Language of document : ECLI:EU:F:2013:151

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

17 octobre 2013 (*)

« Fonction publique – Procédure visant à pourvoir un poste de directeur – Rapport du comité de présélection – Motivation – Absence – Illégalité de la décision de nomination – Conditions »

Dans l’affaire F‑69/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

BF, agent temporaire de la Cour des comptes de l’Union européenne, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Me L. Levi, avocat,

partie requérante,

contre

Cour des comptes de l’Union européenne, représentée par M. T. Kennedy et Mme J. Vermer, en qualité d’agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, E. Perillo (rapporteur) et R. Barents, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 20 juillet 2011, BF, partie requérante, a introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision de la Cour des comptes de l’Union européenne, du 18 novembre 2010, de nommer Mme Z au poste de directeur des ressources humaines et de la décision de la Cour des comptes, du même jour, de rejeter sa candidature à cet emploi, ainsi qu’à la réparation du préjudice matériel et moral subi.

 Faits à l’origine du litige

2        Par avis de recrutement no CC/AD/19/10 publié au Journal officiel de l’Union européenne le 28 juillet 2010 (JO C 204 A, p. 1, ci-après l’« avis de recrutement »), la Cour des comptes a ouvert la procédure visant à pourvoir un poste de directeur, du groupe de fonctions des administrateurs (AD), de grade AD 15, au sein du secrétariat général, en l’occurrence celui de directeur des ressources humaines (ci-après le « poste litigieux »). L’avis de recrutement précisait que, « [e]n vue d’aider la Cour [des comptes] dans son choix, un comité de présélection […] évaluera[it] les candidatures » sur la base des différents critères prévus dans l’avis et que le comité de présélection « procèdera[it] à l’évaluation en deux temps ». Dans un premier temps, tous les candidats seraient évalués sur la base de leur dossier de candidature et d’une étude de cas. Dans un second temps, les candidats retenus à l’issue de la première phase de l’évaluation seraient invités à un entretien et à présenter l’étude de cas.

3        Par note du 13 août 2010, la partie requérante, qui exerçait en qualité d’agent temporaire de grade AD 13 les fonctions de chef de cabinet d’un des membres de la Cour des comptes, a soumis sa candidature au poste litigieux.

4        Par note du 20 octobre 2010 adressée aux membres de la Cour des comptes, le président de la Cour des comptes, en sa qualité de président du comité de présélection, a informé ceux-ci qu’à l’issue de la procédure d’évaluation des candidats, le comité de présélection avait estimé, à l’unanimité, que les candidats les plus qualifiés étaient, par ordre alphabétique, la partie requérante et Mme Z.

5        Dans sa note du 20 octobre 2010, le président de la Cour des comptes et président du comité de présélection indiquait que « les membres du comité de présélection se [tenaient] à la disposition [des membres de la Cour des comptes] pour leur fournir toute information supplémentaire dont [ils] pourr[aient] avoir besoin ». À cette note étaient notamment annexés les dossiers de candidature de la partie requérante et de Mme Z.

6        Au début du mois de novembre 2010, avant que la Cour des comptes ne procède à la nomination au poste litigieux, une lettre anonyme a circulé au sein de l’institution. Par son contenu, cette lettre visait à discréditer la candidature de la partie requérante et à favoriser celle de Mme Z.

7        Par courriel du 16 novembre 2010, adressé à l’un des membres de la Cour des comptes et en copie à l’ensemble des membres, le président de la Cour des comptes a précisé avoir demandé au secrétaire général de l’institution, en prévision du vote des membres de la Cour des comptes sur la nomination du directeur des ressources humaines qui devait intervenir le 18 novembre suivant, de mettre les dossiers des candidats retenus à l’issue de la première phase de l’évaluation dans son bureau à la disposition des membres et que des copies en seraient fournies sur demande.

8        Lors de sa réunion du 18 novembre 2010, après avoir, aux termes du procès-verbal de cette réunion, « examiné les candidatures et le rapport d’évaluation du comité de présélection » et après avoir entendu une brève présentation orale par le président de la Cour des comptes en tant que président du comité de présélection concernant les mérites respectifs des deux candidats retenus par ledit comité, le collège des membres de la Cour des comptes, statuant en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a décidé, par un vote à scrutin secret, de nommer Mme Z au poste litigieux, cette nomination prenant effet le 1er janvier 2011.

9        Par lettre du 19 novembre 2010, le membre de la Cour des comptes auprès duquel la partie requérante exerçait ses fonctions a demandé au président de la Cour des comptes l’ouverture d’une enquête administrative afin d’identifier les auteurs de la lettre anonyme qui avait circulé dans l’institution avant la nomination de Mme Z et a dénoncé une rupture d’égalité entre les deux candidats retenus par le comité de présélection.

10      Le 6 décembre 2010, la partie requérante a présenté une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), estimant que la procédure de nomination au poste litigieux était entachée d’illégalité et que les termes de la lettre anonyme qui avait circulé au sein de l’institution étaient diffamatoires à son égard.

11      Il ressort du procès-verbal de la réunion de la Cour des comptes du 9 décembre 2010 que celle-ci a déploré la diffusion d’une telle lettre anonyme – considérant que ce type de comportement était inacceptable – et constaté que cette lettre « n’[était pas] susceptible d’infirmer l’appréciation extrêmement positive des qualités [de la partie requérante] réalisée par le comité de présélection ». La Cour des comptes a également estimé, à la majorité de ses membres, que cette lettre ne pouvait pas remettre en cause la validité de la procédure de nomination du directeur des ressources humaines. Enfin, la Cour des comptes a considéré qu’il n’y a avait pas lieu d’ouvrir une enquête formelle, comme demandé par le membre de la Cour des comptes auprès duquel la partie requérante exerçait ses fonctions.

12      Par note du 9 février 2011 (ci-après la « décision de rejet de la demande d’assistance »), le président de la Cour des comptes a rejeté la demande d’assistance de la partie requérante en indiquant qu’il n’était « pas nécessaire de procéder à des mesures d’instruction complémentaires ou d’ouvrir une enquête en vue d’établir les faits », ceux-ci étant limités à la diffusion au sein de l’institution de la lettre anonyme susmentionnée et étant donc « établis ». Il est également précisé dans cette note que l’adoption par la Cour des comptes du procès-verbal de la réunion du 9 décembre 2010 constituait les « premières mesures nécessaires pour rétablir l’honneur [de la partie requérante], pour autant que celui-ci [avait] pu être atteint » et que « les faits […] ne constitu[aient] pas une diffamation à l’encontre [de cette dernière] telle que justifiant l’assistance de l’institution [allant] au-delà de sa prise de position claire du 9 décembre 2010 ».

13      La partie requérante n’a pas introduit de réclamation contre la décision de rejet de sa demande d’assistance.

14      En revanche, le 17 février 2011, la partie requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision de nommer Mme Z au poste litigieux et de la décision de rejeter sa candidature. La partie requérante a également demandé la réparation du préjudice matériel, l’octroi d’un euro symbolique à titre de réparation du préjudice moral et la communication des « rapports d’évaluation » et du nombre de points – pour chaque épreuve et au total – que le comité de présélection lui avait attribués ainsi qu’à Mme Z.

15      Par lettre du 10 juin 2011, la Cour des comptes a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») et communiqué à la partie requérante, d’une part, la fiche d’évaluation établie par le comité de présélection à son sujet comportant les nombres de points qu’elle avait obtenus aux différents critères d’évaluation et, d’autre part, la note globale qu’elle avait obtenue au stade de l’évaluation de son dossier de candidature et la note globale finalement attribuée après les entretiens. En revanche, la Cour des comptes n’a pas communiqué à la partie requérante la fiche d’évaluation ni le nombre de points de Mme Z, en précisant qu’il s’agissait de données à caractère personnel.

16      Mme Z, qui avait été nommée au poste litigieux à compter du 1er janvier 2011, a démissionné de ce poste le 10 juin 2011, sa démission prenant effet le 30 septembre 2011.

17      À la suite de la démission de Mme Z, l’avocat de la partie requérante a écrit au président de la Cour des comptes, le 29 juin 2011, afin, notamment, de signaler que, selon lui, les membres de la Cour des comptes n’avaient pas disposé, lors de la réunion du 18 novembre 2010, de l’information selon laquelle, à l’issue de la procédure de présélection devant le comité de présélection, la partie requérante avait obtenu un nombre de points supérieur à celui de Mme Z.

18      Par lettre du 30 juin 2011, le président de la Cour des comptes a répondu à l’avocat de la partie requérante que le dossier complet du comité de présélection avait été mis à la disposition des membres de la Cour des comptes avant la réunion du 18 novembre 2010. Dans cette lettre, le président de la Cour des comptes ne précise pas si avant ou au cours de la réunion du 18 novembre 2010 les membres de la Cour des comptes, en tant qu’AIPN, avaient effectivement reçu l’information selon laquelle la partie requérante avait obtenu plus de points que Mme Z.

 Procédure et conclusions des parties

19      En annexes A 7 et A 11 de la requête, la partie requérante a produit deux procès-verbaux de réunions de la Cour des comptes.

20      La Cour des comptes a fait parvenir au greffe du Tribunal son mémoire en défense le 7 octobre 2011, dans lequel elle a soulevé un incident de procédure, demandant au Tribunal que les annexes A 7 et A 11 soient retirées du dossier au motif de leur confidentialité.

21      Par lettre adressée par télécopie le 27 octobre 2011, la partie requérante a demandé à être autorisée à déposer une réplique et a également demandé l’organisation d’une tentative de règlement amiable du litige compte tenu de l’ouverture par la Cour des comptes d’une nouvelle procédure de recrutement en vue de pourvoir le poste litigieux, vacant depuis 1er octobre 2011 par l’effet de la démission de Mme Z. Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 6 décembre 2011, la procédure a été suspendue jusqu’à la fin de la tentative de règlement amiable. La tentative de règlement amiable ayant échoué, la procédure a repris.

22      La réplique a été déposée le 28 février 2012. La partie requérante y fait valoir ses observations quant à l’incident de procédure soulevé par la Cour des Comptes dans le mémoire en défense.

23      La duplique a été déposée le 18 avril 2012.

24      Par décision du Tribunal, communiquée aux parties par lettre du greffe du 31 mai 2012, la version confidentielle des annexes A 7 et A 11 de la requête a été retirée du dossier.

25      Le 8 juin 2012, la Cour des comptes a déposé, à la demande du Tribunal, une version non confidentielle des annexes A 7 et A 11 de la requête, lesquelles ont été communiquées à la partie requérante et intégrées au dossier.

26      Une seconde tentative de règlement amiable ayant échoué, l’audience a eu lieu le 15 novembre 2012.

27      La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions de la Cour des comptes de nommer Mme Z au poste litigieux et de ne pas la nommer à cet emploi ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Cour des comptes à réparer le préjudice matériel qu’elle estime avoir subi ;

–        condamner la Cour des comptes à réparer le préjudice moral qu’elle estime avoir subi ;

–        condamner la Cour des comptes aux dépens.

28      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        écarter des débats les annexes A 7 et A 11 de la requête ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions tendant à ce que les annexes A 7 et A 11 de la requête soient écartées des débats

29      Les annexes A 7 et A 11 de la requête, qui contenaient des procès-verbaux confidentiels de réunions de la Cour des comptes, ont été retirées du dossier par décision du Tribunal communiquée aux parties par lettre du greffe du 31 mai 2012.

30      Ces documents étant pertinents pour la solution du litige, à la demande du Tribunal, la Cour des comptes en a produit des versions non confidentielles, lesquelles ont été communiquées à la partie requérante et intégrées au dossier.

31      Il découle de ce qui précède que la demande de retrait du dossier des annexes A 7 et A 11 de la requête, dans leur version confidentielle, a été accueillie et qu’il n’y a, dès lors, plus lieu de statuer sur ce chef de conclusions dans le cadre du présent arrêt.

 Sur l’objet du recours

32      Il est constant que la décision de rejet de la réclamation maintient, dans son intégralité, la décision de nommer Mme Z au poste litigieux et la décision de ne pas nommer la partie requérante à ce poste (ci-après les « décisions attaquées »), en précisant les motifs venant au soutien de ces décisions. Les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation étant dépourvues de contenu autonome, le présent recours doit être regardé comme dirigé contre les décisions attaquées dont la motivation est précisée par la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Eveillard/Commission, T‑258/01, points 31 et 32).

 Sur les conclusions en annulation

33      À l’appui de ses conclusions en annulation, la partie requérante soulève quatre moyens :

–        le premier, tiré de la violation des articles 27 et 29, paragraphe 2, du statut, de l’erreur manifeste d’appréciation, de la violation de l’intérêt du service, de la violation de la décision de la Cour des comptes no 45‑2010, du 17 juin 2010, concernant les procédures de sélection des chefs d’unité et des directeurs, du règlement intérieur de la Cour des comptes et de la décision no 26‑2010 portant modalités d’application du règlement intérieur de la Cour des comptes ;

–        le deuxième, tiré de la violation de l’obligation de motivation ;

–        le troisième, tiré du non-respect de la procédure, de l’atteinte à l’objectivité et de la violation du principe de non-discrimination ;

–        le quatrième, tiré de la violation du devoir de sollicitude.

34      Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner, en premier lieu, le premier moyen pris en sa quatrième branche tirée, en substance, de l’irrégularité de la procédure de recrutement suivie en l’espèce, d’une part, en ce que le comité de présélection, en violation de l’article 6 de la décision no 45‑2010, n’aurait pas présenté à la Cour des comptes un « rapport motivé » et, d’autre part, en ce que l’AIPN n’aurait pas disposé de l’ensemble des éléments nécessaires à l’adoption des décisions attaquées.

35      L’article 6 de la décision no 45‑2010, intitulé « Rapport du comité [de présélection] », est ainsi libellé :

« 1.      Une fois son évaluation terminée, le comité [de présélection] présente à la Cour [des comptes] un rapport motivé où figure :

a)      soit le nom du candidat considéré comme étant le plus qualifié pour chacun des emplois en cause ;

b)      soit une liste des candidats les plus qualifiés pour chacun des emplois en cause, classés par ordre alphabétique.

Le rapport doit également indiquer si l’avis du comité [de présélection] a été émis à l’unanimité.

2.      Le rapport est présenté à la Cour [des comptes] par le président du comité [de présélection]. »

–       Arguments des parties

36      La partie requérante fait valoir que la note du 20 octobre 2010, qui contient un résumé sommaire des travaux du comité de présélection, ne présente pas les caractéristiques d’un rapport motivé, au sens de l’article 6 de la décision no 45‑2010, et que les fiches d’évaluation établies par le comité de présélection pour la partie requérante et pour Mme Z, comportant notamment les notes qui leur ont été attribuées, n’ont pas été communiquées à l’AIPN.

37      La partie requérante soutient également que l’établissement de telles fiches d’évaluation et le fait qu’elle avait obtenu plus de points que Mme Z n’auraient pas non plus été portés à la connaissance de l’AIPN avant l’adoption des décisions attaquées. Dès lors, la mise à disposition des membres de la Cour des comptes de l’ensemble des dossiers des candidats, à la supposer avérée, ne remplissait pas les conditions d’une information régulière et fidèle de l’AIPN sur l’ensemble des éléments nécessaires et pertinents ayant mené à l’adoption de la note du 20 octobre 2010.

38      La Cour des comptes considère, en revanche, que l’AIPN a scrupuleusement respecté toutes les réglementations pertinentes et que la note du 20 octobre 2010 décrit avec précision le déroulement des travaux de présélection et les critères d’évaluation et constitue, avec ses annexes, le rapport motivé visé par l’article 6 de la décision no 45‑2010. Par ailleurs, cette disposition n’imposerait pas la communication de l’ensemble des travaux du comité de présélection. Les notes et les évaluations de chacun des candidats étaient en tout cas disponibles auprès du secrétaire général de la Cour des comptes et les membres du comité de présélection étaient aussi à la disposition des membres de la Cour des comptes pour leur fournir toute information complémentaire. Par conséquent, ces derniers disposaient de l’ensemble des informations nécessaires pour adopter leur décision sur le pourvoi du poste litigieux.

39      Aussi, la Cour des comptes estime qu’en tout état de cause, même si le Tribunal devait conclure que le rapport du comité de présélection n’était pas régulièrement motivé, une telle irrégularité ne serait pas de nature à vicier la procédure de façon à faire grief à la partie requérante, puisque son nom figurait en définitive sur la liste des candidats les plus qualifiés, et ne pourrait par conséquent pas entraîner l’annulation des décisions attaquées.

–       Appréciation du Tribunal

40      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN dans la comparaison des mérites des personnes qui se sont portées candidates à des postes vacants, en particulier lorsque le poste à pourvoir correspond aux grades les plus élevés de l’administration, doit s’exercer dans le respect de toutes les réglementations pertinentes, c’est-à-dire non seulement de l’avis de recrutement, mais également d’éventuelles règles de conduite dont l’autorité se serait dotée pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation, telles que des directives internes en matière de recrutement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, point 35, et la jurisprudence citée). De telles règles internes font ainsi partie du cadre légal dont l’AIPN, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, ne saurait s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (arrêts du Tribunal du 22 octobre 2008, Tzirani/Commission, F‑46/07, point 67, et du 30 janvier 2013, Wahlström/Frontex, F‑87/11, point 56, et la jurisprudence citée).

41      Dans ce contexte, le contrôle du Tribunal sur l’exercice des larges prérogatives dont peut se prévaloir l’AIPN compétente se limite, par conséquent, à vérifier principalement si cette dernière s’est tenue dans des limites non critiquables, au terme d’une procédure exempte d’irrégularités et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats de manière manifestement erronée ou à des fins autres que celles pour lesquelles il lui a été conféré (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, point 81, et la jurisprudence citée).

42      Ce cadre légal et la jurisprudence y afférent ayant été rappelés, il convient, en premier lieu, de relever que, dans le cas d’espèce, la Cour des comptes s’est effectivement dotée d’un ensemble de règles internes concernant spécifiquement la sélection de ses chefs d’unités et directeurs, à savoir la décision no 45‑2010. La Cour des comptes était donc tenue de respecter en tout point les dispositions de cet acte lors du recrutement au poste litigieux afin d’assurer notamment le respect des principes de l’égalité de traitement et de la sécurité juridique. Or, la décision no 45‑2010 institue, en son article 1er, un comité de présélection, chargé, aux termes de son article 6, paragraphe 1, d’évaluer les candidats et de présenter à la Cour des comptes un rapport motivé. Ainsi, c’est à juste titre que l’avis de recrutement mentionnait, à l’attention des candidats, que le comité de présélection avait précisément pour finalité « d’aider la Cour [des comptes] dans son choix ».

43      Par rapport à ces règles administratives internes, il y a lieu, dès lors, de vérifier, d’une part, si le rapport que le comité de présélection a présenté à la Cour des comptes était motivé conformément à l’article 6 de la décision no 45‑2010 et, d’autre part, si l’AIPN a disposé de l’ensemble des informations nécessaires pour adopter les décisions attaquées conformément à l’article 7 de la décision no 45‑2010, aux termes duquel « [a]près avoir examiné le rapport du comité [de présélection], la Cour [des comptes] adopte une décision relative à la nomination d’un candidat ».

44      S’agissant, en premier lieu, du grief concernant la motivation du rapport que le comité de présélection doit présenter à l’AIPN, il convient de souligner que, sauf à priver de sens et de portée l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 45‑2010, la motivation exigée par cette disposition ne peut pas consister uniquement en l’indication du nom du ou des candidats retenus par le comité de présélection et d’une mention quant à l’adoption à l’unanimité ou non de l’avis du comité de présélection, ou encore en un rappel de la procédure et des critères d’évaluation suivis (voir, par analogie, à ce dernier égard, arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, points 46 et 48 à 50 ; arrêt du Tribunal de première instance du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, points 31 et 32). Au contraire, pour être « motivé » au sens de l’article 6 de la décision no 45‑2010, le rapport que le comité de présélection doit présenter à la Cour des comptes doit contenir, en raison de la finalité de cet article telle qu’elle ressort de l’ensemble de la procédure établie par la décision no 45‑2010, tous les éléments d’évaluation nécessaires permettant à l’AIPN d’exercer correctement, à l’issue de la procédure de présélection, ses larges prérogatives en matière de nomination, dans le strict respect des règles et conditions qu’elle s’est elle-même volontairement fixée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 18 septembre 2003, Pappas/Comité des régions, T‑73/01, point 60). Un rapport ainsi motivé doit, in fine, permettre à l’AIPN de comprendre l’évaluation, effectuée par le comité de présélection, des candidats retenus et de procéder ensuite elle-même, à l’issue d’un examen comparatif, au choix du candidat le plus approprié à l’exercice des fonctions faisant l’objet de l’avis de recrutement.

45      La partie défenderesse a, d’ailleurs, elle-même indiqué dans ses écritures que la Cour des comptes avait créé un comité de présélection en son sein « afin de disposer, en vue du recrutement du nouveau [d]irecteur des ressources humaines, d’un rapport sur les capacités et les aptitudes des différents candidats au regard des qualifications requises et afin [de lui] assurer […] une meilleure base pour procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats ».

46      Or, le rapport du comité de présélection du 20 octobre 2010 que le président dudit comité a adressé à l’AIPN rappelle, en premier lieu et dans cet ordre, la composition du comité de présélection, le nombre de candidats ayant soumis leur candidature, le mode d’évaluation, ainsi que le déroulement de la procédure d’évaluation. Ensuite, il mentionne que, « en application de l’article 29, paragraphes 1 et 2, du statut, le comité de présélection a estimé, à l’unanimité, au terme de son évaluation, que les candidats les plus qualifiés étaient, par ordre alphabétique, [la partie requérante] et Mme [Z] », en renvoyant, à cet égard, à leurs curriculum vitæ et à leurs lettres de motivation en annexe. Le rapport se termine par l’indication que « les membres du comité [de présélection] se tiennent à la disposition [des membres de la Cour des comptes] pour leur fournir toute information supplémentaire ». Figuraient en annexe à ce rapport, l’avis de recrutement, la liste de l’ensemble des candidats ayant déposé une candidature ainsi que les dossiers de candidature de la partie requérante et de Mme Z.

47      Force est donc de constater que ni la note du 20 octobre 2010 ni les documents figurant en annexe de cette note ne donnent la moindre information quant aux mérites respectifs des deux candidats retenus par le comité de présélection au regard des critères prévus par l’avis de recrutement, tels qu’évalués par ledit comité. Un rapport ainsi présenté ne saurait dès lors être qualifié, pour reprendre les termes de la Cour des comptes, de « meilleure base » afin de lui permettre de « procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats ».

48      Dans le mémoire en défense, la Cour des comptes affirme, en revanche, que « [s]’agissant […] de la motivation du rapport [du comité de présélection], il suffit de noter que ce dernier décrit avec précision le déroulement de la procédure de présélection des candidats ainsi que les critères qui ont été pris en compte lors de l’évaluation et [qui ont] ainsi permis de dégager deux candidats. Le rapport motivé était donc en tout point conforme à l’article 6 de la décision no 45‑2010. »

49      Or, s’il est incontestable que le rapport du comité de présélection du 20 octobre 2010 présente bien une description de la procédure de présélection ainsi que la liste indiquant les noms des deux candidats les plus qualifiés, il est tout aussi constant qu’il ne contient, en revanche, aucune motivation quant aux éléments, tout au moins quant aux éléments essentiels, permettant à l’AIPN de savoir pourquoi ces deux candidats avaient été estimés les plus qualifiés, de comparer leurs mérites et finalement de choisir, sur la base de cet examen, le candidat le plus apte pour le poste. Aussi, l’indication que les membres du comité de présélection « se [tenaient] à la disposition [des membres de la Cour des comptes] pour leur fournir toute information supplémentaire » ou celle figurant dans le courriel, du 16 novembre 2010, du président du comité de présélection adressé à un membre de l’institution et en copie à l’ensemble des membres de la Cour des comptes, selon laquelle « les notes et évaluations de chacun des candidats étaient disponibles auprès du secrétaire général » ne sont pas de nature à remplacer, ni même à compléter, la motivation du rapport du comité de présélection, en ce qui concerne notamment les éléments essentiels susmentionnés, lesquels, en application de l’article 6 de la décision no 45‑2010, ne pouvaient pas ne pas figurer dans le texte du rapport du comité de présélection. Par conséquent, la conclusion précitée de la Cour des comptes, selon laquelle « le rapport motivé était donc en tout point conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 45‑2010 », est dépourvue de tout fondement.

50      Ensuite, quant à la présentation des mérites des deux candidats retenus par le comité de présélection effectuée oralement, le 18 novembre 2010, par le président de la Cour des comptes en tant que président du comité de présélection, il y a lieu de constater que, si une telle présentation pouvait, tout au plus, correspondre aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de la décision no 45‑2010, selon lesquels « le rapport [du comité de présélection] est présenté à la Cour [des comptes] par le président du comité [de présélection] », elle ne pouvait pas, en revanche, satisfaire l’exigence du rapport motivé au sens dudit article 6, paragraphe 1. En effet, comme cela a été constaté aux points 44 et 45 du présent arrêt, la motivation du rapport du comité de présélection devait assurer à l’AIPN une « meilleure base » pour procéder d’abord à l’examen comparatif des mérites des candidats retenus par ledit comité et ensuite, à l’issue de cet examen comparatif, au choix du candidat qu’elle considérait le plus apte.

51      À cet égard, dans son mémoire en défense, la Cour des comptes affirme que « le choix d’un candidat, notamment pour un poste d’encadrement supérieur, ne saurait en effet se limiter à un simple exercice mathématique. D’autres éléments […] ont également pu être pris en compte par les [m]embres de la Cour [des comptes] lors de leur prise de décision […] qui […] s’effectuait à scrutin secret ». À titre d’exemple, la Cour des comptes invoque le fait que « le [p]résident de la Cour [des comptes] a indiqué, lors de la présentation [orale] des candidatures […] du 18 novembre 2010, que Mme [Z] disposait ‘d’excellentes capacités managériales’ », et que, « [s]’agissant [de la partie requérante], l’appréciation était moins élogieuse, […] ce[tte] derni[ère] ne disposa[n]t que de ‘solides capacités administratives et managériales’ ». Et pour conclure, qu’« [i]l est loisible de penser que ce dernier critère – déterminant pour [le pourvoi d’un poste de d]irecteur des ressources humaines – ait pu influencer le choix des [m]embres de la Cour [des comptes]. »

52      Cependant, s’il apparaît en effet « loisible », comme le suggère la Cour des comptes, de penser que les indications données par le président du comité de présélection lors de sa présentation orale ont pu influencer le choix des membres de la Cour des comptes, toujours est-il que, même sur la base de ces indications orales très succinctes, de telles informations ne pouvaient en aucun cas remplacer, également vis-à-vis des membres qui, le cas échéant, n’auraient pas pu participer à la réunion du 18 novembre 2010, un rapport écrit faisant état d’un minimum d’éléments factuels permettant, avec toute l’objectivité nécessaire, de discerner et de décider lequel des deux candidats proposés par le comité de présélection choisir en tant que directeur des ressources humaines de l’institution. Une telle présentation orale ne saurait, par conséquent, remplacer une motivation totalement absente du rapport du comité de présélection du 20 octobre 2010 et de ses annexes.

53      Il découle de ce qui précède qu’en l’absence de la motivation exigée par l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 45‑2010, en ce qui concerne le rapport du comité de présélection, la procédure de recrutement en cause est irrégulière.

54      Dans ses écritures, la Cour des comptes souligne toutefois que « si par impossible [le] Tribunal venait à estimer que le rapport n’était pas dûment motivé, il y aurait lieu de considérer [conformément à une jurisprudence constante en la matière] que cette éventuelle irrégularité ne saurait être de nature à entraîner l’annulation des décisions attaquées vu que le nom [de la partie requérante] figurait sur la liste des candidats ». La Cour des comptes estime en effet que « dès lors que l[a partie requérante] a été retenu[e] par le comité de présélection sur la liste restreinte transmise à la Cour[des comptes], l’absence alléguée de motivation quant à la comparaison des mérites des candidats inscrits sur la liste avec ceux n’y figurant pas ne pouvait, fût-elle avérée, porter grief [à la partie requérante] et, partant, ne saurait entraîner l’annulation des décisions attaquées dans le cadre du présent recours ».

55      Une telle ligne de défense, cependant, ne peut pas être acceptée. En effet, il échet, en premier lieu, de constater que l’arrêt Pappas/Comité des régions, précité, auquel se réfère la Cour des comptes, n’affirme pas que l’absence de motivation d’un rapport d’un organisme consultatif dans le cadre d’une procédure de recrutement qui doit, en vertu des règles applicables, être « motivé » ne pourrait pas entraîner, dans des circonstances comme celles de l’espèce, l’annulation d’une décision de nomination adoptée sur la base d’un tel rapport. Au contraire, cet arrêt précise que, dans l’objectif de faciliter l’examen et la prise de décision de l’AIPN, l’obligation de motivation de la liste restreinte des candidats établie par l’organe de présélection s’applique également à l’examen comparatif des mérites respectifs des candidats et, partant, que la liste restreinte doit contenir les indications utiles permettant de comprendre l’évaluation de ces candidats effectuée par ledit organe de présélection et donc être assortie d’une motivation à cet effet (voir arrêt Pappas/Comité des régions, précité, points 68 et 69).

56      Certes, l’absence de comparaison entre les mérites des candidats qui n’ont pas été retenus par le comité de présélection et les mérites de la partie requérante n’est pas en soi de nature à faire grief à cette dernière. Il en va autrement pour l’absence de présentation à l’AIPN des mérites respectifs des deux seuls candidats finalement retenus, dont l’un est la partie requérante. Une telle absence est, en revanche, de nature à faire grief à cette dernière, précisément en raison du fait que le comité de présélection a ainsi omis d’assortir la liste d’une motivation permettant de comprendre l’appréciation comparative des mérites des candidats retenus au regard de chacun des critères prévus par l’avis de recrutement (arrêt Pappas/Comité des régions, précité, point 69). La ligne de défense de la Cour des comptes doit donc être rejetée.

57      S’agissant, en second lieu, du grief tiré de l’absence de communication à l’AIPN de l’ensemble des informations nécessaires à l’adoption des décisions attaquées, il convient tout d’abord de rappeler que le comité de présélection avait effectivement établi des fiches comportant une évaluation des mérites de chaque candidat ainsi que les notes attribuées aux différents critères d’évaluation. Cependant, dans le cadre de sa défense, la Cour des comptes n’est pas parvenue à prouver que de telles fiches d’évaluation ont été effectivement transmises à l’AIPN avant l’adoption des décisions attaquées. Il n’a pas non plus été établi que l’AIPN aurait été informée de l’existence desdites fiches d’évaluation avant l’adoption des décisions attaquées. En effet, le courriel du 16 novembre 2010, adressé en copie à l’ensemble des membres de la Cour des comptes, dans lequel le président du comité de présélection, en sa qualité de président de la Cour, indiquait qu’il avait demandé au secrétaire général de l’institution de tenir à la disposition des membres, dans son bureau, les « dossiers des candidats », courriel dont se prévaut la Cour des comptes, ne visait que les « dossiers des candidats » sans aucune autre précision. Quant à la présentation orale effectuée devant les membres de la Cour des comptes par le président du comité de présélection le 18 novembre 2010, un tel exposé succinct (voir point 53 du présent arrêt) ne saurait être aussi précis ou complet que les fiches d’évaluation et, en tout état de cause, ne faisait aucunement référence à l’existence de fiches d’évaluation ou au fait que des notes avaient été attribuées aux candidats.

58      Il découle de tout ce qui précède que l’AIPN n’a pas été mise en mesure de connaître et d’apprécier elle-même les éléments d’évaluation des deux candidats retenus par le comité de présélection, en ce inclus les notes que le comité de présélection leur avait attribuées, figurant dans les fiches d’évaluation qui ont mené à l’adoption du rapport du comité de présélection du 20 octobre 2010 par lequel le comité de présélection a fait connaître son avis à l’AIPN. L’AIPN n’a donc pas disposé de tous les éléments nécessaires pour pouvoir se prononcer en pleine connaissance de cause (arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T‑78/92, point 15, et Tzirani/Commission, précité, point 66). Pour ce motif également, la procédure de nomination au poste litigieux est irrégulière en ce qu’elle ne respecte pas les conditions établies par la décision no 45‑2010, et en particulier son article 6, ainsi que par l’avis de recrutement.

59      Aussi, l’argument de la Cour des comptes, tiré de ce que le comité de présélection n’avait pas le droit de soumettre une liste de plusieurs candidats classés par ordre de mérite et ne pouvait que proposer soit un seul candidat, soit plusieurs candidats classés par ordre alphabétique, ne saurait infirmer cette conclusion.

60      Certes, en application de l’article 6 de la décision no 45‑2010, dont la légalité n’a pas été remise en cause dans la présente affaire, le comité de présélection devait présenter un rapport motivé où figurait soit le nom du meilleur candidat, soit la liste des candidats les plus qualifiés classés par ordre alphabétique et non par ordre de mérite. Il n’en reste pas moins que, comme précisé au point 59 du présent arrêt, l’indication, dans le cas d’espèce, des qualifications et des mérites de chacun des deux candidats retenus par le comité de présélection, accompagnée du nombre de points attribués à chacun au cours des différentes étapes de la procédure d’évaluation, faisait partie des éléments d’information dont l’AIPN devait pouvoir disposer pour adopter les décisions attaquées. Une telle indication n’aurait nullement remis en cause la présentation par ordre alphabétique des candidats proposés par le comité de présélection. En effet, l’obligation, pour le comité de présélection, de présenter les candidats retenus par ordre alphabétique ne saurait vider de sa portée l’obligation, pour le même comité, de donner les raisons justifiant la sélection desdits candidats, une telle motivation étant indispensable, comme indiqué aux points 50 à 59 du présent arrêt, pour permettre à l’AIPN, précisément, de procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats retenus par le comité de présélection et, à l’issue de cet examen, au choix du candidat le plus apte pour occuper le poste en cause. De surcroît, en l’espèce, rien n’empêchait le comité de présélection d’indiquer, dans son rapport à l’AIPN, le rôle desdites notations dans la procédure d’évaluation.

61      C’est, finalement, dans le contexte de ces irrégularités, tenant à l’absence de motivation du rapport du comité de présélection du 20 octobre 2010 et à l’absence d’information complète de l’AIPN, que peut aussi être relevée la circulation, non contestée par la Cour des comptes, de la lettre anonyme tendant à discréditer la partie requérante au sein de la Cour des comptes avant l’adoption des décisions attaquées, c’est-à-dire au moment où les membres de cette institution, appelés à choisir entre les deux candidats retenus par le comité de présélection, manquaient, précisément, des indications relatives aux qualifications et aux mérites respectifs de ces deux candidats, tels qu’évalués par le comité de présélection, et ignoraient notamment que celui-ci avait attribué à la partie requérante un nombre de points supérieur à celui du candidat retenu.

62      C’est par rapport à l’ensemble des considérations qui précédent qu’il convient, en dernier lieu, de relever qu’une irrégularité procédurale doit être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée s’il est établi qu’elle a pu influer sur le contenu de cette décision (arrêt Wahlström/Frontex, précité, point 58, et la jurisprudence citée). Or, tel est, par définition, le cas en l’espèce, dans la mesure où l’absence de motivation du rapport du comité de présélection, alors que le comité de présélection doit présenter à l’AIPN un « rapport motivé », constitue une irrégularité caractérisée de la procédure de recrutement (voir, en ce sens, arrêt Pappas/Comité des régions, précité, point 71). En outre, il y a lieu de rappeler, dans ce contexte, que la notation globale attribuée par le comité de présélection à la partie requérante était supérieure à celle du candidat retenu et qu’il ne saurait être exclu que l’absence d’information de l’AIPN quant à l’existence et, a fortiori, quant au rôle de ces notations ait pu avoir une incidence sur le contenu des décisions attaquées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T‑58/92, point 63). Autrement dit, il ne peut pas être exclu que si ce nombre de points, supérieur à celui recueilli par l’autre candidat, avait été porté en temps utile à la connaissance de l’AIPN la partie requérante aurait pu voir augmenter ses chances de nomination à l’abord de la phase de décision finale prise par l’AIPN (voir, en ce sens, arrêt Pappas/Comité des régions, précité, point 71).

63      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la quatrième branche du premier moyen et d’annuler les décisions attaquées, sans qu’il soit besoin de statuer, dans le cadre des présentes conclusions en annulation, sur les autres moyens invoqués par la partie requérante.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

64      La partie requérante soutient, en premier lieu, que l’annulation des décisions attaquées devrait « emporter [son] recrutement » au poste litigieux, étant donné qu’au moment où le comité de préselection a clôturé ses travaux, elle était en première position tant par ordre alphabétique que par ordre de mérite.

65      En deuxième lieu, au cas où la Cour des comptes n’agirait pas en ce sens pour exécuter l’arrêt d’annulation prononcé par le Tribunal, la partie requérante demande, d’une part, la réparation du préjudice matériel consistant dans la perte de l’ensemble des droits financiers liés aux décisions attaquées, à savoir les droits financiers directs, résultant de la différence entre son traitement actuel et celui de directeur, et les droits financiers dérivés, se rattachant à la sécurité sociale et à la pension en tant que fonctionnaire européen.

66      En troisième lieu, la partie requérante demande la réparation du préjudice moral subi en raison de la circulation de la lettre anonyme mettant en cause sa réputation personnelle au sein de la Cour des comptes. Après avoir demandé dans la requête la somme d’un euro symbolique, la partie requérante, dans la réplique, a évalué ledit préjudice moral à la somme de 10 000 euros.

67      La Cour des comptes soutient que si le Tribunal devait annuler les décisions attaquées, elle « resterait […] libre, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 266 TFUE, de faire un choix parmi les différentes mesures envisageables en vue de concilier les intérêts du service et la nécessité d’exécuter [l’]arrêt ». Elle ne serait donc pas tenue de recruter la partie requérante.

68      Par ailleurs, la Cour des comptes conclut au rejet de la demande de réparation du préjudice matériel. À titre subsidiaire, la Cour des comptes fait valoir que le préjudice matériel consisterait pour la partie requérante en la perte d’une chance d’être recrutée et que le montant de la réparation devrait être déterminé en suivant la méthode établie dans l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 6 juin 2006, Girardot/Commission (T‑10/02).

69      La demande de réparation du préjudice moral à hauteur de 10 000 euros serait, quant à elle, nouvelle, donc irrecevable, et, en toute hypothèse, dépourvue de tout fondement en droit.

 Appréciation du Tribunal

70      S’agissant, en premier lieu, de l’affirmation de la partie requérante selon laquelle l’annulation des décisions attaquées devrait « emporter son recrutement », il convient à toutes fins utiles de rappeler que, dans le cadre de l’exercice du contrôle de légalité que l’article 270 TFUE confie au juge de l’Union, il n’appartient pas à ce dernier d’adresser des injonctions aux institutions (arrêt du Tribunal du 5 juillet 2011, V/Parlement, F‑46/09, point 63, et la jurisprudence citée), telle que, par exemple, celle de recruter l’auteur du recours juridictionnel en tant que fonctionnaire. En revanche, conformément à l’article 266 TFUE, il incombe à l’institution dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt prononçant ladite annulation.

71      À titre surabondant, il convient de rappeler que, même en supposant que le comité de présélection ait effectivement placé la partie requérante en première position, aussi par ordre de mérite, l’avis de ce comité n’était pas juridiquement contraignant vis-à-vis de l’AIPN, laquelle bénéficiait d’un large pouvoir d’appréciation.

72      S’agissant, en second lieu, du préjudice matériel lié à la prétendue perte de chance d’être nommée au poste litigieux, il convient de relever que la partie requérante estime que ses chances auraient été « très élevée[s] puisque [ses] mérites […] étaient les meilleurs » et que, même après la démission de Mme Z, « la [Cour des comptes] a maintenu la nécessité du poste [litigieux] selon les mêmes exigences que celles ayant présidé à la procédure de recrutement », objet du présent recours.

73      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le degré de certitude du lien de causalité est atteint lorsque l’illégalité commise par une institution de l’Union a, de façon certaine, privé une personne non pas nécessairement d’un recrutement, dont l’intéressé ne pourra jamais prouver qu’il y avait droit, mais d’une chance sérieuse d’être recruté comme fonctionnaire ou agent, avec comme conséquence pour l’intéressé un préjudice matériel consistant en une perte de revenus (arrêt V/Parlement, précité, point 159).

74      Or, en l’état, le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier si la Cour des comptes a, de façon certaine, privé la partie requérante d’une chance sérieuse d’être recrutée, dès lors que la Cour des comptes doit encore adopter les mesures d’exécution du présent arrêt d’annulation, conformément à l’article 266 TFUE. En effet, il incombe en premier lieu à l’institution concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation et il n’appartient pas au Tribunal de se substituer à ladite institution pour déterminer les mesures que l’AIPN doit adopter le cas échéant (arrêt du Tribunal du 15 avril 2010, Angelidis/Parlement, F‑104/08, points 41 et 42, et la jurisprudence citée).

75      Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice matériel doivent être rejetées comme prématurées (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, point 72, et du 8 juin 2006, Pérez-Díaz/Commission, T‑156/03, points 75 à 77).

76      Il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, implique de replacer la partie requérante dans la situation juridique dans laquelle elle se trouvait antérieurement à cet acte (arrêt du Tribunal de première instance du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, point 57, et la jurisprudence citée).

77      L’article 266 TFUE impose également à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (arrêt du Tribunal de première instance du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, point 51, et la jurisprudence citée).

78      Enfin, lorsque l’exécution de l’arrêt d’annulation présente des difficultés particulières, l’institution concernée peut prendre toute décision qui soit de nature à compenser équitablement le désavantage résultant pour les intéressés de la décision annulée et peut, dans ce contexte, établir un dialogue avec eux en vue de chercher à parvenir à un accord leur offrant une compensation équitable de l’illégalité dont ils ont été les victimes (arrêt du Tribunal du 24 juin 2008, Andres e.a./BCE, F‑15/05, point 132, et la jurisprudence citée).

79      En ce qui concerne le préjudice moral, sans qu’il y ait lieu de prendre position sur la fin de non-recevoir soulevée par la Cour des comptes, il convient de rappeler que l’annulation de l’acte attaqué peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de ce préjudice, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2011, Bowles e.a./BCE, F‑114/10, point 81). Or, en l’espèce, à supposer la demande en réparation du préjudice moral recevable, il y a lieu de constater que la partie requérante n’avance aucun élément de nature à démontrer que le préjudice moral qu’elle aurait subi ne pourrait pas être intégralement réparé par l’annulation des décisions attaquées.

80      En outre, il y a lieu de relever que, pour autant que la partie requérante demande uniquement réparation du préjudice que lui aurait causé la circulation de la lettre anonyme susmentionnée au sein de la Cour des comptes, le dommage dont il s’agit résulterait d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Or, selon une jurisprudence constante, dans ce cas, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (ordonnance du Tribunal de première instance du 13 décembre 2012, Mische/Commission, T‑641/11 P, point 57, et la jurisprudence citée), ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

81      Enfin, le Tribunal n’a pas manqué de mentionner, au point 61 du présent arrêt, l’existence de la lettre anonyme visant, par son contenu, à discréditer la partie requérante ni de relever à quel moment cette lettre a circulé au sein de l’institution défenderesse. Cependant, il y a lieu également de constater que la partie requérante n’a pas contesté la décision du 9 février 2011 par laquelle le président de la Cour des comptes a rejeté sa demande d’assistance. Or, cette décision précise que l’adoption par la Cour des comptes du procès-verbal du 9 décembre 2010 constituait les « premières mesures nécessaires pour rétablir l’honneur [de la partie requérante], pour autant que [celui-ci avait] pu être atteint » et que « les faits […] ne constitu[aient] pas une diffamation à l’encontre [de cette dernière] telle que justifiant l’assistance de l’institution [allant] au-delà de sa prise de position claire du 9 décembre 2010 ».

82      Partant, il y a lieu de rejeter la demande en réparation du préjudice moral.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

84      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Cour des comptes est, en substance, la partie qui succombe. En outre, la partie requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Cour des comptes soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Cour des comptes doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la partie requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions du 18 novembre 2010 par lesquelles la Cour des comptes de l’Union européenne a nommé Mme Z au poste de directeur des ressources humaines et a rejeté la candidature de BF à cet emploi sont annulées.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la Cour des comptes de l’Union européenne de retirer du dossier les annexes A 7 et A 11 de la requête.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Cour des comptes de l’Union européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par BF.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2013.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.