).

50      En effet, contrairement à ce que soutiennent à cet égard les gouvernements ayant déposé des observations, un organisme établi dans un État membre et qui remplit les conditions imposées à cette fin par un autre État membre pour l’octroi d’avantages fiscaux, se trouve, à l’égard de l’octroi par ce dernier État membre d’avantages fiscaux visant à encourager les activités d’intérêt général concernées, dans une situation comparable à celle des organismes reconnus d’intérêt général qui sont établis dans ce dernier État membre.

 Sur la justification tirée de la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux

51      Il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutiennent les gouvernements ayant déposé des observations, l’exclusion de la déductibilité fiscale de dons versés à des organismes établis et reconnus d’intérêt général dans un État membre autre que celui du donateur ne saurait être justifiée par la difficulté, pour l’État membre du donateur, de vérifier si de tels organismes remplissent effectivement les objectifs statutaires au sens de la législation nationale ainsi que par la nécessité de contrôler la gestion effective de ces organismes.

52      Certes, la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité. Toutefois, une mesure restrictive, pour pouvoir être justifiée, doit respecter le principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 18 décembre 2007, A, C-101/05, Rec. p. I-11531, points 55 et 56 ainsi que jurisprudence citée).

53      Dans ce contexte, la Cour a considéré qu’il ne saurait être exclu a priori que le contribuable soit en mesure de fournir les pièces justificatives pertinentes permettant aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, la réalité et la nature des dépenses engagées dans d’autres États membres (arrêts du 8 juillet 1999, Baxter e.a., C-254/97, Rec. p. I-4809, point 20, ainsi que du 10 mars 2005, Laboratoires Fournier, C-39/04, Rec. p. I‑2057, point 25).

54      En effet, rien n’empêcherait les autorités fiscales concernées d’exiger du contribuable les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier si les conditions de déductibilité de dépenses prévues par la législation en cause sont réunies et, en conséquence, s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée (voir, en ce sens, arrêts Danner, précité, point 50, ainsi que du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C-422/01, Rec. p. I‑6817, point 43).

55      Au regard des principes dégagés par la Cour dans son arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité (point 48), avant d’accorder une exonération fiscale à un organisme établi et reconnu d’intérêt général dans un autre État membre, un État membre est autorisé à appliquer des mesures lui permettant de vérifier, de façon claire et précise, si cet organisme remplit les conditions exigées par la législation nationale pour en bénéficier ainsi qu’à contrôler sa gestion effective sur la base, par exemple, de la présentation des comptes annuels et d’un rapport d’activité. Les éventuels inconvénients administratifs qui découleraient du fait que de tels organismes soient établis dans un autre État membre ne sont pas suffisants pour justifier un refus de la part des autorités de l’État concerné d’accorder auxdits organismes les mêmes exonérations fiscales qu’aux organismes nationaux du même type.

56      Il en va de même dans le cas d’un contribuable qui sollicite dans un État membre la déductibilité fiscale d’un don versé à un organisme établi et reconnu d’intérêt général dans un autre État membre, même si, dans une telle situation, et contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, le contribuable dont les autorités fiscales doivent obtenir les informations nécessaires est non pas l’organisme bénéficiaire du don, mais bien le propre donateur.

57      S’il est vrai que, contrairement à un tel organisme bénéficiaire, le donateur ne dispose pas lui-même de toutes les informations nécessaires aux autorités fiscales pour vérifier si cet organisme remplit les conditions exigées par la législation nationale pour l’octroi d’avantages fiscaux, notamment celles relatives à la manière dont les fonds versés seront gérés, il est normalement possible, pour un donateur, d’obtenir auprès dudit organisme des documents susceptibles de confirmer le montant et la nature du don versé, d’identifier les objectifs poursuivis par cet organisme ainsi que de certifier la régularité de la gestion des dons qui lui ont été versés au cours des années précédentes.

58      À cet égard, ne sauraient être dépourvues de pertinence les attestations établies par un organisme qui remplit, dans son État membre d’établissement, les conditions fixées par la législation de cet État membre pour l’octroi d’avantages fiscaux, notamment lorsque cette législation soumet à des conditions identiques l’octroi d’avantages fiscaux visant à encourager des activités d’intérêt général.

59      Quant à la charge administrative que la préparation de tels documents peut impliquer pour les organismes concernés, il suffit de relever qu’il incombe à ces organismes de décider s’ils estiment opportun d’investir des ressources dans l’établissement, la distribution et l’éventuelle traduction de documents destinés aux donateurs établis dans d’autres États membres et souhaitant y bénéficier d’avantages fiscaux.

60      Dans la mesure où rien n’empêche les autorités fiscales de l’État membre d’imposition d’exiger d’un contribuable, souhaitant obtenir la déductibilité fiscale des dons effectués au bénéfice d’organismes établis dans un autre État membre, de fournir les justificatifs pertinents, cet État membre d’imposition ne saurait invoquer la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux pour justifier une réglementation nationale qui empêche de manière absolue le contribuable d’apporter de telles preuves.

61      En outre, les autorités fiscales concernées peuvent s’adresser, en vertu de la directive 77/799, aux autorités d’un autre État membre pour obtenir tout renseignement qui s’avère nécessaire à l’établissement correct de l’impôt d’un contribuable (arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 50). En effet, cette directive prévoit, en vue de prévenir la fraude fiscale, la faculté pour les administrations fiscales nationales de demander des informations qu’elles ne peuvent pas obtenir elles-mêmes (arrêt du 27 septembre 2007, Twoh International, C-184/05, Rec. p. I-7897, point 32).

62      Contrairement à ce que soutiennent l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni, une demande d’informations par les autorités fiscales d’un État membre relative à un organisme établi dans un autre État membre, afin de pouvoir déterminer si un don versé à cet organisme peut bénéficier d’un avantage fiscal, ne sort aucunement du champ d’application de la directive 77/799. En effet, les informations dont la directive 77/799 permet aux autorités compétentes d’un État membre de demander la communication sont précisément toutes celles qui leur paraissent nécessaires afin d’établir le montant correct de l’impôt par rapport à la législation qu’elles sont appelées à appliquer elles-mêmes (arrêt Twoh International, précité, point 36). Or, les informations requises en vue de compléter celles qu’un contribuable a fournies aux autorités fiscales d’un État membre en vue d’obtenir un avantage fiscal constituent des informations susceptibles de permettre à chaque autorité compétente des États membres concernés l’établissement correct de l’impôt sur le revenu dans un cas précis au sens des articles 1er, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la directive 77/799.

63      Cependant, la directive 77/799 n’affecte aucunement la compétence des autorités compétentes de l’État membre du donateur pour apprécier notamment si les conditions auxquelles leur législation subordonne l’octroi d’un avantage fiscal sont remplies (voir, en ce sens, arrêt Twoh International, précité, point 36). Ainsi, s’agissant d’un organisme établi et reconnu d’intérêt général dans un autre État membre, l’État membre du donateur ne doit accorder un traitement fiscal identique à celui appliqué aux dons faits aux organismes nationaux que si cet organisme remplit les conditions fixées par la législation de ce dernier État membre pour l’octroi d’avantages fiscaux, parmi lesquels figure la poursuite d’objectifs identiques à ceux promus par la législation fiscale dudit État membre. Il incombe aux autorités nationales compétentes, y inclus les juridictions nationales, de vérifier si, conformément aux règles du droit national, la preuve a été rapportée du respect des conditions imposées par cet État membre pour l’octroi de l’avantage fiscal en question.

64      En outre, la directive 77/799 ne requiert pas de l’État membre du donateur qu’il ait recours au mécanisme d’assistance mutuelle prévue par cette directive chaque fois que les informations fournies par ce donateur ne suffisent pas pour vérifier si l’organisme bénéficiaire remplit les conditions fixées par la législation nationale pour l’octroi d’avantages fiscaux.

65      En effet, la directive 77/799 prévoyant la faculté pour les administrations fiscales nationales de demander des informations qu’elles ne peuvent obtenir elles-mêmes, la Cour a relevé que la référence, à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 77/799, au terme «peut» est de nature à indiquer que, si lesdites administrations ont la possibilité de demander des informations à l’autorité compétente d’un autre État membre, une telle demande ne constitue nullement une obligation. Il appartient à chaque État membre d’apprécier les cas spécifiques dans lesquels des informations concernant les transactions effectuées par les assujettis établis sur son territoire font défaut et de décider si ces cas justifient la présentation d’une demande d’information à un autre État membre (arrêt Twoh International, précité, point 32).

66      Enfin, un État membre ne saurait non plus exclure l’octroi d’avantages fiscaux pour des dons versés à un organisme établi et reconnu d’intérêt général dans un autre État membre au seul motif que, par rapport à de tels organismes, les autorités fiscales du premier État membre ne disposent pas de la possibilité de vérifier sur place le respect des exigences que leur législation fiscale impose.

67      En effet, ainsi que l’a expliqué le gouvernement allemand lors de l’audience, même par rapport aux organismes d’intérêt général nationaux, une vérification sur place ne s’impose normalement pas dans la mesure où le contrôle du respect des conditions fixées par la législation nationale s’effectue, de manière générale, par une vérification des informations fournies par lesdits organismes.

68      En outre, lorsque l’État membre d’établissement de l’organisme bénéficiaire connaît un système d’avantages fiscaux visant à soutenir les activités des organismes reconnus d’intérêt général, il suffira normalement pour l’État membre du donateur qu’il soit informé par l’autre État membre, dans le cadre de l’assistance mutuelle prévue par la directive 77/799, de l’objet et des modalités de contrôle auxquels sont soumis de tels organismes pour que les autorités fiscales de l’État membre d’imposition puissent identifier, d’une manière suffisamment précise, les informations complémentaires dont elles ont besoin pour vérifier si l’organisme bénéficiaire remplit les conditions fixées par la législation nationale pour l’octroi d’avantages fiscaux.

69      Par ailleurs, si la vérification des informations fournies par le contribuable s’avère difficile, notamment en raison des limites de l’échange des informations prévues à l’article 8 de la directive 77/799, rien n’empêche les autorités fiscales concernées de refuser la déduction demandée si les preuves qu’elles jugent nécessaires pour l’établissement correct de l’impôt ne sont pas fournies (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 20; du 11 octobre 2007, ELISA, C‑451/05, Rec. p. I‑8251, point 95, et A, précité, point 58).

70      S’agissant d’organismes d’intérêt général situés dans un pays tiers, il y a lieu d’ajouter qu’il est, en principe, légitime pour l’État membre d’imposition de refuser l’octroi d’un tel avantage fiscal si, notamment en raison de l’absence d’une obligation conventionnelle de ce pays tiers de fournir des informations, il s’avère impossible d’obtenir dudit pays les informations nécessaires (voir, en ce sens, arrêt A, précité, point 63).

71      Dans ces conditions, il convient d’écarter l’argument du gouvernement allemand, de l’Irlande et du gouvernement du Royaume-Uni selon lequel il serait contraire au principe de proportionnalité de contraindre l’État membre du donateur de vérifier ou de faire vérifier, dès qu’un contribuable sollicite le bénéfice de la déductibilité des dons qu’il a versés au profit d’organismes établis dans un autre État membre, le respect des conditions imposées aux organismes d’intérêt général nationaux.

72      Il convient donc de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre en vertu de laquelle, en ce qui concerne les dons faits à des organismes reconnus d’intérêt général, le bénéfice de la déduction fiscale n’est accordé que par rapport aux dons effectués à des organismes établis sur le territoire national, sans possibilité aucune pour le contribuable de démontrer qu’un don versé à un organisme établi dans un autre État membre satisfait aux conditions imposées par ladite législation pour l’octroi d’un tel bénéfice.

 Sur les dépens

73      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Lorsqu’un contribuable sollicite dans un État membre la déductibilité fiscale de dons faits à des organismes établis et reconnus d’intérêt général dans un autre État membre, de tels dons relèvent des dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux, même s’ils sont effectués en nature sous forme de biens de consommation courants.

2)      L’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre en vertu de laquelle, en ce qui concerne les dons faits à des organismes reconnus d’intérêt général, le bénéfice de la déduction fiscale n’est accordé que par rapport aux dons effectués à des organismes établis sur le territoire national, sans possibilité aucune pour le contribuable de démontrer qu’un don versé à un organisme établi dans un autre État membre satisfait aux conditions imposées par ladite législation pour l’octroi d’un tel bénéfice.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.