Language of document : ECLI:EU:C:2017:391

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

18 mai 2017 (1)

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation de services – Directive 77/249/CEE – Article 4 – Exercice de la profession d’avocat – Boîtier de raccordement au réseau privé virtuel des avocats (RPVA) – Boîtier “RPVA” – Refus de délivrance à un avocat inscrit à un barreau d’un autre État membre – Mesure discriminatoire »

Dans l’affaire C‑99/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de grande instance de Lyon (France), par décision du 15 février 2016, parvenue à la Cour le 19 février 2016, dans la procédure

Jean-Philippe Lahorgue

contre

Ordre des avocats du barreau de Lyon,

Conseil national des barreaux (CNB),

Conseil des barreaux européens (CCBE),

Ordre des avocats du barreau de Luxembourg,

en présence de :

Ministère public,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, MM. M. Vilaras, J. Malenovský, M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 janvier 2017,

considérant les observations présentées :

–        pour Me J.-P. Lahorgue, par lui-même, avocat,

–        pour l’Ordre des avocats du barreau de Lyon, par Me S. Bracq, avocat,

–        pour le Conseil national des barreaux (CNB), par Mes J.‑P. Hordies et A.‑G. Haie, avocats,

–        pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. H. Støvlbæk et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 février 2017,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4 de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO 1977, L 78, p. 17).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une assignation en référé de l’Ordre des avocats du barreau de Lyon (France), du Conseil national des barreaux (CNB, France) et du Conseil des barreaux européens (CCBE) ainsi que de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, introduite par Me Jean‑Philippe Lahorgue et tendant à ce qu’il soit ordonné à l’Ordre des avocats du barreau de Lyon de lui délivrer, en tant que prestataire de services transfrontaliers, le boîtier de raccordement au réseau privé virtuel des avocats (RPVA) (ci-après le « boîtier RPVA »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 4 de la directive 77/249 dispose :

« 1.      Les activités relatives à la représentation et à la défense d’un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque État membre d’accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État, à l’exclusion de toute condition de résidence ou d’inscription à une organisation professionnelle dans ledit État.

2.      Dans l’exercice de ces activités, l’avocat respecte les règles professionnelles de l’État membre d’accueil, sans préjudice des obligations qui lui incombent dans l’État membre de provenance.

[...]

4        L’article 5 de ladite directive prévoit :

« Pour l’exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d’un client en justice, chaque État membre peut imposer aux avocats visés à l’article 1er :

–        d’être introduit auprès du président de la juridiction et, le cas échéant, auprès du bâtonnier compétent dans l’État membre d’accueil selon les règles ou usages locaux ;

–        d’agir de concert soit avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et qui serait responsable, s’il y a lieu, à l’égard de cette juridiction soit avec un “avoué” ou “procuratore” exerçant auprès d’elle. »

5        Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 77/249, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil peut demander au prestataire de services d’établir sa qualité d’avocat.

 Le droit français

6        S’agissant notamment des avocats ressortissants des États membres de l’Union européenne établis à titre permanent dans l’un de ces États membres, l’article 202‑1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat dispose :

« Lorsqu’un [tel] avocat assure la représentation ou la défense d’un client en justice ou devant les autorités publiques, il exerce ses fonctions dans les mêmes conditions qu’un avocat inscrit à un barreau français.

[...]

En matière civile, lorsque la représentation est obligatoire devant le tribunal de grande instance, il ne peut se constituer qu’après avoir élu domicile auprès d’un avocat établi près le tribunal saisi et auquel les actes de la procédure sont valablement notifiés. [...] »

7        En vertu de l’article 748-1 du code de procédure civile, « [l]es envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l’usage de ce mode de communication ».

8        S’agissant de la procédure d’appel, l’article 930-1 du code de procédure civile prévoit : 

« À peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d’appel est remise au greffe [...]

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique. »

9        Aux termes de l’article 5 de l’arrêté du 7 avril 2009 relatif à la communication par voie électronique devant les tribunaux de grande instance, « [l]’accès des avocats au système de communication électronique mis à disposition des juridictions se fait par l’utilisation d’un procédé de raccordement à un réseau indépendant privé opéré sous la responsabilité du Conseil national des barreaux dénommé [RPVA]. »

10      Selon l’article 9 dudit arrêté, « [l]a sécurité de la connexion des avocats au RPVA est garantie par un dispositif d’identification. Ce dispositif est fondé sur un service de certification garantissant l’authentification de la qualité d’avocat personne physique [...] Le dispositif comporte une fonction de vérification de la validité du certificat électronique. Celui-ci est délivré par un prestataire de services de certification électronique agissant au nom du Conseil national des barreaux, autorité de certification ».

11      En pratique, l’authentification est rendue possible par le fait que le certificat électronique personnel de l’avocat est relié à l’annuaire national des avocats, lequel est automatiquement mis à jour au moyen d’une synchronisation quotidienne avec les annuaires des avocats de l’ensemble des barreaux français.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

12      Me Lahorgue, de nationalité française, est un avocat inscrit au barreau de Luxembourg.

13      Il a demandé à l’Ordre des avocats du barreau de Lyon de bénéficier d’un boîtier RPVA facilitant l’exercice de la profession d’avocat en régime de prestation transfrontalière de services.

14      Ledit Ordre des avocats n’a pas accédé à la demande de Me Lahorgue au motif que celui-ci n’était pas inscrit au barreau de Lyon.

15      Aussi, Me Lahorgue a-t-il fait assigner en référé, devant le tribunal de grande instance de Lyon (France), notamment l’Ordre des avocats du barreau de Lyon pour voir ordonner que ce dernier lui délivre sous huitaine et sous astreinte le boîtier RPVA de telle sorte qu’il puisse exercer pleinement la profession d’avocat en France et dans les mêmes conditions qu’un avocat français.

16      Dans le cadre de cette procédure de référé, Me Lahorgue a suggéré qu’il soit, le cas échéant, demandé à la Cour de justice de répondre à la question de savoir si le refus de délivrance d’un boîtier RPVA à un avocat dûment inscrit à un barreau d’un État membre, au seul motif que cet avocat n’est pas inscrit à un barreau de l’autre État membre dans lequel il souhaite exercer la profession d’avocat en qualité de libre prestataire de services, est contraire à l’article 4 de la directive 77/249, dès lors que ce refus constitue une mesure discriminatoire susceptible d’entraver l’exercice de la profession en qualité de libre prestataire de services.

17      La juridiction de renvoi émet des doutes sur la compatibilité de la décision de refus émise par l’Ordre des avocats du barreau de Lyon avec le droit de l’Union.

18      En particulier, elle considère que, dès lors que l’exercice des voies de recours en matière pénale ou sociale ne comporte pas de restriction, pour l’avocat d’un autre État membre, tenant à une obligation d’agir de concert avec un avocat membre du barreau du lieu de la juridiction considérée, il peut apparaître non conforme à la liberté d’exercice de la prestation de services d’imposer à un avocat membre d’un autre État membre de recourir à un autre avocat, alors que le libre accès à la juridiction au moyen d’un boîtier RPVA pourrait lui permettre cette liberté d’exercice.

19      Dans ces conditions, le tribunal de grande instance de Lyon a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le refus de délivrance d’un boîtier RPVA à un avocat dûment inscrit dans le barreau d’un État membre dans lequel il souhaite exercer la profession d’avocat en qualité de libre prestataire de services est-il contraire à l’article 4 de la directive 77/249 au motif qu’il constitue une mesure discriminatoire susceptible d’entraver l’exercice de la profession en qualité de libre prestataire de services dans les cas où cet avocat de concert n’est pas imposé par la loi ? »

  Sur la question préjudicielle

20      Ainsi que l’ont relevé à juste titre le gouvernement français et M. l’avocat général, la question telle que formulée par la juridiction de renvoi contient une affirmation qui ne correspond pas à la situation du requérant au principal puisqu’elle envisage la situation d’un avocat « inscrit dans le barreau d’un État membre dans lequel il souhaite exercer la profession d’avocat en qualité de libre prestataire de services », ce qui n’est pas le cas de Me Lahorgue.

21      Or, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle‑ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi et, dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 20 octobre 2016, Danqua, C‑429/15, EU:C:2016:789, point 36).

22      Étant donné que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il n’appartient pas à cette dernière de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 267 TFUE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 19 mars 2015, OTP Bank, C‑672/13, EU:C:2015:185, point 29), il y a lieu, par conséquent, de comprendre que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le refus de délivrance d’un boîtier RPVA, émis par les autorités compétentes d’un État membre à l’encontre d’un avocat dûment inscrit à un barreau d’un autre État membre, au seul motif que cet avocat n’est pas inscrit à un barreau du premier État membre dans lequel il souhaite exercer sa profession en qualité de libre prestataire de services, constitue une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 4 de la directive 77/249 dès lors que ce refus constitue une mesure discriminatoire susceptible d’entraver l’exercice de la profession en qualité de libre prestataire de services dans les cas où l’obligation d’agir de concert avec un autre avocat n’est pas imposée par la loi.

23      Il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que le recours à la communication électronique est autorisé dans certaines procédures, dont quelques-unes en matière pénale ou sociale, dans lesquelles la représentation par un avocat n’est pas obligatoire, à savoir les procédures visées par la demande de décision préjudicielle. L’accès à ce moyen de communication est limité aux avocats inscrits à un barreau français. À l’époque des faits de l’affaire au principal, l’accès audit moyen de communication était, en principe, limité aux avocats du ressort de la juridiction dont relevait leur barreau d’appartenance. Pour les avocats établis dans un autre État membre, les communications par dépôt au greffe ou par voie postale sont les seules autorisées.

24      À cet égard, il convient de rappeler que toutes les restrictions à la liberté de prestation de services doivent, en vertu de l’article 56 TFUE, être éliminées afin de permettre notamment au prestataire de services, ainsi que le prévoit l’article 57, troisième alinéa, TFUE, d’exercer son activité dans le pays où la prestation est fournie dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1991, Commission/France, C‑294/89, EU:C:1991:302, point 25).

25      Cette dernière disposition a été explicitée, dans le domaine de la libre prestation de services par les avocats, par la directive 77/249, dont l’article 4, paragraphe 1, dispose que la représentation en justice d’un client dans un autre État membre doit être exercée « dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet État », à l’exclusion de « toute condition de résidence ou d’inscription à une organisation professionnelle dans ledit État » (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2003, AMOK, C‑289/02, EU:C:2003:669, point 29).

26      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 56 TFUE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un prestataire de services d’exercer effectivement la liberté de prestation de services (voir arrêt du 14 janvier 2016, Commission/Grèce, C‑66/15, non publié, EU:C:2016:5, point 22 et jurisprudence citée). Constituent des restrictions à la libre prestation des services les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (voir arrêt du 14 janvier 2016, Commission/Grèce, C‑66/15, EU:C:2016:5, point 24 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, il importe de relever que le refus de délivrance du boîtier RPVA aux avocats non inscrits auprès d’un barreau français est de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice par ceux-ci de la libre prestation de services.

28      En effet, ne pouvant pas avoir accès au service de dématérialisation des procédures, ces avocats doivent avoir recours soit à la communication par dépôt au greffe ou par voie postale, soit à l’assistance d’un avocat inscrit auprès d’un barreau français et qui dispose d’un boîtier RPVA. Or, ces modes de communication alternatifs à la communication par voie électronique sont plus contraignants et, en principe, plus onéreux que cette dernière.

29      Partant, le refus de délivrance du boîtier RPVA aux avocats non inscrits auprès d’un barreau français constitue une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 56 TFUE.

30      Toutefois, compte tenu de la nature particulière des prestations de services de la part de personnes non établies dans l’État membre sur le territoire duquel la prestation doit être fournie, ne saurait être considérée comme contraire aux articles 56 et 57 TFUE l’exigence, en ce qui concerne les avocats, que l’intéressé appartienne à un barreau local afin d’accéder au service de dématérialisation des procédures pour autant que cette exigence est objectivement nécessaire afin de protéger l’intérêt général lié, notamment, au bon fonctionnement de la justice (voir, par analogie, arrêt du 3 décembre 1974, van Binsbergen, 33/74, EU:C:1974:131, points 11, 12 et 14). Tel est le cadre dans lequel doit être interprétée la directive 77/249 (voir, par analogie, arrêt du 25 février 1988, Commission/Allemagne, 427/85, EU:C:1988:98, point 13).

31      Il résulte, par ailleurs, d’une jurisprudence de la Cour bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité FUE peuvent néanmoins être admises dès lors qu’elles répondent à des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elles sont propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles ne vont pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C‑94/04 et C‑202/04, EU:C:2006:758, point 61, ainsi que du 11 décembre 2014, Commission/Espagne, C‑678/11, EU:C:2014:2434, point 42), étant entendu qu’une législation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre celui-ci d’une manière cohérente et systématique (voir arrêt du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher, C‑367/12, EU:C:2014:68, point 39 et jurisprudence citée).

32      Afin de justifier la restriction à la libre prestation de services résultant du refus de délivrance du boîtier RPVA aux avocats non inscrits auprès d’un barreau français, le CNB et le gouvernement français invoquent le principe de bonne administration de la justice. Selon le gouvernement français, une telle restriction est également justifiée par la protection du destinataire final des services juridiques.

33      En effet, en France, chaque avocat disposerait d’un certificat électronique qui lui serait propre et qui lui permettrait d’attester sa qualité d’avocat inscrit à un barreau français et autorisé à exercer sa profession. Le certificat électronique de chaque avocat serait relié à l’annuaire national des avocats, qui serait automatiquement mis à jour au moyen d’une synchronisation quotidienne avec les annuaires des avocats de l’ensemble des barreaux français. Ainsi, le certificat électronique de chaque avocat serait valide tant que l’avocat est inscrit dans l’annuaire national des avocats. En revanche, dès qu’un avocat n’est plus inscrit dans cet annuaire, par exemple parce qu’il a été radié du barreau dont il dépendait, son certificat électronique deviendrait caduc.

34      À cet égard, il convient de relever que, d’une part, la protection des consommateurs, notamment des destinataires des services juridiques fournis par des auxiliaires de justice, et, d’autre part, la bonne administration de la justice sont des objectifs figurant au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C‑94/04 et C‑202/04, EU:C:2006:758, point 64).

35      Or, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, la protection du justiciable en tant que consommateur final des services juridiques et la bonne administration de la justice sont liées, notamment, à des exigences de contrôle du prestataire de service.

36      Ainsi, le système d’identification sur lequel repose le RPVA et qui vise à assurer que seuls les avocats qui remplissent les conditions nécessaires pour exercer leur activité peuvent se connecter au RPVA apparaît, en tant que tel, comme étant propre à garantir la réalisation des objectifs de protection tant des destinataires des services juridiques que de la bonne administration de la justice.

37      S’agissant du caractère proportionné du refus de délivrance d’un boîtier RPVA aux avocats établis dans un autre État membre, le gouvernement français fait observer que ce refus s’explique par le fait que, en l’état actuel des dispositifs de dématérialisation des procédures judiciaires, il n’existe pas d’interopérabilité entre les annuaires des avocats qui pourraient exister dans les différents États membres. Il s’ensuivrait que, lors d’une connexion au RPVA, le système d’identification ne pourrait vérifier la validité du certificat électronique que pour les avocats inscrits à un barreau français.

38      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier s’il est, en l’occurrence, possible de faire en sorte que les avocats établis dans un autre État membre disposent, le cas échéant moyennant certains aménagements, d’un boîtier RPVA dans des conditions où la protection du justiciable en tant que consommateur final des services juridiques et la bonne administration de la justice sont assurées de manière équivalente à celles qui sont assurées lorsqu’il s’agit d’avocats inscrits à un barreau français. Si tel est le cas, la restriction à la libre prestation de services en cause au principal n’est pas justifiée.

39      Par ailleurs, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour, dans les procédures où la représentation par un avocat n’est pas obligatoire et qui sont en cause dans l’affaire au principal, la communication des actes de procédure par la voie électronique avec la juridiction saisie du litige est facultative. Ainsi, tous les avocats, y compris ceux établis dans un autre État membre, peuvent communiquer leurs actes de procédure à ladite juridiction par dépôt au greffe ou par voie postale, tandis que seuls les avocats du ressort de la juridiction concernée avaient la possibilité, le cas échéant, de recourir à la communication électronique.

40      Or, s’il s’avérait que la vérification de la qualité d’avocat n’est pas exigée de façon systématique et constante en cas de communication par dépôt au greffe ou par voie postale, de sorte à garantir un contrôle de l’opérateur de type équivalent à celui assuré par la mise en place du système du RPVA, le refus de délivrance du boîtier RPVA aux avocats établis dans un État membre autre que la République française ne saurait être regardé comme cohérent par rapport aux objectifs de protection des destinataires des services juridiques et de bonne administration de la justice.

41      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière dudit critère d’équivalence, si la restriction à la libre prestation de services en cause au principal est cohérente par rapport auxdits objectifs. Si tel n’est pas le cas, la restriction à la libre prestation de services en cause au principal n’est pas justifiée.

42      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que le refus de délivrance d’un boîtier RPVA, émis par les autorités compétentes d’un État membre à l’encontre d’un avocat dûment inscrit à un barreau d’un autre État membre, au seul motif que cet avocat n’est pas inscrit à un barreau du premier État membre dans lequel il souhaite exercer sa profession en qualité de libre prestataire de services dans les cas où l’obligation d’agir de concert avec un autre avocat n’est pas imposée par la loi, constitue une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 4 de la directive 77/249, lu à la lumière de l’article 56 et de l’article 57, troisième alinéa, TFUE. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si un tel refus, au regard du contexte dans lequel il est opposé, répond véritablement aux objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice susceptibles de le justifier et si les restrictions qui s’ensuivent n’apparaissent pas disproportionnées par rapport à ces objectifs.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

Le refus de délivrance d’un boîtier de raccordement au réseau privé virtuel des avocats, émis par les autorités compétentes à l’encontre d’un avocat dûment inscrit à un barreau d’un autre État membre, au seul motif que cet avocat n’est pas inscrit à un barreau du premier État membre dans lequel il souhaite exercer sa profession en qualité de libre prestataire de services dans les cas où l’obligation d’agir de concert avec un autre avocat n’est pas imposée par la loi, constitue une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 4 de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, lu à la lumière de l’article 56 et de l’article 57, troisième alinéa, TFUE. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si un tel refus, au regard du contexte dans lequel il est opposé, répond véritablement aux objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice susceptibles de le justifier et si les restrictions qui s’ensuivent n’apparaissent pas disproportionnées par rapport à ces objectifs.



Bay Larsen

Vilaras

Malenovský

Safjan

 

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2017.

Le greffier

Le président de la IIIe chambre

A. Calot Escobar      L. Bay Larsen


1      Langue de procédure : le français.