Language of document : ECLI:EU:F:2009:18

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE
L'UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

3 mars 2009 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Réaffectation – Droits de la défense – Licenciement à la fin de la période de stage – Procédure par défaut »

Dans l’affaire F‑63/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Maria Patsarika, ancien agent du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, demeurant à Thessalonique (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et N. Keramidas, avocats,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Mme M. Fuchs, en qualité d’agent, assistée de Me P. Anestis, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, MM. H. Kreppel et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 26 juin 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 juin suivant), Mme Patsarika demande notamment l’annulation de la décision de la directrice du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), du 20 septembre 2006, mettant fin, à l’issue de la période de stage, à son contrat d’agent contractuel à durée déterminée, conclu le 27 septembre 2005 pour une durée de deux ans et prenant effet le 1er octobre suivant (ci-après la « décision attaquée »).

 Conclusions de la partie requérante et procédure

2        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la commission de recours du Cedefop, du 16 mars 2007, portant rejet de sa réclamation et contenant les motifs de la décision de résiliation de son contrat d’agent contractuel ;

–        condamner le Cedefop à lui verser des dommages-intérêts d’un montant égal à l’intégralité de la rémunération, des allocations et des droits à pension, correspondant à la période allant du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, diminué du montant qui lui a été octroyé au titre de l’indemnité de licenciement ;

–        condamner le Cedefop à lui verser un montant de 20 000 euros au titre du dommage moral qu’elle a subi du fait de la décision attaquée ;

–        condamner le Cedefop aux dépens.

3        Conformément à l’article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de celui-ci, le défendeur présente un mémoire en défense dans les deux mois qui suivent la signification de la requête.

4        Ainsi qu’il ressort de l’accusé de réception de la signification de la requête, celle-ci a été régulièrement signifiée au Cedefop qui l’a reçue le 25 juillet 2007. Par conséquent, ce dernier a été régulièrement mis en cause au sens de l’article 122, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

5        Alors que le délai de deux mois pour le dépôt du mémoire en défense a expiré le 5 octobre 2007, délai de distance inclus, le Cedefop n’a pas déposé ledit mémoire dans le délai prescrit, sans qu’aucune prorogation ait été demandée.

6        Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 14 janvier 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 15 janvier suivant), la requérante a demandé, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure, entré en vigueur le 1er novembre 2007, que lui soit adjugé le bénéfice de ses conclusions.

 Cadre juridique

7        Aux termes de l’article 26, premier, deuxième et troisième alinéas, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), auquel renvoie l’article 11 du régime applicable aux autres agents (ci-après le « RAA ») :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a)      toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b)      les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité ; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées [sous] a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement.

La communication de toute pièce est certifiée par la signature du fonctionnaire ou, à défaut, faite par lettre recommandée à la dernière adresse indiquée par le fonctionnaire. »

8        L’article 84 du RAA dispose :

« 1. L’agent contractuel dont le contrat est conclu pour une durée d’au moins un an effectue un stage pendant les six premiers mois de son service s’il appartient au groupe de fonctions I et pendant les neuf premiers mois s’il appartient à un des autres groupes de fonctions.

2. […]

3. Un mois au plus tard avant l’expiration de son stage, l’agent contractuel fait l’objet d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des tâches que comportent son poste, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Ce rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. L’agent contractuel qui n’a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenu dans son emploi est licencié. Toutefois, l’autorité visée à l’article 6, premier alinéa, peut, à titre exceptionnel, prolonger le stage pour une durée maximale de six mois, éventuellement avec affectation de l’agent contractuel à un autre service.

4. En cas d’inaptitude manifeste de l’agent contractuel en stage, un rapport peut être établi à tout moment du stage. Ce rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. Sur la base de ce rapport, l’autorité visée à l’article 6, premier alinéa, peut décider de licencier l’agent contractuel avant l’expiration de la période de stage, moyennant un préavis d’un mois.

5. L’agent contractuel en stage licencié bénéficie d’une indemnité égale à un tiers de son traitement de base par mois de stage accompli. »

 Faits à l’origine du litige

9        Il ressort de la requête et des pièces produites par la requérante les faits suivants.

10      Mme Patsarika, après avoir travaillé pour le Cedefop au titre de plusieurs contrats d’agent intérimaire, a été engagée, à partir du 1er octobre 2005, pour une durée de deux ans en qualité d’agent contractuel, relevant du groupe de fonctions II, de grade 5, échelon 1. Elle a été affectée, dans un premier temps, comme secrétaire auprès du chef de l’unité juridique et de gestion de contrats, M. L. Conformément à l’article 84, paragraphe 1, du RAA, elle était tenue d’effectuer une période de stage de neuf mois.

11      Après la résiliation du contrat de M. L., la requérante a travaillé pour le directeur adjoint du Cedefop du 1er décembre 2005 au 4 avril 2006. Le 31 mai 2006, ce dernier a établi un rapport d’évaluation pour la période de stage de la requérante (ci-après le « premier rapport de stage ») et a estimé devoir prolonger ce stage pour une période de trois mois, soit jusqu’au 30 septembre 2006.

12      Le 23 août 2006, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de prolongation de la période de stage. Le 16 novembre 2006, cette réclamation a été rejetée par la commission de recours du Cedefop.

13      Entre-temps, par décision du 4 avril 2006, la requérante avait été réaffectée à titre temporaire comme secrétaire au sein de l’équipe de M. F. G., responsable de la Revue européenne de formation professionnelle, que publie le Cedefop. M. F. G. a signé, le 25 août 2006, le second rapport d’évaluation pour la période de stage (ci-après le « second rapport de stage »), d’où il ressort, au point 6.4, « Conclusions générales », ce qui suit : « Mme Pastarika est une secrétaire dévouée, bien qu’elle ne réponde pas aux exigences du poste au regard de son expérience professionnelle et des capacités linguistiques, ce qui constitue un handicap pour [l’unité]. Elle a bien travaillé et fait de son mieux, dans les limites de ses qualifications. Compte tenu de ses qualifications limitées, il n’était pas réellement possible d’exiger d’elle tout ce que doit faire une secrétaire de [l’unité]. » L’évaluateur a ajouté : « Le principal souci avec elle est de nature morale et est lié à son comportement passé et actuel au sein du Cedefop qui démontre qu’elle n’a pas les qualités morales requises pour appartenir au service public européen en général et, plus particulièrement, pour être agent du Cedefop, dans la mesure où on ne peut lui faire confiance. »

14      Plus particulièrement, au point 6.2, « Aptitudes (compétences) », l’évaluateur a estimé que la requérante a « prouvé qu’elle est qualifiée pour un poste classique de secrétaire mais pas pour le poste de secrétaire expérimentée dont a besoin [l’unité] » et a mis en cause la moralité de l’intéressée, en soulignant la passivité « complice » dont aurait fait preuve la requérante dans le cadre d’une affaire mettant en cause le renouvellement du contrat d’une collègue au sein du Cedefop, en ce qu’elle n’aurait pas réagi, ni dénoncé les faits dont elle avait eu connaissance.

15      M. F. G. s’est également référé, au point 6.3 du second rapport de stage, « Conduite dans le service », à la déposition faite par la requérante devant un notaire, en Grèce, dans le cadre d’un recours formé par M. L. contre son licenciement, par laquelle la requérante aurait mis en cause l’honnêteté et l’intégrité de ses supérieurs hiérarchiques et de membres du comité du personnel : « J’ai néanmoins été informé que Mme Patsarika a fourni durant cette période un témoignage en faveur de son ancien supérieur hiérarchique, concernant notamment l’affaire [C.], dans lequel elle met gravement en cause, de façon diffamatoire et sans preuves réelles les compétences professionnelles et l’honnêteté de certains de ses collègues et supérieurs hiérarchiques, ainsi que la probité des membres du comité du personnel dont j’étais alors le président, tout comme de l’Union syndicale, au comité exécutif de laquelle je siégeais et continue de siéger. »

16      Le second rapport de stage, contresigné par le directeur adjoint du Cedefop en tant que validateur, le 28 août 2006, contient la recommandation de mettre fin au contrat de la requérante et a été communiqué à cette dernière pour observations éventuelles.

17      Par lettre du 4 septembre 2006, adressée notamment à Mme Bulgarelli, directrice du Cedefop, la requérante a contesté les appréciations portées sur elle, en demandant qu’elles soient retirées du second rapport de stage. Elle a également demandé à être confirmée dans ses fonctions, eu égard aux appréciations positives exprimées par M. F. G. en sa qualité d’évaluateur.

18      Le 5 septembre 2006, Mme Bulgarelli a reçu du validateur du second rapport de stage un commentaire explicatif confirmant la recommandation de licencier l’intéressée. La directrice du Cedefop a alors décidé d’organiser une réunion avec la requérante, l’évaluateur du second rapport de stage, le validateur dudit rapport et M. T., chef d’unité. Cette réunion a été fixée au 13 septembre 2006, à 17 heures, avec l’accord de la requérante, laquelle a demandé, sans que la directrice s’y oppose, que la réunion soit enregistrée et qu’elle puisse se faire accompagner par une personne de confiance. Par la suite, elle a précisé que cette personne serait M. S., qui ne faisait pas partie du personnel du Cedefop.

19      Au cours de la matinée du 13 septembre 2006, la directrice du Cedefop a informé la requérante, par courrier électronique, qu’elle avait bien la faculté de se faire accompagner par un collègue mais non par une personne extérieure au Cedefop et a précisé que la réunion ne pouvait pas être enregistrée mais que des procès verbaux seraient établis et soumis à la signature des tous les participants.

20      Dans l’après-midi du 13 septembre 2006, la requérante a fait savoir à la directrice du Cedefop, par courrier électronique, que, au vu de ces derniers développements, il ne lui était plus possible de participer à la réunion, qu’elle était disposée à examiner les conditions dans lesquelles une autre réunion pourrait se tenir et qu’elle reprendrait contact à cet effet avec elle dans le courant de la semaine.

21      Peu avant la réunion du 13 septembre 2006, la directrice du Cedefop a de nouveau invité la requérante, par courrier électronique, à participer à l’entretien, tout en précisant que l’absence d’enregistrement n’affectait nullement le niveau de garantie pour l’intéressée, dès lors qu’un procès verbal serait établi avec la signature de tous les participants et que, s’agissant de la personne de confiance pouvant accompagner la requérante, le statut lui-même exigerait qu’il s’agisse d’ une personne interne au Cedefop.

22      La réunion a eu lieu, le 13 septembre 2006, sans la requérante. Le soir même, tout en regrettant l’absence de cette dernière, la directrice du Cedefop l’a invitée à lui transmettre ses commentaires sur son second rapport de stage et à participer à une autre réunion le lendemain, à 12 heures, à défaut de quoi elle prendrait sa décision sur la base des seuls documents en sa possession.

23      Par courrier électronique du 18 septembre 2006, la requérante, de retour d’une absence pour raison médicale, a fait savoir à la directrice du Cedefop qu’elle n’aurait de toute manière pas pu participer à la réunion du 13 septembre 2006, car elle avait dû quitter le Cedefop en raison de son état de santé, mais qu’elle se tenait à sa disposition pour une autre réunion, à condition que celle-ci soit enregistrée.

24      Le 20 septembre 2006, la requérante a transmis à la directrice du Cedefop un certain nombre d’observations mettant en cause les appréciations du validateur émises dans la note du 5 septembre 2006. Le même jour, la directrice a notifié la décision attaquée à la requérante.

25      Le 20 novembre 2006, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre le second rapport de stage, laquelle réclamation a été rejetée comme irrecevable par la décision de la commission de recours du Cedefop du 14 mars 2007.

26      Le 19 décembre 2006, la requérante a introduit une réclamation, rédigée en langue grecque, contre la décision attaquée. Cette réclamation a été rejetée comme non fondée par décision de la commission de recours du Cedefop du 16 mars 2007, rédigée en français.

 En droit

27      La recevabilité du recours ne faisant aucun doute et les formalités ayant été régulièrement accomplies, il appartient au Tribunal, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, de vérifier si les conclusions de la requérante paraissent fondées. À cet effet, le Tribunal a estimé utile d’ouvrir la procédure orale. Une audience a été tenue en présence des représentants du Cedefop.

 Sur la conclusion dirigée contre la décision de la commission de recours du 16 mars 2007 portant rejet de la réclamation contre la décision attaquée

28      La requérante sollicite l’annulation de la décision de la commission de recours, du 16 mars 2007, portant rejet de sa réclamation. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, par l’administration font partie intégrante d’une procédure complexe. Dans ces conditions, le recours au Tribunal, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte, ou des actes, faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8, et du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, point 7 ; arrêts du Tribunal de première instance du 16 octobre 1996, Capitanio/Commission, T‑36/94, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1279, point 33, et du 7 juin 2005, Cavallaro/Commission, T‑375/02, RecFP p. I‑A‑151 et II‑673, point 59).

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

29      À l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante soulève en substance quatre moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 84 du RAA, deuxièmement, du détournement de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, de la violation des droits de la défense et du principe d’objectivité et, quatrièmement, de la violation du principe de proportionnalité.

 Observations liminaires

30      La requérante fait valoir, dans sa requête, que la réponse à sa réclamation lui a été signifiée non en grec mais en français, langue que la requérante affirme ne pas maîtriser, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des appréciations de l’évaluateur contenues dans le second rapport de stage. Elle aurait verbalement demandé à l’institution de lui fournir une traduction dans la langue de la réclamation, mais ne l’aurait jamais obtenue. La requérante en déduit que la décision de la commission de recours du 16 mars 2007, portant rejet de sa réclamation, ne lui a jamais été régulièrement signifiée.

31      À cet égard, il ressort de la jurisprudence (arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, points 43 à 45, et du 7 février 2001, Bonaiti Brighina/Commission, T‑118/99, RecFP p. I‑A‑25 et II‑97, points 16 à 19), que la notification d’une décision de rejet de la réclamation dans une langue qui n’est pas la langue maternelle du fonctionnaire ni celle dans laquelle la réclamation a été rédigée est régulière à condition que l’intéressé puisse en prendre utilement connaissance. Si le destinataire de cette décision considère qu’il n’est pas en mesure de la comprendre, il lui appartient de demander à l’institution, avec toute la diligence requise, de lui fournir une traduction soit dans la langue de la réclamation, soit dans sa langue maternelle. Lorsqu’une telle demande est formulée sans retard, le délai de recours ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle cette traduction est notifiée au fonctionnaire intéressé, à moins que l’institution ne puisse démontrer, sans qu’il subsiste de doute à cet égard, que celui-ci a pu prendre utilement connaissance aussi bien du dispositif que des motifs de la décision de rejet de sa réclamation dans la langue de la notification initiale.

32      En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante n’aurait pas été en mesure de prendre utilement connaissance de la version française de la décision de rejet de sa réclamation, prise par la commission de recours le 16 mars 2007, eu égard à son niveau de compréhension de cette langue. Selon les faits exposés par la requérante, aucune version de ladite décision ne lui a été notifiée dans la langue de la réclamation.

33      À supposer que la requérante entende ainsi faire grief au Cedefop de ne pas lui avoir régulièrement notifié la décision de rejet de la réclamation, force est de constater que la décision du 16 mars 2007 a été annexée à la requête par la requérante, en langue française, et fait donc partie du dossier à partir duquel le Tribunal est invité à former son appréciation.

34      Il convient, en outre, de relever que, dans la requête, notamment à son point 19, la requérante prend position sur les affirmations contenues dans la décision de rejet de la réclamation, prise par la commission de recours le 16 mars 2007, ce qui démontre qu’elle a pu en comprendre le contenu. Au demeurant, il ressort du dossier et des débats, au cours de l’audience, que l’avocat de la requérante comprend le français.

35      En tout état de cause, la circonstance que la réponse à la réclamation faite le 16 mars 2007 par la commission de recours n’ait pas été rédigée dans une langue immédiatement compréhensible par la requérante ne saurait vicier la décision contre laquelle la réclamation, puis le recours, ont été dirigés.

36      Par conséquent, il y a lieu de prendre en considération, aux fins de statuer sur le litige, la décision de la commission de recours du 16 mars 2007, sinon comme une réponse formelle à la réclamation, à tout le moins, comme un document pertinent du dossier.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 84 du RAA

–       Arguments de la requérante

37      Selon la requérante, la période de stage de neuf mois, prévue à l’article 5 de son contrat d’agent contractuel et à l’article 84, paragraphe 1, du RAA, devait être accomplie sur le poste pour lequel elle avait été recrutée. La requérante se prévaut d’une jurisprudence selon laquelle le stage a pour fonction de permettre à l’administration de porter un jugement concret sur les aptitudes d’un candidat à une fonction déterminée, sur l’esprit dans lequel il accomplit ses tâches et sur son rendement dans le service (voir arrêt de la Cour du 17 novembre 1983, Tréfois/Cour de justice, 290/82, Rec. p. 3751, point 24). Le Cedefop aurait, de manière illégale, privé la requérante de la possibilité d’accomplir son stage dans des conditions régulières.

38      En prenant, le 4 avril 2006, soit avant la fin de la période de stage, la décision de réaffecter la requérante sur un autre poste, contre la volonté de l’intéressée, sans donner à celle-ci d’instructions détaillées quant aux tâches à accomplir et tout en sachant à l’avance que le profil et les qualifications de la requérante ne répondaient pas aux besoins de l’équipe en charge de la Revue européenne de formation professionnelle, le Cedefop aurait violé l’article 84 du RAA. Selon la requérante, une réaffectation ne peut avoir lieu qu’à titre exceptionnel pendant la période de stage, seulement à la suite d’un rapport d’évaluation constatant l’inaptitude manifeste de l’agent et après que ce dernier ait été mis en mesure de formuler des observations écrites.

–       Appréciation du Tribunal

39      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, si le stage ne peut pas être assimilé à une période de formation, il n’en est pas moins impératif que le fonctionnaire stagiaire soit mis en mesure, durant cette période, de faire la preuve de ses qualités (arrêt du Tribunal de première instance du 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 95). Cette condition répond aux exigences de bonne administration et d’égalité de traitement, ainsi que du devoir de sollicitude, lequel reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Elle signifie en pratique que le fonctionnaire ou l’agent stagiaire doit non seulement bénéficier de conditions matérielles adéquates, mais également d’instructions et de conseils appropriés, compte tenu de la nature des fonctions exercées, afin d’être en mesure de s’adapter aux besoins spécifiques de l’emploi qu’il occupe (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 décembre 1956, Mirossevich/Haute Autorité, 10/55, Rec. p. 365, 387 et suivantes , et du 15 mai 1985, Patrinos/CES, 3/84, Rec. p. 1421, points 20 et 21 ; arrêts du Tribunal de première instance du 1er avril 1992, Kupka-Floridi/CES, T-26/91, Rec. p. II‑1615, point 44 ; du 30 novembre 1994, Correia/Commission, T‑568/93, RecFP p. I‑A‑271 et II‑857, point 34 ; Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 95, et du 27 juin 2002, Tralli/BCE, T‑373/00, T‑27/01, T‑56/01 et T‑69/01, RecFP p. I‑A‑97 et II‑453, point 69 ; arrêt du Tribunal du 18 octobre 2007, Krcova/Cour de justice, F‑112/06, non encore publié au Recueil, point 48).

40      Il ressort par ailleurs de la jurisprudence que, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires ou agents en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait leur être reconnu pour autant le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêt du Tribunal de première instance du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 71). Dès lors, même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois (arrêts de la Cour du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec. p. 1681, point 6, et du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, Rec. p. I‑599, point 11 ; arrêts du Tribunal de première instance du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, RecFP p. I‑A‑21 et II‑49, point 36, et du 26 novembre 2002, Cwik/Commission, T‑103/01, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, point 30).

41      La requérante soutient que l’article 84 du RAA s’opposait à sa réaffectation pendant la période de stage, laquelle réaffectation ne serait possible qu’à titre exceptionnel, seulement à la suite d’un rapport d’évaluation constatant l’inaptitude manifeste de l’agent et après que ce dernier ait été mis en mesure de formuler des observations écrites. Elle ajoute qu’elle a été appelée, contre sa propre volonté, à exercer des fonctions sans relation avec celles correspondant à l’emploi pour lequel elle avait été recrutée et que l’éventuelle insuffisance de ses prestations a résulté d’un défaut d’encadrement qu’aurait pourtant exigé le caractère supérieur des tâches qui lui avaient été confiées.

42      À cet égard, il convient, en premier lieu, de rappeler que l’article 84, paragraphe 3, du RAA prévoit que :

–        au plus tard un mois avant l’expiration du stage, l’agent contractuel fait l’objet d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des tâches correspondant à son poste ;

–        ce rapport doit être communiqué à l’intéressé pour qu’il puisse formuler par écrit ses observations ;

–        l’agent contractuel qui n’a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenu dans son emploi est licencié ;

–        toutefois, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») peut, à titre exceptionnel, prolonger le stage pour une durée maximale de six mois, éventuellement avec affectation de l’agent à un autre service.

43      De plus, l’article 84, paragraphe 4, du RAA prévoit la possibilité, en cas d’inaptitude manifeste de l’agent contractuel, d’établir un rapport à tout moment du stage. Sur la base de ce rapport, qui est communiqué à l’agent pour observations écrites, l’AHCC peut décider de licencier ce dernier avant même l’expiration du stage, moyennant un préavis d’un mois.

44      Il apparaît ainsi, à la simple lecture de l’article 84, paragraphes 3 et 4, du RAA que celui-ci ne subordonne nullement la faculté pour l’AHCC de prolonger la durée du stage, et éventuellement d’affecter l’intéressé à un autre service, à la condition que ce dernier ait fait preuve d’inaptitude manifeste dans l’accomplissement de ses tâches. Une telle exigence n’est prévue que pour le cas où l’AHCC déciderait de licencier l’agent avant l’expiration de son stage.

45      En deuxième lieu, si l’article 84, paragraphe 3, du RAA prévoit explicitement la faculté pour l’administration, dans l’hypothèse où une prolongation du stage serait accordée, d’affecter l’agent à un autre service, il importe toutefois que l’intéressé soit toujours mis en mesure de faire la preuve de ses qualités et que le déroulement du stage ne soit pas perturbé, ce qui suppose que soit également respectée l’équivalence des emplois.

46      En l’espèce, il ressort du contrat d’agent contractuel du 27 septembre 2005 que la requérante a été engagée pour accomplir des tâches administratives et de secrétariat ou d’autres « tâches équivalentes ». Ces fonctions correspondent aux types de tâches prévus à l’article 80, paragraphe 2, du RAA en rapport avec le groupe de fonctions II, à savoir des « [t]âches de bureau et de secrétariat, direction de bureau et autres tâches équivalentes, exécutées sous la supervision de fonctionnaires ou d’agents temporaires ».

47      Or, les fonctions de secrétaire de M. F. G., responsable de la Revue européenne de formation professionnelle, auprès duquel la requérante a été temporairement réaffectée, par décision du Cedefop du 4 avril 2006, telles qu’elles sont décrites à la rubrique 5.1, « Réalisation des objectifs », du premier rapport de stage, correspondent bien à celles mentionnées à l’article 80, paragraphe 2, du RAA pour le groupe de fonctions II. D’ailleurs la requérante ne prétend nullement que les tâches qu’elle a exercées relevaient en réalité d’un autre groupe de fonctions. De plus, au cours de l’audience, elle a déclaré qu’elle ne remettait pas en cause la correspondance entre son grade et l’emploi auquel elle a été réaffectée.

48      Même si la procédure de recrutement de la requérante avait pour objet de pourvoir un poste de secrétaire dans l’unité juridique et de gestion des contrats, le fait d’avoir attribué à l’intéressée, au cours de sa période de stage, des tâches dans une autre unité, ainsi que le permet d’ailleurs explicitement l’article 84, paragraphe 3, du RAA en cas de prolongation du stage, ne saurait être considéré comme une circonstance l’ayant empêchée de faire la preuve de ses qualités et donc de nature à affecter le bon déroulement du stage.

49      Il ressort d’ailleurs de la décision de rejet de la réclamation prise par la commission de recours le 16 mars 2007, et sans que cela soit sérieusement contesté devant le Tribunal, que cette réaffectation n’a nullement compromis l’évaluation globale de la période de stage de la requérante.

50      En troisième lieu, il ressort d’une jurisprudence constante que l’administration n’est pas tenue d’entendre au préalable le fonctionnaire concerné par une mesure de réaffectation dans la mesure où celle-ci constitue une simple mesure d’organisation interne qui ne porte pas atteinte à la position de l’intéressé ou au respect du principe de correspondance entre le grade et l’emploi (arrêt de la Cour du 7 mars 1990, Hecq/Commission, précité, point 14 ; ordonnance de la Cour du 14 décembre 2006, Meister/OHMI, C‑12/05 P, Rec. p. I‑132*, point 104 ; arrêt du Tribunal de première instance du 28 octobre 2004, Meister/OHMI, T‑76/03, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1477, point 178 et la jurisprudence citée). De plus, il est constant que la réaffectation litigieuse a été décidée afin précisément de permettre à la requérante de faire preuve de ses qualités, nonobstant les réserves quant au rendement, à la compétence et à la conduite dans le service contenues dans le premier rapport de stage et ayant conduit à ce que celui-ci soit prolongé de trois mois.

51      Il convient encore d’ajouter, à cet égard, que la requérante a eu la possibilité de formuler des observations écrites sur le déroulement de son stage puisque le 31 mai 2006, soit après la réaffectation de la requérante, le directeur adjoint du Cedefop a établi le premier rapport de stage, qui concluait en faveur d’une prolongation du stage, et sur lequel la requérante a pu faire valoir son opinion dans un document annexé audit rapport et portant la date du 7 juin 2006. Or, dans le cadre de ses observations, elle n’a, en aucune manière, contesté la décision de réaffectation.

52      En quatrième et dernier lieu, quant au grief tiré d’un manque d’encadrement suffisant après la réaffectation, il ressort du dossier que M. F. G., lors de son audition devant la commission de recours, a déclaré avoir mis l’intéressée au courant des tâches qui l’attendaient et l’avoir accompagnée dans ses premières activités, au sein de l’unité en charge de la Revue européenne de formation professionnelle, par des conseils et des explications. Or, la requête ne comporte aucun élément de nature à remettre en cause à suffisance de droit cette déclaration.

53      À la lumière de tout ce qui précède, il convient d’écarter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré du détournement de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments de la requérante

54      La requérante estime avoir été licenciée à la suite de manoeuvres non transparentes et illégales entreprises par le directeur adjoint du Cedefop, ainsi que sur la base d’allégations fausses contenues dans les deux rapports de stage. Pour ces raisons, la décision attaquée serait entachée d’un détournement de pouvoir.

55      Selon la requérante, alors même que le second rapport de stage contient des appréciations particulièrement favorables, son licenciement aurait été décidé au seul motif que l’évaluateur avait des doutes quant à son éthique, celui-ci lui ayant fait le reproche d’avoir diffamé un agent du Cedefop. Or, selon la requérante, ces allégations se rapportent à des faits antérieurs à son affectation au sein de l’équipe en charge de la Revue européenne de formation professionnelle, ce qui ne permettrait pas d’établir un lien entre le déroulement du stage, visé par le second rapport, et les faits prétendument diffamatoires. De plus, ces allégations seraient mensongères.

56      En réalité, le licenciement aurait été motivé non par des résultats professionnels insatisfaisants, mais par un esprit de vengeance et la volonté de punir la requérante en raison du soutien qu’elle aurait apporté, sous la forme d’une déposition sous serment, à M. L., son précédent supérieur hiérarchique. L’évaluateur n’aurait d’ailleurs pas eu directement connaissance du contenu de la déposition à l’époque de l’établissement du second rapport de stage, mais se serait fondé sur des rumeurs.

57      Selon la requérante, tant l’évaluateur du second rapport de stage que la commission de recours du Cedefop auraient été contraints de qualifier ses dires de calomnieux et d’injurieux à l’égard de l’institution, sans examiner les éléments de fait incontestables qui prouveraient la véracité et le bien-fondé des allégations et jugements exprimés par elle, ce qui serait constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation. La requérante resterait ainsi dans l’impossibilité de comprendre le lien existant entre sa déposition en faveur de son ancien supérieur hiérarchique et l’évaluation de son stage.

58      La requérante attire plus particulièrement l’attention sur la note du validateur, le directeur adjoint du Cedefop, du 28 août 2006, annexée au second rapport de stage. Pendant la période visée par ledit rapport, allant du 5 avril 2006 au 30 septembre suivant, le directeur adjoint n’aurait été ni directement ni indirectement, le supérieur hiérarchique de la requérante. Alors qu’il n’aurait eu ni la compétence ni la connaissance personnelle pour exprimer un avis sur la requérante, il aurait émis un avis sur son rendement et sa conduite dans le service, en reprenant des appréciations injustes et préconçues qu’il avait déjà formulées dans le premier rapport de stage.

59      La requérante aurait contesté toutes les allégations formulées par le directeur adjoint et exigé du Cedefop des preuves. Cette démarche aurait été laissée sans suite, tout comme la préoccupation exprimée par M. T., l’un des participants à la réunion du 13 septembre 2006, lequel, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de cette réunion, aurait douté de l’existence de preuves suffisantes pour étayer les prétendus griefs retenus à l’encontre de la requérante.

60      Il serait donc clair pour la requérante que le Cedefop a commis une erreur manifeste d’appréciation, en prenant la décision attaquée sans vérifier la véracité des faits invoqués par elle pour prouver l’aversion injustifiée de certains agents du Cedefop à son égard, et plus particulièrement du comité du personnel, présidé par M. F. G., à l’encontre de son ancien supérieur hiérarchique.

–       Appréciation du Tribunal

61      S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, il convient de rappeler, à titre liminaire, que le stage avant titularisation a pour fonction de permettre à l’administration de porter un jugement concret sur les aptitudes du fonctionnaire stagiaire à s’acquitter des tâches que comporte la fonction en cause ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service (voir, en ce sens, arrêt Tréfois/Cour de justice, précité, point 24).

62      De la sorte, une décision de non-titularisation se distingue par nature du « licenciement » proprement dit d’une personne ayant bénéficié d’une nomination en tant que fonctionnaire titulaire (arrêt Tréfois/Cour de justice, précité, points 24 et 25 ; voir, également, arrêt Patrinos/CES, précité, point 13 ; arrêt Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 113). Alors que, dans ce dernier cas, s’impose un examen minutieux des motifs justifiant de mettre un terme à un rapport d’emploi établi, dans les décisions relatives à la titularisation des stagiaires, l’examen doit être global et porter sur l’existence, ou non, d’un ensemble d’éléments positifs révélés au cours de la période de stage et faisant apparaître la titularisation du stagiaire comme étant dans l’intérêt du service. Cette jurisprudence est transposable dans le contexte des stages accomplis par les agents contractuels.

63      En outre, l’administration dispose d’une grande marge quant à l’appréciation des aptitudes et des prestations d’un agent en période de stage selon l’intérêt du service. Il n’appartient donc pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de l’administration en ce qui concerne le résultat d’un stage et les aptitudes d’un candidat à une nomination définitive dans le service public communautaire, son contrôle se limitant à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêts de la Cour du 25 mars 1982, Munk/Commission, 98/81, Rec. p. 1155, point 16 ; Tréfois/Cour de justice, précité, point 29 ; du 5 avril 1984, Alvarez/Parlement, 347/82, Rec. p. 1847, point 16 ; et Patrinos/CES, précité, point 25 ; arrêts Kupka-Floridi/CES, précité, point 52 ; Rozand-Lambiotte/Commission, précité, point 112, et Tralli/BCE, précité, point 76).

64      C’est à la lumière de ces considérations que doit être examiné le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.

65      À cet égard, il ressort du premier rapport de stage, notamment sous les rubriques relatives au rendement, à la compétence et à la conduite dans le service, que l’évaluateur a exprimé des doutes et des réserves quant aux capacités professionnelles de la requérante. Au point 6.4, « Conclusions générales », il est indiqué que la requérante, « malgré son expérience précédente, n’a pas exécuté ses tâches, ni rempli ses obligations à un niveau entièrement satisfaisant et conforme aux objectifs tels que communiqués au début de décembre 2005 ». Aussi, l’évaluateur a-t-il recommandé une prolongation du stage de trois mois.

66      De même, dans le second rapport de stage, l’évaluateur, après avoir formulé des appréciations positives quant au rendement de la requérante, a souligné que certaines difficultés ou faiblesses sous l’angle des compétences de l’intéressée provenaient sans doute du fait qu’elle disposait des qualifications pour occuper des emplois de secrétariat classique, mais non pour répondre aux besoins spécifiques de l’équipe en charge de la Revue européenne de la formation professionnelle. Il a ajouté que son insatisfaction majeure était liée aux qualités morales de la requérante. Ainsi, la rubrique 6.5, « Potentiel », dudit rapport contient-t-elle l’appréciation suivante :

« Mme Patsarika est bonne dans l’exécution des ordres qu’elle reçoit, mais elle n’a pas suffisamment de qualités morales pour s’opposer aux ordres injustes. À cet égard, elle n’a pas l’indépendance nécessaire pour apprécier ce qui est attendu d’un agent européen. »

67      De plus, l’évaluateur du second rapport de stage a fait référence à une déposition établie spontanément par la requérante, le 15 juin 2006, en faveur de son ancien supérieur hiérarchique, dans le cadre de la procédure contentieuse initiée par celui-ci devant le Tribunal. Or, certains passages de ladite déposition, ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté dans son arrêt du 24 avril 2008, Longinidis/Cedefop (F-74/06, non encore publié au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T-283/08 P, point 95), contiennent de graves accusations péremptoires, sans le moindre indice concordant, à l’encontre de ses supérieurs hiérarchiques et collègues, et notamment des organes statutaires de représentation du personnel. Il y est notamment déclaré que « [l]es membres du comité du personnel et du syndicat haïssaient – et haïssent – M. [L.] [ ; i]ls sont même allés jusqu’à l’attaquer sur le plan personnel (par des accusations fabriquées de toutes pièces) et à le diffamer par des pamphlets publiés sur l’[i]ntranet du Cedefop […] [d]es représentants du syndicat ainsi que du comité du personnel m’ont approchée pour me convaincre de déposer contre M. [L.] en l’accusant de façon mensongère de violence psychologique […] M. [L.] est victime des lobbies et des intrigues menées en coulisse, ainsi que de la machination montée (contre lui […]) à l’occasion du changement de direction du Cedefop ».

68      De telles accusations, péremptoires et dépourvues d’éléments probants, portées par un agent nouvellement recruté, qui accomplit sa période de stage, à l’encontre de ses collègues et de sa hiérarchie sont de nature à caractériser son comportement et à fonder, à l’issue de ladite période, l’appréciation de ses supérieurs hiérarchiques, sans que celle-ci puisse être qualifiée d’abusive ou d’illégale.

69      L’affirmation de la requérante selon laquelle l’évaluateur n’aurait pas eu directement connaissance du contenu de la déposition au moment de l’établissement du second rapport de stage ne remet pas en cause la réalité des faits sur lesquels reposent ses appréciations.

70      Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’a pas établi que l’AHCC a commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de donner suite à la recommandation de licenciement contenue dans le second rapport de stage et, en conséquence de rejeter le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation comme non fondé.

71      En second lieu, s’agissant du grief tiré du détournement de pouvoir, il ressort de la jurisprudence qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par les textes applicables pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 24, et du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission, C‑48/96 P, Rec. p. I‑2873, point 52 ; arrêt du Tribunal de première instance du 22 décembre 2005, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, T‑146/04, Rec. p. II‑5989, point 145).

72      Or, la requérante n’a pas apporté de tels indices. Au contraire, il ressort de ce qui précède que la décision attaquée a été adoptée, sans que l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ait été démontrée, en raison de la conduite de la requérante et des faiblesses constatées quant à sa capacité à s’acquitter de ses tâches.

73      Il y a lieu, en conséquence, d’écarter également le grief tiré du détournement de pouvoir.

74      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du principe d’objectivité

–       Arguments de la requérante

75      La requérante fait valoir que les appréciations négatives quant à son éthique, contenues dans le second rapport de stage, se fondent sur des comportements qu’elle aurait adoptés, tels que le faux témoignage ou la tentative de faux témoignage, sans que les documents tendant à prouver ces comportements lui aient jamais été communiqués et sans qu’elle ait été ainsi mise en mesure de se défendre.

76      La requérante estime, en ce qui concerne la déposition qu’elle a faite au soutien de son ancien supérieur hiérarchique et qui est critiquée par M. F. G., dans le second rapport de stage, en raison de prétendues insultes qu’elle aurait formulées à l’encontre de certains membres du comité du personnel, présidé par M. F. G. lui-même, que ce dernier a proposé son licenciement dans un esprit de vengeance et avec partialité.

77      Enfin, la requérante relève que le compte rendu de la réunion du 13 septembre 2006 ne lui a jamais été communiqué, bien qu’il ait été versé à son dossier individuel, ce qui constituerait une violation de l’article 26 du statut.

–       Appréciation du Tribunal

78      En premier lieu, s’agissant du grief tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, notamment, arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 27 ; du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, Rec. p. I‑8237, point 99 ; du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, Rec. p. I‑10915, point 37 ; arrêt du Tribunal du 11 septembre 2008, Bui Van/Commission, F‑51/07, non encore publié au Recueil, point 72, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de première instance, affaire T‑491/08 P).

79      Ce principe exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir (voir, en ce sens, arrêts Belgique/Commission, précité, point 27 ; de la Cour du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, Rec. p. I‑8147, point 99, et Commission/De Bry, précité, point 38 ; arrêt Bui Van, précité, point 73).

80      Il convient également de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 3, du RAA, le rapport de stage est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations.

81      En l’espèce, la requérante a été mise en mesure de contester les faits qui étaient retenus contre elle. En effet, à la suite de la communication du second rapport de stage, elle a annexé une note d’observations, en date du 4 septembre suivant. Elle a également déposé, le 20 septembre 2006, un certain nombre d’observations sur la note du validateur du 5 septembre 2006.

82      De plus, ainsi qu’il ressort de l’exposé des faits ci-dessus, la directrice a convoqué, à une réunion du 13 septembre 2006, l’intéressée et les personnes impliquées dans l’appréciation de son stage, notamment l’évaluateur et le validateur du second rapport de stage. Toutefois, la requérante a refusé, le 13 septembre 2006, de participer à cette réunion, en invoquant l’impossibilité de se faire accompagner par une personne de son choix, extérieure au Cedefop, et l’absence d’enregistrement de ladite réunion, ainsi qu’à toute autre réunion qui ne serait pas enregistrée, nonobstant les garanties quant au déroulement de la réunion qui lui avaient été fournies par la directrice.

83      En conséquence, force est de constater que la requérante a été mise en mesure de se faire entendre avant l’adoption de la décision attaquée.

84      En second lieu, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 26 du statut, il convient de rappeler que cet article, applicable en l’espèce en vertu de l’article 11, premier alinéa, du RAA, dispose que le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir toute pièce intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement et son comportement, ainsi que les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces. Selon une jurisprudence constante, le but de cet article est d’assurer les droits de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’autorité investie du pouvoir de nomination et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel. Il en résulte qu’une décision basée sur de tels éléments est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité (arrêt de la Cour du 3 février 1971, Rittweger/Commission, 21/70, Rec. p. 7, points 29 à 41 ; arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T‑78/92, Rec. p. II‑1299, point 27 ; du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice, T‑109/92, RecFP p. I‑A‑31 et II‑105, point 68, et du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, RecFP p. I‑A‑37 et II‑239, point 70).

85      En l’espèce, il ressort cependant du dossier que l’AHCC ne s’est pas prévalue, pour justifier la décision attaquée, du compte rendu de la réunion du 13 septembre 2006 en plus des appréciations figurant dans les rapports de stage, ainsi que dans les notes du directeur adjoint du Cedefop des 28 août et 5 septembre 2006, que la requérante ne conteste pas avoir reçues et sur lesquelles elle a d’ailleurs pris position par ses notes des 4 et 20 septembre 2006. L’argument tiré de l’absence de communication du compte rendu de la réunion du 13 septembre 2006 doit donc être écarté comme inopérant.

86      Force est donc de constater que la requérante a été mise en mesure, avant l’adoption de la décision attaquée, de faire valoir utilement ses commentaires sur les critiques qui lui étaient adressées. De surcroît, il n’est pas établi, au regard du contenu du compte rendu de la réunion du 13 septembre 2006, que les conditions dans lesquelles la requérante a pu assurer ses droits de la défense auraient été substantiellement différentes si ladite note lui avait été transmise en même temps qu’elle était versée à son dossier individuel.

87      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les droits de la défense de la requérante ont été préservés et garantis tout au long de la procédure d’établissement des rapports de stage ainsi qu’avant l’adoption de la décision attaquée et que, partant, le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

88      La requérante estime que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité. En effet, même si l’on considérait que le contenu de sa déposition en faveur de son ancien supérieur hiérarchique a constitué une faute de service de nature à engager sa responsabilité disciplinaire ou un manquement à l’éthique professionnelle, ce que la requérante conteste, la sanction du licenciement serait manifestement disproportionnée par rapport à la gravité de la faute prétendument commise.

89      À cet égard, il convient d’observer qu’une décision de licenciement, prise à l’issue de la période de stage, constitue par elle-même le moyen normal, prévu à l’article 84 du RAA, pour l’administration de se séparer d’un stagiaire qui, compte tenu des éléments révélés au cours de la période de stage, ne devrait pas être confirmé dans les fonctions pour lesquelles il a été recruté. Il est clair que cette décision implique une appréciation globale des qualités et du comportement du stagiaire (arrêt Tréfois/Cour de justice, précité, point 24).

90      En l’espèce, l’appréciation de l’AHCC quant aux mérites de la requérante était globalement négative. Au regard des développements en réponse au deuxième moyen, la décision attaquée, intervenue d’ailleurs à la suite d’une prolongation du stage, ne saurait être considérée comme une mesure disproportionnée.

91      La requérante n’ayant fourni aucun élément pertinent pouvant établir l’existence d’une violation du principe de proportionnalité, il convient d’écarter le présent moyen comme non fondé.

 Sur la demande indemnitaire

92      La requérante demande au Tribunal de faire usage de sa compétence de pleine juridiction et, pour assurer un effet utile à l’arrêt, de condamner le Cedefop à lui verser des dommages-intérêts, d’une part pour le préjudice matériel, d’un montant égal à l’intégralité de la rémunération, des allocations et des droits à pension, correspondant à la période allant du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, diminué du montant qui lui a été octroyé au titre de l’indemnité de licenciement et, d’autre part pour le préjudice moral, d’un montant de 20 000 euros.

93      Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (voir arrêts du Tribunal de première instance du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861, point 85 ; du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 69, et du 13 juillet 2005, Scano/Commission, T‑5/04, RecFP p. I‑A‑205 et II‑931, point 77).

94      En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation, puisque la requérante demande à être indemnisée en raison du préjudice subi du fait de la prétendue illégalité de la décision attaquée. L’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation n’ayant révélé aucune illégalité et donc aucune faute de nature à engager la responsabilité du Cedefop, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.

95      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son entièreté.

 Sur les dépens

96      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Cedefop, régulièrement mis en cause, n’ayant pas répondu à la requête, n’a évidemment pas conclu sur les dépens. Conformément à l’article 87, paragraphe 5, dernier alinéa, de ce même règlement de procédure, à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.

98      Toutefois, selon l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, répartir les dépens.

99      En l’espèce, il n’est pas exclu que l’absence de version de la décision de la commission de recours, du 16 mars 2007, dans la langue de la réclamation ait entraîné pour la requérante des frais supplémentaires dans le cadre de la préparation de son recours.

100    En conséquence, il sera fait une juste appréciation de la cause en décidant de mettre à la charge du Cedefop, outre ses propres dépens, le quart des dépens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Patsarika supporte les trois quarts de ses propres dépens.

3)      Le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle supporte ses propres dépens et un quart des dépens de Mme Patsarika.

Kanninen

Kreppel

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mars 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le grec.